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nario s’articule essentiellement autour de la préparation d’un battle, concours où s’affrontent après éliminatoires les groupes d’un quartier ou des quartiers voisins. Il ne faut pas s’attendre à un remake de West side story, actualisé et sur fond de tags et de musique rap. La présence de deux danseurs blonds dans le clan des perdants et le vedettariat confisqué par les B. Boys Elgin et David (Marques Houston et Omari Grandberry) et leurs familles noires sont des fausses pistes, en tout cas peu exploitées. L’affrontement entre les deux groupes n’a pas de connotation raciale ou ethnique. C’est avant tout une compétition artistique et technique, fortement motivée par l’appât du gain et de la célébrité. L’enjeu est double : gagner la coquette somme de 50 000 dollars, et participer au prochain clip de la star du hip-hop Lil’Kim, reine du R&B qui sponsorise le “Big Bounce” (mot à mot le “grand rebond”, c’est-à-dire la finale). Pour cela tous les coups sont permis. On envenime les querelles de personnes. On démoralise l’adversaire. On lui pique ses figures. Ce sont les vraies péripéties du film et elles suffisent à mobiliser l’attention sur le challenge chorégraphique et les capacités des danseurs. Les autres personnages comme les autres situations sont accessoires et conventionnels : la grand-mère gâteau qui sacrifie sa cagnotte pour payer les droits d’inscription, l’amourette de David pour Liayh, la sœur d’Elgin qui oppose les Cinéma deux copains, Kad le manager raisonnable et raisonneur, Lil’Saint la mascotte dont la mort apaise les querelles et redynamise le groupe (mais c’est dans un accident de la circulation !)… Reste un brillant exercice de style où évoluent une centaine de danseurs époustouflants (près de huit cents ont été auditionnées). Le tout sans fioritures, ni plan de coupe, ni effets spéciaux, pour laisser à la performance toute sa force athlétique et technique. Les initiés seront ravis. Les autres peuvent toujours s’efforcer d’apprécier un hip-hop authentique, fidèle à ses origines, et le différencier des évolutions et des métissages qui sont, par exemple, les marques du hip-hop à la française. Les yeux secs Film marocain de Narjiss Nejjar 䉴 Maroc, terre de contrastes, répè- tent à l’envie les dépliants touristiques. Le cinéma marocain s’inscrit souvent dans cette dichotomie : des communautés urbaines travaillées par la modernité et l’occidentalisation ; et des populations rurales encore ancrées dans la tradition. Comédies et drames en résultent quand, à la faveur 117 d’exodes ou d’autres tropismes, les groupes s’interpénètrent et s’opposent. C’est une tout autre approche qu’a choisie la réalisatrice Narjiss Nejjar pour son premier long-métrage. Il s’agit pour elle de dénoncer, sans détour et avec une précision documentaire mais avec les licences qu’autorise la fiction, la survivance d’un archaïsme scandaleux. Celui qui réduit encore certaines femmes, sur certains territoires du Royaume, à la condition d’esclaves. À bord d’un autobus brinquebalant et en compagnie de Fahd, un chauffeur pour le moins fantasque et disponible (Khalid Benchegra se tire bien de tous les excès 118 d’un rôle à hauts risques) qu’elle va faire passer pour son fils, Mina (Raoula) revient à Tizi, le village bordel de l’Atlas berbère dont elle a été expulsée. “C’était le temps où l’on nous apprenait à sauter des lignes et à tourner des pages”, commente sobrement la voix off. Incarcérée pendant des années, puis oubliée, elle vient d’être libérée sans autre forme de procès. Le décor semble immuable. Parmi les champs de coquelicots, les foulards écarlates frissonnent sur la colline environnante en sinistres ex-voto des vierges sacrifiées. Les vieilles sont tenues à l’écart pour ne pas indisposer les “consommateurs”. Les enfants mâles ont été abandonnés au souk le plus proche. Seules les femmes et les filles vaquent aux occupations domestiques, corvées de bois et de lessive, en attendant de se consacrer à leur parure pour les soirs de pleine lune. Mina s’est mis en tête de faire cesser le désordre des choses. Gardant l’incognito, elle se pose en bienfaitrice. Pour que l’argument économique n’ait plus court, elle propose l’achat de métiers à tisser qui réhabiliteront des savoir-faire perdus autour des motifs berbères, tout en fournissant des moyens de subsistance autres que la prostitution. C’est compter sans la farouche opposition de Hala (Siham Assif), que tout pourtant désigne comme sa fille. Telle une sorte d’Antigone, celle-ci s’est imposée en gardienne des traditions et des rites, fussent-ils les plus révoltants. Il faudra trouver d’autres stratégies (décourager les clients) et d’autres alliés (par exemple Fahd). En mimant l’oiseau, en imitant Charlot, en prenant sa part des besognes, en s’humiliant au besoin comme s’il avait des fautes à expier, le chauffeur a conquis la confiance du gynécée, à l’exception de Hala qui résiste à toutes ses avances. Le propos est souvent austère et combatif, mais la réalisatrice, qui ne recule pas devant la perspective d’un dénouement heureux, sait utiliser un réalisme esthétique empreint de poésie. Une sorte de démarche “à l’iranienne”, qui ne nuit pas au témoignage et à sa force de conviction. N° 1250 - Juillet-août 2004