LES SENIORS : UN MARCHE DE CROISSANCE POUR - Scribe-net

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LES SENIORS : UN MARCHE DE CROISSANCE POUR - Scribe-net
LES SENIORS : UN MARCHE DE CROISSANCE
POUR L’ENTREPRISE
Synthèse des débats
Colloque DGCIS - Paris, le 18 mai 2010
Sommaire
Ouverture ............................................................................................................................. 3
• Yves ROBIN, Chef du service de l’Industrie
• Norra BERRA, Secrétaire d'Etat chargée des Aînés
Présentation des résultats de l’étude par le CREDOC ..................................................... 5
• Pascale HEBEL, Directrice Département Consommation au CREDOC
• Franck LEHUEDE, chef de projet Seniors Département Consommation au CREDOC
Table ronde : Les clés du succès pour séduire les seniors .......................................... 11
• Benoît GOBLOT, Directeur général SENIORAGENCY
• Yves MOREL, Président du directoire de BAZILE TELECOM
• Virginie PARISOT, Directrice de la stratégie de SAGUEZ & PARTNERS
Conclusion ......................................................................................................................... 21
• Pierre-André DURAND, Chef de Cabinet du Ministre chargé de l’Industrie
Ouverture
Yves ROBIN, Chef du service de l’Industrie
Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs, bonjour et merci de nous avoir rejoints autour
du thème : Les seniors : un marché de croissance pour l’entreprise. Les seniors, c’est à la
fois un certain nombre de besoins, des attentes et aussi une offre à adapter et des besoins à
satisfaire. La Direction Générale de la Compétitivité de l’Industrie et des Services est
appelée à travailler sur un vaste ensemble de produits et de prestations qui peuvent être
imaginés, modifiés et adaptés pour mieux satisfaire aux besoins des aînés.
Je souhaite que ce colloque permette de contribuer à satisfaire ces attentes, ces besoins et
de faire en sorte que les entreprises françaises sachent adapter leur positionnement sur ce
marché. Je cède le pupitre à Madame la Ministre qui va introduire ces travaux.
Norra BERRA, Secrétaire d'Etat chargée des Aînés
Mesdames et Messieurs bonjour. Je suis particulièrement heureuse d’être parmi vous
aujourd’hui, à l’occasion de l’ouverture de ce colloque intitulé Les seniors : un marché de
croissance pour les entreprises, et surtout je remercie le Ministère de l’Industrie d’avoir pris
l’initiative de l’organiser.
En effet, il est rare que soit abordé le rôle des seniors en tant que moteur du développement
industriel et des services. Pourtant, la croissance de notre pays repose depuis longtemps sur
la performance de ses industries. Sans elle, sans les bénéfices qu’elle a dégagés, notre
système de protection sociale n’existerait pas. Aucune des avancées sociales qui constituent
aujourd’hui autant d’évidences n’aurait été rendue possible sans une industrie forte. C’est
pourquoi, alors que nous traversons une crise économique, nous devons tout faire pour
l’encourager à se maintenir, à se développer, à conquérir de nouveaux marchés.
L’allongement continu de l’espérance de vie offre une double opportunité, d’une part en
termes de capacité de travail et d’autre part en termes de consommation.
Trop souvent, dans les discours, le vieillissement est chargé de valeurs négatives, nous
parlons de solitude, de faiblesse, de dépendance. Je considère bien au contraire qu’avancer
en âge est un formidable progrès. Aujourd’hui plus d’un Français sur trois a plus de 50 ans.
Or, la première conséquence de l’augmentation de l’espérance de vie est un rajeunissement
des personnes et je vais m’expliquer. Depuis un demi-siècle, nous avons gagné de dix à
quinze ans de capacité de travail. Avoir 50 ans et plus aujourd’hui, c’est vivre de manière
pleinement intégrée à notre société, c’est être actif, disposer d’un réseau relationnel
important, d’une expérience professionnelle et de savoir-faire. D’un point de vue
économique, il s’agit bien là d’une marge très importante pour le marché de l’emploi.
Pourtant, nous sommes face à un paradoxe. Ces dernières décennies, la gestion des
ressources humaines s’est faite à l’opposé de cette réalité, avec les retraites anticipées,
avec un taux d’emploi trop faible des seniors. Alors je considère qu’il faut absolument
renforcer tous les leviers qui sont à notre disposition, renforcer la formation tout au long de la
vie, favoriser l’activité, encourager les seniors à créer leur entreprise, s’ils le souhaitent et
c’est une belle occasion pour eux de le faire, bref sécuriser les parcours professionnels.
C’est pourquoi le gouvernement, dans son dernier document d’orientation sur la réforme des
retraites, évoque l’emploi des seniors comme l’une des priorités de notre pacte social et
économique.
La seconde conséquence de l’augmentation de l’espérance de vie, c’est que les aînés, tous
âges confondus, jouent un rôle de plus en plus important en tant que consommateurs. Nos
aînés aujourd’hui ont un niveau de vie globalement supérieur au passé, la plupart sont en
bonne forme, socialement actifs, autonomes, aident leurs enfants, contribuent de façon
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significative à notre société. Par ailleurs, même si des inégalités sont constatées selon les
catégories socioprofessionnelles, ils ont un revenu assuré, lequel revenu a bien joué son rôle
de filet de sécurité pendant la crise. En outre, leur pouvoir d’achat, leur appétence pour la
consommation sont sans commune mesure avec ceux des générations qui les ont précédés,
ils sont ainsi les plus grands consommateurs de tourisme, de voyages, ils sont les premiers
clients pour les achats de voitures neuves et constituent une part essentielle du marché des
produits du bien-être. Les aînés disposent souvent d’un patrimoine, d’un taux d’épargne plus
important que les actifs, ils peuvent donc consommer sans prendre de risques. Plus de trois
aînés sur quatre sont propriétaires de leur logement. Ils souhaitent souvent l’aménager, le
décorer, l’adapter à leur situation pour continuer à vivre le plus longtemps possible chez eux
de manière confortable et en toute sécurité. Ils représentent une opportunité de marchés de
croissance pour les entreprises. Mais dire cela, n’est pas suffisant. Encore faut-il que leur
soient proposées des offres adaptées, c’est-à-dire des produits et services qui
correspondent à leurs attentes.
Il est donc de notre devoir en tant que responsables politiques de tout faire pour encourager
l’émergence d’une nouvelle économie de la longévité et d’intensifier les logiques
d’innovations. Aujourd’hui, la grande majorité des aînés souhaitent vivre chez eux le plus
longtemps possible, et cette aspiration est parfaitement légitime. Partant de ce constat, j’ai
décidé de lancer en février dernier une mission nationale intitulée Vivre chez soi pour
répondre avant tout aux besoins des aînés de vivre le plus longtemps chez eux mais aussi
pour contribuer concrètement à l’organisation de cette économie de la longévité. Cette
mission Vivre chez soi s’articule autour de six volets.
Premier volet, le diagnostic autonomie habitat. L’enjeu est d’adapter l’habitat des aînés,
garantir leur autonomie, les chantiers sont nombreux, la sécurité, l’accessibilité, l’ergonomie,
le développement du numérique.
Deuxième volet, la technologie et les services pour l’autonomie. Il s’agit de développer des
offres globales de produits et de services correspondant aux besoins des aînés, qu’il
s’agisse de mobilité, d’accès à l’information, de prévention santé ou de lien social.
Troisième volet, la mobilité et l’urbanisme qui est un enjeu majeur. Il s’agit de définir une
nouvelle politique de la ville qui ne se limite pas à l’habitat mais qui comprend aussi la
mobilité et l’urbanisme. Nous avons besoin de nouveaux modes de transport, individuels et
collectifs pour que nos villes soient encore plus accueillantes pour nos aînés.
Le quatrième volet concerne les métiers, les compétences et les formations professionnelles.
Nous savons tous que les métiers du domicile souffrent d’une faible attractivité, or demain
les besoins de professionnels compétents seront immenses. C’est pourquoi nous devons
dès à présent tout faire pour offrir aux professionnels des perspectives de carrières plus
intéressantes et mieux valorisées.
Le cinquième volet est l’inclusion et la prévention des discriminations. En effet, il est
inacceptable que les aînés soient discriminés dans l’accès aux services, bancaires, aux
produits assurantiels, pourquoi les aînés seraient-ils exclus de la société de consommation ?
Il s’agit donc de faire preuve d’un bon sens économique.
Enfin le dernier volet concerne l’optimisation de la gestion des services. Pour réussir le vivre
chez soi, une vision économique globale est indispensable. Celle-ci exige un changement
significatif dans l’organisation, la mise en œuvre et le coût de production de ces services.
Nous avons vu bon nombre d’associations proposant des interventions à domicile qui ont dû
fermer, faute justement de solvabilité des personnes qu’elles faisaient intervenir. Ces six
volets de la mission Vivre chez soi impliquent une vaste consultation des différents acteurs
concernés par ces axes de travail. Il s’agit de créer une stratégie économique cohérente,
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facteur de croissance et d’innovation en matière de technologies, d’offres de services et de
développement de nos territoires. Je vous donne rendez-vous le 17 juin pour en partager les
résultats et vous annoncer les mesures prioritaires que je lancerai dès cet été. Je tiens
d’ailleurs à signaler que le partenariat entre mon Secrétariat d’Etat et le Ministère chargé de
l’Industrie est déjà une réalité. En effet, j’ai chargé le Centre National de Référence Santé à
domicile et Autonomie de coordonner les travaux de la mission Vivre chez soi. En valorisant
les technologies, les compétences, les savoir-faire, les activités existantes, ce centre permet
de répondre aux enjeux humains, sociétaux et économiques du vivre chez soi et du maintien
de l’autonomie. Je sais que son action sera déterminante pour l’avenir de ces secteurs. Vous
qui représentez le monde de l’entreprise, des services et de l’industrie, vous devez donc
intégrer la longévité comme un nouveau modèle de croissance au même titre que le
développement durable.
