Est-ce que le diable tombe du ciel? - Croire

Transcription

Est-ce que le diable tombe du ciel? - Croire
FICHE DE LECTURE
« J’ai vu Satan
tomber du ciel »
Satan : l’esprit du mal
L
ors de ses Audiences générales des 13 et
20 août 1986, le Pape Jean-Paul II a abordé
la question de l’existence de Satan. Il parle
de sa condition de « mensonge existentiel »
et de la manière dont il essaie d’entraîner
l’homme dans son refus de Dieu, soulignant
en même temps que l’homme n’a pas à avoir
peur car le Christ a vaincu l’esprit du mal.
Nous proposons ici l’essentiel des deux
Audiences.
S
RÉSUMÉ
elon la tradition, Satan était, à l’origine, un ange.
Il est devenu mauvais de par son refus de Dieu. Et si
ce péché ne lui est pas pardonné, c’est qu’il ne le remet
pas en cause et rejette donc la vérité. Il essaie d’imposer,
par le mensonge, son attitude de falsification de la vérité,
afin de détruire la véritable vie offerte par Dieu.
Par l’effet du péché de nos premiers parents, le démon
a acquis une certaine domination sur l’homme. Il tente
de le détourner de la loi de Dieu en influant sur son
imagination, son intelligence et son corps. Mais ses
manifestations sont aussi, parfois, cachées. Il parvient
ainsi à faire croire qu’il n’existe pas.
La puissance de Satan est cependant limitée. Même s’il
agit de manière destructrice, il ne peut mettre un terme
à l’édification du Royaume de Dieu. De fait, toute
l’histoire de l’humanité doit être envisagée en fonction
de la victoire du Christ sur la mort, victoire qui rend
Satan impuissant. En attendant la parousie, le chrétien
est toutefois appelé à lutter contre lui.
C
PERSPECTIVES
es propos se situent dans une longue série de
réflexions, commencée le 8 janvier 1986, sur la
création, l’autonomie des choses créées, l’homme
comme image de Dieu, la Providence et la liberté
de l’homme, le problème du mal, la création des
êtres invisible (les anges), la liberté de ces êtres,
leur ministère… et jusqu’à la chute de certains
d’entre eux (voir le texte proposé ici).
Texte italien dans l’Osservatore Romano des 14 et 21 août.
Traduction de la DC. Titre de QA. Pour les textes intégraux,
voir DC 1986, n° 1926, p. 894-897.
20 • Questions actuelles
1. (…) Comme en témoigne l’évangéliste
Luc, au moment où les disciples retournaient
vers le Maître remplis de joie à cause des fruits
recueillis au cours de leur apprentissage missionnaire, Jésus prononce une phrase qui
donne à penser: « J’ai vu Satan tomber du ciel
comme la foudre » (Lc 10, 18). Par ces paroles,
le Seigneur affirme que l’annonce du Royaume
de Dieu est toujours une victoire sur le diable,
mais il révèle aussi en même temps que l’édification du Royaume est continuellement exposée aux embûches de l’esprit du mal. S’intéresser à cela, comme nous avons l’intention de le
faire dans la catéchèse de ce jour, veut dire se
préparer à la condition de lutte qui est propre à
la vie de l’Église en ces derniers temps de l’histoire du salut (cf. Ap 12, 7). D’autre part, cela
permet d’éclairer ce qu’est la foi droite de
l’Église face à ceux qui la faussent en exagérant
l’importance du diable ou qui nient ou minimisent la puissance maléfique de celui-ci.
Nos catéchèses précédentes sur les anges
nous ont préparés à comprendre la vérité que
la Sainte Écriture a révélée et que la Tradition
de l’Église a transmise sur Satan, c’est-à-dire
sur l’ange tombé, l’esprit du mal, que l’on appelle encore diable ou démon.
