Retards au diagnostic et au traitement de la tuberculose pulmonaire

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Retards au diagnostic et au traitement de la tuberculose pulmonaire
INT J TUBERC LUNG DIS 1 (4): 326-332
© 1997 IUATLD
Retards au diagnostic et au traitement de la tuberculose
pulmonaire chez les patients fréquentant un hôpital
d'enseignement universitaire
C. K. Liam, B. G. Tang
Département de Médecine, Hôpital Universitaire, 50603 Kuala Lumpur, Malaisie.
_______________________________________________________________________RESUME
CADRE : L'Hôpital Universitaire de Kuala Lumpur en Malaisie.
OBJECTIF : Examiner les retards liés au patient et au médecin dans le diagnostic et le traitement de la tuberculose pulmonaire chez des patients fréquentant un hôpital d'enseignement de troisième niveau.
SCHEMA : Un ensemble de 97 patients, chez qui la tuberculose pulmonaire avait été nouvellement diagnostiquée
à notre hôpital, ont été interviewés pour étudier le processus de dépistage depuis le début des symptômes. Les
intervalles de temps séparant le début des symptômes, la première consultation médicale, le diagnostic final et le
début du traitement antituberculeux ont été déterminés. Les caractéristiques démographiques et cliniques ont
été évaluées pour leur effet sur ces intervalles.
RESULTATS : L'expectoration positive à l'examen direct dans 36 cas fut négative dans les 61 autres. La tuberculose a été effectivement confirmée dans 32 des cas négatifs à l'examen direct. Les valeurs médianes du retard
patient, du retard médecin et du retard total furent respectivement de 2 semaines, 7 semaines et 12,5 semaines.
La majorité des patients avaient consulté des médecins généralistes privés, mais le diagnostic de tuberculose
n'avait été que rarement suspecté. L'examen radiologique et l'examen des expectorations ont été trop peu utilisés.
CONCLUSIONS : Pour réduire le retard lié au patient, le public devrait être informé au sujet des symptômes de
tuberculose et de l'importance d'une consultation médicale. Les médecins généralistes privés devraient être plus
orientés vers la possibilité du diagnostic d'une tuberculose et référer rapidement les patients aux hôpitaux gouvernementaux pour une investigation appropriée.
MOTS CLE : retard ; diagnostic ; traitement ; tuberculose pulmonaire
DANS UNE MALAISIE se développant rapidement, l'incidence de la tuberculose s'élevait encore
à 58/100 000 en 1995, et 54% étaient des cas de
tuberculose pulmonaire frottis positifs (rapport
annuel 1995 de la Division de Lutte contre la Tuberculose du Ministère de la Santé, Malaisie). Le
risque annuel d'infection était de 0,4% en 1976,
selon l'estimation de la dernière enquête tuberculinique effectuée au niveau national. Le Programme National contre la Tuberculose (PNT) a
été lancé en 1961 et couvre l'ensemble du pays.
Le dépistage et le traitement des cas de tuberculose sont essentiellement effectués par les différents dispensaires de pneumologie des hôpitaux et
des centres de santé du gouvernement qui sont
couverts par le PNT. Le secteur médical privé, en
plus des soins de santé primaire, joue aussi un rôle
important en adressant les cas suspects ou confir-
més de tuberculose à ces établissements de santé
gouvernementaux. Alors que la plupart des cas de
tuberculose sont traités dans le cadre du PNT,
certains cas sont diagnostiqués et traités par les
trois hôpitaux d'enseignement affiliés à l'université dans le pays, qui sont entièrement financés par
le gouvernement mais qui ne sont pas couverts par
le PNT.
Le retard de diagnostic et de traitement de la
tuberculose peut aboutir à une morbidité significative. De plus, les cas non traités de tuberculose
pulmonaire constituent un réservoir important
pour la transmission de la maladie dans la communauté.
Les indices qui reflètent l'empressement au
dépistage des cas de tuberculose de la part des
malades et des services médicaux comprennent le
« retard du patient » et le « retard du médecin ».1-4
Auteur pour correspondence : Dr Chong-Kin Liam, Department of Medicine, University Hospital, Faculty of Medicine, University of Malaya, 50603 Kuala Lumpur, Malaysia. Tel: 603-750 2867. Fax: 603-755 7740.
[Traduction de l'article "Delay in the diagnosis and treatment of pulmonary tuberculosis in patients attending a
university teaching hospital" Int J Tuberc Lung Dis 1997; 1 (4): 326-332.]
