Sarkozy met la « nation » au cœur de sa campagne

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Sarkozy met la « nation » au cœur de sa campagne
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jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO - N° 22 342 - www.lefigaro.fr - France métropolitaine uniquement
Première édition
lefigaro.fr
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais
ANTIQUITÉS
CETTE AFFAIRE DE FAUX
MEUBLES XVIIIe QUI SECOUE
LE MARCHÉ DE L’ART PAGE 29
SONDAGE
La France
championne de
l’euroscepticisme
PAGE 7
ÉGLISE Le cardinal
Barbarin entendu
par la police PAGE 9
SOCIAL
L’Oise réclame
le remboursement
de l’aide aux
mineurs isolés PAGE 10
ROALD DAHL, UN ÉCRIVAIN
QUI N‘EST PAS RÉSERVÉ
AUX ENFANTS NOTRE SUPPLÉMENT
Sarkozy met la « nation »
au cœur de sa campagne
Lors d’un discours prononcé près de Lille, le futur candidat à la primaire s’est livré à un plaidoyer
pour « la souveraineté du peuple », dénonçant le « communautarisme » et la « tyrannie des minorités ».
Huit cents militants et une
quarantaine de parlementaires avaient fait le déplacement à Saint-André-lezLille, dans la banlieue
lilloise, pour écouter le président des Républicains délivrer le discours solennel
d’un quasi-candidat. Appelant à combattre le « renon-
cement », Nicolas Sarkozy a
fait de la nation l’axe central
de son discours et de son
projet. Évoquant la défense
de la laïcité et l’interdiction
du voile, il a insisté sur la
« tradition chrétienne » de la
France. L’ancien président a
aussi sévèrement critiqué un
quinquennat socialiste au
è LE CONTRE-POINT DE GUILLAUME TABARD : « L’ANCIEN PRÉSIDENT BRANDIT SA CARTE D’IDENTITÉ NATIONALE » èVERBATIM : LE PEUPLE SE REDRESSE ET DIT « ÇA SUFFIT »
è LES RIVAUX DE SARKOZY LUI DEMANDENT UNE « CLARIFICATION » è L’ÉQUIPE DE CAMPAGNE DE L’EX-PRÉSIDENT DÉJÀ À PIED D’ŒUVRE PAGES 2, 4 ET L’ÉDITORIAL
SNCF :
ce que la
non-réforme
va coûter
à l’État
Au Sahel, les forces de
« Barkhane » confrontées
à l’éparpillement
de la menace djihadiste
FOOTBALL
Les 30 qui vont
faire l’Euro PAGE 12
ÉCONOMIE
Le trop-plein d’acier
chinois inquiète PAGES
20 ET 21
MUSIQUE
Les vinyles de Radio
France en vente
n
n
n
n
FRED MARIE
CHAMPS LIBRES
PAGE 28
Enquête :
« La Silicon
Valley s’en
va-t-en-guerre »
La chronique
d’Éric Zemmour
Le tête à tête
de Charles Jaigu
Euro 2016 :
les tribunes
de Chantal
Delsol et de
Stéphane Ratti
La chronique
de Luc Ferry
L’analyse
de Laure
Mandeville
Engagée il y a près de deux ans, l’opération menée par l’armée française fait face à un ennemi qui a évolué.
Les militaires traquent désormais de petits groupes, désorganisés mais conservant un fort pouvoir de nuisance. PAGE 8
PAGES 14 À 17
@
FIGARO OUI
FIGARO NON
Réponses à la question
de mercredi :
Le gouvernement
a-t-il eu raison de
renoncer à la réforme
du statut des cheminots
pour arrêter la grève ?
OUI
9%
NON
91 %
TOTAL DE VOTANTS : 54 896
M 00108 - 609 - F: 2,20 E
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Présidentielle :
Nicolas Sarkozy doit-il
déclarer sa candidature
avant l’été ?
FONDATION HORST TAPPE/KEYSTONE
SUISSE/ROGER-VIOLLET
Après l’enterrement d’une réforme qui devait produire de
larges économies à la SNCF,
Manuel Valls a annoncé mercredi à l’Assemblée une série
de mesures destinées à renflouer les caisses de l’entreprise publique. Dans l’immédiat,
l’État va verser 400 millions
d’euros pour combler le déficit
des trains Intercités et allouer
500 millions de plus d’ici à
2020 pour l’entretien et le renouvellement des infrastructures ferroviaires. La reprise
d’une partie de la dette du
groupe, qui s’élève à 50 milliards d’euros, est également à
l’étude. PAGE 22
ÉDITORIAL par Yves Thréard [email protected]
n
n
cours duquel s’est affirmée
la « tyrannie des minorités »,
zadistes, manifestants et
casseurs, ou encore islamistes radicaux.
O
Répondre à la colère
ù est la nation ? Où est le peuple ? À force de nier la première
et de ne pas écouter le second, la
France n’est-elle pas en « train
de se dissoudre » ? C’est à ces
questions que Nicolas Sarkozy a voulu répondre hier dans son discours de Saint-André-lez-Lille. Rappelant ainsi que le bienêtre d’un pays n’est pas seulement indexé sur
son taux de croissance et sa courbe du chômage. Son dynamisme et sa grandeur viennent aussi de la volonté des siens de « suivre
les mêmes usages et les mêmes coutumes », de
leur capacité à assumer leur « identité morale,
culturelle et spirituelle ».
C’est une évidence. Dans le marasme actuel,
les candidats à la primaire de la droite sont
attendus sur le front économique. François
Fillon a donné le ton. Depuis, tous préconisent les mêmes solutions, ou presque. Le
procès en ultralibéralisme qui leur est fait est
sans fondement. Voudrait-on qu’ils flirtent
avec les idées socialistes qui ont mis la France
à genoux ? Peut-on demander à la droite
d’être autre chose qu’elle-même, enfin ellemême, ce qu’elle a, par le passé, parfois
oublié d’être ?
Mais il n’y a pas que l’économie. Il y a aussi
l’appel de tous ces Français en colère - ils sont
des millions - qui ne supportent plus le délitement de leur pays. Qui refusent de le voir
sombrer dans le communautarisme militant,
nier ses origines chrétiennes, piétiner l’autorité. Bref, qui demandent à leurs responsables
politiques de relever la
tête après des années
d’indifférence, d’accommodement,
de
renoncement.
À l’instar de Sarkozy,
Juppé, Fillon, Le Maire et les autres doivent
entendre ce cri d’alarme. Y répondre, ce
n’est pas céder au populisme ni cultiver une
quelconque nostalgie. C’est prévenir le pire,
dans et, peut-être, hors les urnes.
Le hasard veut que l’ex-chef de l’État ait prononcé son discours quarante-huit heures
avant le coup d’envoi de l’Euro de football.
Compétition qui s’appelait à sa création, en
1960, la Coupe d’Europe des nations. Europe,
nation, deux mots balayés. Comme un symbole de la décomposition de la première et de
la désagrégation de la seconde. Effectivement, il y a urgence. ■
IWC PILOT.
#B _ORIGINAL .
Ce n’est pas
céder au
populisme
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* IWC. Etre original
A
POLITIQUE
En meeting, Valls
veut ressouder
la gauche PAGE 6
LE FIGARO LITTÉRAIRE
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
2
L'ÉVÉNEMENT
COPÉ VEUT RENDRE OBLIGATOIRE
LE LEVER DU DRAPEAU À L’ÉCOLE
Jean-François Copé propose de rendre obligatoire à l’école publique,
« pour redonner l’amour de la France, le sentiment de partager une
communauté de destin », le « lever du drapeau, le chant de La Marseillaise
et le port de l’uniforme ». « Il ne s’agit évidemment pas de transformer
les écoles en casernes, mais d’assumer sans complexe qu’on a trop reculé
sur le patriotisme et l’amour de la France », affirme le député maire de Meaux.
«
«
Le réveil de la nation auquel
je vous appelle de toutes
mes forces, c’est le réveil
de la nation avec ses valeurs
de liberté, de tolérance,
de fraternité, de solidarité,
de laïcité, de la République
Nicolas Sarkozy, c’est Barbapapa :
il peut se transformer en patriote,
en centriste, en immigrationniste
ou en opposant à l’immigration.
N’ayant pas de colonne vertébrale,
il fait fi de toute sincérité
ou conviction, il s’adapte
NICOLAS SARKOZY, À SAINT-ANDRÉ-LEZ-LILLE
MARINE LE PEN, PRÉSIDENTE DU FN, MERCREDI DANS « L’OPINION »
»
»
Sarkozy exalte « la nation »
En meeting près
de Lille, le président
de LR a dénoncé
« la tyrannie
des minorités ».
CHARLES JAIGU £@cjaigu
ENVOYÉ SPÉCIAL À SAINT-ANDRÉ-LEZ-LILLE (NORD)
À TROIS mois du coup d’envoi de la
primaire à droite, Nicolas Sarkozy a
prononcé son premier discours solennel de quasi-candidat. Un discours sur
une France saisie par « le doute » et qui
ne doit pas se laisser gagner « par le renoncement », a-t-il dit en citant
de Gaulle. Une quarantaine de parlementaires avaient fait le déplacement à
Saint-André-lez-Lille, dans la banlieue
lilloise, de François Baroin à Éric
Woerth et Christian Jacob. Seule absence notable, celle de Xavier Bertrand, le président de la région Hautsde-France où l’onde sismique du Front
national a été la plus forte lors des dernières élections régionales.
Près de 800 militants ont fait le déplacement pour écouter le patron du
parti les Républicains, mais surtout
pour entendre celui qui ne cache plus
son intention d’être candidat. Dans une
salle sans décorum, où des chaises sont
restées vides, Nicolas Sarkozy s’est placé, sans jamais le nommer, en adversaire d’Alain Juppé. Il a voulu se démarquer de son futur rival en revendiquant
pour lui seul le thème national. Un Juppé qu’il a décrit, « comme certains à
droite, touché par la douce mélodie des
“accommodements raisonnables” » avec
les affirmations identitaires de la communauté musulmane.
Pour ce premier rendez-vous préélectoral, Nicolas Sarkozy a pris le train
gare du Nord, où les caméras et les élus
l’attendaient. Parmi eux, le plus visible
était François Baroin, dont le ralliement
ce week-end a préparé cette séquence
de mobilisation. Dans un discours
« écrit par lui et collectivement relu »,
selon ses proches, qui assurent que cette fois-ci Henri Guaino n’a pas participé à sa rédaction, Nicolas Sarkozy a désigné le nouvel ennemi du jour : les
minorités qui dictent leur loi à la majorité silencieuse. Il a dénoncé « la tyrannie des minorités », celles qui n’ont cessé d’affirmer leur pouvoir de nuisance
au cours du quinquennat de François
Hollande. Dans une longue litanie, il en
a dressé la liste : « Une poignée de lycéens qui bloquent un lycée, de zadistes
Mercredi soir à Saint-André-lez-Lille, Nicolas Sarkozy s’est placé, sans jamais le nommer, en adversaire d’Alain Juppé.
qui bloquent la construction d’un aéroport, de gens du voyage qui bloquent une
autoroute, de casseurs qui bloquent une
raffinerie, d’islamistes radicaux qui
prennent en otage un quartier. » Il a appelé le peuple à se « lever contre la
chienlit ». Une « chienlit » dont il a rendu responsable « la CGT ».
Pour ce discours très solennel, retransmis en direct sur YouTube, il a
souligné que toutes les mesures de fermeté – « l’interdiction du voile, la défense
de la laïcité », a-t-il cité - « seront vai-
“
L’idéologie post-nationale
a progressivement aboli
l’unité du peuple par-delà
ses différences
NICOLAS SARKOZY
”
nes si nous ne renouons pas avec notre
projet en tant que nation ». Un projet qui
suppose que chacun assume l’histoire
de ce pays, son appartenance à « une
tradition chrétienne ». Il a beaucoup dénoncé l’idéologie post-nationale, « qui
fait de la nation un périmètre juridique »
où peut désormais s’épanouir « une société multiculturelle », indifférente à
l’histoire et la culture de la nation.
