Abbott : l`interview

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Abbott : l`interview
Un labo au crible Abbott
Miles White, président d’Abbott
Une entreprise
de santé avec
trois fers au feu
Plus qu’une entreprise pharmaceutique, Miles White, CEO d’Abbott,
dirige un groupe de santé. Il ne souhaite céder aucune de ces activités majeures
et complémentaires.
Vous êtes classé à la neuvième place de la pharmacie
mondiale. Quel rang voudriez-vous atteindre ?
● Nous ne voyons pas Abbott comme une société pharmaceutique, mais plutôt comme une entreprise de santé.
Celle-ci s’appuie en effet sur des domaines d’activité étendus et s’avère particulièrement bien positionnée pour
réussir sur le marché de la santé. Notre portefeuille recèle effectivement deux produits phares stimulant notre
croissance – Humira®, une biothérapie traitant plusieurs
maladies auto-immunes invalidantes, et Xience V®, notre
stent coronaire à élution de principe actif – ainsi qu’une
gamme diversifiée de produits médicaux, pharmaceutiques
et de nutrition. C’est pourquoi notre pôle pharmaceutique fait partie des meilleurs dans ses domaines thérapeutiques. Les ventes de cette division se sont envolées de
19,6 % au troisième trimestre 2007. Notre croissance s’est
d’ailleurs révélée particulièrement forte en Europe. Dans
le sillage du deuxième trimestre où notre secteur pharmaceutique européen a enregistré la progression la plus
rapide sur le Vieux Continent, selon IMS Health. Dans
les produits médicaux, les facturations ont augmenté de
12 % au troisième trimestre 2007. Elles ont été stimulées par une augmentation à deux chiffres dans les secteurs du diagnostic et du cardiovasculaire, tandis que le
chiffre d’affaires de la division nutrition a cru de 15,8 %.
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PHARMACEUTIQUES - NOVEMBRE 2007
Comment allez-vous compléter votre portefeuille d’activités ? Envisagez-vous de réaliser une acquisition majeure ?
● Nous ne nous reposons jamais sur nos lauriers – nous
travaillons toujours dans la perspective de compléter notre
portefeuille – et notre entreprise est plus forte aujourd’hui
qu’elle ne l’a jamais été au cours de la dernière décennie.
À l’heure actuelle, nos secteurs d’activité présentent un
profil hautement performant et bâtissent de solides fondations pour asseoir la croissance future. Aucune autre
entreprise de santé qu’Abbott n’est plus à même d’offrir
de tels résultats pour les patients et pour les actionnaires.
Après l’échec de la transaction avec General Electric,
souhaitez-vous conserver votre unité diagnostic ?
● Dans le domaine du diagnostic biologique, Abbott
occupe une place de leader mondial. Il s’agit d’une activité de haute valeur et nous avons l’intention de la
conserver au sein d’Abbott. Nous saisirons les opportunités de croissance futures, en particulier sur les
marchés internationaux, où nous détenons près de
70 000 clients institutionnels dans plus de 100 pays.
Notre activité internationale représente 80 % des
ventes totales du diagnostic biologique. Elle contribue pour une large part à la croissance à deux chiffres qu’a connu ce pôle au troisième trimestre 2007.
Un modèle
qui a fait
ses preuves
MILES WHITE, CEO D’ABBOTT,
S’APPUIE SUR UN PORTEFEUILLE
PROMETTEUR.
Souhaitez-vous renforcer votre gamme de produits
médicaux ?
● Ce pôle a subi une transformation radicale au cours
des huit dernières années, dont le point culminant a
été l’acquisition en 2006 des divisions vasculaires et endo-vasculaires de Guidant. Nos gammes de produits
médicaux se déclinent désormais entre le vasculaire, le
diabète, le diagnostic moléculaire, le diagnostic biologique, la chirurgie du rachis et la santé vétérinaire.
La construction de cette activité vasculaire illustre parfaitement notre stratégie : nous identifions un large
marché, au fort potentiel de croissance profitable, nous
y entrons en acquérant une petite société (comme Perclose en 1999), qui a développé une nouvelle technologie innovante. Et en nous appuyant sur cette base, nous
travaillons méthodiquement pour atteindre une position
de leadership. C’est un modèle qui a fait ses preuves.
