Chine : Plein cap sur la recherche
Transcription
Chine : Plein cap sur la recherche
Dossier Biotech Chine Plein cap sur la recherche Longtemps reléguées à la sous-traitance, les industries pharma et biotech chinoises mettent l’accent sur leur R&D. Américains et Européens les y encouragent et participent à la construction d’un savoir-faire chinois. L e marché biomédical prend singapouriens. « Les bureaucrates son essor en Chine. Entre et les intervenants chinois ont été 2000 et 2005, son taux très intéressés pour venir voir de croissance annuel s’est nos méthodes aux Etats-Unis, établi à 30 % pour atteindre explique le vice-président du trois milliards de yuans (300 conseil d’administration de la millions d’euros) contre 19 SABPA, Hui Li. On ne cher% pour l’ensemble de l’indusche pas le consensus, on veut trie pharmaceutique mondiale. que les gens des deux bords se Cette croissance, parmi les plus réunissent pour échanger leurs fortes au monde, ainsi qu’un respoints de vue. » « Les attentes pect des normes de qualité qui s’afsont très fortes sur le plan scientifermit, font désormais de la Chine fique, les membres veulent discuter un partenaire de choix pour les compaet obtenir des informations, ajoute-tgnies américaines et européennes. il. Cela va de pair avec le large afflux de Si les Occidentaux ont encore un pas HUI LI (SABPA) : « AUJOURD’HUI professionnels qui ont migré d’Asie vers les d’avance sur l’industrie chinoise, cette L’INTERACTION EST Etats-Unis à partir de 2001. Toute cette midernière apprend très vite avec le retour BIDIRECTIONNELLE ENTRE L’AIRE gration unilatérale de scientifiques chinois aux commandes de ses chercheurs ayant PACIFIQUE ET L’AMÉRIQUE » cherchait à acquérir des compétences et un étudié à l’étranger, les « sea turtles », le savoir-faire. » Depuis, l’industrie biomédifinancement accru du gouvernement et l’échange avec les cale a explosé en Asie. En atteste la forte progression du multinationales sur son sol. Les recherches biomédicales nombre de CRO, qui, de une ou deux à l’époque, est de pointe l’intéressent vivement et elle n’y voit aucun ta- passé aujourd’hui à une centaine. bou. Le segment biotech du marché ne représente certes que 7,4 % de toute l’industrie pharma chinoise, mais qui Des relations bilatérales : la R&D sait s’il ne pourrait pas bientôt nous surprendre ? Côté américain, les attentes sont doubles. « Avec la politique actuelle de réduction des coûts, et le fait qu’il y Des relations unilatérales : la sous-traitance a moins de produits qu’avant dans le pipeline, il y a un Pour tisser des liens avec l’aire Asie-Pacifique, et à plus besoin des industriels américains de faire faire certaines forte raison la Chine, quelques chercheurs de la com- tâches en Asie, explique Hui Li. La sous-traitance reste la munauté chinoise de San Diego fondent en 2002 la part la plus visible de l’industrie. » A cela s’ajoute l’afflux Sino-American Biomedical and Pharmaceutical Profes- de personnel qualifié de retour en Asie, et l’ouverture de sionals Association (SABPA). L’association, qui compte centres R&D en Chine. « Une dynamique a été créée. aujourd’hui plus de 2 000 membres, organise chaque an- Une R&D originale combinée avec de bons instituts de née son forum Pacifique pendant lequel sont organisés des recherche et un réseau de CRO qui se met en place font débats auxquels participent un public majoritairement de la Chine un endroit clef », conclut Hui Li. constitué d’industriels américains, mais aussi chinois et L’action gouvernementale chinoise a officiellement mis >>> 52 PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2009 Dossier Biotech des centres d’appel et des plates-formes de soutien via Internet, et de lui rattacher un laboratoire d’applications. Cela permettra de faire des formations et du soutien de produits clé en mains. « L’une des raison du succès de l’activité industrielle dans la région est liée au fait que de plus en plus de compagnies locales deviennent des acteurs mondiaux, explique Patty Li. Ils sont nos principaux clients et doivent atteindre les plus haut standards de qualité. » LE SITE DE SHANGHAI ROCHE PHARMACEUTICALS LTD Vers une inversion des rôles ? DR Le 863 High-Tech R&D Program (863 