Journal du voyage à venise

Transcription

Journal du voyage à venise
Des « Amis du Festival » à Venise
Du lundi 15 au vendredi 19 septembre, un petit groupe d’ « Amis du Festival » a visité
Venise, autour d’une soirée à l’opéra de la Fenice (« le Trouvère » de Giuseppe Verdi) et sous
la houlette compétente et bienveillante de Gilbert Barles. Sa réactivité aux évènements et celle
de l’agence aixoise de « Human trip » nous ont permis de contourner au dernier moment
l’obstacle de la grève d’Air France (qui débutait le jour de notre départ) en passant par Nice et
Easyjet…
Voici quelques images et impressions réalisées et rédigées par quelques participants à ce qui
fut pour certains une découverte, pour d’autres un pèlerinage…
Merci de les lire avec bienveillance
Roland Courtot ,octobre 2014
Entrez, le poète vous offre un vers
Des rimes en ise(s), ize(s), yse(s) à Venise
Hantise de ne pouvoir faire ce voyage dont nous rêvions depuis des mois. En cause ce bug
dans la compagnie de « navigation » chargée du transport de la troupe des mélomanes.
Maryse, le Prénom qui m’accompagne depuis 50 ans sur les chemins de la vie et à Venise
aussi.
Balises qui tracent dans la nuit noire la route du bateau taxi vernissé, après notre arrivée
tardive à l’aéroport Marco Polo. Au loin Venise toute illuminée nous attend.
Exquise la douceur de cette nuit de septembre, à l’approche de notre hôtel d’un soir, dans la
lumière tamisée des canaux.
Valise que nous achetâmes pour pouvoir emporter au retour « carciofi, funghi porcini, biscotti
Burano, prosecco, spaghetti multicolori, e molti altri » friandises.
Cerise sur le gâteau, Le Trouvère dans son écrin architectural : la Fenice que Gilbert Barles a
probablement vu renaitre de ses cendres, avec ses cinq étages superposés de loges finement
décorées en rouge et or. C’est peu dire que pour nous la soirée, dans ce temple de la musique
qui a vu la création des plus beaux opéras de Verdi, Rossini, Bellini, Donizetti est inoubliable.
Devise de saint François d’Assise rencontrée au hasard de nos visites chez des artisans
Vénitiens :
« Chi lavora con le mani è un operaio
Chi lavora con le mani e il cervello è un artigiano
Chi lavora con le mani, il cervello e il cuore è un artista »
Chemise rouge de Giuseppe Garibaldi natif de Nice l’italienne qui, avec la fin de la
République romaine, quitte la cité avec l'intention de rejoindre
Venise où la République résistait encore aux Autrichiens.
Reprises et dentelles de Burano, l’ile aux couleurs où nous avons encore fait quelques
emplettes.
…Libre à vous de compléter si vous le souhaitez.
Gilbert Maurel
Entracte à la Fenice (photo de l’auteur)
Peppone et Don Camillo dans une ruelle du sestiere du Castello (photo de l’auteur)
A Venise, sur l’eau
Le vaporetto de la ligne n°1, qui va et vient sur le grand Canal et que nous avons beaucoup
utilisé, a parfois tout du bus parisien aux heures de pointe, car c’est la ligne la plus fréquentée
du réseau. Tandis que les excursions sur la ligne circulaire (autour de l’île urbaine) ou vers les
îles de la lagune nous ont permis de mieux goûter les plaisirs de la navigation, sur des
vaporetto qui ne sont plus les autobus des canaux intérieurs, mais des bateaux plus « marins »,
plus gros ou plus effilés. Même s’ils ne sont plus de première jeunesse, on sent que le savoir
faire marin de Venise est toujours présent.
La mini-croisière vers Burano commence sur les Fondamente nove, pas loin de cette
étonnante église des Jésuites, où les marqueteries de marbre alternent avec des décors en
trompe-l’œil difficiles à déceler… tandis que la silhouette de la ville, soulignée par ses
nombreux clochers et coupoles, s’éloigne, les façades rouge de briques des cristalleries de
Murano sont déjà là : mais nous snoberons ce haut lieu de l’artisanat vénitiens pour consacrer
notre temps à la petite île suivante, Burano, patrie des pêcheurs de coquillages et des
dentellières : occasion d’une ballade matinale plus calme au bord de ses petits canaux où se
reflètent des façades aux peintures multicolores parfois violentes. Mais l’heure de midi attire
des flots de touristes qui viennent admirer ce village-arlequin où acheter des dentelles…Nous
nous trouvons à l’étage d’un petit restaurant un excellent déjeuner sous les emblèmes et les
souvenirs de la cellule locale du parti communiste.