Quels sont vos principaux produits et quels sont vos
prochains lancements prévus ?
● Nos produits constituent des facteurs de croissance dans
chacun de nos trois secteurs d’activité : c’est le cas d’Humira®
dans le secteur pharmaceutique, de Xience V® dans les produits
médicaux et de notre secteur nutrition, en rapide croissance.
Notre portefeuille recèle également des produits innovants en développement, qui nous permettront d’asseoir
notre croissance future. Ainsi, ABT-874, biothérapie antiIL 12, est actuellement en phase II. C’est un traitement
pour plusieurs maladies auto-immunes, parmi lesquelles
la maladie de Crohn et le psoriasis. Les résultats de notre
étude de phase II dans le psoriasis ont démontré la grande
efficacité de cette molécule. ABT-874 va donc logiquement
entrer en phase III, pour cette indication du psoriasis. En
neuroscience et dans le traitement de la douleur, le dossier
de demande d’autorisation de mise sur le marché pour Vicodin® à libération contrôlée devrait être soumis aux autorités de santé au dernier trimestre 2008.
Parallèlement, nos différents programmes de phase I
avancent. En oncologie, notre recherche se concentre sur le
développement de thérapies plus ciblées et moins toxiques.
Nous travaillons en collaboration avec Genentech pour développer et commercialiser deux molécules, qui représentent une approche unique et prometteuse du traitement de
cancers. Dans les anti-viraux, nous conduisons une recherche de phase I pour développer des inhibiteurs de protéase
contre l’hépatite C. En neuroscience, nous développons des
molécules contre la schizophrénie, le syndrome d’hyperactivité et de manque d’attention, la maladie d’Alzheimer et
la douleur. Ceci inclut ABT-089, un agoniste du récepteur
nicotinique neuronal en phase II qui s’attaque au syndrome
d’hyperactivité et au déficit d’attention. Les molécules agissant sur le récepteur nicotinique neuronal jouent, en effet,
un rôle primordial dans la régulation de la douleur, de l’humeur, de la mémoire et d’autres fonctions neurologiques.
Comment est organisée et orientée votre activité de
R&D ?
● La découverte en interne représente l’un des piliers de
notre stratégie. Depuis 1998, nous avons plus que doublé nos investissements consacrés à la science et à l’innovation, en nous concentrant sur une recherche prometteuse qui fera la différence pour les patients. Les
scientifiques d’Abbott progressent dans les domaines du
diabète, du diagnostic moléculaire, de l’immunologie, de
la neuroscience, de la nutrition, de l’oncologie, de l’orthopédie, de la médecine personnalisée et du vasculaire.
En outre, nous détenons un portefeuille en développement
prometteur à moyen et long terme et très étendu. Nous attendons, en 2007, un nombre record de dépôts de dossiers
d’enregistrement ainsi que des approbations pour de nouveaux produits majeurs. Et ceci, grâce à un fort investissement
en R&D, dont le budget a augmenté de 16 % au premier
semestre 2007 par rapport à l’année précédente (1,2 milliard
de dollars contre 1 milliard de dollars).
Nous avons été récompensés pour notre innovation à
deux reprises au cours des derniers mois. Ainsi, Humira®, >>>
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NOVEMBRE 2007 - PHARMACEUTIQUES
Un labo au crible Abbott
des autres pays du monde – et Meridia® aux Etats-Unis
a déjà été utilisé par plus de 20 millions de personnes à
travers le monde. Les taux d’obésité ayant cru en France
et dans le reste du monde, davantage de personnes ont
recours aux options thérapeutiques pour les aider à perdre du poids. Sibutral® qui s’attaque à cette pathologie continuera donc d’être un traitement important.
>>> le premier anticorps entièrement humain utilisé dans le
traitement de la polyarthrite rhumatoïde, du rhumatisme
psoriasique, de la spondylarthrite ankylosante et de la maladie de Crohn a remporté une prestigieuse récompense, le
Prix Galien USA, pour l’innovation dans la prise en charge
du patient. Une récompense décernée peu après avoir reçu
le prix de l’Innovation Technologique 2007 du Wall Street
Journal reconnaissant ce médicament dans la maladie de
Crohn comme une avancée majeure en technologie médicale.
