L`ABC, facteur d`efficience des services internes
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L`ABC, facteur d`efficience des services internes
1998.06 L’ABC, facteur d’efficience des services internes : application aux systèmes d’information au sein de Digital Equipment Corporation Andréas Dworaczek*, Brigitte Oger** * Digital Equipment France1 ; ** Maître de conférences à l’ IAE de Paris2 Résumé : L’ABC (Activity Based Costing) et l’ABM (Activity Based Management) s’appliquent aux fonctions de production, mais aussi aux fonctions de support. Ainsi, cet article traite principalement de la mise en œuvre de l’ABC dans la fonction informatique chez Digital Equipment. L’ABC vise la maîtrise des coûts. Dans le domaine de la fonction informatique d’une entreprise, la classification des coûts se complexifie avec l’introduction des architectures clientserveurs et des ouvertures vers l’Internet. Des arbitrages d’affectation de coûts seront toujours nécessaires. Notamment, il faut distinguer clairement la mesure des coûts des services rendus par l’informatique (au moyen de l’ABC) de leur valorisation et facturation au sein de l’entreprise, avec des outils pour développer des comportements voulus par le management (notamment grâce à l’ABM). L’ABM vise en priorité la maîtrise de la valeur apportée aux clients — ici les clients internes de la fonction informatique. Dans le cas présenté, cette démarche résulte d’une approche commune entre la direction générale, la direction informatique et les autres directions de l’entreprise. Nous verrons que la valeur perçue dépend beaucoup de la nature des prestations informatiques délivrées et de leur degré d’utilisation, ce qui présuppose l’identification de ces services fournis et l’acceptation de leur coût par les utilisateurs. Nous montrons dans cet article comment l’ABC et l’ABM permettent ainsi d’optimiser l’utilisation de l’informatique dans l’entreprise. Les expériences dans ce domaine chez Digital Equipment Corporation montrent en particulier que : 1) le processus complet de la mise en œuvre de l’ABC nécessite de la persévérance; 2) l’ABC n’est pas un outil miracle pour résoudre tous les problèmes des coûts indirects, mais il contribue à rendre les arbitrages plus objectifs; 3) l’ABC est un outil particulièrement adapté et adaptable à des environnements très évolutifs et à des processus transversaux; 4) l’ABC peut fournir des données pour des restructurations importantes et accompagner un changement de culture; 5) l’ABC peut induire des réductions de coûts sensibles tout en améliorant la qualité des services fournis Mots-clés : Méthode ABC, Management par les activités, Système d’information, Qualité des services informatiques. Abstract : ABC (Activity Based Costing) and ABM (Activity Based Management) are applicable to production functions and also to support functions. This article treats principally the introduction of ABC in the computer services area at Digital Equipment. ABC aims to establish control over costs. In the area of enterprise computer services, cost classification becomes more complex with the introduction of client-servers architectures and openings towards Internet. It will always be necessary to arbitrate with respect to cost allocations. In particular, clear distinction must be made between the measurement of cost services rendered by computer services (by means of ABC) and their valuation and invoicing within the enterprise, with the tools to develop the behavior sought by management (notably through ABM). As a matter of priority, ABM aims to obtain mastery over the value afforded to clients, in this instance, internal users of computer services. In the case presented, this results from a combined approach between top management, computer services management and other enterprise managers. It will be seen that the perceived value depends largely on the nature of the computer services provided and the extent of their utilisation. This presupposes the identification of services 1. Digital Equipment France, 5 rue de la Renaissance, 92187 Antony Cedex ; e.mail : [email protected] 2. Bénéficiaire du financement d’un séjour de recherche aux Etats Unis par la Fondation Nationale pour l’Enseignement de la