2
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
Le premier est défini comme le temps écoulé entre
l'apparition des premiers symptômes de la maladie
et la première visite dans un établissement de
santé, alors que le deuxième est le temps écoulé
entre la première consultation médicale et le début
du traitement antituberculeux. La somme de ces
deux retards constitue le « retard total ». Ces indices sont aussi des indicateurs de la contagiosité
des patients au moment où le traitement est commencé.
En dehors d'un rapport établi par Hooi5 en 1994,
qui examinait le processus de dépistage des cas de
tuberculose pulmonaire chez les malades qui étaient
traités dans l'un des dispensaires de pneumologie
dans le cadre du PNT dans une autre partie du pays,
il n'y a pas d'autre publication récente en ce qui
concerne les retards de diagnostic et de traitement
de la tuberculose en Malaisie. Le but de cette étude
est d'étudier le retard entre l'apparition des symptômes et le moment du diagnostic et du traitement
de la tuberculose pulmonaire chez les malades traités par le département médical d'un hôpital d'enseignement universitaire qui draine une population
essentiellement urbaine.
MATERIEL ET METHODES
Cette étude a été effectuée à l'Hôpital Universitaire, Kuala Lumpur, qui est un hôpital d'enseignement de 880 lits, servant aussi bien de centre
de transfert que d'établissement de soins primaires
pour une population urbaine. Tous les malades
atteints d'une tuberculose pulmonaire nouvellement diagnostiquée au cours d'une période de 15
mois s'étendant de Septembre 1994 à Novembre
1995 ont été interrogés par l'un des deux auteurs
dans la semaine suivant le diagnostic selon un
questionnaire standard. Les informations suivantes ont été recueillies pour chaque malade : 1)
niveau d'éducation ; 2) travail ; 3) symptômes
initiaux de tuberculose pulmonaire comprenant
toux, hémoptysie, fièvre, perte de poids, dyspnée
et douleur thoracique ; 4) date d'apparition du
premier symptôme ; 5) compréhension par le malade de la cause des symptômes avant la consultation médicale ; 6) toute automédication ou remèdes traditionnels non occidentaux avant la consultation médicale ; et 7) la date de la première
consultation médicale. Le malade était aussi interrogé sur le nombre total de médecins consultés,
les établissements de santé auxquels il s'était
adressé, le nombre total de consultations médicales, le diagnostic suspecté et les examens éventuellement effectués, tels qu'une radiographie et
des examens de crachats réalisés dans ces établissements de santé avant de se présenter au département médical de l'Hôpital Universitaire. Ces
établissements de santé comprenaient aussi les départements de notre hôpital, autres que le département médical. Ceux-ci incluaient le département
de soins primaires, l'unité d'accidents et d'urgences et les autres départements non médicaux.
Les informations sur le nombre de médecins
consultés, et le nombre de consultations et d'examens réalisés dans les différents services internes
à l'Hôpital Universitaire étaient confirmées en se
référant aux enregistrements de l'hôpital. Les informations similaires sur les consultations auprès
de praticiens privés et d'autres établissements de
santé gouvernementaux étaient pour la plupart
obtenues seulement grâce aux souvenirs des patients et occasionnellement grâce à des lettres de
transfert lorsqu'elles étaient disponibles. Le retard
entre le moment où le malade se présentait à l'unité médicale et le début du traitement antituberculeux était enregistré.
Le retard du médecin a été calculé selon l'intervalle entre la date de la première consultation
médicale et la date de début du traitement antituberculeux et comprenait le retard dans notre département médical.
Pour les variables de catégorie, le test de χ² a été
utilisé pour évaluer les différences entre les groupes. Pour analyser les variables continues qui
n'étaient pas distribuées normalement, le test de
Mann-Whitney a été utilisé pour examiner les différences entre deux groupes et le test de KruskalWallis a été utilisé pour déterminer si le niveau
d'éducation, le travail, les symptômes initiaux et la
connaissance par les malades de la cause de leurs
symptômes avaient un effet sur le retard du malade.
L'analyse de corrélation de classe de Spearman a
été utilisée pour examiner les effets de l'âge, du
nombre de médecins consultés et du nombre total
de consultations médicales sur le processus de dépistage aussi bien que sur les interrelations entre le
malade, le médecin et le retard total. Les valeurs de
probabilité inférieures à 0,05 étaient considérées
comme statistiquement significatives.