Les alliances avec des firmes de biotechnologie représentent-elles un axe majeur de votre stratégie ?
● La découverte et le développement de nouveaux médicaments nécessitent des capitaux conséquents. En
identifiant et en sélectionnant les bons partenaires, nous
optimisons nos capacités à apporter de nouvelles options
thérapeutiques pour les médecins et les patients. La collaboration avec l’américain Genentech nous apporte, par
exemple, une recherche scientifique de pointe et une expérience dans le développement en oncologie. Mais il est également important de réaliser qu’Abbott est lui-même une
entreprise de biotechnologie – l’une des plus grandes et des
plus compétitives au monde. D’ailleurs, je vous rappelle
qu’Humira® est un médicament issu de la biotechnologie.
Aussi, nous menons actuellement un programme de développement (en dernier stade) pour l’évaluation d’une anti-IL
12/23 dans le psoriasis et un autre concernant l’anti-IL 6.
Nous travaillons avec une technologie avant-gardiste qui
nous permet de combiner plusieurs anticorps monoclonaux en une seule molécule. Nous avons bon espoir qu’une
science de pointe et une expertise solide puissent apporter aux patients des thérapies plus ciblées et plus efficaces.
Que pensez-vous de l’attractivité de la France ?
● Nous sommes présents dans l’Hexagone depuis 1950,
date à laquelle nous y avons ouvert nos premiers bureaux.
Humira® connaît un succès fulgurant. Quelles nouvelles
Aujourd’hui, la France est devenue un pays important,
indications en attendez-vous ?
s’insérant dans notre stratégie globale. Le
● Depuis son lancement en 2003, les ventes annuelsiège européen d’Abbott est d’ailleurs
les de cette spécialité se sont envolées pour dépasser
basé à Rungis, près de Paris. Il y a
l’an passé deux milliards de dollars. C’est le plus imquelques années, nous avons fait
portant montant qu’Abbott n’ait jamais réalisé. Ce
l’acquisition de Spine Next,
Une croissance
chiffre est d’ailleurs bien parti pour atteindre trois
une entreprise située à Bormilliards de dollars en 2007. D’autant que ce prodeaux. Celle-ci est devenue
à deux chiffres
duit devrait être prescrit dans de nouvelles indicala base de notre pôle chiruren 2007
tions. Il est actuellement utilisé dans le traitement
gie du rachis, une activité que
de la polyarthrite rhumatoïde, du rhumatisme psonous voudrions développer.
riasique, de la spondylarthrite ankylosante et de la
Les fondations de votre pays en
maladie de Crohn. Cette année, nous avons déposé un
matière de santé sont très solides
dossier de demande d’enregistrement pour le psoriasis.
et l’accès des patients aux innovaPar ailleurs, l’arthrite juvénile idiopathique et des études
tions me paraît globalement bon. Cecliniques évaluant son potentiel dans le traitement de la pendant, et ce n’est pas uniquement propre à la France, la
recto-colite hémorragique, de la maladie de Crohn pédia- gestion des coûts de santé n’y est pas sans obstacles. Face
trique ainsi que du psoriasis pédiatrique sont en cours. à ces problématiques, il est essentiel que tous les patients
aient accès aux traitements et aux technologies de pointe.
Sanofi-Aventis n’est pas parvenu à faire approuver son
Acomplia® aux Etats-Unis. Cet échec a-t-il rejailli sur les
Quelles sont vos prévisions de résultats pour 2007 ?
ventes de votre Meridia® ?
● Nous voulons continuer à enregistrer une crois● Nous n’avons pas observé d’impact significatif sur no- sance soutenue à deux chiffres en 2007 et à plus long
tre activité suite à la décision de la FDA. Néanmoins, il terme. Pour l’ensemble de l’exercice en cours, nous préest important de reconnaître l’obésité comme une maladie. voyons un bénéfice net par action compris entre 2,80Notre médicament qui se nomme Sibutral® en France – 2,84 dollars, ce qui, en milieu de fourchette, correspond
Reductil® dans d’autres pays d’Europe et dans la plupart à une croissance d’environ 12 % par rapport à 2006. n
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PHARMACEUTIQUES - NOVEMBRE 2007
Un labo au crible Abbott
Jean-Yves Pavée, président Abbott France
Un centre
international
prometteur
La filiale française d’Abbott conserve sa propre capacité
d’innovation. Siège européen du groupe, elle va bientôt
accueillir une bonne partie du marketing international
de l’immunologie
Quelle est la place de la filiale française dans le groupe et
quels sont ses objectifs ?
