Prédispositions héréditaires au cancer du sein

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Prédispositions héréditaires au cancer du sein
SYNTHÈSE
Bull Cancer 2003 ; 90 (7) : 587-94
© John Libbey Eurotext
Prédispositions héréditaires au cancer du sein :
après BRCA1 et BRCA2, quel(s) autre(s) gène(s) ?
Inherited predisposition to breast cancer:
after the BRCA1 and BRCA2 genes, what next?
Valérie BONADONA*
Christine LASSET*
*Unité de prévention et épidémiologie
génétique, Département de santé
publique, Centre Léon-Bérard,
28 rue Laennec, 69373 Lyon Cedex 08
Résumé. Les mutations constitutionnelles des deux gènes connus de prédisposition
héréditaire au cancer du sein, BRCA1 et BRCA2, se transmettent sur un mode
autosomique dominant et ne permettent d’expliquer qu’une partie des concentrations familiales de cancer du sein. Majoritairement responsables des formes familiales où sont également observés des cas de cancer de l’ovaire ou de cancer du sein chez
l’homme, elles sont en revanche moins fréquemment impliquées dans les familles
associant uniquement des cas de cancer du sein chez la femme. Un troisième gène,
appelé BRCA3, est recherché depuis longtemps mais jusqu’à présent sans succès. De
récentes études d’épidémiologie génétique plaident néanmoins en faveur de modèles
génétiques non mendéliens. Le risque familial résiduel, non lié à BRCA1 ou à
BRCA2, pourrait correspondre à un modèle polygénique combinant les effets
multiplicatifs de plusieurs gènes, plus fréquents en population mais conférant des
risques plus modérés de cancer. L’identification de ces gènes de faible pénétrance
constitue le défi de ces prochaines années. Nous présentons ici une mise au point des
connaissances sur les gènes de prédisposition héréditaire au cancer du sein, les
perspectives de recherche et leurs implications dans la pratique du conseil génétique. ▲
Mots clés : cancer du sein, prédisposition héréditaire, BRCA1, BRCA2, gène de faible pénétrance
Article reçu le 20 novembre 2002
accepté le 18 avril 2003
Abstract. Germline mutations of the breast cancer predisposing known genes, BRCA1 and
BRCA2, with an autosomal dominant transmission explain only a part of the familial
aggregation of breast cancer. Mainly involved in families with cases of ovarian cancer or male
breast cancer, they account for a small proportion of families where only female breast cancer
cases are observed. A third predisposing gene, called BRCA3, has been sought for a long time
but without success. Recently, genetic epidemiology studies have shown evidence for nonmendelian inheritance. The familial residual risk non due to BRCA1 or BRCA2 genes could
be explain by a polygenic model, corresponding to the multiplicative effects of several genes, more
frequent in population but conferring moderate risks of cancer. The identification of these low
penetrance genes is the challenge over the next years. We present here a focusing of recent
knowledge on breast cancer predisposing genes, the perspectives of research and their implications
in the practice of genetic counselling. ▲
Key words: breast cancer, inherited predisposition, BRCA1, BRCA2, low-penetrance gene
A
u cours de cette dernière décennie, la localisation
puis l’identification de deux gènes de prédisposition
héréditaire au cancer du sein et de l’ovaire, BRCA1
et BRCA2, ont constitué une avancée scientifique majeure
dans la compréhension du cancer du sein familial [1-4].
Néanmoins, l’étude de familles évocatrices d’un risque héréditaire et non liées à BRCA1 ou BRCA2 a rapidement suggéré
l’implication d’autre(s) gène(s) [5-9] et un troisième gène
Tirés à part : V. Bonadona. E-mail : [email protected]
majeur de susceptibilité, communément appelé BRCA3, a été
activement recherché. Les difficultés à le mettre en évidence
ont laissé clairement entrevoir que le risque familial résiduel,
non expliqué par BRCA1 et BRCA2, relevait probablement de
modèles génétiques plus complexes non mendéliens, combinant l’effet de plusieurs gènes [10, 11]. Des études d’épidémiologie génétique [12, 13] et la découverte d’un nouveau
gène de susceptibilité au cancer du sein de faible pénétrance,
le gène CHEK2 [14, 15], ont permis de le confirmer récemment. L’identification de l’ensemble des gènes de prédisposi-
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V. Bonadona, C. Lasset
tion héréditaire au cancer du sein aura une implication
importante dans la pratique du conseil génétique, en permettant d’informer plus précisément les patients sur leur risque de
cancer et de leur recommander une prise en charge adaptée.
Nous nous proposons de faire le point sur l’état des connaissances actuelles, les perspectives de recherche et les implications futures.