RESULTATS
Caractéristiques générales du patient
Un total de 97 nouveaux patients atteints de tuberculose pulmonaire ont été diagnostiqués et
traités par le département médical pendant la période de l'étude. Il y avait 56 hommes et 41 femmes. Le malade le plus jeune était âgé de 15 ans et
Retards au diagnostic et au traitement de la tuberculose
le plus âgé avait 84 ans. L'âge moyen était de 45
ans (écart interquartile 28 à 58 ans). Quarante
deux patients (43,3%) avait une éducation du
niveau d'école primaire, 29 (29,9%) du niveau
secondaire, huit (8,2%) étaient allés au collège,
quatre (4,1%) étaient diplômés de l'université et
14 (14,4%) n'avaient pas eu d'éducation formelle.
Trente neuf (40,2%) étaient des manœuvres, 18
(18,6%) avaient un travail de col blanc, trois (3%)
étaient des commerçants, 6 (6,2%) étaient des
étudiants, 19 (19,6%) étaient des femmes au foyer
et 12 (12,4%) étaient sans emploi.
Processus de l'installation des symptômes
au diagnostic et au début du traitement
Symptômes initiaux, action du patient et
retard du patient
Les fréquences des symptômes initiaux remarqués
par les patients figurent dans le Tableau 1. La
toux a été rapportée comme étant le premier
symptôme par 61 (62,9%) patients. Deux patients
porteurs d'une adénite cervicale tuberculeuse en
plus de leur tuberculose pulmonaire ont d'abord
remarqué l'augmentation de volume des ganglions
lymphatiques avant d'avoir eu des symptômes
respiratoires. Deux autres patients atteints de tuberculose pulmonaire, un avec atteinte du rachis
cervical et un avec atteinte du rachis dorsal, ont
rapporté des douleurs au niveau du cou et du dos,
respectivement, comme premier symptôme. Trois
patients qui étaient asymptotiques ont été adressés
à notre département pour exploration lorsque leurs
radiographies thoraciques de routine ont montré
des infiltrats pulmonaires.
Avant la première consultation, 44 (47%) des
94 patients qui étaient symptomatiques ne savaient pas à quelle maladie étaient dus leurs
symptômes: 16 (17%) attribuaient leur toux à un
rhume banal, cinq (5%) à de l'asthme, quatre (4%)
au fait de fumer des cigarettes, trois (3%) à un
cancer pulmonaire, trois (3%) à un diabète, deux à
la tuberculose, deux à une pneumonie, un pour
chaque pathologie, respectivement, à la dengue, à
une leucémie, à une entorse cervicale, à un cancer
du sein, à la coqueluche, à un surcroît de travail,
et à un envoûtement, et huit (9%) les écartèrent de
leurs pensées comme étant rien d'inquiétant.
Avant la première consultation médicale, 36 patients admirent soit se traiter eux-mêmes (n = 28),
soit rechercher des remèdes traditionnels non occidentaux (n = 1) ou les deux (n = 7), alors que 58
patients n'avaient rien fait pour soulager leurs
symptômes.
L'intervalle écoulé entre le début des symptô-
3
mes et la première consultation médicale (retard
du patient) était calculé uniquement pour les patients symptomatiques. La valeur médiane du
retard du patient était de 2 semaines (écart interquartile 0 à 4 semaines). Le Tableau 2 montre la
distribution cumulative du retard du patient.
Soixante et un pour cent des patients symptomatiques avaient entrepris une action en recherchant
des soins médicaux dans les 2 semaines qui suivaient et 80% dans le mois suivant le début de
leurs symptômes. Néanmoins, environ 12% des
cas se sont rendus pour la première fois dans une
formation médicale plus de 2 mois après le début
de leurs symptômes. Il n'y avait pas de différence
selon le sexe dans le retard du patient. Il n'existait
pas d'association significative de l'âge du niveau
d'éducation, du travail, des symptômes initiaux
avec le retard du patient.
Les retards médians du patient les plus courts
étaient ceux des malades qui pensaient que leurs
symptômes étaient dus à un cancer du poumon, à
un rhume courant et au diabète; leurs retards médians respectifs (écart) étaient de 1 (0-2), 1,3 (0-6)
et 1,3 (1-2) semaines. Le patient au retard le plus
long pensait qu'il était envoûté et demanda un avis
médical seulement 82 semaines après le début de
ses symptômes. Les deux malades qui attribuèrent
leurs symptômes à la tuberculose avaient des retards respectivement de 4 et 21 semaines. Le
manque de compréhension de la cause de leurs
symptômes par les patients n'affectait pas de façon
significative le délai avant leur première consultation médicale.
