Les "Entretiens" (Lunyu) de Confucius Atelier de Philosophie du 6

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Les "Entretiens" (Lunyu) de Confucius Atelier de Philosophie du 6
Les "Entretiens" (Lunyu) de Confucius
Atelier de Philosophie du 6 octobre 2015
Médiathèque Roger Martin du Gard de Saint Fons
Bonjour à toutes et à tous,
Nous attaquons notre cinquième année à l'Atelier de Philosophie. Après les cycles Cinéma et
Philosophie, Vérité et Image, Conscience et travail, Théâtre et Philosophie, voici le cycle Philosophie
chinoise.
Vous trouverez ci-dessous un guide de préparation de notre premier atelier qui vous introduit à la
pensée de Confucius.
Selon votre appétit, vous pouvez vous rassasier d'une tapas de la pensée de Confucius Chapitre VII ou
consommer le menu entier.
Courage
Amitiés
1) Le chapitre VII "De la transmission" des Entretiens de Confucius
Je vous propose de choisir un des paragraphes numérotés (1 à 38), de le présenter au groupe en
utilisant les outils proposés, d'estimer sa valeur (positive ou négative), de définir ses limites.
2) Carte de la Chine et de ses principautés sous CONFUCIUS
A titre d'information
3) DE LA TRANSMISSION Problématique
Essai de définir le problème de la transmission à partir de la question de l'élaboration de l'œuvre et de
sa réception.
4) Vie de Confucius (-551 à -479)
Pour nourrir votre réflexion.
(5) HISTOIRE DE LA PENSEE CHINOISE
A titre d'information et aussi outil pour se repérer dans l'histoire de la pensée chinoise (les différentes
écoles et penseurs).
(6) Petit lexique confucéen
Outils pour vous aider à comprendre la pensée de Confucius
(7) APPLICATION de ce mini-lexique confucéen
Tableau pour appliquer ces outils au paragraphe que vous avez choisi.
1) VII DE LA TRANSMISSION (Philosophes confucianistes textes traduits, présentés et annotés
par Charles Le Blanc et Rémi Mathieu Gallimard La pléiade)
NRF Gallimard 2009
VII, 1 Le Maître dit : "Je transmets mais je ne crée point. Je mets ma confiance dans l'Antiquité et l'aime. En cela
PENG l'Ancien* pourrait se comparer à moi." (-450)
*Peng l'Ancien est un personnage mal connu du début de la dynastie Shang.
VII, 2 Le Maître dit : "Apprendre en silence, étudier sans impatience, enseigner inlassablement, qu'est-ce qu'il m'en
coûte !" (-450)
VII, 3 Le Maître dit "Ce qui me trouble, c'est de voir la vertu non pratiquée et l'étude non approfondie; c'est de
savoir où est la justice sans pouvoir se tourner vers elle et être incapable de corriger ce qui est mauvais." (-436)
VII, 4 Dans ses moments de loisir, le Maître était à la fois digne et affable. (entre -370 à -310)
VII, 5 Le Maître dit : "Comme j'ai décliné ! Depuis ô combien de temps n'ai-je plus revu le duc de ZHOU* en rêve."
*Le duc de Zhou, nom personnel Dan, fils du roi Wen (mort en -1122) et frère cadet du roi Wu (règne de -1121 à -1116). Au
décès de celui-ci, il assuma la régence de -1115 à -1110 jusqu'à la majorité du roi Cheng (règne de -1110 à -1078). Il fut
inféodé comme premier prince de Lu. Parangon de vertu, de fidélité et de noblesse, il fut le modèle de Confucius. (-450)
VII, 6 Le Maître dit : "Tends vers la Voie, prends la vertu comme norme, appuie-toi sur l'humanité, sois familier
avec les arts." (-450)
VII, 7 Le Maître dit : "A quiconque m'apporte ne serait-ce qu'un paquet de viande séchée, jamais je n'ai refusé mon
enseignement." (-450)
VII, 8 Le Maître dit : "J'ouvre seulement la porte à ceux qui trépignent d'apprendre et je m'engage seulement
auprès de ceux qui ont des choses à dire. Si, ayant proposé un angle, on ne me revient pas avec les trois autres, je
ne poursuis pas la leçon." (-450)
VII, 9 Si le Maître prenait son repas à côté d'une personne endeuillée, il ne mangeait jamais à satiété. (entre -370
à -310)
VII, 10 Un jour où le Maître avait pleuré, il ne chantait pas. (entre -370 à -310)
VII, 11 Le Maître s'adressa à Yan Yuan* : "Agir quand on est en poste, demeurer en attente quand on est remercié,
seuls toi et moi le faisons."
Zi Lu dit : "Si vous, maître, receviez le commandement des Trois Armées, avec qui le partageriez-vous ?"
Le Maître répondit : "Je ne saurais le partager avec une personne "qui s'attaque à un tigre les mains nues, traverse
le He, fleuve Jaune", sans esquif, et meurt sans regret. Il me faudrait plutôt une personne qui aborde les affaires
avec crainte et tremblement et les met en œuvre après mûre réflexion." (entre -370 à -310)
*Yan Yuan ou Yan Hui, né et mort à Lu (-530 à -482). Disciple préféré de Confucius en raison de son amour de l'étude, sa mort
produisit une profonde affliction du Maître.
VII, 12 Le Maître dit : "S'il était acceptable de chercher à acquérir les richesses, je me ferais volontiers conducteur
de char. Mais comme il est inacceptable de chercher à les acquérir, je me tourne vers ce que j'aime." (-450)
VII, 13 Le jeûne, la guerre et la maladie préoccupaient particulièrement le Maître. (entre -370 à -310)
VII, 14 Durant son séjour à Qi*, le Maître entendit le Shao, l'air "La Continuation". Pendant trois mois il ne connut
plus le goût de la viande.
