"Trésor" des Templiers (pdf - 757,53 ko) - Charleville
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Fonts baptismaux d’Houldizy (XIIIe siècle) (Photo G.D.P.). 1314, les dignitaires de l’ordre sont brûlés sur l’Île aux Juifs, à Paris. Sur le bûcher, Jacques de Molay s’écrie : « Les corps sont au roi, mais les âmes sont à Dieu ». Il invective et maudit le pape. Quarante jours plus tard, le pape tombe malade et meurt le 20 avril 1314. Philippe le Bel le suit de peu dans l’Au-delà : il succombe dans un curieux accident de chasse, le 20 novembre 1314. Guillaume de Nogaret est passé de vie à trépas quelques jours avant son maître ! On parle de malédiction ! L’opinion du peuple évolue en faveur des Templiers, l’on croit, enfin, à leur innocence. Ils entrent dans la légende. Plus de cent ans de présence templière à Damouzy1 Les Chartes des Comtes de Rethel évoquent un certain « Johannes de Templo », le 5 mai 1319. Dans les mêmes Chartes, en avril 1385 puis en avril 1407, est mentionné le ruisseau du Temple devant le ban de Warcq. En octobre 1422, il est décrit le « Ban de Symonelle, royant aux seigneurs du Temple ». Le 3 avril 1466, est consigné le bois des Templiers près d’Arreux. Ainsi, dans le quadrilatère de Tournes - Arreux - Etion - Damouzy, s’étendaient les biens des Templiers dépendant de la commanderie de Boncourt, entre Sissonne et Montcornet, fondée vers 1140. Boncourt, près de Sissonne gérait en Champagne septentrionale « l’hôpital » de Rumigny, l’ancienne commanderie de Seraincourt, avec Chaumontaigne et Mainbressy, la maison de Simonnet sur la route de Tournes, des biens à Damouzy, la ferme d’Auboncourt à Launois, une petite ferme à Logny-lès-Chaumont, une grange à Mesmont... Dom Albert Noël nous éclaire de manière intéressante : « L’ordre de Malte possédait la maison de Simonnet, qui était membre de la commanderie de Boncourt [Bouncurtis ou Bona curia]. Cet édifice situé sur la droite de la route de Mézières à Givet, renfermait autrefois une chapelle dédiée à Saint-Etienne, et un moulin à eau dont les habitants de Damouzy étaient baniers : on l’appelle vulgairement Moulin du Bourriquet, il est situé en amont sur un ruisselet dit de la Bassée, qui vient d’Houldizy et se jette dans la Sormonne par sa rive gauche, en face du château de la Grange-aux-Bois. Ce moulin et la chapelle furent brûlés en 1521, à l’époque du siège de Mézières, mais on les reconstruit plus tard. En effet, le chevalier Ferry de Conty, commandeur de Boncourt donna, trois ans après (6 juin 1524), par arrentement pour 99 ans, la maison de Simonnet avec les terres en dépendant, à un nommé Pierre Du Buis, marchand à Mézières, pour 34 livres par an, mais à la charge et sous la condition qu’il réédifierait dans les premières années de son entrée en jouissance la maison, la chapelle et le moulin. Le Temple de Simonnet avec les 130 arpents de terre qu’il comportait était loué 800 livres en 1788. » A proximité des Templiers, existait la maladrerie de Monthermé, baptisée Les Trépassés. Un trésor central ? Des trésors de commanderies ? Les Chevaliers de Rhodes, ou Hospitaliers (aujourd’hui Ordre de Malte), héritent de la majeure partie des biens des Templiers. L’ordre de Malte ne laisse à Philippe le Bel que 200.000 livres de dommages et 60.000 de frais de justice (le 21 mars 1313). La légende populaire rapporte qu’une partie du trésor des Templiers a été dissimulée. Où se situe la réalité historique ? Des recherches ont été effectuées, à Chypre, Gisors (de 1946 à 1964), Valcroz près de Trigance (1948), dans la Forêt d’Orient, à Chinon, Provins, Barbezières en Charente, à Beaujeu ou à Arginy en Provence... En vain. Ce trésor hypothétique, se cacherait-il plus près de nous ? Mais de quel type de « trésor », parlons-nous ? Un trésor monétaire, matériel, spirituel, ou bien, archivistique ? D’ailleurs, où sont passés les registres des biens templiers ? Lors de la rafle de 1307, les agents du roi ne mettent la main que sur 2 livres de comptes ! Pourquoi ne pas avoir enfoui ce trésor dans le berceau des Templiers en Occident, à proximité de la frontière mosane, sur les marches du royaume ? L’énigme perdure et attise convoitises et curiosités. Comme dans la fable de Jean de La Fontaine : creusons encore, « travaillons et prenons de la peine », la recherche de la connaissance nous promet, elle, d’insondables trésors ! GERALD DARDART Sources : 1 Généralités : - John CHARPENTIER, L’Ordre des Templiers, Ed. du Vieux Colombier, Paris, 266 p., 1944. - Michel