Soumettre un litige avec un magasin de meuble à une - Test

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Soumettre un litige avec un magasin de meuble à une - Test
32 Budget&Droits 224 - septembre/octobre 2012
LITIGE MEUBLES
commission de litiges | tribunal
Sauver les meubles
Soumettre un litige avec un magasin de meuble à une instance qui a le
pouvoir de le trancher plutôt que de passer par le tribunal ? C'est possible.
Anne Moriau et Nadine Vanhee
L
e récit de la mésaventure de Monsieur F.
vous fera comprendre l’intérêt d’acheter des meubles dans un magasin qui
utilise le contrat type Garantie Meuble
de la Commission de Litiges Meubles
(CLM). La CLM est une instance extrajudiciaire
créée par Test-Achats et la Fédération Nationale
des Commerçants en Meubles (Navem). Les
commerces affiliés à la Navem peuvent adhérer
au système sur base volontaire. Avec ce contrat
type, vous disposez de plusieurs solides atouts
juridiques :
1. Les conditions de vente sont équitables;
2. vous ne devez pas vous adresser au tribunal
en cas de litige;
3. le vendeur a signé un code de conduite;
4. vous êtes protégé en cas de faillite.
La protection est d’ordre purement juridique.
La CLM ne peut offrir aucune garantie quant à
la qualité des biens vendus. Et le contrat type
ne change rien à certains problèmes concrets.
Ainsi, un retard de livraison des meubles, par
exemple, est encore toujours possible.
Régler les litiges sans tribunal
Monsieur F. achète auprès du magasin T. un
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fauteuil 2 places et un 3 places. Environ deux
mois après la livraison, le fauteuil 3 places se
casse en deux. Le vendeur vient le chercher et
le fait réparer.
Quelque temps plus tard, le fauteuil
s’effondre à nouveau, exactement au même
endroit. T. vient à nouveau l'emporter pour réparation. Mais F. n’a plus confiance en une réparation : il demande, par courrier recommandé,
que le fauteuil soit remplacé.
T. refuse. Selon lui, la première intervention
a été mal effectuée, une réparation complète
est parfaitement possible et il n’y a aucune raison de procéder au remplacement du fauteuil.
Quelques semaines plus tard, il fait savoir à F.
que le canapé a été réparé dans les règles de l’art
et qu’il peut lui être ramené à domicile. Mais F.
reste sur sa position : soit le trois places est remplacé, soit le vendeur reprend les deux fauteuils
et lui rembourse le prix d’achat.
T. est affilié à la CLM et utilise dès lors le
contrat type Garantie Meubles. Les conditions
générales au verso du bon de commande stipulent que la CLM peut être compétente en cas de
litige. F. y tente dès lors sa chance.
Moins formaliste
La CLM est moins formaliste et moins chère
qu’un tribunal ordinaire, et l’affaire peut y être
bouclée relativement vite. Mais le contrat type
ne met pas les tribunaux ordinaires hors-jeu :
vous avez le choix de vous adresser soit à la CLM
soit à la justice. Pas aux deux en même temps,
donc. N’espérez dès lors pas, si la CLM ne vous
donne pas gain de cause, vous adresser par la
suite à un tribunal (ou vice-versa).
Si vous optez pour la CLM, vous devrez
toutefois d'abord essayer de régler le litige à
VOUS NE POUVEZ VOUS ADRESSER À LA COMMISSION
QUE SI LES CONDITIONS DE VENTE LA MENTIONNENT
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Budget&Droits 224 - septembre/octobre 2012
l’amiable. Si le vendeur ne réagit pas à votre demande, vous devrez de toute manière attendre
un mois avant d’entamer la procédure. S’il réagit
mais qu’il apparaît d’emblée qu’aucun accord
n’est possible, vous n’êtes pas obligé d’attendre.
La CLM vous enverra un formulaire à compléter. Vous devrez y joindre une copie du bon
de commande, des conditions générales de
vente et de toutes les correspondances (courriers, mails, fax). Ainsi que le récit de ce qui a
été échangé par téléphone et, enfin, les preuves
(photos, vidéo).
Attention : en pratique, la CLM doit souvent
se déclarer incompétente, parce que le magasin
de meubles contre lequel la plainte est introduite ne participe pas au système.
Le commerçant peut prendre lui-même
l’initiative de soumettre le litige à la CLM. Dans
ce cas, c’est la CLM qui prendra contact avec
vous. Si vous ne souhaitez pas cette procédure,
faites-le savoir dans les 15 jours. Au risque alors
que le commerçant porte l’affaire en justice... Si
vous acceptez en revanche que le dossier soit
traité par la CLM, vous avez évidemment tout
intérêt à présenter votre propre version des
faits.
La partie qui introduit une plainte doit avancer 100 €, montant qui sera finalement à charge
du perdant. Les consommateurs qui ne sont pas
membres de Test-Achats doivent verser 50 € de
plus (non remboursables).
Après 6 à 7 mois, les parties sont convoquées
à une séance du collège arbitral de la CLM, où ils
peuvent expliquer leur point de vue. Le collège
est composé d’un représentant des consommateurs et d’un du secteur, et il est présidé par
un juriste indépendant. Vous n’avez pas besoin
d’avocat.