« Une idéologie qui a progressivement
aboli l’unité du peuple par-delà ses différences », a condamné Sarkozy. Renouant avec une partie de sa stratégie
de 2012, et même celle de 2007, il s’est
présenté comme l’avocat du peuple sa-
crifié par « une partie des élites, par la
gauche culturelle », qui considère que
« le peuple est réactionnaire ». Il a néanmoins réaffirmé comme essentiels à
cette identité deux grands principes :
l’égalité entre les femmes et les hommes, et la liberté d’expression. Il a notamment estimé que « le droit de critiquer les croyances, les doctrines, les
idéologies, était imprescriptible ». Un
souvenir des manifestations du 11 janvier 2015, après les attentats contre
Charlie Hebdo. Et il a refusé le « nationalisme de repli » du Front national, mentionné seulement une fois dans cette
terre d’élection de Marine Le Pen.
Au moment de conclure, Nicolas
Sarkozy, qui avait auparavant dénoncé
« les mensonges de François Hollande »,
a mis en cause le pouvoir en place, sans
le nommer. « Quel épouvantable gâchis,
avec des taux d’intérêt aussi bas, un prix
du pétrole aussi compétitif, d’avoir une
croissance si faible », s’est-il désolé, en
reprenant à son compte les valeurs qui
déjà étaient les siennes il y a dix ans, à
la veille de la campagne de 2007 :
« Autorité, travail, et mérite. » Il y a
ajouté deux promesses plus précises :
« La baisse des impôts, et la fin des zones
de non-droit. » Chacun l’aura compris,
ce discours prononcé non loin du lieu
de naissance du général de Gaulle était
le premier acte d’une candidature annoncée : « C’est la raison d’être de mon
retour parmi vous dans ce combat pour
la renaissance de la France », a-t-il
conclu. ■
VERBATIM
A
Le peuple se redresse et dit : “ Ça suffit ”
« L’esprit de renoncement, c’est la
maladie d’une partie des élites, celles
qui nous disent comment penser.
Celles qui prétendent savoir ce qui
est correct. Ce que l’on peut dire
et ce qu’il faut taire. La maladie du
renoncement, c’est quand ces élites
ne se sentent plus le désir ni la force
de défendre l’histoire de la France,
son identité culturelle, son identité
morale et même son identité
spirituelle, car la France, c’est un
corps, c’est un esprit, c’est une âme.
L’esprit de renoncement, c’est un
long mouvement commencé il y a
près d’un demi-siècle, quand des
jeunes gens écrivaient sur les murs
de Paris : « Jouissons sans entrave »,
« Il est interdit d’interdire ». Ici a
commencé à germer le désastre. (…)
Le « politiquement correct », c’est
la tyrannie des minorités. C’est par
exemple de dire : « Il n’y a aucun
problème d’immigration. » Et si vous
pensez qu’il y a un grand problème
d’immigration, c’est d’ajouter : « Vous
êtes xénophobe. » Si vous dites qu’il
y a des Molenbeek dans les banlieues
françaises, le « politiquement
correct », c’est de dire : « Vous jetez
de l’huile sur le feu. » Une minorité
pense qu’il n’y a pas de problème
d’immigration, pas de problème de
communautarisme, pas de problème
de sécurité. La majorité pense
le contraire. Mais c’est la minorité
qui décide de ce qu’il convient de dire
et de penser. (…) Il y a peu, quand on
parlait de contrôle de l’immigration,
quand on parlait d’identité nationale,
quand on parlait de déchéance
de nationalité, on se faisait traiter
de fasciste. Mais les esprits évoluent,
mais la foule se lève, le peuple se
redresse et il dit de plus en plus fort :
“Ça suffit.” Ce qui, paradoxalement,
a permis ce réveil de la conscience
nationale ? C’est précisément
l’immigration et l’islam. (…)
La politique de la nation devra
défendre nos us et coutumes, notre
langue, nos traditions culinaires, nos
habitudes vestimentaires. Elle devra
revendiquer notre culture et notre
histoire. Nommer les choses sans
détour. Nommer le réel. Dire que la
France est un pays d’empreinte et
de traditions chrétiennes, un pays
qui est né du baptême de Clovis
il y a plus de mille cinq cents ans. (…)
Les chrétiens ne gouvernent pas la
France : c’est cela, la séparation de
l’Église et de l’État, la définition même
de la laïcité. Chacun y est libre de
pratiquer le culte de son choix
mais les religions n’ont rien à voir
avec le pouvoir temporel.
Mais c’est un pays chrétien dans sa
culture et dans ses mœurs, c’est un
pays ouvert, accueillant, tolérant, et
c’est ce pays que doivent respecter
ceux qui veulent y vivre. » ■
SÉBASTIEN VALENTE/E-PRESS PHOTO
CONTRE-POINT
PAR GUILLAUME TABARD £@gtabard
L’ancien président brandit
sa carte d’identité nationale
I
dentité nationale, identité
sarkozyste. Ce thème sied
à l’ancien président. Ou plutôt
au candidat. À celui d’hier,
en 2007 et 2012. Et, veut-il croire,
au candidat de demain. Parler
de « la fierté d’être français »,
du « réveil de la nation » comme
antidote à « la société multiculturelle »
et à « la société repliée et sclérosée »,
c’est son talisman. Son sujet fétiche
qui lui permet à la fois d’offusquer
ses adversaires, d’incommoder
ses partenaires, de déclencher
ces polémiques qui le placent
au centre du débat et… de remonter
dans les sondages.
Ainsi, le discours de Saint-Andrélez-Lille donne le véritable coup
d’envoi de la campagne de Nicolas
Sarkozy. Campagne de la primaire
et campagne présidentielle tant
cette thématique de l’identité
traverse toute la société française
et chacun des trois camps politiques.
Coup de barre à droite? C’est une
des lectures possibles de ce discours.
L’ancien chef de l’État le sait et la
recherche. Il est clair que la charge
contre les « minorités » qui bloquent
le pays et contre les « militants
du parti pédagogique » à l’école
ou le plaidoyer pour « l’autorité,
l’ordre public », « les droits et les
devoirs » visent à mobiliser le socle
de la droite. Ou que la dénonciation
d’une Europe devenue « un espace
vide de légitimité démocratique »
est faite pour séduire un électorat
souverainiste passé au Front
national.
Mais le cœur de son discours est
l’opposition entre la « communauté
nationale », qu’il exalte, et les
« communautés particulières » qu’il
pourfend parce qu’elles imposent
la « tyrannie » de leurs droits et
instaurent un « communautarisme »
qui dissout la France. Ce primat de
l’histoire, de la culture, des valeurs
nationales partagées sur la mosaïque
de communautés spécifiques rejoint
sur bien des points la vision de la
République défendue par Manuel
Valls, et que le premier ministre
oppose à la gauche multiculturelle.
C’est dire si ce grand débat sur
l’identité, qui constitue aux yeux
de Sarkozy « le véritable sens »
de la prochaine présidentielle,
ne se réduit pas à une question
de gauche ou de droite.
Le calcul du président des
Républicains est simple: plus ses
concurrents et les observateurs
parleront de sa droitisation et plus
le « peuple » - autre mot-clé de son
discours - le jugera en phase avec
ce qu’il ressent. Nicolas Sarkozy le
martèle en privé : «La question n’est
pas d’être plus à droite ou plus au
centre, mais d’être central. » Central,
c’est-à-dire au cœur des aspirations
ou des craintes des Français et au
centre du débat.
Certes, tous les candidats à la
primaire viennent ou s’apprêtent à
venir sur ce terrain de l’identité. Mais
l’ancien chef de l’État mise sur une
antériorité censée lui donner plus de
crédibilité. Sarkozy veut montrer que
sur ces sujets, c’est sa voix qui porte
le plus. Alors que jusqu’à présent,
la primaire a essentiellement tourné
autour des questions économiques,
il veut être celui qui l’aura fait passer
d’une querelle d’experts sur
des mesures gouvernementales
à un débat sur la France. Mais si sa
différence est dans la force des mots
employés, elle recèle aussi une
faiblesse : être renvoyé à son mandat
élyséen où cette flamme ne fut pas
toujours portée. ■
» Retrouvez
Guillaume Tabard
tous les matins à 8 h 10
sur Radio Classique
La question
n’est pas
d’être plus à
droite ou plus
au centre,
mais d’être
central
»
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
L'ÉVÉNEMENT
4
Les rivaux
de Sarkozy lui
demandent une
« clarification »
Les candidats déclarés à la primaire
s’estiment désavantagés par rapport
au président des Républicains.
JUDITH WAINTRAUB£@jwaintraub
L’AGACEMENT monte chez les concurrents du président des Républicains : jusqu’à quand Nicolas Sarkozy va-t-il jouir
des avantages de la fonction sans subir les
inconvénients d’une candidature officielle ? Nathalie Kosciusko-Morizet a soulevé
la question mardi soir, au bureau politique, à l’occasion du vote d’un « code de
bonne conduite » de la primaire. Présenté
par le député des Bouches-du-Rhône
Bernard Reynès, ce texte demande aux
candidats de donner « une image positive
de la droite républicaine et du centre ». Tout
cela est bel et bon, a fait valoir en substance NKM, mais quid des devoirs incombant
au chef du parti ? Réponse de l’intéressé,
rapportée par Le Parisien : « Si je fais des
salles remplies de monde et que d’autres
font des salles à moitié vides, c’est peutêtre aussi qu’il y a une inégalité de talents. »
François Fillon, lui, a déclaré mardi soir
sur TF1 que, sur ce sujet, Nicolas Sarkozy
était « face à sa conscience ». Qualifiant la
candidature de l’ancien chef de l’État de
« secret de Polichinelle », il a ajouté : « Moi,
je mène campagne en pleine transparence,
sans toucher un sou de ma formation politique, avec les dons que me font les Français.
C’est ce qui fait peut-être ma force et mon
indépendance. » La semaine dernière,
dans un entretien au Figaro, Alain Juppé
s’est dit « impatient » que Nicolas Sarkozy
officialise sa participation à la primaire.
« Chacun conçoit les choses à sa manière,
mais pour être candidat, il lui faudra sans
doute prendre un peu de distance avec les
appareils partisans qui souffrent d’un discrédit profond », a estimé le maire de Bordeaux (nos éditions du 1er juin).
En privé, le ton est nettement moins
conciliant. Juppé n’a pas du tout apprécié
de devoir louer la Salle Wagram, la semaine dernière, pour rassembler quelque
1 000 maires venus le soutenir en marge
“
On voit bien que Nicolas
Sarkozy est en campagne.
C’est naturel d’ailleurs,
il est revenu pour ça, il est
légitimement candidat
”
BENOIST APPARU, DÉPUTÉ DE LA MARNE
du congrès de leur association, tandis que
Sarkozy en recevait plus de 700 rue de
Vaugirard. « Le parti paie la salle et les petits fours, c’est pratique », a pesté l’expremier ministre auprès d’un député. Il
était d’autant plus agacé que cette réception de maires au siège de LR a servi de
décor à l’arrivée officielle de François Baroin dans le premier cercle sarkozyste.
« En janvier, Sarkozy nous avait déjà fait
le coup d’envoyer un mail à tous les adhé-
rents pour les avertir de la publication de
son livre, avec lien vers les sites de vente en
ligne », rappelle un proche de Fillon. À
l’époque, les deux anciens premiers ministres avaient protesté. « Ils n’avaient
qu’à demander à bénéficier du même traitement », s’était contenté de répondre
Frédéric Péchenard, directeur de cabinet
de Nicolas Sarkozy.
Les candidats déclarés n’ont pas accès
au fichier des militants et, en pratique, ne
peuvent pas compter sur les bons offices
de la rue de Vaugirard pour relayer leur
campagne. « Même l’organisation des
meetings peut se révéler compliquée dans
certaines fédérations », assure-t-on dans
les QG loués par les compétiteurs.
Nicolas Sarkozy, lui, bénéficie de toute
la logistique de LR, mais à quel titre l’en
priver ? « Juridiquement parlant, il n’y a
rien à dire, a reconnu mercredi le juppéiste Benoist Apparu sur France Info. Financièrement parlant, il n’y a aucun problème.
Mais politiquement parlant, le plus tôt sera
le mieux. Ce sera le meilleur moyen d’éviter
toute suspicion sur la primaire. » « On voit
bien que Nicolas Sarkozy est en campagne.
