la theorie classique de l`investissement et du financement

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la theorie classique de l`investissement et du financement
LA THEORIE CLASSIQUE DE L’INVESTISSEMENT ET DU FINANCEMENT
Cette leçon et la suivante ont trait aux relations de l’entreprise avec ses apporteurs de
capitaux.
L’économie financière classique a pour fondement un modèle de l’entreprise basé sur les
produits et les charges, les recettes et les dépenses. Les dirigeants décident de faire ou ne pas
faire des investissements en fonction des cash flows que génèrent ces derniers, comment
financer ces investissements, avec de la dette ou en émettant des actions par augmentation de
capital, et quelle proportion des bénéfices devrait être versée sous forme de dividendes et à
contrario quelle proportion devrait être gardée dans l’entreprise pour y être réinvestie.
Les investisseurs eux doivent décider dans quelles entreprises acheter des actions. La
combinaison de leurs décisions détermine la demande pour les différents titres, leur prix et par
conséquent la relation qui existe entre les taux de rentabilité des différents titres.
Nous allons examiner dans cette leçon les principaux résultats de l’économie financière
classique.
Le théorème de séparation de Fisher (1907-1930), Fisher est l’économiste qui déclarait au
début de l’année 1929 que le marché des actions avait atteint un plateau permanent duquel il
ne devait plus descendre ! Malgré cela c’était un grand économiste. Dans une situation
idéalisée où les entreprises peuvent prêter et emprunter au même taux d’intérêt, les projets
d’investissement des entreprises peuvent être évalués indépendamment des décisions de
consommation et des préférences de leurs propriétaires.
La valeur actuelle. Tout projet d’investissement devrait être accepté, à condition que sa valeur
actuelle définie comme le montant du prêt qui devait être remboursé en utilisant des cash
flows, soit supérieure au montant de l’investissement. En d’autres termes que la valeur
actuelle nette (VNA) soit positive.
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Pour les décisions d’investissement stratégiques, il faut faire attention à ne pas utiliser
uniquement les cash flows directement liés au projet, mais aussi ceux d’autres parties de
l’organisation qui en bénéficieront directement ou indirectement.
Les théorèmes de Modigliani et Miller selon lesquels « la structure financière et la politique
des dividendes n’affectent pas la valeur de l’entreprise ».
Quand le théorème de Fisher s’applique, la formation brute de capital fixe dans l’économie
est efficiente, puisque seuls les investissements dont la rentabilité est supérieure au coût du
capital sont entrepris.
Enfin le CAPM (MEDAF) donne une formule d’évaluation des prix des actifs financiers.
Cette leçon traite de ces sujets en trois parties :
•
l’économie classique des décisions d’investissement,
•
l’économie classique des décisions financières,
•
le risque de l’investissement et le coût du capital.
I.
L’économie classique des décisions d’investissement
L’économie classique de la finance repose sur l’hypothèse que les dirigeants d’entreprises et
les investisseurs n’ont pas de conflits d’intérêt, ou tout au moins que les décisions financières
des firmes n’ont aucune incidence sur de tels conflits d’intérêt, même s’ils existent bien.
Dans l’économie classique, la firme est conceptualisée comme un ensemble de plans de
production, desquels les plus rentables sont sélectionnés. La finance classique est enracinée
dans cette approche.
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Le théorème de séparation de Fisher
Supposez qu’un commerçant ayant un magasin d’habillement envisage d’ouvrir une seconde
boutique dans un autre quartier. Pour ce faire, il doit louer un local commercial, payer un droit
au bail, recruter du personnel, commander et payer les stocks de marchandises, faire des
dépenses publicitaires et promotionnelles pour faire connaître son existence dans ce quartier,
etc.
Selon ses calculs, le commerçant sera rentré dans ses fonds au bout de 6 ans, en engrangeant
chaque année des profits P1, P2, … P6. Supposons que ces chiffres soient certains, ou, ce qui
revient au même, que le commerçant soit neutre au risque, doit-il entreprendre cet
investissement ?
Si le commerçant doit financer cet investissement sur sa propre épargne parce qu’il n’y a pas
d’institution financière pour lui prêter des fonds, la réponse à cette question dépend de savoir
à quels autres usages il pourrait affecter cette épargne. S’il comptait aussi acheter un bateau,
et qu’il ne peut financer les deux, il lui faut choisir.
