les occidentaux et le monde arabo-musulman au moyen age

Transcription

les occidentaux et le monde arabo-musulman au moyen age
Histoire-géographie :
Histoire médiévale
Proposition de corrigé
LES OCCIDENTAUX ET LE MONDE ARABO-MUSULMAN
AU MOYEN AGE
La géographie conditionne dans une large mesure l’histoire du bassin méditerranéen.
Espace quasiment clos aux dimensions restreintes et aux conditions de navigation
relativement aisées, il favorise en effet depuis l’Antiquité l’échange des individus et des
marchandises. Tel est encore le cas au cœur du Moyen Age, lorsque se font face trois
civilisations distinctes : l’Occident chrétien, le monde musulman et l’empire byzantin
agonisant. Il s'agit donc de réfléchir aux différents aspects de cette promiscuité, soit à
répondre à la question suivante : quel a été l’impact du monde arabo-musulman sur
l’évolution culturelle et économique de l’Occident médiéval ?
Comme en atteste le document 4 il existe deux théâtres d’affrontements militaires entre
chrétiens et musulmans :
- La péninsule ibérique, où la Reconquista témoigne d’une prise de conscience identitaire
assise sur des critères religieux. En ce sens, la présence arabo musulmane engendre par
opposition une affirmation culturelle chrétienne, les chrétiens étant ici privés d’autorité
politique depuis le VIIIè siècle. C’est cette unité nouvelle, conjuguée à la désunion politique et
militaire des musulmans, qui explique l’avancée chrétienne jusqu’à Las Navas de Tolosa en
1212 (document 4). Dès lors, et jusqu’en 1492, les musulmans sont confinés à l’extrême sud
de la péninsule.
- Les croisades constituent l’épisode conflictuel le plus marquant de la période, bien que
leur impact politique et culturel soit supérieur à leur intérêt militaire pour l’Occident.
Il convient d'en rappeler ici trois aspects majeurs.
♦ Religion initialement structurée autour d’un idéal de paix, le christianisme devient par
l’appel d’Urbain II le fondement d’une action belliqueuse : il s’agit de combattre au
nom de Dieu. Ainsi apparaît la milita Dei, nouveau genre de conflit.
♦ Les mobiles de l’appel d’Urbain II (document 1) ne se limitent pas à la volonté de
venir en aide aux chrétiens d’Orient pour libérer la Terre sainte ; ils doivent
beaucoup à la situation de la papauté en Occident : en accordant aux croisés
l’absolution de leurs péchés, le souverain pontife cherche bien à mobiliser des foules
susceptibles de remporter des victoires, mais encore à purifier la chrétienté des gens
d’armes qui y sèment le désordre - « Qu’ils soient désormais les chevaliers du
Christ, ceux-là qui n’étaient que des brigands ! » (document 1). Ce faisant, le pape
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s’impose par des moyens spirituels comme un chef temporel incontournable en
Occident.
♦ Soulignons enfin l’échec militaire de l’entreprise, malgré sa longévité (la 8ème
croisade se déroule en 1270) et les efforts déployés par les croisés pour s’installer
durablement en Terre sainte (création des Etats latins d’Orient) : il "condamne" en
définitive la chrétienté à admettre à ses côtés l’existence d’un monde qui lui est
distinct.
Les documents présentés témoignent également du caractère pacifique des relations
entre chrétiens et musulmans à travers divers éléments.
L’activité commerciale tout d'abord. Source d’intérêts réciproques elle permet en particulier
à de grands ports italiens (Gênes, Venise notamment) de s’enrichir (document 3). Or, ces
échanges modifient peu à peu les modes de vie et de consommation d’une partie des
Occidentaux, qui adoptent les denrées importées d’Orient. Les croisades n’ont pas eu
d’impact déterminant sur le commerce puisqu’elles ne l’ont pas interrompu, preuve que les
liens économiques entre les rives transcendaient déjà la nature des rapports politiques.
Par ailleurs, la richesse des échanges culturels, qu’ils soient artistiques ou intellectuels
(documents 3 & 5) ne doit pas être occultée par la violence et la longévité des conflits armés.
Or, dans ce domaine, force est d’admettre que c’est l’Occident qui a le plus profité de
l’échange : la chape religieuse qui pèse sur la culture occidentale médiévale condamne a
priori la validité et l’intérêt d’écrits païens ou hérétiques. Les racines antiques de la culture
européenne tendent ainsi à être niées au profit de l’apport judéo-chrétien. La science ellemême n’a d’intérêt que lorsqu’elle sert ou ne contredit pas les intérêts de l’Eglise. Or, c’est
précisément au contact de grands savants arabo musulmans (Averroès, Avicenne ou Al
Idrissi) (document 5) que des penseurs occidentaux peuvent épancher leur soif de savoir, en
particulier en Espagne. C’est dire que l’enrichissement culturel s’épanouit dans un climat
belliqueux, quitte à s’inscrire dans la volonté d’écrasement de l’adversaire : « Le contexte de
guerre (…) avec l’Islam, qui marque toute la mentalité du Moyen Age, joue un rôle non
négligeable de stimulant sur l’attitude de l’Eglise à l’égard de la science : il s’agit de reprendre
aux ennemis les trésors de la pensée antique dont ils se sont emparés ; il s’agit de montrer la
supériorité de la culture chrétienne. ». Voilà qui relativise "l’harmonie" culturelle entre les deux
civilisations. Si nous ne devons pas borner notre vision de la période aux seules croisades,
encore doit-on sans cesse avoir à l’esprit la notion d’affrontement. Il n’empêche, c’est par ce
biais que les Occidentaux entament leur redécouverte de leurs racines gréco-latines et
s’ouvrent à des influences innovantes, telle que la numération indienne qui supplée peu à peu
les chiffres romains.
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Il existe néanmoins quelques véritables espaces de synthèse culturelle, où l’acceptation
de l’autre ne fait aucun doute. Tel est le cas de la Sicile, royaume chrétien qui ne pose
aucune entrave à l’exercice du culte musulman et mêle toutes les confessions à la cour
(document 3). C’est bien Al Idrissi qui élabore son planisphère pour le roi Roger II (11301154), ce qui donne au souverain une vision du monde empreinte de déterminisme musulman
plutôt que chrétien (document 5). C’est encore à Palerme que la chapelle palatine, bâtie selon
le plan basilical romain, est décorée par des ébénistes arabes. Il est ici question de
syncrétisme culturel, mais admettons que les exemples sont rares.
Il importe donc de ne pas restreindre les rapports entre chrétiens et musulmans aux
seules croisades, bien que l’on ne puisse dans le même temps faire abstraction d’une rivalité
multiforme. Adoption de nouvelles modes, enrichissement des savoirs techniques,
scientifiques et philosophiques : les Occidentaux puisent bien une partie de leur culture dans
les apports arabo-musulmans médiévaux.
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