Mesdames et Messieurs je souhaite, pour conclure, évoquer le cœur de ma responsabilité
ministérielle qui est la prise en charge des personnes lourdement dépendantes qui est un
impératif de solidarité. La recherche scientifique dans le domaine de la santé, l’industrie des
médicaments, de la gérontechnologie, constitue un véritable enjeu de croissance de notre
économie par l’exportation. La diffusion de ces savoir-faire à l’échelle mondiale sera donc un
élément clé de notre croissance dans les prochaines années. Je voudrais particulièrement
remercier Christian Estrosi d’avoir pris l’initiative d’organiser ce colloque qui place les seniors
au cœur des enjeux de notre société et de notre économie. Je suis persuadée que toutes les
pistes que j’ai évoquées seront autant d’opportunités pour notre économie. La longévité
constitue un nouveau paradigme de développement. L’économie du vingt-et-unième siècle
sera celle de la longévité et du bien-être.
Présentation des résultats de l’étude par le CREDOC
Pascale HEBEL, Directrice Département Consommation au CREDOC
Cette étude réalisée en 2009 a porté sur deux aspects, le potentiel de croissance lié à la
cible des seniors et l’offre, notamment en faisant des comparaisons internationales, le Japon
et l’Allemagne qui sont plus vieillissants et très en avance, mais aussi l’Angleterre, la Corée,
les Etats-Unis et l’Espagne. Il en ressort que la France et les cultures latines en général
s’intéressent moins à la cible des seniors, elles refusent le vieillissement de la population et
la mort. Après un panorama sur le poids important de cette cible, nous avons fait une
projection à 2015. Ma présentation portera sur un panorama du poids important de cette
cible puis une projection du poids des seniors dans la consommation à 2015 avec les
secteurs pouvant avoir une forte croissance.
Un fort effet démographique. Avec le baby-boom en France en 1946, la croissance des 5054 ans est importante entre 1999 et 2005, les plus de 60 ans augmentent à l’horizon 2015,
soit un poids de 41 % d’ici 2020. Avec une croissance de 1,8 % de cette cible depuis 2005
contre 0,7 % dans les années passées, mécaniquement ce marché ne peut que croître. Le
taux d’épargne est très important, 17 % chez les plus de 50 ans contre 1 % chez les plus
jeunes en 2005, et nous voyons une baisse de la consommation à partir de 50 ans sans
forcément une baisse de revenus donc un potentiel de consommation plus important. Un
niveau de vie plus élevé. Ces ménages sont moins nombreux et malgré un ralentissement
du pouvoir d’achat, les plus de 50 ans ont un niveau de vie de 10 % supérieur à celui des
plus jeunes. L’importance des revenus du patrimoine. Le patrimoine est plus élevé sur les
générations des 60-70 ans et les 50-60 ans que les plus jeunes et les plus anciennes, par
l’effet d’un cumul du patrimoine au cours de la vie, de conditions économiques favorables
pour les 50-70 ans et d’une inflation très forte dans les années 1980. Il y a donc un réservoir
de revenus importants, même s’il y a de grands écarts entre les différentes catégories et si
nous n’avons qu’une moyenne.
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Les projections sur les différents secteurs de consommation selon les générations. Nous
avons séparé la population de dix ans en dix ans en prenant la rupture de l’arrivée du babyboom 1946-1947 et en tenant compte des changements de consommation, d’arbitrage et de
valeurs à l’arrivée de chaque nouvelle génération. Les générations vivent des événements
différents. A partir de la génération Rationnement, la relation à la consommation va changer
avec l’arrivée de l’électroménager et d’équipements importants. La génération Hypermarché
née entre 1947 et 1956 a une consommation plus élevée avec l’arrivée de l’hypermarché et
de la publicité couleur. Les générations les plus jeunes sont marquées par l’arrivée du Low
Cost et internet qui vont aussi changer dans l’avenir la façon de consommer des différentes
catégories d’âges. Derrière ces effets de valeurs différentes selon les générations, il y a
l’effet nombre avec 2,3 millions de plus d’individus sur dix ans entre la génération
Hypermarché et la génération Robot électrique, ce qui fait une forte croissance. Aux mêmes
âges, les jeunes générations ont des dépenses de consommation plus élevées que toutes
les générations nées avant la génération Hypermarché.
Cette forte envie de consommer prédit structurellement d’une croissance de la
consommation. A partir des différents postes de consommation, les arbitrages évoluent en
poids, en parts et en coefficient budgétaire. Les générations consacrent toute leur vie la
même part à leur alimentation, 20 % pour la génération la plus âgée, 16 % pour la
génération Robot électrique pour n’arriver qu’à 8 % pour la génération Internet. A contrario,
les nouvelles générations, aux mêmes âges, consacrent davantage aux loisirs, à la
téléphonie, au logement et moins à l’habillement, à l’alimentation et aux besoins de base.
Cette inversion d’arbitrage conduit progressivement à l’évolution d’un modèle de
consommation. Nous avons fait la projection des dépenses de consommation à l’horizon
2015 à partir de l’enquête INSEE de 2005 en utilisant les effets de générations, avec l’effet
démographique fort, 2,3 millions de plus entre deux générations, et l’effet d’âge avec une
offre qui reste la même. Avec une croissance de revenu estimée à 1,2 % par an, les plus de
50 ans vont peser 54 % sur les marchés de consommation contre 48 % aujourd’hui.
Notamment, les deux tiers de la santé, les deux tiers de l’alimentation, l’équipement du foyer,
les deux tiers des assurances et 57 % des loisirs. A contrario, ils pèseront moins sur d’autres
postes, 52 % sur l’alcool et le tabac, 51 % sur le logement et le transport, 49 % sur la
communication, 45 % sur l’habillement, 43 % sur l’hôtel-restaurant, l’enseignement qui sera
plus réservé aux jeunes. Nous avons défini quatre catégories de consommateurs seniors en
tenant compte de trois facteurs, l’âge, les moins de 70 ans et les autres, l’activité, 36 % de
seniors actifs de 50 ans, 26 % de jeunes retraités, 18 % de retraités âgés en couple et 20 %
de retraités âgés seuls, et la vie en couple ou pas parce que la socialisation va jouer dans
les différents postes de consommation.
Des ruptures vont marquer le cycle de vie et conditionner les marchés et la croissance, le
départ des enfants, le veuvage, une diminution de l’activité sociale. Selon les catégories, les
niveaux de dépenses et les niveaux de revenus montrent des différences. Le taux d’épargne
est beaucoup plus élevé chez les retraités âgés en couple avec 28 %, parce qu’ils ont un
niveau de revenus est assez élevé avec deux retraites et les retraités âgés seuls avec 26 %
parce que leur niveau de revenus est faible et leur niveau de consommation encore plus
faible. Les seniors actifs ont un taux d’épargne de 15 % avec un niveau de revenus élevé.
Les jeunes retraités de moins de 70 ans ont un taux d’épargne de 8 % parce que leur niveau
de revenus est relativement plus faible surtout s’ils sont seuls.
Donc le fait de passer à la retraite va conditionner des revenus plus ralentis et une
consommation à un niveau assez équivalent. Pour les retraités âgés en couple et âgés seuls
qui ont un fort taux d’épargne, les postes en baisse sont le transport, l’habillement, le loisir
qui passe de 12 à 9 % et l’alimentation. Nous imaginons sur ces marchés un potentiel de
croissance de 32 % sur les plus de 50 ans entre 2005 et 2015 sans offre supplémentaire et
de 40 % avec une offre supplémentaire qui permettrait d’épargner moins et d’aller sur cette
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consommation. Le marché global est vraiment très important. Franck Lehuédé va parler du
benchmark avec d’autres pays qui permet d’identifier les opportunités.
Franck LEHUEDE, chef de projet Seniors Département Consommation au CREDOC
Par rapport aux pays que nous avons suivis, la France est dans la moyenne en fonction du
niveau démographique de seniors. Pour adapter l’offre, il faut tenir compte du vieillissement
biologique et du vieillissement psychologique des populations et voir où sont les opportunités
sur ces marchés. Selon nous, ces opportunités sont sur trois classes d’âge qui semblent être
les marchés les plus en croissance. Les seniors actifs qui ont fortement augmenté jusqu’au
début des années 2010 et qui représentent 36 %. Les jeunes retraités, en croissance
démographique sur les années à venir, qui vont représenter une croissance du marché des
produits et des services même s’ils consomment une grande partie de leurs revenus. Les
retraités âgés en couple même s’ils ont un taux d’épargne.
