Salon 1704 - Domaine de Sceaux
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Salon 1704 - Domaine de Sceaux
SÉLECTION D’ŒUVRES « 1704 – LE SALON, LES ARTS ET LE ROI » François de Troy (1645-1730) Le Festin de Didon et Enée 1704 Huile sur toile, 160,2 x 202,5 cm Sceaux, musée de l’Île-de-France © CG92 / Pascal Lemaître Le Festin de Didon et Enée de François de Troy fut l’un des chefs-d’œuvre du Salon de 1704. Il représente, en un grand portrait collectif, une quarantaine des familiers de la cour de Sceaux, conduite par le duc et la duchesse du Maine. Lui était fils de Louis XIV et de la Montespan ; elle, petite-fille du grand Condé et, comme ce dernier, d’un caractère impétueux. Acquéreur du domaine de Sceaux en 1700, le couple princier y mena grand train durant les dernières années du règne du Roi-Soleil. Les fêtes de nuit s’y succédaient et réunissaient la fine fleur des hommes de lettres, mathématiciens, astronomes, musiciens, danseurs, comédiens, peintres ou décorateurs qui avaient pour mission d’organiser autour de la princesse un monde modelé d’intelligence et d’esprit. La maîtresse des lieux était en effet, comme sur le tableau de François de Troy, le centre de gravité d’une activité qu’elle savait appeler de ses vœux et nourrir de sa propre curiosité des choses. Ce tableau est un exemple unique, en son temps, de portrait collectif mêlant des princes du sang, des courtisans et des domestiques. Saint-Simon lui-même y vit de l’indécence. Le prétexte mythologique de la rencontre d’Enée et de Didon, dans le palais de cette dernière, ne sert qu’à mettre en lumière la gourmandise évidente de tous les participants au grand spectacle de la fiction poétique qui les réunit : véritable plaisir d’aristocrates. Les lumières tournantes et les coloris chatoyants du peintre, servis par une touche sensible et déliée, développent une élégante harmonie sur laquelle broderont bientôt les meilleurs peintres du XVIIIe siècle, tels Boucher ou Fragonard. 22 Nicolas Langlois (1640-1703) Exposition des ouvrages de peinture et de sculpture dans la galerie du Louvre en 1699 Détail d’un almanach pour l’année 1700 Eau forte et burin, 88,8 x 55,8 cm Paris, Galerie Terrades © Galerie Terrades, Paris Cette gravure montrant le Salon de 1699, détail d’un almanach pour l’année 1700, est l’unique témoignage visuel d'une des expositions organisées par l'Académie sous le règne de Louis XIV. Pour la première fois cette année-là, l’exposition des ouvrages des membres de l’Académie se tint dans la Grande Galerie du Louvre, où elle devait avoir à nouveau lieu en 1704. Le public, nombreux et varié – on y distingue des gentilshommes, des élégantes, des religieux et même quelques enfants - se masse devant les œuvres pour les admirer et les commenter. Les tableaux étaient accrochés sur trois niveaux : les plus petits en bas, les grandes compositions d’histoire au niveau médian, et les portraits au niveau le plus haut. 23 Noël Coypel (1628-1707) Déjanire envoyant à Hercule la chemise empoisonnée Av. 1699 Huile sur toile, 109 x 172 cm Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © RMN (*) Durant toute sa carrière, Noël Coypel fut sollicité pour la décoration des palais royaux tels les Tuileries, le Louvre et Versailles, et s'imposa comme l'une des grandes figures de la peinture sous le règne de Louis XIV. Son œuvre, mal connue aujourd'hui, mérite d'être redécouverte. Coypel a mené parallèlement une brillante carrière à l'Académie, dont il fut le directeur en 1695. En 1704, il achève la décoration de l'abside de l'église des Invalides, l'un des derniers grands chantiers de la fin du règne de Louis XIV. Il est l'artiste qui expose le plus de tableaux au Salon, dont il est l'un des doyens : pas moins de 27 œuvres qui formaient comme un abrégé de sa carrière. Déjanire envoyant la chemise empoisonnée fait partie d'un cycle de huit peintures sur l'histoire d'Hercule commandé pour orner l'appartement du roi au Grand Trianon. (*) Reproduction en 1/4 de page A4 libre de droits. Autres formats : voir conditions RMN Guy-Louis Vernansal (1648-1729) Enfant Bacchus confié aux nymphes Huile sur toile, 198 x 116 cm Orléans, musée des Beaux-Arts (inv. 847) © Musée des Beaux Arts d’Orléans / François Laugine Emblématique d’une génération de peintres encore très marquée par l’académisme de Charles Le Brun et resté profondément attaché à sa leçon, Guy-Louis Vernansal privilégie un dessin affirmé et des couleurs primaires utilisées en larges aplats pour renforcer la lisibilité de son œuvre. Vernansal a parfaitement su tirer parti de la verticalité de son format qui paraît tout à fait adapté pour prendre place dans les lambris d’un grand décor. Devant un monumental cep de vigne, les personnages, Mercure confiant Bacchus nouveau-né aux nymphes de Nysa, forment une puissante diagonale située au tout premier plan de la composition. 24 Louis de Boullogne (1654-1733) Venus dans la forge de Vulcain 1703 Huile sur toile, 67,5 x 57,5 cm Sceaux, Collection Milgrom © M. et Mme Milgrom Cadet d’une dynastie d’artistes académiciens, Louis II de Boullogne, tout comme son frère aîné Bon et sa sœur Madeleine, participa au Salon de 1704. Vénus qui engage Vulcain a faire des armes pour Enée est une réplique d’un sujet qu’il avait déjà traité avec succès vers 1700 pour le décor des appartements de la duchesse de Bourgogne à la Ménagerie de Versailles. Les couleurs vives et tranchées mettent en valeur la sensualité des formes de Vénus et la force de l’anatomie de Vulcain. Robert Le Lorrain (1666-1743) Vertumne, Pomone et l’Amour Vers 1704 Bronze, 55 x 37 x 32 cm Paris, mobilier national (inv. GML 85581) © Cliché Mobilier national / L. Bideau Très recherchée par les collectionneurs, la petite sculpture de bronze connaît son apogée en France durant la première partie du XVIIIe siècle où elle atteint un haut degré de raffinement. Robert Le Lorrain, Philippe Bertrand et Corneille Van Cleve s'imposent comme les créateurs inspirés de ces productions originales, vives et pleines de grâce, qui mettent en scène avec esprit les amours des dieux et des héros de l’Antiquité. La tension dramatique perceptible dans ce groupe de Robert Le Lorrain réside dans le contraste saisissant entre la retenue de Pomone et le dynamisme du turbulent Vertumne, qui s’était dissimulé sous un masque afin de surprendre et de conquérir sa bien-aimée. 25 Nicolas de Largillierre (1656-1746) Portrait de Jean-Baptiste Forest Vers 1699-1700 Huile sur toile, 128,5 x 96 cm Lille, musée des Beaux-Arts © RMN (*) Paysagiste réputé dont les tableaux ont aujourd’hui complètement disparu, Jean-Baptiste Forest (1634-1712) avait épousé, en 1673, Elisabeth de La Fosse, sœur du peintre Charles de La Fosse. Reçu à l’Académie royale en 1674, Forest eut une fille, Marguerite-Elisabeth qui, en 1699, se maria à Nicolas de Largillierre. Le peintre a donc représenté ici son beau-père, assis devant son chevalet, vêtu d’une luxueuse robe d’intérieur, tenant palette et pinceaux. Le port altier, la chemise ouverte, le généreux bonnet de velours noir et le regard du modèle ignorant le spectateur confèrent à ce portrait un caractère dynamique que viennent opportunément renforcer la dominante rouge et l’écriture puissante, chargée en matière, du portraitiste le plus audacieux de la fin du règne de Louis XIV. (*) Reproduction en 1/4 de page A4 libre de droits. Autres formats : voir conditions RMN André Bouys (1656-1740) Portrait de Marin Marais 1704 Huile sur toile, 53 x 40 cm Paris, musée de la Musique (inv. E.995.6.44) © J-Marc Angles (*) Au Salon de 1704, près de la moitié des œuvres exposées était des portraits. Parmi ceux-ci se trouvait celui de Marin Marais, peint par André Bouys, un élève de François de Troy. Le célèbre musicien est représenté assis près d'une table, absorbé dans son travail de composition. Il tient sur ses genoux une viole, son instrument de prédilection, pour faire sonner un accord. On connaît l’esquisse peinte de Bouys pour cette composition (Rouen, musée des Beaux-Arts) ainsi que la gravure en manière-noire qu’il en a tirée (Paris, Bibliothèque nationale de France) : deux œuvres qui seront également présentées à l’exposition. (*) Reproduction payante. Contacter le photographe : [email protected] 26 Robert Levrac-Tournières, (1667-1752) Portrait de l’orfèvre Nicolas de Launay et de sa famille Vers 