A Burano tout penche…(photo de l’auteur)
Sur le chemin du retour, on mesure l’évolution du niveau de l’eau dans la lagune en
remarquant qu’il lèche maintenant les embrasures des canons d’une vieille batterie destinée à
défendre autrefois les approches du port, et on passe au large des énormes travaux
d’aménagement du grau du Lido destinés à réguler ce niveau (et objets de tant de polémiques
autour de leur durée, de leur coût, et de leur efficacité mise en doute, un des grands scandales
politico-financiers en cours à Venise)..Le trajet par le Lido permet de revenir vers la ville en
savourant son plus beau paysage urbain, celui du quai des Esclavons, du palais des Doges, de
la place St-Marc, de la Salute et de San Giorgio : 380 degrés de lagune, de canaux, de
monuments, de palais,…sur lequel tous les voyageurs, romanciers et peintres se sont arrêtés…
(et que Thomas Mann aurait admiré dans ses allers et retours depuis le Lido, d’après le film
« Mort à Venise », de Luchino Visconti)
La Dogana et la Salute depuis le vaporetto (dessin de l’auteur)
Roland Courtot
PS : J’allais oublier l’arrivée à Venise (la surprise concoctée par Gilbert) en motoscafo Riva,
brillant de tous ses boiseries vernies, et parcourant le chenal qui va de l’aéroport à la ville à
vive allure, proue levée et moteur vrombissant, traçant son sillage dans un jaillissement
d’écume entre les deux alignement de « bricole »…arrivée directe à la porte embarcadère de
l’hôtel, comme pour les vedettes de cinéma dans les grands palaces !!!
L’embarquement pour Venise à la sortie de l’aéroport (photo de l’auteur)
Ballade sur le Grand Canal
La Ca d’Oro depuis le « vaporetto » (photo de l’auteur)
« La plus belle rue qui soit au monde, et la mieux maisonnée… » Philippe de Commynes
Cette prestigieuse artère dessine un S inversé ou si l’on préfère un Z la lettre chérie de la
langue vénitienne.
Il ne coule pas d’un trait, il serpente dévoilant Venise au gré de ses sinuosités.
Parcourir cette magnifique avenue d’eau est une fête qui permet d’admirer palais, églises et
édifices civils se succédant avec une grande variété de couleurs et de matériaux, leur magie
intérieure égale leur magie extérieure.
Embarquement sur un vaporeto à San Marcuola : premier aperçu sur le palais renaissance
Vendramini-Colergi où l’on peut imaginer Wagner composant « Tristan et Yseult ».
Puis le regard se fige sur la Ca’ d’Oro , plus bel édifice du gothique fleuri vénitien ,
témoigne d’un art précieux et subtil porteur de nombreuses réminiscences byzantines.
Passage sous le pont du Rialto, l’un des symboles marquants de la ville, se dresse au cœur
du centre historique.
C’est un défilé de monuments remarquables avec toutes ces lumières se réfléchissant dans
l’eau on aimerait, comme Renoir, en saisir les effets furtifs .
Le Palazzo Grassi et sa façade jaune paille est chronologiquement le dernier grand palais
vénitien,
Il possède une partie des plus importantes collections d’art contemporain au monde.
Face au pont en bois de l’Académie, les hauts murs aveugles de l’église de la Carità , le
couvent et la scuola attenantes abritent les prestigieuses Galeries de l’Académie, comment
ne pas penser
à Bellini et ses «Vierges à l’Enfant » qui sont certainement les plus belles, les plus humaines
, les plus délicatement tendres que l’on connaissent…
à Giorgione et « la Tempête » …
Vogue vaporeto on arrive à l’imposante basilique de la Salute, Tintoret nous y convie…
Cette ballade se termine par la Dogana di Mar, sa pointe triangulaire, à la manière d’une
proue de navire, partage les eaux du Grand Canal et du canal Giudecca.
Après un tel parcours, l’émotion, l’émerveillement et le bonheur nous submergent par
tant de Beauté.
