A la Gloire du Grand Architecte de l`Univers RITE

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A la Gloire du Grand Architecte de l`Univers RITE
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A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers
RITE ECOSSAIS ANCIEN ET ACCEPTE
Ordo ab Chao
sous les Auspices du Suprême Conseil de France
Loge de Perfection N° 573 : LE PARTHENON
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RETROUVER LA PAROLE PERDUE
EST-CE NÉCESSAIRE
A L’APPROCHE DE LA VÉRITÉ ?
Colonne gravée le 29 juin 6009
par Philippe L:.
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Le point fondamental d’une légende, annoncé comme tel par le
TFPM au récipiendaire dès son introduction dans le temple et qui lui est
dévoilé à la suite des quatre voyages rituels, est « que l’idéal de la FrancMaçonnerie est l’accomplissement du Devoir porté jusqu’au sacrifice ».
Or, après qu’il ait été « créé, institué et reçu Maçon », l’Orateur lui
précise que « notre Devoir, c’est la quête de la Parole perdue ».
La mission du Maçon est ainsi clairement définie et il ne nous
resterait plus qu’à tenter de comprendre ce que représente cette « Parole
perdue » si le rituel ne compliquait les choses en associant parfois, mais
pas toujours, « la Vérité et la Parole perdue ».
Ainsi, après les voyages rituels, à la question: « Qui voyage ainsi avec
vous, Maître des Cérémonies ? », celui-ci répond : « Des Vénérables
Maîtres qui cherchent la Parole perdue ».
Alors que, dans l’attente de l’investiture de Maçon, à la question du
TFPM : « Que cherchiez-vous dans vos voyages ? », le même Maître des
Cérémonies répond : « La Vérité et la Parole perdue », formulation
d’ailleurs reprise dans le rituel d’ouverture des travaux.
Cette différence est-elle chargée de sens ou ne s’agit-il que
d’une approximation du langage ou bien d’un ajout lors d’une modification
ultérieure d’un rituel originel ?
A-t-on sacrifié à une mode lexicale qui promouvait le mot « vérité » ? A-til été jugé nécessaire d’orienter ainsi la réflexion sur la Parole perdue ?
Quoiqu’il en soit, rien ne paraît justifier de
distinguer la Parole perdue de la Vérité comme s’il
s’agissait de deux notions indépendantes l’une de
l’autre car leur intime relation est une évidence.
Cependant, il est difficile de préciser la nature de leur
rapport : est-il symétrique ou hiérarchique ? Autrement
dit, Vérité et Parole perdue sont-elles deux aspects
équivalents d’une même réalité ou bien l’une d’elles
exprime-t-elle un point de vue ou un état de
connaissance supérieur à celui figuré par l’autre ?
Conclure sur ce point demande un décryptage soigneux du texte.
D’une part, le rituel appelle à « trouver la Vraie Lumière (qu’il
identifie à la Vérité) et la Parole perdue » sans que l’on sache si la
connaissance de la Vérité est la condition nécessaire pour découvrir la
Parole perdue ou si celle-ci est retrouvée dès lors que l’on atteint la
Vérité, ce qui serait d’ailleurs contradictoire avec le fait que « la Vérité
absolue est inaccessible à l’esprit humain qui s’en approche sans cesse
mais ne l’atteint jamais », alors qu’un autre paragraphe précise que
« nous devons inlassablement rechercher la Vraie Parole jusqu’à ce qu’elle
soit retrouvée », ce qui sous-entend que c’est là une chose possible.
Mais, d’autre part, le même rituel affirme au nouveau Maçon
qu’il a « encore bien des degrés à gravir avant d’approcher de la Vraie
Lumière et de découvrir la Parole connue des anciens initiés », ce qui
signifie qu’en découvrant la Parole perdue, il ne fera qu’approcher de la
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Vraie Lumière, c'est-à-dire de la Vérité qui, conformément à ce qui a été
dit plus haut, ne peut être atteinte.
Ainsi la représentation la plus adéquate est que la Vérité est
révélée par la Parole qui la contient et l’exprime, la première étant à
l’intérieur de la seconde, dans un rapport de hiérarchie concentrique en
quelque sorte.
