Comme on pisse au bord de l`autoroute

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Comme on pisse au bord de l`autoroute
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10 au 17 septembre 2014 - N° 723
La page qui ose
BIEN AU CONTRAIRE,
Quentin Mouron réagit au thème proposé
par Le Régional:
Comme on pisse
au bord de l’autoroute
D
ans le cauchemar de «l’écriture pour tous» faire œuvre de critique, s’essayer à l’analyse, n’est pas
qui prend forme sous nos yeux, la littéra- seulement difficile, c’est encore fortement déconseillé,
ture n’est plus une vocatenu en suspicion: voilà qui risque
tion, un sacerdoce ou, pour
de l’assigner dans la case des groparler plus démystifié, plus
gnons, des aristos, des fascistes.
contemporain, un «engage«Ne critiquez pas, lui hurle-t-on, si
ment sur le long terme». Ce
ça ne vous intéresse pas, n’achetez
n’est plus un art – avec ce que cela implique
pas, c’est tout!». Et le lecteur, en
de recherche, de travail, de réflexion,
effet, se tait et n’achète pas. Il se
L’art appartient désorde sérieux. Seulement le proloncontente de passer son chemin. Il
gement plus ou moins ludique, mais à tout le monde.
s’arrête au bistro, commande trois
plus ou moins thérapeutique de Partant, il n’intéresse
décis de blanc et songe qu’il n’a
nos existences idiotes, malades,
aucun besoin de ces milliers de
le délassement d’un après-midi dans plus personne.
romans écrits comme on pisse au
le jardin tandis que les mômes dorbord de l’autoroute : avec le même
ment. Chacun explore son moi, ses cavités
naturel, la même décomplexion –
intimes, ses frémissements imperceptibles,
et le coup d’œil que l’on jette aux
puis en tire quelques pages, les ordonne en chapitres, et autres automobilistes, qui signifie en somme: «Où est le
c’est fait: nous voilà écrivain.
mal, puisque tout le monde le fait?». L’art, comme le vouPour le lecteur, tailler des tranches dans l’avalanche de lait Joseph Beuys, appartient désormais à tout le monde.
romans qui ne laisse pas de le submerger chaque automne, Partant, il n’intéresse plus personne.
Dano
Plus de 600 livres en français
pour la rentrée littéraire: à
croire qu’il est plus jouissif d’écrire que de lire…
par Quentin Mouron, écrivain, invité de la rédaction
MOTUS ET BOUCHE DÉCOUSUE,
par Nina Brissot
Vous trompez ???
Dano
F
ini les «Ciel mon mari», les placards encombrés draps accueillants. Une photo du lieu, sa disponibilité,
ou les sans culotte sur le balcon. Finies les his- son prix et l’adresse, l’affaire est jouée. Les Roucouleurs
toires abracadabrantes du copain Marcel qui n’ont plus qu’à s’y retrouver le plus anonymement posinvite opportunément à boire un
sible. La chose étant devenue courante et
coup et d’où l’on ne peut rentrer
demandée, les sites se multiplient. Cerqu’au milieu de la nuit. Fini le
tains recensent déjà plusieurs dizaines
patron qui fait filer son employé
de milliers de Romands… D’ici à tomen mission le week-end. Et surtout, adieu
ber sur son conjoint puisque certains
les motels, hôtels de passe et autres lieux
proposent aussi la fourniture au cas
La partie de
où quelqu’un repère votre voiture ou pire
où elle manquerait, il n’y a qu’un pas!
encore, où vous croisez la meilleure amie
Et oui! C’est facile et pratique mais
jambes en l’air
de madame en compagnie d’un Jules déjà
lassant. Manque le piment de l’invens’improvise
vu quelque part. L’adultère se simplifie
tion, des mensonges, de l’adrénaline qui
sans risque
largement.
monte au risque d’être découverts, la comAujourd’hui, tromper est simple. Il suffit
plicité des amis qui couvrent les frasques.
sur l’androïd.
d’avoir un portable et dès que son amant
Manque ce semblant de culpabilité rendant
ou sa maîtresse peut se libérer, on tape sur
ensuite le coupable tout chose et gentil.
un site adéquat. S’affiche alors, dans une
La partie de jambes en l’air s’improproximité immédiate puisque vous êtes localisé, la liste vise sans risque sur l’androïd. Que pourrait en
des complaisants qui, contre espèces sonnantes et trébu- penser Feydeau? On l’entend dire: «Ciel, mon
chantes, vous sous-loueront leur chambre à coucher aux bailleur»…
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