Merci à Vous La Sérénissime
Maud Jouanneau
A Venise, « Il suffit de passer le pont… »
Un canal du sestiere de Castello, le long de la Scuola di San Giorgio degli Schiavoni , où
nous avons admiré les œuvres de Carpaccio (dessin de l’auteur)
Et il y en a tant, des ponts…Je ne vous parlerai pas des ponts où il faut prendre son tour,
tellement la presse touristique y est grande pour voir le pont des Soupirs ( le pont sur la riva
degli Sciavoni), ou le Grand canal (le Rialto), mais des petits, des discrets, presque tous sur le
même modèle : une petite arche de briques rouges soulignée par des arcatures de calcaire
blanc, basses à obliger les gondoliers à se courber pour glisser leur gondole sous l’arche. Mais
hautes de marches pour les piétons, dont les pérégrinations sont ainsi souvent interrompues de
brusques montées et descentes. C’est aussi l’endroit où on s’arrête, entre deux ruelles étroites
et obscures, pour bénéficier brusquement d’un coin de ciel bleu, d’un rayon de soleil, d’une
perspective sur le canal et les façades…Un moment pour voir un coin de quartier tranquille,
des barques amarrées aux poteaux parfois bigarrés comme des sucres d’orge, ou un canal à
fort trafic, avec trains de gondoles et grosses barques de labeur. Le gondolier manille sa
barque avec dextérité sur la « corne », arrivant ainsi à faire marcher droit un bateau tout tordu,
fait selon une technique spécifique, qui le courbe dans le sens de la longueur, et le
déséquilibre dans le sens de la largeur. On admire les reflets colorés des façades dans l’eau et
on râle après le « motoscafo » bruyant qui vient troubler le miroitement de la ville vue à
l’envers dans le miroir de ses canaux.
Gondoles amarrées près de la place St Marc, en face de San Giorgio (dessin de l’auteur)
Cette forme de gondole est historiquement récente, puisqu’elle date du 19e siècle : jusque là la
gondole était un bateau symétrique, mené par un ou souvent deux gondoliers. On en a la
preuve en regardant l’ancienne gondole dans la cour du palais des Doges, ou les tableaux de
Guardi ou de Canaletto. Il ne reste aujourd’hui qu’un chantier naval construisant des gondoles
à Venise, dans le sestiere de Dorso duro, près des Zattere.
Le pont situé juste à côté de l’hôtel Ca Gottardi est doublement fréquenté : par-dessus, ce sont
les piétons qui vont de la gare au Rialto, par-dessous ce sont les « barques » (terme générique
de tout ce qui flotte, sauf pour les gondoles) qui passent des Fondamente nove au Grand canal
et vice versa. Lieu d’observation idéale pour le rythme de la vie quotidienne de Venise : par
exemple le débarquement des marchandises et les cris des livreurs au petit matin, ou les flopés
de touristes tirant leur valise à roulette à chaque arrivée de train ou de bus de l’aéroport à la
gare, et qui s’arrêtent pour prendre une première photo de la ville, celle de la Ca Pesaro dont
la belle façade blanche se reflète dans l’alignement du pont, sur l’autre rive du Grand canal.
Le palais Pesaro depuis le pont à côté de notre hôtel (dessin de l’auteur)
Roland Courtot
Peinture vénitienne : my playing list
Les noces de Cana, Tintoret, La Salute
Pas de Caravage à Venise mais tant d’autres beautés !
J'y ai admiré à l'Academia et au Musée Correr des œuvres de dimension modeste: quelques
(trop) rares portraits du Titien et de Lotto, les vierges pensives de Giovanni Bellini, dont une
étrange pietà avec le Gesù bambino, les petits retables de dévotion privée tout raides et dorés,
les flamboyantes couleurs de Carpaccio, la sérénité des saints et des doux paysages de Cima
di Conegliano.
Je garde en réserve pour mon "musée imaginaire" les cheveux d'or sur fond noir de la
Madeleine de Bellini, caravagesque avant l’heure (merci, Gisèle, de me les avoir fait
remarquer), les trois petits anges musiciens délicatement concentrés sur leur instrument au bas
de la Présentation de Jésus au Temple de Carpaccio, la mystérieuse maternité de la Tempête
de Giorgione, l'ange endormi qui veille sur le tombeau de son Doge à la Salute, les petites
Marie du Tintoret (Eglise Madonna del Orto) et du Titien (Scuola della Carità) qui
gravissent les marches du temple (celle du Titien exceptionnellement auréolée de pied en
cap), et l'émouvante copie du Christ Mort de Antonello de Messine, soutenu amoureusement
par les anges (appartements du Palais des Doges).
Mais ce sont des oeuvres de très grande dimension qui caractérisent pour moi la peinture à
Venise:
- Les premières "vedute" de la ville dans le Cycle de la Croix de Gentile Bellini, Bastiani,
Mansuetti, Diana et dans Le Cycle de Sainte Ursule de Carpaccio (Academia). Peintures
encore un peu raides mais aux couleurs flamboyantes (oui, le rouge Carpaccio n'est pas une
légende).
- La magnifique composition de l'Assomption du Titien (Eglise Frari).
- Le foisonnant repas chez Levi de Véronèse (Academia).
- Dans les églises et au Palais des Doges les gigantesques et innombrables fresques sur
plafonds et toiles murales de Tintoret, Véronèse, Tiepolo, Titien, de leurs ateliers et disciples:
une envolée d'auréoles, velours et dentelles, muscles saillants, sourires béats ou sourcils
froncés, fleurs et nuages, saints du Paradis et dieux de l'Olympe, mêlant souvent avec
allégresse le sacré et le profane, ce qui avait valu à Véronèse les rigueurs de l'Inquisition.