Ce que le manuel d’instruction du Maçon confirme en précisant
que « les anciens initiés, tel Saint Jean, s’étaient approchés de la Vérité
en la faisant résider dans le “Logos”, le “Verbe”, la “Parole de Vie” qui
était la “Lumière des hommes” et que les “ténèbres” ont obscurcie et
perdue ».
Là est la justification du sujet proposé par notre TFPM ainsi que
la réponse à la question qu’il pose.
La Vérité est la pointe ultime, le cœur de la Parole perdue, une asymptote
qui n’est accessible qu’à l’infini et donc hors de portée de nos facultés
individuelles.
Retrouver la Parole perdue est par conséquent une étape nécessaire à ce
qui ne sera jamais pour nous que l’approche de la Vérité puisqu’elle en est
le contenant, comme un écrin recélant le diamant le plus pur qui demeure
actuellement inaccessible pour nous.
Afin de conforter cette interprétation, il nous faut maintenant
expliciter ce que sont Vérité et Parole perdue dans la perspective de
l’initiation.
La vérité est un de ces grands mots, comme, par exemple, la
liberté, la fraternité, le devoir, qu’il est commode d’utiliser mais difficile de
comprendre, d’autant plus que l’usage profane, en les dépouillant de leur
signification authentique, les prive de légitimité sur le plan initiatique.
La vérité est généralement perçue comme la conformité entre
un objet et la manière dont il est pris en compte par un sujet : si l’on
compare ce qui est pensé avec ce qui est dit, il s’agit de sincérité ; si l’on
considère la constatation d’un fait et sa description, il s’agit de la véracité
d’un témoignage ; si l’on observe un phénomène expérimental et son
explication, il s’agit d’une vérité scientifique nécessairement temporaire.
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Mais toutes ces vérités relatives ne sont que des réfractions lointaines,
tout au plus des symboles, de La Vérité dont le rituel nous ordonne de
« ne pas en profaner le mot en l’accordant aux conceptions humaines ».
Etymologiquement, le mot « vérité » remonte à la racine indoeuropéenne wer qui évoque l’idée de ce à quoi l’on peut croire, ce qui est
réel, c'est-à-dire ce qui est au-delà des apparences, caché derrière le
voile du monde sensible dans le domaine de l’intelligible, ce qui est la
Réalité, permanente et absolue, car ayant en soi-même sa raison
suffisante et ne dépendant de rien puisqu’étant la Cause première de tout
ce qui est.
Ainsi conçue comme Unique et Absolue, la Vérité n’est pas autre
chose que le Principe Suprême dont la perfection s’exprime dans le
Cosmos ordonné par le Grand Architecte de l’Univers.
Le troisième degré, qui ouvre le cycle salomonien par la légende
du meurtre d’Hiram, ne mentionne pas la Parole perdue.
Lors de l’ouverture des travaux, à la question du TVM : « Qu’est-ce qui a
été perdu ? », il est répondu : « Les Secrets véritables du Maître Maçon ».
Au cours de la fermeture des travaux, à la question du TVM : « d’où
venez-vous ? », celui-ci répond : « De l’Occident, où nous avons cherché
les Mots véritables du Maître Maçon ».
« Les avez-vous retrouvés? » poursuit le TVM. « Non pas, TVM, mais nous
vous apportons les Mots substitués, que nous désirons soumettre à votre
approbation. »
Ainsi, les Secrets véritables sont-ils occultés dans des Mots qui, devenus
introuvables, sont eux-mêmes remplacés par des Mots substitués. On
mesure à cette aune la distance qui nous sépare du but et on comprend
mieux les réserves faites par le TFPM à l’occasion des voyages des
récipiendaires : « Vous ne prendrez pas les mots pour des idées », « Ne
vous payez pas de mots ».
C’est parce que le Mot des Maîtres était la marque de
reconnaissance permettant l’accès à la Chambre du Milieu que, pour
l’obtenir, les mauvais Compagnons ont assassiné Hiram et c’est par
précaution qu’un mot de substitution a été ensuite choisi. Mais la mort
d’Hiram ne pouvait entraîner la perte de ce vocable que toute une classe
professionnelle connaissait.
En revanche, son décès nous prive irrémédiablement « du secret de
l’œuvre en cours d’exécution, car lui seul le possédait ».
