Chapitre 9

Transcription

Chapitre 9
1992 VAINQUEUR DE LA COUPE D’ANGLETERRE
BILL CLINTON DEVIENT LE 42EME PRESIDENT DES ETATS-UNIS
1993 DEBUTS DE ROBBIE FOWLER
1994 DEFAITE CONTRE BRISTOL CITY EN COUPE D’ANGLETERRE
DEPART DE SOUNESS
ROY EVANS NOMME MANAGER
TRIBUNE DU KOP DEMOLIE
NEUVIEME CHAPITRE
1991-1998
Paradis Perdu
1995 VAINQUEUR DE LA COCA-COLA CUP
INTRODUCTION DE LA LOI BOSMAN
1996 DEFAITE CONTRE MANCHESTER UNITED A WEMBLEY
MORT DE BOB PAISLEY
1997 DEPART DE BARNES
PORTAIL PAISLEY INAUGURE
DEBUTS DE MICHAEL OWEN
1998 EVANS ET GERARD HOULLIER OFFICIENT EN TANT QUE MANAGERS-ADJOINTS
« J’AURAIS VOULU RENDRE HOMAGE A TOUT CE QUE ROY A ACCOMPLI POUR LE CLUB
DURANT 35 ANS. JE LUI AI OFFERT UN AUTRE POSTE MAIS IL A CHOISI D’ARRETER. »
DAVID MOORES RENDANT HOMMAGE A ROY EVANS
NEUVIEME CHAPITRE 1991-1998 PARADIS PERDU
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En Football, les décennies commencent rarement à temps. La dégringolade des années
cinquante débuta en fait en 1948. La grande équipe de Shankly des années soixante dû
lutter pendant deux années pour essayer d’obtenir sa promotion. De même pour toutes
les équipes conquérantes des années soixante-dix qui durent attendre 1973 avant de
remporter un trophée. Ce fut également le cas dans les années quatre-vingt-dix. Certains
symptômes à l’origine de cette ère de déclin apparurent le 22 février 1991, le jour où
Kenny Dalglish partit d’Anfield.
« Ce fut avec un profond regret que nous avons appris sa décision de démissionner du poste
de manager de l’équipe, » dit le président du club Noël White. « J’aimerais assurer nos
supporters que nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour le convaincre de changer
d’avis et de continuer d’exercer le travail qu’il a effectué avec un succès manifeste durant les
cinq dernières années. Malgré cela, sa position a été très claire – et je sais qu’il vous
l’affirmerait lui-même – qu’il est déterminé à laisser tomber toute forme de participation
active en matière de football professionnel et qu’il nous certifierait également que nous ne
pourrions rien entreprendre pour altérer sa décision de démissionner. »
Que s’est-il passé ? Pour quelle raison un homme qui vivait et respirait pour le football décida
de tout laisser tomber ? Qu’est-ce qui l’a convaincu de quitter un club qui l’avait tant
idolâtré ? Pourquoi choisir le moment où son équipe occupe le sommet du classement en
Ligue et en plein milieu d’une épique série de matches à rejouer contre Everton en Coupe
d’Angleterre ?
Son visage et son attitude fournirent la réponse. Abattu au côté de White lors de cette
conférence de presse à Anfield, Dalglish parut stressé et exténué. Durant de longs moments, il
fixa le sol du regard pour ne pas devoir regarder en direction des journalistes et des
photographes. Quand il parlait, ses réponses étaient brèves et sa voix éteinte. Non, il n’avait
pas reçu d’offre pour un autre poste. Oui, sa décision était définitive. Malgré le fait qu’il ne
fournit pas d’explication immédiate, ceux qui étaient proches de lui pouvaient en deviner la
raison. Dalglish confirma plus tard leurs suspicions, admettant que la tension et l’affliction
provoquées par le désastre de Hillsborough l’avaient fait se sentir comme si sa « tête allait
exploser ».
En souvenir de la magnifique attitude qu’il adopta lui-même à la suite de cette tragédie, la
grande partie des gens sympathisèrent. Il était épuisé et ressentait le besoin de faire passer ses
émotions personnelles avant le bien-être du club. Mais, dans le plus grand silence, sa décision
provoqua la consternation. La plupart des fans – et la majorité des joueurs – espéraient
qu’Alan Hansen devienne son successeur. Mais, le capitaine et vétéran de l’équipe souffrait
de lésions persistantes au genou et désirait s’éloigner du monde du football. Quand il annonça
son propre retrait, une quinzaine de jours plus tard, il sembla que l’ère dorée marquée par le
succès avait trouvé son épilogue.
Dès ce moment-là, Liverpool fut délogé de la tête du classement à la suite de deux défaites
successives en Ligue. Everton, qui avait partagé l’enjeu sur le score de 4-4 lors d’une
passionnante manche de la Coupe d’Angleterre deux jours avant le départ de Dalglish, parvint
à les bouter hors de la compétition en remportant le deuxième match à rejouer. Le dernier
rempart avait été intraitable toute la saison, mais ni Gillespie ni Hysen ne parvinrent à
patronner la défense avec le même succès que ne l’avait fait Hansen depuis si longtemps.
Barnes et Rush marquèrent bon nombre de buts en attaque mais leurs efforts étaient trop
souvent réduits à néant par les erreurs défensives. En une seule partie à Elland Road,
Liverpool permit à Leeds de remonter un score déficitaire de quatre buts – avant de ne réussir
à passer l’épaule que dans les arrêts de jeu par un cinquième but libérateur.
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Durant la majeure partie des deux mois qui suivirent, Ronnie Moran garda la citadelle dans le
rôle de manager intérimaire. Toutefois, durant cette période-là, Liverpool laissa effectivement
s’échapper ses chances dans la course au titre, perdant de nombreux points ainsi que le
contact avec Arsenal, le futur champion probable. C’est alors que, à cinq matches de la fin de
la saison, la direction annonça le remplacement définitif de Dalglish. Anfield s’acheminait
vers trois années d’agitation.