Gènes connus de prédisposition héréditaire
au cancer du sein
Le cancer du sein, avec plus de 33 500 nouveaux cas estimés
par an en France [16], est le cancer le plus fréquent chez la
femme dans nos pays industrialisés. Parmi les facteurs de
risque connus, et hormis l’âge, une histoire familiale de
cancer du sein constitue un facteur majeur, avec un risque
relatif variable de 1,5 à 5,3 selon le nombre de sujets atteints,
leur âge au diagnostic et le degré de parenté [17, 18]. Ce
risque s’élève chez les sujets de moins de 50 ans. Si une
majorité de cas de cancers du sein sont sporadiques, survenant en l’absence de tout contexte familial, une concentration familiale est retrouvée dans environ 20 à 30 % des cas
[19]. L’observation de certains clusters familiaux a suggéré
depuis longtemps une composante héréditaire dans la survenue de ces tumeurs. Ainsi, le chirurgien Paul Broca dans son
Traité des tumeurs de 1866 rapporte, dans une même généalogie, une dizaine de femmes atteintes d’un cancer du sein
sur plus de trois générations [20]. Les premières études d’épidémiologie génétique (annexe) par l’intermédiaire des analyses de ségrégation ont apporté la preuve d’une hérédité
autosomique dominante, liée à la transmission d’un gène
majeur de fréquence allélique rare et de forte pénétrance [21,
22]. Il a été estimé que 5 à 10 % des cancers du sein
survenaient dans un tel contexte [23].
Les analyses de liaison entreprises grâce à la collaboration de
familles à haut risque ont permis la localisation de deux gènes
de prédisposition, BRCA1 et BRCA2, en 1990 et 1994, situés
respectivement sur les chromosomes 17q21 et 13q12 [1, 3].
Une méthode de clonage positionnel a permis par la suite
leur identification [2, 4]. Être porteur d’une mutation germinale de l’un de ces gènes confère un risque cumulé élevé de
développer un cancer du sein, estimé entre 60 et 85 % à
70 ans pour une femme, auquel s’associe un risque de cancer
de l’ovaire estimé entre 40 et 60 % pour BRCA1 et 10 à 30 %
pour BRCA2 [24].
D’autres gènes de prédisposition, responsables de syndromes
autosomiques dominants plus rares et comportant un risque
élevé de cancer du sein, ont également été identifiés. Ainsi, le
syndrome de Li-Fraumeni, lié essentiellement à une mutation
germinale du gène p53, associe chez l’enfant et l’adulte jeune
principalement des sarcomes (sarcomes des tissus mous et
ostéosarcomes), des tumeurs cérébrales, des corticosurrénalomes et des cancers du sein préménopausiques [25]. Le
risque de cancer du sein est estimé à environ 45 % [26]. La
maladie de Cowden, liée à une mutation germinale du gène
pTEN, se caractérise par de multiples lésions hyperplasiques,
hamartomateuses et tumorales impliquant de nombreux organes, avec fréquemment une atteinte cutanéomuqueuse,
digestive, thyroïdienne et mammaire. Le cancer du sein touche environ 30 % des femmes porteuses du gène pTEN muté
[27].
De façon plus controversée, il pourrait exister un risque
augmenté de cancer du sein chez les patientes atteintes d’un
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Lexique
• Clonage positionnel. Stratégie de recherche d’un nouveau
gène impliqué dans une maladie, en localisant d’abord une
région du génome susceptible de le contenir (par analyse de
liaison par exemple) puis en analysant la région sur le plan
moléculaire pour permettre l’isolement du gène.
• Fréquence allélique. Fréquence en population d’un allèle d’un
gène donné (un gène peut exister sous plusieurs formes : allèles
du gène ; par exemple gène bi-allélique : allèle muté et allèle
normal).
• Gène majeur. Contribution substantielle d’un gène au
développement d’une maladie donnée (exemple : cancer du
sein) parmi l’ensemble des facteurs impliqués dans le
déterminisme de cette maladie.
• Gènes modificateurs. Facteurs génétiques modulant
l’expression d’une maladie héréditaire (exemple : gènes
influençant le risque de cancer conféré par une mutation
germinale de BRCA1 ou BRCA2). Peuvent expliquer en partie
les variations phénotypiques observées chez les sujets atteints
d’une maladie héréditaire (variabilité phénotypique intra et
interfamiliale).
• Liaison (analyse de). uÉtude de la ségrégation conjointe d’un
marqueur génétique (séquence d’ADN de localisation connue
sur le génome) et d’une maladie afin de confirmer l’existence
d’un gène de susceptibilité et de le localiser sur le génome.
• Locus. Emplacement sur un chromosome d’un gène donné.
• Pénétrance. Probabilité d’être atteint de la maladie quand on
est porteur d’un génotype donné (exemple : probabilité de
développer un cancer du sein quand on est porteur d’une
mutation d’un gène de prédisposition).
• Phénocopie. Sujet atteint de la maladie (exemple : cancer du
sein) alors qu’il n’est pas porteur d’une mutation d’un gène de
prédisposition.
• Polymorphisme. Variant allélique d’un gène dont la fréquence
en population est supérieure ou égale à 1 %.
• Ségrégation (analyse de). Étude de la distribution des cas de
maladie dans les familles visant à déterminer la pertinence d’un
modèle génétique qui explique au mieux l’agrégation familiale.
