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La Presse, Publié le 23 août 2016 ​|​ Mis à jour le 25 août 2016 Séisme en Italie: 241 morts, les questions fusent Des secouristes prennent une pause à Amatrice, ville particulièrement détruite par le séisme. PHOTO EMILIO FRAILE, AP ELLA IDE​, ​LJUBOMIR MILASIN Agence France­Presse AMATRICE L'Italie s'interrogeait jeudi sur les raisons d'un bilan de 241 morts, au lendemain du séisme meurtrier qui a réduit à l'état de ruines plusieurs villages dans le centre du pays. La protection civile a ramené à 241, contre 247 précédemment, le bilan des victimes, prévenant toutefois qu'il pouvait encore s'aggraver. La responsable du département des situations d'urgence de la protection civile italienne, Immacolata Postiglione a indiqué jeudi en fin de matinée qu'il y avait désormais quelque 270 blessés hospitalisés. Des centaines de rescapés ont passé leur première nuit dehors, qui dans une tente érigée à la hâte par la protection civile, qui préférant sa voiture quand il a la chance d'en avoir encore une. «Nous sommes encore sous le choc. Nous avons dormi dans la voiture cette nuit, bien qu'avec toutes les secousses, c'était difficile de dormir», a raconté à l'AFP Mario, père de deux petits garçons. Des dizaines de répliques ont été ressenties dans la nuit et jeudi matin, dont une forte secousse vers 14h30, réveillant la peur pour les survivants et l'angoisse des secouristes, contraints de s'interrompre par exemple à Amatrice lorsqu'un pan de mur s'est écroulé à côté d'eux. La protection civile n'a en revanche toujours pas donné d'indication sur le nombre de disparus. Des chiffres allant de moins de 50 à plusieurs centaines ont circulé toute la journée mercredi, et il restait difficile jeudi d'avoir une évaluation précise. L'hôtel Roma complètement détruit à Amatrice, l'un des villages les plus touchés, a fait craindre le pire. Le propriétaire de cet hôtel a assuré aux secouristes que nombre de ses clients, un peu plus d'une trentaine, étaient parvenus à se mettre à l'abri au début du tremblement de terre. La population de ces villages pittoresques et touristiques triple ou quadruple l'été, rendant difficile l'évaluation du nombre de personnes présentes sur les lieux au moment du drame. Le maire d'Arquata del Tronto, Aleandro Petrucci, a d'ailleurs lancé un appel à tous les rescapés ayant quitté son village, l'un des plus touchés, afin de faciliter un décompte des éventuels disparus. Des milliers de bénévoles et professionnels continuaient jeudi à chercher sous les décombres une trace de vie aussi minime soit elle, après une nuit apparemment pour rien. Mme Postiglione n'a en effet pas fait mention jeudi d'éventuels survivants retrouvés pendant la nuit. Mais, a souligné de son côté un responsable des pompiers, le dernier survivant du tremblement de terre de L'Aquila en 2009 a été sauvé 72 heures après la catastrophe. Sans une égratignure Mercredi, après plus de quinze heures de travail acharné, les pompiers italiens avaient extrait vivante une fillette d'une dizaine d'années. La petite Georgia, sans une égratignure mais couverte de poussière, est restée impassible dans les bras de son sauveteur qui l'emportait au loin sous les vivats de la foule. Jeudi, l'Italie a commencé à se mobiliser, multipliant les initiatives, privées ou publiques pour venir en aide aux centaines de gens ayant perdu leur toit et parfois tous leurs biens. Plus de 24 heures après le drame, des questions se posent aussi sur le pourquoi d'un bilan aussi lourd dans une zone relativement peu peuplée et composée uniquement de villages. Un examen d'éventuels dommages au patrimoine artistique et culturel va également être entrepris, a annoncé le ministère de la Culture. Le tremblement de terre à L'Aquila, non loin de la zone du séisme de mercredi, avait fait plus de 300 morts. Mais il s'agissait alors d'une ville de plusieurs dizaines de milliers d'habitants. Le président du Conseil