7 niveaux d`occupation superposés à la Galerie de la Grande Fontaine

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7 niveaux d`occupation superposés à la Galerie de la Grande Fontaine
Une cuiller néolithique en os de la Grotte de Han
à Han-sur-Lesse (Rochefort)
Phénomène naturel exceptionnel, destination touristique de premier plan,
la grotte de Han-sur-Lesse est aussi un site archéologique majeur.
Une face du témoin stratigraphique renettoyée, après « décalottage », en 1981, par
les étudiants du séminaire d’Archéologie
du Professeur P. – P. Bonenfant (ULB)
(Cliché G. Focant © SAN)
De riches niveaux néolithiques
La grotte de Han, véritable merveille en son genre …
Chromo Guérin-Boutron (début 20ème s. ?).
Les premières fouilles y furent entreprises par la
Société archéologique de Namur de mai 1902 à
juin 1904 sous la direction d’Edouard de
Pierpont dont c’était un bien de famille. Les recherches eurent lieu à plusieurs endroits de la
grotte, dans la Galerie de la Grande Fontaine, à
l’entrée de la Galerie des Petites Fontaines et au
Trou au Salpêtre.
Le Trou de Han et l’embarcadère au début du
20ème s., à l’époque des fouilles.
(Cliché anonyme. Archives du MAN)
7 niveaux d’occupation superposés à la Galerie de la Grande
Fontaine
C’est à la Galerie de la Grande Fontaine que les résultats s’avérèrent les
plus fructueux. Il s’agit d’une galerie en cul-de-sac, longue d’une quarantaine de mètres. Elle donne sur une plage aujourd’hui aménagée en débarcadère, au débouché du Trou de Han, là où la Lesse réapparaît à
l’issue de son trajet souterrain. Jamais immergée, même en période de
crues, faisant face au soleil levant, dotée d’une source d’eau potable, elle
constitue un refuge idéal.
Plan du réseau souterrain de la Lesse à Han.
La Galerie de la Grande Fontaine est signalée
par la flêche.
(de Pierpont 1946)
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Collections SAN
Photo M. Destrée © SAN
Un site naturel, touristique et archéologique majeur
7 niveaux d’occupation superposés y furent identifiés par Edouard
de Pierpont. Il data les deux niveaux
inférieurs (couches 7 et 6) du Néolithique, le troisième (couche 5) de l’Âge du Bronze, le
quatrième (couche 4) de l’Âge du Fer, les trois niveaux
supérieurs (couches 3, 2, et 1) de l’époque romaine.
Manuscrit original de la coupe stratigraphique de la Galerie de la
Grande Fontaine dessinée par de Pierpont en 1902 - 1904. C’est
à travers cette stratigraphie que le témoin fut prélevé.
(Archives du MAN)
Une œuvre de précurseur
Les niveaux néolithiques fouillés par de Pierpont livrèrent
un matériel osseux particulièrement abondant, parmi lequel de
très nombreuses dents d’animaux perforées (300 d’après le
fouilleur), sans doute pour être portées en colliers, ainsi qu’une
série de 10 cuillers aménagées dans des métapodes (os longs
des pattes) de grands ruminants (probablement des cervidés).
Dessin M. Destrée © SAN
Conservées chez le fouilleur, au château de Rivière (Profondeville), pendant la dernière guerre, elles furent malheureusement assez endommagées. Leur longueur varie entre 15 et 28 cm, pour une largeur à peu près
constante de 2 cm et une épaisseur de 5 mm. Chose notable, les plus
grands exemplaires ont un cuilleron de longueur quasiment équivalente à
celle du manche. Il s’agit là de pièces réellement exceptionnelles, d’une élégance et d’une finesse tout à fait remarquables : la paroi du cuilleron, d’un
poli admirable, y est presque translucide. Les rares parallèles connus proviennent tous de la région: le Trou des Blaireaux à Vaucelles, la caverne Y
à Waulsort et, peut-être, une sépulture mégalithique à Martouzin-Neuville.