• Transmission desequilibrium test (TDT). uÉtude de la
transmission des allèles d’un locus gène candidat entre un
parent hétérozygote pour ce locus et son enfant atteint de la
maladie étudiée. On compare pour chacun des allèles le
nombre de fois où ils ont été transmis et où ils n’ont pas été
transmis (test statistique du chi 2). Si les allèles sont transmis
avec la même fréquence, il n’existe pas d’association
préférentielle. Si un des allèles est plus souvent transmis, il
existe une association entre cet allèle et la maladie. Seuls les
parents hétérozygotes sont informatifs pour tester l’hypothèse de
transmission de chacun des allèles avec une même fréquence à
l’enfant atteint.
syndrome de Muir-Torre (forme clinique du syndrome de
prédisposition héréditaire au cancer du colon non polyposique), lié à une mutation des gènes hLMH1 ou hMSH2 et
associant des cancers colorectaux précoces et des tumeurs
cutanées (kératoacanthome, tumeur des glandes sébacées,
cancer spinocellulaire) [28], ainsi que chez les patients atteints d’un syndrome de Peutz-Jeghers, lié à une mutation
germinale du gène STK11 et associant principalement des
polypes gastro-intestinaux hamartomateux et une lentiginose
de la muqueuse buccale, de la sphère anale et des doigts [29].
Au-delà de ces syndromes autosomiques dominants, il faut
mentionner l’excès de risque de cancer du sein retrouvé chez
les femmes porteuses à l’état hétérozygote d’une mutation du
gène ATM dans les familles atteintes d’ataxie-télangiectasie,
syndrome autosomique récessif rare associant chez les sujets
homozygotes une ataxie cérébelleuse, des télangiectasies
occulo-cutanées, une immunodéficience, une instabilité
chromosomique, une hypersensibilité aux rayonnements io-
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Gènes de prédisposition au cancer du sein
nisants et une prédisposition aux cancers (lymphomes et
leucémies chez l’enfant). La fréquence des hétérozygotes
dans la population s’élève à environ 1 % et le risque relatif de
cancer du sein est estimé entre 3 et 4 [30].
Caractérisation de la composante familiale
non expliquée par les gènes connus BRCA1
et BRCA2
Données issues de familles sélectionnées
Dès la localisation du gène BRCA2, l’étude par analyse de
liaison de certaines familles a plaidé en faveur de l’existence
d’un troisième gène de susceptibilité. Ainsi, Sobol et al. [5]
ont rapporté l’observation de 5 familles françaises caractérisées par au moins 6 cas de cancers du sein, exclues pour une
liaison au gène BRCA1, et parmi lesquelles une seule famille
était compatible avec l’hypothèse d’une liaison au gène
BRCA2.
Par la suite, Serova et al. [6] ont identifié seulement 8 mutations germinales (34 %) au niveau des gènes BRCA1 et
BRCA2 dans une série de 23 familles présentant un contexte
familial de cancer du sein fortement évocateur d’une hérédité. Les auteurs ont suggéré l’existence d’un autre gène de
susceptibilité pouvant être impliqué dans au moins 8 à 10 de
ces familles, après avoir calculé la probabilité a posteriori
d’identifier une mutation sur les deux gènes connus. Les
auteurs ont pris en compte des valeurs de sensibilité des
techniques de détection de mutation situées entre 70 et 80 %.
Actuellement, la mise au point de techniques permettant la
recherche d’anomalies complexes (grands réarrangements
notamment) permet d’atteindre des sensibilités supérieures :
ainsi, Gad et al. [31] ont estimé à près de 10 % la fréquence
des grands réarrangements parmi le spectre des mutations du
gène BRCA1.
À plus large échelle, Ford et al. [9] ont étudié la contribution
des gènes BRCA1 et BRCA2 par analyses de liaison sur un
échantillon de 237 familles du Breast Cancer Linkage
Consortium (BCLC) comportant au moins 4 cas de cancers du
sein, avant 60 ans pour les femmes ou sans limite d’âge pour
les hommes.
Globalement, les auteurs ont estimé que, pour 16 % des
familles, le risque familial était dû à des gènes autres que
BRCA1 et BRCA2. Selon le nombre de femmes atteintes de
cancer du sein et selon la présence dans la famille de cas de
cancer de l’ovaire ou de cas de cancer du sein chez l’homme,
cette proportion varie :
– elle est faible pour les familles présentant un syndrome
sein-ovaire ou les familles comportant des cas de cancer du
sein chez l’homme (respectivement de 5 % et 8 %) ;
– elle augmente à 19 % pour les familles comprenant au
moins 6 femmes atteintes de cancer du sein mais sans cancer
de l’ovaire et sans cancer du sein chez l’homme associés ;
– elle est élevée, atteignant 67 %, quand seulement 4 ou
5 femmes sont atteintes dans la famille.