Il dit : "Que la musique puisse atteindre une telle perfection ne m'était jamais venu à l'idée." (-450)
*A Qi, Confucius étudia la musique avec le Grand Maître de musique du pays.
VII, 15 Ran You (ZI You) demanda : "Notre Maître est-il partisan du souverain de Wèi ?"
Zi Gong lui répondit : "Ça alors ! J'étais sur le point de le lui demander."
Il entre et demanda : "Quelle sorte d'hommes étaient Boyi et Shuqi ?"
Il répondit : "Ils étaient des sages de l'Antiquité."
Il demanda : "Eprouvaient-ils du ressentiment du fait de ne pas occuper le trône ?"
Il dit : "Ils cherchèrent à acquérir l'humanité et ils l'obtinrent. Pourquoi auraient-ils éprouvé du ressentiment ?"
Il sortit et dit : "Le Maître n'est pas partisan du duc de Wèi.*" (entre -370 à -310)
*En louant le désintéressement et l'humanité de Boyi et Shuqi, Confucius condamne implicitement l'usurpation du pouvoir
par le souverain de Wéi.
VII, 16 Le Maître dit : "Des légumes amers comme nourriture, de l'eau claire comme boisson, un coude replié
comme oreiller - on y trouve malgré tout de la joie. Richesses et honneurs mal acquis sont pour moi comme des
nuages évanescents." (-450)
VII, 17 Le Maître dit : "Qu'on me prête encore plusieurs années : j'en prendrai cinq ou dix pour étudier le Yi, "Les
Changements"*, et je pourrai alors éviter toute faute grave." (-450)
*C'est le YI JING, Le Classique des Changements, une œuvre philosophique basée sur la pratique divinatoire.
VII, 18 Les écrits que le Maître prononçait à la manière ancienne comprenaient le Shi "Les Poèmes", le Shu "Les
Documents", et le Li "Les Rites". Ils étaient entièrement prononcé à l'ancienne. (-450)
VII, 19 Le duc de She interrogea Zi Lu au sujet de Confucius. Zi Lu ne répondit pas.
Le Maître dit : "Pourquoi ne lui as-tu pas répondu ? C'est un homme tel que dans son enthousiasme (pour l'étude)
il en oublie de manger, dans sa joie oublie son chagrin et ne se rend même pas compte de la vieillesse qui
approche." (-450)
VII, 21 Le Maître ne discutait pas des phénomènes étranges, des faits de force, des désordres ni des esprits.
(entre -370 à -310)
VII, 22 Le Maître dit : "Si nous sommes trois à cheminer, les deux autres pourront être mes maîtres : le meilleur
pour l'imiter, le moins bon pour me corriger." (-450)
VII, 23 Le Maître dit : "Le Ciel a fait naître en moi la vertu. Que pourrait Huan Tui* à mon endroit ?" (-450)
*De passage dans la principauté de Song, voisine de Lu en -492, Confucius et ses disciples furent encerclés et menacés par
Huan Tui, ministre des Armées et de la Sûreté de Song.
VII, 24 Le maître dit : "Quelques-uns parmi vous pensent que je vous cache quelque chose, n'est-ce pas ? Je ne vous
cache rien. Il n'est aucune de mes activités que je ne partage avec vous. Voilà le genre de personne que je suis,
moi, QIU." (-450)
VII, 25 L'enseignement du Maître portait sur quatre choses : les écrits, la conduite, la loyauté et la fidélité. (entre 370 à -310)
VII, 26 Le Maître dit : "Il ne m'a pas été donné de rencontrer un homme saint; s'il m'était donné de rencontrer un
homme de bien, ce serait déjà beaucoup." (-436)
Le Maître dit : "Il ne m'a pas été donné de rencontrer un homme bon; s'il m'était donné de rencontrer un homme
constant, ce serait déjà beaucoup. mais comme le rien se fait passer pour réel, le vide pour plein, l'infime pour
immense, il est bien difficile d'être constant !" (-450)
VII, 27 Le Maître pêchait à la ligne, non au filet; chassant avec des flèches à fil, il ne tirait pas sur l'oiseau perché.
(entre -370 à -310)
VII, 28 Le Maître dit : "Certains créent sans avoir eu à acquérir de connaissances; je n'en suis pas. J'écoute
beaucoup, triant les bons points et les mettant en pratique. J'observe beaucoup et use de discernement. C'est un
niveau inférieur de connaissances." (-450)
VII, 29 Il était difficile d'échanger avec les gens de Huxiang. Un jeune garçon se présenta. Les disciples étaient
suspicieux. Le Maître dit : "Laissez-le entrer et ne permettez pas qu'il s'en aille. Pourquoi être si rigoureux ? Si un
homme s'est purifié pour venir nous voir, nous acceptons sa purification sans pour autant cautionner ce qu'il fera
plus tard." (-450)
VII, 30 Le Maître dit : "L'humanité est-elle lointaine ? Je la désire et voilà ! elle est là !" (-450)
VII, 31 Le ministre de le Justice de Chen demanda si le duc Zhao avait observé les rites.
Confucius répondit : "Il les a observés." Confucius se retira.
Le ministre rencontra Wuma Qi (Zi qi), l'invita à entrer et lui dit : "J'ai entendu que l'homme de bien ne saurait,
quelles que soient les circonstances, être partisan. Votre souverain a choisi une épouse de Wu portant le même
nom de famille que lui* et l'a appelée Dame Meng de Wu. Si votre souverain a observé les rites, qui donc ne les
observe pas ?" Wuma Qi rapporta ces propos à Confucius.