● Avec un chiffre d’affaires supérieur à 640 millions d’euros,
la filiale française occupe la deuxième place sur le marché
européen, devançant les filiales allemande et espagnole. Elle
connaît une expansion forte (+14 % au deuxième trimestre),
la plus forte de son marché de référence. Ses activités sont diversifiées, même si la pharmacie représente près des deux tiers
de son chiffre d’affaires. Sa stratégie est alignée sur celle du
groupe. En France, Abbott s’est concentré sur certains marchés pharmaceutiques, le plus souvent de spécialité hospitalière (immunologie, VIH, néonatalogie, anesthésie). Nous
apportons dans ces spécialités une véritable valeur ajoutée
thérapeutique et nous sommes leaders ou de forts numéros
deux. Notre croissance y est supérieure à celle du marché. En
médecine de ville (hypertension artérielle, antibiothérapie),
nous gagnons également des parts de marché. Les clés de
cette réussite résident non seulement dans la valeur thérapeutique de nos molécules, mais aussi dans notre structure et
notre façon de travailler, qui nous a permis d’attirer de nombreux talents ces trois dernières années. Nous nous appuyons
également sur les aspects très positifs de l’environnement
français : une recherche médicale de qualité, un accès au marché des molécules innovantes, pour permettre aux patients
de bénéficier des avancées thérapeutiques d’Abbott, que ce
soit avec Humira® et ses nombreuses indications, ou Kaletra®, l’antirétroviral le plus présent pour les patients VIH +.
Quels sont les futurs lancements en France ?
● Nous avons la chance d’avoir réussi trois lancements primordiaux ces trois dernières années. Au début 2008, nous
allons commercialiser Humira® dans l’indication de la mala-
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PHARMACEUTIQUES - NOVEMBRE 2007
JEAN-YVES PAVÉE
MISE SUR DES ACTIVITÉS
DIVERSIFIÉES.
die de Crohn, puis mi-2008, pour le traitement du Psoriasis.
Viendra ensuite une nouvelle molécule issue de la recherche
biologique d’Abbott, l’ABT 874, dont les résultats dans le
Psoriasis sont remarquables. En ville, nous lancerons en début d’année Innovair®, une association fixe dans le domaine
de l’asthme, conjointement avec Chiesi qui a développé cette
molécule ainsi que l’inhalateur original qui la délivre. Enfin,
en 2009, nous espérons lancer un dosage fort de Tarka®, association fixe sans diurétique qui rencontre un succès croissant.
Que pensez-vous de la politique de réduction des dépenses
de santé en France ?
● Après quatre ans passés aux Etats-Unis, puis en Irlande,
en Belgique et maintenant en France, en tant que directeur
général, j’ai vécu différentes approches des autorités visant
à maîtriser l’évolution des dépenses de santé. Si nous accueillons favorablement les mesures qui accélèrent le développement des génériques et celles qui responsabilisent les
patients, nous tenons à ce que ces derniers puissent continuer à bénéficier d’un accès rapide aux traitements innovants. Cependant, les molécules qui comportent plusieurs
indications conduisent les autorités à mettre en place une
régulation, qui risque de rendre nettement moins attractifs les développements de ces nouvelles indications. Par
ailleurs, Abbott France est en concurrence avec d’autres
laboratoires compétiteurs innovants, mais aussi avec les
autres filiales du groupe. Depuis 2004, Abbott a installé
son siège européen et sa direction médicale internationale
en France, dans les locaux de la filiale. Nous nous préparons à accueillir une bonne partie du marketing international de l’immunologie. Il est important que ces centres de
décision internationaux se déplacent à Paris, et y restent. n
Un labo au crible Abbott
Olivier Bohuon
le bourlingueur
d’Abbott
OLIVIER BOHUON,
LE « FRENCHY »
DU GROUPE.
A 18 ans, Olivier Bohuon voulait écumer les mers. Il sillonne
aujourd’hui la planète pour Abbott et invente de nouveaux horizons
de croissance.