Données issues d’études de population
Récemment, Peto et al. [32] et l’Anglian Breast Cancer Study
Group [33] ont estimé la contribution des gènes BRCA1 et
BRCA2 à partir de séries rétrospectives de cas de cancer du
sein issus de registre de population et non sélectionnés sur
leur histoire familiale. Les auteurs ont notamment étudié,
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parmi les apparentées au premier degré des cas index, la
proportion de l’excès de risque familial de cancer du sein
attribuable aux deux gènes connus. Les estimations rapportées par les auteurs sont respectivement de 16 % et 17 %,
après ajustement prenant en compte une sensibilité de détection des mutations inférieure à 100 %. À partir des données
d’une étude française en population et prospective, nous
avons estimé cet excès de risque familial à 21 % [Bonadona
et al., article en préparation]. Ainsi, BRCA1 et BRCA2 ne
permettent d’expliquer qu’une partie modeste des concentrations familiales de cancer du sein observées en population
générale.
Recherche de gènes obéissant
à un modèle dominant
à l’instar de BRCA1 et BRCA2
Contribution des autres gènes de susceptibilité connus
Il convient néanmoins de s’interroger sur la contribution
potentielle des autres gènes de susceptibilité connus, comme
p53 et pTEN, à une composante familiale non liée à BRCA1 et
BRCA2, en dehors d’un tableau clinique évocateur d’un
syndrome de Li-Fraumeni ou de Cowden. Ainsi, Shugart et al.
[34] ont étudié la liaison de 56 familles du consortium international au gène pTEN et exclu ce gène comme pouvant
contribuer de façon majeure aux cancers du sein familiaux.
Easton a estimé que les mutations germinales des gènes pTEN
et p53 étaient responsables de moins de 1 % des cancers du
sein familiaux [10].
Easton a également estimé que le gène ATM pourrait expliquer environ 2 % du risque familial. Néanmoins, la contribution exacte du gène ATM aux prédispositions héréditaires au
cancer du sein reste encore à préciser, les résultats récents
d’une étude australienne pouvant suggérer une implication
plus importante [35] : ainsi, Chenevix-Trench et al. ont identifié, dans une série de 76 familles à haut risque avec recherches de mutations sur BRCA1 et BRCA2 négatives, 3 familles
(4 %) porteuses d’une mutation du gène ATM (à noter que
seulement 2 mutations précédemment rapportées dans la
littérature ont été recherchées dans cette étude).
Recherche d’autres gènes par analyses de liaison
En raison de la concordance de plusieurs études en faveur de
l’implication d’autre(s) gène(s) de susceptibilité au cancer du
sein [5-9], certaines équipes ont tenté d’identifier un locus
candidat pour BRCA3.
En 1995, une équipe française a rapporté, sur une série de
8 familles à haut risque (avec au moins 3 cas de cancers du
sein), sélectionnées sur leur absence de liaison à BRCA1 et 2,
une analyse de liaison positive (lod score multi-point de 2,5)
dans la région p12-p22 du chromosome 8, connue pour
présenter de fréquentes pertes d’allèle dans différents types de
tumeurs sporadiques et suggérant la présence d’un gène
suppresseur de tumeur [36]. Les auteurs ont suggéré alors que
cette région pourrait contenir un troisième gène de susceptibilité, BRCA3. Ces résultats ont été ensuite confirmés par une
équipe allemande [37, 38] qui a étudié 12 familles montrant
une absence de liaison à BRCA1 et BRCA2 et mis en évidence
4 familles présentant une liaison à ce locus (lod score multipoint de 2,97).
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V. Bonadona, C. Lasset
Cependant, Rahman et al. [39], dans une publication récente
regroupant les principaux contributeurs du BCLC, n’ont pas
retrouvé ces résultats dans une étude plus large de 31 familles
comportant au moins 3 cas de cancer du sein avant l’âge de
60 ans. Les auteurs rapportent une analyse de liaison négative
(lod score multi-point fortement négatif) et concluent que
leurs résultats sont clairement en défaveur d’un gène de
susceptibilité contribuant de manière substantielle aux prédispositions héréditaires au cancer du sein dans cette région
chromosomique.
Un autre locus potentiel a été identifié par Kainu et al. [40] au
niveau de la région q21 du chromosome 13 à partir de l’étude
par analyse de liaison de 77 familles du Nord (Finlande,
Suède, Islande). Les auteurs rapportent un lod score multipoint de 2,76 avec une proportion de 65 % de familles
présentant une liaison à ce locus.
Mais deux publications récentes n’ont pas permis de confirmer ces résultats, rendant peu probable une contribution
substantielle de ce nouveau locus à une prédisposition au
cancer du sein. Ainsi, Du et al. [41] ont évalué ce locus par
analyse de liaison sur 96 familles suédoises et rapportent un
lod score négatif égal à – 49,5. Thompson et al. [42] pour le
BCLC ont également évalué ce locus à partir d’un échantillon
de 128 familles BRCA1 et BRCA2 négatives et mis en évidence un lod score égal à – 38,0.