Le retard médian du patient de 4 semaines
(écart interquartile 2 à 8 semaines) pour les malades qui se traitaient eux-mêmes et/ou recherchaient des remèdes traditionnels était significativement plus long que le retard médian de 1 semaine (écart interquartile 0 à 3 semaines) pour les
autres (P<0,001).
Tableau 1 Fréquence des symptômes au début
Symptômes
Toux
Fièvre
Hémoptysie
Perte de poids
Dyspnée
Douleur thoracique
Augmentation de volume d'un
ganglion lymphatique cervical
Douleur cervicale
Douleur dorsale
Asymptomatique
Tableau 2 Distribution cumulative du retard du patient pour les malades symptomatiques
Patients (n = 94)
Nombre
%
61
23
8
8
3
3
62,9
23,7
8,2
8,2
3,1
3,1
2
1
1
3
2,1
1,0
1,0
3,1
4
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
% se rendant dans une formation médicale dans le retard de
1 semaines 2 semaines
4 semaines
8 semaines
3 mois
Total (n=94)
44,7
Frottis d'expectoration
Positif (n=36)
36,1
Négatif (n=58)
50
<6 mois
>6 mois
60,6
79,8
88,3
90,4
93,6
100
52,8
65,5
66,7
87,9
80,6
93,1
83,3
94,8
88,9
96,6
100
100
La grande majorité (81,9%) des 94 malades
symptomatiques cherchèrent un avis médical
d'abord auprès d'un praticien généraliste privé
(partie supérieure du Tableau 3), alors que 13
(13,8%) consultèrent des médecins établis dans
des hôpitaux, dont 5 étaient dans le secteur privé.
Délai avant la présentation au département médical de l'Hôpital Universitaire
Les établissements médicaux dans lesquels
s'étaient présentés les patients symptomatiques et
le diagnostic fait ou dit aux patients avant leur
présentation au département médical figurent sont
donnés dans le Tableau 4. Le nombre moyen de
médecins consultés par chaque patient était de 2,5
(écart 1-8) et le nombre moyen de consultations
par patient était de 5 (écart 1-35). Le retard médian avant présentation au département médical
était de 9 semaines (écart interquartile 5-26 semaines). Le type d'établissements médicaux dans
lesquels se sont d'abord rendus les patients en
raison de leurs symptômes n'a pas affecté le retard
avant la présentation du patient au département
médical. Ce retard montrait des corrélations faibles mais significatives avec le nombre de médecins consultés (coefficient de corrélation de
Spearman, rs = 0,28) et avec le nombre de consultations (rs = 0,44).
Seulement 10 (6,2%) sur un total de 161 praticiens généralistes privés consultés par les 94 patients ont suspecté une tuberculose. D'autre part,
la tuberculose a été suspectée par 32 (43,8%) des
73 médecins exerçant à l'hôpital qui ont été
consultés (test de χ², P<0,001). La partie inférieure du Tableau 3 montre les origines du transfert des patients au département médical. Presque
un quart des cas ont été directement adressés au
département médical par les praticiens généralistes privés. Certains patients ont été initialement
adressés par des praticiens privés soit à l'unité
d'urgence soit au département de soins primaires
de l'hôpital avant qu'ils ne soient adressés par ces
services internes à l'hôpital au département médical. Les patients qui s'étaient d'eux-mêmes adressés au département médical bien qu'ils aient
consulté des établissements extérieurs à notre
hôpital constituaient 28,9% des cas.
Selon les souvenirs des patients, des radiographies thoraciques ont été prescrites par 16 (9,9%)
des 161 praticiens généralistes privés consultés.