Le Maître dit : "Moi, Qiu, j'ai de la chance. Si par hasard je commets une faute, les gens vont certainement le
savoir." (entre -370 à -310)
*Dame Meng de Wu : son nom de famille était Ji, comme le duc Zhao; leur mariage était donc en principe interdit. Le duc
Zhao contourna l'interdit en changeant Ji en Meng. La principauté semi-sinisée de Wu couvrait le Zhejiang et l'Anthui.
VII, 32 Quand le Maître entonnait un chant avec d'autres, si ceux-ci chantaient bien, il leur demandait toujours de
recommencer; seulement après les accompagnait-il à l'unisson. (-436)
VII, 33 Le Maître dit : "Dans mes efforts pour acquérir la vertu, je me compare aux autres. mais je ne suis pas
encore parvenu à me conduire en homme de bien." (-450)
VII, 34 Le Maître dit : "Comment pourrais-je prétendre posséder la sainteté et l'humanité ? Du moins peut-on
affirmer que j'étudie sans impatience et enseigne inlassablement."
GONGXI HUA (ZI HUA) dit : "C'est justement cela que vos disciples sont incapables d'étudier." (-450)
VII, 35 Le Maître était gravement malade. Zi Lu* demanda d'offrir une prière de supplication.
Le Maître demanda : "Disposez-vous d'une telle prière ?"
Zi Lu répondit : "Nous en disposons. Dans le Livre des Eloges funèbres, il est dit :
'Nous offrons une prière de supplication / Aux esprits supérieurs et inférieurs / Du Ciel et de la Terre'
Le Maître dit : "Ma prière est faite depuis longtemps." (-450)
VII, 36 Le Maître dit : "La prodigalité mène à l'imprévoyance; la frugalité mène à l'opiniâtreté. Mieux vaut
opiniâtreté qu'imprévoyance." (entre -370 à -310)
* Zi lu est le maître des cérémonies dans cette anecdote de fin de vie. C'est un nouvel exemple de démythologisation du rite
par Confucius : la vraie prière n'est pas l'invocation des esprits par-delà les étoiles, comme le lui propose Zi Lu, mais le
perfectionnement de l'être humain tout au long de son existence.
VII, 37 Le Maître dit : "L'homme de bien est posé et magnanime; l'homme de peu est toujours agité et perplexe."
(entre -370 à -310)
VII, 38 Le Maître était affable mais austère, imposant mais inoffensif, déférent et accommodant. (-436)
La périodisation des paragraphes provient de l'étude des BROOKS Bruce et Takeo The Original Analects - Sayings
of CONFUCIUS and his successors New York Columbia University Press 1998.
2) Carte de l'évolution de la Chine et de ses principautés de CONFUCIUS à nos jours
3) DE LA TRANSMISSION
Problématique
A quelles conditions, pouvons-nous penser philosophiquement l'éthique de Confucius ?
Nous, l'obstacle
Accepterons-nous d'être pris à rebrousse poil par la pensée de Confucius ? Nous qui sommes dans la consumation
du présent en cours et dans l'exaspération d'un nouveau présent à venir, accepterons-nous de renverser notre
perspective et examiner d'où nous venons ? Poserons-nous la difficile question de ce que nous transmettons à
nos enfants, aux nouvelles générations, … à l'humanité qui vient ? Et comment le transmettons-nous ? Confucius
transmet-il un modèle d'un passé âge d'or ? ou transmet-il un exemple d'humanité ? Sa transmission est-elle une
pure répétition ? ou une reprise (au sens de Kierkegaard) ? Poser un tel questionnement nous engage
personnellement.
Deux civilisations, l'obstacle de nos lunettes occidentales
Un autre questionnement historique, sociologique, ... peut être proposé : sa transmission est-elle enfermée dans
une tradition ? ou est-elle le moteur de nouvelles traditions au cours de ces deux millénaires et demi d'existence ?
Confucius est le père de l'humanisme chinois. Tel était le slogan lors des jeux olympiques de Pékin de 2008. Mais
le terme "humanisme" qui traduit le vocable chinois "ren" (lequel émerge durant la vie de Confucius) est un
concept récent de l'histoire occidentale à savoir des Lumières européennes. Quand nous rapprochons la maxime
de KANT "Agis de telle façon que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans celle d’autrui,
toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen" (Fondements de la
métaphysique des mœurs, Deuxième section) à la règle d'or des Entretiens XII, 2 "Ce que tu ne désires pas pour
toi-même, ne l'impose pas aux autres." et à la formule évangélique : "Tout ce que vous voudriez que les hommes
fassent pour vous, faites-le vous-même pour eux". Nous ne pouvons examiner la question de la transmission de
cette règle d'or formulée ici par trois civilisations sans d'une part se poser la question de la traduction et celle de
l'identification de leur contexte culturel. Si nous considérons les points de la rencontre de ce "Socrate" chinois par
les missionnaires jésuites et les penseurs des 17è et 18è siècles à savoir pour les missionnaires, un peuple qui met
en pratique le message chrétien mais qui n'a pas la révélation d'un Dieu unique et pour les penseurs des
Lumières, Confucius qui a conçu les notions d'humanisme et de nature qu'ils ont élaboré par ailleurs, nous
identifions là l'obstacle de la sinophilie. L'obstacle de la sinophobie lui est l'expression de la morgue coloniale de
l'Occident des 19è et 20è siècles qui s'exprime aussi bien en art, en linguistique, en sociologie et en philosophie.
