THÉÂTRE Le chorégraphe des épées

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THÉÂTRE Le chorégraphe des épées
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Le chorégraphe des épées
Maître Jacques Cappelle met en scène des combats pour le théâtre depuis
trente-deux ans. A l’occasion du spectacle Le Bossu, à Villers-la-Ville, il nous
parle avec enthousiasme des bases et des risques de son métier.
L
n’est pas qu’un professionnel du « faire semblant ». Il
a obtenu le diplôme officiel
de Moniteur sportif aux
trois armes, fleuret, épée et
sabre. « Je voulais devenir
Maître d’armes en escrime
sportive pour prouver que
je ne suis pas un usurpateur », lance-t-il. Un titre
qu’il a gagné haut la main
en suivant les enseignements du Maître GuyClaude Piedfer, au cercle
instinctivement et apprécie ». Le Maître d’armes
avoue aimer avant tout
« chorégraphier avec des
épées, raconter des histoires et diriger les acteurs
dans la qualité de la gestuelle. Le conflit armé,
physique, cela se raconte
aussi. C’est ça, mon
travail ! »
Sa dernière mise en scène de combats est celle du
Bossu, d’après l’œuvre de
PG
e cliquetis des
armes. Des capes
qui volent au
vent. De vilains
traîtres qui ne
l’emporteront pas au final
face à la détermination et à
l’astuce du gentil... Beaucoup d’enfants sont séduits par les films et les
romans de cape et d’épée.
Mais peu en font, comme
Maître Jacques Cappelle,
un métier. Escrimeur dès
Le Maître
d’armes Jacques
Cappelle:
«Au théâtre,
les combats
doivent être
réalistes et non
réels. On fait
du faux qui
fait plus vrai
que le vrai.»
ses 10 ans et comédien de
formation, il a très vite
commencé à orchestrer
des combats. Depuis un
premier Macbeth, au
théâtre des Galeries, à
Bruxelles, en 1976, il a désormais 120 spectacles à
son actif. Comme il le dit
lui-même : « Duel rime
avec Cappelle ! »
Il partage très volontiers
sa passion : cela fait vingtneuf ans qu’il donne cours
à l’Institut des arts de diffusion (IAD), à Louvainla-Neuve. Il enseigne également au Conservatoire
royal de Bruxelles. Mais il
78 ● LE VIF/L’EXPRESS 18/7/2008
d’escrime de la Grande
Harmonie, à Bruxelles.
La différence entre l’escrime sportive et l’escrime
artistique ? « La même
qu’entre la vie et le théâtre,
explique Cappelle. L’escrime artistique, c’est la reproduction de la réalité,
comme le théâtre est le reflet de la vie. Il faut donner
l’illusion aux spectateurs,
on joue avec des gestes sublimés. » En escrime sportive, le public peut se
sentir dépassé s’il n’arrive
pas à suivre les assauts. Sur
scène, « deux corps se parlent. Le public comprend
Paul Féval, adaptée par
Eric-Emmanuel Schmitt et
mise en scène par Pascal
Racan. La pièce se joue
dans les décors somptueux
des ruines de l’Abbaye de
Villers-la-Ville. Cappelle
reconnaît volontiers que
« Le Bossu, c’est lourd. Les
combats sont physiquement plus durs en plein air,
à cause de la distance. Tout
prend des proportions
plus grandes ». Il participe
au choix des acteurs. En
effet, le délai des spectacles est tel – un mois seulement pour cette dernière
pièce – qu’il n’a pas le
temps d’enseigner l’escrime de A à Z aux comédiens. Ceux-ci doivent au
préalable avoir suivi une
formation.
« La fameuse botte de Nevers dont Lagardère fait
usage pour occire ses ennemis est archi-simple. Il
faut la compliquer, tout en
restant plausible au plan
du combat. » Ce geste fatal,
qui touche l’adversaire en
plein front, tout l’art est de
le rendre le plus réel possible. « Une règle, préciset-il : on doit éviter le visage
et ne pas lui passer devant.
Il ne faut pas oublier que
c’est dangereux, nous
jouons avec des épées sans
protection. » Lui-même
plusieurs fois touché au visage, il a contracté une assurance spécifique. Il garde
constamment à l’esprit les
risques du métier. Auxquels s’ajoutent les impondérables. Deux jours après
la première, Philippe Résimont, qui joue le chevalier
de Lagardère, s’est luxé le
coude et abîmé le genou en
chutant en coulisses. Le
spectacle a été arrêté. Michelangelo Marchese, qui
jouait Gonzague, reprend
son rôle. Celui de Gonzague est donné à Pascal
Racan. Ils n’ont que trois
jours pour s’entraîner et
être prêts. Notre chorégraphe escrimeur va les y
aider...
Maître Cappelle ne boude pas son plaisir à en
donner : « Le public de Villers-la-Ville est en vacances, détendu. Il a hué
les “ méchants ” lors du salut des acteurs. Ce sont de
grands enfants. » Qui n’oublient pas, comme lui, que
cela reste un jeu. ●
Claude Carroué
Le Bossu, jusqu’au 9 août, à
Villers-la-Ville. Tél. : 070.224.304 ;
www.deldiffusion.be.