Program) est l’un des programmes du 11ème plan quiquennal (2006-2010). Il a été doté en 2007 de 400 millions de yuans (40 millions d’euros) pour la réalisation de projets qui représentent 11 domaines prioritaires de recherche biotech dont la commercialisation de produits, la thérapie génique et cellulaire, et l’immunothérapie pour les épidémies majeures. Même si plus de 90 % du marché biotech est dominé par des copies de médicaments biotech existant déjà au Japon et aux Etats-Unis – les nouveaux produits ne représentant qu’entre 3 et 7 % du marché – la commercialisation est un des objectifs ultimes du programme 863. Les résultats attendus des financements publics incluent le dépôt de brevets, des produits commercialisés ou des contributions au PIB national. « En ce qui concerne les cellules souches, aux Etats-Unis, les professionnels sont très prudents, note Hui Li, le vice-président de la SABPA. Les recherches biomédicales n’étaient et ne sont toujours pas bien perçues par l’opinion publique. D’autant qu’à présent, l’administration est en pleine réforme de la santé, ainsi ils n’encouragent pas les gens à faire de la recherche. Le gouvernement est en train de changer les règles vers une absence totale de financement. Les lois sont plus indulgentes en Chine et à Singapour, les chercheurs obtiennent de bien meilleurs financements même si cela ne concerne encore qu’une minorité. » Ainsi, Roche Nimblegen, spécialiste des puces à ADN, intégré à Roche Applied Science en juin 2007, prépare son installation en Chine dans le courant de l’année en collaboration avec une entreprise biotech chinoise de microréseaux afin de proposer des solutions sur mesure aux clients chinois. Appuyées par l’investissement et la volonté du gouvernement chinois, et aidées par des compagnies étrangères, la recherche et l’industrie biomédicale chinoise poursuivent un effort commencé il y a quelques années à peine. Il y a fort à parier que les résultats ne se feront pas attendre et malgré le scepticisme de certains, les découvertes médicales innovantes seront peut-être dues aux actions actuelles de cette minorité agissante. n >>> la priorité sur la R&D dès son 10ème plan quinquennal (2001-2005). Le gouvernement a mis en avant la biotechnologie comme une industrie prioritaire et finance à la fois la recherche et le développement de produits. « En effet, les résultats obtenus par la recherche de pointe chinoise sont de bien meilleure qualité, plus proche de la recherche occidentale, indique Hui Li. Et avec le retour des « sea turtles », les équipes de recherche savent ce qui est à la pointe de la technologie et la pertinence de certains sujets de recherche, ce qui n’était pas le cas auparavant. Aujourd’hui l’interaction est bidirectionnelle entre l’aire Pacifique et l’Amérique. Maintenant les entreprises pharma considèrent la Chine comme un partenaire stratégique et non plus seulement comme un lieu de services peu coûteux. » En effet, en 2006, la Chine se classe deuxième derrière les Etats-Unis pour la publication scientifique, soulignant ainsi l’amélioration de sa recherche et de sa capacité innovante ainsi que le plus grand engagement de ses scientifiques dans la communauté internationale. Le soutien d’un géant occidental aux compagnies locales En mai dernier, Roche a ouvert à Shanghai le Roche Applied Science Application Support Centre (RAS), centre de soutien régional non seulement pour les scientifiques chinois mais aussi de la région Asie-Pacifique (APAC). Les neuf professionnels engagés par Roche aident les chercheurs et les scientifiques à résoudre leurs problèmes techniques dans leurs activités de recherche quotidienne. Leurs compétences vont de la PCR en temps réel, au séquençage, en passant par les microréseaux et l’analyse cellulaire. « L’APAC est la région en plus forte croissance pour l’activité du RAS, souligne Patty Li, responsable du département de communication régional chez Roche Diagnostics Asie-Pacifique. En 2008, ses ventes dans la région APAC ont augmenté de plus de 20% par rapport à l’année précédente. » L’année prochaine, Roche prévoit de développer les fonctions actuelles du centre, avec 54 PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2009 Emilie Li Ah Kim