La question de l'auteur et de l'authenticité
La valeur d'humanité porte deux exigences d'engagement de la personne : celle de sincérité et celle
d'authenticité. Nous pouvons questionner la sincérité et l'authenticité de la formule de Confucius si nous posons
la question de qui est l'auteur des "Entretiens" ? Il semble que son enseignement fut purement oral. La valeur que
ses disciples lui accorde, tient de son exemplarité. Ils prennent des notes. Ces notes ont été réélaborées sur une
période de -479 (date de la mort de Confucius) à -249 par ses disciples, par les disciples de disciples, etc., par les
disciples de disciples de… de disciples. L'auteur est collectif et transgénérationnel.
La question de l'auteur des "Entretiens" devient encore plus épineuse avec l'autodafé de -213 promulgué par le
premier empereur de Chine, Huangdi (tous les Classiques sont brûlés et en particulier les écrits confucéens et les
confucéens qui enfreignent l'interdit). Les "Entretiens" sont reconstitués à partir du 2ème siècle avant notre ère
non pas en caractères anciens mais en caractères modernes. Cela pose de redoutables questions philologiques et
interprétatives quand nous savons que le confucianisme devient une idéologie d'Etat avec l'empereur Han Wudi
(-156 à -87) en tant que doctrine d'État et l'est restée jusqu'à la fondation de la République de Chine (1911).
Et pourtant ce texte nous parle
Le message semble clair, il nous touche directement. Sa morale paraît même triviale et parfois archaïque. Mais
surtout, il s'adresse à tous.
Quatre modes de l'éthique confucéenne : Etudier, Pratiquer, Enseigner, Transmettre.
4) Vie de Confucius (-551 à -479)
Confucius est à la charnière de deux grandes époques : les Printemps et automnes de -722 à -481 et les Royaumes
combattants de -453 à -222. La première période coïncide avec le déclin de la dynastie royale et féodale des Zhou
qui marque profondément Confucius, et la seconde, avec la chute et la fin des Zhou et l'instauration de l'empire
en -221, époque qu'il ne fait qu'entrevoir. Les Printemps ou automnes ou Chunqiu est d'abord le titre des annales
de douze princes de la principauté de Lu entre -722 et -481 que la tradition postérieure attribue à Confucius. Le
déclin de l'ordre politique, social et moral reflété dans le Chunqiu est sans doute à l'origine de la réflexion
confucéenne et explique au moins en partie, sa portée profondément humaniste.
Sa vie reflète la crise et les stigmates de son temps: issu d'une union dite irrégulière entre un noble d'âge mûr
(descendant de la dixième génération du cinquième souverain des Song, le duc Min règne entre -935 à -909),
Shuliang He (né en -592) dont le nom de famille était Kong, et une jeune fille de 19 ans, Yan Zhengzai, une épouse
secondaire ou une concubine. Son père (homme d'armes qui doit quitter Lu pour devenir gouverneur d'une
minuscule principauté, Zhulou) de sa première épouse a eu neuf filles et d'une concubine, un fils nommé Mengpi.
L'infirmité de ce fils le rend inapte à officier aux sacrifices des ancêtres, ainsi que de succéder à son père. Yan
Zhengzai prie dans un temple de la colline Niqiu pour avoir un fils idoine. Elle donne naissance en -551 à un fils qui
hérite du patronyme Kong et du nom familier Qiu "Colline". Son nom social fut Zhongni "Ni le cadet", une allusion
à son demi-frère aîné infirme et au lieu de prière. Plus tard vers sa 30ème année quand il commence à enseigner
et avoir des disciples, on lui confère le titre de Kong zi "Maître Kong" et après sa mort de Kong Fuzi "l'Illustre
Maître Kong". Ce sont les missionnaires jésuites qui ont latinisé son nom au 17ème siècle en Confucius. Il
enseigne sans discontinuité à ses disciples jusqu'à sa mort.
Son père meurt alors qu'il n'a pas 3 ans. Sa mère élève seule son fils dans la pauvreté (elle a été exclue de
l'héritage). Ce dernier doit sans le secours d'une école ou d'un précepteur, faire sa propre éducation. Il est doué
de manière exceptionnelle de mémoire, d'intelligence, de volonté et de sensibilité. Il occupe plusieurs emplois de
travaux manuels. Sa mère décède alors qu'il a 17 ans. Confucius reprend contact avec sa belle-famille et la
communauté des exilés de Song à Lu. Ceux-ci l'auraient aidé à se faire une situation dans la société de Lu. A 19
ans, il se marie avec une femme Jingguan de bonne famille qui lui donna un fils nommé Li (nom social, Boyu) dont
il assure l'éducation et une fille.
Confucius occupe plusieurs postes dans l'administration de Lu, d'abord gardien des greniers publics, puis
responsable de l'élevage des troupeaux entre sa vingtième année et sa trentième; puis à partir de sa
cinquantième année, un poste de gouverneur de la ville de Zhongdu, puis Ministre des Travaux Publics et enfin
Ministre de la Justice. Il est également conseiller du duc Ding. Ses revenus lui permettent d'aménager une sorte
de pensionnat où résident ses disciples et où ils se réunissent pour écouter le Maître. L'enseignement se fonde
sur des textes anciens qui deviendront plus tard les six Classiques : le Shu Les Documents, le Shi Les Poèmes, le Yi,
Les Changements", le Yue "la Musique", le Li "les Rites" et le Chunqiu "Printemps et automnes".