2. Cette « chute », qui présente le caractère
d’un refus de Dieu avec en conséquence l’état
de « damnation », consiste dans le libre choix de
ces esprits créés qui ont, de manière radicale et
irréversible, refusé Dieu et son règne, usurpant
ses droits souverains et tentant de bouleverser
l’économie du salut et l’ordre même de toute la
création. On trouve un reflet de cette attitude
dans les paroles du tentateur à nos premiers
parents: « Vous deviendrez comme Dieu » ou
« comme des dieux » (cf. Gn 3, 5.) Ainsi, l’esprit du mal tente de transplanter dans l’homme
l’attitude de rivalité, d’insubordination et d’opposition à Dieu, qui est devenue comme la motivation de toute son existence.
3. Dans l’Ancien Testament, le récit de la
chute de l’homme, que nous rapporte le Livre
de la Genèse, contient une référence à l’attitude d’antagonisme que Satan veut communiquer à l’homme pour l’amener à la transgression (Gn 3, 5). Dans le livre de Job également
(cf. Jb 1, 11 ; 2, 5-7), nous lisons que Satan
cherche à faire naître la rébellion chez l’homme
qui souffre. Dans le Livre de la Sagesse
(cf. Sg 2, 14), Satan est présenté comme l’artisan de la mort, qui est entrée dans l’histoire de
l’homme en même temps que le péché.
4. L’Église, par le IVe Concile du Latran
(1215), enseigne que le diable (ou Satan) et les
autres démons « ont été créés bons par Dieu
mais sont devenus mauvais par leur propre volonté ». Nous lisons en effet dans la Lettre de
saint Jude: « Les anges qui n’ont pas conservé
leur dignité mais ont abandonné leur propre demeure, le Seigneur les tient dans des chaînes
éternelles, dans les ténèbres, pour le jugement
du grand jour. » (Jude 6.) Pareillement, dans la
deuxième lettre de saint Pierre, on parle
« d’anges qui ont péché » et que Dieu « n’a pas
épargnés mais… a précipités dans les abîmes
et les ténèbres de l’enfer, les gardant en réserve pour le jugement » (2 P 2, 4). Il est clair
que si Dieu « ne pardonne pas » le péché des
anges, il le fait parce qu’ils demeurent dans leur
péché, parce qu’ils sont éternellement « dans
les chaînes » de ce choix qu’ils ont fait au début,
repoussant Dieu, contre la vérité du Bien suprême et définitif qui est Dieu lui-même. En ce
sens, saint Jean écrit que « le diable est pécheur dès l’origine… » (1 Jn 3, 8). Et « depuis
l’origine », il a été homicide et « il n’a pas persévéré dans la vérité parce qu’il n’y a pas de vérité en lui » (Jn 8, 44).
5. Ces textes nous aident à comprendre la
nature et la dimension du péché de Satan, qui
consiste dans le refus de la vérité sur Dieu,
connu à la lumière de l’intelligence et de
la Révélation comme Bien infini, Amour et
Sainteté subsistante. Le péché a été d’autant
plus grand qu’étaient plus grande la perfection
spirituelle et la perspicacité cognitive de l’intelligence angélique, sa liberté et sa proximité de
Dieu. En repoussant la vérité connue sur Dieu
par un acte de sa volonté libre, Satan devient
« menteur » cosmique et « père du mensonge »
(Jn 8, 44). C’est pour cela qu’il vit dans la négation radicale et irréversible de Dieu et qu’il
cherche à imposer à la création, aux autres
êtres créés à l’image de Dieu, et en particulier
aux hommes, son tragique « mensonge sur le
Bien » qu’est Dieu. Dans le Livre de la Genèse,
nous trouvons une description précise de ce
mensonge et de cette falsification de la vérité
sur Dieu, que Satan (sous la forme du serpent)
tente de transmettre aux premiers représentants du genre humain : Dieu serait jaloux de
ses prérogatives et, à cause de cela, imposerait
des limitations à l’homme (cf. Gn 3, 5). Satan
invite l’homme à se libérer de l’imposition de
ce joug, en se rendant « comme Dieu ».