Nouvelles analyses de ségrégation :
à la recherche de modèles non mendéliens
Les recherches jusqu’à présent infructueuses pour identifier
un troisième gène de susceptibilité ont conduit certaines
équipes à modéliser le risque familial résiduel non expliqué
par les gènes BRCA1 ou BRCA2. Les analyses de ségrégation
initiales avaient permis de mettre en évidence un effet gène
majeur de fréquence allélique rare, hautement pénétrant, se
transmettant selon un modèle d’hérédité monogénique autosomique dominante [21, 22]. Il convenait d’intégrer dans la
recherche de modèles génétiques les connaissances sur les
deux gènes majeurs identifiés.
L’équipe de Easton [12] a étudié le modèle génétique qui
pouvait expliquer le mieux ce risque résiduel à partir des
familles de l’Anglian Breast Cancer Study Group [33], étude
en population ayant permis le recrutement de familles non
sélectionnées. Les auteurs ont testé deux hypothèses : celle
d’un troisième gène majeur BRCA3 et celle d’une composante polygénique, testant les effets combinés de multiples
gènes à faible pénétrance (ils ont utilisé un modèle adapté du
modèle polygénique hypergéométrique de Lange [43]). Les
auteurs concluent plutôt en faveur du modèle polygénique
sans toutefois pouvoir exclure l’hypothèse d’un troisième
gène majeur (BRCA3) mais qui se transmettrait sur un mode
autosomique récessif. Cette dernière hypothèse a été également suggérée par une équipe australienne [44], travaillant
en collaboration avec l’équipe anglaise. Cui et al. [44] ont
modélisé le risque familial résiduel non lié à BRCA1 et
BRCA2, à partir de familles comportant trois générations
recensées par l’intermédiaire d’une série en population de
cas index atteints d’un cancer du sein avant 40 ans. Ils ont
ainsi mis en évidence un risque résiduel de type dominant,
mais qui pourrait correspondre selon eux à des mutations de
BRCA1 ou BRCA2 encore non identifiées (car la sensibilité
des techniques de détection est estimée à environ 70 %), et
une composante récessive hautement pénétrante.
590
L’équipe anglaise a par la suite intégré aux données de
population des familles dites à haut risque, recrutées par
l’intermédiaire des consultations d’oncogénétique [13]. Les
auteurs ont confirmé que le meilleur modèle expliquant leurs
observations était un modèle polygénique, traduisant l’effet
multiplicatif de plusieurs gènes à faible pénétrance et fréquents dans la population. Une des limites du modèle proposé par Antoniou et al. [13] est l’absence de prise en compte
de l’effet de covariables environnementales (facteurs de risque connus du cancer du sein notamment), rendue impossible du fait des données manquantes au niveau des familles.
Néanmoins, certaines simulations faites pour étudier la part
de facteurs environnementaux communs dans le risque familial de cancer du sein ont conclu qu’il était probablement
faible : Hopper et al. [45] ont rapporté une estimation inférieure à 10 %. Par ailleurs, des études ont montré que les
jumeaux monozygotes de cas avaient un risque 2 à 4 fois
supérieur au risque des apparentés de premier degré [46, 47],
ce qui suggère que des facteurs génétiques sont principalement impliqués.
Récemment, une étude a suggéré le rôle du gène CHEK2,
impliqué dans les processus de réparation de l’ADN et initialement décrit dans le syndrome de Li-Fraumeni, comme un
gène de faible pénétrance [14]. Un variant particulier de ce
gène (1100delC), entraînant la synthèse d’une protéine tronquée, est associé à un risque modéré de cancer du sein chez
la femme (risque relatif de 2). Les auteurs rapportent une
prévalence de cette mutation égale à 1,1 % dans la population générale et à 5,1 % dans les familles à haut risque non
liées à BRCA1 et BRCA2 (p < 0,0001), dont 13,5 % dans les
familles présentant un cancer du sein chez un homme. La
publication quasi simultanée de résultats similaires par une
autre équipe est venue confirmer l’hypothèse que le variant
1100delC est un allèle de susceptibilité de faible pénétrance,
qui pourrait expliquer une partie des concentrations familiales de cancer du sein non liées à BRCA1 ou à BRCA2 [15].
Perspectives de recherche
L’identification des gènes dont certains variants alléliques ou
polymorphismes confèrent des risques de cancer du sein
modestes (gènes de faible pénétrance) mais ayant une plus
grande prévalence dans la population constitue le défi de ces
prochaines années [11, 48].
Méthodologie
Contrairement aux avancées rapides constituées par le clonage de BRCA1 puis de BRCA2, l’identification d’autres
gènes de susceptibilité apparaît beaucoup plus laborieuse, du
fait [48] :
– d’une grande hétérogénéité génétique ;
– d’une pénétrance faible, responsable d’une expression réduite de la maladie au sein des familles ;
– d’une fréquence de formes familiales relativement peu élevée [18] ;
– de la présence de phénocopies, constituant des cas non
informatifs, inévitables du fait de la grande fréquence des cas
sporadiques ;
– de l’absence d’associations particulières, comme le cancer
de l’ovaire et le cancer du sein chez l’homme observés pour
les gènes BRCA1 et BRCA2 et qui permettent d’augmenter les
probabilités de liaison.