L’adaptation de l’offre. La première dimension du vieillissement biologique est le
vieillissement fonctionnel qui touche l’ensemble des seniors. Des problèmes de vue pour 29
% des hommes entre 60 et 69 ans et 68 % après 90 ans, des problèmes d’ouïe pour 32 %
des hommes entre 60 et 69 ans et 52 % après 90 ans, qui sont des facteurs de solitude et de
difficultés de compréhension de la société. Pour continuer à avoir un potentiel de croissance
des dépenses de consommation chez ces populations âgées, il est nécessaire qu’elles
puissent comprendre et évaluer l’environnement dans lequel elles sont à travers la vue et
l’ouïe. L’autonomie également diminue à partir de 50 ans, surtout à 60 ans, avec des
problèmes d’équilibre, de mobilité, de souplesse, moins de réflexes. Des problèmes liés à
l’effort, à l’alimentation, dénutrition et déshydratation chez les plus âgés. Ainsi, les seniors
vont rechercher le confort et les commodités d’usage dans leurs motivations d’achats et
valoriser des produits plus simples d’utilisation. La deuxième dimension est le vieillissement
cognitif, 70 % des plus de 70 ans déclarent des problèmes de mémoire immédiate, des
difficultés à apprendre, des temps de réaction plus longs d’où une aversion à la nouveauté.
Le nouveau produit doit avoir encore plus d’avantages que l’ancien. Ce qui implique la mise
en place de services à la personne pour accompagner les seniors dans les processus
d’apprentissage qui sont plus longs, par exemple une formation des vendeurs adaptée. Les
plus concernés sont les plus pauvres et les plus en difficultés sociales et pour lesquels une
adaptation des produits est sans doute plus forte. Cependant, à partir de 60 ans, il y a un
réel besoin d’adapter les produits vers plus de confort, de commodités et de prévention des
effets du vieillissement sinon ces personnes vont davantage épargner si elles ne peuvent
plus utiliser les produits à partir de 70 ans. Dans les pays occidentaux, la vieillesse est
dévalorisée pour trois raisons. La disqualification des savoirs dans l’univers professionnel, un
poids pour autrui dans la sphère sociale avec des liens affaiblis et la perte de sa place dans
la société dans la sphère privée qui aujourd’hui valorise la jeunesse. La création des produits
doit être pensée comme une réponse à un problème de commodité plutôt qu’à un problème
de perte d’autonomie.
Les opportunités existantes. En France, il y a une offre non dédiée adaptée à l’ensemble des
consommateurs, quel que soit leur âge, il y a donc bien une adaptation de l’offre en fonction
des quatre catégories de seniors, les seniors actifs, les jeunes retraités, les retraités âgés en
couple et les retraités âgés seuls. Globalement si nous dédions l’offre à des seniors, il faut
segmenter et si nous l’adaptons c’est parce qu’il y a un besoin particulier en termes de mode
de vie ou en termes physiologiques, dans ce cas nous sommes obligés de segmenter sur les
quatre classes de seniors. Chez les seniors actifs, l’offre est relativement faible et orientée
sur la communication, recherche de lien social, préparation du passage à la retraite en
termes d’activités, de préparation financière et d’adaptation du logement. Chez les jeunes
retraités, dont la motivation d’achat est forte aujourd’hui et encore plus dans les jeunes
générations de seniors, une offre d’accompagnement avec un coach sur le logement à
travers les résidences seniors, la communication pour l’usage d’un téléphone mobile ou de
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l’informatique, les soins du corps chez les femmes. Chez les retraités âgés en couple, une
offre de produits et de services adaptée pour un usage plus facile et leur permettre de
continuer à avoir la même vie. Chez les retraités âgés seuls, une offre assez développée sur
le logement, les maisons de retraite, les transports avec la prise en compte des courts trajets
mais qui sont à développer en milieu rural, des simplicités en communication et une offre des
services à la personne. Toutefois, pour des marchés où l’offre est dédiée à tous les seniors
et sans segmentation, il y a nécessité d’aller sur une offre dédiée segmentée dans des
secteurs comme l’alimentaire, la prévention des maladies ou la gestion du diabète ne se font
pas de la même manière à 50 ans, à 60 ans, à 70 ans. Par ailleurs, nous avons vu une offre
sur l’alimentaire et l’automobile non dédiée aux seniors mais sur une cible élargie, elle va
toucher les seniors parce que le vieillissement de la population nécessite un certain nombre
d’adaptations des produits. Cette offre a donc été adaptée aux seniors mais pas
exclusivement, elle peut toucher les personnes handicapées ou des populations qui ont un
besoin de services plus importants.
En conséquence, l’offre non dédiée aujourd’hui devrait prendre en compte le vieillissement
de la population, physiologique et en termes de mode de vie, parce que 50 % de ces
marchés seront le fait des seniors. Par ailleurs, un accompagnement est à faire auprès des
PME pour prendre en compte le design universel avec une offre non dédiée avec cible
élargie comme l’ont fait les grandes entreprises. Les PME sont davantage sur l’offre dédiée
segmentée liée à une niche de marchés sur lesquels nous pouvons nous développer. Sur les
six pays que nous avons suivis, nous avons retenu le Japon, l’Allemagne et les Etats-Unis.
Le Japon et l’Allemagne sont les pays les plus en avance dans le domaine des produits et
services proposés aux seniors en raison à la fois de leur dimension démographique, 37 % de
plus de 60 ans en Allemagne en 2030, 38 % au Japon, aujourd’hui plus d’un quart de la
population a plus de 60 ans et en raison de la baisse des autres catégories d’âge. Les
jeunes étant de moins en moins nombreux, les entreprises ont développé des offres en
direction des seniors pour pouvoir continuer à avoir de la croissance sur le marché. Quant
aux Etats-Unis, 17 % ont plus de 60 ans, 25 % dans les années à venir, ce taux restera
encore relativement faible par rapport à d’autres pays occidentaux mais avec quatre-vingts
millions de plus de 60 ans, le marché est suffisant pour que les entreprises s’y soient
intéressées.
En Allemagne, nous nous sommes intéressés à ce qui a été fait en stratégies dédiées
segmentées par rapport aux quatre catégories d’âge. Certains secteurs ont été plus
développés que d’autres, les soins corporels, le tourisme, la banque assurance et le design
universel a été mis en place autour de l’automobile, des produits ménagers, de
l’ameublement. Nivea Beiersdorf a adopté dès 1994 la stratégie de développement d’une
offre dédiée aux seniors de plus de 50 ans, mais sans valoriser les types d’âge et limitée à
cinq produits, ce qui était insuffisant. Ils sont donc passés à dix produits et ont valorisé
différentes classes d’âge, 30 ans, 40 ans, 50-60 ans et plus de 60 ans. Aujourd’hui Nivea est
leader sur le marché en Allemagne, avec 38 % de parts de marchés sur les plus de 50 ans
contre 5 % en 1998. La Société TUI a créé en 2003 le Club ELAN adapté aux 55-59 ans, ce
qui peut paraître surprenant dans la mesure où dans le marketing il ne faut pas parler d’un
âge particulier.
En fait, le succès de cette offre tout inclus auprès de ces seniors vient non seulement de
l’attractivité des prix mais aussi de l’adaptation de l’offre avec des hôtels pensés en termes
d’équipements, ascenseurs, couloirs plus grands, restauration, des activités avec un rythme
adapté et des coaches également dédiés à ces seniors. Depuis 2003, 88 % des clients ont
renouvelé au moins une fois l’offre. Au Japon, ils n’avaient pas le choix, l’offre a été
développée auprès des seniors parce que la population des plus jeunes était en baisse.
Nous vivons le même phénomène en France et le marché devrait davantage se développer
dans les années à venir. Le choix s’est porté sur les innovations technologiques dédiées en
créant des robots. La Société Paro développe un robot thérapeutique, une espèce de chat
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pour aider à la relaxation, à entretenir des liens sociaux qui manquent visiblement dans cette
société. La Société Futjisu a créé un téléphone en octobre 2009, très simple d’utilisation,
avec des touches raccourcies, une écoute auditive améliorée, adapté pour les personnes qui
risqueraient d’arrêter d’utiliser le téléphone portable à partir de 70 ans. Aux Etats-Unis, c’est
l’ampleur du marché et de l’organisation des seniors qui était intéressante. L’AARP,
l’American Association Retired People, a un rôle proactif auprès des entreprises avec une
offre plutôt non dédiée même si GrandCare permet une surveillance des déplacements au
domicile des plus âgés. Le design universel est né aux Etats-Unis et est intégré par les
grandes sociétés, par exemple le système de Cadillac autour de la vision de nuit peut servir
à tout le monde. HomeDepôt en partenariat avec l’AARP a adapté la cuisine aux personnes
handicapées ou en perte d’autonomie.
Les opportunités pour les entreprises françaises. Pour les seniors actifs qui sont nombreux,
le besoin d’adaptation n’est pas toujours bien pris en compte. Il reste de marges de
progression dans des secteurs autres que la communication. Le logement, même s’ils sont
moins consommateurs, ils vont devoir adapter leur logement pour leur retraite. Les loisirs, si
le voyage répond bien aujourd’hui, les activités de loisirs, sportives, culturelles peinent
encore à tenir compte de cette clientèle qui est dominante, il y a un besoin d’adapter ces
activités notamment en termes d’heures d’ouverture des services. Mais les potentiels de
croissance les plus importants sont sur les jeunes retraités et les retraités âgés en couple.
Pour les jeunes retraités, des opportunités sur le logement et sur les loisirs mais leur désir
consommateur de loisirs n’est sans doute pas encore totalement pris en compte et assouvi.
Sur les vêtements qui sont un secteur en baisse, les seniors sont de plus en plus actifs, et en
termes de mode de vie, une adaptation peut être faite pour créer plus d’offres segmentées,
notamment autour de l’esthétisme et du confort.