6. Dans cette condition de mensonge existentiel, Satan devient aussi, selon saint Jean,
« homicide », c’est-à-dire destructeur de la vie
surnaturelle que Dieu avait, depuis le commencement, greffée en lui et dans les créatures faites « à l’image de Dieu » : les autres
purs esprits et les hommes. Satan veut détruire la vie selon la vérité, la vie dans la plénitude du bien, la vie surnaturelle de grâce et
d’amour. L’auteur du Livre de la Sagesse écrit:
« La mort est entrée dans le monde par l’envie du diable et ceux qui lui appartiennent en
font l’expérience. » (Sg 2, 24.) Et dans l’Évangile, Jésus-Christ nous avertit: « Craignez plutôt celui qui a pouvoir de faire périr l’âme et le
corps dans la géhenne. » (Mt 10, 28.)
DES PSAUMES À PRIER ET À MÉDITER
Dans le nouveau rite des exorcismes, la proclamation
de l’Évangile (voir encadré p. 14) est précédée par
la lecture d’un psaume. Voici quelques-uns des
psaumes proposés par le Rituel et qui peuvent nourrir
la vie spirituelle de tout chrétien, surtout dans les
moments où il est confronté au mal :
Psaume 3 : Appel matinal du juste persécuté (•) ;
Psaume 10 : Dieu sauve les humbles ;
Psaume 12 : Appel confiant ;
Psaume 21 : Souffrances et espoirs du juste ;
Psaume 30 : Prière dans l’épreuve ;
Psaume 34 : Louange à la justice divine ;
Psaume 53 : Appel au Dieu justicier ;
Psaume 67 : Cri de détresse.
(•) Titres de la Bible de Jérusalem.
Mars-Avril 2002 • 21
7. Par l’effet du péché de nos premiers parents, cet ange tombé a acquis en une certaine mesure une domination sur l’homme.
C’est la doctrine constamment confessée et
annoncée par l’Église, et que le Concile de
Trente a confirmée dans le traité sur le péché
originel (cf. DS 1511) : elle trouve une expression dramatique dans la liturgie du baptême, quand on demande au catéchumène de
renoncer au démon et à ses séductions.
Sur cette influence sur l’homme et sur les
dispositions de son esprit (et de son corps),
nous trouvons diverses indications dans la
Sainte Écriture, dans laquelle Satan est appelé
« le prince de ce monde » (cf. Jn 12, 31 ; 14,
30 ; 16, 11) et même « le dieu de ce monde »
(2 Co 4, 4). Nous trouvons beaucoup d’autres
noms (•) qui décrivent ses rapports néfastes
avec l’homme : « Béelzéboul » ou « Bélial »,
« l’esprit immonde », « le tentateur », « le mau-
L’habileté de Satan dans
le monde est d’amener les
hommes à nier son existence
au nom du rationalisme.
(•) Voir encadré
p. 9.
(••) Le mot
préternaturel
qualifie un
phénomène ou
une cause qui
dépasse l’ordre
de la nature.
Les « dons
préternaturels »,
par exemple,
sont des
pouvoirs
spéciaux dont
l’homme
jouissaient dans
l’état de justice
originelle. (Voir
Dictionnaire
des mots de la
foi chrétienne,
Le Cerf, p. 503).
vais » et enfin « l’anti-christ » (1 Jn 4, 3). Il est
comparé à un « lion » (1 P 5, 8), à un « dragon »
(dans l’Apocalypse) et à un « serpent » (Gn 3).
Très fréquemment, on emploie pour le désigner
le nom de « diable », du grec « diaballein » (d’où
vient diabolos), qui veut dire: causer la destruction, diviser, calomnier, tromper. Et à dire vrai,
tout cela advient depuis le commencement par
l’œuvre de l’esprit mauvais qui est présenté par
l’Écriture Sainte comme une personne, tout en
affirmant qu’il n’est pas seul : « Nous sommes
nombreux », crient les diables à Jésus dans la
région des Géraséniens (Mc 5, 9); « le diable et
ses anges », dit Jésus dans la description du jugement à venir (cf. Mt 25, 41).
