Le monde romain de 70 avant J.

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Le monde romain de 70 avant J.
Préparation à l'agrégation interne d'histoire-géographie – session 2017. ML.HOAREAU
Le monde romain de 70 avant J.-C. à 73 après J.C
I. Présentation générale du sujet
I-1. Choix de la période
La période considérée est relativement courte pour une question d'histoire antique mais
extrêmement riche. Le choix des bornes chronologiques - sur lequel nous reviendrons - invite à
considérer le monde romain à partir de son centre politique, la ville de Rome. Celle-ci est en effet le
théâtre de mutations politiques et culturelles considérables au moment de cette période charnière
entre la fin de la République et l'affirmation de l'Empire. Le thème choisi propose donc de
s'interroger sur la nature de ces évolutions et sur le lien qu'elles ont pu entretenir avec l'expansion
territoriale qui a lieu à la même période.
On assiste en effet au passage d'un régime républicain - certes mis à mal par les guerres civiles qui
ont jalonné tout le 1er siècle avant J.-C - à un régime, dans les faits monarchique, mais qui se
présente comme un rétablissement des institutions romaines traditionnelles. Une grande part de la
question repose donc sur l'analyse des mécanismes du pouvoir, des institutions et des modes de
gouvernement de Rome et de l'ensemble du monde romain. Sans entrer dans les subtilités du droit
romain et du fonctionnement précis de ses institutions, il est donc nécessaire de maîtriser l'aspect
événementiel (du consulat de Crassus et Pompée à l'avènement de Vespasien en passant par les
triumvirat et les succès d'Octave-Auguste) ainsi que les grandes évolutions que connaît le mode de
gouvernement.
Par ailleurs, il faut garder en tête que ces évolutions politiques sont indissociables de l'expansion
territoriale (conquêtes de César et Pompée, d'Auguste, puis de Claude). La question du
gouvernement du monde romain est aussi celle du passage de la gestion d'une cité-état à un empire
territorial qui s'étend sur tout le pourtour méditerranéen. Cet aspect conduit également à s'interroger
sur les échanges culturels, économiques et religieux ainsi induits. La question de l'intégration des
provinces est donc toute aussi centrale que celle de la transformation du régime.
I-2. L'année 70 avant J.-C
Le choix de l'année 70 av. J-C relève tout d'abord de l'axe politique que nous avons déjà évoqué. En
effet, c'est d'abord l'année du consulat de Crassus et Pompée après leur victoire face à la révolte
menée par Spartacus et qui marque aussi le début des grandes conquêtes de Pompée en Orient.
C'est aussi le moment du rétablissement de la censure, magistrature prestigieuse au pouvoir absolu,
et dont la principale fonction est le recensement des citoyens romains. En -70, ce rétablissement est
essentiel car il est synonyme d'un élargissement considérable du corps civique après l'octroi de la
citoyenneté romaine à l'ensemble des Italiens et à la Gaule cisalpine (entre -90 et -88).
Plus généralement, l'année 70 av. J.-C est un moment de crise politique et institutionnelle du monde
romain. Le régime doit en effet faire face à une expansion d'ampleur inédite qui rend nécessaire une
adaptation des institutions afin de gérer cet empire. Par ailleurs, les transformations de l'imperium et
la gloire militaire dont sont auréolés les généraux vainqueurs conduit ces derniers à s'affronter entre
eux et à nourrir des ambitions politiques inédites qui plongent le monde romain dans des années de
guerres civiles.
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I-3. L'année 73 après J.-C
D'un point de vue politique, le choix de l'année 73 répond à celui de l'année -70 car il correspond à
l'exercice de la dernière censure de l'empire : en 73-74, Vespasien et son fils Titus l'exercent
conjointement et pour la dernière fois en tant que magistrature (Domitien devient censeur perpétuel,
titre qui fut aboli à sa mort et ses successeurs détiennent la puissance censoriale). Cette censure
symbolise tout à la fois la volonté de Vespasien de devenir le nouvel Auguste mais aussi le passage
définitif à un régime monarchique héréditaire.