N
e lui dites pas qu’il peut être appelé à exercer les
plus hautes responsabilités chez Abbott. Olivier Bohuon vous couperait aussi sec : « C’est
hors sujet ! » Pourtant, sa trajectoire professionnelle plaide en sa faveur. Sa vie se passe entre deux avions,
fonction oblige. Propulsé à 47 ans président de la division
internationale du groupe Abbott et membre du comité
exécutif depuis mars 2006, Olivier doit couvrir le monde
entier, à l’exception des Etats-Unis. Insatiable, il échafaude
de nouveaux chantiers. « Abbott peut porter ses activités de
R&D à leur meilleur niveau. Cette industrie, pour exister,
doit créer ! Créer les produits dont nous avons vraiment
besoin », martèle-t-il. « Notre objectif est d’optimiser notre
recherche pour réussir à lancer une à deux nouvelles entités
moléculaires par an. »
Pour diriger, Olivier Bohuon privilégie le contact direct :
« J’aime bien les gens qui ont des défauts et qui ont des passions. Rencontrer et pas seulement écrire des mails, écouter, parler, créer la confiance, c’est capital ». Le « frenchy »
d’Abbott n’a pas de « maître à penser ». Il ne révère pas
Un parcours exceptionnel
• 1983 : Doctorat de Pharmacie (Paris XI)
• 1984 : HEC
• 1986 : Responsable de projet pour
le Boston Consulting Group
• 1987 : Directeur des ventes de Roussel Uclaf pour le Moyen-Orient
• 1988 : Directeur de la division Pharmacie d’Abbott à Madrid
• 1995 : Vice-président de Glaxo France
• 2001 : CEO et Président de Smithkline Beecham France
• 2003 : Vice-président de GlaxoSmithkline
Pharmaceutical Europe
• 2006 : Président d’Abbott International
Distinctions :
Chevalier de la Légion d’Honneur
Membre de l’Académie française de pharmacie.
particulièrement Jack Welch, ancien président de General
Electric, icône des grands patrons et des marchés financiers
: « Je crois davantage à l’exigence positive, à la pédagogie.
J’ai été influencé par des patrons, pas par un seul. JeanPierre Garnier chez GSK, Edwin Nathan (Glaxo), Henri
Philippart (Smithkline Beecham) et Franz Humer (Roche)
m’ont marqué. »
Mais Abbott et la pharmacie ne mangent pas toute sa
vie : « Il est fondamental de sortir du mirage de l’entreprise, qui nous laisse trop peu de temps pour prendre du
recul et réfléchir. » Parfois, il plaque tout. Pour sa famille.
Marié jeune et père de trois enfants, combien de fois n’a-t-il
pas démissionné pour eux, pour les faire revenir en France.
Pour l’océan et tirer un bord au large de Dinard, sur son
vieux côtre à voile aurique.
Cette façon de tracer sa route lui vient de loin. « Passionné par la mer, confie-t-il, je voulais devenir officier
de marine, un peu comme mon grand-père. » Ce dernier,
cap-hornier, sème chez lui le virus de l’aventure. Son père,
biologiste et professeur des universités, le recadre : « Fais
pharmacie, tu feras autre chose après ! » Olivier obtempère, par pragmatisme, mais s’ennuie ferme : « J’ai compris que je n’étais pas fait pour ça ». Il s’accroche, prend
patience, sûr de trouver sa voie : « J’avais choisi une option industrie, qui m’a fait découvrir le monde de l’entreprise et j’y ai pris goût. » Il enchaîne avec HEC… Et
un début de carrière marqué par une bougeotte effrénée.
Sa route passera par Casablanca Maroc, San Diego,
Riyad, puis l’Irak, en guerre avec l’Iran. Sa rencontre avec
Abbott date de 1987. Elle sera décisive. André Garcia, patron pour la France, lui fait confiance. À 29 ans, le voilà
catapulté patron de la division Pharmacie à Madrid. Vingt
ans après, Olivier Bohuon est le seul européen membre du
comité exécutif d’Abbott. « Je suis un peu considéré comme un trublion, pas dans le moule et c’est justement ce
qu’apprécie mon patron. » n
Gilles Naudy
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