D'autre part 51 (69,9%) des 73 médecins exerçant
à l'hôpital ont prescrit un examen radiologique du
thorax (test de χ², P<0,001). En ce qui concerne
les malades pour lesquels des radiographies thoraciques ont été effectuées, tous ont été adressés
sans délai à notre département lorsque les radiographies ont révélé des anomalies. Un examen
d'expectoration a été prescrit par seulement deux
(1,2%) praticiens généralistes privés en comparaison à 18 (24,7%) médecins exerçant à l'hôpital
(test de χ², P<0,001). La plupart des dispensaires
des praticiens généralistes ne disposaient pas
d'appareillage de radiologie et, dans le secteur
privé, un examen fiable de l'expectoration pouvait
être réalisé seulement par un nombre limité de
laboratoires. Bien que les praticiens généralistes
privés puissent adresser leurs patients pour examen radiologique ou examen d'expectoration res
Tableau 3 Formations médicales où se sont d'abord rendus
les patients en raison de leurs symptômes, et formations
médicales qui ont adressé le patient au département médical,
Hôpital Universitaire
% des malades
Première formation médicale (Nbre de malades=94)
Cabinet d'un praticien privé
81,9
Hôpital privé
5,3
Unité d'urgence de l'HUKL
5,3
Dispensaire dans l'HUKL
2,1
Département de soins primaires de l'HUKL
1,1
Autres
4,3
Formation de transfert (Nbre de malades=97)
Cabinet d'un praticien privé
Hôpital privé
Unité d'urgence de l'HUKL
Dispensaire dans l'HUKL
Département de soins primaires de l'HUKL
Autres départements de l'HUKL
Autres
Autotransfert
23,7
10,3
12,4
3,1
11,3
7,2
3,1
28,9
HUKL=Hôpital Universitaire, Kuala Lumpur
Tableau 4 Etablissements médicaux où s'étaient adressés les patients symptomatiques (n=94) et diagnostic fait par des médecins
avant la présentation au département médical
Retards au diagnostic et au traitement de la tuberculose
Etablissement médical
Cabinet de praticien privé
Dispensaire privé
Dispensaire d'hôpital du
gouvernement
Unité d'urgence de l'HUKL
Cabinet du personnel
hospitalier à l'HUKL
Département de soins
primaires de l'HUKL
Autres départements de l'HUKL
5
____________________Diagnostic __________________________________
Nombre
de médecins
Autre
Maladie
consultés dans
Tuberculose
maladie
non
ces formations
suspectée
respiratoire
respiratoire
Inconnu
161
24
10
4
28
9
19
4
104
7
6
16
2
9
0
7
0
0
4
0
3
0
3
0
0
16
8
9
8
7
0
0
0
0
0
HUKL = Hôpital Universitaire, Kuala Lumpur.
pectivement à des centres de radiologie privés ou
des laboratoires privés, de tels examens seraient
coûteux pour les patients.
Etablissement du diagnostic de tuberculose dans
le département médical
Le diagnostic de tuberculose a été confirmé dans
68 (70,1%) cas. Trente-six patients (37,1%)
avaient une expectoration positive au frottis pour
les bacilles acido-alcoolo-résistants et une expectoration positive en culture pour Mycobacterium
tuberculosis. Le Tableau 5 résume la distribution
des cas à expectoration frottis positifs et frottis
négatifs et les méthodes de confirmation du diagnostic chez les cas frottis négatifs. La proportion
(20/36) de radiographies thoraciques montrant des
lésions cavitaires chez des cas à expectoration
frottis positifs n'était pas significativement différente de celle (33/61) des cas frottis négatifs. Les
trois patients asymptomatiques étaient frottis négatifs; le diagnostic fut confirmé chez deux d'entre
eux par biopsie pulmonaire et chez un autre par
lavages bronchiques positifs au frottis et en
culture. Les 29 cas sans confirmation bactériologique ou histologique du diagnostic eurent tous
des réponses cliniques et radiologiques au traitement antituberculeux.
Le processus de dépistage des cas de tuberculose est résumé dans le Tableau 6. Bien que le
retard moyen du patient de 2 semaines (écart interquartile 1 à 8 semaines) pour les cas à expectoration frottis positifs soit plus long que le retard
moyen de 1,5 semaines (écart interquartile 0 à 4
semaines) pour les cas frottis négatifs, cette différence n'était pas statistiquement significative
(P=0,053).
Tableau 6
Retard du médecin et retard total dans le dépistage des cas de tuberculose
Le retard médian du médecin pour l'ensemble des
97 cas était de 7 semaines (écart interquartile 3-17
semaines). Il n'y avait pas de relation entre le retard du patient et le retard du médecin. En dehors
d'une patiente qui fut mise sous traitement par un
médecin d'un hôpital privé une semaine avant
qu'elle ne se présente dans notre département, la
chimiothérapie antituberculeuse fut commencée
pour tous les patients dans le département médical. Le retard médian dans le département médical
entre la présentation du patient et le début du traitement antituberculeux était de 7 jours (écart interquartile 3-13 jours). Le retard dans notre département n'était pas affecté de façon significative
par le délai avant la présentation
Tableau 5
Confirmation du diagnostic de tuberculose
Confirmation bactériologique
ou histologique
Nombre de
patients
%
Expectoration frottis positifs*
Expectoration frottis négatifs
Lavage bronchique frottis positif*
Lavage broncho-alvéolaire positif
en PCR pour M. tuberculosis
36
61
7
37,1
62,9
7,2
6
6,2
Granulomes caséeux dans les échantillons de biopsie BAR
positifs/négatifs
Biopsie bronchique
4
4,1
Biopsie pulmonaire
9
9,3
Biopsie pleurale
4
4,1
Biopsie rétropharyngée
1
1,0
Biopsie de ganglion lymphatique
1
1,0
Aucune
29
30,0
* Tous les cas frottis positifs étaient aussi positifs en culture
pour M. tuberculosis.