Donc, quand un individu finance un investissement entièrement sur ses fonds personnels, sa
décision d’investir ou de ne pas investir dépend de ses préférences personnelles sur le profil
dans le temps de sa consommation.
Si l’investissement peut être financé par emprunt, le commerçant le remboursera avec les cash
flows annuels successifs. Dans ce cas, le projet sera rentable si le commerçant peut
rembourser tout le prêt avec les cash flows, et qu’il lui reste encore quelque chose. Et il
pourra simultanément acheter son bateau.
Vous voyez la différence : quand il y a un marché du capital ou des fonds prêtables, la
décision d’investissement ne dépend plus des préférences personnelles de consommation du
décideur mais des cash flows et du taux d’intérêt.
D’où le théorème de « séparation » de Fisher. C’est très important parce que lorsqu’il y a
plusieurs décideurs, leurs préférences personnelles n’entre pas en ligne de compte et c’est
donc plus facile pour qu’ils se mettent d’accord.
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Valeurs Actuelles Nettes
Année
Cash Flows
Facteur d’accumulation
Valeur Actuelle
t
Ct
At = (1+r)t
Ct/At
0
-220
1.00
-220
1
99
1.10
90
2
121
1.21
100
3
100
1.331
75.13
Total des cash flows passifs
+265.13
Investissement initial
-220.00
VNA
+45.13
La valeur actuelle des cash flows indique la taille du prêt qui peut être remboursée avec ces
cash flows. Dans la mesure où elle est supérieure à l’investissement initial, l’investissement
est rentable.
Remarquez la puissance de l’accumulation, et l’incidence du niveau des taux. Le cash flow
requis au bout de 10 ans pour rembourser un emprunt contracté aujourd’hui de 100 est de
179.08 à 6 %, mais de 259.37 à 10 % Si la période d’investissement est de 20 ans, les chiffres
correspondants sont respectivement de 320.71 (6 %) et 672.75 (10 %).
Pourquoi 10 % ? C’est en réalité le problème du calcul du coût du capital, qui est beaucoup
plus complexe que la prise en compte d’un simple taux d’intérêt.
Analyse financière et décisions d’investissement
Les dirigeants trop formés à l’analyse financière mais pas suffisamment à la technologie
peuvent sous estimer les bénéfices de la diffusion des technologies dans une organisation et
sous estimer la rentabilité d’un investissement par myopie.
Les décisions d’investissement vont au delà des calculs qui viennent d’être évoqués.
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Il y a des investissements stratégiques qui peuvent rapporter au delà des calculs et des cash
flows que nous venons de faire. Un exemple important d’une décision d’investissement
stratégique est de savoir s’il faut faire construire une nouvelle unité de production qui utilisera
une nouvelle technologie pour fabriquer un produit existant. Le dirigeant « borné » prendra
les chiffres prévisionnels de chiffre d’affaires et les coûts de la nouvelle et de l’ancienne usine
avec la nouvelle et l’ancienne technologie.
Mais il aura oublié que la nouvelle technologie peut apporter d’autres avantages :
-
accroître la flexibilité de l’unité de production et permettre d’accroître la gamme de
produits fabriqués de manière rentable (cf. le « juste à temps » de Toyota) ;
-
valider de nouvelles technologies de production efficientes qui peuvent être dupliquées
dans d’autres unités de production ;
-
développer l’expertise et les qualifications des employés et dirigeants qui pourront les
appliquer dans le futur à de nouveaux produits ;
-
accroître la spécialisation des autres usines ce qui entraîne des économies d’échelle ;
-
décourager la concurrence agressive des compétiteurs.
Il y a enfin les aspects organisationnels et les conflits d’intérêt au sein d’une même
entreprise : les ouvriers si leur système de rémunération est indexé sur les coûts d’usine ; le
directeur de la technologie qui trouvera tous les avantages à la nouvelle technologie ; les
directeurs de division, dont la rémunération est liée à la taille de leurs décisions, vont plus se
concentrer sur la taille des investissements que sur les risques qui leur sont associés. D’où les
coûts d’influence, dont il a été fait état dans la première partie du cours.
II.
L’économie classique des décisions financières
Nous venons de traiter de la manière dont les dirigeants prennent les décisions
d’investissement. Nous envisageons maintenant comment les dirigeants peuvent acquérir les
fonds dont ils ont besoin pour financer les investissements, et à quel coût.