Plus généralement, l'année 73 est à replacer dans le cadre de la fin de la guerre civile (en 69) qui
éclate après la mort de Néron (guerre des quatre empereurs) et qui voit le passage à la dynastie des
Flaviens avec l'avènement de Vespasien. C'est aussi la fin de la révolte de Judée en Orient avec le
siège de Massada par Titus : il faut donc y voir le moment de la reprise en main après des troubles à
la fois internes et externes à Rome.
Enfin, c'est aussi l'octroi du droit latin à la péninsule ibérique, c'est à dire l'extension de la
citoyenneté romaine aux magistrats de ces provinces. On peut y voir l'expression de l'intégration des
élites locales qui est l'une des caractéristiques du modèle de gestion de l'empire romain.
I-4. Le cadre géographique
Il faut tout d'abord noter que l'expression de « monde romain » a été préférée à celle « d'empire
romain », ce qui invite à considérer également les multiples états-clients qui gravitent dans l'orbite
de Rome. La question inclut donc à la fois les provinces sous domination formelle de Rome mais
aussi l'ensemble des alliés, états-clients et marges qui connaissent l'influence de Rome.
Pour la période qui nous concerne, et même si ce cadre évolue au fur et à mesure de l'avancée des
conquêtes, la région considérée s'étend donc grosso modo jusqu'à la Manche et le Rhin au Nord,
jusqu'aux rives de la mer Noire et de l'Euphrate en Orient et jusqu'à la première cataracte du Nil
(Assouan) en Afrique. Il s'agit donc de connaître et maîtriser l'ensemble de ces territoires ainsi que
la chronologie de leur conquête. Pour autant, la note de cadrage du jury rappelle qu'il ne sera pas
question de produire des monographies sur chacune des provinces mais davantage de s'en servir
comme des exemples illustrant les grandes évolutions touchant l'ensemble du monde romain.
II. Grandes problématiques
Il s'agira ici de présenter très succinctement les principales problématiques que regroupe la question
au programme afin de vous guider au mieux dans le début de votre travail.
II-1. Les transformations politiques et l'évolution des formes de pouvoir.
Je ne reviens pas sur le passage de la République à l'Empire qui constitue la colonne vertébrale de
cette question. J'ajouterais simplement ici la nécessité de maîtriser l'enchaînement des événements
pendant la période – certes quelque peu chaotique – des guerres civiles. On peut notamment
envisager de les travailler par le prisme des quelques grandes figures qui ont marqué la période :
Crassus, Pompée et César, qui forment le premier triumvirat puis Octave, Marc Antoine et Lépide
pour le second. On peut y ajouter des figures comme Cicéron ou Catilina dont l'influence a
également été marquante.
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D'autre part, la figure d'Octave-Auguste est essentielle à la question, notamment parce que le
régime progressivement mis en place par Auguste permet tout à la fois de restaurer la paix dans le
monde romain mais pose également les jalons de la gestion de l'empire territorial. La question des
formes de pouvoir sous Auguste à fait l'objet de nombreux débats historiographiques (voir
notamment Mommsen et Syme) pour savoir s'il était à considérer comme étant dans la continuité
des institutions républicaines ou qu'il constituait une rupture monarchique.
II-2. La construction de l'empire territorial.
Il s'agit ici essentiellement de traiter la question des conquêtes militaires qui permettent à Rome
d'étendre le territoire sous sa domination. On y traite donc à la fois des conquêtes de Pompée en
Orient mais aussi des campagnes de César en Gaule. Sous l'Empire, ces conquêtes ne marquent pas
un temps d'arrêt, comme le prouvent les succès d'Auguste dans les Alpes, en Espagne et dans les
Balkans. En revanche, la Germanie (défaite de Varus en 9) et l'empire Parthe s'élèvent comme des
obstacles infranchissables qui fixent durablement les marges de l'empire romain. Il faut ensuite
attendre l'avènement de Claude et le début de la conquête de la Bretagne pour que l'expansion
romaine reprenne (non sans difficultés).