PCR = réaction polymerase en chaîne ; BAAR = bacilles acido-alcoolo-résistants.
Résumé du processus de dépistage des cas de tuberculose
Retard médian
Retard médian dans
Retard médian
Retard médian
6
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
du patient*
(semaines)
Tous les cas (n=97)
Frottis d'expectoration
Positif (n=36)
Négatif (n=61)
TB confirmée (n=68)
TB probable (n=29)
du médecin
(semaines)
total
(semaines)
2
le département
de médecine
(jours)
7
7
12,5
2
1,5
2
2
3,5+
9+
7
5
+
8+
7
7
13
12
12,5
11
* Basé sur 94 patients symptomatiques, 36 à expectoration positive au frottis, 58 à expectoration frottis négatifs; 65
cas de TB confirmée et 29 cas de TB probable.
du patient. Le retard médian de 3,5 jours (écart
interquartile 1-7,5 jours) dans notre département
pour les cas à expectoration frottis positifs était
néanmoins plus court qu'un retard médian de 9
jours (écart interquartile 5-14 jours) pour les cas
frottis négatifs (P=0,001). Le retard médian global
du médecin de 4 semaines (écart interquartile 2-11
semaines) pour les cas frottis positifs était significativement plus court qu'un retard médian du médecin
de 8 semaines (écart interquartile 5-19 semaines)
pour les cas frottis négatifs (P<0,05).
Pour les cas à expectoration frottis négatifs, un
retard médian de 14 jours (écart interquartile 7-23
jours) dans notre département avant le début du
traitement pour les cas qui étaient confirmés par la
bactériologie ou l'histologie était significativement plus long qu'un retard médian de 5 jours
(écart interquartile 2 à 9 jours) pour les cas chez
lesquels le diagnostic n'était pas confirmé
(P<0,001). Néanmoins, une comparaison des retards du patient, du médecin, et du retard total
dans tous les cas de tuberculose confirmée et dans
ceux avec une tuberculose probable sans confirmation bactériologique ou histologique n'a pas
montré de différence significative entre les retards
des deux groupes (Tableau 6).
La valeur médiane du retard total (retard du
patient plus retard du médecin) pour l'ensemble des
97 cas était de 12,5 semaines (écart interquartile 626 semaines). La distribution cumulative du retard
total est illustrée dans le Tableau 7. Seulement 17%
des patients furent traités dans les 4 semaines, 36%
dans les 8 semaines, 53% dans les 3 mois et
Tableau 7
75% dans les 6 mois à partir du début de leur maladie. Il n'y avait pas de différence significative pour
le retard total selon le statut bactériologique de
l'expectoration au moment du diagnostic et au début du traite-ment. Le retard total montrait des corrélations positives significatives avec le retard du
patient (rs=0,39), le nombre de médecins consultés
avant la présentation au département médical
(rs=0,27), le nombre de telles consultations
(rs=0,43) et le retard du médecin (rs=0,71).
DISCUSSION
Dans cette étude sur le processus de dépistage des
patients atteints de tuberculose pulmonaire qui
étaient traités dans un hôpital universitaire d'enseignement d'un pays en développement, la valeur
médiane du retard du patient de semaines se compare favorablement à un retard médian du patient
de 1,8 mois en Corée et 17 jours au Japon.2 Ceci
peut être dû au fait que la population en grande
partie urbaine de l'étude à Kuala Lumpur avait
plus facilement accès aux formations de santé.