La problématique est la suivante. Supposons une entreprise qui envisage de faire un
investissement de 100 € dont les cash flows sont incertains, avec des fonds que les dirigeants
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doivent lever auprès d’investisseurs extérieurs. Ils peuvent se demander : si nous empruntons
50 €, combien les actionnaires accepteront-ils de payer pour les bénéfices réalisés qui restent
après avoir rémunéré les prêteurs ? Peuvent-ils réduire le coût des fonds en empruntant
davantage que 50 €, le solde étant obtenu par augmentation de capital ? Dans l’intérêt des
actionnaires actuels, le critère de décision c’est de maximiser le volume de fonds obtenus
pour les droits sur les cash flows auxquels les investisseurs auront droit.
L’analyse de Modigliani Miller
La décision de financement
Il n’est pas inutile de définir toutes les formes de financement à la disposition des entreprises.
Il y a deux grandes catégories générales qui sont les dettes et les fonds propres qui eux-mêmes
comprennent bon nombre de sous-catégories.
Dans la dette, il faut comprendre le crédit fournisseurs (effets à payer), les prêts d’équipement
ou immobiliers qui sont gagés sur des actifs que les créanciers peuvent saisir si les emprunts
ne sont pas remboursés.
Il y a les prêts bancaires, qui sont plus ou moins garantis, il y a les emprunts obligataires avec
des positions junior et senior.
Toutes ces formes de dettes ont un caractère commun. Elles donnent lieu à obligation de
payer ou rembourser sinon les actifs de l’entreprise peuvent être saisis, voire même
l’entreprise mise en liquidation judiciaire.
Il y a les capitaux propres qui comprennent les actions ordinaires, les ADP (actions
préférentielles) qui donnent droit à un dividende prioritaire mais pas au vote, les actions
préférentielles convertibles en actions ordinaires.
Il y a enfin les obligations convertibles en actions, et les warrants, qui sont des droits émis par
l’entreprise et qui peuvent être convertis en actions ordinaires de l’entreprise sous certaines
conditions.
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Procédons à l’analyse de Modigliani Miller et pour simplifier les choses, supposons qu’il y ait
deux seules sources de financement : un prêt bancaire et/ou une augmentation de capital.
Eliminons le risque de faillite, en supposant par ailleurs que les bénéfices futurs, bien
qu’incertains, seront toujours suffisants pour rembourser les dettes.
Soit X les bénéfices totaux de l’entreprise, B le montant du prêt, X – B (1 + r) est ce qui reste
aux actionnaires après avoir payé le remboursement du principal et les intérêts aux créanciers.
P(X – B(1 + r)) est le prix que les actionnaires sont prêts à payer pour acquérir les actions de
l’entreprise et avoir droit à leur part des bénéfices. Attention, cette formulation ne se lit pas
comme le produit de P par l’expression entre parenthèses, mais comme le prix P de
l’expression entre parenthèses.
La valeur d’entreprise est la somme de la valeur de ses dettes et de la valeur de ses capitaux
propres, soit B + P(X – B(1 + r)). Ce que l’on cherche à savoir, c’est si le choix du montant B
affecte la valeur de l’entreprise, c’est-à-dire la valeur de l’ensemble.
Le raisonnement d’arbitrage de Modigliani Miller consiste à se placer du point de vue des
investisseurs qui ont le choix d’investir dans un grand nombre d’entreprises.
Supposons qu’il existe deux entreprises cotées équivalentes. L’une se finance intégralement
par fonds propres, alors que l’autre utilise les deux sources de financement et emprunte B.
Considérons un investisseur qui veut recevoir la rentabilité de 0.05X. Il peut le faire en
achetant 5 % des actions de la première firme. Il peut aussi le faire en achetant 5 % des
actions de la seconde firme, soit 0.05P(X – B(1 + r)) et simultanément 5 % de sa dette soit
0.05B. Cette stratégie lui procure un revenu de 0.05B(1 + r) de la dette et un revenu de
(0.05 (X – B(1 + r)) des actions pour un total de 0.05X. Comme les revenus des deux
stratégies sont équivalents, quiconque achètera des actions de la première entreprise à
condition que leur prix ne soit plus élevé que le prix de la seconde stratégie, consistant à
acheter à la fois de la dette et des fonds propres de la seconde entreprise, soit :
P(X ) ≤ B + P(X − B(1 + r ))
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Regardons maintenant un autre investisseur qui souhaite recevoir 5 % des revenus X–B(1+r).