C’est naturel d’ailleurs, il est revenu pour
ça, il est légitimement candidat », a souligné le député de la Marne. La semaine
précédente, Jean-Pierre Raffarin était
également monté au créneau pour le
compte d’Alain Juppé, en jugeant qu’une
« clarification » à la tête du parti sera
« utile » dès que « les bureaux de vote seront arrêtés », soit « avant l’été ».
La règle de la primaire impose à tout
membre de la direction de LR qui souhaiterait y participer de démissionner dès sa
déclaration de candidature, et de se déclarer au plus tard le 25 août. Les autres
impétrants ont jusqu’au 9 septembre.
Rien ni personne ne peut contraindre Nicolas Sarkozy à anticiper l’échéance.
« J’ai fait campagne pour la présidence de
l’UMP en expliquant qu’il serait mieux
pour tout le monde que le président de notre
parti ne soit pas candidat à la primaire, je
ne vais pas vous dire que la situation me
convient », soupire Hervé Mariton. Comme les autres candidats déclarés, le député de la Drôme demande une « clarification », mais ne se fait aucune illusion sur
ses chances de l’obtenir. ■
François Fillon et Alain Juppé,
lors d’un meeting de campagne
à Pessac, le 23 mars.
B. PATRICK/ABACA
2
juillet
Conseil national de LR,
le « Parlement » du parti,
présidé par Luc Chatel
9
septembre
Date limite de dépôt
des candidatures
pour la primaire
L’équipe de campagne de
l’ex-président à pied d’œuvre
JEAN-BAPTISTE GARAT £@figarat
A
RUSSIA = RUSSIE.
552 JOUEURS
UNE SEULE
LE JOURNAL, LA CHAÎNE, LE MAGAZINE, LE SITE.
TOUTE LA COMPÉTITION DANS LES MOINDRES DÉTAILS.
« ON NE VA PAS attendre que Nicolas
Sarkozy se déclare pour être prêts. Quand
il se lancera, l’intendance devra suivre. »
Le compte à rebours est lancé pour les
proches de l’ancien président qui se
préparent à une nouvelle campagne de
longue haleine. « Pour l’instant, nous
fonctionnons de manière artisanale, mais
nous pouvons nous transformer à tout
moment en PME dynamique », explique
le fidèle Brice Hortefeux. L’Association
de soutien à l’action de Nicolas Sarkozy,
que préside l’ancien ministre, constitue
un premier outil. Ce micro-parti, qui
vient de fêter ses seize années d’existence, collecte les dons et recrute des bénévoles qui s’engageront « une à cinq heures par semaine ».
Question fonds, l’équipe se montre
discrète sur les montants. « Cela fonctionne bien », assure un proche. La trésorerie de l’association a été confiée à un
homme de confiance : le conseiller
d’État Michel Gaudin, qui fut directeur
général de la police nationale et dirige le
cabinet de l’ancien président de la République. Le banquier d’affaires Philippe Villin, ancien directeur du Figaro, a
de son côté relancé la machine à dons
des entrepreneurs. En bureau politique,
Nicolas Sarkozy a obtenu que le plafond
des dépenses pour la campagne soit relevé à 1,5 million d’euros, contre le million prévu initialement et dont ses
concurrents se seraient bien contentés.
« Certains sont en campagne depuis deux
ans, souligne un sarkozyste. Nous, nous
allons avoir 100 jours pour convaincre et
on ne veut pas être enquiquinés par des
questions d’argent. »
Mais c’est surtout sur la mobilisation
partisane que Nicolas Sarkozy compte
faire la différence. L’ancien chef de l’État
ne croit pas à l’hypothèse d’une participation record. « Il juge qu’il y aura environ trois millions de votants, moins que
pour la primaire socialiste de 2011, explique un interlocuteur. Et pas quatre, cinq
ou six comme l’espèrent ses concurrents.
Et pour gagner, avec trois millions de votants, il faut un million et demi de suffrages. » Pour atteindre cette barre, il peut
a priori déjà compter sur les 100 000 adhérents de l’UMP qui ont voté pour lui en
2014 et une bonne proportion de ceux
qui ont adhéré depuis : le parti en comptait 240 000 en janvier. Il est en revanche
peu probable que les Républicains atteignent les 500 000 adhérents d’ici à la fin
de l’année, comme Nicolas Sarkozy s’en
était donné l’objectif. Les ventes de son
livre La France pour la vie - près de
200 000 exemplaires - constituent également un indicateur de sa popularité. Il
compte également intensifier le rythme
de ses déplacements, « avec des thèmes
très marketés et des discours ciblés ».
L’objectif étant de « remobiliser, électo-
C’est sur la mobilisation
partisane que Nicolas
Sarkozy compte faire
la différence
rat par électorat, ceux qui un jour ont été
sarkozystes ». De son côté, Frédéric Péchenard, le directeur général du parti et
secrétaire départemental de la fédération de Paris, a été chargé de trouver un
local de campagne.
Autre levier d’action : le cercle du
Toucan. Nicolas Sarkozy se rend en personne de plus en plus souvent à cette
réunion hebdomadaire de parlementaires organisée dans une brasserie du
XVe arrondissement. Et le cercle devrait
s’élargir à de nouvelles personnalités : le
sénateur de Haute-Marne Charles Guené, le député de la Drôme Patrick Labaune, les maires de Mulhouse et de
Châteauroux, Jean Rottner et Gil Avérous. Signe que la collecte des parrainages, elle aussi, avance bien. Au Sénat,
une vingtaine d’élus auraient déjà apporté leur soutien à la candidature de
Sarkozy ; à l’Assemblée, une trentaine.
« Au final, on devrait arriver à 30 ou
35 sénateurs et entre 40 et 50 députés »,
estime un spécialiste du Parlement. ■
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jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
6
POLITIQUE
Valls en première ligne pour la loi travail
Alors que le premier ministre et la direction du PS tenaient un meeting mercredi soir à Paris
pour tenter de ressouder la gauche autour du projet de loi El Khomri, les frondeurs ne désarment pas.
ANNE ROVAN £@AnneRovan
GAUCHE Voilà trois mois que la loi
travail empoisonne la vie du gouvernement. Et trois mois que le premier
ministre Manuel Valls campe contre
vents et marées sur ce texte et plus
particulièrement sur l’article 2, tout en
multipliant par ailleurs les mesures catégorielles. À destination des cheminots. Des enseignants et des fonctionnaires. Des intermittents.
Certes, grâce à ce « troc » - un terme qu’il réfute -, l’exécutif est parvenu à contenir la grogne et mettre un
terme à ce stade aux longues files d’attente devant les stations-service.
Mais, en dépit des inondations et des
injonctions à cesser les grèves en solidarité avec les Français sinistrés,
François Hollande et Manuel Valls peinent à venir à bout des foyers de
contestation. Le mouvement, particulièrement suivi chez les conducteurs,
se poursuit toujours à la SNCF. En région parisienne, trois sites de traitement des déchets sont bloqués. Trois
raffineries Total sont en grève. Et des
mouvements sont attendus ce jeudi
dans l’énergie et les ports (Le Figaro
économie, pages 22 et 23).
Dans ce contexte, l’opinion continue
à sanctionner l’exécutif et désapprouve majoritairement la loi El Khomri.
Dans le baromètre Fiducial-Ifop-Paris
Match, le chef de l’État perd ainsi deux
points en juin, pour atteindre seulement 16 % d’opinions positives. Quant
au premier ministre, il dégringole de
neuf points par rapport à mai, à 28 %
d’opinions positives. Mais Valls n’en
aurait cure. « Je le trouve tranquille-
Manuel Valls avec
Myriam El Khomri,
en mai à l’Élysée.
ALAIN JOCARD/AFP
ment déterminé. Il y a chez lui une sorte
de force tranquille », assure sans ciller
un proche du premier ministre.
Démonstration de force
Dans ce climat morose et électrique, à
deux jours du coup d’envoi de l’Euro de
football, le premier ministre devait tenter une démonstration de force, mercredi soir, lors d’un meeting estampillé PS,
aux Salons de l’Aveyron, dans le XIIe arrondissement de Paris. Entouré de la ministre du Travail Myriam El Khomri et du
porte-parole du gouvernement Stéphane
Le Foll. Et en présence du patron du PS
Jean-Christophe Cambadélis. Objectif :
démontrer que, sur les questions sociales
en général et cette loi travail en particulier, la gauche est bien plus raisonnable
et progressiste que la droite. À l’appui
des discours, la mouture du texte dont la
droite sénatoriale a accouché en commission des affaires sociales et qui sera
examinée en séance par la Haute Assemblée la semaine prochaine. De fait, le texte n’a plus grand-chose à voir avec la
version sortie de l’Assemblée nationale.
À moins d’un an de la présidentielle, la
droite propose le retour aux 39 heures,
réintroduit le plafonnement des indem-
Les prémices d’une fusion des initiatives pro-Hollande
MATHILDE SIRAUD £@Mathilde_Sd
TOUS DERRIÈRE le futur candidat
François Hollande ! C’est, en creux,
le message politique adressé par
Manuel Valls, Stéphane Le Foll,
Myriam El Khomri et Jean-Christophe Cambadélis lors d’un meeting qui avait tous les airs d’une
précampagne présidentielle.
« C’est un rendez-vous de circonstance, un moment de rassemblement et d’explication », explique
l’un des organisateurs. Alors que
différents mouvements avaient
émergé dans le giron socialiste depuis avril en vue de préparer 2017 la Belle Alliance populaire (BAP) de
Cambadélis, « Hé oh la gauche ! »
de Le Foll, les déplacements « à la
rencontre des Français » de Valls, et
la campagne « Du progrès en
plus » de Bruno Le Roux – ces ténors se sont réunis pour la première fois pour répondre à la droite sénatoriale sur la loi travail.
M a i s o n
d e
L’Élysée voit évidemment d’un
bon œil cet exercice de pédagogie.
« Le rassemblement des hauts dirigeants du PS va dans le bon sens. Le
moment venu, l’unité prévaudra »,
se félicite-t-on à l’Élysée. Au PS,
on assure que le meeting sur la loi
travail était une idée « collective »,
en aucun cas dictée par l’exécutif
ou Matignon. « C’est un peu comme
pour une chanson des Beatles »,
compare un organisateur. « John
Lennon propose un accord, Paul
McCartney un autre. À la fin, ils font
des concerts en solo et aussi en groupe, mais devant les mêmes fans. »
À terme, les différentes chapelles hollandaises ont-elles vocation
à fusionner ? « Dans des moments
importants comme celui-là, le rapprochement se fait naturellement, il
s’est fait ce soir et se fera autant de
fois que nécessaire. Le rassemblement des forces se réalisera »,
commente Carlos Da Silva, député
vallsiste de l’Essonne. « Tout va
converger au fur et à mesure vers la
V e n t e s
a u x
Belle Alliance populaire de Cambadélis », assure de son côté un député pro-Hollande, qui se réjouit
de voir enfin « un peu d’ordre ».
« C’est plutôt bon signe », abonde
un élu proche du premier ministre. « L’absorption sous la bannière
de Cambadélis se fera quand Valls
et Le Foll seront fixés sur leur sort et
sûrs d’être bien traités. » Autrement dit : tant que François Hollande n’est pas candidat et
qu’aucun organigramme de campagne n’existe, il faut occuper le
terrain. Et enterrer petit à petit
l’idée d’une primaire à gauche.
Macron isolé
En coulisses, Jean-Christophe
Cambadélis travaille à la déclinaison de sa BAP au niveau local. Le
2 juillet, il convoquera tous les signataires pour une « assemblée
nationale », à Paris. Plusieurs ministres devraient prendre part à ce
rassemblement, ainsi que des représentants départementaux.
E n c h è r e s
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Mardi 21 et mercredi 22 juin 2016
Alors que François Hollande ne
devrait pas s’exprimer sur sa
candidature avant la fin de l’année, une « convention nationale » de la BAP est également fixée
au 3 décembre. De son côté, Stéphane Le Foll va continuer de
faire vivre ses rendez-vous « Hé
oh la gauche ! » à l’occasion de
trois rencontres en juin, dont le
13 à Poitiers et le 16 à Fameck,
après la réunion avortée de Lille
du 17 mai.