La plupart des patients (80%) ont demandé un
avis médical dans le mois qui a suivi le début de
leurs symptômes mais plus de 10% des patients
ont laissé s'écouler plus de 2 mois. Bien que la
toux et la fièvre aient été des symptômes courants
au début, celles-ci n'ont pas incité certains des
malades à rechercher précocement un traitement
médical. La majorité des patients n'étaient pas
conscients que leurs symptômes pouvaient être
des manifestations d'une maladie grave. La
confiance des patients dans l’automédication et
Distribution cumulative du retard total
% diagnostiqués et traités après le début dans le retard de
1 semaine
2 semaines 4 semaines 8 semaines 3 mois
4,1
7,2
16,5
36,1
52,6
Total (n=97)
Frottis d'expectoration
Positif (n=36)
5,6
Négatif (n=61)
3,3
5,6
8,2
22,2
13,1
les remèdes traditionnels a abouti à un retard significatif dans la recherche d'un avis médical.
38,9
34,4
50,0
54,1
6 mois
75,3
1 an
93,8
>1 an
100
72,2
77,0
91,7
96,7
100
100
Pour raccourcir le retard du patient, il devrait y
avoir des campagnes d'éducation sanitaire pour
informer le public sur les symptômes précoces de
Retards au diagnostic et au traitement de la tuberculose
la tuberculose et l'importance d'une consultation
médicale précoce.
Dans le département médical, les tentatives de
confirmation du diagnostic chez les malades à
frottis d'expectoration négatifs par des procédures
bronchoscopiques et de biopsie de tissu avant
d'instituer un traitement antituberculeux ont abouti
à des retards de diagnostic significatifs. Pour la
même raison, le retard médian dans le départe
ment médical était plus long pour les sujets porteurs d'une tuberculose confirmée que pour les cas
traités de façon empirique, bien que cette différence ne soit pas statistiquement significative.
Certains auteurs préfèrent le début précoce d'un
traitement empirique pour les patients chez lesquels on suspecte une tuberculose pulmonaire
active.6,7 Notre approche, qui est d'essayer de
confirmer le diagnostic autant que possible à
moins que le patient ne soit gravement malade et
que la suspicion de tuberculose ne soit très forte,
diminuerait le nombre de patients qui peuvent être
traités à tort pour la tuberculose.
Notre résultat d'un retard total médian de 12
semaines dans le dépistage pour nos patients est
similaire à celui d'une étude antérieure effectuée
par Hooi,5 qui a rapporté un retard total médian de
3 mois pour les patients atteints de tuberculose
pulmonaire traités dans l'un des dispensaires de
pneumologie dans le cadre du PNT. La longueur
de ce retard dans le dépistage des cas de tuberculose en Malaisie est, cependant, beaucoup plus
long que celui de 7 à 8 semaines rapportés dans
des pays plus développés.2,3,8 Il n'a pas été établi
de période 'acceptable' entre l'apparition des
symptômes et le début du traitement pour tuberculose. Certains auteurs8 estiment que la tuberculose
doit être diagnostiquée et traitée dans les 30 jours
à compter de l'apparition des symptômes, alors
que d'autres2 ont considéré comme souhaitable
une période inférieure à 2 mois. Alors que l'implication de la santé publique peut ne pas être importante en raison des longues périodes de délai entre
l'apparition des symptômes et le début du traitement pour tuberculose pulmonaire frottis négatifs,
on ne peut pas dire la même chose pour les cas
frottis positifs. Il est très préoccupant que près de
80% de nos cas frottis positifs n'aient pas encore
été traités à un mois et 60% à 2 mois à partir de
l'apparition de leurs symptômes.
La valeur médiane du retard du médecin dans
cette étude était de 5 semaines supérieure à celle
du retard du patient. D'autres études ont montré de
façon similaire que les retards dus aux prestataires
de soins étaient supérieurs aux retards du pa-
7
tient.2,4 Une valeur médiane du retard du médecin
à 7 semaines est longue par rapport à une valeur
d'un mois au Japon2 et 2 semaines en Corée.3 La
présente étude montre que le faible niveau de
suspicion clinique de tuberculose de la part des
praticiens généralistes et leur incapacité à entreprendre une action rapide pour soit ordonner des
investigations adaptées soit adresser le patient aux
hôpitaux gouvernementaux, ont contribué en majeure partie au retard du médecin. Les patients ont
souvent dû retourner voir les mêmes médecins ou
demander l'avis d'autres médecins en raison de la
persistance de leurs symptômes. Il n'est pas surprenant que le retard total était affecté de façon
négative par le nombre de médecins consultés et
le nombre de consultations avant le transfert à
notre hôpital.
La radiographie thoracique et les examens de
frottis d'expectoration sont des investigations essentielles lorsque l'on suspecte une tuberculose.