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Gènes de prédisposition au cancer du sein
Tous ces éléments représentent une contrainte méthodologique majeure : le nombre de familles informatives requis doit
être nécessairement important pour disposer d’une puissance
suffisante pour identifier de façon suffisamment fiable de
nouveaux facteurs de risque génétique.
L’approche classique combinant l’analyse de liaison pour
identifier un locus candidat et la méthode de clonage positionnel pour identifier ensuite le gène, employée pour la
découverte des deux gènes BRCA1 et BRCA2, ne semble pas
constituer une stratégie adaptée aux enjeux actuels de la
recherche.
D’autres approches plus performantes doivent être privilégiées :
– les études d’association [49] recherchant une association
préférentielle non due au hasard entre certains allèles du gène
candidat et la maladie : soit en population, ce sont les études
cas-témoins classiques comparant la distribution des allèles
de gènes candidats connus entre des sujets atteints de cancer
du sein et des sujets témoins indépendants ; soit familiales :
test de déséquilibre de transmission ou TDT (Transmission
Desequilibrium Test) qui teste l’indépendance de transmission des allèles du locus candidat des parents à un enfant
atteint mais qui a quelques contraintes : la nécessité de typer
les parents du cas index atteint et l’informativité des seuls
parents hétérozygotes ;
– l’étude de gènes modificateurs du risque de cancer dans les
familles porteuses d’une mutation de BRCA1 ou BRCA2 [48] :
les variations observées de pénétrance intra et inter-familiales
plaident en faveur de l’existence de gènes modificateurs du
risque qui pourraient être également associés à des risques
modérés de cancer du sein dans la population générale.
L’intérêt de telles études en population est le nombre important d’événements attendus (cancer du sein) qui peut permettre de réduire les tailles d’échantillons nécessaires.
Cependant ces deux approches ne peuvent être entreprises
qu’à partir du génotypage de gènes connus, appelés gènes
candidats.
Gènes candidats
Certains gènes peuvent être potentiellement impliqués dans
les cancers du sein familiaux en raison d’une fonction particulière de leur protéine, comme son implication dans les
mécanismes de détoxication des carcinogènes environnementaux, dans les mécanismes de réparation des altérations
de l’ADN, dans la régulation de la prolifération et de la
différenciation cellulaires (les proto-oncogènes par exemple),
dans le métabolisme des hormones stéroïdiennes et leur
transport [11, 48].
De nombreuses études d’association ont déjà été conduites,
rapportant parfois des associations positives, mais rarement
confirmées par d’autres auteurs [11]. Dunning et al. [50] ont
réalisé une méta-analyse sur ces études (46 études castémoins) et analysé 18 gènes différents. Ils rapportent des
associations significatives mais avec un risque relatif augmenté de cancer du sein ne dépassant pas 2,5 pour des
polymorphismes des gènes CYP19 et GSTM1 (gènes impliqués dans le métabolisme des hormones stéroïdiennes), du
gène GSTP1 (gène codant pour une enzyme impliquée dans
le métabolisme des carcinogènes), du gène TP53 (gène impliqué dans le maintien de l’intégrité du génome) (tableau 1). La
même équipe a plus récemment analysé le rôle de polymorphismes de gènes impliqués dans la réparation des cassures
d’ADN double brin – dont certains interagissent directement
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avec BRCA1 et 2 – à partir d’une étude cas-témoins dont les
cas provenaient de l’étude de l’Anglian Breast Cancer Study
Group [51]. Les auteurs ont ainsi étudié 15 polymorphismes
de 7 gènes différents et mis en évidence une association
significative pour deux polymorphismes du gène XRCC3.
Une équipe hollandaise [52] a récemment publié une revue
de la littérature sur le sujet (un total de 34 polymorphismes
sur 18 gènes différents a été analysé). Les auteurs ont recherché des polymorphismes candidats en combinant les résultats
de chacune des études ayant analysé les mêmes polymorphismes et retrouvé une association avec le cancer du sein
pour 13 polymorphismes sur 10 gènes : risque augmenté de
cancer du sein pour le gène HRAS1 (un proto-oncogène), les
gènes GSTM1 et GSTP1 (gènes codant pour des enzymes
intervenant dans le métabolisme des carcinogènes environnementaux), les gènes CYP2D6 et CYP19 (gènes de la famille
du cytochrome p450), le gène VDR (gène du récepteur de la
vitamine D). En revanche, le risque de cancer du sein diminue avec certains polymorphismes des gènes HPR (gène du
récepteur de la progestérone) et ER (gène du récepteur des
œstrogènes).
Si ces résultats nécessitent d’être confirmés dans de plus
larges études pour conclure au rôle de ces gènes dans le
cancer du sein comme gène de susceptibilité de faible pénétrance, ils constituent des pistes intéressantes pour la
conduite d’études ultérieures de plus grande envergure.
