LA SYMBIOSE ENTRE INSECTES ET PLANTES AU JARDIN

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LA SYMBIOSE ENTRE INSECTES ET PLANTES AU JARDIN
LA SYMBIOSE ENTRE INSECTES ET PLANTES AU JARDIN
Laurent BRAY
Conservateur du Jardin Botanique de Paris
Les plantes à fleurs ou Angiospermes sont les végétaux
ayant le plus grand nombre d'espèces et dont les habitats
sont les plus diversifiés alors qu'elles constituent le groupe
le plus récent de l'histoire évolutive des plantes terrestres.
Cette radiation importante s'expliquerait par les relations
privilégiées, diversifiées et originales établies avec les insectes. Le transport du pollen de l'organe mâle où il est
produit vers le stigmate du pistil où il est déposé est réalisé
par les insectes pour la majorité des plantes à fleurs. Des
exemples de pollinisation sont étudiés chez les composées,
les légumineuses, les orchidées, les aracées et les figuiers.
LES PLANTES À FLEURS
FLEURS,, ÉVOLUTION LA PLUS
RÉCENTE DES PLANTES TERRESTRES
Les plantes terrestres ancestrales sont apparues il y a 410
millions d'années. Par rapport aux algues vertes dont elles
divergent, elles se caractérisent, en particulier, par une
cuticule imperméable limitant la déshydratation et la protection des spores qui sont enfermées dans un sac avec une
enveloppe.
Les fougères et plantes alliées développent un port érigé,
grâce aux tissus conducteurs et de soutien, et généralisent
l'hétérosporie chez les taxons les plus évolués afin d'augmenter statistiquement le brassage génétique.
Chez les Gymnospermes qui apparaissent il y a 260 millions d'années, la fécondation est sécurisée et le brassage
génétique facilité grâce à la graine et au grain de pollen
chez les Gymnospermes.
Enfin, chez les Angiospermes, la survie et la dispersion des
semences sont assuré grâce au carpelle et à la double fécondation (50 M années).
Les tendances de l'histoire évolutive sont donc :
– la libération de la contrainte « eau » dans le cycle de vie
des plantes ;
– la facilitation du brassage génétique ;
– la sécurisation de la fécondation et du développement de
l'embryon ;
– la mise en place de mécanismes assurant la survie et la
dispersion de la descendance sexuée.
Les plantes à fleurs ou Angiospermes sont les plantes
terrestres qui sont différenciées le plus tardivement
mais dont la radiation est la plus importante.
DES RELATIONS POUR UN BÉNÉFICE MUTUEL ENTRE LES INSECTES ET LES PLANTES À FLEURS
Les plantes à fleurs constituent le groupe dont les
relations avec les insectes sont le plus riches et diversifiées. Pour les insectes les plantes à fleurs
peuvent servir :
– de nourriture soit directement (nectar, sève, feuilles, bois) ou soit indirectement (déjections de pucerons, création de compost) ;
– d' abri soit directement (bambou, feuilles) soit
après transformation de matériel végétal (cire des
abeilles).
A l'inverse, pour les plantes à fleurs les insectes peuvent servir :
– de vecteurs de pollinisation pour les plantes à
fleurs ;
– de nourriture (plantes insectivores) ;
– de transport des semences ;
– de semeurs (fourmis semeuses ou sarcleuses)
La pollinisation est la relation qui a permis le développement du plus grand nombre d'adaptations de
part et d'autre.
LE POLLEN ENTOMOPHILE,
ENTOMOPHILE, UNE MORPHOLOGIE ADAPTÉE AU TRANSPORT PAR LES
INSECTES
Le grain de pollen est un gamétophyte, c'est-à-dire
une “plante” produisant des gamètes, et non pas un
gamète lui-même. Il est à comparer au prothalle des
fougères.
Quand son transport est assuré par les insectes, il est
de grande taille, à exine (paroi externe) ornementée
pour faciliter la fixation sur le corps des insectes. Il
est produit par des étamines souvent placées à l'intérieur d'une fleur colorée, bien visible et produisant
du nectar.
Ils transportent le pollen jusqu’à 2 km autour de la ruche pour les abeilles (Ramsey et al., 1999). La distance
normale de pollinisation d’un bourdon est comprise
entre 70 et 631 m, même quand des champs de culture
sont très proches (Osborne et al., 1999).
A l'inverse, chez les plantes à fleurs pollinisées par le
vent, le pollen est de petite taille, à exine lisse et produit dans des anthères pendantes et à filets longs dans
des fleurs réduites et discrètes.
DES POLLINISATIONS ILLUSTRANT LA COMPLEXITÉ DES RELATIONS INSECTESINSECTES PLANTES À FLEURS
Chez les composées, le capitule, comme beaucoup d'inflorescences, a un effet d'affichage important dû à la
multiplication des fleurs.
Chez certaines composées, les fleurs périphériques
étant stériles n'ont aucun rôle sexuel direct mais servent à guider les insectes vers celles fertiles placées au
centre de l'inflorescence. Après la fécondation, le fruit
est transporté par le vent ou les animaux.