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Puisque le Temple est à l’image de l’Univers, si l’on se rappelle qu’après le
cinquième voyage, glorifiant le Travail, du futur Compagnon, il est dit
« que notre effort concourt à la réalisation de l’ordre cosmique » et
« qu’en travaillant, nous coopérons à l’exécution du Grand Œuvre selon le
Plan du Grand Architecte de l’Univers », nous comprenons que ces secrets
ne sont pas qu’une banale protection corporatiste mais qu’ils nous invitent
à nous sentir comme une partie du Grand Tout et à nous identifier à tout
ce qui vit, nous offrant ainsi, avec la possibilité d’une réintégration dans
l’unité primordiale, le bonheur de goûter l’harmonie originelle.
Que la Parole soit perdue ne peut nous surprendre car toute
tradition authentique évoque une perte, survenue dans un lointain passé,
et qui prive l’humanité présente de quelque chose d’essentiel.
Que cela soit un objet, un breuvage, un pays, la connaissance d’une
langue ou la prononciation d’un nom, il s’agit toujours de signifier
l’obscuration spirituelle inhérente au déroulement d’un cycle de
manifestation qui éloigne inéluctablement les hommes de leur état
primordial et leur ôte la conscience de leur origine en les plaçant dans une
situation d’exil dont certains tentent de se libérer en entrant dans une
voie initiatique.
Quant au choix de la Parole comme objet perdu à retrouver, cela n’est pas
sans signification et plusieurs raisons le justifient.
Tout d’abord, la place éminente occupée par la parole dans
l’économie mentale de l’homme dont les instances psychiques paraissent
se structurer en synergie avec l’acquisition du langage, tant il est vrai que
deux facultés spécifiquement humaines : celle de mettre sa pulsion en
latence et celle de nommer l’objet de cette pulsion, sont intimement liées.
Distinguant le plus nettement l’homme de l’animal, la capacité
de verbaliser permet d’accéder au monde du signe et, en conséquence,
elle autorise la communication ainsi que l’édification d’une représentation
cohérente de l’univers mais également la découverte
et l’affirmation de son identité.
Exister dans le discours d’autrui, signifier quelque
chose pour les autres, être reconnu et entendu,
affermit la conscience de soi ; de même que se
nommer soi-même, c’est véritablement manifester
son autonomie.
La parole intérieure, silencieuse mais
mentalement perceptible, assure une présence à soimême, donne corps à notre pensée et la trempe à l’épreuve du
raisonnement, imprime la mémoire et protège le souvenir qui constitue la
trame de notre existence dans le tissu de nos expériences multiples, nous
rendant aptes à extraire l’enseignement de celles-ci.
Exprimer ce que l’on est, ou ce que l’on croit être, ou ce que l’on
voudrait être, contribue à nous le faire devenir : nos sentiments, nos
idées, nos convictions se nourrissent de leur expression. La parole est
voix et si la voix se fait appel, il s’agit d’une vocation.
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A l’inverse, le mutisme, qu’il ne faut pas confondre avec le
silence, le gauchissement de la parole ou la distorsion du langage ravalent
l’homme au-dessous de son rang qui est d’être à l’image de la perfection
principielle.
De même, l’humilité lucide nous oblige à constater que nos
parcours sont jonchés de nombreuses paroles perdues : les résolutions et
engagements pris et non tenus, les serments non respectés, les
enthousiasmes retombés, les convictions erronées, les propos futiles,
inutiles ou destructeurs, ce que l’on n’a pas pu ou pas su ou pas voulu
dire, ce qui n’a pas été compris parce que mal formulé ou déclaré à contre
temps.
Une autre raison d’exalter la parole est de considérer la double
nature essentielle et substantielle de l’homme, traditionnellement
désignée par les termes du Nom et de la Forme : celle-ci, de polarité
féminine, est conférée par la mère et nous permet d’accéder à
l’existence ; celui-là, de caractère masculin, transmis par le père, nous
désigne et nous autorise à vivre. N’est-il pas remarquable et cohérent que
les Francs-Maçons soient les Enfants d’une Veuve et en quête d’une
Parole qui ne peut être obtenue que du Père ?
La légitimité de la Parole comme quête du Franc-Maçon tient
également au fait qu’elle est, à la fois, souffle, son et sens.