Même si c’est peu fréquent en pratique, un
expert peut être désigné si nécessaire. Le coût – qui atteint vite quelques centaines d’euros – doit
être avancé par la partie qui demande l’expertise
ou, si la demande émane de la CLM, par la partie qui a soumis le litige à la commission. Mais
il sera supporté au final par la partie perdante. Il
arrive aussi que le collège arbitral se rende luimême sur place pour inspecter les meubles, ce
qui revient moins cher.
Les parties peuvent encore trouver un accord amiable lors de la séance même. A défaut,
le collège arbitral tranche. Le plus souvent à
l’unanimité, mais la majorité suffit. La décision
est contraignante et définitive. On ne peut donc
pas faire appel de cette décision.
Prévenir les plaintes
Non seulement la CLM impose des conditions
de vente équitables via le contrat type, mais elle
veut également prévenir les plaintes. Elle demande à cette fin aux commerçants de signer un
code de conduite. Ce code prévoit notamment
l’interdiction des pratiques de hameçonnage
par téléphone, véritable fléau dans le secteur.
Certains magasins de meubles appâtent en
effet des consommateurs par téléphone en leur
déclarant qu’un cadeau les attend au magasin.
Une fois sur place, on vous fait miroiter des promotions afin de vous inciter à un achat. On ne
vous lâche pas jusqu'à ce que vous signiez. En
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réalité, le vendeur commence avec un prix élevé
et il vous fait croire que vous ferez l’affaire de
votre vie, alors que même avec la super réduction, vous paierez encore toujours le prix du
marché, voire plus.
Chez nous, ces pratiques sont toujours le fait
de vendeurs français; ce sont donc surtout des
francophones qui en sont victimes.
Votre acompte protégé
Le contrat type contient aussi ce que l’on appelle une garantie d'acompte. C’est unique
dans le secteur du meuble. Ce système vise à
protéger dans une certaine mesure le consommateur qui a payé un acompte à un commerce
qui fait faillite avant que les meubles ne soient
livrés. Il reçoit en effet la possibilité d'effectuer
un nouvel achat dans un autre magasin tout en
faisant déduire du prix (au moins une partie de)
l’acompte payé initialement. La CLM tente alors
elle-même de récupérer l’acompte via le curateur de la faillite. Le magasin en faillite doit bien
entendu être affilié à la CLM, et le tribunal doit
avoir prononcé un jugement définitif de faillite,
sans plus d’appel possible.
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SOUTIEN PUBLICT
Bientôt peut-être
La Commission de Litiges Meubles,
contrairement à, p. ex., la Commission
de Litiges Voyages ou la Commission
Conciliation Construction, ne reçoit
aucune aide financière ou logistique
des autorités. Nous espérons que
cela changera dans un futur proche,
car le ministre de l'Economie et des
Consommateurs Vande Lanotte a des
projets de réformes importantes du
monde des instances de traitement
extrajudiciaire des litiges.
Notons que, depuis fin 2011, vous pouvez
introduire une plainte online auprès
de la commission via le portail du SPF
Economie : www.belmed.fgov.be.
Le collège s’est référé aux conditions générales de vente de T.. Elles prévoient que s’il y a
un défaut, l’acheteur a le choix entre une réparation gratuite ou le remplacement. Le vendeur
ne peut refuser cette solution que si elle est
disproportionnée par rapport à la valeur des
meubles ou à la sévérité du défaut, ou qu’une
forme alternative de réparation est possible
sans grand dérangement pour l’acheteur. Le
collège a jugé que l’effondrement d’un fauteuil
trois places constitue sans aucun doute un défaut grave. Et que F. avait dès lors parfaitement
le droit de demander le remplacement. Il a, par
conséquent, condamné T., le 10/11/2011, à remplacer le canapé trois places défectueux par un
canapé identique neuf. ■
Si les meubles n’ont pas été livrés dans les
trois mois après le jugement et que l’acompte
n’a pas été remboursé, vous pouvez introduire
un dossier auprès de la CLM, avec copie du bon
de commande, des conditions générales ainsi
que la preuve du paiement de l’acompte. Vous
recevrez alors une liste de commerces où vous
pourrez conclure un nouveau contrat d’achat
de meubles en faisant valoir l’acompte déjà
payé. Vous avez six mois pour passer une nouvelle commande. On déduira du prix d’achat un
montant correspondant à maximum 15 % de la
première commande (si le montant du nouvel
achat est plus faible : 15 % du nouvel achat).
Cette année, la garantie d'acompte a été appliquée pour la première fois suite à la faillite du
magasin TOP TEAK à Wijnegem, qui a été prononcée par le tribunal de commerce d’Anvers le
12/1/2012.
Dénouement heureux pour monsieur F.
La CLM a accepté le dossier de F., et le litige a été
tranché par le collège arbitral.
Un magasin avec
un petit plus
Ê Vous êtes juridiquement fort si
vous achetez vos meubles dans un
magasin qui accepte la commission
de litiges. Voyez la liste sur notre site
www.test-achats.be/
magasinmeuble
PLUS D' INFO
> Le contrat type : www.navem.be
> Info et plaintes : Commission de Litiges
Meubles, Kasteelstraat 1A bus 10, 1700
Dilbeek; tél. 02 478 47 58; fax 02 478 37 66;
e-mail: [email protected]
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