Parce qu'il a déjoué des complots contre le duc, il suscite des jalousies et dès que la faveur du duc se porte
ailleurs, il doit s'exiler en -497 (à 55 ans). Il quitte Lu en compagnie de quelques dizaines de disciples, pour une
longue pérégrination de quatorze années à travers 8 principautés (Wei, Zheng, Song, Chu, Chen, Cai, Qi, …) à la
recherche d'un prince éclairé qui le chargerait de mettre en œuvre sa conception des rapports humains et de
gouvernement. A Chen et à Cai, peu de disciples l'accompagnent et aucun n'a eu ensuite de charges officielles.
Il revient à Lu avec ses compagnons de voyage qui n'ont pas trouvé de charge officielle. Il retrouve ses anciens
disciples et en attire de nouveaux en poursuivant son enseignement. Ces dernières années sont assombries par le
décès d'êtres chers : son fils unique Boyu en -483, Yan Hui le disciple bien aimé en -482 et son disciple le plus
fougueux Zi Lu en -480. Il meurt en -479 à l'âge de 72 ans.
(5) HISTOIRE DE LA PENSEE CHINOISE
Table de Anne CHENG, extraite de son ouvrage Histoire de la pensée chinoise Essais Editions du Seuil 1997 697 à 704
Chronologie
2900-2205
Avant notre ère
2205-1767
1766-1122
1121-256
Règnes dynastiques
Epoque des souverains mythiques
2356 : YAO
2255 : SHUN
Dynastie XIA, fondée par YU le Grand
Dynastie SHANG (ou YIN) fondée par
CHENG TANG
Dynastie ZHOU, fondée par les rois
WEN et WU
1121-770 : ZHOU Occidentaux
796-256 : ZHOU Orientaux
(déplacement de la capitale vers
l'est)
722-481 : Epoque des
"Printemps et Automnes
453-221 : Royaumes
Combattants
Ecoles de pensées et traditions…
Lignes de force et d'articulation des écoles de pensée et des traditions…
Les fondements antiques de la pensée
chinoise IIè millénaire - Vè siècle
La culture archaïque des SHANG et des
ZHOU
Rationalité divinatoire - Culte ancestral - Mutation rituelle de la conscience
religieuse - Du "Souverain d'en haut" au "Ciel" - Ordre et rite
Le pari de CONFUCIUS sur l'homme
Le défi de MOZI à l'enseignement
confucéen
Libres échanges sous les Royaumes
combattants IVè-IIIè siècle
ZHUANGZI à l'écoute du Dao
Discours et logique des Royaumes
combattants
MENCIUS, héritier spirituel de
CONFUCIUS
"Cas" - Personnage - "A quinze ans, je résolus d'apprendre" - Apprendre, c'est
apprendre à être humain - sens de l'humanité (ren) - "Entre les quatre mers,
tous les hommes sont frères" - Esprit rituel - Mission sacrée de l'homme de bien
- Portrait du prince en homme de bien - Qu'est-ce que gouverner ? - "rectifier les
noms" - Voie confucéenne - CONFUCIUS et formation des textes canoniques
MOZI, un artisan de paix - Introduction à l'argumentation dans le MOZI - Critère
d'utilité contre tradition rituelle - Amour universel contre sens de l'humain Intérêt général - "Se conformer à ses supérieurs" - Le Ciel de MOZI - Moïstes
contre Confucéens
Livre et personnage - Relativité du langage - Paradoxes de HUI SHI - Oiseau géant
et grenouille - "C'est cela", "ce n'est pas cela" - Comment connaître ? - Oublier le
discours - Comme un poisson dans le Dao - Main et esprit - Le spontané comme
dans un miroir - Rêve ou réalité -Homme ou Ciel - L'homme vrai - Préserver
l'énergie essentielle - Suprême détachement
L'enjeu du discours - Les logiciens - Conception instrumentale du langage Théorie des "noms de masse" - Conception nominaliste - "Cheval blanc n'est pas
cheval" - "De la désignation des choses"
L'homme de bien face au prince - Le MENGZI, ouvrage polémique - La force de
persuasion de l' "humain" - Une moralité fondée en nature - Qu'est-ce que le
vital ? - Physiologie morale - Cœur/esprit - Tout homme peut devenir un saint Nature et destin - Qu'en est-il du mal ? - L'humanité comme responsabilité 7
Le Dao du non-agir dans le LAOZI
XUNZI, héritier réaliste de CONFUCIUS
Les légistes
La pensée cosmologique
Le livre des Mutations
221-206
206 avant notre
ère - 220 après
notre ère
220-265
QIN, fondation de l'Empire
HAN
265-420
JIN
420-581
Dynasties du Sud et du Nord
Trois Royaumes
Aménagement de l'héritage IIIè siècle
avant - IV siècle après notre ère
La vision holiste des HAN
Le renouveau intellectuel des III et IVè
siècles
Le grand bouleversement bouddhique
1er - Xè siècle
Les débuts de l'aventure bouddhique en
Chine 1er-IVè siècle
La pensée chinoise à la croisée des
chemins V-VIè siècle
581-618
SUI
618-907
TANG
907-960
Cinq Dynasties
960-1278
SONG
La grande floraison des TANG
La pensée chinoise après l'assimilation
du bouddhisme Xè - XVIè siècle
La renaissance confucéenne au début
des SONG X et XI siècles
Centralité et authenticité
La légende - Le texte - Le non-agir - la métaphore de l'eau - Paradoxe - Amoralité
du cœur - Valeur politique du non-agir - Retour au naturel - Retour à l'origine Le Dao - Du Dao aux dix mille êtres - Voie négative ou mystique ?