DUMONTIER, Sur les pas des Templiers à Paris et en Île de France, Ed. Copernic, 1979. - Albert OLLIVIER, Les Templiers, Editions du Seuil, 190 p., 1958. - Régine PERNOUD, Les Templiers, Coll. Que Sais-Je ?, Ed. P.U.F., 126 p., 1974 et Les Templiers, chevaliers du Christ, Coll. Découvertes Gallimard, 128 p., 1995. - Francis GUITTON, Sous l’emblème de la croix de Saint-Jean de Jérusalem, Ed. P. Lethielleux, 254 p., 1980. Fonds local : - Alexandre ASSIER, Pièces rares ou inédites relatives à l’histoire de la Champagne et de la Brie, tome VI, 1896 (FL A-159). - Robert CECCONELLO, Traces du passé de Boult-aux-Bois, Editions Terres Ardennaises, 271 p., 1999. - E. MANNIER, Les Commanderies du grand prieuré de France, Paris, 1872. Un passage sur la commanderie de Boncourt. - J. MATHY, Histoire de l’Abbaye de Signy, 386 p.. Cf. p. 49. - Dom Albert NOËL, Notice historique sur le canton de Charleville, Editions Matot-Braine, Reims, 289 p., 1890. Cf. pp. 172-173 et 176-177. - Dom Albert NOËL, « les templiers en Champagne et Picardie », Almanach Matot-Braine, 1895, pp. 129-151. Cf. paragraphe II sur la commanderie de Boncourt, pp. 138-141. - A. POQUET, « Les templiers en Champagne, dans l’Aisne et les Ardennes », Almanach MatotBraine, 1881, pp. 169-179. - Ed. SENEMAUD, L’ordre de Malte dans les Ardennes, Revue Historique des Ardennes, Imprimerie Ferdinand Devin, Mézières, 11 p., n.d.. - Archives Départementales des Ardennes, H.167 et 168, H. 516. H istoire par Gérald Dardart L e “ Tr é s o r ” d e s Te m p l i e r s partir du XIIe siècle, les commanderies templières de Boult-aux-Bois et Boncourt possèdent d’importants biens en Champagne septentrionale, notamment dans la région de Mézières. Le 13 octobre 1307, les Templiers sont arrêtés, sur ordre du roi. Leurs biens se voient confisqués et confiés aux agents du roi, puis à leurs concurrents, les Hospitaliers. Subsiste-t-il des traces de cette présence templière, au nord-ouest de Mézières, envolée voici près de 700 ans ? Essayons, ensemble, de faire la part entre mythe et réalité... A Jacques de Molay, dernier grand maître de l’ordre brûlé vif le 18 mars 1314. Supplément au journal “Charleville-Mézières magazine” N° 98 - mars 2006 Coll. B.M. de Charleville-Mézières - D.R. Coll. G.D.P. - Doc. La Poste - D.R. Les Templiers : chevaliers et moines à la fois Houldizy (Photo G.D.P.) Estampes de la Bibliothèque de Charleville. Coll. B.M. C.-M., D.R. Le 27 novembre 1095, le pape Urbain II appelle tous les preux chevaliers à la croisade en lançant un tonitruant : « Dieu le veut ! ». Le temps de s’organiser et le 15 août 1096, quatre armées partent de Chrétienté occidentale conduites respectivement par Godefroy de Bouillon, Robert de Normandie, Raymond de Saint-Gilles et Bohémont de Tarente. Après avoir parcouru l’Europe et l’Asie Mineure, les croisés prennent Jérusalem le 15 juillet 1099. En 1118, Hugues de Payns, petit seigneur champenois, originaire de la région de Troyes, rassemble ses 9 premiers compagnons au sein d’un ordre : « les Pauvres Chevaliers du Christ » qui assure la sécurité et la défense des pèlerins depuis leur débarquement en Palestine et jusqu’à leur arrivée à Jérusalem. Ces chevaliers vivent selon la règle de saint Augustin. Le roi de Jérusalem, Baudoin II Baudoin de Bourcq, qui a succédé en 1118 à son cousin Baudoin Ier - les accueille dès 1119 dans une salle de son palais, puis leur accorde une maison près de l’ancien temple de Salomon, où s’élève aujourd’hui la mosquée al-Aqsä. Les membres de l’ordre prennent alors le nom de « Chevaliers du Temple » ou de « Templiers ». En janvier 1128, au concile de Troyes, le pape reconnaît officiellement l’ordre et lui accorde une règle, très stricte et sévère, inspirée de saint Bernard de Clairvaux. Prière, ascétisme et chasteté sont les trois piliers fondamentaux de leur vie. Par exemple, aucune femme ne doit pénétrer dans les maisons du Temple, car « périlleuse chose est la compagnie des femmes ». Les Templiers s’installent vers 1128 à Laon ; en 1133, à Metz ; vers 1140, à Boncourt près de Sissonne ; en 1158, à La Couvertoirade ; en 1166, à Grammont près de La Neuville-en-Tourne-à-Fuy ; en 1167, à Merlan près d’Aussonce ; avant 1179, à Seraincourt en Porcien ; en 1196, à Boux (Boult-aux-Bois) en Argonne. Les dons vont alors affluer. Les chevaliers du Temple offrent tous leurs biens à l’ordre. Celui-ci est placé sous la tutelle exclusive du Saint-Siège, il n’a de compte à rendre qu’au pape. Le roi de France supporte