Je mets en relief les Noces de Cana de Tintoret (sacristie de la Salute), grande toile murale
vibrante et chatoyante au beau rayon de lumière qui éclaire les invitées. Elle n'est pas ma
préférée mais me semble bien représenter l'école vénitienne de peinture. Surtout elle
symbolise pour moi la convivialité de ce voyage fort réussi à tous égards où, comme à Cana,
le vin (italien pour nous) a coulé à profusion, apprécié de tous. Remarquons les quatre grandes
jarres au premier plan pleines de Prosecco et la petite aiguière sur la desserte à droite prête à
verser l'eau de Seltz pour le Spritz.
Marie Motte
L’art contemporain à Venise : la Dogana
Nobuo, Phase of nothingless
Susumu Koshimizu Perpendicular line
La Dogana, exposition collection personnelle de François Pinault (photos de l’auteure)
La « Dogana », cette pointe avancée du Dorso Duro entre le grand Canal et celui de la
Giudecca, autrefois symbole de l’activité portuaire et commerciale de Venise, est maintenant
colonisée par l’art contemporain, après avoir été un sujet de prédilection pour les nombreux
artistes venus découvrir Venise (je recommande les tableaux et les aquarelles de William
Turner). On le doit à la fondation Bernard Pinault qui, après avoir rempli le palais Grassi,
occupe maintenant la Dogana par des expositions temporaires. La collection contemporaine
du mécène était présentée dans ce lieu de brique et de bois.. Mais quelle architecture, quelles
charpentes ! Une grande simplicité, une grande fonctionnalité, quant on a vu auparavant les
ors vénitiens du palais des Doges, des églises, des « scuole »…Le visiteur se sent soudain
allégé et respirant : par le contraste architecture/ esthétique des œuvres exposées (on est bien
au 21eme siècle dans l’art…) et par la faible fréquentation des salles, qui succède aux foules
rencontrées en face sur la place St Marc, autour des « hot spots » touristiques de la ville…
Gisèle Courtot
« El cuor no se vende »
Le marché du Rialto (photo de l’auteur)
« El cuor no se vende », « Le cœur ne se vend pas», c’est l’inscription peinte sur une toile
pendue sous les arcades du mercato du Rialto, et qu’on voit bien depuis le traghetto que nous
empruntons pour traverser le grand canal juste au droit du marché. Le traghetto, c’est la
gondole du « passeur », qui supplée à plusieurs endroits le petit nombre de ponts (trois
seulement) pour aller d’une rive à l’autre du Grand canal : les touristes français s’ y assoient
sur un petit plat-bord, alors que les Vénitiens mettent un point d’honneur à rester debout
pendant la « traversée ». Cette phrase lapidaire rappelle la tentative des autorités municipales
de déplacer le marché du Rialto vers Mestre, et la levée de bouclier des marchands et des
consommateurs qui l’a maintenu à la place où il se tient depuis le siècle.
En fait, c’est le « ventre » de Venise, dont le quai sur le Canal est très tôt animé tous les jours
par le va-et-vient des barques qui apportent la marchandise, et la ballade matinale sous une
halle gothique, au milieu des étals débordants, est une excellente invitation à la gastronomie
locale : poissons, crustacés, coquillages des lagunes et de l’Adriatique, « herbe » des
maraîchers de l’île St Erasme et du Lido de Iesolo, fruits de toute l’Italie, sans oublier les
« funghi » (champignons) venus des bois du Frioul et du piémont Alpin jamais loin : des
armillaires (« clitocybe mellea », « souchette » en Provence) par cageots entiers , tellement
qu’ils me font demander au marchand s’ils sont cultivés : crime de lèse majesté évident, qui
déclenche son ire, et ses imprécations, « del bosco !!!, del bosco alto !!!…» retentissent et me
poursuivent ! une rareté aussi : un cageot plein du fameux amanite des Césars, en forme d’œuf
orangé sortant d’une volve blanche…le roi des champignons pour les gourmets (mais 50
euros le kg quand même !) Autour du marché, quelques boutiques fournissent les autres
spécialités nécessaires à un festin vénitien : les pâtes, les fromages, les vins…! Les
gourmands se laissent tenter !
« On ne touche pas au Rialto » (photo de l’auteur)
Les « funghi » si appréciés des Vénitiens : les « porcini » (les ceps) à gauche, les « ovolis »
(les amanites des césars) à droite, les girolles au fond…(photo de l’auteur)
Roland Courtot

Documents pareils