Portrait d'un confucéen à la fin d'un monde - L'homme face au Ciel - "La nature
humaine est mauvaise" - Nature et culture - Les rites - Noms et réalités - Le
XUNZI, panorama des idées des Royaumes Combattants
Anthropologie légiste - La loi - La position de force - Les techniques - Le Da
totalitaire du HAN FEIZI
Pensées de la nature - Au commencement était le qi - Yin et Yang - Les Cinq
Phases - Espace et temps cosmologiques - Le Palais des Lumières
Origines divinatoires - Canonisation des Mutations - "un Yin, un Yang, tel est le
Dao" - Les Mutations comme combinatoire figurative - Interprétation des
Mutations - L' "infime amorce" - En amont des formes, en aval des formes" Sens de l'opportunité
"HUANG-LAO" - HUAINANZI - Cosmologie corrélative et pensée scientifique Culte de l'unité - DONG ZHONGSHU (env. 195-115) - La bataille des Classiques YANG XIONG 53 - 18 - WANG CHONG 27-100 - Les HAN postérieurs 25-220
"Causeries pures" et "étude du Mystère" - WANG BI (226-249) - Entre
indifférencié et manifesté - Discours, image, sens - Entre indifférencié et principe
structurant - GUO XIANG (252-312) - tradition taoïste
Origines indiennes du bouddhisme - Quatre Sceaux de la Loi bouddhique Evolution historique du bouddhisme indien - Bouddhisme de la Chine des HAN Bouddhisme du Nord et bouddhisme du Sud - Dhyâna et Prajnâ - Echanges
intellectuels du bouddhisme du Sud - Bouddhisme et dynasties non chinoises du
Nord - Quelques grands moines du IVè siècle : DAO'AN, HUIYUAN, DAOSHENG
KUMÂRAJIVA et l'école MÂDHYAMIKA - polémiques entre bouddhistes,
confucianistes et taoïstes dans les dynasties du Sud - La controverse sur le corps
et l'esprit - Le bouddhisme du Nord aux V et VIè siècles - KUANZANG et l'école
YOGÂCÂRA
Sinisation du bouddhisme sous les TANG - L'école TIANTAI - L'école HUAYAN L'école de la Terre pure - Le bouddhisme tantrique - Manifestations populaires
du bouddhisme - Ecole CHAN - Esprit du CHAN - Les pratiques du CHAN - HAN YU
768-824 et le "retour à l'antique" - LI AO 772-836 et "retour à la nature foncière"
Grands hommes d'action SONG du Nord 960-1127 - Renaissance confucéenne Tradition des Mutations et Renouveau cosmologique - SHAO YONG 1012-1077 Constitution et fonction - Figures et nombres - Connaissance du principe et
"observation inversée" - ZHOU DUNYI (1017-1073) - "Sans Faîte et pourtant Faîte
suprême" - "La sainteté n'est rien d'autre qu'authenticité" - Question du mal - La
sainteté peut-elle s'apprendre ? - Un et multiple - ZHANG ZAI 1020-1078 - "Tout
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1279-1368
YUAN (Mongols)
La pensée des SONG du Nord XIè siècle
entre culture et principe
1368-1644
MING
La grande synthèse des SONG du Sud
XIIè siècle
Le recentrement sur l'esprit dans la
pensée des MNG XIV -XVIè siècles
1644-1911
1911
QING (Mandchous)
République
Formation de la pensée moderne 17è 20è siècle
Esprit critique et approche empirique
sous les QING 17-18è siècle
La pensée chinoise confrontée à
l'Occident : l'époque moderne (fin 18è début 20è siècle)
se relie dans le Dao unique" - Qi : vide et plein - Unité de l'énergie, unité de la
nature - La quête de sainteté
Frères SU et Frères CHENG - SU SHI et le Dao de la culture - Frères CHENG et
"étude du Dao" - LI comme principe - Principe entre Un et multiple - "Examen
des choses et extension de la connaissance" - "Voir le Principe" - A propos des
Mutations - Principe et énergie - Principe et sens de l'humain - Quête de sainteté
ZHU XI 1130-1200 et LU XIANGSHAN 1139-1193 - De l' "étude" à la
"transmission" du Dao - Le Faîte suprême, unité du principe et de l'énergie "Faîte suprême" ou "Sans Faîte" ? - Esprit, unité du principe céleste et des désirs
humains - "Esprit de Dao" et "esprit humain" - Unité de l'esprit selon LU
XIANGSHAN - Discipline mentale - "Examen des choses et extension de la
connaissance" - Gradualisme et subitisme, connaissance et action
Héritage des SONG du XIII au XV siècle - WANG YANGMING 1472-1529 - "Il n'est
pas de principe hors de l'esprit" - Question du mal et "connaissance morale
innée - "Connaissance et action ne font qu'un" - Les penseurs du qi au 16è siècle
- "Les trois enseignements ne font qu'un" - Iconoclasme et esprit critique - LIU
ZONGZHOU 1578-1645 - Vie et mort des académies privées à la fin des MING - La
Société du Renouveau et les jésuites
HUANG ZONGXI 1610-1695 - GU YANWU 1613-1682 - WANG FUZHI 1619-1692 Unité de l'homme et du monde dans l'énergie vitale - Unité du principe céleste
et des désirs humains - Pensée de la force, force de la pensée - Le sens de
l'histoire - YAN YUAN 1635-1704 - Les grands projets d'Etat au 18è siècle Examen critique des Classiques et retour aux "études HAN" - DAI ZHEN 17241777 - Aux sources du MENGZI - De l'énergie au principe de distinction - Contre
les pharisiens de la moralité et les dogmatiques de l'érudition - L'esprit critique à
l'aube du 19è siècle
La résurgence des "textes modernes" au tournant du 18è-19è siècle - "Textes
modernes" et réformisme - "Textes modernes" et légisme - Premiers conflits
ouverts avec les puissances étrangères - KANG YOUWEI 1858-1927 et l'apogée
du réformisme des "textes modernes" - LIANG QICHAO -1873-1929 et TAN
SITONG 1865-1898 - L'esprit de réforme entre universalisme et nationalisme L'"après 1898" : la tradition classique entre réformisme et révolution - ZHANG
BINGLIN 1869-1935 - LIU SHIPEI 1884-1919
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(6) Petit lexique confucéen (Philosophes confucianistes textes traduits, présentés et annotés par Charles Le Blanc et Rémi Mathieu Gallimard La pléiade)
1 dao : Voie/voie (70 fois dans le Lunyu) Sens premier : la voie, le chemin, la route. Sens dérivés : 1. la voie que doit suivre un être humain, une chose; par exemple, la
voie du prince, de l'épouse, du charpentier, de la piété filiale. 2. La Voie que suit l'Univers; un ensemble complexe de grands principes d'ordre qui structurent et animent
tous les êtres de l'univers. L'être humain est le seul à pouvoir ne pas suivre la Voie. Il doit y adhérer de son plein gré. Cette notion est commune aux différentes écoles de
pensée chinoise, en particulier au taoïsme (daoïsme) qui fit de cette notion le cœur de sa philosophie. Mais elle occupe également une place importante dans le
confucianisme comme norme ultime de l'existence humaine, de la connaissance et du sens moral. IV, 8 Le Maître dit : "Si à l'aube la Voie était reconnue dans le monde,
je mourrais content au crépuscule."