L’étude de gènes modificateurs chez les sujets porteurs d’une
mutation des gènes majeurs de susceptibilité BRCA1 et
BRCA2 peut représenter une approche intéressante pour
identifier des gènes pouvant être responsables d’un excès de
risque familial. Ainsi, Rebbeck et al. [53] ont étudié l’effet,
chez les sujets porteurs d’une mutation constitutionnelle de
BRCA, d’un polymorphisme constitué par un nombre variable de répétitions du triplet CAG situé dans l’exon 1 du
récepteur aux androgènes (AR). Les auteurs ont mis en évidence une augmentation significative du risque de cancer du
sein chez les porteurs d’un allèle AR comportant au moins
28 répétitions CAG. Ces résultats n’ont pas été confirmés par
une autre équipe [54], néanmoins Haiman et al. [55] ont
rapporté récemment les résultats d’une étude cas-témoins
réalisée au sein de la cohorte américaine Nurses’ Health
Study qui sont en faveur d’une augmentation du risque de
cancer du sein chez les femmes porteuses d’un allèle comprenant plus de 22 répétitions CAG et présentant une histoire
familiale positive au premier degré (OR = 1,70). Les auteurs
rapportent une absence d’association positive chez les femmes n’ayant pas d’histoire familiale et une interaction significative entre l’histoire familiale et ce génotype (p = 0,04) et
suggèrent donc l’implication d’autres gènes pour observer un
effet dû au polymorphisme « plus de 22 répétitions CAG ».
Synthèse et implications
Au total, les deux gènes majeurs connus de prédisposition
héréditaire autosomique dominante au cancer du sein,
BRCA1 et BRCA2, ne permettent d’expliquer qu’une faible
partie des concentrations familiales de cancers du sein. Ils
semblent être majoritairement impliqués dans les syndromes
familiaux de type sein-ovaire ou associant des cas de cancer
du sein chez l’homme. En revanche, une large proportion de
familles avec un nombre restreint de cas de cancer du sein ne
sont pas liées à BRCA1 ou à BRCA2.
Actuellement, on tend vers un consensus en faveur de l’action
combinée de plusieurs gènes plutôt que celle d’un gène
591
V. Bonadona, C. Lasset
Tableau 1. Polymorphismes et allèles à risque significativement associés à un risque de cancer du sein : odds ratio (OR) et intervalle de
confiance à 95 % (IC95 %)
Gène
Polymorphisme
Allèle à risque
OR
IC95 %
Études
CYP19
(TTTA)n
(TTTA)10
2,33
1,36-4,17
Dunning et al. [50]
1,59
1,01-2,48
de Jong et al. [52]
1,60
1,06-2,39
Dunning et al. [50]
1,86
1,03-3,3
de Jong et al. [52]
GSTP1
Ile105Val
Val
GSTM1
Délétion
GSTM1 – 0 (absence
allèle à état
homozygote)
1,33
(cancer sein
ménopausique)
1,01-1,76
Dunning et al. [50]
TP53
Arg72Pro
Pro
1,27
1,02-1,59
Dunning et al. [50]
XRCC3
IVS5 17893 A > G
Allèle G
0,8
0,7-0,9
Kuschel et al. [51]
T241M C > T
Allèle T
1,3
1,1-1,6
Kuschel et al. [51]
HRAS1
Minisatellite (répétition
variable d’une séquence de
28 pb en aval du protooncogène RAS)
Allèles rares
2,03
1,72-2,40
de Jong et al. [52]
CYP2D6
G1934 > A
Allèle CYP2D6*4
1,49
1,26-1,77
de Jong et al. [52]
VDR
Site de restriction Apa I
Allèle Apa I
1,56
1,09-2,24
de Jong et al. [52]
Site de restriction Poly-A
Allèle Poly-A
1,73
1,16-2,59
de Jong et al. [52]
HPR
Insertion d’une séquence Alu
de 306 pb dans intron 7
Allèle Progins
(homozygote)
0,32
0,16-0,65
de Jong et al. [52]
ER
Site de restriction XbaI dans
intron 1
Allèle XbaI
0,50
0,25-0,99
de Jong et al. [52]
unique BRCA3 pour expliquer le risque familial résiduel,
justifié par l’absence de résultats probants des analyses de
liaison visant à identifier un troisième locus et les conclusions
récentes des analyses de ségrégation.
Ces études de ségrégation modélisant le risque familial de
cancer du sein sont en faveur d’un modèle polygénique,
combinant les effets de plusieurs gènes de faible pénétrance,
et dont certains variants allèliques fréquents en population
confèrent des risques modérés de cancer du sein (pour ces
gènes, on parlerait plutôt de polymorphismes rares que de
mutations).
Il n’est toutefois pas exclu qu’un ou plusieurs gènes de
pénétrance forte ou modérée puissent être impliqués. Leur
identification peut sembler en théorie plus simple et envisageable par les techniques habituelles de liaison génétique, si
l’on dispose d’un nombre suffisant de familles (le nombre de
familles du BCLC augmente régulièrement) et d’une densité
de marqueurs sur l’ensemble du génome relativement importante.
En revanche, la recherche et l’identification des gènes de
faible pénétrance, dont il conviendra d’estimer précisément
les risques respectifs mais aussi d’étudier les interactions
entre eux (interactions gène-gène) et avec les facteurs d’environnement (interaction gène-environnement), représentent
un travail considérable qui débute à peine et qui constitue le
défi de ces prochaines années.