Souness Reprend les Rênes
La nomination de Graeme Souness fut accueillie à la satisfaction quasi générale. En tant que
joueur, il était une légende vivante : le compétiteur ultime qui parvenait à combiner force
extrême et habileté technique, subtilité et ruse. Il avait été le capitaine d’une formation de
Liverpool qui avait conquis l’Europe, fait ses preuves parmi les as de la Série A Italienne,
puis s’était transformé en entraîneur-joueur pour métamorphoser les Glasgow Rangers. Sous
sa direction, le club d’Ibrox resurgit de l’ombre laissée par le Celtic et attira des vedettes
internationales avant de commencer une mainmise de la Première Division Ecossaise, ce qui
ne leur était plus arrivé depuis au moins une décennie. La vie devenait toujours plus ardue en
Angleterre mais Souness possédait assez d’estime de lui-même pour faire face à ce défi avec
fierté. Il insuffla un vent de totale confiance à Anfield, annonça son intention de ramener le
club à la place qui était la sienne et fit immédiatement la lumière sur le fait qu’il allait
entreprendre les choses à sa manière.
Premièrement, il insista pour que Liverpool nomme Phil Boersma, son collègue des Rangers,
au poste d’assistant personnel – en dépit du savoir et de l’expérience déjà disponible dans la
Boîte de Chaussures. Il prit également en main la diète des joueurs, supervisa le changement
des techniques d’entraînement et fit déplacer toutes les infrastructures de coaching et
médicales du club d’Anfield à Melwood.
Après avoir été le témoin du deuxième rang final obtenu par l’équipe, Souness débuta un
programme radical de reconstruction. Les signatures de fin de saison des joueurs de Derby
Mark Wright et Dean Saunders – pour un montant combiné de £ 5,1 millions – marqua le
début de la période la plus chargée de tous les temps pour Liverpool sur le marché des
transferts. Lors des deux années qui suivirent, il ne se passa quasiment pas un mois sans que
le manager ne vende un joueur ou n’ouvre son carnet de chèques. Il gardait également un œil
vigilant sur les jeunes qui émergeaient – donnant ainsi sa chance à de futurs internationaux
comme Steve McManaman, Jamie Redknapp et Robbie Fowler.
Souness gagna une estime méritée pour sa politique de développement des jeunes mais sa
façon d’agir envers les anciens joueurs provoqua des remous dans les vestiaires et dans les
gradins. Durant d’innombrables années, Liverpool avait pris l’habitude de ne vendre ses
joueurs vedettes qu’une fois que ceux-ci commençaient leur déclin. Mais, en inscrivant
Beardsley, McMahon, Houghton et Steve Staunton sur la liste des transferts, le manager se
séparait de joueurs qui se trouvaient encore à leur meilleur niveau. John Barnes survécut à
l’hécatombe. Toutefois, dans son autobiographie, il écrira plus tard que le manager avait trop
fait le ménage et trop tôt : « Souness n’a pas changé intentionnellement le style de l’équipe
mais, le principe de se séparer de cinq joueurs imprégnés de la façon de jouer de Liverpool et
d’en engager d’autres, qu’ils soient locaux ou recrutés ailleurs, signifie inévitablement une
altération dans l’évolution du jeu. »
« C’était un problème qui masqua tous les autres dans un premier temps. Quand Kenny
m’engagea dans l’équipe de Liverpool avec Peter Beardsley, il s’agissait d’un processus
d’harmonisation relativement simple. Il n’y avait alors que nous deux à intégrer dans la
formation. Souness s’est surestimé. Cela peut prendre toute une saison pour qu’un joueur
s’acclimate, alors imaginez cinq ou six. Le processus de progression était rompu.
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Si Souness avait adopté une approche plus sensible et prudente, les anciens joueurs auraient
pu être retirés du contingent au fur et à mesure que les autres devenaient matures. Durant ses
33 mois en charge de l’équipe, Souness vendit 18 joueurs et en acheta 15. Liverpool se
trouvait dans un état de fluctuation permanente. »
Et cela se remarqua. Il utilisa 26 joueurs durant la saison 1991-92 et Liverpool finit au
sixième rang – leur plus mauvais classement en Première Division depuis 27 ans. Ils ne
remportèrent que 16 de leurs 42 matches de Ligue et leur misérable total de 47 buts marqués
fut le deuxième plus mauvais résultat enregistré durant toute leur appartenance à la catégorie
reine. Une élimination au quatrième tour de la Coupe de la Ligue sponsorisée par Rumbelows
fut également difficile à digérer – surtout parce qu’elle fut provoquée par la modeste
formation de Petersborough.
De retour à la compétition en Coupe de l’UEFA à la fin de leur suspension post-Heysel,
l’équipe montra d’abord quelques dispositions prometteuses en battant l’équipe Française
d’Auxerre 3-0 à Anfield après avoir admirablement surmonté un déficit de 2-0 enregistré lors
de la première manche. Mais, au tour suivant, Gênes mit cruellement en évidence leurs
lacunes en prenant l’avantage 2-0 à la maison avant d’obtenir une confortable victoire 2-1 à
Anfield. Ce n’était que la quatrième fois en un quart de siècle que les Rouges perdaient une
manche de Coupe Européenne à la maison. Cependant, une absence forcée de six ans les avait
privé d’une quelconque expérience continentale. Ceux qui purent admirer les Italiens se
promener littéralement pour obtenir cette victoire réalisèrent qu’il faudrait beaucoup de temps
avant de revoir Liverpool rejoindre l’élite Européenne.
Souness était frustré et sous pression. Durant toute la saison, il gaspillera à peu près £9
millions pour s’assurer les services – parmi tant d’autres – de l’ailier des Rangers Mark
Walters, de l’international Hongrois Istvan Kozma et du milieu de terrain d’Arsenal Michael
Thomas. Mais, mis à part McManaman et l’ancien défenseur de Crewe Alexandra Rob Jones,
aucun de ces nouveaux visages ne tiendra ses promesses. Pour couronner le tout, l’infirmerie
de Melwood était sur le point d’éclater – d’abord Barnes, puis Molby, Rush, Wright et enfin
Whelan furent éloignés des pelouses pour cause de blessures.
