Émilie Simon : Paris réenchantée

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Émilie Simon : Paris réenchantée
Émilie Simon : Paris réenchantée
Mercredi, 19 Novembre 2014 06:00
J-8 avant la venue, mercredi prochain, d’Émilie Simon au Rocher de Palmer. Cette artiste
parmi les plus singulières de la scène française nous revient avec en mains « Mue »
(Barclay), un 6e album studio tout en subtilité et en élégance aux chansons entêtantes –
et en français, s’il vous plaît ! Entretien.
Vous semblez changer à chaque sortie, si bien que « Mue », ça aurait pu être le titre de
n’importe lequel de vos albums, non ?
(Rires) Exactement ! C’est comme ça pour chaque titre, en fait. On part vraiment d’une page
blanche, un peu comme pour un film. Avec l’envie de raconter une nouvelle histoire, découvrir
de nouveaux territoires. Ça reste toujours mon travail, ma sensibilité, mais chaque fois je
m’adapte en fonction du sujet. Je choisis un décor, un contexte, des personnages principaux,
puis le texte, la poésie, les arrangements en découlent naturellement – comme le choix de
mettre en avant les cordes de manière très épique, dans cet album, ou de donner un traitement
électronique tout en finesse, qui ne le mettrait pas au premier plan…
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Mercredi, 19 Novembre 2014 06:00
Ici, le personnage principal et le décor, c’est Paris. Un Paris un peu irréel, de carte
postale, à la « Amélie Poulain »…
Je dirais – même si j’aime beaucoup « Amélie Poulain » – qu’il s’agit plus d’une esthétique qui
remonte à la fin XIXe-début XXe, le côté Art nouveau, où on construisait la Tour Eiffel, où les
inspirations venues de l’Orient, l’Asie, l’Inde, venait influer sur l’art parisien. Je me suis
beaucoup documentée sur cette période-là, sur la poésie de l’époque. Je trouvais que ce Paris,
un peu irréel pour nous, oui, laissait beaucoup de place à l’imaginaire.
C’est dû à votre retour à Paris après vos années newyorkaises qui avaient abouti à «
The Big Machine » ?
Oui, ça fait partie de ma vie. Je voyage beaucoup, je me laisse embarquer dans de nouvelles
histoires, dans d’autres villes et chacune d’elles, leur couleur, leur énergie, nourrit une forme
d’inspiration. Pour Paris, le fait d’avoir pris cette distance, d’avoir vécu autre chose, m’a fait la
retrouver avec une autre sensibilité. J’ai changé, la ville a changé. Mais j’y ai redécouvert des
images, des parfums, qui ne s’attachent pas à une époque précise. C’est ce Paris-là, sa moelle
épinière, son essence-même, que j’ai cherché à retrouver. Un Paris qui appartient à tout le
monde, pas simplement aux Parisiens, un Paris qui s’adresse à l’inconscient collectif de tout le
monde, et qui a inspiré des générations de poètes, de peintres ou de musiciens du monde
entier.
Qui arrive en premier, la musique ou le texte ?
Souvent la musique, mais il n’y a pas de règle en la matière. Ça se révèle par bribes, à partir
d’une rythmique, d’une phrase ou d’une mélodie. Je ne contrôle pas, ça vient quand ça veut !
(rire) Parfois un morceau est bouclé en une heure, pour d’autres il me faut des semaines... ou
des années. C’est aléatoire mais c’est ça qui est passionnant. Souvent, j’ai en tête un axe
central, un pilier solide comme Paris ici : les indices, les idées, les inspirations viennent se
frotter à ce pilier unifiant le tout, à cette conviction inébranlable qui me vient me dire “c’est ça”.
Sur cet album, des collaborations avec d’autres producteurs sont mises en avant – Ian
Caple, Tahiti Boy… C’est la première fois, non ?
En effet, j’ai eu envie d’essayer autre chose. Je réalise entièrement mes albums depuis 2003,
je sais travailler seule et c’est ce que j’aime faire. Mais c’était intéressant d’ouvrir pour la
première fois la porte de mon studio, pouvoir parler musique avec quelqu’un d’autre, se laisser
surprendre par d’autres points de vue. Mais je ne leur ai pas pour autant “laissé les clés”. C’est
comme un peintre, qui ne va pas demander à un autre de peindre pour lui. Pour chaque
co-réalisateur, j’avais un morceau précis, une idée précise en tête, et c’était quand même moi
qui assurait le “suivi du produit” (rires). 2/3
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Mais chacun arrivait avec sa sensibilité, son regard, complémentaires aux miens, et l’idée était
de voir ce qui allait se passer. Par exemple, avec Ian Capel, j’avais la chance de travailler avec
un grand monsieur qui fait partie de mon histoire, de notre inconscient collectif pour avoir donné
ce son si particulier, si anglais, des années 1990-2000, aussi bien aux Tindersticks qu’aux
premiers Tricky ou aux « Fantaisies militaires » de Bashung. « Quand vient le jour » est
vraiment fait avec lui, avec sa culture de la guitare, ses codes et son héritage si important pour
moi.
Des études de musicologie à la Sorbonne, des créations et collaborations avec l’Ircam…
Vous n’avez jamais été tentée par des chemins plus expérimentaux ?
Disons que j’ai toujours été à la croisée des chemins, j’ai besoin des deux. J’expérimente sans
cesse, j’adore ça, dans le travail du son, notamment. Mais je ne me suis jamais imaginée dans
la pure abstraction. Mon mode d’expression, ça reste la chanson, la mélodie, le travail d’un
univers sonore et visuel complet. Après, l’expérimental pur reste l’un des possibles. On ne sait
jamais de quoi demain sera fait… • Recueilli par Sébastien Le Jeune
Mercredi 26 novembre au Rocher de Palmer (Cenon), 20h30, 25-29€. www.lerocherdepalmer.f
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Photo : « J’ai cherché à retrouver un Paris qui appartient à tout le monde, pas simplement aux
Parisiens. » © Lisa Carletta
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