mal cette ingérence papale, « ultramontaine », dans les affaires du royaume. Les évêques sont privés de tout droit de regard sur les commanderies. Les chevaliers s’enrichissent et construisent des forteresses au Proche-Orient : Safed, Tortose, Toran, le Krak des Chevaliers... Ils tirent des revenus du commerce des épices, du sel, du vin, des grains... En outre, ils investissent dans des terres, bois, maisons, moulins, fours qui rapportent de confortables rentes. Enfin, ils jouent le rôle de banquiers, redoutables concurrents des Israélites et Lombards ; ils deviennent la première banque mondiale. L’Eglise sait ici fermer les yeux sur ses rigoureux préceptes, quand ça l’arrange ! Dans chaque commanderie, l’on peut retirer de l’argent, sur simple présentation d’une lettre de change émanant d’un quelconque trésorier du Temple. Les chevaliers du Temple prêtent sur intérêts, même au roi ! Vers 1146, le trésorier du château du Temple à Paris gère le Trésor du roi de France. Mais en 1250, le roi décide de retirer de ce château du Temple (commanderie parisienne de l’ordre du Temple) le Trésor royal qui y était déposé traditionnellement depuis le milieu du XIIe siècle ; toutefois, en juillet 1303, coup de théâtre, le Trésor royal regagne le château du Temple. Au XIIIe siècle, l’ordre possède 5.000 (voire 9.000) commanderies avec leurs dépendances, c’est-à-dire 5.000 banques. Sur leurs pratiques financières, sur l’état de leur richesse, les Templiers gardent un secret absolu. L’opinion populaire s’interroge et affabule. Le 16 juin 1291, le dernier port chrétien du Proche-Orient, SaintJean-d’Acre, tombe. Les Templiers se sont battus courageusement, mais doivent quitter les royaumes chrétiens d’Orient qui s’effondrent face à la pression musulmane. Les 15.000 Templiers se replient sur Chypre, puis sur l’Europe. 2.000 d’entre-eux rentrent en France. Les Hospitaliers de SaintJean-de-Jérusalem (1113), l’ordre militaro-religieux concurrent, évacue, quant à lui, à Chypre (1291), puis à Rhodes (1309), et enfin à Malte (15301798). Le peuple s’entend à reprocher aux Templiers de s’écarter de leur mission originelle, la croisade, et de posséder des biens sans pieuse finalité. Apparaissant comme gloutons et avares, ils ne sont plus compris du commun des mortels. De plus, les chevaliers du Temple commettent deux erreurs : la première celle de refuser comme l’un des leurs, le roi de France, Philippe IV le Bel (1295-1314). Ce dernier supporte mal le camouflet et s’acharne à leur faire payer très cher cette humiliation. La seconde, celle de rejeter la fusion avec les Hospitaliers, proposition faite par Philippe le Bel à Jacques de Molay, grand maître de l’ordre des Templiers. Ce dernier, obstiné et homme peu ouvert, refuse, car, selon lui, les règles respectives sont trop éloignées. Début 1305, Philippe le Bel, influencé par Guillaume de Nogaret, l’ennemi juré du Temple, facilite la propagation de ragots, rumeurs et calomnies, relatives notamment à leur vie intime. Coup de filet Le vendredi 13 octobre 1307, à l’aube, un grand nombre de Templiers sont arrêtés et emprisonnés sur ordre du roi par les baillis et sénéchaux. Le secret de l’arrestation fut bien gardé. La population applaudit lorsqu’elle apprend la nouvelle. La couronne met la main sur leurs coffres afin de renflouer ses propres cassettes. Les Templiers, ont-ils eu le temps d’en dissimuler certains ? Soumis à la torture de la sainte et dominicaine Inquisition, les Templiers avouent tout ce que l’on veut : sorcellerie, hérésie, idolâtrie, profanation, sodomie. D’abord sceptique face aux scandaleuses accusations, le pape Clément V finit, devant la gravité et le grand nombre d’aveux, par enjoindre à tous les princes chrétiens d’admonester les Templiers. Le 27 juin 1308, les Templiers internés sont remis par le roi à l’Eglise. Le pape est alors installé en Avignon. Le 9 août 1309, une commission pontificale ouvre, à Sainte-Geneviève de Paris, le procès des Templiers. Au début de 1310, 33, puis 573 Templiers reviennent sur leurs aveux. Le 12 mai 1310, 54 Templiers de Paris sont brûlés vifs sur le bûcher comme relaps. Le 3 avril 1312, le pape abolit solennellement l’ordre, lors du concile de Vienne, en Dauphiné (octobre 1311 - mai 1312). Au grand dam de Philippe le Bel, les biens de l’ordre sont transférés aux Hospitaliers ou Chevaliers de Rhodes (futurs Chevaliers de Malte). Au soir du 18 mars D.R. Les anciens domaines des Templiers à proximité d’Houldizy et de Tournes (Photo G.D.P.)