De sérieux problèmes commencèrent également à se développer hors du terrain. Un examen
médical révélera que le manager de 38 ans souffrait de défaillances cardiaques et, quelques
heures après avoir assisté à la demi-finale de son équipe en Coupe d’Angleterre face à
Portsmouth, il annonça que son état nécessitait un pontage chirurgical. Heureusement, le
traitement préconisé s’avéra être un franc succès et Souness, encadré de ses médecins, fut
même autorisé à fouler le gazon de Wembley moins d’un mois plus tard. Toutefois, durant
cette période-là, il fut impliqué dans une controverse supplémentaire. Pendant sa
convalescence à l’hôpital, il accepta de donner un entretien exclusif rémunéré par le Sun – un
journal qui était toujours terriblement critiqué du côté de la Mersey à cause de ses comptesrendus des événements de Hillsborough. Comme l’interview fut publié à l’occasion du
troisième anniversaire de la tragédie, il semblait évident que les décisions du manager
devenaient de plus en plus mal avisées. Il fit plus tard des excuses publiques et offrit ses
honoraires au Liverpool’s Alder Hey Children’s Hospital. Mais, ses relations avec une grande
partie des fans avaient déjà été sérieusement altérées.
En fin de compte, il termina la saison par un trophée. Liverpool remporta la finale de la Coupe
d’Angleterre 2-0 contre une équipe de Sunderland qui n’offrit que peu de résistance. Steve
McManaman, qui permuta du flanc gauche au droit en deuxième mi-temps, déchira leur
défense en lambeaux et délivra la passe à l’attention de Thomas qui ouvrit la marque peu
après la reprise.
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A la 67ème minute, l’ancien joueur d’Arsenal dévia une balle de Saunders dans les pieds de
Rush – qui trouva alors les filets adverses pour établir un record de cinq buts marqués lors de
finales de Coupes d’Angleterre.
Cette saison volatile se terminait sur une note positive mais ceux qui aspiraient maintenant à
une période de calme et de consolidation allaient être déçus. En l’espace de quelques
semaines, les tambours de portes d’Anfield pivotèrent à nouveau quand Hysen retourna en
Suède, Houghton s’en alla pour Aston Villa et que le défenseur Barry Venison fut vendu à
Newcastle. En sens inverse arrivèrent le jeune et longiligne gardien David James de Watford
et le milieu de terrain Paul Stewart en provenance de Tottenham pour la somme de £2,5
millions. De toute évidence, les problèmes cardiaques de Souness n’avaient pas tempéré sa
détermination de mener les choses à sa manière. Cet été-là, une querelle de coulisses fut
rendue publique quand il congédia le coach de l’équipe réserve Phil Thompson.
De Mal En Pis
La saison du Centenaire de Liverpool coïncidait avec l’anniversaire de la Première Division –
mais aucun signe positif ne fournit de raison valable pour festoyer. Durant toute la campagne,
la foule d’Anfield manifesta un mécontentement sans cesse croissant en regardant son équipe
se détériorer alors que celle de Manchester United, barrée par Alex Ferguson, émergeait de
l’ombre. Ils terminèrent à nouveau au sixième rang bien que cette fois-ci ils aient réalisé 55
buts et concédé un retard total de 25 points sur leurs grands rivaux. Leur quête de la Coupe
d’Europe des Vainqueurs de Coupes se termina abruptement par une défaite contre Spartak
Moscou sur le score total de 6-2. Il en fut de même des espoirs de conserver la Coupe
d’Angleterre qui furent anéantis lors d’une misérable soirée de janvier à Anfield où l’équipe
de Bolton, pensionnaire de Deuxième Division, obtint sans le moindre effort une victoire 2-0
lors du troisième tour.
Certaines critiques parlaient du résultat le plus humiliant enregistré depuis les années
cinquante et la défaite contre Worcester City, une équipe non classée en Ligue. Ce fut un
Souness bouillonnant qui dévoila une réprimande publique à l’encontre de l’équipe, remettant
en question ouvertement l’engagement de certains de ses joueurs les plus expérimentés. Et, au
moment où la presse spéculait au sujet de l’avenir du boss lui-même, le président du club,
David Moores, fut contraint de délivrer un message à l’attention des supporters : « Se
retrouver en milieu de classement en Championnat et éliminé de trois compétitions majeures
de Coupes est totalement inacceptable. Le comité a décidé de garder son calme, de soutenir le
manager ainsi que l’équipe et d’entreprendre tout ce qui est possible pour surmonter les
difficultés présentes. »
Moores continua de résister à la pression sans cesse croissante qui tendait à virer Souness.
Pour cela, lui et le comité optèrent pour un remaniement de fin de saison qui vit Evans être
promu au poste de manager assistant. En tant que maillon de la chaîne des entraîneurs
provenant des époques de Shankly et Paisley, Evans était pressenti comme force stabilisante.
Mais, comme son influence était restreinte, il ne put empêcher le couperet de tomber et la fin
irrémédiable du règne de Souness prenait de plus en plus un caractère définitif.
Maintenant, il ne vendait plus uniquement les joueurs dont il avait hérité – il se débarrassait
de certains de ceux qu’il avait lui-même engagés. Saunders ne résista qu’un peu plus d’une
année avant d’être transféré à Aston Villa, Wright et Stewart passèrent la plupart du temps sur
le banc des remplaçants alors que le défenseur Danois Torben Piechnik se languissait au sein
de l’équipe réserve. Discrètement, d’autres nouvelles recrues continuaient encore à affluer :
parmi elles, le buteur Anglais Nigel Clough, un transfert de £2,7 millions en provenance de
Notts Forest et Neil Ruddock, un achat de £2,5 millions aux Spurs.
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Lors de ce qui restera probablement sa transaction la plus controversée, Souness vendit les
jeunes et prometteurs David Burrows et Mike Marsh à West Ham en échange du rugueux
Julian Dicks. Celui-ci avait à son actif un spectaculaire palmarès de sanctions disciplinaires,
ayant accumulé des douzaines d’avertissements et huit cartons rouges durant sa carrière. Il
était un héros populaire du côté d’Upton Park mais le public d’Anfield – abreuvé de football
fluide et de fair-play – considéra son engagement comme difficilement acceptable.