8. Selon l’Écriture Sainte, et spécialement le
Nouveau Testament, la domination et l’influence de Satan et des autres esprits mauvais
embrassent le monde entier. Pensons à la parabole du Christ sur le champ (qui est le
monde), sur le bon grain et sur le mauvais que
22 • Questions actuelles
le diable sème au milieu du bon, cherchant
à arracher du cœur celui qui a été « semé »
(cf. Mt 13, 38-39). Pensons aux nombreuses
exhortations à la vigilance (cf. Mt 26, 41 ;
1 P 5, 8), à la prière et au jeûne (cf. Mt 17, 21).
Pensons à cette forte affirmation du Seigneur:
« On ne peut chasser cette espèce de démons
que par la prière. » (Mc 9, 29.) L’action de
Satan consiste avant tout à tenter les hommes
de faire le mal, en influant sur leur imagination
et sur leurs facultés supérieures pour les tourner dans une direction contraire à la loi de
Dieu. Satan met à l’épreuve Jésus lui-même
(cf. Lc 4, 3-13), dans l’extrême tentative de
faire obstacle aux exigences de l’économie du
salut telle que Dieu l’a ordonnée par avance.
Il n’est pas exclu qu’en certains cas, l’esprit
du mal s’efforce même d’exercer son influence non seulement sur les choses matérielles mais aussi sur le corps de l’homme,
d’où l’on parle de « possessions diaboliques »
(cf. Mc 5, 29). Il n’est pas toujours facile de
discerner ce qu’il y a de préternaturel (••)
dans ce qui arrive dans ces cas-là, et l’Église
ne cède pas facilement à la tendance d’attribuer de nombreux faits à des interventions
directes du démon, elle ne la favorise pas ;
mais, en règle générale, on ne peut nier que
dans sa volonté de nuire et de conduire au
mal, Satan puisse en arriver à cette manifestation extrême de sa supériorité.
9. Nous devons enfin ajouter que les paroles
impressionnantes de l’apôtre Jean : « Le
monde entier est sous le pouvoir du mauvais »
(1 Jn 5, 19), font aussi allusion à la présence de
Satan dans l’histoire de l’humanité, une présence qui s’accroît au fur et à mesure que
l’homme et l’humanité s’éloignent de Dieu.
L’influence de l’esprit mauvais peut « se cacher » d’une manière plus profonde et plus efficace : se faire ignorer correspond à ses « intérêts ». L’habileté de Satan dans le monde est
d’amener les hommes à nier son existence au
nom du rationalisme et de tout autre système
de pensée qui cherche toutes les échappatoires pour ne pas admettre son œuvre. Cela
ne signifie pas cependant l’élimination de la volonté libre et de la responsabilité de l’homme,
et encore moins l’échec de l’action salvifique du
Christ. Il s’agit plutôt d’un conflit entre les
forces obscures du mal et celles de la rédemption. À cet égard, les paroles que Jésus adressa
à Pierre au début de la Passion sont tout à fait
parlantes : « Simon, voici que Satan vous a réclamé pour vous passer au crible comme le
grain ; mais j’ai prié pour toi afin que ta foi ne
défaille pas. » (Lc 22, 31.)
Aussi comprenons-nous comment Jésus,
dans la prière qu’il nous a enseignée, le
« Notre Père », qui est la prière du Règne de
Dieu, termine si brusquement, à la différence
de tant d’autres prières de son temps, nous
rappelant notre condition d’êtres exposés aux
attaques du Mal, du Mauvais. Le chrétien, en
appelant au Père avec l’esprit de Jésus et invoquant son Règne, crie avec la force de sa foi:
fais que nous ne succombions pas à la tentation, libère-nous du Mal, du Mauvais. Fais, ô
Seigneur, que nous ne tombions pas dans l’infidélité par laquelle veut nous séduire celui qui
a été infidèle depuis le commencement.