2 tian : Ciel/ciel (24 fois) Sens premier : le firmament hémisphérique Sens dérivés : 1. Les grands ancêtres habitant le sommet de l'hémisphère, représentés
collectivement par le ciel. 2. Le ciel devint ainsi la grande divinité des Zhou, remplaçant Shangdi, "l'Empereur d'En haut" de la dynastie précédente. 3. Au temps de
Confucius, tian perd ses attributs anthropomorphiques et prend le sens de plus en plus cosmologique de nature se rapprochant de la notion de dao, comme dans
l'expression tian-dao (la voie du Ciel). Ainsi, XVII, 17 implique une réponse négative. Le Maître dit : "Je désire ne plus parler." - Zi Gong dit : "Maître, si vous ne parlez plus,
comment pourrons-nous, vos petits-enfants, mettre en pratique votre enseignement ?" - Le Maître répondit : "Le Ciel parle-t-il donc ? Mais grâce à lui les quatre saisons
suivent leur cours ; grâce à lui les cent espèces se multiplient. Le Ciel parle-t-il donc ?" Mencius est plus explicite V A-5 Wan Zhang demanda : "N'est-ce pas un fait
avéré que Yao donna l'empire à Shun ?" - Meng zi répondit : "Point du tout. Car le fils du Ciel ne peut donner l'empire à un homme." - Wan Zhang demanda : "Mais alors,
pourquoi Shun posséda l'empire, qui le lui a donné ?" - Meng zi répondit : "C'est le Ciel qui le lui a donné." - Wan Zhang demanda : "Quand le Ciel lui a donné l'empire, lui
a-t-il transmis des directives détaillées ?" - Meng zi répondit : "Non. Le Ciel ne parle pas. Il manifeste son choix par les actions des personnes et par les évènements, rien
de plus." - Wan Zhang demanda : "De quelle manière les actions des personnes et les évènements manifestèrent-ils son choix ?" - Meng zi répondit : "Le fils du Ciel peut
recommander quelqu'un au Ciel, mais il ne peut contraindre le Ciel à lui donner l'empire. Les princes feudataires peuvent recommander quelqu'un au fils du Ciel, mais ils
ne peuvent le contraindre à lui donner le titre de prince feudataire. Les dignitaires peuvent recommander quelqu'un aux princes feudatares, mais ils ne peuvent
contraindre les princes feudataires à lui donner le titre de dignitaire. Jadis, Yao recommanda Shun au Ciel et il fut agréé par le Ciel. Il le proposa au peuple et il fut agréé
par le peuple. C'est pourquoi j'ai dit : 'Le Ciel ne parle pas. Il manifeste son choix par les actions des personnes et par les évènements, rien de plus.'"
3 de : vertu (39 fois) Sens premier : la vertu ou la puissance (mana, virtus) des êtres saints, permettant d'agir et de régner efficacement. Sens dérivé : la vertu morale
d'un être humain, qui l'habilite à suivre la Voie et à exercer une influence bénéfique sur son milieu. Pour Confucius, le vrai gouvernement opère non par la force ou la
contrainte mais par la vertu.
4 ren : humanité (99 fois) Ce caractère, créé tardivement, peut être par Confucius, représente la notion principale de sa philosophie, à la fois concept et vertu. Notion
univoque, fondée sur la nature relation et interpersonnelle de l'être humain et sur sa bonté innée, elle a gardé son sens originel de "réciprocité bienfaisante" au cours
des âges. Partant de l'amour de l'enfant pour ses parents et sa famille, l'humanité vise à englober tous les hommes. Elle trouve son accomplissement dans la règle d'or :
XII, 2 Zhong Gong s'enquit de l'humanité. - Le Maître répondit : "Lorsque tu franchis la porte, agis comme si tu allais rencontrer un visiteur d'importance; lorsque tu
diriges le peuple, agis comme si tu officiais à un grand sacrifice. Ce que tu ne désires pas pour toi-même, ne l'impose pas aux autres. Tu éviteras ainsi de susciter tout
ressentiment dans ton pays et dans ta famille." - Zhong Gong dit : "Tout négligent que je sois, moi, Yong, je demande à mettre en pratique cet enseignement."