Sur les dimensions fonctionnelles qui sont plus liées aux problèmes du vieillissement, des
offres sont à développer sur l’équipement du foyer en intégrant la notion de design universel.
Pour les retraités âgés en couple, l’offre existante aujourd’hui est peu développée, l’épargne
est importante et des offres sont à développer autour du vêtement également mais aussi des
loisirs, des activités sportives, des activités culturelles qui ne sont plus adaptés à leur
rythme. Un besoin de suivi et d’accompagnement dans les technologies de l’information et
de la communication, les générations qui vont arriver auront eu l’habitude d’avoir un
téléphone portable, d’être connectées à internet, mais elles ne pourront pas l’être de la
même manière qu’avant. Dans le domaine fonctionnel, compléter l’offre sur l’alimentation
autour de la notion de santé notamment et sur l’équipement du foyer toujours autour du
design universel. Pour les retraités âgés seuls, la réponse est fonctionnelle, des opportunités
dans le marché de la santé, de l’alimentation autour de dimensions plus curatives et de
l’équipement du foyer parce que de toute façon ils n’achèteront plus ces produits.
En conclusion, nous avons noté les bonnes pratiques en France au travers de nos entretiens
ou à l’étranger au travers de nos études biographiques. Il y a un frein très fort au
développement d’une offre aux seniors quelle que soit la catégorie, qui est lié au fait que les
hommes du marketing n’ont pas envie d’aller dans un autre domaine que celui qui marche,
ils sont souvent jeunes et n’ont pas obligatoirement envie de s’intéresser à ces populations.
Il y a donc besoin d’une impulsion forte de la direction générale. Tous les projets dont nous
avons suivi l’évolution ont été impulsés par la direction générale, au travers de programmes
transversaux avec des services de l’entreprise, direction marketing, direction R&D et des
services extérieurs autour de designers, de cabinets de conseils spécialisés qui vont amener
les compétences qui manquent à l’entreprise dans ce domaine. Avec des études préalables
d’observation, de compréhension de suivi des seniors dans leur vie, qui ont mis en évidence
la difficulté pour les seniors d’exprimer leurs besoins, soit parce qu’ils ont globalement moins
fait d’études ou qu’ils n’ont pas envie de dire qu’ils ont du mal par exemple à monter sur leur
balance. Il faut donc des études complexes, longues et d’observation pour comprendre les
besoins et ainsi adapter les produits. Pour la majorité, c’est plutôt un besoin d’innovations
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d’usage que d’innovations fondamentales, c’est-à-dire adapter les produits et non pas en
créer de nouveaux. Enfin, un besoin de créer des gammes complètes pour répondre aux
attentes des seniors. En termes d’offres, aujourd’hui nous ne vendons plus des produits ou
des services mais un bouquet de produits services que les seniors, notamment les jeunes
seniors, vont rechercher aussi parce qu’ils vont trouver une réponse à travers cette notion
d’adaptation aux spécificités physiques et de mode de vie. Il ne s’agira plus de vendre une
voiture mais une capacité de se déplacer ou de vendre un four mais un moyen de cuisiner.
Nous sommes sur des notions qui vont intégrer de plus en plus de produits et de services en
adaptant aux valeurs qui changent selon les générations. Les valeurs dominantes des babyboomers sont liberté et individualisme, leurs attitudes avec des exigences pour les produits
et les commerçants, leur appétit consommatoire et leur comportement, ils sont plus présents
sur les technologies de l’information et la communication, le recours à l’automobile ou le
voyage.
Dominique DAMBERT
Ces scénarios peuvent-ils changer avec la réforme des retraites ? Vous nous décrivez d’une
certaine façon un Eldorado pour une catégorie moyenne de personnes, mais il y a aussi les
deux extrêmes. Par ailleurs, à propos du développement durable, les seniors qui ont un peu
d’argent ne vont-ils pas plus en dépenser pour toute l’alimentation de bien-être, bio par
exemple ?
Pascale HEBEL
Ceux qui sont déjà à la retraite ne seront donc pas touchés par les réformes. Les jeunes
retraités ont vraiment une baisse de leurs revenus et un ralentissement de leur pouvoir
d’achat mais ceux de 60 à 80 ans ont acquis un patrimoine et pour l’instant leurs niveaux de
retraite ne baissent pas et leur revenu aujourd’hui est important, ce qui ne sera pas le cas
des futures générations de seniors. Par ailleurs, le développement durable touche très
fortement les seniors et surtout la génération des baby-boomers. Ce sont eux qui achètent
du bio et l’alimentation pèse beaucoup plus dans les générations de plus de 50 ans, ce qui
sera beaucoup moins vrai après. Il reste donc encore beaucoup à faire sur le bien-être et le
bien-être social aussi.
Échanges avec la salle
Sabine SOLVEAU
Dans cette situation de crise qui semble devenir de plus en plus structurelle, ne pensez-vous
pas que les aînés ne vont pas avoir tendance au contraire à épargner davantage dans le
souci de transmettre davantage aux plus jeunes qui auront beaucoup plus de difficultés ?
Pascale HEBEL
Les générations des 50-60 ans sont plus dans la consommation que les générations
précédentes aux mêmes âges. Elles font plutôt des donations que des transmissions parce
que la génération sacrifiée est celle des moins de 30 ans qui ont des problèmes de pouvoir
d’achat. La notion de transmission change, notamment parce que l’âge pour toucher un
héritage est de 53 ans et à cet âge ils n’ont plus de besoin d’argent. Donc les donations se
font avant.
Direction de la prospective à la Chambre de Commerce de Paris
Nous nous sommes intéressés aux 60-80 ans à l’horizon 2030 et les effets de générations
sont beaucoup plus importants puisque c’est la vague des baby-boomers. Ne pensez-vous
pas que les difficultés propres à une offre dédiée seraient plus importantes ? Avec les effets
de stigmatisation par exemple, et pour les entreprises des effets d’image ou encore
l’obligation de travailler sur des séries limitées à des prix élevés alors même que le pouvoir
d’achat des retraits baisserait par rapport au revenu d’actifs. Aussi, nous serions tentés
d’aller sur du Low Cost alors même que nous serions sur des cibles restreintes, ce qui est
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antinomique. Ne pensez-vous pas qu’à plus long terme le design universel devrait prendre
une place nettement plus importante ?
Franck LEHUEDE
La question de design universel, d’adaptation des produits, est nécessaire et touche
l’ensemble des secteurs. Par contre, il y a une place sur ces micromarchés qui vont plus
toucher les PME que les grands groupes sur une offre qui doit être dédiée aux besoins de
ces populations en fonction de l’évolution de leur mode de vie ou de leur physiologie.
Jean-Yves RUAUX, BAYARD Presse
Aurons-nous l’étude du CREDOC à la sortie ?
Pascal HEBEL
Elle sera sur le site internet de la DGCIS avec le powerpoint.
Gérard CORNET, Gérontologue pour l’allongement de la vie, Expert auprès de la
Commission Européenne
Tout d’abord, il ne faut jamais utiliser l’âge seul même s’il est un outil commode de
segmentation. Par ailleurs, tous les projets européens ou autres sur l’innovation demandent
la démarche du design for all, plutôt d’ailleurs d’inclusing design ou de design for more. Cette
démarche est assez lourde et pose des problèmes pour les entreprises et surtout les PME,
qui n’ont pas forcément les outils et les méthodes et qui, pressées par le temps, risquent de
mal apprécier les valeurs d’usage qui sont à la base finalement d’une bonne conception. Je
voudrais recommander aux entreprises d’utiliser leurs anciens au lieu de les jeter dehors et
de faire bien attention aux compétences qu’elles utilisent parce les jeunes comme dans le
marketing ou les agences de communication, n’ont pas l’expérience et souvent ni le temps ni
la patience pour aller voir vraiment ce que sont les valeurs d’usage.
Une intervenante
Toutes les entreprises sur internet disent gagner du temps en utilisant bien une démarche de
design.
Gérard CORNET
Oui mais les entreprises ont de moins en moins de temps aujourd’hui pour adopter les
changements. Il faut trouver un bon compromis.
Sophie SCHMIDT, SENIOSPHERE
La Commission Européenne a sorti des programmes sur le design, notamment Inclusion, qui
donnent tous les détails sur les usages et qui sont disponibles sur internet.
Table ronde : Les clés du succès pour séduire les seniors
Dominique DAMBERT
Nous passons à la table ronde : Quelles sont les clés pour séduire les seniors ?
Benoît Goblot, vous êtes Directeur Général de SeniorAgency, la première agence de
publicité qui s’adresse aux seniors créée en 1995.
Benoît GOBLOT, Directeur général SENIORAGENCY
Nous sommes encore aujourd’hui les seuls sur ce marché. La création de l’Agence remonte
à une rencontre avec des représentants de l’AARP, considérée comme étant le premier
lobby au monde avec trente-huit millions de membres et cette force est utilisée pour faire
évoluer les pouvoirs politiques comme les entreprises. Ils poussent très fortement les
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entreprises à développer de nouveaux produits et services pour répondre à ces quatre-vingts
millions de consommateurs.