Gestion des Entreprises. IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1998.06 - 2 supplied and the acceptance of their cost by users. We will show in this article how, in this way, ABC and ABM allow the optimisation of enterprise computers. Experience in this area within Digital Equipment Corporation shows, in particular, that : 1) the complete process of installing ABC calls for perseverance ; 2) ABC is not a miracle solution for all indirect cost problems, but allows more objective arbitrations; 3) ABC is a tool that is particularly adapted and adaptable to environments that are changing rapidly and to transversal processes ; 4) ABC is able to furnish information for large restructurisations and to accompagny cultural change ; 5) ABC can induce significant cost savings and at the same time improve the quality of services supplied. Key words : ABC method, Activity-based management, Information Systems, Quality of computer services. L’approche ABC (Activity Based Costing) a pour objectifs de mieux mesurer la consommation de ressources (en hommes, machines, fournitures, locaux) liée aux activités et aux processus, d’obtenir des coûts plus pertinents, d’institutionnaliser la saisie, la conservation et la diffusion de l’information stratégique sur les coûts. La démarche ABC a été d’abord développée dans les domaines des fonctions directement productives dans l’industrie, puis dans le tertiaire (banques, sociétés d’assurance, etc.). Mais il n’y a aucune raison pour ne pas l’appliquer également aux fonctions de support, c’est-à-dire aux services fonctionnels internes d’une entreprise. La motivation est la même : connaître et maîtriser les coûts des processus transversaux, qui sont considérés comme décisifs pour le succès de l’entreprise. De plus, l’efficacité plus grande des services de support est aujourd’hui la source potentielle de gains importants de profitabilité et d’amélioration des performances. Dans l’industrie, les objets de coût sont identifiés de manière précise, notamment grâce aux nomenclatures et aux gammes opératoires. Afin de pouvoir appliquer l’ABC aux services de support, il faut un travail équivalent de modélisation des processus aboutissant à la description et à la normalisation des services rendus aux clients 1. Pour cela, il est nécessaire d’analyser l’ensemble de la chaîne des processus et activités transversales aboutissant aux prestations fournies, depuis les fournisseurs jusqu’aux partenaires et clients. Ce sont l’efficacité et la qualité globale de toute la chaîne, du traitement de la commande jusqu’à la livraison, qui sont perçues par le client, et non l’efficacité et la qualité de chacune des étapes de cette chaîne. Ce sont donc ces processus globaux, composés par les activités, qui sont les objets primordiaux d’une gestion par les activités pour ces fonctions de support. La plupart des secteurs économiques incluant les secteurs des services, et particulièrement l’informatique, vivent des mutations difficiles et variées. Dans un tel contexte, seule l’application de l’ABC sur la durée (plusieurs années) nous semble intéressante, car produisant des résultats qui peuvent permettre de mesurer les progrès obtenus par rapport au passé et par rapport à la concurrence. Ainsi, une démarche ABC doit être partie intégrante de l’amélioration des performances de l’entreprise. Après avoir présenté dans un premier temps le cadre général d’une application ABC/ABM à la fonction informatique d’une entreprise, nous décrirons la mise en œuvre d’une démarche ABC chez Digital Equipment Corporation pour en tirer les leçons généralisables à d’autres contextes 1. En ce qui concerne la tendance à la standardisation des services, voir, par exemple, I. Lacombe [7]. IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1998.06 - 1 3 Le cadre général d’une application ABC/ABM à la fonction informatique Envisageons notre réflexion, pour un département informatique d’une entreprise, à partir du schéma général de fonctionnement d’ABC (cf. figure 1) : Figure 1 : schéma de fonctionnement d’ABC Ressources Fonctions et Sous-Fonctions (sections analyt.) Vecteurs (inducteurs) de consommation de ressources (VR) Unités de mesure opérationnelles non-financières (temps,quantités, pourcentages, degrés, ....) Activités Activités des Fonctions et Sous-Fonctions Vecteurs (inducteurs) de coûts des activités (VC) Coûts des unités d’oeuvre (1 par activités) Produits/ Services Coûts des composants des produits/services Coûts de revient Dans un environnement d’architecture client-serveur avec des ordinateurs PC comme postes de travail standards, on peut définir quatre grandes catégories de services fournis par le département informatique d’une entreprise : - le fonctionnement d’un réseau (opérations de connexion et de transmission); - les fonctions transversales (utilisation de logiciels bureautiques); - les fonctions verticales (utilisation d’applications de métier, de progiciels et d’applications spécifiques); - la disponibilité d’outils individuels de travail (mise à disposition et maintenance d’un pc avec logiciels système, imprimante, fax, etc.). La dernière catégorie est récente et elle est en train de gagner en importance, avec des managers, des commerciaux et des personnels équipés, de plus en plus, avec toute une panoplie d’outils individuels connectables partout sur des réseaux. Les modalités de la fourniture de ces prestations informatiques aux utilisateurs de l’entreprise ont quelques caractéristiques bien spécifiques. Il y a assez peu de transactions directes d’homme à homme, à l’exception de certaines activités de support. Essentiellement, les prestations concernent la mise à disposition des utilisateurs de capacités des systèmes informatique, permettant de recevoir, de transmettre, de stocker et de traiter des informations. Dans des environnements client-serveur, l’utilisation individuelle de ces capacités ne peut pas être ou n’est pas mesurée en totalité ou en grande partie,. Les différentes prestations décrites ci-dessus sont liées à quatre catégories d’activités que l’on peut résumer de la manière suivante : - développement/mise en œuvre d’outils bureautiques ou fonctionnels; IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1998.06 - 4 - exploitation; - maintenance/réparation; - support/conseil. En ce qui concerne les ressources, il y a bien évidemment les ressources humaines et les actifs utilisés. Pour les ressources humaines, on pourra reprendre la classification et la mesure des coûts établis par la direction des ressources humaines. Dans les actifs, on distinguera ceux utilisés par le personnel informatique de ceux directement mis à la disposition des utilisateurs. Clarifions les notions utilisées à la figure 1 avec un exemple significatif. Une prestation fournie par l’informatique est par exemple la « mise à disposition d’un pc en réseau ». Une des activités exécutées pour délivrer ce service est « l’installation d’un pc ». Le pc lui-même est une ressource pour cette activité. Mais les entreprises savent bien, que le coût du pc n’est qu’une partie relativement limitée du coût de la « mise à disposition d’un pc en réseau » ! Il faudra donc rechercher les coûts des autres ressources mobilisées pour ce type de service rendu. La détermination des VR (Vecteurs de consommation de Ressources) et des VA (Vecteurs de coûts des Activités) proviendra de la connaissance des métiers informatiques et de leur exercice dans l’entreprise. Les compétences professionnelles sont entièrement à décrire, car le management attendra d’une direction informatique des explications et des justifications convaincantes pour les coûts générés par les prestations informatiques. 1-1 De l’ABC à l’ABM On peut mener une politique informatique sans avoir fait de l’ABC. Les modes d’organisation et les outils décrits dans cet article peuvent exister et existent sans l’ABC. Mais nous sommes convaincus que l’approche ABC est la plus pertinente pour connaître les coûts informatiques dans les moyennes et grandes entreprises. Dans ce dernier contexte, on mènera alors une politique informatique en toute connaissance de cause. Par la suite, l’approche initiale, basée sur l’ABC, incite à aller vers l’ABM (Activity Based Management), c’est-à-dire vers le management des processus et activités où la vision globale de l’entreprise prédomine. Les approches conjointes ABC et ABM1 permettent de mieux identifier et de mieux suivre les processus de création de