Media Communication SAS / Librairies du Savoir SA

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Media Communication SAS / Librairies du Savoir SA
Décision n°2005-C/C-17 du 13 mai 2005
Affaire CONC-C/C-05/00019: Media Communication S.A.S / Librairies du
Savoir S.A.
1. Procédure
Vu la notification simplifiée de la concentration déposée le 18 avril 2005 au secrétariat du Conseil de
la concurrence et enregistrée sous le numéro CONC-C/C-05/0019 ;
Vu le rapport du Corps des rapporteurs déposé au Conseil de la concurrence le 10 mai 2005 ;
Vu la lettre du 10 mai 2005 par laquelle le représentant commun des parties notifiantes renonce à son
droit d'être entendu devant le Conseil de la concurrence ;
Vu les pièces du dossier ;
2. Opération de concentration
2.1. Acheteur
L’acheteur est la société par action simplifiée « Media Communication SAS » (ci-après dénommée
"Media Communication") qui est établie en France, à 75015 Paris, boulevard de Grenelle, 123. Elle est
une filiale à 100% de la société de droit allemand Bertelsmann AG , établie à Gütersloh, en Allemagne
et ci-après désignée collectivement avec l'ensemble de ses filiales "le groupe Bertelsmann".
Les principales activités du groupe Bertelsmann concernent l'édition de livres et de magazines, les
clubs de livres, l'édition et la distribution de musique, ainsi que la télévision et la radio.
En Belgique, le groupe Bertelsmann est actif dans le secteur de la vente au détail de livres en Belgique
par le biais de la société « France Belgique Loisirs S.A. » connue sous la dénomination « Belgique
Loisirs ». France Loisirs Belgique SA est une filiale de France Loisirs SAS qui est une filiale à 100%
de Media Communication.
Les activités de Belgique Loisirs consistent principalement en la vente à distance de livres c’est à dire
par le biais de la poste, du téléphone et de l’Internet. Néanmoins, « Belgique Loisirs » dispose de 13
boutiques spécialisées en Belgique francophone.
L'ensemble des ventes réalisées par « Belgique Loisirs » sont effectuées par un système de club, c'està-dire que la vente est réservée aux adhérents du club qui ont payé les frais d'inscription et qui ont pris
l'engagement d'acquérir un livre par trimestre pendant 2 ans.
En dehors des activités décrites ci-dessus, le groupe Bertelsmann ne vend pas de livres sur le marché
belge.
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2.2. Vendeurs
Les vendeurs sont les actionnaires de la société « Librairies du Savoir S.A ». repris ci-dessous :
[Secrets d'affaires]
Bialiste, société de droit belge
Représentée par Mr. Philippe Sevin
17, avenue Delleur
1170 Bruxelles
Natexis Investissement, société anonyme
Représentée par Mme Maria Chatti Gautier
5-7, rue de Montessuy
75007 Paris
Natexis Private Equity, société anonyme
Représentée par Mme Maria Chatti Gautier
5-7, rue de Montessuy
75007 Paris
Sofineti, société anonyme
Représentée par Mme Maria Chatti Gautier
45, rue Saint-Dominique
75007 Paris
Flammarion SA, société anonyme
Représentée par Mr. Frédéric Morel
26, rue Racine
75006 Paris
Lireval, société à responsabilité limitée
Représentée par Mr. François d'Esneval
11, avenue Robert Schumann
92100 Boulogne
SC Les Orgues, société civile
Représentée par Mr. Roger d'Orglandes
27400 Heudreville
LMO Conseil, société par actions simplifiées
Représentée par Mr. Roger d'Orglandes
25, rue Murillo
75008 Paris
[Secrets d'affaires]
et d’autres actionnaires repris dans l’annexe confidentielle 1 du contrat de cession d’actions signé en
date du 13 avril 2005. Ces autres actionnaires sont représentés par la société « LMO Conseil » ellemême représentée par Mr Roger d’Orglandes.
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2.3. Société cible
La société cible est la S.A « Librairies Du Savoir » (ci-après dénommée "LDS").