Au milieu de toute cette activité au niveau des transferts, la liste des blessés avait dépassé la
simple plaisanterie. Trois mois à peine après le début de la saison 1993-94, 23 joueurs furent
déclarés indisponibles pour la première équipe. On ne trouva donc pas surprenant que ceux
qui prirent place au sein d’une formation sans cesse modifiée eurent quelques difficultés à
bâtir une certaine cohésion. Au cap de la nouvelle année, Liverpool était éliminé de la CocaCola Cup – après avoir perdu lors des tirs aux buts contre Wimbledon – et concédait 20 points
de retard sur Manchester United, le leader en Première Division. Le temps était désormais
compté pour Souness et seul un parcours sans faute en Coupe d’Angleterre pouvait lui offrir
une dernière chance de survie.
Ce fut l’équipe de Première Division de Bristol City qui la lui ôta. Leur victoire 1-0 lors d’un
match à rejouer du troisième tour précipita le public d’Anfield dans un profond désespoir et
les directeurs en séance d’urgence. Trois jours plus tard, David Moores annonça que le club et
le manager s’étaient séparés : « Pour nous tous à Anfield et pour Graeme lui-même, c’est un
jour très triste, » dit-il aux reporters. « Nous avons compris les difficultés auxquelles il avait
fait face durant près de trois saisons, dont une série sans précédent de blessés et la nécessité
d’introduire de nouveaux joueurs dans le contingent plus rapidement que ne l’exigeait la
coutume pratiquée jusqu’alors à Anfield. »
« Toutefois, le Football Club Liverpool est entièrement acquis au fait de remporter des titres
et d’être une source de satisfaction pour ses fans. Il n’y a pas d’autre alternative. Exception
faite d’une seule victoire obtenue en Coupe d’Angleterre lors de la première saison de
Graeme, les résultats en Championnat et dans les autres compétitions domestiques – ainsi
qu’en Europe – se sont situés bien au-dessous des attentes du club et des supporters. »
La nomination de Souness fut une expérience courageuse et passionnante mais elle déboucha
finalement sur un échec. Quand l’heure fut venue de trouver son successeur, le club eut
recours à la bonne vieille méthode.
Roy Reprend les Rênes
L’accession de Roy Evans au fauteuil de patron n’étonna personne. Il était déjà considéré
comme manager en devenir du temps où Shankly le persuada d’abandonner sa carrière de
joueur à l’âge de 25 ans pour rejoindre le staff des entraîneurs. Certains étaient d’avis qu’il
aurait dû reprendre l’équipe quand Dalglish s’en alla ; d’autres pensèrent même qu’il était
déjà prêt quand Fagan se retira.
« La fierté que je ressens est presque indescriptible, » annonça-t-il. « Je suis un gars de
Liverpool. J’étais un pensionnaire du Kop durant ma jeunesse et je comprends parfaitement
l’attente de tous nos supporters. »
Malheureusement, il ne put offrir à ses amis du Kop la fête d’adieu qu’ils désiraient.
L’ancienne tribune fut démolie à la fin de la saison pour satisfaire aux normes établies à la
suite du désastre de Hillsborough, à savoir des gradins garnis uniquement de places assises.
Liverpool perdit son dernier match à domicile (voir page 154) et termina la saison au huitième
rang. Ils n’entraient donc plus en lice pour l’Europe et, – à en croire les prédictions des
bookmakers – ne feraient pas partie des prétendants au titre en Première Division l’année
prochaine.
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Il subsistait toutefois quelques raisons d’être optimiste. Evans avait réuni une équipe
d’entraîneurs bien ancrée dans la tradition de Liverpool – Doug Livermore, qui fut joueur du
temps de Shankly, Ronnie Moran, dont l’expérience était inégalée et Sammy Lee, qui fit
partie de l’équipe de Fagan lors de l’obtention de son fameux triplé. La star des années
soixante-dix, Steve Heighway, s’occupait de l’éclosion d’une succession de jeunes joueurs en
première équipe. Il eut d’ailleurs le privilège de voir d’anciens pupilles comme Steve
McManaman batailler fermement pour obtenir les honneurs de l’équipe d’Angleterre. Robbie
Fowler (voir page 155), un autre petit protégé d’Heighway, avait également percé en première
équipe – démontrant l’étendue de son talent en inscrivant les cinq buts de la correction
administrée à Fulham en Coca-Cola Cup.
Certains esprits critiques doutaient des capacités d’Evans à prendre les bonnes décisions mais
il contredit rapidement ceux-ci en restant dans la norme des standards déjà rencontrés à
Liverpool. Dicks et Piechnik furent vendus, Clough et Thomas laissés de côté et le talentueux
mais capricieux jeune homme, Don Hutchison, renvoyé. Ceux qui restèrent recouvrirent leur
forme à temps pour la campagne 1994-95. Molby perdit du poids et redécouvrit ses talents de
passeur, Barnes, qui s’était également aminci, rétrograda au milieu du terrain. Il fournit de tels
performances qu’elles lui permirent un retour en équipe d’Angleterre. Aux avant-postes,
McManaman se vit offrir un rôle d’électron libre dans le but de mieux trouver les espaces et
de transpercer les défenses adverses. Fowler débuta quant à lui la nouvelle saison comme il
avait terminé la précédente, démontrant un instinct similaire à celui de Rush devant le but
adverse et inscrivant trois buts contre Arsenal en l’espace de quatre minutes et 33 secondes –
le coup du chapeau le plus rapide jamais enregistré en faveur de Liverpool.
Cette victoire 3-0 leur permit d’être propulsé au sommet du classement – une place qui aurait
été considérée comme impensable à peine quelques mois plus tôt. Mais malheureusement,
cela ne demeura pas leur rang final. En dépit des nouveaux venus John Scales et Phil Babb en
renfort de la défense, les résultats de Liverpool devinrent inconstants et ils se retrouvèrent
bientôt classés derrière Manchester United et Blackburn dans la course au titre en
Championnat. En fin de compte, ce fut Blackburn – placé sous la férule du reposé et rajeuni
Kenny Dalglish – qui remporta les lauriers lors d’une dramatique dernière ronde de la saison
disputée à Anfield. Ses joueurs furent anéantis par le désespoir lorsque Redknapp obtint une
victoire de dernière minute pour Liverpool. Toutefois, à peine quelques secondes après le
coup de sifflet final, ils apprirent que United avait perdu à West Ham – et avait ainsi gaspillé
sa chance de terminer premier. Kenny rayonna de bonheur, les fans des Rovers devinrent
hystériques – et, exceptionnellement, le Kop célébra également le succès obtenu par une autre
équipe que la sienne.