Chez les légumineuses papilionacées, les inflorescences
ne sont pas en capitule mais la forme particulière de la
corolle, étendard surplombant la carène et 2 ailes latérales, conduit les insectes vers les organes sexuels de la
fleur.
Chez les orchidées, l'attraction des insectes pollinisateurs est due à différents facteurs :
– la production de nectar (genres Spiranthes et Orchis ) ;
– l'éperon joue, comme cela a été prouvé, un rôle important ;
– le mimétisme avec les plantes à nectar (genre Orchis ) ;
– le leurre sexuel (genre Ophrys ).
Une fois l'insecte attiré par la fleur, la morphologie de
celle ci permet la fixation du pollen sur le corps de
l'animal, son transport puis son dépôt sur l'organe femelle de la fleur, le stigmate du pistil, qui est
pollinisé ensuite (cas de Orchis morio).
Chez Ophrys scolopax, le labelle imite la forme
de l'insecte pollinisateur.
L'insecte mâle est adulte avant la femelle. Il participe à
la pollinisation car il est attiré par un bouquet d'odeur
similaire à la phéromone sexuelle de la femelle.
Chez les orchidées, d'autres facteurs peuvent intervenir
sur la pollinisation : morphologie de l'inflorescence
(spiranthe d'été) ou position des fleurs dans l'inflorescence (spiranthe d'automne).
L'hybridation interspécifique est possible (orchis singe
et orchis homme pendu) car le pollinisateur
est commun entre ces deux espèces.
Chez les aracées, les insectes pollinisateurs sont attirés
par l'odeur nauséabonde émise par l'inflorescence, un
spadice enveloppé d'une spathe. Les fleurs femelles situées vers le bas de l'inflorescence sont fertiles avant les
fleurs mâles (protogynie). Il existe aussi des fleurs stériles, mâles ou femelles, réglant le passage des insectes
d'un niveau à l'autre du spadice. Chez Arum italicum, les
insectes chargés de pollen sont bloqués au niveau de
l'ampoule de la spathe par des fleurs stériles pour permettre la pollinisation et la fécondation des fleurs femelles fertiles. Ceci étant fait, les insectes peuvent remonter
au niveau des fleurs mâles devenues fertiles entre temps
et se chargent à nouveau de pollen. Quand les appendices des fleurs mâles stériles se flétrissent à leur tour, ils
peuvent quitter la spathe qui les piégeaient pour polliniser une autre plante (allopollinisation).
Les 800 espèces de figuiers de par le monde ont chacun
un mutualisme de pollinisation spécifique et obligatoire
avec un hyménoptère du genre Blastophaga. Les inflorescences des figuiers sont protogynes, comme celles des
aracées : les fleurs femelles sont fertiles avant les mâles.
Les insectes femelles rentrent dans le jeune « fruit »,
l'inflorescence en fait, par une ouverture naturelle, l'ostiole. Ils pondent leurs oeufs dans quelques fleurs femelles, celles mâles n'étant pas encore développées. Les
fleurs, dans lesquelles les larves se développent, se transforment en galle.
Les insectes mâles, matures avant les femelles, les fécondent alors qu'elles sont encore dans les galles. Avant
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de mourir, les insectes mâles dépourvus d'ailes creusent un tunnel pour sortir du fruit dont l'ostiole s'est
fermée lors de la maturation du fruit. Les insectes
femelles effectuent leur premier vol à l'intérieur du
fruit, se chargent de pollen au contact des fleurs mâles fertiles, avant de sortir par les tunnels creusés par
les mâles. Quand elles vont pondre dans les jeunes
inflorescences de figuier, les fleurs femelles sont fertiles et recevront le pollen que les insectes avaient pris
dans
l'inflorescence précédente.
D'autres acteurs participent à ce mutualisme : des
insectes parasites des pollinisateurs et des fourmis
prédatrices attirées aussi bien par les parasites et les
pollinisateurs que par des messages chimiques olfactifs évoquant des hormones sexuelles.
En conclusion,
conclusion les relations entre les insectes et les
plantes à fleurs sont anciennes : chez les Angiospermes ancestrales, la pollinisation déjà était assurée par
des Coléoptères qui mangeaient le pollen. Elles sont
devenus complexes et diversifiées, permettent d'offrir
le gîte et le couvert pour les insectes et d'assurer la
pollinisation de 80% des plantes à fleurs. Chacune des
parties, l'animal
ou la plante, pouvant posséder des caractères morphologiques adaptés à l'autre partie, certaines relations
sont uniquement spécifiques.
Certains auteurs n'hésitent donc pas à qualifier les
relations entre les insectes et les plantes à fleurs de
co-évolution. Quelles que soient leur différentes qualifications (co-évolution, mutualisme...) liées à leur
degré de complexité, ces relations privilégiées expliquent sans doute la radiation importante des Angiospermes alors que le groupe est récent par rapport aux
autres plantes terrestres.
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Paris, le 22 janvier 2009

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