Cette question de la construction de l'empire est aussi celle du statut accordé à ses provinces et à la
gestion administrative qui y est mise en place. Le modèle romain est en ce sens à considérer comme
pragmatique et évolutif même s'il repose sur des constantes comme l'armée et l'appui sur les élites
locales. Plus épineuse peut être est la question du statut et du gouvernement de ces provinces :
sénatoriales ou impériales, de droit romain, latin ou pérégrines avec la question des colonies ou
cités de droit romain. Là encore, il s'agit bien souvent d'un statut soumis à des évolutions, comme
celle présentée par les Tables Claudiennes. Cette question de l'ouverture progressive de la
citoyenneté (statut des provinces, intégration par l'armée, clientèle personnelle, parcours
individuels....) est un enjeu important de la question.
II-3. La romanisation
Le terme de romanisation est lui aussi soumis à de nombreux débats historiographiques. Il apparaît
toutefois comme le plus commode pour désigner tout à la fois la domination politique et l'ensemble
des influences diverses et multiples exercées par Rome sur les populations du monde romain au
sens large. Cette question des transferts culturels doit bien entendu être comprise dans les deux
sens : si Rome diffuse bien sa culture aux autres populations, la cité est aussi marquée par des
influences diverses venues de l'extérieur et qui transforment sa propre culture.
Cette question de la romanisation est évidemment difficilement dissociable du point précédent car
les élites locales, les cadres administratifs et l'armée sont des vecteurs privilégiés de la diffusion de
la culture romaine. Elle est toutefois aussi plus large en ce qu'elle inclut l'ensemble du monde
romain et pousse à s'intéresser également au rôle joué par les échanges d'ordre économique ou
religieux. Le quadrillage du pourtour méditerranéen par un réseau routier et un système de poste est
ainsi essentiel pour comprendre le succès de la romanisation.
Celle-ci prend des formes diverses, qu'il s'agisse de l'architecture (thermes, théâtres, aqueducs,
etc...), de la latinisation, du culte impérial ou du syncrétisme religieux. Elle est aussi à comprendre
comme un phénomène progressif, difficilement mesurable et dont le succès et la chronologie ont été
très différents selon les provinces concernées : rapide et complète en Narbonnaise, lente et très
difficile en Bretagne, ancienne mais en concurrence avec le modèle grec en Orient, etc...Il faut enfin
souligner le fait que si cette romanisation n'a jamais été imposée mais a souvent été souhaitée et
portée par les élites locales, elle avait sans doute un rôle limité et un caractère quelque peu
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intangible auprès des classes populaires.
III. Bibliographie indicative
III-1. Indications générales
Cette question est tombée au programme de la session 2015 de l'agrégation externe. Vous trouverez
donc sans mal les manuels divers et variés de préparation au concours. Je n'ai pas encore pu m'y
plonger mais, habituellement, les plus recommandés sont celui des Presses Universitaires de Rennes
(sous la direction de Nicolas Mathieu) et le traditionnel Atlande. Je vous invite par ailleurs à
consulter le dossier de la revue Pallas consacré à cette question(n°96, 2014), qui est disponible en
ligne (https://pallas.revues.org/1132).
III-2. Ouvrages généraux
BADEL C., Atlas de l’Empire romain. Construction et apogée (300 av. J.-C.-200 ap. J.-C.), Paris :
Autrement, 2012.
BRIAND-PONSART C. et HURLET F., L'Empire romain d'Auguste à Domitien, Paris : A. Colin,
2016 (3e éd.).
DAVID J-M., La République romaine : de la deuxième guerre punique à la bataille d’Actium, 21831, Paris : Seuil (coll. « Points Histoire », série Nouvelle histoire de l’Antiquité, 7), 2000.