valeur. L’ABM utilise l’information pour améliorer les pratiques des opérationnels et pour orienter l’effort de chaque salarié en direction de l’augmentation de valeur apportée au client. Il aide à répondre aux questions du type: «Un processus pourrait-il être simplifié ?», «Comment pourrait-on faire autrement pour le réaliser?», «Qu’est ce qui empêche de faire mieux ?». L’ABM permet aussi de cerner les coûts et les activités sans valeur ajoutée (activités liées aux erreurs, corrections, retards, mesures trop rapprochées, prestations inutiles, collectes d’informations trop lourdes, réunions trop nombreuses, contrôles redondants, …). Dans une approche client, l’ABM vise également à adapter les services aux besoins réels des utilisateurs. Cela vaut particulièrement pour les entreprises qui regardent leur fonction informatique, non pas uniquement comme un centre de coûts, mais aussi comme un centre de création de valeur. L’ABM appliqué à un département informatique a donc pour but d’optimiser les contributions de cette fonction à la performance globale de l’entreprise. 1-2 Des services professionnels pour des utilisateurs-clients L’ABC et l’ABM doivent être construits sur un principe : il s’agit de traiter les utilisateurs internes exactement comme des clients et de mettre en œuvre un certain nombre de procédures utilisées par les prestataires externes. L’expérience nous a conduits à dégager quelques lignes conductrices : - bien connaître les clients ou utilisateurs internes, leurs valeurs , leurs attentes; - développer un portefeuille approprié et différencié de prestations; 1. Il est important d’ éviter le risque de déconnexion entre la mesure (le coût) et la stratégie (la valeur). IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1998.06 - 5 - rendre la prestation la plus tangible possible, avec des définitions précises des résultats à attendre et des modalités d’exécution, pour construire des relations clients-fournisseurs contractuelles valables avec un maximum de transparence opérationnelle pour les deux parties (minimisation du risque du non-dit, de l’interprétable, suppression des sources de non qualité). Dans l’ère de l’outsourcing il faut déjà commencer par la justification de l’existence même d’un service informatique interne. Cela passe par la mise en place d’une démarche de marketing et de vente interne afin de convaincre les responsables des centres de coûts de l’intérêt et du rapport qualité/prix des services que fournit l’informatique interne. Il s’agit alors d’identifier les besoins et les attentes, de concevoir les prestations à offrir, les faire connaître et convaincre les utilisateurs de l’intérêt de les acheter. La vente interne de prestations normalisées devrait se faire à travers un catalogue de services. Ce catalogue contiendra, pour chaque service fourni, des éléments comme sa description sommaire et détaillée, sa mesure quantitative (volumes, horaires, taux de disponibilité etc.), ses prérequis, le support utilisé, le prix, les modalités de commande et d’annulation. La vente interne de services spécifiques devrait se faire à travers des contrats de prestations, qui définissent, pour chacun, ses objectifs, son périmètre et son champ d’application, le fournisseur responsable et les ressources mobilisées (incluant les sous-traitants), les responsabilités des utilisateurs-clients , les résultats mesurables à atteindre, la désignation d’un comité d’arbitrage et de révision, les prix de cession ou/et les transferts de coûts à opérer en interne (la facturation interne). Nous avions indiqué que l’ABC sert à connaître, dans la mesure du possible, les coûts des services informatiques. Dans les systèmes de management et de gestion il faut clairement distinguer cette détermination des coûts et la facturation interne des services consommés. Cette facturation, qui peut prendre des formes différentes, est clairement un outil politique qui vise à influencer les comportements des managers et des employés vers une utilisation de l’informatique dans le sens des objectifs de l’entreprise. Elle doit être cohérente avec l’efficacité attendue des différentes fonctions d’entreprise et les pratiques de management en vigueur. Illustrons ce propos par un exemple : si on incite la fonction marketing à ne plus produire et distribuer des brochures et des documentations sur papier, mais à mettre plutôt ses informations sur le réseau à la disposition de tous ceux qui y ont accès, on ne doit pas rendre trop coûteuse la facturation interne de l’utilisation des réseaux et des serveurs. 