Dominique DAMBERT
Avec Yves Morel, nous verrons les nouvelles technologies, notamment les téléphones
simplissimes. Bazile Telecom, vous êtes concepteur et fabricant de téléphonie mobile et
fournisseur de services. Avec Virginie Parisot, nous parlerons de design. Vous êtes
Directrice de la stratégie de Saguez & Partners qui est une agence spécialisée dans l’identité
de marque. Franck Demaison qui a lancé les magasins de « produits seniors » Hojo, ne sera
malheureusement pas avec nous. Vous pouvez voir sur internet le concept du magasin, qui
est très épuré, avec une circulation assez libre même avec un fauteuil roulant. Benoît Goblot,
ce marché de croissance reste difficile à capter en termes de communication.
Benoît GOBLOT
Avant de mener des études préalables indispensables pour prendre la mesure de ce
marché, nous allons interroger les clients de nos clients pour les faire parler, les mettre en
confiance, savoir comment ils utilisent les produits et ce qu’ils attendent comme innovations
possibles. Il est important d’aller confronter le regard caricatural que nous avons sur ces
seniors comme étant des êtres asexués de manière à comprendre qui ils sont. D’ailleurs,
lorsque nous avons travaillé pour le laboratoire Liévin, pour parler des difficultés érectiles,
nous avons fait des groupes de consommateurs et assez rapidement ce sont les femmes qui
ont abordé le sujet.
Dominique DAMBERT
Les seniors étant des clients exigeants, il ne faut pas lésiner sur l’information.
Benoît GOBLOT
Plus nous avançons en âge, plus nous sommes confrontés à des situations nouvelles dont
nous avons besoin de comprendre les enjeux et les solutions qui sont proposées. Les
seniors sont des consommateurs expérimentés, ils sont de plus en plus vigilants dans leurs
achats. D’où la nécessité d’avoir une information très riche et très structurée de manière à
pouvoir les garantir qu’ils font le bon achat. Et la nécessité d’un niveau de formation.
Aujourd’hui, dans les agences de publicité, les jeunes ont moins de 35 ans, sont très souvent
diplômés et s’adressent à des personnes qui n’ont pas fait d’études supérieures. Donc
attention aux écarts de discours entre des notions très conceptuelles et les valeurs d’usage
qui sont extrêmement importantes, au risque de compliquer l’accès au produit ou au service.
Enfin, il faut jouer sur les effets du vieillissement naturel. Par exemple les premières pertes
d’audition se font sur les sons aigus, les voix de femmes et d’enfants. Si un message
publicitaire à la télévision n’utilise que des voix de femmes et des voix d’enfants, 40 % de la
cible visée n’entendra pas et donc ne comprendra pas. De même, la presbytie opacifie le
cromalin créant un effet de calque sur la vue et le cristallin d’une personne de 70 ans opérée
de la cataracte est tout jaune, toutes les couleurs sont mélangées si bien que la visibilité
devient plus difficile. Et je suis toujours très surpris de voir des communications à destination
des seniors qui sont pour moi illisibles. Il faut donc bien les comprendre pour pouvoir bien
s’adresser à eux.
Dominique DAMBERT
Pour communiquer avec un senior, faut-il un senior ?
Benoît GOBLOT
Il ne faut pas faire des annonces dans une revue qui est lue majoritairement par des seniors,
parce qu’ils savent déjà que ce qui est à l’intérieur les concerne et ils ne vont y trouver
aucune utilité. Par ailleurs, il faut différencier les marques tout en sachant que la majorité des
grands-mères ont un sentiment de rejet pour les hommes barbus. Nivea, Loréal, Garnier ont
des mannequins différents lorsqu’ils s’adressent à des jeunes. Alors que pour les seniors,
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toutes les marques prennent les banques d’images, sans différenciation et les entreprises se
ressemblent toutes puisque les personnes qui les représentent sont les mêmes.
Dominique DAMBERT
Vous dites que pour les seniors, il faut réfléchir en termes d’envies parce qu’ils ont tout alors
que d’après Pascale Hébel, ils sont les plus forts consommateurs en équipement de la
maison. N’y a-t-il pas une contradiction entre ces deux propos ?
Benoît GOBLOT
Les marketeurs sont plutôt frileux. Ils nous demandent systématiquement trois études de cas
dans leur domaine d’activité qui ont lancé des produits à destination des seniors et qui ont
fonctionné. Or le marché est trop récent et il n’y a pas d’exemples. Le marketing est né dans
les années 1950, il s’est rapidement intéressé aux jeunes et a toujours tendance à raisonner
à destination des jeunes. Ils ignorent tout de ce marché et continuent à parler de besoins. Le
taux d’équipement en électroménager au sein des foyers seniors est extrêmement élevé.
Pourtant la Société Oxo a sorti un épluche-légumes à destination des seniors mais qui peut
être utilisé par tout le monde. Il a un manche plus épais, des couleurs plus visibles et les
seniors ne peuvent pas se couper. Même s’il est plus cher, tout le monde a envie d’avoir des
produits d’usage plus fonctionnels même s’ils n’ont pas de besoins. Une rénovation est à
mener dans tous les domaines, les appareils de cuisson qui ne sont pas forcément d’une
grande commodité pour les seniors, l’automobile, la Porsche Cayenne qui est le plus beau
succès marketing du senior avec ses sièges relevés, sa facilité pour entrer et sortir et son
volume de chargement. Les seniors ont décrypté la société de consommation dans laquelle
ils étaient et toutes les offres disponibles, il faut les informer parce qu’ils ont du temps et
avant de faire un achat, ils vont s’informer pour être sûrs de faire le meilleur choix.
Dominique DAMBERT
Les offres sont en train de bouger, Legrand a fait toute une série d’innovations très
intéressantes, avec un passage lumineux pour les seniors. Yves Morel, vous êtes une jeune
start-up, vous employez vingt salariés et votre siège est à Aix-en-Provence. Vous distribuez
Doro et le téléphone Bazile que vous avez conçu a été primé par les Trophées du Grand
Age.
Yves MOREL, Président du directoire de BAZILE TELECOM
Bazile Télécom a été créé fin 2005 et nous avons fait une offre dédiée avec ce téléphone
portable qui est probablement le plus simple qui existe, sans écran ni clavier, un seul bouton
associé à un service, un répertoire illimité, donc un couple produit/service. Il suffit d’appuyer
sur le bouton pour avoir ses correspondants via une opératrice 24h/24. Il a été
commercialisé à partir d’avril 2009, nous avons deux mille cinq cents abonnés et nous
sommes devenus opérateurs téléphoniques virtuels auprès d’Orange. Nous nous sommes
rapprochés de la Société Doro qui a conçu une gamme de téléphones portables très
adaptés, avec des touches larges et espacées, un écran très visible et une touche d’urgence
associée au dos. Avec Doro, nous proposons un partenariat afin de produire du service
auprès des seniors.
Dominique DAMBERT
La société a un centre d’appel à Aix-en-Provence avec des téléopérateurs formés à
répondre aux personnes âgées, c’est la différence avec la téléalarme.
Yves MOREL
C’est le même domaine que la téléalarme sauf qu’avec la communication, nous permettons
le maintien du lien social chez les plus de 75 ans et la sécurité puisque nous offrons
également un service 24h/24 en cas d’urgence. La téléalarme qui a été développée dans les
années quatre-vingts, a été la première technologie de masse pour les seniors. Trois cent
mille seniors sont raccordés en France.
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Dominique DAMBERT
Il y en a deux millions en Grande Bretagne, comment expliquez-vous la différence ?
Yves MOREL
Parce que certaines compagnies d’assurance imposent l’équipement en téléalarme et la
téléalarme s’est développée culturellement. La technologie GSM est un produit pour tous les
jours, qui destigmatise la téléalarme.
Dominique DAMBERT
Il faut trouver le réseau de distribution pour le vendre. Vous avez la FNAC et des réseaux
dédiés comme Audika qui est spécialisé dans les prothèses auditives, c’est peut-être difficile.
Yves MOREL
En fait sur le marché des seniors, nous sommes de jeunes apprentis. Nous avons développé
une cellule de vente directe par téléphone et, après avoir recueilli l’intérêt des seniors
notamment par des annonces dans les presses spécialisées en France sur le sujet, nous
rappelons ces prospects et développons notre argumentation. Le senior est assez ouvert à
la vente par correspondance avec des systèmes d’offres satisfait ou remboursé. Nous
passons aussi par un réseau émergent de boutiques seniors spécialisées, dont Hojo est l’un
de nos distributeurs. Ce canal émergent a un bel avenir mais il est encore assez étroit. Les
audioprothésistes comme Audika, sont idéalement placés pour vendre davantage de
produits technologiques pour les seniors qui ont un haut de niveau de confiance en eux et il
y a un très beau mariage à faire sur les produits de Bazile Télécom mais également sur un
ensemble de produits technologiques à l’attention des seniors. Enfin, nous faisons des
tentatives auprès de réseaux grand public. Nous sommes à la FNAC depuis un an avec ce
téléphone ou le téléphone Doro en proposant à la fois les produits et les services pour
comprendre le fonctionnement de ce marché des seniors. Et cette expérience leur permet
aussi d’avancer sur la compréhension de ce marché.
Dominique DAMBERT
Ce téléphone très simple pourrait intéresser un enfant de 5 ans.
Yves MOREL
Une jeune entreprise doit se concentrer opportunités par opportunités. Nous avons eu des
sollicitations de plus de dix pays sur l’international parce que cette invention est réellement
unique et brevetée mais pour le moment nous souhaitons développer le marché français
pour y acquérir nos bases. Le marché des enfants de 5 à 10 ans est peu ouvert en raison de
problématiques de santé que nous pourrions régler mais nous ne souhaitons pas travailler
cette opportunité aujourd’hui.