Les Rouges avaient terminé quatrième mais leur retour sur la scène Européenne avait déjà été
assuré auparavant. En effet, deux mois plus tôt, Evans avait conduit son équipe à Wembley
qui vit Steve McManaman confirmer sa réputation de jeune talent le plus prometteur de la
Ligue. Bolton Wanderers était, pour l’occasion, leur adversaire en finale de la Coca-Cola Cup
– une équipe de Première Division qui avait humilié Liverpool à Anfield à peine deux saisons
plus tôt. Mais, cette fois-ci, la différence s’appelait McManaman. Il intercepta des services de
Barnes et de Redknapp avant de se glisser sans effort apparent à travers la défense des
Wanderers. Son ouverture du score reste un des plus beaux buts jamais réalisé à Wembley –
un tir foudroyant à la conclusion d’une course hallucinante débutée à la ligne du milieu de
terrain. Sa seconde réussite fut une copie carbone à peu près conforme à la précédente – elle
s’avéra d’ailleurs être le coup de génie décisif dans l’optique de la victoire finale 2-1 de
Liverpool.
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C’est ainsi qu’une coupe orna à nouveau la salle des trophées d’Anfield, que les affluences au
stade augmentèrent et que l’Europe refit son apparition.
Lors de sa première saison entière, Evans avait recollé les morceaux d’une équipe de
Liverpool capable d’arrêter son déclin en Ligue. Encore quelques signatures supplémentaires
et ils allaient à nouveau pouvoir être considérés comme candidats au titre.
Possibilités Inexploitées
Les transferts réalisés étaient d’ordre à générer une certaine excitation. Jason McAteer, en
provenance de Bolton, était un garçon de Birkenhead dont le LFC coulait dans les veines. Il
était une des vedettes de l’équipe d’Irlande lors de la Coupe du Monde de 1994 et un joueur
qui avait montré son habileté et sa détermination lors de la défaite des Wanderers contre
Liverpool à Wembley. Stan Collymore était un buteur génial – un attaquant dont la puissance
de feu avait permis à Notts Forest d’obtenir sa promotion ainsi qu’une place en Coupe de
l’UEFA, touchant la cible à 41 reprises en 64 apparitions en Ligue.
Evans pulvérisa le record des transferts en Angleterre pour obtenir ses services. Dès la
première journée de la nouvelle saison, Collymore rendit une partie de la monnaie des £8,5
millions déboursés en offrant la victoire 1-0 contre Sheffield Wednesday d’un superbe tir
enroulé. Il fut blessé le match suivant mais réapparut une quinzaine de jours plus tard pour
expédier un missile dévastateur de 30 mètres qui contribua à battre Blackburn 3-0. Pour ne
pas être en reste, Fowler surgit comme un diable de sa boîte et réussit quatre buts lors d’une
déroute de Bolton 5-2.
Lors de la majeure partie de la saison 1995-96, l’équipe d’Evans évolua dans la plus pure
tradition des formations de Liverpool d’autrefois. Ils étaient intransigeants en défense et
impitoyables en attaque. Leur jeu était fluide, composé de possession de balle et de passes
précises, ils pratiquaient le football le plus attractif du Championnat. Si ils n’avaient pas
enregistré un mois de novembre désastreux durant lequel ils ne remportèrent aucun match, ce
qui les fit rétrograder en sixième position, la plupart des observateurs se seraient accordés à
dire qu’ils auraient pu remporter la course au titre. A cause de cela, ils durent se battre pour
rattraper le terrain perdu pour finalement terminer à deux points du leader, n’ayant eu à
souffrir que d’une légère baisse de forme sur la fin alors que les hommes d’Alex Ferguson
hissaient les voiles en tête.
Une défaite en Coupe de l’UEFA contre l’équipe Danoise de Brondby et une élimination en
Coca-Cola Cup contre Newcastle avaient tempéré les ardeurs des journalistes au sujet d’une
renaissance de Liverpool. Malgré cela, ils continuaient de montrer leur meilleur visage en
Coupe d’Angleterre, écrasant sans effort Rochdale et Shrewsbury lors des premiers tours et
triomphant aisément de Charlton, Leeds et Aston Villa qui représentaient les derniers
échelons pour parvenir à Wembley. Si il existait une occasion rêvée pour Liverpool de se
reconsidérer comme les rois du nord-ouest, elle se présenta en mai 1996, le jour où ils
rencontrèrent le vainqueur du Championnat, Manchester United. Mais ils la laissèrent
s’échapper. Lors d’une finale ennuyeuse, marquée essentiellement par son absence
d’occasions de buts – et par la dernière apparition de Ian Rush sous le maillot de Liverpool –
Eric Cantona scella l’issue des débats par un but inscrit à la 86ème minute. La Coupe
d’Angleterre s’en alla du côté de Manchester et les supporters de United purent célébrer leur
second doublé de la décennie.
La défaite était déjà suffisamment exaspérante sans que viennent encore se greffer des
événements en marge de cette rencontre qui eurent un effet néfaste à long terme sur la
réputation et le moral de l’équipe.
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A une époque où les médias étaient de plus en plus obsédés par les gains des footballeurs, les
joueurs de Liverpool se promenaient sur le terrain, lors de la traditionnelle inspection d’avantmatch, habillés de luxueux costumes Armani de couleur crème et munis de lunettes de soleil
dessinées par des stylistes. Les journaux devinrent très critiques, revendiquant le fait que
ceux-ci accordaient plus d’attention à leur image qu’à leur façon de jouer. Le look séduisant
de David James lui avait déjà rapporter certains contrats de mannequin. Il en était de même
pour Redknapp, Babb et McAteer qui étaient devenus de vraies pin-up pour lycéennes,
Collymore obtenant par ailleurs des rancards avec de célèbres petites amies. Maintenant, ils
étaient accusés d’étaler leurs richesses et de mener la grande vie en négligeant de faire le
travail pour lequel ils étaient payés. Le mythe préjudiciable des « Spice Boys » était né.