« LDS » est la société mère d'un groupe de sociétés d'exploitation de librairies en France et en
Belgique sous l'enseigne "Privat".
En Belgique, par l'intermédiaire de la S.A « Ligena », le groupe de sociétés exploite 6 librairies de
centre-ville dans quelques-unes des principales agglomérations de la Belgique francophone (Bruxelles,
Liège, Namur et Louvain-la-Neuve). Le groupe de sociétés exploite également 2 entités spécialisées
dans la vente de livres aux collectivités et aux entreprises (Agora Service qui vend aux écoles, et
Office International de Librairies qui importe et vend des ouvrages professionnels et scolastiques en
langues étrangères) et il vend encore de façon très marginale des produits de papeterie dans 2 de ses
librairies (Bruxelles et Namur). « Belgique Loisirs » ne vend pas ce genre de produits.
3. Description de l’opération
Le 13 avril 2005, la société « Media Communication » a signé un contrat avec les actionnaires de la
société « LDS » afin d'acquérir le contrôle exclusif de l'ensemble de la société « LDS ». Il s’agit dès
lors d’une concentration au sens de l'article 9 §1-b) de la loi.
Selon les parties, l’opération de concentration fait partie de la stratégie de « Belgique Loisirs »
désireuse d'élargir sa présence sur le marché belge par l'introduction d'un concept additionnel de vente
en Belgique. En effet, « Belgique Loisirs » ouvrira des "corners Belgique Loisirs » c'est-à-dire des
comptoirs spéciaux dédiés à Belgique Loisirs lui permettant de présenter et de promouvoir ses
activités de club dans certaines librairies de LDS. Ainsi les clients de LDS se rendant dans les
librairies LDS auront la possibilité d’y devenir membres du club Belgique Loisirs. Les livres qu’ils
pourront acquérir par le biais du club dans les « corners » Belgique Loisirs sont limités à la gamme de
livres offerts dans le catalogue de Belgique Loisirs.
Quant aux membres du club Belgique Loisirs, ceux-ci en se rendant dans un magasin LDS, pourront
acheter par la même occasion des livres vendus par LDS dans leurs librairies ordinaires, c’est à dire
sans aucune obligation d’être membre. La concentration permettra donc une combinaison efficace des
activités de club et hors club offertes respectivement par Belgique Loisirs et LDS.
L’impact de cet outil de marketing sera que les produits offerts par une partie seront plus facilement
accessibles aux clients existants de l’autre partie et vice-versa.
Les parties soulignent encore que cette méthode de marketing serait dans un premier temps effectuée
uniquement en France et qu'elle n'est actuellement qu'au stade d'idée pour ce qui est de l’appliquer en
Belgique.
4. Délais
La notification a été effectuée en date du 18 avril 2005. Le délai visé à l’article 33 de la loi prend par
conséquent cours le 19 avril 2005 et la décision du Conseil de la concurrence prise en application de
l’article 33, § 2 de la loi doit être rendue pour le 6 juin 2005 au plus tard.
5. Champ d'application
Les sociétés précitées sont des entreprises au sens de l’article 1er de la loi et l’opération notifiée est une
opération de concentration au sens de l’article 9 de la loi.
Au regard des chiffres d'affaires fournis par les parties, les seuils définis à l’article 11 de la loi sont
atteints.
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6. Définition des marchés des produits et géographique en cause
6.1. Secteur économique concerné
Le secteur économique concerné par l’opération de concentration est celui du commerce de détail de
livres, journaux et papeterie (code NACE 52.47).
6.2. Marché de produits en cause
Belgique Loisirs vend des livres au détail par un système d’adhésion au club. Seuls les adhérents du
club, qui ont payé les frais d’inscription et qui se sont engagés à acheter au minimum un livre par
trimestre pendant deux ans, ont la possibilité d’acquérir les ouvrages provenant du catalogue du club.
Ce catalogue ne comprend qu’une sélection limitée d’ouvrages et il est impossible pour les adhérents
de commander un ouvrage ne figurant pas au catalogue.