1-3 De l’informatique dirigiste vers l’informatique d’offre de services Actuellement, nous sommes de plus en plus loin de ce que l’on pourrait appeler une informatique dirigiste, où l’utilisateur était essentiellement un exécutant, qui appliquait d’une manière prescrite et prévisible des opérations programmées derrière des écrans passifs. Aujourd’hui, l’utilisation de l’informatique dans les grandes entreprises est caractérisée par la complexité fonctionnelle, liée aux métiers, qui ne peut pas être maîtrisée par les informaticiens. Ces derniers doivent plutôt fournir aux utilisateurs des outils souples et adaptables. Les utilisateurs internes se trouvent dans des réseaux de processus transversaux multiples où ils communiquent avec beaucoup de personnes. Leurs activités sont en interdépendance avec les activités de leurs collègues et, de plus en plus, avec celles de leurs partenaires externes. Rappelons-nous que cette réalité est à la base de toute l’approche ABC et ABM. Les logiciels des utilisateurs eux-mêmes permettent souvent d ‘employer des chemins différents pour exécuter des tâches et pour arriver à un résultat visé. La complexité fonctionnelle, l’intégration dans des processus transversaux et la richesse des logiciels font que l’utilisateur doit avoir les compétences et la motivation nécessaires pour développer ses propres modes d’exécution de tâches et d’insertion dans les réseaux de communica- IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1998.06 - 6 tion. L’utilisateur a plus de possibilités et plus de responsabilités. Ainsi l’informatique fournit peu de produits ou services finis, mais offre plus de services semi-finis, ouverts. Il est clair que, pour des raisons d’efficacité et de qualité de travail, les services informatiques ne doivent pas laisser l’utilisateur seul devant une complexité importante et des choix souvent trop nombreux. L’informatique interne doit donc orienter et guider les utilisateurs, en amont, et leur fournir du support et de l’aide, en aval. En partant des analyses de coûts par l’ABC, la politique informatique pourra alors avec une approche ABM s’articuler logiquement autour de quatre axes : - la communication active envers les utilisateurs-clients; - l’implication des utilisateurs-clients dans la conception et la mise en œuvre de nouveaux services; - la mise en place de structures de support simples, claires et fiables pour les utilisateurs; - l’établissement de boucles d’améliorations continues grâce à l’exploitation du feedback des utilisateurs. 2 L’Activity Based Costing (ABC) appliqué aux systèmes d’information au sein de Digital Equipment Corporation. Digital Equipment Corporation est un constructeur informatique présent sur tous les continents, avec un chiffre d’affaires d’environ 75 milliards de francs et 54 000 personnes. Dans ce groupe international, il y a cinq divisions de production et de commercialisation et neuf fonctions de support, dont la deuxième, par ordre d’importance, est dénommée CCS, «Communication and Computing Systems». Cette structure est en charge des systèmes informatiques internes et de la téléphonie. Le CCS est un centre de coût. Ses frais de fonctionnement sont redistribués aux autres divisions qui sont des centres de profit. Il y a donc un impact direct sur leurs marges des coûts du CCS. Dans cette fonction, on emploie régulièrement les technologies de pointe, fournies par la production propre du groupe et des partenaires de Digital. À côté de son utilité propre en interne, le CCS a aussi une vocation de vitrine. Au début des années 1990, Digital était confronté à trois problèmes sérieux simultanés : - la restructuration intensive et rapide de ses marchés; - des résultats financiers négatifs; - la mauvaise connaissance de ses coûts avec une comptabilité analytique peu développée. Il fallait donc d’urgence et simultanément : - identifier et comprendre les coûts des opérations et des centres de responsabilités; - améliorer les performances et la rentabilité; - s’adapter aux marchés en créant ou en abandonnant certaines activités, lignes de produits et services en fonction des besoins nouveaux des clients. 