■
La victoire du Christ
1. Nos catéchèses (•) sur Dieu, créateur
des choses « invisibles », nous ont amenés à
éclairer et à retremper notre foi en ce qui
concerne la vérité sur le Malin ou Satan, que
Dieu n’a certainement pas voulu, lui qui est
amour et sainteté suprême, et qui, par sa
Providence sage et forte, sait conduire notre
existence à la victoire sur le prince des ténèbres. Car la foi de l’Église nous enseigne
que la puissance de Satan n’est pas infinie. Il
n’est qu’une créature, puissante en tant qu’il
est un pur esprit, mais il demeure toujours
une créature, avec les limites de la créature,
subordonnée à la volonté et à la domination
de Dieu. Si Satan travaille dans le monde
avec sa haine contre Dieu et son règne, cela
est permis par la divine Providence qui, avec
puissance et bonté (fortiter et suaviter), dirige
l’histoire de l’homme et du monde. Si l’action
de Satan cause certainement de nombreux
dommages – de nature spirituelle et, indirectement, également de nature physique – aux
personnes et à la société, il n’est pas, toutefois, en mesure d’annuler la finalité dernière
à laquelle tendent l’homme et toute la création, le Bien. Il ne peut faire obstacle à l’édification du Royaume de Dieu dans lequel, à
la fin, aura lieu la pleine réalisation de la justice et de l’amour du Père à l’égard des créatures éternellement « prédestinées » dans le
Fils Verbe, Jésus-Christ. Et nous pouvons
même dire, avec saint Paul, que l’œuvre du
Malin concourt au bien (cf. Rm 2, 28) et
qu’elle sert à édifier la gloire des « élus » (cf.
2 Tm 2, 10).
2. Ainsi, nous pouvons envisager toute l’histoire de l’humanité en fonction du salut total,
dans lequel est inscrite la victoire du Christ
sur le prince de ce monde (Jn 12, 31 ; 14, 30 ;
16,11). « Tu ne te prosterneras que devant le
Seigneur ton Dieu, c’est lui seul que tu adoreras » (Lc 4, 8), dit le Christ à Satan de manière
péremptoire. En un moment dramatique de
son ministère, à ceux qui l’accusaient d’une
façon impudente de chasser les démons parce
qu’il était un allié de Béelzéboul, chef des
démons, Jésus répond par ces paroles sévères
et en même temps réconfortantes : « Tout
royaume divisé tombe en ruine, et aucune
ville, aucune famille divisée ne peut régner.
Donc, si Satan chasse Satan, il est divisé d’avec
lui-même. Comment pourra-t-il alors diriger
(•) Voir « Fiche
de lecture »
p. 20.
L’ACTION PASTORALE DE L’ÉGLISE
Dans leur « note pastorale » sur la superstition,
la magie et le satanisme (voir « Fiche de lecture »
p. 35), les évêques de la Conférence épiscopale
de Campanie (en Italie) ont souligné l’importance
d’une action pastorale centrée sur la victoire
du Christ sur Satan :
Les cas où l’on s’adresse à un prêtre pour lui
demander un exorcisme, parfois après des
expériences délétères [NDLR : du grec deleterios :
« nuisible »], se font de plus en plus fréquents.
L’action pastorale du prêtre s’exercera dans la
conviction que l’Église rend présente et opératoire
la victoire du Christ sur le péché et sur le démon.
La force salvifique du Christ atteint son sommet non
pas dans l’exorcisme, mais dans les sacrements.
Par ailleurs, l’influence la plus délétère que
le démon exerce sur l’homme a lieu, non dans
la possession, mais dans le péché.
Contre l’influence démoniaque, l’exorcisme n’est ni
le premier ni le plus puissant remède : celui-ci doit
être recherché dans une vie spirituelle engagée,
dans la vie fraternelle de la communauté ecclésiale,
dans la fréquentation assidue des sacrements,
dans la prière fervente et incessante, dans l’écoute
docile de la Parole de Dieu.
Pour le texte intégral de cette note, voir DC 1995, n° 2122, p. 802-809.
Vois aussi encadré p. 33.
Mars-Avril 2002 • 23
son royaume ? Mais si je chasse les démons
par la force de l’Esprit de Dieu, alors le
Royaume de Dieu est arrivé parmi vous »
(Mt 12, 25-26, 28). « Quand un homme fort,
bien armé, garde son palais, tous ses biens
sont en sécurité. Mais s’il arrive un homme
plus fort que lui et qui le vainc, il lui prend tout
l’armement dans lequel il mettait sa confiance
et il distribue ses dépouilles » (Lc 11, 21-22).