Dominique DAMBERT
Vous avez un temps d’avance mais pourquoi les autres opérateurs n’ont-ils pas proposé ce
service ?
Yves MOREL
Maintenant que le taux d’équipement des populations non seniors avoisine ou dépasse les
100 % selon les segments d’âge, les opérateurs s’orientent sur ce marché. Il y a de la place
pour des entreprises généralistes qui vont faire des offres dédiées et pour les entreprises
spécialistes qui auront une offre beaucoup plus large seniors et c’est notre positionnement.
Bouygues, Orange et SFR ont lancé leur offre senior en automne dernier et Orange dès
2008 nous a accordé le statut de MVNO, ce qui témoigne de l’intérêt pour ce marché et de
recherche de solutions très adaptées. Une entreprise dédiée aura plus de pertinence pour
aller chercher une niche de ce marché même si les trois opérateurs auront beaucoup de
succès auprès des seniors.
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Dominique DAMBERT
Quel en est le coût ?
Yves MOREL
Le téléphone Bazile est vendu 59,90 € TTC, il est assorti d’un abonnement mensuel qui
commence à 20,00 € par mois compte tenu du service pour vingt minutes de communication.
L’abonnement du téléphone Doro est de 10,00 € par mois pour vingt minutes de
communication y compris le service d’urgence 24 h/24, la personne ne fait appel à
l’opératrice que pour avoir une explication sur l’envoi des SMS, le suivi de son forfait ou une
urgence.
Dominique DAMBERT
Depuis la création de l’entreprise, vous avez légèrement baissé le prix initial.
Yves MOREL
En fait, nous n’avions fait aucune étude préalable et nous ne connaissions rien au marché
des seniors ni à celui de la télécommunication.
Dominique DAMBERT
Benoît Goblot, cette question du prix est-elle importante ?
Benoît GOBLOT
En réalité, comme ils ont le temps de chercher la solution qui leur convient, ils vont tout
d’abord s’informer sur le contenu de l’offre et une fois qu’ils ont identifié les offres qui leur
conviennent, ils vont arbitrer en matière de prix. Ils n’hésitent pas à payer plus cher des
solutions qu’ils ont identifiées comme étant celles qui leur convenaient nettement mieux.
Dominique DAMBERT
Ce qui veut dire que certaines entreprises margent énormément.
Benoît GOBLOT
C’est assez lucratif pour les entreprises qui sont aujourd’hui seules sur le marché des
seniors.
Dominique DAMBERT
Mais nous pouvons penser que le modèle va changer au fil du temps.
Benoît GOBLOT
Il y a de réelles différences dans la prise en charge des clients. Dans les boutiques de
distribution téléphonique, les vendeurs sont des jeunes et ils ont des ventes faciles avec les
jeunes. Par contre, un senior aura difficilement un vendeur parce qu’il va poser de
nombreuses questions pour arriver au produit qui correspond le mieux. Je crois beaucoup au
mixage des générations et certaines marques comme GrandOptical ont remis dans les
boutiques des personnes plus âgées qui avaient été dans la vente. Dans l’optique
aujourd’hui, ils ne font quasiment que des communications pour les presbytes parce que le
marché est là. La presbytie est le premier signe du vieillissement, il y a un énorme frein à se
rendre dans une boutique d’optique, les vitrines permettent de voir ce qui se passe à
l’intérieur et les opticiens sont jeunes, il est difficile d’expliquer ses problèmes. Depuis que
sur nos conseils, GrandOptical a recruté des opticiens seniors, les seniors font parfois la
queue derrière l’opticien senior qui est le seul capable de les comprendre pour avoir vécu la
même expérience. Tous ces changements de nature doivent être compris
psychologiquement et être accompagnés.
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Échanges avec la salle
Dominique DAMBERT
Avant d’écouter Virginie Parisot, avez-vous des questions à poser à nos deux premiers
intervenants ?
Une intervenante
Finalement, l’abonnement du téléphone Bazile est trois fois supérieur au coût moyen.
Yves MOREL
L’abonnement d’une heure est à 35,00 € mais avec une réduction d’impôt de 10,00€ au titre
de la téléassistance, l’abonnement d’une heure est ramené à 25,00 € par mois. Avec Doro,
l’abonnement pour vingt minutes est à 10,00 € par mois, une heure 25,00 € et au-delà
évidemment.
Un intervenant
Vous avez parlé de segmentation de l’offre, faut-il une distribution segmentée ? Y a-t-il une
réalité pour faire des magasins de seniors alors que nous avons plutôt toujours entendu le
contraire ?
Yves MOREL
Des marques se développent aujourd’hui en France, Celyatis, Hojo, Facil&Co, Confort
Attitudes, Confort Senior. Ce concept a de l’avenir mais il est encore très peu connu. Peutêtre verrons-nous plus tard certains canaux de distribution évoluer comme les
audioprothésistes pour devenir le point de référence technologique des seniors ou peut-être
même en grande distribution des Corner Seniors pour concentrer une offre dédiée. Ces
produits méritent d’être développés.
Dominique DAMBERT
Virginie Parisot, nous avons parlé du design universel et nous allons voir ce côté plus
transgénérationnel et notamment l’identité de la marque. Certains disent que le design n’est
pas un concept senior mais plutôt évolué sur le bien-être et hors médicalisé. Qu’en pensezvous ?
Virginie PARISOT, Directrice de la stratégie de SAGUEZ & PARTNERS
Saguez & Partners est une agence conseil en identité de marques, spécialisée sur les
marques et les publics concernés mais pas sur les seniors. Notre démarche est de
comprendre la marque dans ce qu’elle a d’intéressant et ensuite nous mettre dans les
usages des publics concernés pour concevoir l’identité de la marque, un discours, un lieu,
les tenues, le casting de la force de vente qui soient adaptés, différenciants et percutants
pour la cible concernée. Pour répondre à la question, il y aura toujours besoin de lieux dits
dédiés pour des offres très spécifiques et des lieux plus transgénérationnels qui touchent
fortement les seniors mais sans être adaptés et ciblés pour les seniors. Mais les seniors ont
évolué et j’ai trois leçons.
Première leçon, le senior est multiple avec de plus en plus des valeurs transversales, il a du
temps, un pouvoir de consommation plus important, il n’est plus dans des besoins mais
totalement dans des envies. Nous avons essayé de relever les caprices des seniors.
Caprice n° 1, « Envie de rester connecté ». Un site internet dédié dans l’image, le discours,
les services proposés dans des codes non « stigmatisants », ou une communication « La
capote protège du sida » plus orientée sur l’expérience que le côté négatif de la vieillesse.
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Caprice n° 2, « Jamais sans les potes ». Les valeurs et les envies sont transgénérationnelles
en termes d’âge et notamment les valeurs traditionnelles. Des projets entre seniors « Avec
Partage Senior, prenez votre futur en mains ».
Caprice n° 3, « Envie de sensations », avec une notion de curiosité et d’ouverture. Ils sont
ouverts, ils aiment découvrir, voyager, avoir des émotions et des surprises.
Caprice n° 4, « Toujours s’entretenir ». Quête de santé et de jeunesse par le corps et l’esprit.
« A Health Club For Your Brain » est un club davantage orienté sur la notion cérébrale.
Caprice n° 5, « Ne pas lui dire qu’il est vieux ». Une seconde adolescence avec une forme
de maturité, d’expérience et de sagesse. Deuxième leçon, les marques plébiscitées par les
seniors ne sont pas des marques spécifiques seniors. Yves Rocher, Renault, Ikea, Apple,
Nature et Découverte. Tous les plébiscites des seniors font écho avec des tendances
généralistes.
Plébiscite n° 1 : Apple, Renault. Notion de fonctionnalité et d’intuitivité, des produits et
services innovants, un usage du produit simplifié, des services valorisants qui devancent leur
besoins. Ils sont fiers d’avoir un produit simple, nouveau, plébiscité par d’autres que des
seniors. Rationalisation des points de vente avec les notions de circulation et d’ergonomie
adaptées, tout sous le même toit, les centres commerciaux sont aussi un lien social. Notion
de prix juste, ils se font plaisir dans leurs achats mais vont aussi acheter des produits moins
chers.
Plébiscite n° 2 : Petit-Bateau, Le Marseillais, Yves Rocher, Monoprix. La qualité et le
relationnel, avec la notion de savoir-faire local, d’authenticité, de traçabilité des produits. Ils
vont de plus en plus sur les marchés où ils ont plus de lien relationnel que dans les
supermarchés. La notion de qualité, qualité des produits et qualité du temps, est un besoin
global.
Plébiscite n° 3 : Calligaris. SNCF. Chez Jean. Sens et légèreté, bonne humeur. Des produits
qui racontent une histoire. Une alimentation plus saine, un discours ouvert, positif, prendre le
temps et réussir un bon mariage entre modernité et tradition. Des petites attentions « Faites
patienter votre compagnon à quatre pattes juste à l’entrée du magasin ».
Plébiscite n° 4 : Béaba. Le design et l’esthétisme. Avoir des codes graphiques simples,
innovants, épurés, ergonomiques, intuitifs. Les packs et les marquages doivent être lisibles
et provoquer une dimension émotionnelle forte.