XV, 24 Zi Gong demanda : "Existe-t-il une seule maxime qu'on pourrait mettre en pratique toute sa vie ?" - Le Maître répondit : "Il pourrait seulement s'agir de la
mansuétude, n'est-ce pas ? Ne pas imposer aux autres ce qu'on ne désire pas pour soi-même."
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IV, 15 Le Maître dit : "Shen (Zeng zi), ma voie est traversée par l'un comme par un fil." - Zeng zi dit : "En effet." Le Maître sortit. - Les disciples demandèrent : "Qu'a-t-il
voulu dire ?" - Zeng zi répondit : "La voie de notre Maître consiste en une seule chose, l'exigence envers soi-même et la mansuétude envers les autres."
5 yi : justice, droiture, sens du devoir (44 fois) Sens premier : digne, grave, convenable, approprié, soit se comporter dignement lors d'une cérémonie religieuse. Sens
dérivés dans le Lunyu : sens inné de la justice, de la droiture, du devoir, de la moralité. Le sens de la justice s'oppose à l'intérêt propre, au particularisme et au
favoritisme. XV, 18 Le Maître dit : "L'homme de bien fait du sens moral sa substance; il le met en pratique par les rites, le manifeste par sa modestie, le bonifie par sa
fidélité. Tel est l'homme de bien !"
6 li : rites (74 fois) L'une des notions les plus complexes du Lunyu. Sens premier : 1 Le vin sacrificiel 2 vase sacré (patère) 3 L'autel du sacrifice. Sens dérivés : 1 Le rite
d'offrande sacrificielle lui-même 2 Tout rite sacrificiel 3 Transformation par Confucius du rite religieux (réservé à l'élite) en rite social (universel), en vue d'édifier sa
philosophie. I, 12 "You zi dit : "Dans l'usage des rites, l'harmonie vient en premier. Grâce à elle, la voie des Anciens trouva sa beauté et les affaires mineures et majeures,
leur principe. Mais, lorsque la pratique comporte des aspects répréhensibles et qu'on s'en remet uniquement à l'harmonie, sans l'encadrer par des dispositions rituelles, la
pratique n'en demeurera pas moins défectueuse."
7 xue : étude (66 fois) Sens premier : 1 Apprendre des danses religieuses 2 Apprendre un art, un métier soit le tir à l'arc. Sens dérivés : 1 Apprendre les six arts dans une
école pour jeunes nobles : les rites, la musique, la calligraphie, le calcul, le tir à l'arc, la conduite des chars. 2 Etudier et apprendre sous un maître, imiter. 3 S'éveiller à la
connaissance, faire de l'étude son métier. II, 4 Le Maître dit : "A quinze ans je me suis consacré à l'étude; à trente ans j'en avais acquis les fondements; à quarante ans je
n'avais plus de doutes. A cinquante ans je comprenais les dispositions du Ciel; à soixante ans je pénétrais le sens profond de ce que j'entendais; à soixante ans, je suivais
ce que mon cœur désirait sans excéder la juste mesure."
8 xiao : piété filiale (19 fois) Sens premier : offrande rituelle de l'enfant à ses ancêtres. Sens dérivé : service de l'enfant à ses parents et à ses aînés. Pour Confucius, le
développement intellectuel, moral, social et politique de l'individu commence au sein de la famille. Les vertus sociales et politiques ne sont que l'extension de
dispositions acquises dans le milieu familial, où déjà jouent les cinq relations fondamentales : entre mari et épouse, entre père et fils aîné, entre frère aîné et cadets,
entre chef politique et sujets et enfin, entre amis. I, 2 You zi dit : "Un homme imprégné de piété filiale et d'amour fraternel sera rarement porté à défier ses supérieurs.
Combien moins un tel homme sera-t-il enclin à fomenter les troubles ! L'homme de bien consacre tous ses soins au fondement. Une fois le fondement bien établi, la Voie
naît. Or, la piété filiale et l'amour fraternel ne sont-ils pas le fondement de l'humanité ?"
9 junzi : homme de bien (105 fois) Sens premier : fils (zi) d'un seigneur noble (jun). L'expression dissyllabique se rattache à l'institution féodale et hiérarchique de la
dynastie Zhou (-1121 à -221) et à la formation poussée (les six arts) des fils de nobles. Peu avant Confucius, cette institution s'effondra. Nombre de jeunes nobles, forts
d'une culture appréciable, se trouvèrent sans titre, sans fief, sans utilité. Parmi eux Confucius recruta ses disciples. Il vida le terme junzi de son allusion sociologique et
féodale, et lui donna un nouveau contenu : la consécration de la vie à l'étude, au perfectionnement moral et à la quête de l'union au dao. Le nouveau junzi troqua un
titre héréditaire purement honorifique pour la noblesse exigeante du cœur et de l'esprit. Le junzi incarne la synthèse de l'enseignement de Confucius.
Quelle utilité peut avoir pour vous ce mini lexique ?
Votre lecture d'un ou plusieurs ou des 38 paragraphes du Livre VII De la transmission, articule dans son énoncé de façon explicite ou implicite une ou
plusieurs de ses notions. Tentez de les identifier et essayer d'interpréter leurs rapports. Envisagez la limite de la validité de la notion ou de la thèse ou de la
critique. Evaluez enfin leur valeur en argumentant.
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(7) APPLICATION de ce mini-lexique confucéen
Livre VII
dao Voie/voie
tian Ciel/ciel
de vertu
ren humanité
yi justice
li rites
xue études
xia piété filiale
junzi homme de bien
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
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16
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