Les paroles prononcées par le Christ à propos
du tentateur trouvent leur accomplissement
historique dans la croix et la résurrection du
Rédempteur. Comme nous le lisons dans la
lettre aux Hébreux, le Christ s’est fait participant de l’humanité jusqu’à la croix, « pour réduire à l’impuissance, par sa mort, celui qui a
le pouvoir sur la mort, c’est-à-dire le diable…
et libérer ainsi ceux qui étaient tenus en esclavage » (He 2, 14-15). C’est la grande certitude
de la foi chrétienne: « Le prince de ce monde a
La lutte, au fur et à mesure
qu’approche son terme,
devient en un certain sens
toujours plus violente, comme
le met en relief de manière
spéciale l’Apocalypse.
(•) Voir encadré
p. 39.
été jugé » (Jn 16, 11) ; « le Fils de Dieu a paru
pour détruire les œuvres du diable » (1 Jn 3, 8).
Donc, le Christ crucifié et ressuscité s’est révélé comme « ce plus fort » qui a vaincu
« l’homme fort », le diable, et l’a détrôné.
L’Église participe à la victoire du Christ sur le
diable, car le Christ a donné à ses disciples le
pouvoir de chasser les démons (cf. Mt 10, 1 ;
Mc 16, 17). L’Église exerce ce pouvoir victorieux moyennant la foi dans le Christ et la
prière (cf. Mc 9, 29; Mt 17, 19), un pouvoir qui,
dans des cas spécifiques, peut prendre la forme
de l’exorcisme. (•)
3. Dans cette phase historique de la victoire
du Christ, s’inscrit l’annonce et le commencement de la victoire finale, la Parousie, la
deuxième venue, définitive, du Christ, au
terme de l’histoire, vers laquelle est tendue la
24 • Questions actuelles
vie du chrétien. Même s’il est vrai que l’histoire terrestre continue à se dérouler sous l’influence de « cet esprit qui – comme le dit saint
Paul – travaille maintenant parmi les hommes
rebelles » (Ep 2, 2), les croyants savent qu’ils
sont appelés à lutter pour le triomphe définitif
du Bien : « Notre bataille, en effet, n’est pas
contre les créatures de chair et de sang, mais
contre les Principautés et les Puissances,
contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent
les régions célestes. » (Ep 6, 12.)
4. La lutte, au fur et à mesure qu’approche
son terme, devient en un certain sens toujours
plus violente, comme le met en relief de manière spéciale l’Apocalypse, le dernier livre du
Nouveau Testament (cf. Ap 12, 7-9). Mais, précisément, ce livre fait ressortir la certitude qui
nous est donnée par toute la Révélation divine:
la lutte se terminera par la victoire définitive du
Bien. Par cette victoire, contenue à l’avance
dans le mystère pascal du Christ, s’accomplira
définitivement la première annonce du Livre de
la Genèse, qui, selon une appellation significative, est appelée le proto-Évangile, quand Dieu
réprimande le serpent : « Je mettrai l’inimitié
entre toi et la femme » (Gn 3, 15). En cette
phase définitive, Dieu, complétant le mystère
de sa Providence paternelle, « libérera du pouvoir des ténèbres » ceux qu’il a éternellement
« prédestinés dans le Christ » et « il les fera
passer dans le Royaume de son Fils bienaimé » (cf. Col 1, 13-14). Alors, le Fils remettra
au Père l’univers tout entier, afin que « Dieu
soit tout en tous » (1 Co 15, 28). (…)
5. Ici se terminent les catéchèses sur Dieu
créateur des « choses visibles et invisibles »,
unies dans notre projet à la vérité sur la divine Providence. (…) Nous avons reçu une
lumière sur un des plus grands problèmes qui
inquiètent l’homme et envahissent sa recherche de vérité : le problème de la souffrance et du mal. À la racine de ce problème,
il n’y a pas une décision erronée ou mauvaise
de Dieu, mais son choix, et, d’une certaine
manière, le risque de nous créer libres pour
faire de nous ses amis. De la liberté est né
aussi le mal. Mais Dieu ne se rend pas, et,
avec sa sagesse transcendante, nous prédestinant à être ses fils dans le Christ, il dirige
tout avec force et douceur, pour que le bien
ne soit pas vaincu par le mal. (…)
■