Il peut le faire en achetant 5 % des actions de la première et en empruntant 5 % d’un montant
B au taux r, ce qui conduit à un revenu de 5 % de X-B(1+r), qui est équivalent à la première
stratégie. Pour que quelqu’un achète des actions de la seconde société, il faut que la stratégie
alternative ne soit pas moins chère :
P(X − B(1 + r )) ≤ P(X ) − B
les deux inégalités impliquent que :
P(X ) = B + P(X − B(1 + r ))
la valeur des deux entreprises est la même quelque soit leur mode de financement.
D’où le théorème de Modigliani Miller ≠ 1 : Dans la mesure où les bénéfices ou les cash
flows d’une entreprise ne sont pas affectés par les décisions financières et où les investisseurs
peuvent emprunter dans les mêmes conditions que les entreprises en déposant leurs actions en
garantie, les décisions financières n’affectent pas la valeur de l’entreprise.
Bien entendu, il y a la fiscalité des bénéfices qui donne un traitement privilégié aux
obligations, les intérêts de la dette sont déductibles du bénéfice ; alors que pour les actions, les
dividendes sont payés sur les bénéfices après l’impôt sur les sociétés payé ; ceci devrait
pousser les entreprises à emprunter. Mais il y a le risque de faillite.
Le décision de dividende
Les idées développés par Modigliani et Miller peuvent être appliquées à un grand nombre de
décisions autres que la décision de structure financière entre fonds propres et endettement. Un
argument d’arbitrage similaire peut s’appliquer à un grand nombre d’instruments financiers
complexes tels que les options, les warrants, les obligations convertibles, les obligations
remboursables au gré de l’émetteur. L’idée centrale de l’argument d’arbitrage est qu’un
instrument financier, aussi complexe soit-il, peut être repliqué ou dupliqué avec plusieurs
instruments financiers plus simples dont la somme donne des cash flows exactement
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équivalents à ceux du premier instruments financier complexe. De tels arguments d’arbitrage
selon lesquels « There is no such thing as a free lunch » sont le fondement logique de toute
l’économie financière, et de l’économie tout court.
Le même raisonnement d’arbitrage s’applique aux dividendes, en supposant toujours
déterminées et fixées les décisions d’investissement des entreprises.
Dans ce cas, les fonds alloués aux dividendes viennent soit de l’émission de titres. S’il s’agit
de nouvelles actions, les actionnaires qui préfèrent ne pas consommer leurs dividendes
peuvent les investir dans ces nouvelles actions.
Soit les fonds alloués aux dividendes viennent de l’émission d’obligations, et si les
actionnaires ne veulent toujours pas consommer leurs dividendes, ils peuvent les réinvestir en
souscrivant à ces obligations.
Comme dans le cas de la décision de financement, on voit ici que l’investisseur peut
neutraliser la décision de l’entreprise, et garder ainsi les revenus qu’il souhaitait sous la forme
qu’il souhaitait. Comme les opportunités des investisseurs ne dépendent pas de la politique
financière de la firme, le montant qu’ils sont prêts à payer pour leurs investissements ne
dépendent eux non plus de la politique financière de la firme.
D’où le théorème #2 de Modigliani Miller : Dans le cadre d’hypothèses où les cash flows X
d’une entreprise susceptibles d’être distribués sous forme de dividendes ne sont pas affectés
par les décisions financières et que les investisseurs peuvent acheter et vendre des titres dans
les mêmes conditions qu’une entreprise, la valeur de l’entreprise n’est pas affectée par sa
politique de dividendes.
Le message essentiel de Modigliani et Miller est que l’entreprise ne peut pas plus augmenter
sa valeur en affectant la répartition de ses bénéfices que l’on peut accroître le poids d’un
gâteau en le découpant en tranches de taille différente.
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III.
Le risque de l’investissement et le coût du capital
Une entreprise obtiendra des financements, quelle que soit leur forme, dans la mesure où les
conditions de rémunération qu’elle propose sont acceptables par le « marché ». Déterminer ce
que le marché exigera requiert une meilleure compréhension de la manière dont les
investisseurs sophistiqués évaluent des investissements risqués.
Risque, rentabilité et CAPM
La rentabilité est liée aux risques via le CAPM et la droite de marché (SML)
R −r =
Cov(R, Rm )
(R m − r )
Var (Rm )
= β (R m − r )
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Signification du β, et du risque systématique
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Signification du CAPM pour les investisseurs
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Signification du CAPM pour les entreprises et les investissements
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