Plébiscite n° 5 : Nature et Découverte. Surprise et expérience. Des produits qui encouragent
à créer une forme d’interaction à comprendre, une technologie durable au service de la
découverte, un univers qui puisse être atypique pour pouvoir vivre une expérience, une envie
de s’impliquer dans des causes et avoir des projets plus sociaux ou plus liés à la planète.
Toutes ces valeurs sont en résonance avec des tendances généralistes qui sont le smart
shopping, la montée du régionalisme, la Slow attitude, profiter des produits qui sont plus
dans le bien être, le zen, profiter de son temps et se sentir bien. Pour l’ensemble des
seniors, il faut avoir un discours clair, en partant de l’authenticité, être lisible sur l’ensemble
des signes qui leur sont adressés et être cohérent. Focus sur les marques coup de cœur des
seniors.
Yves Rocher s’est repositionné pour être plus large et aujourd’hui a recruté de façon plus
forte. Ikea a réussi à propager un design démocratique avec des valeurs familiales et
suédoises assez claires dans le parcours, les attentions et les services adaptés. Apple à
travers tous ses produits et notamment l’Ipad, a bien compris cette recherche d’aide mais
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dans une forme de modernité et aujourd’hui finalement arrive à convaincre les plus jeunes
mais aussi les plus âgés. Nespresso qui a inventé une nouvelle consommation de café où
tout a été pensé du service au produit de façon cohérente et de façon très valorisante,
réussit aussi auprès de cette cible. Troisième leçon, cette cible est à respecter, elle a un vrai
capital de temps et de pouvoir d’achat. Ne pas les stigmatiser, avec des services et des
offres adaptés et des marques sont en train de se repositionner, Damart dont la clientèle est
en moyenne de 75 ans, voudrait être très fort sur l’ensemble des seniors, à partir de 50 ans.
Leurs produits techniques qui ont une vraie technicité de chaud-froid peuvent plaire à des
jeunes et à ceux qui font du sport. Mais pour autant aujourd’hui entrer dans un magasin
Damart est une vraie expérience en soi et ne touche pas forcément les plus jeunes. Cette
marque qui a une vraie histoire, un vrai produit, a un fort potentiel de recrutement.
En conclusion, lorsque nous nous adressons à ces seniors, les fondamentaux à intégrer sont
lisibilité, tailles, sens, couleurs, fonctionnalité, circulation, rôle de l’humain, pour nous c’est de
la dette. En revanche aujourd’hui les seniors sont totalement une cible inspirante à fort
potentiel. Finalement lorsque nous essayons de cibler les seniors et les femmes qui sont les
plus exigeantes, sensibles aux détails, nous arrivons finalement à capter beaucoup de
monde et l’inverse n’est pas forcément vrai. Enfin, finalement avec la bonne équation,
intelligence, simplicité dans la fonctionnalité, esthétisme et humain, nous sommes dans une
forme de design et relationnel au sens large du terme qui peut être une clé de succès.
Dominique DAMBERT
Ce portait n’est-il pas un peu urbain bobo ?
Virginie PARISOT
Non, parce que Yves Rocher, c’est mille six cents points de vente, ils ne sont pas
uniquement ni urbains ni bobo d’ailleurs. En fait c’est du bon sens, il s’agit de repartir
vraiment sur de la fonctionnalité, se mettre dans les usages et les attentes et ne pas mettre
des codes de vieux. C’est au contraire au final plutôt populaire et large, nous sommes sur de
l’usage, il faut penser usage.
Dominique DAMBERT
Franck Demaison me parlait d’Ordissimo, un ordinateur très simple mais dont
l’environnement était compliqué, pour connecter à une livebox par exemple. Benoît Goblot et
le service après-vente ?
Benoît GOBLOT
Avant d’acheter un ordinateur, ils vont commencer par poser des questions à leurs enfants et
petits-enfants. Ensuite, ils vont acheter des revues spécialisées sur l’informatique, ils vont
aller à la FNAC demander le guide d’achat comparatif pour connaître les différences entre
les types d’ordinateurs et de connexions. Mais très vite ils vont se rendre compte de la
complexité. D’où la nécessité et l’opportunité pour une entreprise, comme le font de jeunes
start-up aujourd’hui, de proposer l’informatique tout en un à destination des seniors, depuis
l’achat de l’ordinateur, sa configuration, l’achat de la bonne livebox, l’imprimante, jusqu’à
l’installation pour faire en sorte que tout fonctionne correctement.
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Échanges avec la salle
Dominique DAMBERT
Avez-vous des questions ou des témoignages ?
Gérard CORNET
Il y a un énorme écart à la fois dans les medias et dans les systèmes de communication. La
télévision est clairement orientée vers une partie des marchés des seniors, les mesures
d’audience commence à peine intégrer les ménagères de plus de 50 ans dans les publicités.
Par ailleurs, Maurice Levy, le patron de Publicis, me disait à l’époque qu’il ne croyait pas aux
agences seniors et ne voulait que des agences généralistes. Pourquoi à votre avis M.
Goblot ? Le modèle économique pose beaucoup de problèmes parce que les entreprises
n’ont pas de visibilité suffisante, les firmes s’interrogent dans un univers aussi incertain, elles
veulent plus de visibilité et plus de cohérence dans les politiques des pouvoirs publics pour
voir si tout est financé par le marché ou bien s’il y a des modèles mixtes et là nous n’avons
pas de vision claire. Enfin, je constate que beaucoup de firmes ne donnent pas un bon
service rendu à l’usager senior. En dehors du fait de ne pas avoir les explications dans les
agences, les notices d’emploi sont extrêmement compliquées, les modalités d’emploi ne sont
pas simples et la transparence des tarifs non plus. Donc il reste beaucoup d’efforts à faire
sur la valeur d’usage et le service rendu des produits pour avoir la confiance et fidéliser les
clients.
Benoît GOBLOT
J’espère qu’il y aura bientôt des concurrences qui permettront de développer ce marché.
Concernant les medias, Notre Temps, qui est le premier magazine en France, s’adresse
plutôt à des seniors, les chaînes du service publics ont 66 % de leur audience qui est faite
par des plus de 50 ans. Mais la difficulté, c’est que les annonceurs reviennent
systématiquement sur les ménagères de moins de 50 ans et finalement, ils sont obligés de
parler de leurs performances sur ces ménagères et pas des réelles performances de leur
chaîne. Tant que la direction générale de l’entreprise n’a pas décidé de se mettre sur ce
marché des seniors, c’est inenvisageable dans l’entreprise. J’ai le cas d’une entreprise qui a
complètement revu sa gamme de produits qui sont fabuleux en prenant des seniors âgés
atteints de pathologies. Mais la direction générale vient de changer et a priori le projet va
être abandonné parce que la firme craint de vieillir sa marque. Pour notre part, nous avons
une vision très large des seniors, ce sont des consommateurs très actifs et tout à fait
différents des clichés et les agences de publicité doivent revendiquer.
Dans nos métiers de publicité, nous signons nos publicités en mettant le nom de l’agence et
il arrive que les entreprises nous demandent de ne pas le mettre pour ne pas stigmatiser.
Nous sommes dans ce monde complètement fou qui glorifie les jeunes. Les services
marketing n’ont toujours pas compris qu’il fallait remixer des seniors avec des jeunes pour
les faire bénéficier de tout leur savoir. Les directions générales qui ont globalement entre 50
et 65 ans, sont dans cette catégorie et le jour où elles s’intéresseront aux seniors, elles
accepteront de devenir seniors mais aujourd’hui personne n’est prêt, ce sont des
changements culturels extrêmement difficiles à réaliser.
Dominique DAMBERT
Yves Morel, vous avez été aidés et soutenus par les pouvoirs publics. Mais vous me disiez
que si vous aviez créé Bazile Téléphone il y a quinze ans, cela aurait été plus difficile parce
qu’il y a des dispositifs, crédit impôts recherche, etc.
Yves MOREL
Dans les années 90 j’étais dans une autre start-up de haute technologie, les semiconducteurs et à cette époque nous avions été obligés d’aller aux Etats-Unis pour chercher
des fonds, nous étions la quatrième société cotée au Nasdaq. J’ai ensuite basculé dans
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l’informatique, je me suis intéressé à ce projet que j’ai cofondé et j’ai été impressionné de
voir les changements en France. Lorsque le projet a un réel potentiel, nous trouvons les
aides, les subventions mais aussi les aides relationnelles. La première année, nous avons
fait à peu près trois cent mille euros de chiffre d’affaires et cette année nous visons de
dépasser un million cinq cent mille euros, nous passons sur un mode de business classique
où nous investissons pour acquérir des clients et ensuite en les fidélisant, nous récupérons
notre investissement initial et générons de la rentabilité.
Dominique DAMBERT
Donc il y a peut être un créneau pour d’autres start-up.
Yves MOREL
Il y a une vraie effervescence en France autour des gérontechnologies, une association va
bientôt voir le jour pour regrouper les entreprises de gérontechnologie qui ont des difficultés.
Dominique DAMBERT
Notamment sur la domotique dont parlaient Pascale Hébel et Benoît Goblot.
Yves MOREL
De nombreux domaines, la communication, la sécurité, la santé. Aujourd’hui ce marché est
difficile à appréhender, mais il est évident qu’il y a un réel potentiel.
Dominique DAMBERT
En France, nous sommes fâchés avec le service surtout quand il est payant. Benoît Goblot
et Virginie Parisot, concevoir un produit et un service en même temps ?