Une façon d’isoler un peu plus
Emmanuel Macron, grand absent
de ces initiatives de campagne. Le
ministre de l’Économie, engagé
dans son mouvement individuel
« En marche ! » et dont la popularité s’effrite, ne figure toujours
pas sur la photo de famille. Pendant le meeting sur la loi travail, il
assistait à une cérémonie de remise de décorations « Il va se griller
tout seul ! Il n’a pas le niveau et est
petit à petit en train de perdre du
terrain », sourit un vallsiste. ■
L’absorption
« sous
la bannière
de Cambadélis
se fera quand
Valls et Le Foll
seront fixés
sur leur sort
et sûrs d’être
bien traités
UN ÉLU PROCHE
DE MANUEL VALLS
»
Maurice Leroy (UDI) dénonce
les « chèques en bois » de Hollande
Le député plaide pour le rassemblement avec LR dès le premier tour en 2017.
EMMANUEL GALIERO
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nités de licenciement prud’homales, annule la généralisation de la Garantie jeune… « Beaucoup de gens nous disent que la
loi El Khomri n’est pas une loi de gauche.
On va leur expliquer ce qu’est une loi de
droite », promettait mercredi le sénateur
vallsiste Luc Carvounas, avant le meeting. Manuel Valls souhaite donc déplacer le débat. Objectif, passer du débat à
gauche à un débat entre la gauche et la
droite, projet contre projet. La présence
du premier secrétaire du PS, qui d’ordinaire n’en finit pas d’onduler pour coller
au centre de gravité du parti, est vue
comme un atout. Francis Chouat, le maire d’Évry, s’en réjouit. « Jean-Christophe
a souhaité être associé, confie ce très proche de Manuel Valls. C’est une bonne chose dans la mesure où sa participation est
clairement l’affirmation d’une orientation
qui est celle de Valls. C’est bien parce que
cela démontre que le premier secrétaire est
clairement sur la ligne de la réforme. »
Il en faudrait plus pour désarmer les
frondeurs du PS qui envisagent à nouveau
de tenter de déposer une motion de censure quand le texte reviendra à l’Assemblée et que Valls aura à nouveau recours à
l’article 49-3 de la Constitution pour passer en force. « Ce meeting, c’est un numéro de faux-culs, peste le député PS de Paris Pascal Cherki. Le débat, ce n’est pas la
loi travail ou la droite. Ils savent bien que le
texte de la droite sénatoriale n’a pas la
moindre chance de passer. »
Mercredi matin, des intermittents du
spectacle ont manifesté devant le domicile parisien de Myriam El Khomri pour
réclamer l’application de l’accord sur
leur régime d’indemnisation chômage et
le retrait de la loi travail. Une manifestation que le chef de l’État a jugée « parfaitement inadmissible ». ■
CENTRE « Sortir par le haut » de
l’épreuve de force qui oppose l’État
et les syndicats. C’est le message lancé
mardi, sur le plateau du « Talk Le Figaro », par Maurice Leroy, député UDI et
président du conseil départemental du
Loir-et-Cher. « On voit bien que la présidentielle est annoncée puisque François
Hollande fait des chèques en bois tous les
jours », a regretté l’ancien ministre, en
évoquant le 99e congrès des maires où le
chef de l’État a annoncé un allégement de
la baisse des dotations pour les communes (- 50 %). Maurice Leroy a dénoncé la
charge du RSA (revenu de solidarité active), trop lourde sur les épaules des départements. Dans le Loir-et-Cher, la facture pèse 40 millions d’euros dont l’État
MAURICE LEROY, vendredi, dans
le studio du Figaro. F. BOUCHON/LE FIGARO
ne subventionne que la moitié. « C’est
33 points de fiscalité ! », a-t-il insisté en
évoquant le « bras de fer » engagé avec le
gouvernement.
En raison du non-cumul des mandats,
Maurice Leroy, qui sera candidat à un cinquième mandat de député en 2017, laissera
les rênes du Loir-et-Cher à son premier
vice-président, Nicolas Perruchot. « Guère » impressionné par la « gonflette » entre
centristes et LR avant les législatives, il estime que ce qui compte, ce sont les engagements de Nicolas Sarkozy : « Pas de candidat républicain face à des députés sortants
UDI. » Aussi est-il convaincu que le score
« élevé » de Marine Le Pen au second tour
de la présidentielle calmera « beaucoup de
monde, y compris dans les états-majors ».
Pour lui, le contexte politique de 2017 favorisera une « coalition » LR-UDI. « Ou
alors, on est irresponsable et on élimine son
camp », a-t-il prévenu. Maurice Leroy n’a
pas caché sa préférence pour la primaire :
« Nicolas Sarkozy, a-t-il dit, est sans
conteste celui qui a le plus d’énergie, l’expérience, et il est taillé pour la fonction. » ■
La France
championne
des
eurosceptiques
Selon une étude, les Français se défient
encore plus de l’UE que les Britanniques.
sont au moins partagés, d’après la
même enquête : négatifs à 48 % et positifs à 44 %.
Partout, le soutien à l’Europe - ou à ce
qu’elle représente – s’affaisse. L’Espagne
et l’Allemagne restent proches de l’équilibre, avec 47 et 50 % d’opinions favorables. La Suède et l’Italie sont encore
positives (54 et 58 %). Pour finir, deux
pays sortent du lot, malgré un gouvernement notoirement critique de Bruxelles :
les Hongrois jugent favorablement l’UE à
61 %, les Polonais à 72 %.
JEAN-JACQUES MÉVEL £@jjmevel
CORRESPONDANT À BRUXELLES
EUROPE Les Français sont encore plus
« eurosceptiques » que les Britanniques
et la crise de défiance à l’égard de l’UE
prend désormais une ampleur continentale, d’après la radioscopie fouillée
que conduit chaque année l’institut
d’opinion américain Pew Research
Center (PRC). En mai, 61 % des Français
avaient une opinion négative de l’Europe, contre 38 %, une envolée du mécontentement de 17 points en douze
mois. Seule la Grèce, épuisée par la crise
et par les réfugiés, est plus hostile : 71 %
d’opinion défavorables. Le RoyaumeUni se prononcera dans deux semaines
sur un divorce avec l’UE, mais les avis y
jeudi 9 juin 2016
L'euroscepticisme gagne du terrain en Europe
PERCEPTION DE L’UNION EUROPÉENNE EN 2016
DÉFAVORABLE
Pologne
69%
FAVORABLE
72 %
22 %
Hongrie
61 %
37 %
Italie
58 %
39 %
Suède
51 %
Allemagne
48 %
50 %
Espagne
49 %
Royaume-Uni
48 %
47 %
38 %
27 %
Le doute à l’égard de l’Europe est souvent le miroir d’une défiance accrue face
aux gouvernements nationaux. L’exemple frappant est celui de la France, qui,
après s’être crue « européenne », fait
plonger la cote de l’UE en même temps
que celle de François Hollande. Il est vrai
qu’en période de crise, beaucoup de
partis au pouvoir sont experts dans l’art
de se défausser de leurs échecs sur
Bruxelles…
Quel que soit le résultat britannique, il
offre les pistes d’un éventuel sursaut col-
«
Plus de deux tiers d’Européens jugent
que la crise des réfugiés a été mal gérée,
dont 67 % des Allemands, 70 % des Français
comme des Britanniques et 77 % des Italiens
»
50
30
20
44 %
61 %
71 %
38%
40
46 %
Grèce
60
54 %
44 %
Pays-Bas
FRANCE
7
ÉVOLUTION DU % DE FRANÇAIS FAVORABLES
À L’ UNION EUROPÉENNE
10
0
2004 2006
lectif à vingt-huit (ou à vingt-sept). Avis
à Angela Merkel, François Hollande et
aux autres responsables européens : ce
sont des inquiétudes pratiques et immédiates qui dégradent en accéléré l’image
de l’UE, et non pas d’obscures interrogations sur les étapes suivantes de sa
construction politique.
Sur l’immigration et dans une moindre
mesure sur la croissance et sur l’emploi,
le bilan dressé par le PRC est sans appel.
Plus de deux tiers d’Européens jugent que
la crise des réfugiés a été mal gérée, dont
67 % des Allemands, 70 % des Français
comme des Britanniques et 77 % des Italiens. Sur la politique économique, 65 %
des Espagnols, 66 % des Français et 68 %
des Italiens désapprouvent l’UE. La
République fédérale, en bonne santé, est
la grande exception : seuls 38 % des
2008
2010
2012
2014
2016
Sources : Pew Research Center, Graphic News
INTERNATIONAL
Allemands désapprouvent le pilotage
européen.
Dans tous les cas, le test britannique du
23 juin s’annonce décisif. À une écrasante majorité, les Européens jugent qu’une
rupture avec le Royaume-Uni serait
« une mauvaise chose » pour l’UE : 64 %
en France, 66 % en Pologne, 74 % en
Allemagne et 89 % en Suède. L’effondrement parallèle de la popularité de l’Europe indique que ce pourrait être aussi la
première pièce d’un effet domino. Si
Londres divorce, d’autres capitales
risquent de voter et de claquer la porte.
Le gouvernement de Copenhague est
déjà sous pression : 42 % des Danois
souhaitent une consultation sur leur
appartenance à l’UE, d’après une autre
enquête, conduite par la radiotélévision
publique. À qui le tour ? ■
Quand un Churchill loue
les vertus de l’Europe
députés prévoient de voter pour quitter
l’UE. Physique massif et ressemblance
frappante avec son ancêtre, il reçoit dans
son bureau de Westminster avec vue sur
la Tamise et Big Ben. Il a grandi dans la
demeure de son grand-père de Chartwell, dans le Kent, avant d’aller étudier
à Eton, comme tout bon rejeton de l’establishment britannique. Ses parents,
très francophiles, l’ont encouragé à apprendre le français dès son plus jeune
âge. Son père, Christopher Soames, fut
ambassadeur à Paris, puis premier
commissaire britannique à Bruxelles.
Après un début de carrière militaire,
Nicholas Soames devient député, puis
ministre de la Défense dans le gouvernement tory de John Major, déjà en proie
à une quasi-guerre civile sur l’Europe.
Il regrette l’organisation de ce référendum, mal nécessaire pour trancher
ce débat existentiel dans un pays profondément divisé. Si les Britanniques
votaient pour partir, le politicien anticipe de lourdes conséquences pour le
Royaume-Uni comme pour le continent. « Cela causerait des ravages dans
votre pays, au Danemark, aux PaysBas, en Irlande », prédit-il. Bruxelles
ferait tout pour rendre la vie impossible
à Londres, afin de décourager d’autres
vocations sécessionnistes.
CORRESPONDANT À LONDRES
ÂGÉ DE CINQ ANS, le petit Nicholas
entrait sur la pointe des pieds dans la
chambre de son grand-père maternel,
Winston Churchill, pour lui demander
si c’était vrai, comme il l’avait entendu,
qu’il était le plus grand homme du
monde. « Oui, c’est vrai, répondit l’ancien chef de guerre. Maintenant fous le
camp et laisse-moi tranquille ! » Fort de
cette illustre filiation, le député et
ancien ministre tory Nicholas Soames,
68 ans, défend la mémoire de son aïeul,
que se disputent les deux camps opposés dans le référendum du 23 juin sur
l’appartenance du Royaume-Uni à
l’Union européenne. Pour les uns,
Churchill fut un inspirateur de la
construction européenne, en appelant à
la création d’« États-Unis d’Europe ».
De leur côté, les partisans du Brexit
citent son apostrophe à de Gaulle :
« Entre l’Europe et le grand large, nous
choisirons toujours le grand large. »
L’héritier a choisi son camp. Quitte à
essuyer des accusations de faire honte à
la mémoire de son grand-père dans un
abondant courrier. « Le monde de De
Gaulle et de mon grand-père n’a absolument rien à voir avec le nôtre, répond-il. On ne pourrait pas être Churchill, voir le monde d’aujourd’hui et
prétendre que cela puisse être une chose
sensée pour la Grande-Bretagne de se
retirer de l’Union européenne, face à
Poutine ou Daech. »
Sir Nicholas Soames est une rare voix
foncièrement proeuropéenne au Parti
conservateur, dont plus d’un tiers des
« L’échec des gouvernements
britanniques »
« Nous avons beaucoup plus à offrir
à l’Europe », confie Nicholas Soames,
député et petit-fils de Winston Churchill.