Le souffle désigne la vie et son origine. Que ce soit le Ruah
hébraïque, le Pneuma grec, le Spiritus latin, le prana hindoue ou le Ki
extrême-oriental, il évoque l’énergie qui produit et maintient la
Manifestation.
Souvenons-nous que la naissance est marquée par le cri de la
première inspiration et que la mort s’impose dans un dernier souffle.
Il est un lien entre le Ciel ouvert, dispensateur de tous les dons
et la Terre, réceptrice de toutes les bénédictions.
Sa puissance subtile ou brutale, dans la
respiration ou le vent, traduit la présence divine
(Moïse, Pentecôte), comme lui invisible et
insaisissable mais forte et vigoureuse, dans un lieu
ou sur un homme dont on dit alors qu’il est inspiré.
Le son est la vibration originelle par
laquelle la Lumière fut générée et le chaos des
possibles organisé en un Cosmos harmonieux.
Il représente la Volonté agissante du Grand Architecte de
l’Univers
et son rythme ordonnateur que reproduisent en Loge les
batteries des maillets.
Sa nature primordiale est attestée par la correspondance
établie, dans la tradition hindoue, entre la qualité sonore et l’Ether,
élément premier et indifférencié dont les quatre autres dérivent.
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Le sens, dans sa double acception de signification et de finalité,
est probablement ce qui est le plus nécessaire au contentement de
l’homme dès lors que ses besoins physiologiques fondamentaux sont
satisfaits.
L’homme sensé, c'est-à-dire en possession de ses facultés,
produit et consomme du sens, tant sa nature le pousse à rechercher la
compréhension, la cohérence et l’ordre, n’usant de l’absurde que pour
susciter le rire ou comme dernier moyen d’établir une démonstration.
La Franc-Maçonnerie, par son usage du symbolisme, et le 4ème
degré en particulier qui recommande de « s’efforcer toujours de découvrir
l’idée sous le symbole », exalte le sens et sa quête persévérante.
Ainsi, la Parole, symbole initiatique de l’action du Principe
créateur, apparait-elle liée au mystère de l’origine, puisqu’« au
commencement était le Verbe » et que « tout par lui a été fait et rien de
ce
qui
a
été
fait
n’a
été
fait
sans
lui »
(Jean I, 1-3).
Perdue, ou plutôt oubliée, par ignorance, le pire des mauvais
Compagnons, probablement celui qui asséna le coup fatal à Hiram, cette
Parole représente la première émanation intelligible du Principe.
Mais celui-ci, unique car infini, absolu car ne dépendant de nul autre,
n’étant limité par aucune condition, complet par lui-même, contenant sa
raison suffisante et par conséquent détaché de tout, sans relation ni
complément, se situe au-delà de toute représentation.
Ce que le rituel traduit en l’évoquant, nous l’avons constaté plus haut,
sous le nom de « Vérité » ou de « Vraie Lumière », termes qui sont
dépourvus de toute tangibilité.
De fait, la Vérité, comme le Principe n’a d’autre critère qu’elle-même ;
tenter de justifier la Vérité par des arguments nécessairement d’ordre
inférieur, rationnels ou affectifs, aboutit à l’échec ou risque de défigurer la
Vérité.
C’est pourquoi retrouver la Parole perdue, médiatrice entre nous
et le Principe figuré par la Vérité, est nécessaire à l’approche de celle-ci.
Ce qui rappelle étrangement ce passage du corpus johannique qui fait
dire à Jésus, le Verbe, c'est-à-dire la Parole, évoquant son Père, c'est-àdire le Principe : « Personne ne va au Père si ce n’est par moi » (Jn. 14,
6) et plus loin : « C’est le Père qui, demeurant en moi, accomplit ses
propres œuvres » (Jn. 14, 10).
Pour conclure, je rappellerai que la Parole ne peut s’entendre que dans le
silence qui la contient, comme le Principe contient toute chose, et duquel
elle émane et dans lequel elle doit se résorber. Ce silence intérieur,
résultat de l’harmonisation et de l’équilibre de tous les éléments qui nous
constituent, nous savons qu’il est indispensable depuis que le TFPM a clos
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nos lèvres avec le Sceau du Secret le jour de notre initiation au 4ème
degré.
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