Virginie PARISOT
Sur la notion de service, nous revenons au smart shopping, nous faisons attention à ce que
nous achetons de plus en plus. Mais l’important est de comprendre que derrière un achat, il
y a une vraie offre, un vrai service, un vrai usage qui va être facilité et à ce moment là il n’y a
aucun problème à avoir des services payants. La France n’est pas forcément le meilleur
exemple mais le service en termes de dette, c’est-à-dire le premier service, ne doit pas être
payant. En revanche si un service supplémentaire apporte vraiment une fonction, un usage
et facilite la vie, ce n’est pas un problème qu’il soit payant.
Benoît GOBLOT
Que ce soit Nespresso, Café Privilège ou Paul Dequidt, ils vendent non seulement du café à
50,00 € du kg, mais aussi tout un univers et beaucoup de services, les seniors sont prêts à
payer plus cher. Dans le secteur automobile, plus d’une voiture neuve sur deux est vendue à
quelqu’un de 60 ans et plus vous montez en gamme, plus vous n’avez affaire qu’à des
seniors. Les marques étrangères l’ont parfaitement compris, elles ne vendent pas
simplement une voiture mais aussi un service associé qu’elles ont su développer par le
service après-vente. Elles ont su identifier les clients seniors et aujourd’hui les concessions
savent très bien les accueillir, les traiter et les accompagner, pour fidéliser ces clients qui
vont renouveler l’achat dans la marque.
Dominique DAMBERT
M. Pierre-André Durand, Chef de Cabinet du Ministre Estrosi va conclure ce colloque.
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Conclusion
Pierre-André DURAND, Chef de Cabinet du Ministre chargé de l’Industrie
Mesdames et Messieurs, bonjour à tous. Je suis très honoré d’être parmi vous ce matin. Je
voudrais excuser Christian Estrosi qui est retenu à l’Assemblée Nationale et qui m’a
demandé en son nom de conclure cette matinée qui a été ouverte par Mme Berra et qui a
été particulièrement dense et riche en enseignements pratiques et en pratiques diverses.
Nous voyons combien ce sujet est prégnant même si l’intitulé de votre manifestation Les
seniors, un marché de croissance pour les entreprises est particulièrement pertinent, bien
choisi, et combien c’est une problématique importante comme le démontrent les débats
d’actualité. Il s’agit aujourd’hui d’aborder le vieillissement de la population en termes positifs
et non pas en tant que poids grandissant pour la société, comme c’est souvent le cas
encore. L’augmentation du nombre de seniors constitue un facteur de croissance
particulièrement bienvenu pour les entreprises françaises dans le contexte économique
actuel difficile. Les seniors actuels et prochains disposent de plus d’une meilleure condition
physique, d’une meilleure situation financière de leurs aînés, ils sont notamment plus enclins
à la consommation que ces mêmes aînés. L’étude réalisée par le CREDOC révèle ainsi trois
paramètres.
Premier paramètre, les seniors sont de plus en plus nombreux, plus d’un tiers de la
population, soit plus de vingt-deux millions de personnes, a aujourd’hui 50 ans et plus, en
2030 un Français sur deux aura dépassé l’âge de 50 ans.
Deuxième paramètre, les seniors n’ont jamais été aussi aisés, leur niveau de vie dépasse de
30 % en moyenne celui des personnes plus jeunes et ils détiennent près de 52 % du revenu
disponible des ménages, par ailleurs les dépenses des seniors en France et dans les autres
pays développés représentent aujourd’hui déjà près de la moitié des dépenses totales de
consommation, soit davantage que leur poids démographique. Pour autant, cette population
dispose d’une épargne forte, elle pourrait donc consommer davantage pour se procurer des
produits ou acheter des services, à condition bien entendu qu’ils répondent bien à ces
attentes et à ces besoins. Ce qui ne veut pas dire non plus qu’il n’y a pas aussi des seniors
en situation de difficulté et de précarité. Il s’agit d’une approche macro, il faut avoir à l’esprit
que globalement les seniors ont un niveau de vie plus important que d’autres catégories.
Troisième paramètre, cette catégorie de personnes a des attentes et des besoins
spécifiques et multiples, qui sont à la fois fonction de l’âge mais qui résultent également d’un
effet génération. Au même âge, les seniors actuels ne sont pas les mêmes qu’il y a dix ou
vingt ans en termes de santé, d’attentes et de besoins, de ressources financières et de
propension à consommer. Les attentes et besoins spécifiques peuvent provenir d’une perte
de capacité ou d’une évolution des modes de vie avec en particulier la retraite ou le départ
des enfants du foyer. La coexistence de ces trois paramètres constitue pour les entreprises
un véritable enjeu de croissance et tout particulièrement pour les PME qui n’ont d’ailleurs
toujours pas pris l’exacte mesure des opportunités que peut représenter ce marché des
seniors. Si certains acteurs réfléchissent déjà aux solutions de demain, je pense au sein du
Centre National de Référence Santé à domicile et Autonomie qui a été inauguré par
Christian Estrosi et Mme Norra Berra en décembre dernier, il existe en tout cas des
manques dans l’offre des entreprises françaises.
Ces manques concernent de nombreux secteurs, en particulier la santé, le secteur de
l’alimentation, du logement, de l’équipement du foyer ou bien encore de l’offre de loisirs. Ils
se situent souvent sur les secteurs où la part des dépenses des seniors est la plus forte et va
le plus croître dans les années à venir. Il pourra s’agir de proposer un produit ou un service
spécifiquement conçu pour ce marché, ou bien de s’assurer que son offre est adaptée aux
besoins des seniors selon les principes du design universel. Pour réussir à aborder avec
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succès ce marché montant, ce marché en devenir, l’entreprise devra veiller à prendre en
compte un certain nombre de bonnes pratiques en matière d’écoute et de prise en compte
des besoins, de qualité de l’offre autour des notions de confort et de commodités d’usage, de
sécurité, d’esthétique ou de services associés. Une attention particulière devra être apportée
à la promotion des produits auprès de ce public qui refuse d’être étiqueté en tant que
personnes âgées et dont l’âge ressenti est souvent inférieur à l’âge réel, le critère retenu est
50 ans, c’est-à-dire le moment où cet âge est dépassé.
Tout cela implique évidemment une mobilisation très forte de l’entreprise avec une démarche
véritablement transversale entre les équipes de marketing, de développement, de design,
tout cela pour proposer des produits qui soient adaptés, qui correspondent à ce marché
montant. Cette mobilisation est donc indispensable pour la plupart des entreprises qui
doivent au maximum s’interroger sur l’accessibilité de leur offre aux seniors. En effet, les
seniors vont prendre une part de plus en plus importante dans les dépenses de
consommation des années à venir. Aucun secteur de notre économie ne peut donc faire
l’économie de l’intégration à son offre des besoins spécifiques liés au vieillissement sous
peine de pénaliser le développement de ses ventes et nous pouvons regretter à cet égard
que la démarche du design universel soit insuffisamment prise en compte en France, en
particulier par les PME, le design est un vecteur de compétitivité pour nos entreprises.
Dans ce contexte, Mesdames et Messieurs, il était essentiel que le Ministère de l’Industrie
impulse cette dynamique nationale destinée à sensibiliser le monde de l’entreprise et tout
particulièrement les PME à l’importance de ce marché, de ces besoins, de telle sorte que les
entreprises soient incitées à innover non seulement au plan technologique mais aussi dans
des aspects non technologiques pour concevoir, créer, fabriquer, commercialiser des
produits qui soient adaptés à ce marché. Je vous annonce au nom du Ministre que nous
lançons ce jour un appel à projets doté de cinq cent mille euros, appel à projets qui vise à
inciter les entreprises à s’engager dans une démarche d’innovations sur l’usage, sur
l’ergonomie, sur le design, sur la qualité, le marketing, la distribution, pour proposer aux
seniors des produits et des services qui répondent à leurs attentes et à leurs besoins. Il doit
également permettre de favoriser les transferts de bonnes pratiques d’un secteur à un autre
et inciter les industriels à intégrer les outils et les méthodes les plus modernes pour
développer des produits et des services adaptés aux seniors.
Cet appel à projets sera mis en ligne dans quelques jours et les porteurs disposeront
jusqu’au mardi 27 juillet 2010 pour y répondre. Je souhaite qu’il attire de nombreux candidats
car il y a là un enjeu majeur pour les entreprises et pour les seniors. Au-delà de cet appel à
projets, le CREDOC a proposé un certain nombre de recommandations pour les pouvoirs
publics afin de développer une offre française adaptée aux attentes et aux besoins des
seniors et les services du Ministère de l’Industrie étudieront bien entendu avec attention
toutes ces recommandations qui concernent notamment la promotion de la démarche de
design universel ou des outils pour encourager les innovations d’usage.
Ces innovations sont à la fois utiles et importantes pour les seniors qui constituent une
population de plus en plus nombreuse que ce soit en France ou à l’étranger, financièrement
aisée et qui exprime en tout cas des attentes et des besoins spécifiques pour les entreprises
françaises qui peuvent y trouver là un véritable relais de croissance. Il y a là une vraie
opportunité économique, une occasion donc de traiter cette opportunité économique, de
répondre à un véritable besoin de société.
Nous devons collectivement être présents à ce rendez-vous, nous devons savoir apporter
des réponses. Soyez assurés en tout cas de la disponibilité et de l’implication du Ministère
de l’Industrie pour atteindre ces objectifs. Je vous remercie de votre attention.
Fin des débats.
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