1700-1704 Huile sur bois 56 x 70,2 cm Caen, musée des Beaux-Arts (inv. 78.2.1) © Musée des Beaux-Arts de Caen / Martine Seyve Très inspiré par les maîtres des Pays-Bas du nord, ce ravissant tableau représente la famille de l’orfèvre Nicolas de Launay (1646-1717). L’identification des différents personnages prête à interprétation car le couple de Launay eut 14 enfants dont sept seulement vivaient encore en 1703. Parmi ceux-ci, deux filles étaient rentrées dans les ordres et la mère, elle-même, était morte en 1702. Selon que l’on date le tableau avant ou après cette date, il faut donc identifier la femme debout derrière le fauteuil de l’orfèvre comme étant son épouse ou l’une de ses filles… Le décor de la pièce est conforme aux descriptions que l’on a du « cabinet des médailles » de Nicolas de Launay qui désigne, sur la table couverte d’un épais tapis oriental, un surtout portant le motif d’un dauphin, allusion très vraisemblable à l’une de ces commandes royales qu’il honora à la satisfaction générale. 27 François Desportes (1661-1743) Chasse au sanglier 1696-1704 Huile sur toile, 72 x 90 cm Château de Parentignat, collection Lastic © David Bordes Peintre animalier dont la renommée fut au moins égale à celle de Jean-Baptiste Oudry (1686-1755), Alexandre-François Desportes s’inspira beaucoup, comme ce dernier, des modèles nordiques élaborés durant la première moitié du xviie siècle dans l’entourage de Pierre-Paul Rubens. L’enchevêtrement des animaux, formant une masse organique compacte et grouillante, rappelle en effet très explicitement les compositions à sujet cynégétique de Frans Snyders, Jan Fyt ou Paul de Vos. Les costumes polonais portés par les personnages étonneraient si l’on ne savait que le peintre fit en 1696 un séjour à la cour de Pologne, période durant laquelle il exécuta vraisemblablement cette œuvre. Peut-être la date de 1704 apposée par Desportes sur sa toile fut-elle ajoutée par lui à l’occasion du Salon : le sujet de son tableau aussi bien que la manière de le peindre étaient alors d’une telle nouveauté en France que l’artiste avait beau jeu d’en revendiquer hautement la paternité. 28 Nicolas Colombel (1644-1717) Portrait d’une femme sous les traits de Diane au retour de la chasse 1697 Huile sur cuivre, 65,5 x 81 cm Londres, Galerie Matthiesen © The Matthiesen Gallery La fin du règne de Louis XIV connaît une nouvelle mode du portrait mythologique, les modèles appréciant de se faire représenter dans des scènes historiées, tel ce retour de chasse de la déesse Diane. Le choix du support cuivre, ici d’une taille exceptionnelle, permet à Nicolas Colombel d’accentuer le caractère de préciosité minutieuse et dessinée de cette composition d’inspiration classique. Le peintre a opté pour des harmonies subtiles de couleurs froides et sonores, récurrentes dans la dernière partie de sa carrière. 29 Jacques Van Schuppen (1670-1751) Jeune fille sur une escarpolette Vers 1704 Huile sur bois, 58,5 x 43 cm Château de Parentignat, collection Lastic © David Bordes Jacques Van Schuppen vient tout juste d’être reçu à l’Académie lorsqu’il participe au Salon en 1704. Face aux tenants du classicisme versaillais, tels les Coypel, les Jouvenet ou les Boullogne, il y incarne une tendance plus intimiste de la peinture, en montrant des œuvres de dimensions réduites destinées à un public d’amateurs, peintes d’une manière fine et précise imitée des peintres hollandais très en vogue au début du XVIIIe siècle. La jeune fille, parée de fleurs, pose élégamment, en équilibre sur une escarpolette actionnée par l’Amour. Un singe, tapi dans l’ombre, quelques accessoires symboliques disposés au sol, invitent cependant le spectateur à se défier de l’inconstance des sentiments amoureux. Scène de genre galante, la Jeune fille sur une escarpolette n’est toutefois légère qu’en apparence et toute l’originalité de l’œuvre apparaît dans l’interprétation d’un discours allégorique plus profond sur la vanité de l’amour. Jacques Van Schuppen fait partie, comme Jean-Baptiste Santerre qui expose également ses œuvres au Salon, d’une génération d’artistes dont les œuvres annoncent la poésie empreinte de charme et de mélancolie d’un Watteau. 30