« Les critiques qui les traitaient de « Spice Boys » étaient purement et simplement destinées à
empêcher les joueurs de réussir, » écrivit par la suite John Barnes. La presse pensait que
Liverpool ne remportait pas de trophées à cause du fait que les joueurs sortaient constamment
pour faire les mannequins. Ryan Giggs et David Beckham défilaient également pour des
marques de vêtements, ce qui ne les a pas empêchés de remporter la Coupe d’Europe. La
presse faisait grand battage de ces « Spice Boys » pour expliquer les échecs de Liverpool.
Cela leur fournissait d’excellents gros titres mais c’était injuste. Mis à par Gazza, je ne peux
pas imaginer un footballeur s’entraîner plus ardemment que ne le faisait Jason McAteer. Il a
été modèle pour une marque de shampoing et s’est fait violemment critiquer pour cela. Tous
les joueurs étiquetés en tant que « Spice Boys » détestaient cela. Les accusations qui portaient
sur le fait de n’avoir rien à faire de Liverpool et de n’être obsédé que par l’argent, les femmes
et devenir mannequin se situaient très loin de la vérité. »
Mais, ces allégations persistaient et la mayonnaise commençait à prendre. Alors que le succès
de Ferguson ne cessait de croître grâce à une réputation de discipline instaurée à Old Trafford
et dictée par sa main de fer, l’impression grandissante d’un régime laxiste installé à Anfield
par Evans prédominait. Collymore ne contribua pas à améliorer la situation en refusant de
déménager de son domicile des Midlands, en critiquant publiquement son manager et en
refusant d’intégrer l’équipe réserve à la suite de tout cela. Aucun autre joueur ne partagea son
attitude destructive. Mais, comme lui, une trop grande partie de ceux-ci ne démontra pas son
réel potentiel sur le terrain.
Ils terminèrent la saison 1996-97 au quatrième rang, hors des places qualificatives pour la
nouvelle et lucrative Ligue des Champions. Leurs espoirs de remporter la Coupe des
Vainqueurs de Coupes s’étaient également envolés au stade des demi-finales quand une série
d’erreurs du gardien David James offrit la manche à Paris St Germain. C’est alors que les
journaux se mirent fréquemment à traiter les joueurs de Liverpool comme « des gens
incapables d’exploiter leurs possibilités » et même les plus loyaux supporters d’Anfield
commencèrent à avoir des doutes quant à savoir si Evans était réellement l’homme capable de
les motiver.
Toutefois, le comité lui donna l’argent nécessaire pour le soutenir. Cet été-là, il s’embarqua
dans un programme de reconstruction de £10 millions, engageant Oyvind Leonhardsen en
provenance de Wimbledon et le buteur international Allemand Karl-Heinz Riedle, dont les
buts avaient permis à Borussia Dortmund de remporter la Coupe d’Europe. Après 61 parties
et 26 buts en Championnat, Collymore fut vendu à Aston Villa. Et, après une illustre carrière
de dix années à Anfield, John Barnes reçut l’opportunité d’être transféré gratuitement à
Newcastle. Son départ coïncida avec un changement significatif de tactique à Liverpool.
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Evans le remplaça par l’international Anglais Paul Ince dont les tacles dévastateurs et le style
de récupération de ballons étaient en parfait contraste avec le jeu réfléchi basé sur la
possession de balle qui avait prédominé au milieu du terrain depuis si longtemps. Ince, une
acquisition de £4,5 millions en provenance de l’Inter Milan, possédait également un passé fait
de problèmes disciplinaires. Malgré cela, sa réputation de courage et de dévouement – bâtie
durant ses glorieuses années passées à Old Trafford – fit de lui un choix populaire en tant que
nouveau capitaine du club.
En dépit de ces nouveaux renforts, Liverpool termina à nouveau la saison sans un trophée. Sur
le terrain, leurs performances variaient de brillantes à abyssales. En fin de compte, Evans et
son équipe d’entraîneurs ne purent que se mordre la langue en signe de frustration : « C’est
toujours la même histoire et cela me rend fou, » dit le manager après une défaite en Coupe de
l’UEFA contre Strasbourg. « Je suis le responsable. Je prends les décisions. Mais je ne peux
pas entrer sur le terrain et jouer le ballon à leur place. »
En Championnat, ils ne s’améliorèrent que d’un rang pour terminer troisième. Ils n’étaient
donc à nouveau pas dans la course pour l’obtention d’une place en Ligue des Champions et –
sans la présence du phénoménal jeune buteur Michael Owen – ils auraient également eu
certaines difficultés à se qualifier pour une autre compétition Européenne. L’adolescent de 17
ans inscrivit 21 buts en Ligue durant la campagne, dont quatre lors du match contre
Nottingham Forest à Anfield. Il fit ses débuts internationaux en février 1998 pour achever une
brillante saison par un but spectaculaire pour l’Angleterre contre l’Argentine en Coupe du
Monde.
Toutefois, même la forme dévastatrice d’Owen ne put masquer les défaillances de l’équipe et
le comité de Liverpool exigea une amélioration. Cet été-là, ils approchèrent l’ancien
sélectionneur national Français Gérard Houllier qui, en tant que Directeur Technique, avait
contribué à mener son pays au succès en Coupe du Monde. A leur grande satisfaction, le très
convoité et respecté Houllier accepta leur offre. C’est ainsi que le 16 juillet 1998, lui et Evans
furent nouvellement nommés managers-adjoints du FC Liverpool.
TOP 10
BUTEURS EN LIGUE
1. Robbie Fowler
2. Ian Rush
3. Stan Collymore
4. Steve McManaman
5. John Barnes
6. Jamie Redknapp
7. Neil Ruddock
8. Mark Walters
9. Nigel Clough
10. Don Hutchison
1991-1998
COUPS DU CHAPEAU
84
45
26
23
22
15
11
11
7
7
1. Robbie Fowler
2. Stan Collymore
3. Mark Walters
4. Ian Rush
5. --6. --7. --8. --9. --10. ---
NOMBRE DE MATCHES EN LIGUE
6
2
1
1
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1. John Barnes
2. David James
3. Jamie Redknapp
4. Robbie Fowler
5. Rob Jones
6. Steve McManaman
7. Mark Wright
8. Ian Rush
9. Neil Ruddock
10. Michael Thomas
153
164
163
149
140
136
136
135
130
113
96
MATCH
LA DERNIERE OVATION DU KOP
Un but remarquable contre Leeds et une frappe décisive contre Bayern Munich avaient
rapporté à Jeremy Goss, le joueur de Norwich City, son lot de notoriété lors de la saison
1993-94. Cependant, son goal décisif à Anfield lui permit d’occuper une place dans
l’histoire.
