l`événement

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l`événement
PAYS : France
RUBRIQUE : L'événement
PAGE(S) : 32
DIFFUSION : 314312
SURFACE : 26 %
JOURNALISTE : Valérie Sasportas
PERIODICITE : Quotidien
8 février 2016 - N°22237
L'ÉVÉNEMENT
VALÉRIESASPORTAS
[email protected]
Bernard Buffet, Andy Warhol, Jean
Dubuffet,
Keith Haring ou Banksy
n’ont pas fait que des tableaux. Ces
stars de l’art de l’après-guerre
et de
l’art contemporain
ont aussi illustré
des pochettes de disque, contribuant à
leur rayonnement
mondial, dans les
années 1960 à 1980 notamment. L’avènement du CD, puis celui du téléchargement ont fait oublier ce triomphe.
Mais depuis quelques années, les ventes
de 33-tours ont à nouveau le vent en
poupe (lire nos éditions du 12 septembre 2014) , auprès des mélomanes, qui
accourent au Disquaire Day (1), dont la
6 e édition se tiendra le 16 avril à Paris et
à travers la France, mais aussi auprès
des fans de cet objet culte que certains
affichent
sur les murs comme un
tableau, sans l’écouter. Le petit monde
des esthètes et des collectionneurs permet de redécouvrir des pépites que l’on
peut s’offrir aux enchères pour quelques dizaines ou centaines d’euros. Le
marché de l’art du vinyle n’en est qu’à
ses débuts.
« Les collections se constituent en ce
moment » , affirme David Nordmann,
qui tiendra le marteau pour sa première grande vente dans la spécialité le
10 février,
Salle Favart, à Paris (2).
« C’est la période des découvertes , poursuit-il.
Les
commissaires-priseurs
s’aperçoivent
avec horreur qu’ils n’y
connaissent rien ! » Lui n’entend pas rater le train : « Le disque vinyle représente ce que la bande dessinée était il y a
trente ans : un secteur riche de promesses. L’étendard de la nostalgie d’une
époque. Un produit multiple, souvent mal
conservé, dont la ruée vers les exemplaires parfaits a commencé. » Les commissaires-priseurs
apprennent
vite. Tous
n’ont pas l’âme de rockeur
comme
François
Tajan,
président
délégué
d’Artcurial, qui se souvient encore qu’il
avait 10 ans quand il a acheté son premier disque, Sticky Fingers , des Rolling
Stones . Il se surprend à « faire tourner le
marteau entre (ses) doigts comme des
baguettes » et organise la toute première vente dédiée à la culture rock en
France, à la maison du rond-point
des
Champs-Élysées, le 7 novembre 2013,
avec quelques vinyles. Les disques y
étaient moins nombreux cependant que
les guitares de bêtes de scène comme
celles d’Eric Clapton et de David Bowie.
Perles de la vente
En revanche, deux ventes organisées
par la maison Ferri à Drouot ont fait la
part belle aux microsillons apportés par
son consultant Arnaud Boubet, ancien
bouquiniste
devenu disquaire jazzy :
celle des albums de l’acteur décédé
Pierre
Mondy,
qui
avait
totalisé
87 000 euros le 13 mars 2013, et celle des
10 000 disques de jazz à Drouot, dispersés pour 97 280 euros le 24 novembre
dernier. Chez Ader-Nordmann,
la vente de 358 lots de disques met en lumière
les illustres illustrateurs,
dont l’intervention a métamorphosé
les galettes
noires industrielles en « disques d’art »,
comme les qualifie Karim Belkedah,
consultant de la vente.
La une du catalogue donne le ton :
John Lennon, « warholisé » sur son
disque Menlove Ave . L’album est proposé dans un ensemble de six vinyles pour
280 à 350 euros. Prolixe, Karim Belkedah raconte sa genèse : « Menlove Ave.
est le nom de la rue où Lennon habitait,
enfant, chez son oncle et sa tante, à South
Liverpool. Ce disque posthume regroupe
des enregistrements inédits de trois albums différents
Rock’n’Roll , Mind
Games et Walls and Bridges , fait en
collaboration
avec le producteur Phil
Spector. À la demande du label Capitol,
Yoko Ono avait supervisé la conception
de la pochette et demandé à son ami Andy
Warhol de la réaliser. »
Karim
Belkedah
est disquaire
au
marché Dauphine, après avoir été producteur et DJ sur des péniches et dans
des boîtes de nuit parisiennes, le Bus
Palladium, le Moloco, le Baron, les Bains
Douches, ou encore pour Radio Nova.
C’est un chasseur de sons, à l’affût de
l’enregistrement
rare,
comme
ce
45-tours
de Jean-Michel
Jarre, La
Cage/Erosmachine , estimé entre 300 et
350 euros. « C’est son premier disque,
commente-t-il.
Jean-Michel Jarre l’a
enregistré en 1969 quand il collaborait
avec le pionnier de la musique électronique et d’avant-garde Pierre Schaeffer, et
son groupe de recherche musicale de
Beaubourg. »
Autre perle de la vente : un coffret de
trois 33-tours de John Cage, estimé, lui
aussi, de 300 à 350 euros. « Un concert
enregistré au Town Hall de New York en
mai 1958, fait remarquer Karim Belkedah. Il fut organisé par Jasper Johns et
Robert Rauschenberg, qui voulaient faire
une rétrospective du travail de John Cage
depuis 1934, marquer son attirance pour
la musique orientale, la technologie dans
la musique, le concept de “silence” et de
“chance”. »
(1) http://disquaireday.fr/
(2)www.ader-paris.fr
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