HURLET F. (dir.), Rome et l'Occident (IIe siècle av. J.C- IIe siècle ap. J.C) : Gouverner l'Empire,
Rennes : PUR, 2009.
LE ROUX P. et SARTRE M., Le Haut-Empire romain en Occident d’Auguste aux Sévères, Paris :
Seuil, 1998 (Points Histoire : Nouvelle histoire de l’Antiquité, 8 et 9).
III-3. Ouvrages spécialisés
Institutions et administration :
BARRANDON N. et KIRBILHER F. (dir.), Administrer les provinces sous la République romaine,
Rennes : PUR, 2010.
DENIAUX E., Rome, de la Cité-Etat à l’Empire. Institutions et vie politique, Paris : Hachette, 2001.
JACQUES F. et SCHEID J., Rome et l’intégration de l’Empire (44 av. J.-C.- 260 ap. J.-C.), 1 : Les
structures de l’empire romain, Paris : PUF, 1990 (Nouvelle Clio).
NICOLET C., Rome et la conquête du monde méditerranéen, t.1 : les structures de l’Italie romaine,
Paris : PUF, 1977 (Nouvelle Clio).
Economie :
ANDREAU J., L’économie du monde romain, Paris : Ellipses, 2010.
Culture et religion :
SCHEID J., La religion des Romains, Paris : Armand Colin (« Cursus »), 2002.
Militaire :
COSME, P., L’armée romaine, VIIIe avant J.-C.-Ve après J.-C., Paris : A. Colin, 2007.
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Etudes régionales :
DAVID, J.-M., La romanisation de l’Italie, Paris : Flammarion, 2010.
DELAPLACE, C., FRANCE, J., Histoire des Gaules (VIe s. av. J.-C.-VIe s. ap. J.-C.),Paris :
Armand Colin, 2016.
HUGONIOT, C., Rome en Afrique. De la chute de Carthage aux débuts de la conquête arabe,
Paris : Flammarion, 2000.
LE ROUX, P., La péninsule Ibérique aux époques romaines (fin du IIIe s. av. n. è.- début du VIe de
n. è.), Paris : Armand Colin 2010.
SARTRE, M., L’Asie Mineure et l’Anatolie d’Alexandre à Dioclétien, Paris : Armand Colin , 1995.
SARTRE, M., D’Alexandre à Zénobie. Histoire du Levant hellénistique (Ive siècle av. J.-C.-IIIe
siècle apr. J.-C.), Paris : Fayard, 2001.
III-4. Sources
Les sources ne manquent pas sur la période et il vous sera indispensable de connaître les grands
auteurs antiques tels que Strabon, Polybe, César, Cicéron, Salluste, Tacite, Dion Cassius ou
Plutarque. La maîtrise de leurs biographies et principaux écrits vous sera bien évidemment
précieuse si la question tombe en épreuve de commentaire mais ils constitueront aussi des citations
de choix dans une dissertation.
Les recueils documentaires pour cette période sont nombreux :
BADEL, C., LORIOT, X., Sources d’histoire romaine. Ier siècle av. J.-C.–début du Ve siècle
ap. J.-C., Paris, 1993.
LE BOHEC, Y., Histoire romaine. Textes et documents, Paris, 1997.
Par ailleurs, malgré la richesse de ces sources littéraires et historiques, il est important de ne pas
négliger les sources d'ordre épigraphiques (et prosopographiques), archéologiques (plans de villas
ou de cités), numismatiques, etc....
V. Propositions de sujets de dissertation.
Lors de son passage à l'agrégation externe, la question à fait l'objet du sujet de dissertation suivant :
« La violence politique dans le monde romain »
Voici d'autres propositions de sujets sur ce programme (parmi beaucoup d'autres car les angles
d'approche sont particulièrement nombreux) :
« Auguste et les réformes de l'Etat romain »
« Le rôle de l'aristocratie dans le monde romain »
« La diffusion de la citoyenneté dans l'empire »
« L'armée dans le monde romain »
« Administration et fiscalité dans le monde romain »
« La romanisation »