Il s’agit donc, vraisemblablement, d’une production régionale, limitée aux
confins de la Meuse et de la Lesse.
Traditionnellement, les niveaux néolithiques de la Galerie de la Grande
Fontaine sont rattachés à un groupe culturel dénommé Seine-Oise-Marne
(SOM), d’après la plus grande extension de ses vestiges. On attribue aussi
à ce groupe la majorité des monuments mégalithiques de nos régions ainsi
que la plupart des nombreuses sépultures en grotte du bassin mosan. Il appartient au Néolithique récent, que l’on date maintenant de 3400/3300
à 2800/2700 avant notre ère. Mais les connaissances évoluent et tant
l’attribution de ces niveaux à l’un des nombreux groupes culturels des
phases finales du Néolithique que la datation de ceux-ci ont été, et sont encore, discutées. Des analyses au C14 entreprises systématiquement depuis
peu à partir des matériaux organiques récoltés sur le pilier stratigraphique
en 1981 devraient, à cet égard, fournir des données plus précises.
Habitat temporaire, site funéraire ou cultuel ?
La nature du site, et ses fonctions, ont aussi amplement fourni matière à discussion, surtout depuis que les fouilles subaquatiques entreprises dans le lit
de la Lesse à partir de 1959 (Centre de Recherches d’Archéologie Fluviale) ont ramené à la surface de grandes quantités d’objets de toutes
époques et de toute nature. Dans cet ensemble, le matériel métallique de
l’âge du Bronze final (IIb/IIIb) tranche par sa richesse et sa variété : il se
compose de bijoux, d’armes et d’outils dont certains ont été délibérément
détruits avant d’être jetés à l’eau. De là est née l’hypothèse, émise par E.
Warmenbol, qui voit dans le Trou de Han un sanctuaire naturel à connotation funéraire, sorte de Bouche des Enfers où étaient honorées, depuis le
Néolithique, les divinités chtoniennes présidant au voyage des défunts vers
leur séjour posthume.
Edouard de Pierpont fit preuve, à cette occasion, de préoccupations
méthodologiques novatrices : soucieux de préserver pour les générations
futures un témoin de la stratigraphie originale de la galerie, il fit prélever,
avec les difficultés que l’on imagine, une colonne de sédiments de 3 mètres de hauteur enrobée dans un corset de plâtre et de métal.
Ce témoin (ou pilier) stratigraphique est conservé, depuis, au Musée archéologique de Namur où il a pu être examiné en 1981 par le séminaire
d’archéologie de l’Université libre de Bruxelles sous la direction du Professeur P.-P. Bonenfant.
Le témoin stratigraphique, tel
qu’il se présentait en 1981
dans sa gangue de plâtre
corsetée de fer, dans les caves
du Musée archéologique.
(Cliche G. Focant © SAN)
Orientation bibliographique
EDOUARD DE PIERPONT, Fouilles et explorations archéologiques de la grotte de Han (1902 à 1904), dans Compte rendu du Congrès de Dinant organisé par la Société archéologique de Namur. 9 – 13 août 1903, Namur, 1904, pp. 519 – 522 (Fédération Archéologique et Historique de Belgique, XVIIe session) ;
IDEM, Les splendeurs de la Grotte de Han (Belgique), Guide-album & description, Bruxelles, 1946, 47 pp. ;
MICHEL MARIËN, Cuillères en os de type Han-sur-Lesse (Néolithique S.O.M.), dans Helinium, 21, 1981, pp. 3 - 20 ;
EUGENE WARMENBOL, Le soleil des morts. Les ors protohistoriques de Han-sur-Lesse (Namur, Belgique), dans Germania, 77, 1999, pp. 39 – 69 ;
LAURA PLEUGER, L’occupation du Néolithique récent/final de la grotte de Han à Han-sur-Lesse (Rochefort, Namur), Mémoire présenté sous la direction d’Eugène Warmenbol en vue de l’obtention du titre de Master en Histoire de l’Art et Archéologie, ULB, 2008 – 2009 (inédit).