2-1 Les motivations pour appliquer l’ABC à l’informatique interne À partir de 1991 les premiers champs d’application d’ABC ont concerné les domaines de la production et de la logistique. Au vu des résultats concluants, on décida, en 1993, d’appliquer l’analyse ABC aux systèmes d’information et à la fonction CCS. Lors des comparaisons de l’ABC par rapport au système de comptabilité analytique en vigueur dans l’entreprise, on a constaté trois avantages : - l’outil ABC est plus souple et adaptable à des environnements évolutifs et des priorités de gestion changeantes; IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1998.06 - 7 - l’ABC est tout à fait adapté à la mesure des objets de coûts — dans notre cas des services rendus aux utilisateurs internes de l’informatique -, provenant des processus transversaux qui impliquent plusieurs contributions de départements différents du CCS qui sont aussi des centres de coût; - l’ABC prend explicitement en compte — à travers des vecteurs (inducteurs) de consommation et de coût — les causes des coûts et amène ainsi logiquement à des propositions d’amélioration des performances. Les contraintes essentielles de l’application d’ABC étaient de réduire les coûts, sans casser les équilibres structurels des systèmes d’information, sans supprimer ni réduire les prestations significatives pour l’entreprise (les prestations qui apportent de la valeur). L’optimisation des coûts des prestations incluait la prise en compte de comparaisons (benchmarking). Le benchmarking fut principalement appliqué en interne, entre zones géographiques (notamment Etats-Unis et Europe) et entre pays, à l’intérieur d’une même zone. On était alors relativement sûr de parler des mêmes choses avec les mêmes notions. De temps à autre, des comparaisons ont été faites avec d’autres entreprises de la même branche. Mais il était nécessaire de faire attention aux interprétations des résultats. En la matière, les cabinets de conseil et les associations de benchmarking ont un rôle important à jouer pour élargir la base des comparaisons (benchmarks) et normaliser les modes de mesure. En parallèle à la maîtrise des coûts, Digital visait pour les systèmes d’information l’amélioration de la qualité et la certification ISO 9000. Toutes ces évolutions impliquaient également un changement de culture : mettre au point des relations client-fournisseur entre le CCS et le reste du personnel ; définir des tarifs et obtenir, dans ce domaine, le consensus des utilisateurs ; intégrer les feedbacks des utilisateurs (degré de satisfaction, taux d’utilisation, demandes de services) dans le processus annuel de budgétisation. 2-2 La mise en œuvre de l’ABC Après la décision de principe d’appliquer l’ABC, on a choisi un pays pilote (la France en l’occurrence) avec une équipe dédiée de quatre personnes : un chef de projet, un contrôleur de gestion, un ingénieur logiciel pour l’outil informatique à mettre en place, un opérationnel du CCS connaissant bien les systèmes d’information et les processus. La conception du modèle ABC a duré cinq mois et a demandé : - la définition du périmètre concret et précis du modèle et donc de l’application ABC; - la définition et la validation des activités, d’après les interviews du management du CCS (ces entretiens ont été effectués par l’opérationnel du CCS); - l’identification et le choix des inducteurs significatifs par le chef de projet; - la définition des autres éléments du modèle ABC et le choix de l’outil logiciel (en l’occurrence, EasyABC) par le chef de projet; - l’aide d’un cabinet de conseil pendant cinq mois (plus un mois pour accompagner le lancement de la phase suivante concernant l’ABM). Ensuite, l’équipe a effectué une phase de test d’un an. Pendant cette période, l’ingénieur logiciel a mis en place la collecte et le paramétrage des données, le contrôleur de gestion a vérifié la cohérence des données ABC avec les systèmes comptables et la cohérence interne du système ABC. IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1998.06 - 8 À partir de cette phase, le système ABC a fonctionné dans son principe. Mais il a fallu encore une deuxième année, jusqu’à ce que les tarifications et facturations internes soient acceptées et mises en pratique, pour que les comparaisons internes (benchmarks) réussissent à homogénéiser suffisamment la fonction CCS à travers le monde et pour que des mesures fiables1 et une budgétisation réaliste et stimulante, dans tous les pays, puissent véritablement exister. L’exploitation du système ABC a généré des tâches importantes comme, notamment, la mise à jour des données, la production des rapports, la facturation interne, l’ajustement et, le cas échéant, la renégociation des tarifs avec les managers des fonctions et des divisions. 2-3 Les expériences tirées du fonctionnement de l’ABC depuis 5 ans Au cours des années, on a oscillé entre des modèles ABC sophistiqués, cherchant une précision importante, et des modèles simples, visant à suivre quelques indicateurs clés. Mais les deux types de modèles extrêmes ne donnaient pas satisfaction. Les modèles complexes étaient fastidieux à faire fonctionner2et les résultats étaient difficiles à interpréter. À l’inverse, les modèles simples ne reflétaient pas suffisamment les réalités opérationnelles et les marges d’erreur y étaient trop importantes. Aujourd’hui, le modèle ABC s’est stabilisé dans une zone médiane, avec environ cinq natures de dépenses principales et types de prestations principales, dix à quinze inducteurs, activités et types de clients. Le fonctionnement de l’ABC appliqué à l’informatique interne peut être schématisé dans la figure 2. Figure 2 : Schéma de modèle ABC pour l’informatique interne Comptabilité générale Ressources/Centres de gestion Comptes par nature Exploitation Natures de dépenses: Etudes Telecom Support Vecteurs/Inducteurs de consommation de ressources salaires, dépréciations, télécom, etc. Activités Inducteurs de consommation de ressources: Assurer un temps hommes, consommation réseaux, Help Desk Exploiter les systèmes Exploiter les applicatifs Assurer un plan de recours Manager l’entité consommation espace de stockage, etc. Inducteurs de coûts/Unités d’œuvre: Vecteurs/Inducteurs de coûts des activités (unités d’œuvre) coûts d’une heure de développement, d’une heure de technicien,d’une heure Objets de coûts de serveur, etc. Service applicatif Service bureautique Service de connexion 1. Cet aspect d’homogénéisation avec un langage commun à tous les niveaux de l’organisation est souvent cité parmi les apports importants dans les implantations réussies d’ABC/ABM. 2. Voir, par exemple, J.A. Brimson, [2]. IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1998.06 - 9 L’application ABC est en évolution constante et régulière. Il y a une révision du modèle au moins une fois par an. Le modèle produit des données trimestriellement. Chaque fois, il y a une estimation de la marge d’erreur, due à l’imprécision du modèle, mais surtout due à l’imprécision des mesures sur le terrain, notamment les mesures du temps passé. Les résultats ABC sont systématiquement utilisés pour établir le budget des systèmes informatiques de l’année suivante. Il n’y a pas — l’outil Easy ABC ne le permet pas — de calculs inversés conduisant à fixer les objectifs, d’abord, pour en simuler les conséquences opérationnelles, ensuite. Pour obtenir un résultat visé, il faut faire varier les paramètres d’entrée et s’approcher ainsi progressivement des objectifs souhaités. Les acteurs dans la pratique de l’ABC doivent : - avoir une bonne compréhension du modèle et de ses notions; - être engagés dans le processus ABC et fiables; - ne pas avoir peur des révélations des calculs ABC. Pour ces raisons, on a choisi des managers qui mesurent, enregistrent et transmettent les données, notamment le temps passé par les personnels. Au fur et à mesure, l’équipe ABC s’est créée un réseau de managers-contributeurs dans toutes les entités géographiques. Parmi les résultats opérationnels obtenus, on peut citer les rapports d’utilisation des systèmes informatiques, la négociation et la détermination des tarifs des prestations offertes, la facturation interne et justifiée des prestations fournies. Un dernier point reste un