Goss et ses coéquipiers furent les derniers trouble-fêtes pour refuser la victoire que chacun
avait espéré en l’honneur du dernier match disputé devant des supporters debouts dans le Kop.
Les fans de Liverpool avaient alors joué leur rôle à la perfection afin de faire de ce 30 avril
1994 un jour mémorable. Les joueurs, hélas, n’y parvinrent pas.
Les supporters n’avaient pas totalement accepté la démolition du Kop mais Liverpool, ainsi
que tous les clubs membres du Championnat de Première Division, se soumit aux
recommandations du Lord Taylor. Son rapport, suite à la catastrophe de Hillsborough,
demandait des stades entièrement équipés de places assises. C’est ainsi que les plans pour une
nouvelle tribune d’une capacité de 12'000 places debouts furent abandonnés et le Kop, tel que
les gens le connaissaient, devait disparaître.
En ce dernier jour, plus de 16'000 pensionnaires du Kop, mêlés à une foule de 44'000
spectateurs, vinrent célébrer le passé et faire la fête en sa mémoire. Ils apportèrent leurs
écharpes, drapeaux et bannières pour en décorer chaque recoin des gradins tout en entonnant
les airs des chansons et des slogans qui les avaient rendus célèbres.
Les héros du passé – Albert Stubbins, Billy Liddell, Ian Callaghan, Tommy Smith, Steve
Heighway, David Johnson, Phil Thompson, Craig Johnston, David Fairclough et Kenny
Dalglish – furent salués avant le coup d’envoi. Ensuite, Joe Fagan escorta Jessie Paisley et
Nessie Shankly sur le terrain pour recevoir une ovation si bruyante que le toit des quatre
tribunes réunies faillit se soulever.
Incroyablement, ni cet étalage de stars ni les encouragements d’un Kop magnifique et coloré
ne réussirent à porter Liverpool vers la victoire lors d’un match retransmis dans 13 pays. Une
si piètre prestation n’était pas conforme à l’importance de l’événement et la seule élégance
que l’on put trouver fut que la volée de Goss de la 36ème minute ne soit pas suivie par d’autres
buts inscrits par Norwich.
Toutefois, cette défaite n’allait pas gâcher la fête. Gerry Marsden prit possession de la foule à
travers l’interprétation de « You’ll Never Walk Alone » – le hit qu’il remit au goût du jour au
milieu des années 60 et qui devint l’hymne du Kop suite aux recommandations de Bill
Shankly. Ils entonnèrent tous celui-ci à maintes reprises après que le match se soit terminé. Et,
alors que le dernier habitué du Kop s’en allait sur le coup de 18 heures, le rideau se baissa sur
une institution en matière de football.
Le Spion Kop : 1906-1994.
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JOUEUR
ROBBIE FOWLER
Ils l’appelaient Dieu parce que, à leurs yeux, il ne commettait pas la moindre erreur.
Robbie Fowler était respecté par ses coéquipiers et adulé par les fans de Liverpool. A
l’époque où les défenses adverses devenaient malades à en mourir des buts inscrits à la
pelle par Ian Rush en faveur des Rouges, arriva à ses côtés un gamin de Toxteth, dont
l’instinct de prédateur était tout aussi mortel.
Comme Rush, Fowler était une machine à marquer et il était généralement considéré comme
le finisseur Anglais le plus naturel de sa génération. Que ce soit d’un boulet de canon, d’une
petite tape ou d’une habile reprise, délivrés la plupart du temps par un pied gauche précis et
dévastateur, il pouvait trouver la faille de n’importe quel angle. En fait, ils choisirait lui-même
son épatant tir du pied gauche décoché lors de la demi-finale de la Coupe d’Angleterre de
1996 contre Aston Villa comme étant le plus beau but de sa carrière à Anfield.
En tant que joueur le plus jeune à avoir inscrit 100 buts pour Liverpool, Fowler était le parfait
exemple du petit gars de la région à avoir réussi. Chaque fois qu’il revêtait le fameux maillot
rouge il accomplissait le rêve de milliers de Scousers. En dépit de l’adulation et de la richesse
qui frappèrent à sa porte, il ne reniera jamais ses modestes origines. Pour le Kop, il était l’un
des leurs.
Fowler ne cédait jamais à la controverse ciblée, mais il tendait à la rechercher. Une suite
d’événements, survenus à la fois sur et hors du terrain, lui ont probablement valu autant de
gros titres négatifs que ses exploits de buteur ne lui en ont rapportés de positifs. En fait, ils
n’ont servi qu’à cimenter sa popularité auprès de ses admirateurs.
Les supporters furent très attristés quand il se sentit dans l’obligation de quitter Liverpool
pour Leeds en novembre 2001, en quête d’une place de titulaire au sein d’une première équipe
de football. Toutefois, ils pourront toujours se consoler en sachant que c’était leur équipe qui
a bénéficié de ses talents durant de si longues années au lieu de l’autre, située à l’autre bout de
Stanley Park.
Influencé par son père, qui évolua au niveau amateur, Fowler commença à jouer au football à
l’âge de trois ans. Il grandit dans la peau d’un Evertonien, idolâtrant Trevor Steven et ayant
même joué pour l’équipe junior des Bleus alors qu’il avait 14 ans. Jim Aspinall, le recruteur
d’Anfield, fut probablement l’homme qui convainquit Fowler d’en terminer à Goodison Park
en le conviant à s’entraîner quelques soirs par semaine avec Liverpool. Kenny Dalglish était
en charge de l’équipe quand il signa un contrat d’écolier avec les Rouges. C’est le manager
lui-même qui allait parfois raccompagner l’impressionnable Fowler à la maison après
l’entraînement.
Sous la direction de Steve Heighway, le jeune homme allait alors attirer le regard du nouveau
boss Graeme Souness. Il marqua lors de ses débuts en équipe senior puis inscrivit cinq buts
lors d’un match de la Coupe de la Ligue contre Fulham à Anfield – devenant ainsi le
quatrième joueur seulement à atteindre les cinq levées dans toute l’histoire de Liverpool.