Un vote pour rester dans l’Union serait
à l’inverse l’occasion pour la GrandeBretagne de s’engager davantage. « Les
gouvernements britanniques ont lamentablement échoué à jouer un rôle important en Europe. C’est de notre faute.
J’espère qu’on le fera à l’avenir. Sinon,
pourquoi l’Europe devrait-elle nous
prendre au sérieux ? » Il dénonce la vision anglaise de Bruxelles comme lieu
de « politique de second rang », où
jamais des figures de premier plan,
comme Simone Veil l’a été pour la
France, ne sont envoyées.
« Nous avons beaucoup plus à offrir à
l’Europe », promet-il. Il veut croire que
l’offensive diplomatique de David Cameron avant le référendum lui a permis
de découvrir ce potentiel d’une
« contribution énergique, créative et positive » à la réforme de l’UE. « Nous
avons besoin de nos amis français » pour
avancer dans cette voie, plaide Soames.
Il loue la coopération militaire « exemplaire » entre nos deux pays. Il estime
que l’affaiblissement de l’axe francoallemand est une « opportunité en or »
pour Londres de s’imposer. Alors qu’il
achève une carrière parlementaire de
plus de trente ans, il se verrait peutêtre finir à Bruxelles. « J’irais bien régler
la situation là-bas », plaisante-t-il à
moitié. ■
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*
A
FLORENTIN COLLOMP £@fcollomp
SHUTTERSTOCK/SIPA
EWS
LE FIGARO
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
8
INTERNATIONAL
« Barkhane » face à des djihadistes furtifs
Le dispositif militaire français au Sahel doit s’adapter pour combattre des groupes terroristes très mobiles.
ALAIN BARLUET £@abarluet
ENVOYÉ SPÉCIAL À GAO (MALI)
DÉFENSE L’hélicoptère NH-90 se pose
au milieu de nulle part, dans le désert
détrempé par l’orage. Autour de leur
colonel, quelques dizaines de militaires
composent le PC mobile d’un groupe
tactique blindé. La fatigue marque les
visages après trois semaines en opération, entre Tessalit et Kidal. Demain, ils
seront de retour à Gao, plus au sud, sur
la principale base opérationnelle française dans la région cruciale du NordMali. Face aux djihadistes, les missions
s’enchaînent à un rythme soutenu. Il
faut maintenir la pression sur les
« groupes armés terroristes » (GAT),
réduire leurs sanctuaires, perturber
leurs trafics, neutraliser leur arsenal.
Le 1er août prochain marquera le
deuxième anniversaire du dispositif régional « Barkhane », qui a succédé à
l’opération « Serval ». C’est la principale opération extérieure (opex) française. Déployés dans cinq pays (Burkina-Faso, Mali, Mauritanie, Niger,
Tchad), sur un « théâtre » plus grand
que l’Europe, 3 500 militaires français
traquent un djihadisme qualifié de
« résiduel » mais toujours bien actif.
Leurs moyens : une quinzaine d’hélicoptères, 200 véhicules blindés,
200 véhicules logistiques, 6 à 8 avions
tactiques, 4 avions de chasse – ils seront six cet été - et cinq drones.
Le bilan est contrasté. Parmi les motifs
de satisfaction, les groupes terroristes
accusent le coup. Quelque 230 djihadistes ont été neutralisés depuis le début de
l’opération. Les GAT ont essuyé des pertes logistiques importantes : 100 caches
ont été débusquées, 16 500 kilos de munitions et 200 kilos d’explosifs ont été
détruits… « Il y a quatre ans, on craignait
la mise en place d’un Sahelistan, cette
menace a été écartée », se félicite le général de division Patrick Bréthous, qui
commande la force militaire « Barkhane ». « L’ennemi n’a plus de zone refuge, il est traqué comme un bandit en cavale et passe plus de temps à nous fuir
qu’à nous attaquer », ajoute-t-il. Dans
cette vaste région coutumière de tous les
trafics et où la « porosité » entre mafias
et djihad est grande, l’action militaire a
porté ses fruits. Même si les flux illicites
– armes, drogue… -, mis à mal, n’ont
pas été taris.
L’ennemi n’a pas non plus disparu
mais il s’est transformé. D’un « djiha-
disme militarisé », il a mué en petits
groupes recourant à l’arme classique de
la terreur pour obtenir le soutien de la
population ou pour déclencher un retentissement médiatique auprès des
opinions publiques occidentales. Ce fut
le cas à Bamako (20 novembre 2015),
Ouagadougou (11 janvier 2016) et
Grand-Bassam, en Côte d’Ivoire
(13 mars), où des attaques revendiquées par al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), notamment contre des
grands hôtels, ont fait 70 morts. Estimés à moins d’une centaine, affaiblis,
désorganisés, les djihadistes du Mujao
et d’al-Morabitoune n’en conservent
pas moins un pouvoir de nuisance important. Circulant le plus souvent à
moto, ils multiplient les actions meurtrières en posant des engins piégés
(IED) ou des mines. Trois soldats français en ont été les victimes, le 12 avril
dernier. Les GAT s’en prennent aussi à
un partenaire essentiel de « Bar-
khane », la force de l’ONU, la Minusma
(11 000 soldats), en profitant de ses
failles sécuritaires et de ses carences en
matière de renseignement. Au total,
depuis juillet 2013, une centaine de
Casques bleus ont été tués.
“
L’ennemi n’a plus
de zone refuge, il est
traqué comme un bandit
en cavale et passe plus
de temps à nous fuir
qu’à nous attaquer
”
LE GÉNÉRAL PATRICK BRÉTHOUS, COMMANDANT
DE LA FORCE MILITAIRE « BARKHANE »
Les militaires français misent énormément sur leurs partenaires africains
pour multiplier les opérations transfrontalières (lire ci-dessous). Le concept est
dans
l’ADN
de
« Barkhane » :
l’adversaire se jouant des frontières, la
riposte ne peut être que coordonnée au
niveau régional. Une tonne de drogue
– le nerf de la guerre pour les djihadistes – s’apprécie de 10 000 euros en
passant d’un pays à l’autre. « On n’empêchera jamais les kalachnikovs de circuler, plus grave est l’arrivée d’un artificier », relate un officier supérieur. Initiée
en 2014, la coopération militaire est le
volet le plus actif des relations entre les
partenaires sahéliens. La France y joue
un rôle moteur. Les chefs d’états-majors
d’armée (Cema) du G-5 Sahel se rencontrent tous les six mois pour coordonner leur action contre le terrorisme. Ils
se sont retrouvés pour la cinquième fois
le 26 mai à Bamako en présence du Cema
français, le général Pierre de Villiers,
systématiquement « invité » à ces réunions. Inédite, cette coopération, qui n’a
rien d’évident, commence progressivement à produire des résultats.
Mais les militaires français commencent à s’impatienter. Ils craignent que
Des soldats du détachement
de liaison et d’appui opérationnel
(DLAO) en mission, à Ansongo,
dans l’est du Mali, dans le cadre
de l’opération militaire « Barkhane »,
en décembre 2015.
FRED MARIE/HANS LUCAS
Le G-5 Sahel mise sur les
opérations transfrontalières
« AU DÉBUT, Tchadiens et Nigériens ne
la résistance de djihadistes isolés, mais
se parlaient pas. Aujourd’hui, ils mènent
aussi rassurer la population mise sous
ensemble des opérations sur leur frontière
pression par les GAT. Autre but,
contre les djihadistes » : pour cet officier
« fixer » les Fama dans cette région
servant au sein de « Barkhane », les
frontalière où elles n’étaient guère prépartenaires sahéliens de la France,
sentes.
réunis au sein du G-5, se sont mis en
En convergeant dans un espace cloimouvement. Non sans difficultés, milisonné, pour finalement faire leur joncRéclamé par l’armée de terre,
taires mauritaniens, tchation, Maliens et Nigériens
le déploiement de chars de combat
diens, nigériens et maliens
ont pour mission de prenLeclerc au Sahel « n’est pas
s’efforcent de coordonner
dre les terroristes dans la
d’actualité », tranche une bonne
leurs efforts face aux grounasse. Si besoin, chacun
source à la Défense. Celle-ci explique
pes armés terroristes (GAT).
peut exercer un droit de
que l’envoi, au sein de « Barkhane »
À deux ou trois pays, ils mèpoursuite sur le territoire du
de blindés ne répond pas à la logique
nent des opérations transvoisin. Au centre du dispode souplesse d’un dispositif voué à
frontalières avec l’aide des
sitif, un détachement de
conserver une « faible empreinte » au
forces françaises pour neuliaison et d’appui militaire
sol. « Déployer des Leclerc impliquerait
déployés
traliser les terroristes et
français (DLAO), d’une
en outre un environnement logistique
dans cinq pays
contrarier les trafics illicites. (Burkina-Faso, Mali, quarantaine de militaires
très important », ajoute cette source.
Treize opérations de ce type
français, accompagne et
Pour un officier général, en revanche,
Mauritanie, Niger,
ont déjà été engagées. La Tchad) dans le cadre soutient la manœuvre.
un peloton de Leclerc (trois chars,
dernière en date, baptisée
« Barkhane » joue un rôle
six véhicules blindés légers et trois
de l’opération
« Siham », s’est déroulée
moteur dans ces partenasections d’infanterie) serait approprié
« Barkhane »
entre le Mali et le Niger, au
riats opérationnels, balbupar sa puissance de feu, en cas, par
sud de la ville de Ménaka, du
tiants, mais qui commenexemple de raid djihadiste provenant
22 mai au 3 juin. Cinq compagnies d’incent à avoir des effets tangibles. Et qui
de la frontière libyenne, une zone qui
fanterie des forces maliennes (Fama) et
constitue pour les militaires français, à
préoccupe les responsables militaires
cinq compagnies nigériennes, soit quelun horizon encore lointain, la meilleure
français. « L’arrivée du Leclerc sur
que 1 250 militaires, se sont déployées
piste de sortie du « théâtre » sahélien,
un théâtre constitue habituellement
sur un quadrilatère de 340 kilomètres
une fois que le G-5 sera parvenu à prenle signal d’une montée en puissance »,
sur 100, de part et d’autre de la frontièdre en main ses affaires sécuritaires. Au
A. BA
convient ce général.
re. Objectif : contrôler la zone, réduire
Mali, la logique de partenariat passe
également par des actions coordonnées
avec la force de l’ONU, la Minusma.
Sur le terrain des opérations transfrontalières, les militaires français apportent leurs capacités en termes de
01.49.04.01.85 - [email protected]
renseignement, de reconnaissance aérienne, de guidage des avions de chasse,
Par décision en date du 18 décembre 2015, le tribunal de grande ins- de drones et d’évacuation sanitaire.
tance de Paris (chambre des marques et brevets) a notamment jugé que « Nous nous efforçons de dynamiser nos
de développer leur interol’association LA CHAMBRE NATIONALE DES PROPRIETAIRES partenaires,
pérabilité », souligne un colonel de
(CNDP) a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à « Barkhane ». Dans ce type d’opél’encontre de l’association UNION NATIONALE DE LA PROPRIÉTÉ rations, chaque pays commande ses
hommes. Le défi consiste souvent à
IMMOBILIÈRE (UNPI) et a condamné la CNDP à indemniser l’UNPI permettre à des partenaires africains de
se caler sur des fréquences radio
en réparation du préjudice subi de ce fait.
commune ou de partager le renseignement. Lors de « Siham », des offi-
Des chars Leclerc
déployés au Sahel ?
3militaires
500
400 km
Carte de l’opération Barkhane
MAROC
ÉGYPTE
ALGÉRIE
LIBYE
Atar
Nouakchott
MAURITANIE
Dakar
SÉNÉGAL
PUBLICATIONS JUDICIAIRES
Tessalit
MALI
Madama
Aguelal
Agadez
Gao
NIGER
Bamako Ouagadougou
Opération
Niamey Siham
GUINÉE
CENTRAFRIQUE
Abidjan
Base avancée
temporaire
SOUDAN
N’Djamena
NIGERIA
Point d’appui
permament
Faya-Largeau
TCHAD
Abéché
BURKINA
CÔTE
D’IVOIRE GHANA
français
A
leurs succès restent vains s’ils ne sont pas
relayés par une pression des politiques et
de la communauté internationale sur les
protagonistes maliens. Un an après l’accord d’Alger, en juin 2015, le processus
de paix au Mali est ensablé. Les patrouilles communes entre l’armée malienne et les groupes armés signataires
(GAS) au Nord-Mali, prévues par l’accord, pas plus que le désarmement, n’ont
pas commencé. Pour le général de Villiers, « il est nécessaire que les efforts militaires que nous déployons soient simultanément liés à un effort politique. Dans la
perspective du règlement d’une crise,
plaide-t-il, on ne peut envisager de paix
durable sans un effort de développement
qui doit contribuer à un facteur déterminant, le basculement de la population en
notre faveur. » Selon un bon observateur,
Barkhane est à une « période charnière ».