problème : la répartition collégiale de quelques coûts indirects pour lesquels il n’y a pas d’évidence d’affectation, comme certains coûts des services généraux, des managers, des secrétariats, etc. 2-4 Résultats globaux Pour les entreprises qui, au-delà de la maîtrise des coûts, ont besoin d’une informatique interne performante pour des raisons de compétitivité et de création de valeur, la démarche ABC/ABM permet de mesurer valablement les coûts et la consommation des prestations offertes. Cela permet ensuite d’optimiser l’utilisation de cette fonction vitale, qui joue un rôle de plus en plus essentiel dans la réussite et l’efficacité des entreprises. Les équipes ABC ont, bien sûr, rencontré des obstacles multiples, typiques des grands projets de restructuration : l’absence d’implication, voire la résistance au changement de certains managers ; le manque de crédibilité du nouveau système, au début, vis-à-vis des utilisateurs ; les difficultés liées à la trop grande complexité ou simplicité des modèles utilisés ; la création du réseau des contributeurs-managers ; la durée jusqu’à l’opérationalité complète, etc. Mais, dans le cas de Digital Equipment, le bilan est globalement très positif, car les objectifs principaux ont été atteints. Le changement profond de culture s’est concrétisé par la création d’une véritable relation client-fournisseur pour la consommation, consciente et critique, des prestations informatiques par les utilisateurs. Ce changement s’est matérialisé aussi par la fourniture des prestations dans une attitude d’engagement concret du CCS vis-à-vis des utilisateurs, les enquêtes de satisfaction en témoignent. Ainsi, Digital a désigné cinq managers au niveau mondial, en charge des cinq types principaux de prestations offertes, quatre en informatique et un en téléphonie. Ils sont responsables de la qualité et de la rentabilité des services offerts. Une réduction des coûts CCS de 30% pendant les deux dernières années a été réalisée. Aussi, l’informatique interne n’est-elle plus seulement en pointe sur la technologie ; Elle l’est également en matière de qualité des prestations et de maîtrise des coûts. Une autre conséquence de la réussite de ce projet a été, après la production/logistique puis l’informatique, de IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1998.06 - 10 lancer pour la troisième grande fonction de support, l’immobilier, la mise en chantier d’une nouvelle démarche ABC. 3 Eléments de bibliographie [1] Brewer Peter C., «Developping a data center chargeback system using ABC», Journal of Cost Management, may/june 1998, pp. 41-47. [2] Brimson J.A., «Feature costing: beyond ABC», Journal of Cost Management, january/february 1998, pp. 6-12. [3] Carter T.L., Sedaghat A.M. and Williams T.D., «How ABC changed the Post Office», Management Accounting, february 1998, pp. 28-36. [4] Chauvey J.N., «L’analyse d’activités, un outil d’information stratégique pour les services», Revue Française de Comptabilité, juin 1996. [5] Drucker P.F., «The information Executives truly need», Harvard business review, january/february 1995, pp. 54-62. [6] Greeson C.B. and Kocakulah M.C., «Implementing an ABC pilot at Whirlpool», Journal of Cost Management, march/april 1997, pp. 16-21. [7] Lacombe I., «L’application de l’ABC-ABM au domaine des services», Revue Française de Comptabilité, n°297, février 1998, pp. 45-51. [8] Laverty J., «Introduire la gestion par les activités dans l’entreprise : une décision stratégique», Revue Française de Comptabilité, n° 289, mai 1997, pp. 31-36. 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[13] Tardy X., «Le choix entre ABC et ABM, une question d’applications», Revue Française de Comptabilité, n° 295, décembre 1997, pp. 53-58. 1998.06 L’ABC, facteur d’efficience des services internes : application aux systèmes d’information au sein de Digital Equipment Corporation Andréas Dworaczek*, Brigitte Oger** * Digital Equipment France ; ** Maître de conférences à l’ IAE de Paris Les papiers de recherche du GREGOR sont accessibles sur INTERNET à l’adresse suivante : http://www.univ-paris1.fr/GREGOR/ Secrétariat du GREGOR : Claudine DUCOURTIEUX ([email protected]) IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1998.06 - 12