Une des implications majeures de la recherche en oncogénétique concerne la médecine prédictive. Actuellement, dans
une famille où une prédisposition héréditaire est suspectée,
592
l’identification d’une mutation de BRCA1 ou BRCA2 à partir
du prélèvement d’un sujet atteint de cancer (le cas index)
permet la réalisation de tests génétiques prédictifs chez les
apparentés. La connaissance du statut génétique de chacun,
porteur ou non porteur de la mutation familiale, permet de
recommander une prise en charge adaptée à leur risque de
cancer et de guider leur choix sur les stratégies possibles de
prévention [24]. Cependant, une mutation de BRCA1 ou
BRCA2 n’est identifiée que dans environ une famille à risque
sur deux [9]. Dans les familles où la recherche de mutation est
négative, une prédisposition héréditaire au cancer du sein ne
peut être écartée et les recommandations de prise en charge
s’appuient sur des estimations purement probabilistes [24].
L’identification de l’ensemble des gènes de prédisposition et
de leurs risques de cancer associés pourrait permettre de
mieux prendre en charge l’ensemble des familles reconnues à
risque et de développer également des programmes de prévention au sein de la population selon certains profils génétiques de risque [56]. Néanmoins, les avis restent partagés sur
ce dernier point [57-59]. Compte tenu des risques peu élevés
conférés par les différents polymorphismes identifiés, du rôle
des facteurs environnementaux, de la complexité des mécanismes d’interaction gène-gène et gène-environnement, l’intérêt de tests génétiques en termes de coût/bénéfice pourrait
s’avérer limité [58, 59]. Les auteurs émettent des doutes sur la
possibilité de pouvoir prédire avec exactitude son risque de
cancer à un sujet en population [58, 59]. Il convient donc de
rester prudent malgré l’engouement récent suscité notamment par le séquençage du génome humain. ▼
Bull Cancer 2003 ; 90 (7) : 587-94
Gènes de prédisposition au cancer du sein
Annexe
Études d’épidémiologie génétique [46]
Analyses de ségrégation
Étude de la distribution des cas de maladie dans les familles visant
à déterminer la pertinence d’un modèle génétique qui explique
au mieux l’agrégation familiale.
On calcule la vraisemblance des observations sous différents
modèles, par exemple un modèle monogénique obéissant aux
lois de l’hérédité mendélienne, étudiant un effet gène majeur
dominant ou récessif, ou un modèle polygénique sous la dépendance de plusieurs gènes et de facteurs environnementaux ou,
encore, un modèle mixte combinant les deux modèles précédents
(effet gène majeur, composante polygénique). Les paramètres du
modèle à estimer sont la fréquence des génotypes dans la population, la distribution des génotypes des enfants conditionnellement aux génotypes des parents et les pénétrances (probabilité du
phénotype conditionnellement au génotype).
On estime la valeur des paramètres qui rend maximale la vraisemblance du modèle et on retient le modèle génétique le plus
parcimonieux.
Analyses de liaison (linkage)
Étude de la ségrégation conjointe d’un marqueur génétique (séquence d’ADN de localisation connue sur le génome) et d’une
maladie afin de confirmer l’existence d’un gène de susceptibilité
et de le localiser sur le génome.
Si le marqueur se transmet de façon non indépendante avec la
maladie, il existe une liaison génétique entre le marqueur et le
gène de susceptibilité recherché : le locus de ce gène est situé à
proximité de ce marqueur. On mesure cette proximité par le taux
de recombinaison (proportion de gamètes recombinées sur l’ensemble des gamètes transmis par le parent) :
– un taux de recombinaison égal à 1/2 signifie une ségrégation
indépendante entre les allèles du locus du marqueur et du locus
du gène de susceptibilité (les deux locus sont éloignés ou situés
sur des chromosomes différents) ;
– un taux de recombinaison inférieur à 1/2 signifie une liaison
génétique entre les deux locus.
On teste la liaison génétique par la méthode des lod scores
(logarithme à base 10 du rapport de la vraisemblance sous l’hypothèse H1 de liaison et de la vraisemblance sous l’hypothèse H0
d’indépendance) :
– un lod score supérieur ou égal à 3 indique qu’il est 1 000 fois
plus probable qu’il y ait une liaison (H1 vraie) plutôt qu’une
absence de liaison (H0 vraie). Cela entraîne un rejet de l’hypothèse nulle d’indépendance (taux de recombinaison égal à 1/2) et
permet de conclure au linkage ;
– un lod score inférieur à – 2 permet d’exclure une liaison : il est
100 fois plus probable qu’il n’y ait pas de liaison plutôt qu’une
liaison ;
– un lod score compris entre les deux seuils ne permet pas de
trancher.
Une analyse de liaison entre un locus marqueur et un locus
maladie est appelée analyse de liaison deux points ; l’étude de la
ségrégation conjointe de plusieurs marqueurs génétiques est une
analyse de liaison multi-point.
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