Les six mois qui viennent, à l’en croire,
seront déterminants pour faire pencher
résolument la balance en sa faveur… ■
CAMEROUN
Douala
Autre
implantation
ciers maliens, nigériens et français
étaient intégrés à un PC tripartite localisé à Niamey.
Les opérations conjointes sont désormais régulières et se déroulent selon la
même logique : « Gabi », à la frontière
entre le Mali et le Burkina-Faso (en février-mars), « Aradou », au nord du
Niger, (en janvier). Ces partenariats
sont cimentés par des relations personnelles entre les chefs d’état-major, réunis une première fois à Paris par le général Pierre de Villiers, en juillet 2014.
Ils se retrouvent tous les six mois. Leurs
« chefs ops » se réunissent, eux, tous les
deux ou trois mois pour planifier les
opérations. En novembre dernier, les
dirigeants du G-5 Sahel ont établi une
charte, le « partenariat militaire de coopération transfrontalière » (PMCT), entérinant cette stratégie entre partenaires. Pour leur part, les militaires
français et africains qui en sont les initiateurs redoutent quelque peu que les
politiques s’approprient cette fragile
réussite. « Veillons à ne pas créer une
usine à gaz si l’on veut que le G-5 Sahel
rester efficace », relève un militaire de
« Barkhane ». ■
A. BA
RÉP. DÉM. DU CONGO
Infographie
EN BREF
La Russie veut aussi
son bouclier antimissile
La Russie, opposée au bouclier
antimissile américain, souhaite
mettre en place un système
de défense antiaérienne commun
aux ex-républiques soviétiques
membres de l’Organisation
du traité de sécurité collective
(ODKB), a annoncé mercredi
son secrétaire général. Les pays
concernés, outre la Russie,
sont l’Arménie, la Biélorussie,
le Kazakhstan, le Tadjikistan
et le Kirghizstan.
L’ONU accuse l’Érythrée
Le régime érythréen, un des plus
répressifs au monde, a été accusé
mercredi à Genève de crimes
contre l’humanité à grande
échelle par une commission
d’enquête de l’ONU qui a
recommandé que le dossier
soit porté devant la Cour pénale
internationale (CPI).
LE FIGARO
SOCIÉTÉ
9
Le cardinal Barbarin entendu
dix heures par la police lyonnaise
L’archevêque de
Lyon était convoqué
dans le cadre
de l’affaire
d’un prêtre accusé
de pédophilie.
EN BREF
Rejet de cinq recours
contre des déchéances
de nationalité
Le Conseil d’État a rejeté
mercredi les recours
de cinq hommes, condamnés
pour des actes de terrorisme,
qui contestaient la déchéance
de leur nationalité française.
Ils peuvent désormais être
expulsés vers leurs pays
d’origine respectifs,
le Maroc et la Turquie.
Franck Lavier, relaxé
d’Outreau, soupçonné
de viols sur sa fille
Une enquête préliminaire
a été ouverte à l’encontre
de Franck Lavier, l’un des
acquittés de l’affaire d’Outreau,
pour « agressions sexuelles
et viols » présumés sur
sa fille de 17 ans. Selon
nos informations, il nie
catégoriquement les faits
qui lui sont reprochés.
JEAN-MARIE GUÉNOIS [email protected]
JUSTICE Semaine décisive pour l’affaire
Barbarin. Mercredi, l’archevêque de
Lyon a été entendu par les policiers de la
brigade départementale de protection de
la famille dans le cadre d’une enquête
préliminaire où il est mis en cause pour
« non-dénonciation de crime » et « mise
en danger de la vie d’autrui », en particulier à la suite des agissements du père
Bernard Preynat, prêtre de ce diocèse accusé de pédophilie. L’audition a duré plus
de dix heures.
Le cardinal était accompagné par un
ténor du barreau de Lyon, Me Jean-Félix
Luciani. Mais l’avocat qui le conseille sur
l’ensemble du dossier, Me André Soulier,
a précisé qu’il s’agissait d’une « audition
libre » et qu’elle ne sera donc pas suivie
de « mesure de comparution », de « renvoi » ou « d’ouverture d’une information
judiciaire ». En répondant aux questions
du Figaro le 20 mars, le cardinal avait
confié aborder « avec sérénité » ce rendez-vous judiciaire : « Comme les victimes, nous souhaitons que toute la vérité
soit faite. »
Philippe Barbarin devrait être le dernier d’une longue liste d’auditions de
personnes concernées de près ou de loin
par les agissements du père Preynat. Ce
qui annonce une clôture prochaine de
cette enquête préliminaire. Une seconde
perquisition a eu lieu dans ce cadre, la semaine dernière, dans les bureaux du vicaire judiciaire de l’archevêché, le père
Nicolas de Boccard.
L’autre grand rendez-vous de la semaine concerne directement le père
Preynat le vendredi 10 juin. La chambre
d’instruction de la cour d’appel de Lyon
doit décider si elle retient, ou non, la re-
jeudi 9 juin 2016
Le cardinal Barbarin s’est présenté, mercredi matin, pour être entendu sous le régime de l’audition libre.
quête émise par le parquet général de
considérer comme « non-prescrits », les
faits reprochés au prêtre. L’enjeu est de
taille. La Parole libérée, cette association
lyonnaise de victimes à l’origine des
poursuites contre ce prêtre incriminé, recense pas moins de 67 victimes… Et pour
l’heure, seules quelques-unes pourraient
échapper à la prescription, la majorité des
actes remontant aux années 1980.
concernait pas « des affaires récentes ».
Le second est politique. Mardi 7 juin, l’association La Parole libérée a été reçue au
secrétariat d’État à l’Aide aux victimes.
La secrétaire d’État Juliette Méadel avait
appelé à la démission du cardinal Barbarin le 17 mars.
Médiatique, enfin : plusieurs médias
ont publié au même moment, ce week-
JEFF PACHOUD/AFP
end, de nouvelles grandes enquêtes touchant le cardinal Barbarin, fondées sur
des fuites du dossier d’instruction. Et
mercredi matin, alors que l’audition par
la police de ce dernier était tenue secrète,
un journaliste et un photographe de l’AFP
l’attendaient à son arrivée. « C’est tout,
sauf le fait du hasard », commente un bon
connaisseur du système judiciaire. ■
Nice : quatre
interpellations
dans une enquête
antiterroriste
Quatre personnes soupçonnées
de s’être rendues en Syrie
ont été interpellées à Nice,
mardi, et placées en garde
à vue dans le cadre
d’une enquête préliminaire
du parquet antiterroriste.
Aucun projet d’attentat
n’a été découvert.
« Apporter des réponses claires »
Bertrand Virieux, victime du père Preynat et cofondateur de La Parole libérée, ne
se fait pas d’illusion sur l’issue de cette décision car il a conscience des « problèmes
de prescription juridique » pour beaucoup
de victimes. Il se réjouit en revanche de
l’audition du cardinal Barbarin, qui va
permettre, estime-t-il, « d’apporter des
réponses claires, de préciser toutes les dates et d’éclairer l’ensemble du dossier ».
L’affaire aura pris une dimension nationale et internationale. Trois éléments
de contexte l’indiquent. Le premier est
ecclésial. Samedi 4 juin, le pape François,
qui a apporté le 17 mai un soutien public
au cardinal Barbarin, a renforcé les mesures canoniques contre des évêques qui
se seraient montrés « négligents » dans la
gestion de prêtre pédophile. Le Vatican a
aussitôt précisé que cette décision ne
ANNE JOUAN
LE 15 MARS DERNIER, Pierre, aujourd’hui
âgé de 42 ans, racontait dans Le Figaro
comment il avait été agressé à deux reprises par le père Jérôme Billioud : la première en 1990 à Biarritz, il avait alors 17 ans, la
seconde, trois ans plus tard, à Lourdes. En
2009, Pierre avait saisi la justice après en
avoir alerté le cardinal Barbarin mais, les
faits étant prescrits, sa plainte avait été
classée. Aujourd’hui dans cette affaire,
une enquête préliminaire est ouverte pour
« non-dénonciation de crime » et « mise
en danger de la vie d’autrui ». Plusieurs
personnes ont été interrogées par la brigrade de la protection des familles. L’enquête avance et devrait être bouclée dans
les semaines à venir. Le prêtre a été suspendu de sa charge paroissiale le 13 mars.
Et pourtant, ses agissements, qualifiés
comme délits sexuels, étaient connus de la
police depuis 1998.
Selon nos informations, le père Billioud
est fiché par la police et ce, trois fois, dans
le Système de traitement des infractions
constatées (Stic). En juillet 1998, le prêtre
a fait l’objet d’une procédure pour atteinte sexuelle à Roanne (Loire). Aux policiers, le père Billioud confie s’être rendu
dans une boîte pour homosexuels après
avoir beaucoup bu. Le prêtre raconte
s’être promené nu après avoir eu des
« caresses sexuelles » avec un autre
homme. Là, il demande à avoir un rapport sexuel avec un homme qui refuse et
porte plainte. Le père Billioud est jugé
devant le tribunal correctionnel de Roanne. Il écope d’un mois de prison avec sursis pour atteinte sexuelle et des injonctions de soins. Deuxième histoire en
février 2003, cette fois pour exhibition
sexuelle à Lyon. Il est arrêté par la police
alors qu’il a une relation sexuelle dans
une voiture, sur la voie publique. Il est
placé en garde à vue mais ne fait finalement l’objet d’aucune poursuite. Et enfin, troisième affaire en avril de la même
année, pour usage de stupéfiants, toujours à Lyon. Il est contrôlé par la police
avec un individu en possession de « poppers », une drogue bien connue pour faciliter les rapports homosexuels. Là encore, il est placé en garde à vue même s’il
ne fera l’objet d’aucune poursuite.
Comment l’Église pouvait-elle ne pas
connaître les antécédents du père
Billioud ? Le parcours de ce religieux pose
la question des mutations, au sein de
l’Église, de prêtres accusés de délits
sexuels. À la fin des années 1990, Billioud
est curé à Amplepuis (Rhône). Le maire
trouve étrange son comportement avec
les enfants, quand il lit dans la presse les
frasques d’un curé à Roanne. Le maire se
renseigne, il s’agit bien du père Billioud.
L’élu contacte la hiérarchie de l’Église
pour demander sa mutation. Il est alors
remplacé par le père Bernard Preynat,
curé de Cours (Rhône) qui prend en charge la paroisse d’Amplepuis. Le père Preynat a été mis en examen fin janvier dans
le cadre d’une information judiciaire
ouverte pour agressions sexuelles et viols
sur mineurs de 15 ans. Il est accusé
d’avoir commis ces délits sur des scouts
dans les années 1970 et 80. Enfin, en 2015,
le père Billioud avait été nommé, toujours
à Lyon, à l’église de l’Immaculée Conception en remplacement d’un autre curé
mis en cause dans un délit sexuel, le père
Éric P. Ce dernier a finalement bénéficié
d’un non-lieu car la victime avait menti
sur son âge. Mais l’affaire lui avait valu
d’être mis en examen et suspendu de ses
fonctions en 2014. Le père Éric P. avait eu
des relations sexuelles avec un adolescent
mineur en fugue rencontré sur un site au
nom évocateur, Mâlemotion. ■
A
L’étrange parcours
du père Jérôme Billioud
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
10
SOCIÉTÉ
Mineurs isolés :
l’Oise envoie
sa facture
à Urvoas
Personnel spécialisé
et nuits d’hôtel
Le département de l’Oise dit avoir
dépensé pour la prise en charge de
ses mineurs isolés étrangers en 2015
plus de 12,5 millions d’euros. Le poste
le plus élevé concerne les frais de
personnel spécialisé des associations
et des structures d’accueil, pour
un total dépassant les deux tiers
de la note. Car le taux d’encadrement
de ce public fragile est très élevé.