Belgique Loisirs commercialise ses livres par le biais de la vente à distance c’est à dire que les achats
ou commandes se font par courrier, par téléphone ou par internet. Cependant Belgique Loisirs offre
aussi à ses adhérents de club la possibilité de se rendre dans l’une de ses 13 boutiques qui sont
implantées en Belgique francophone.
La société LDS vend ses livres directement aux consommateurs par son réseau de magasins
spécialisés. LDS exploite six librairies de centre-ville en Belgique francophone et vend également des
livres aux collectivités et aux entreprises par le biais de deux entités spécialisées.
Les parties notifiantes disent se référer à la pratique décisionnelle de la Commission européenne pour
estimer que le secteur de vente au détail peut être sous-segmenté en plusieurs marchés spécifiques.
Concernant la présente opération, les marchés en cause seraient d’une part, le marché de la vente de
livres à distance (marché comprenant les ventes de livres par club) et d’autre part, le marché de la
vente au détail de livres en magasins.
Selon la pratique décisionnelle de la Commission européenne, il convient d’une part d’identifier le
marché traditionnel de la vente au détail en magasin et d’autre part, de considérer que la vente à
distance constitue un marché de produits distinct de ce marché traditionnel de la vente en magasin. La
Commission européenne poursuit en rappelant que, sans pour autant se prononcer définitivement
quant à l’existence d’un marché pertinent de la vente en clubs de livres, elle a estimé que l’activité de
clubs de livres appartenait au segment de la vente à distance.
Le Conseil de la concurrence est d’avis de suivre la jurisprudence de la Commission européenne et de
retenir comme marchés en cause d’une part le marché traditionnel de la vente de livres au détail en
magasin et d’autre part le marché de la vente à distance de livres, marché dont la vente de livres par
l’adhésion de clubs est un segment. Néanmoins il se rallie à la proposition du Rapporteur de ne pas se
prononcer définitivement sur l’existence ou non d’un marché distinct pour la vente de livres par
l’adhésion de clubs.
6.3. Marchés géographiques en cause
6.3.1.Le marché traditionnel de la vente de livres au détail en magasin
Les parties notifiantes estiment que le marché géographique de la vente de livres en magasins est
national. Elles précisent encore que même si elles sont uniquement actives sur la partie francophone
du pays, leurs concurrents les plus importants sur les marchés en question, tels que la FNAC et CLUB
sont clairement actifs sur le marché national. Elles concluent dès lors que c’est bien au maximum le
marché national qui doit être pris en compte.
Certains acteurs du marché confirment la position des parties tandis qu’un autre acteur du marché
estime cependant que le critère linguistique doit être pris en compte, limitant ainsi le marché à la
Belgique francophone.
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La Commission européenne s’est prononcée à plusieurs reprises sur la délimitation des marchés
géographiques dans le secteur du commerce de détail. Ainsi, du point de vue du consommateur, elle a
constaté qu’en ce qui concerne le commerce de détail alimentaire et les magasins spécialisés en
articles de bricolage, les marchés géographiques étaient des marchés locaux (zone de chalandise) dans
lesquels les parties exploitent leurs points de vente. Toutefois, la Commission européenne précise que
certains éléments de l’analyse concurrentielle peuvent être analysés dans un contexte plus large que le
niveau local. Ainsi, les chaînes de magasins ont généralement une politique nationale en termes
d’implantation, d’approvisionnement, de promotion ou encore de fidélisation de la clientèle.
Le Conseil de la concurrence est d’avis de suivre la position du Rapporteur de laisser la question du
marché géographique en cause ouverte.
6.3.2.Le marché de la vente à distance de livres
Les parties notifiantes disent encore se référer à la pratique décisionnelle de la Commission
européenne pour estimer que le marché géographique de la vente à distance de livres est, dans
l’interprétation la plus large, le marché national. Dans sa décision « Bertelsmann / Havas / BOL », la
Commission européenne considère d’une part que le marché des ventes par Internet peut être plus
large que national mais d’autre part, que les premières expériences de vente indiquent toutefois
l’existence d’un marché national. Elle laissera la question ouverte.