Durant la campagne 1994-95, Fowler inscrivit plus de 30 buts et fut nommé Jeune Joueur
PFA de l’Année. Une nouvelle saison prolifique suivit celle-ci – ce qui lui permit d’être
convoqué en équipe d’Angleterre.
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Fowler manqua la Coupe du Monde 1998 à la suite d’une grave blessure au genou. Quand il
retrouva la forme, Gérard Houllier avait rejoint Liverpool et une nouvelle ère débutait. Il se
blessa à nouveau lors de la saison 1999-2000 et, avec l’émergence de Michael Owen et
d’Emile Heskey aux postes de buteurs attitrés du club, les possibilités de débuter le match
pour Fowler devinrent restreintes.
En dépit de ses apparitions limitées, il porta une part prépondérante à l’obtention du triplé au
cours de la saison 2000-01, expédiant une volée étourdissante en finale de la Worthington
Cup et réalisant un coup d’éclat lors de son entrée en jeu, ce qui contribua à assurer le gain de
la Coupe de l’UEFA. Comme Jamie Redknapp, blessé, était resté sur la touche, ce fut Fowler
– en tant que vice-capitaine – qui brandit les trois trophées de la campagne la plus fructueuse
de Liverpool depuis les années 80. Mais malheureusement, ce n’était qu’une question de mois
avant qu’il ne s’en aille.
NEUVIEME CHAPITRE 1991-1998 PARADIS PERDU
156
MANAGER
ROY EVANS
Roy Quentin Echlin Evans n’était pas uniquement le choix du peuple à la succession de
Graeme Souness – mais il était, de toute évidence, le seul possible. En fait, sa destinée
était toute tracée.
Vingt ans auparavant, le président de l’époque à Liverpool, John Smith, avait prédit son
éventuelle ascension à l’un des plus recherchés, mais déjà très éprouvant, job du football.
Evans n’avait alors que 25 ans et il pouvait déjà raccrocher ses souliers à crampons, après 11
apparitions seulement en première équipe, pour goûter à son nouveau rôle d’entraîneur de
l’équipe réserve. Au moment de sa nomination au poste de manager, le sympathique gars de
Bootle avait déjà travaillé aux côtés de certaines des figures les plus légendaires de Liverpool
et avait pu acquérir de grandes connaissances durant tout le chemin parcouru.
A l’origine élève de Bill Shankly, Evans devint par la suite un conseiller avisé pour Bob
Paisley, Joe Fagan et Kenny Dalglish, avant d’être nommé manager-assistant de Graeme
Souness. Il avait déjà prouvé ses capacités de coach en conduisant l’équipe réserve de
Liverpool à une succession de titres en Ligue Centrale durant ses 11 saisons d’activité. C’est
ainsi qu’en janvier 1994, il fut temps pour lui de sortir de l’ombre pour faire son apparition
sur le devant de la scène.
Suite aux années de turbulence enregistrées sous l’ère Souness, le nouveau boss rétablit
l’union sacrée dans les vestiaires. En l’espace d’un peu plus d’une année, il fit venir de
nouveaux visages comme Scales et Babb. Il introduisit également un système basé sur les
ailiers et donna à McManaman une totale liberté en attaque – une tactique qui allait permettre
de fournir une performance dévastatrice à Wembley lors de la victoire de 1995 contre Bolton
en Coca-Cola Cup. Dire qu’Evans était fier de cette victoire était encore minimiser la réalité.
En fait, il chérissait tant ce trophée qu’il dormit même avec celui-ci quand il revint à sa
chambre d’hôtel.
Avec des joueurs de la qualité de Barnes, McAteer, Redknapp et Fowler dans ses rangs,
Evans avait toutes les raisons de penser que d’autres coupes allaient arriver. Durant la majeure
partie de la saison 1995-96, Liverpool retrouva la simplicité qui avait été sa marque de
fabrique durant les années 80. Elle était redevenue l’équipe au style le plus pure et le plus
attractif de la Ligue. Quand on évoquait la possession de balle et le jeu collectif, personne ne
pouvait rivaliser avec eux. Toutefois, ils manquaient de résistance et de forces mentales,
qualités que leurs rivaux d’Old Trafford, en route vers le succès, possédaient en abondance.
La défaite contre United, lors de la finale de la Coupe d’Angleterre de 1996, tendit à souligner
cette différence remarquée entre les deux équipes. Malgré la bonne qualité de leur jeu, United
avait pris pour habitude de gagner même quand ils étaient en-dessous de leur niveau habituel.
Ce résultat annonçait des changements considérables : un certain relâchement de Barnes, un
style de jeu plus agressif et l’acquisition de joueurs comme Ince et Collymore suite à des
transferts payés au prix fort. Quand ceux-ci échouèrent également dans leur mission, Evans dû
faire face à des reproches concernant son manque d’autorité. Cependant, les critiques qui le
comparaient de manière défavorable par rapport aux anciens managers de Liverpool ne
mentionnèrent jamais que les temps avaient changé. Comment Shankly et Paisley s’en
seraient-ils tirés avec la liberté de contrat, des salaires de millionnaires et l’influence
grandissante des agents de joueurs ?
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Peu à peu, le manque de progrès sur le terrain devint un souci et les directeurs du club
décidèrent de renforcer l’équipe dirigeante pour le début de la saison 1998-99. Ils espéraient
que la touche Européenne de Gérard Houllier couplée avec l’expérience d’Evans à Anfield
allait devenir une formule gagnante. Mais, alors que des problèmes évidents ne cessaient de se
produire et que la pression augmentait sur ses épaules, Evans dans un élan de dignité, choisit
de rompre sa longue association avec le club qu’il avait servi si fidèlement.
« A titre personnel, aujourd’hui est un jour bien triste, » déclara le président David Moores
quand il communiqua son départ. « J’aurais voulu rendre hommage à tout ce que Roy a
accompli pour le club durant 35 ans. Je lui ai offert un autre poste mais il a choisi d’arrêter. Je
pourrais parler des heures durant de Roy et de mon profond respect pour lui. »
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