Les autres frais se répartissent,
à parts égales, entre les charges
courantes (alimentation, électricité…)
et les charges structurelles (loyers,
immobilisations, voitures…). Patron
du département de l’Oise, Édouard
Courtial l’assure : « Les structures
étant saturées, il faut payer des nuits
d’hôtel pour les mineurs. Nous n’en
avons plus les moyens ! »
J.-M. L.
Ce département débordé par les arrivées
de jeunes migrants réclame à l’État
10 millions d’euros de compensations.
JEAN-MARC LECLERC £@leclercjm
IMMIGRATION Dix millions d’euros !
C’est ce que réclame à l’État le président
Républicain du conseil général de l’Oise,
Édouard Courtial, en compensation des
surcoûts occasionnés dans son département par la prise en charge des mineurs
isolés étrangers pour la seule année 2015.
Il vient d’envoyer l’addition à Jean-Jacques Urvoas, le garde des Sceaux, dont
les procureurs délivrent les ordonnances
de placement de ces jeunes. Le courrier,
daté du 23 mai, est également adressé à la
ministre de la Famille et de l’Enfance,
Laurence Rossignol.
Son postulat ? L’Oise a signé un protocole en mai 2013 avec l’État en acceptant
l’accueil de 56 mineurs isolés. « Ils sont
aujourd’hui près de six fois plus nombreux.
Dès lors, le département n’a d’autre solution que de demander à l’État la prise en
charge de ce dépassement qui représente
80 % des 12,5 millions d’euros de frais
d’hébergement et d’entretien des mineurs
étrangers isolés au titre de l’année 2015,
soit 10 millions d’euros. »
Déjà, l’expéditeur annonce ce qu’il ferait de cet argent, si le gouvernement devait accéder à sa demande : « Cette compensation sera entièrement affectée au
dispositif de la protection de l’enfance »,
quelle que soit la nationalité du jeune en
détresse.
« Authenticité des papiers »
À le lire, le gouvernement ne saurait se
défausser plus longtemps. D’abord, parce
qu’« il s’agit d’une politique migratoire
dont la responsabilité incombe entièrement
à l’État », écrit-il. Autre raison invoquée :
« L’appui des services de l’État, au titre de
l’évaluation sociale de la minorité et de
l’isolement et de la vérification de l’authenticité des papiers, est très largement insuffisant et conduit à la prise en charge
d’adultes considérés - faute de preuve comme mineurs par le juge. » Bref, l’État
faillit souvent à sa mission de contrôle.
« La plupart de ces mineurs n’ont aucun
lien avec le conflit irako-syrien ou même
Enfant dans la jungle de Calais, en février. Actuellement, plus de 10 000 mineurs étrangers
isolés sont accueillis en France. FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO
avec la situation en Érythrée », explique
un fonctionnaire départemental. Dans
l’Oise, par exemple, sur les 300 mineurs
isolés protégés, 76 sont pakistanais,
68 maliens, 44 congolais, 42 ivoiriens,
23 guinéens, les 47 restants étant issus
d’autres nationalités.
Ce département n’est pas un cas à part.
L’explosion des coûts sociaux liés à la
gestion des mineurs isolés menace l’équilibre des finances publiques dans les Alpes-Maritimes, le Val-d’Oise (nos éditions du 24 mai dernier), le Pas-de-Calais,
l’Essonne, la Côte-d’Or et bien d’autres
départements. Dans le Val-de-Marne, le
coût total de ces dépenses avoisine les
25 millions d’euros en 2015.
Patron de la commission des affaires
sociales au sein de l’Assemblée des départements de France (ADF), le président
du Bas-Rhin, Frédéric Bierry, annonce
que, chez lui, les mineurs étrangers représentent 14 % du public de l’aide sociale à l’enfance. Et quand les mineurs deviennent majeurs, beaucoup restent pris
en charge. Ce qui double les coûts localement, passés de 4 à 8 millions d’euros en
2015.
Pudiquement rebaptisés, sous Christiane Taubira, « mineurs non accompagnés », les mineurs isolés étrangers sont
plus de 10 000 en France. À raison de
250 euros par jour et par enfant en
moyenne, la facture pour les départements dépasse déjà les 2,5 millions
d’euros par jour. D’autres collectivités
que l’Oise songent à envoyer leur facture
à l’État. Même si la démarche devait demeurer toute symbolique. ■
La consultation locale sur
Notre-Dame-des-Landes inquiète
Manque d’information, craintes sur l’accès aux urnes… Citoyens et organismes
favorables au projet estiment qu’une menace plane sur le scrutin du 26 juin.
DELPHINE DE MALLEVOÜE
ENVIRONNEMENT Alors que la consultation des électeurs de Loire-Atlantique sur
le projet d’aéroport de Notre-Dame-desLandes se profile, le 26 juin, l’ambiance
sur place est délétère, soumise aux tensions des campagnes « pro » et « anti » et
aux craintes sur le bon déroulement du
scrutin. Les citoyens et organismes
locaux favorables au projet estiment
qu’une menace plane sur l’accès au vote :
sur l’accessibilité matérielle aux urnes avec des actions des opposants allant de
l’appel au boycott à l’entrave des routes-,
mais aussi sur l’accessibilité et la clarté de
l’information devant préalablement
éclairer les votants.
« Comment ne pas craindre l’abstention
quand on voit la restriction des moyens
d’information de la population ?, s’étonne
un institutionnel local, partisan du oui. Il
n’y a qu’un seul exemplaire disponible dans
chaque mairie du document de la Commission nationale du débat public (CNDP) ! Sinon, c’est consultable en ligne. » Or avec
cette dématérialisation sur Internet, selon lui, l’information ne peut s’imposer,
encore moins lutter contre la « cacophonie des campagnes » qui se jouent à coups
d’affichages, de tracts dans les boîtes aux
lettres et sur les marchés, venant pêlemêle des acteurs sociaux, des partis politiques et des associations engagées pour
ou contre. Une « véritable confusion »
dont « tout le monde ici a ras le bol », déplore-t-il. Or « il faut une participation
“
Cette consultation n’est
pas notre choix
”
CYRIL BOULIGAND, UN AGRICULTEUR
DE L’ORGANISATION PAYSANNE COPAIN
forte afin de légitimer le résultat du vote »,
estime un élu du coin. Les services préfectoraux viennent d’indiquer qu’« une
lettre d’information relative à l’organisation de la consultation accompagnée des
deux bulletins de vote “OUI” et “NON”
sera adressée par l’État à chaque électeur
au plus tard le jeudi 9 juin 2016 ». Le
26 juin, les 968 000 personnes inscrites
sur les listes électorales de Loire-Atlantique seront invitées à répondre à la
question suivante : « Êtes-vous favorable
au projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de NotreDame-des-Landes ? »
La psychose sur l’accès aux urnes rampe dans les esprits. « C’est évident que les
opposants vont manifester ou créer des
barrages pour nous intimider ou nous dissuader, pense Jean, un habitant de la région nantaise. À se demander même s’ils
ne tenteront pas, après le vote, de détourner les urnes pour tronquer le scrutin. » À
la préfecture de Loire-Atlantique, « l’organisation matérielle » du scrutin se prépare dans le froid administratif, détaillée
dans une circulaire du 26 mai, sans communiquer sur la mise en place éventuelle
d’un dispositif de sécurité. Une petite
phrase d’un communiqué du préfet précise « toutefois » que « pour faciliter
l’exercice de leur droit aux électeurs », il
« pourra prendre un arrêté à l’effet
d’avancer ou de retarder, dans certaines
communes et à leur demande, l’heure
d’ouverture ou de fermeture des opérations
Rassemblement d’opposants à l’aéroport, le 25 janvier.
de vote ». En revanche, la circulaire du
préfet fait des rappels explicites à la loi et
au Code électoral, notamment en matière
de sécurité des bureaux de vote, au délit
d’entrave si leur accès est empêché et sur
le recours à la force publique.
Du côté des opposants, personne ne se
risque à dévoiler un projet d’actions le
jour du scrutin. « Des choses se préparent,
dit un militant, on avait une AG mardi
soir, mais je n’ai eu vent d’aucune action
pour empêcher l’accès au vote ni même
d’un appel au boycott. » Qu’il s’agisse de
l’Acipa, association historique de l’opposition au projet d’aéroport, ou du monde
paysan, indique Cyril Bouligand, un
agriculteur de l’organisation paysanne
SÉBASTIEN SORIANO/LE FIGARO
Copain, « on n’a rien prévu d’autre que redire notre détermination à lutter contre ce
projet. Cette consultation n’est pas notre
choix, c’est une mascarade, les dés sont pipés ». « Les historiques, qui ont une façade
légale, ne feront rien pour empêcher le
scrutin, mais les zadistes… tout est possible, craint Alain Mustière, président des
Ailes pour l’Ouest, favorable à l’aéroport.
Ils exaspèrent tellement les gens ici que
tout le monde veut que ça s’arrête et que,
aussi indécis soient certains sur leur vote,
ils iront aux urnes juste pour dire “non aux
zadistes, dehors !” » Ces derniers, pour
l’heure, répètent que « la consultation ne
change rien (…) à notre détermination à
obtenir l’abandon définitif du projet ». ■
Les débats sur la prescription pénale relancés au Sénat
Auditions et discussions vont se poursuivre en commission des lois, notamment sur les questions de crimes de guerre ou sexuels.
A
1
PAULE GONZALÈS [email protected]
JUSTICE Votée dans une belle unanimité,
la loi sur les délais de prescription connaît
un petit passage à vide au Sénat. Le 3 juin,
la commission des lois a décidé de renvoyer le texte en commission plutôt que
de l’examiner et de le voter dans la précipitation. Les sénateurs ont jugé le sujet
trop sérieux pour se contenter d’entériner
un texte inspiré d’un rapport sénatorial de
Jean-Jacques Hyest et Hugues Portelli.
François-Noël Buffet, sénateur du
Rhône et nommé rapporteur du texte
quinze jours avant son passage en commission, mène la fronde contre le gouver-
nement, pressé de faire passer le texte
avant la fin du mois de juin.
Le rapporteur estime que cette loi mérite plus d’auditions et de débats en commission : « Nous n’éprouvons pas de réticences particulières à faire passer les
prescriptions pour crimes et délits respectivement de 10 à 20 ans et de 3 à 6 ans, promet François-Noël Buffet. Mais nous
avons encore des interrogations sur plusieurs points. » Le Sénat s’inquiète avant
tout de l’absence d’étude d’impact de
cette loi sur l’activité des tribunaux et les
coûts que cette évolution peut engendrer.
De plus, nombre de sénateurs ne sont pas
d’accord avec certaines des options prises
par l’Assemblée nationale. À commencer
par la question de la prescription en matière d’abus de biens sociaux. Le texte
sorti du Palais Bourbon prévoit que la
prescription courra désormais à partir du
jour de la révélation « des délits occultes et
dissimulés » du fait de la difficulté technique du contentieux économique et financier. « Par cette codification de la jurisprudence de la Cour de cassation est imposée
une imprescriptibilité de fait, précise le sénateur Buffet, je suis pour l’instauration
d’une date butoir. Par exemple l’infraction
devra avoir été constituée deux ans avant
sa révélation. La prescription de six ans
courant à partir de cette date initiale. »
Le Sénat estime également dangereux
que le délai de prescription soit interrom-
pu sur simple plainte pénale au commissariat de police. De quoi prendre le risque
d’un renouvellement perpétuel du délai
de prescription de six ans pour les délits.
« On peut imaginer ce que cela signifie pour
celui qui fait l’objet d’une plainte mensongère », souligne François-Noël Buffet.
« Période de maturité »
Le rapporteur du Sénat entend également
revoir le dispositif en matière de crime de
guerre. Les députés se sont opposés sur la
question d’une imprescriptibilité de ces
derniers. Un compromis a été trouvé disposant que ces crimes deviennent imprescriptibles lorsqu’ils sont connexes
aux crimes contre l’humanité. François-
Noël Buffet, rappelle que ce dispositif
existe déjà et qu’il est donc redondant en
droit. Enfin et surtout, la commission des
lois du Sénat veut rouvrir le débat sur les
crimes sexuels. Le texte de l’Assemblée
nationale maintient la prescription de
vingt ans. Les sénateurs entendent mener
de nouveaux débats et auditions sur cette
question. « De nombreuses études montrent que face à une agression sexuelle de
nature criminelle, une victime n’est pas capable d’en parler avant une période de maturité qui intervient rarement avant 40 ans.