Le Conseil de la concurrence est d’avis de suivre la position du Rapporteur et de laisser la question du
marché géographique en cause ouverte.
6.4. Marchés concernés et procédure simplifiée
Il n'y a pas de marché concerné au sens du point 5.3. du formulaire de notification. En effet, Belgique
Loisirs et LDS ne sont présents simultanément ni sur le marché traditionnel de la vente de livres au
détail en magasin ni sur le marché de la vente à distance de livres en Belgique, même limitées à la
Belgique francophone. En outre, le marché de la vente à distance de livres ne peut être considéré
comme un marché en amont ou comme un marché en aval du marché traditionnel de la vente de livres
au détail en magasin. Par ailleurs, le groupe Bertelsmann n’est pas présent sur le marché francophone
de l’édition de livres.
Il résulte que les conditions de la communication conjointe du Conseil de la concurrence et du Corps
des Rapporteurs relative à la procédure simplifiée pour le traitement des concentrations (M.B.11
décembre 2002) sont réunies et dès lors la procédure simplifiée est d’application en l’espèce.
7. Analyse concurrentielle.
Sur le marché de la vente à distance de livres, si le marché géographique pertinent est limité à la
Belgique francophone, Belgique Loisirs détient une part de marché très importante constituant une
position dominante. En outre, le groupe Bertelsmann verra sa part sur ce marché s’accroître par rachat
d’un concurrent de Belgique Loisirs si ce rachat est déclaré admissible par les autorités françaises de
concurrence.
Toutefois, on ne peut affirmer que le rachat de LDS permettra à Belgique Loisirs de renforcer sa
position sur ce marché de la vente à distance de livres en Belgique francophone. En effet :
-
Le secteur de la vente des livres par adhésion au club n’est plus un secteur porteur. En 2004, le
chiffre d’affaires mondial des clubs de livres a diminué de 4,9 % en l’espace d’une seule année.
En Belgique, le canal de commercialisation constitué par les clubs de livres a vu ses ventes
diminuer entre 1998 et 2003. Sur le seul marché du livre de langue française, une étude réalisée
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par la Communauté française de Belgique conclut qu’entre 1998 et 2003, les grandes surfaces non
spécialisées ont bénéficié d’un transfert de clientèle des clubs de livres.
-
La part de LDS sur le marché de la vente de livres au détail en magasin se limite à environ
[Secrets d'affaires - compris entre 5 et 15%] en Belgique francophone.
-
L’étude précitée de la Communauté française apprend encore que les chaînes de librairies telles
que la Fnac, Club ou Agora-Libris ne sont pas les acteurs qui se sont développés le plus ces
dernières années. Ainsi, les librairies indépendantes bénéficient d’une croissance légèrement
supérieure à celle des librairies succursalistes. Quant aux super-et hypermarchés, leur part de
marché a augmenté significativement ces dernières années.
En conclusion, le Conseil estime que le projet d’implanter des corners Belgique Loisirs dans les
magasins de LDS ne devrait pas permettre à Belgique Loisirs d’acquérir des parts de marché
significatives sur le marché de la vente à distance de livres en Belgique, même limitée à la Belgique
francophone. Tout au plus, cette nouvelle stratégie devrait permettre à Belgique Loisirs d’enrayer,
dans les prochaines années, suite notamment au développement du commerce de livres en ligne, la
perte de parts de marché de la vente de livres par adhésion au club.
Par ces motifs,
Le Conseil de la concurrence
- constate que la concentration en cause tombe dans le champ d'application de la loi ;
- déclare la concentration admissible, conformément aux articles 33 § 1er et 33 § 2, 1.a de la loi.
Ainsi décidé le 13 mai 2005 par la chambre du Conseil de la concurrence constituée de Monsieur
Jacques Schaar, président de chambre, de Mesdames Dominique Smeets, Anne Junion et de Monsieur
Christian Huveneers, membres.
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