Dans cette étude, et dans le rapport de Hooi,5 il y
avait peu de chances pour que les patients qui ont
d'abord consulté des praticiens généralistes bénéficient d'investigations telles que la radio-graphie
thoracique et l'examen d'expectoration. Des études
effectuées dans d'autres pays ont rapporté de façon similaire une sous-utilisation des examens
d'expectoration par les médecins privés.9-11 Une
étude antérieure a montré que le retard du médecin est raccourci lorsque les patients subissent un
examen radiologique.2 Dans la présente étude, les
patients qui ont subi un examen radiologique nous
ont été adressés sans plus de délai lorsque les
radiographies ont révélé des anomalies. Une des
raisons pour lesquelles seulement un petit pourcentage de praticiens généralistes ont prescrit un
examen radiologique du thorax était leur incapacité à envisager une tuberculose malgré les symptômes des patients et la forte prévalence de la
maladie dans ce pays. Ceci a été confirmé par les
résultats qui ont montré que seulement 6,2% des
praticiens généralistes consultés avaient dit aux
patients qu'ils pouvaient souffrir de tuberculose en
comparaison à un pourcentage significativement
plus élevé de 43,8% de médecins exerçant à l'hôpital. Cette insuffisance des praticiens généralistes
pourrait être due à leur faible niveau de conscience de la maladie et à leurs mauvaises qualités
diagnostiques. Il faut admettre, néanmoins, que
les informations pour savoir si on avait dit au
patient qu'on suspectait une tuberculose ou non
dépendaient entièrement dans la plupart des cas
des souvenirs des patients, et que le pourcentage
réel de praticiens généralistes qui envisageaient le
8
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
diagnostic de tuberculose pourrait avoir été plus
élevé.
La grande majorité des cabinets des praticiens
généralistes privés ne disposent pas d'installations
de radiologie. Réaliser une radio du thorax dans
des centres de radiologie privés ferait encourir des
frais supplémentaires aux malades tuberculeux qui
sont souvent pauvres. Il est bon de mentionner
que la raison pour laquelle la tuberculose était
suspectée par un pourcentage plus élevé de médecins exerçant à l'hôpital pourrait avoir été due au
fait que la disponibilité d'installations de radiologie dans tous les hôpitaux gouvernementaux et
privés aurait permis à tous ces médecins de faire
un diagnostic de présomption de la tuberculose
après avoir vu les clichés.
Dans le secteur privé de Malaisie, des examens
d'expectoration fiables sont disponibles seulement
dans un nombre limité de laboratoires, et la procédure est coûteuse.
Pour les raisons ci-dessus, les médecins du secteur privé qui n'ont pas d'accès aisé aux installations
radiologiques et aux examens d'expectoration doivent rapidement adresser les patients suspects de
tuberculose aux dispensaires de pneumologie du
gouvernement ou aux hôpitaux d'enseignement,
selon ce qui est le plus accessible pour les patients,
pour des examens complémentaires. La recherche
et le traitement des maladies contagieuses, y compris la tuberculose, sont gratuites dans de tels établissements médicaux gouvernementaux.
Il est impératif que les médecins soient plus
vigilants quant à la possibilité d'existence d'une
tuberculose pulmonaire chez les patients présentant
des symptômes respiratoires de façon à ce qu'elle
soit diagnostiquée et traitée rapidement pour diminuer la morbidité du patient aussi bien que pour
limiter sa dissémination dans la communauté. Des
efforts doivent être faits pour améliorer les compétences diagnostiques, et la conscience du problème
de la tuberculose de tous les médecins, en particulier des praticiens généralistes, puisque la plupart
des patients recherchent un traitement d'abord auprès d'eux. L'éducation sur les aspects cliniques et
de santé publique de la tuberculose doit être intensifiée aux niveaux des étudiants et post-universitaire
dans les écoles médicales. Il doit aussi y avoir une
formation médicale continue sur la tuberculose sous
forme de cours, de conférences ou de séminaires
organisés par les corps professionnels et les associations impliqués dans le traitement et la prévention de la tuberculose, avec contribution des compétences du programme national contre la tuberculose. Des publications régulières sur la tuberculose
dans la presse écrite, telle que les journaux et bulletins professionnels, peuvent servir de rappel aux
médecins exerçant.
Les résultats de cette étude et les mesures correctives ci-dessus pour raccourcir à la fois le retard du patient et le retard du médecin peuvent
être applicables dans de nombreux pays ayant les
mêmes contextes socio-économique et culturel
que les nôtres, ainsi qu'un système de prestation
de soins similaire.
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