italien Matteo Renzi, interrogé mercredi sur ce point, a évoqué une caractéristique de très nombreux villages et bourgs italiens: l'existence de centres historiques datant de plusieurs siècles, «très beaux, mais qui risquent beaucoup plus». Reste l'exemple, incompréhensible pour certains, scandaleux pour les autres, de l'école d'Amatrice, rénovée en 2012 pour l'adapter aux normes anti­sismiques et réduite à l'état de décombres mercredi. Une enquête a d'ailleurs été ouverte par le procureur de Rieti, ville proche du lieu du séisme, pour évaluer d'éventuelles malversations à Amatrice et dans les villages concernés. Amatrice, village meurtri et coupé en deux Amatrice, village de montagne dévasté par un puissant séisme, est coupé en deux. Les accès se font par deux routes, au nord et au sud, mais au milieu, entre les deux, c'est la zone interdite, la zone morte, où les grues, les excavateurs et les secouristes travaillent sans relâche, nuit et jour. «La situation est pire qu'une guerre. Nous n'avons plus rien. Ma mère ne méritait pas une mort pareille», pleure Rita Rosine, 63 ans, qui a perdu sa mère dans le séisme, et dont la maison n'est désormais plus que décombres. Pourtant toutes ne se sont pas effondrées et ce qui reste du village révèle des scènes apocalyptiques et insolites. Une maison semble normale, debout, trois étages entiers, mais à bien regarder, il n'y a plus de façade, le regard plonge à l'intérieur. Jeudi après­midi une nouvelle secousse, plus forte que les autres, a semé un moment l'angoisse, achevé surtout de détruire quelques maisons et soulevé la poussière dans les décombres du centre historique du village. Mais en dépit de ces dizaines de répliques, dont la plupart n'éveillent même plus la peur, des habitants tentent de récupérer une partie de leurs biens. Un vieux monsieur, accompagné d'un jeune homme, sort d'une maison. Il pousse une valise avec des roulettes, le plus jeune porte en soufflant un grand téléviseur à écran plat. «Jusqu'au bout» Plus loin les secouristes ­ ils sont des centaines à s'être mobilisés ­ fouillent encore les décombres. «Nous espérons toujours trouver des survivants, nous travaillons jusqu'au bout pour ça», explique à l'AFP Luigi D'Angelo, responsable local de la protection civile, qui coordonne les opérations de secours. Mais il y aussi ceux qui ont tout perdu et qu'il faut maintenant loger, nourrir et préserver de toute nouvelle menace de séisme. «La priorité maintenant est d'assurer un logement pour toutes les personnes sans abri, nous montons des villages de tentes dans toutes les localités touchées», assure ce responsable. «Ici, le froid vient rapidement, en septembre déjà, donc dès maintenant on est dans l'urgence. On verra ensuite avec les autorités locales comment résoudre de manière durable le problème des personnes déplacées», dit­il. La marche des secours est impressionnante. Des dizaines de véhicules en tout genre, dont d'énormes camions portant des engins de déblaiement, se fraient un chemin sur la petite route de montagne qui conduit à Amatrice. Des centaines de pompiers, volontaires de la protection civile, militaires, membres des forces de l'ordre, techniciens, ingénieurs, sont déjà sur place, créant parfois d'énormes embouteillages. Au milieu de cette activité fébrile, trois femmes, dont une enceinte, distribuent des vêtements sur une pelouse, en plein soleil, à ceux qui n'ont rien à se mettre. Trois hommes revêtus de treillis militaires se choisissent chacun un jean. Plus loin, une cuisine de campagne prépare et distribue des repas à tous ceux qui en ont besoin, en dépit de l'absence d'électricité, toujours pas revenue. Des cuisiniers volontaires se sont toutefois mobilisés pour préparer des «tortiglioni all'amatriciana», la spécialité locale à base de pâtes. Pour la soirée, ils ont l'intention d'offrir une soupe chaude, pour tous ceux qui devront passer la nuit dehors, quand la température descend sous les dix degrés.