Ce n’est pas du droit, mais sans doute fautil adapter nos moyens », s’interroge François-Noël Buffet, qui entend approfondir
ce point d’ici à la fin du mois. ■
LE FIGARO
SCIENCES
jeudi 9 juin 2016
11
Lisa en marche vers l’astronomie du futur
Le satellite européen Lisa Pathfinder a montré que l’on peut étudier les ondes gravitationnelles depuis l’espace.
TRISTAN VEY £@veytristan
Au cœur du satellite, une
petite masse flottant dans
le vide permet de stabiliser
la position au millionième
de l’épaisseur d’un cheveu
du millionième de l’épaisseur d’un cheveu ? L’Agence spatiale européenne
(ESA) a investi 500 millions d’euros dans
un satellite de démonstration, Lisa Pathfinder, pour le savoir. Et il s’avère que
cela est bel et bien possible.
Mardi, l’ESA a ainsi annoncé que les
55 premiers jours de mesure avaient
largement dépassé les attentes des scien-
Lisa Pathfinder a commencé ses mesures le 1er mars depuis un point d’équilibre entre la Terre et le Soleil, à 1,5 million de kilomètres.
tifiques. Dans un article paru dans Physical Review Letters, les équipes montrent
que les performances de ce démonstrateur sont excellentes. « Les résultats sont
cinq à sept fois meilleurs que les objectifs
fixés par l’ESA », se réjouit Antoine Petiteau, chercheur au laboratoire astroparticule et cosmologie (université
Paris-VII-CNRS) et responsable France
de la mission.
Lisa Pathfinder a commencé ses mesures le 1er mars depuis un point d’équilibre
entre la Terre et le Soleil, à 1,5 million de
kilomètres. L’astuce permettant de s’assurer que le satellite reste parfaitement en
place consiste à placer au cœur de celuici une petite masse flottant dans le vide.
Celle-ci n’est soumise qu’à son poids et
ne subit donc pas les interférences du
monde extérieur – essentiellement les
photons et les particules chargées émises
par le Soleil qui le frappent et perturbent
sans cesse sa position. Cette masse flottante constitue une référence parfaite. La
position du satellite est donc ajustée de
telle sorte que la masse reste immobile
par rapport à lui.
Mais comment vérifier que l’on parvient bien au degré de précision attendu ?
Une deuxième masse libre, identique, a
été placée à 38 cm de la première. « Les
deux masses s’attirent évidemment l’une
l’autre », rappelle Antoine Petiteau. Proportionnellement à leur masse et en raison inverse du carré de leur distance,
pour ceux qui auraient oublié les cours de
physique de leur jeunesse. « Cela suffit à
les faire bouger de 20 mm par jour l’une
par rapport à l’autre. »
Ce qui intéresse les chercheurs, ce sont
plutôt d’autres perturbations, plus fines,
qui font bouger les deux masses à une vi-
La peste noire est
toujours parmi nous
Puces de rongeurs infectés
La responsable de cette effroyable maladie est une bactérie, Yersinia pestis, découverte en 1894 par Alexandre Yersin,
de l’Institut Pasteur, et qui provoque des
maladies chez l’animal et l’homme. Elle
se transmet, dans sa forme bubonique,
par les puces de rongeurs infectés, et
dans sa forme pulmonaire par l’air. S’il
semble y avoir eu des épisodes de peste
depuis l’Antiquité, nulle épidémie
n’avait touché autant de gens qu’à la fin
du XIVe siècle et au début du XVe.
Les scientifiques, biologistes enquêteurs du passé, ont donc cherché un peu
partout en Europe, dans des tombes datant de cette époque, les preuves nécessaires pour confondre le coupable. Braquant leurs projecteurs biologiques sur
la pulpe des dents des squelettes, ils se
sont frayé un chemin jusqu’au génome
des morts pour y traquer celui de Yersinia. En tout, 223 échantillons d’ADN
provenant de 178 individus ont été exa-
largement les spécifications exigées par
l’ESA. « Le défi technologique n’est pas
terminé, prévient néanmoins Antoine
Petiteau. Il faut encore s’assurer que l’on
est capable de réaliser les lasers qui permettront aux trois satellites de mesurer
exactement leur position les uns par rapport aux autres et de détecter les éventuelles modifications qui trahiraient le passage
des ondes gravitationnelles. »
Prévue initialement pour 2034, la découverte des premières ondes gravitationnelles au début de l’année, conjuguée à cette démonstration de principe,
pourrait accélérer le calendrier. « L’ESA
semble vouloir un design définitif avant
2020 pour une mise en service possible
avant 2030, peut-être 2029 », poursuit
Antoine Petiteau. Le coût, lui, reste très
approximatif. De l’ordre du milliard
d’euros. À confirmer. ■
SIVAM RCS Pontoise 329 690 648.
PALÉOGÉNÉTIQUE Ils ne sont pas morts
pour rien il y a presque sept siècles. Du
moins jusqu’à ce que des scientifiques
parviennent à écouter l’histoire qu’ils
avaient à raconter. Et quelle aventure !
Celle de la pire épidémie de l’histoire, la
grande peste noire du XIVe siècle, qui
avait provoqué une hécatombe de dizaines de millions de morts en France et
dans toute l’Europe occidentale. Qui
était-elle ? D’où venait-elle ? Qu’est-elle devenue ? Une équipe de recherche
franco-allemande vient d’apporter des
réponses à toutes ces questions grâce à
une véritable prouesse technique : obtenir le génome entier d’une ancienne
bactérie (travaux publiés dans la revue
Cell Host & Microbe).
minés. Les chercheurs ont obtenu
53 extraits potentiellement porteurs de
la bactérie (auprès de 32 personnes).
Seuls trois échantillons, retrouvés en
Espagne (près de Barcelone), en Russie
(dans la ville de Bolgar) et en Allemagne
(à Ellwangen), avaient suffisamment
d’ADN de Yersinia pour une analyse exhaustive.
Cet ADN a été comparé à 148 génomes
d’autres Yersinia, dont 7 « historiques »,
répertoriés dans des bases de données.
Après mixage de toutes ces données, le
résultat s’impose : la peste noire du
Moyen Âge a été la conséquence d’une
entrée unique de la bactérie. Venue
d’Asie via le Moyen-Orient, la peste a
inondé l’Europe de l’Ouest, provoquant
plusieurs flambées ici et là, puis a voyagé
vers l’est pour finalement revenir en
Asie jusqu’en Chine. « C’est la première
fois que l’on démontre par une preuve
génétique cet aller-retour, souligne
Maria Spyrou, du Max Planck Institute,
première signataire de l’étude. Et c’est
cette souche qui est responsable des épisodes épidémiques en Chine à la fin du
XIXe siècle. » La peste noire est donc
toujours parmi nous.
« C’est un travail très intéressant qui
confirme qu’une unique souche est responsable des grandes épidémies du Moyen
Âge et que cette peste-là est non seulement venue en Europe, mais est également repartie en Asie », estime le Pr Michel Drancourt, de l’unité de recherche
sur les maladies infectieuses tropicales
(CNRS/IRD) de l’université de Marseille.
Il existe encore des foyers résurgents
de peste en Afrique, en Asie et en Amérique et près de 40 000 cas humains de
peste ont été déclarés à l’OMS par
24 pays au cours des quinze dernières
années. Des traitements médicamenteux existent, mais un vaccin est toujours recherché. ■
tesse de l’ordre du millimètre par an
(c’est dix fois moins rapide que la dérive
des continents…). « Sur Terre, les petites
masses étaient maintenues dans des enceintes sous vide, explique Antoine Petiteau. Mais ce vide n’est pas aussi bon que
celui qui existe dans l’espace. Depuis que
nous avons ouvert les enceintes, les molécules qui subsistaient s’échappent peu à
peu. Mais il en reste encore suffisamment
pour frapper les masses et les faire bouger
un peu. »
D’autres phénomènes, liés par exemple aux fluctuations thermiques, jouent
également un rôle. « Nous poursuivons les
mesures pour tenter d’identifier au mieux
les causes des perturbations, souligne le
chercheur. Cela fera l’objet d’autres articles dans les mois à venir. »
Le plus important est néanmoins déjà
assuré : la stabilité du satellite dépasse
LA RÉFÉRENCE LEXUS
EN ÎLE-DE-FRANCE & RHÔNE-ALPES
Du XIVe au XIXe siècle et de l’Europe à l’Asie,
toutes les épidémies sont dues à une unique souche.
JEAN-LUC NOTHIAS [email protected]
HO/AFP
Consommations (l/100 km) et émissions de CO2 (g/km) en cycle mixte de la CT 200h : de 3,6 à 4,1 et de 82 à 94 ; de l’IS 300h : de 4,2 à 4,6 et de 97 à 107 ; de la LS 600h : 8,6 et 199 ; du RC 300h : de 4,7 à 5,0
et de 108 à 116 ; de la GS 450h : de 5,9 à 6,2 et de 137 à 145 ; du NX 300h : de 5,0 à 5,3 et de 116 à 123. Données homologuées CE.
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NOUV
E AU
A
ASTRONOMIE Deux petits mois. Il n’aura
pas fallu plus de temps au satellite européen Lisa Pathfinder pour démontrer que
les technologies nécessaires à la
construction d’un télescope spatial capable d’observer les ondes gravitationnelles étaient déjà mûres.
Les ondes gravitationnelles, observées
pour la première fois en février par des
détecteurs sur Terre, sont de petites vagues d’espace-temps formées par des
événements extrêmement énergétiques
comme la fusion de trous noirs ou les explosions d’étoiles. Ces ondes, qui se déplacent à la vitesse de la lumière, font vibrer l’espace-temps comme une gelée.
Leur passage fait ainsi (très, très légèrement) osciller les distances entre les objets. Cela peut par exemple rapprocher
ou éloigner la Terre et le Soleil d’une
fraction de micron. En plaçant trois satellites autour du Soleil et en mesurant
leur position relative, il devrait être possible d’observer le passage d’ondes gravitationnelles, et d’en déduire de précieuses informations sur les événements
cataclysmiques qui les produisent.
Mais est-on capable de maintenir en
place des satellites les uns par rapport
aux autres avec une précision proche de
la dizaine de picomètres, soit l’équivalent
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
SPORT
12
1
Antoine Griezmann, attaquant magique
30
Les Bleus de l’Euro 84 ont eu Michel
Platini, ceux du Mondial 98 Zinédine
Zidane. 2016 pourrait être l’année
d’Antoine Griezmann, nouveau chef
d’orchestre de l’équipe de France
depuis la mise à l’écart de Karim
Benzema. L’attaquant de l’Atlético
Madrid a tout pour lui : la qualité
de passe et l’altruisme, le sang-froid
devant le but (22 réalisations en Liga
cette saison et 7 en Ligue des champions), une excellente vision du jeu et,
surtout, il ne rechigne jamais à effectuer le travail défensif. Voilà pour le
joueur. Le discret attaquant de 25 ans
à la tête de jeune premier a aussi tout
pour devenir le chouchou des Français
régulièrement fâchés avec les incorrigibles Bleus depuis 2010. Seul Lloris
(23 % des suffrages dans un sondage
RTL-Odoxa en mars 2016) résiste
encore à la cote d’amour ascendante
(20 %) de celui qui a quitté la France
pour l’Espagne à 14 ans. Prions
pour que « Grizou » débute l’Euro
avec encore de l’essence dans
le réservoir. Le Mâconnais a déjà
disputé 63 matchs depuis l’été
dernier. La présence de son club
en finale de la Ligue des champions
Les qui vont
faire l’Euro
Qu’ils soient joueurs, entraîneurs,
dirigeants, ministre ou même artistes,
ils vont faire l’actualité du championnat
d’Europe du 10 juin au 10 juillet.
A
C. BARROSO, MOUNIC/PRESSE SPORTS ; G. JOHANSSON/PIC AGENCY/PRESSE SPORTS ; J. PULMANS/VI IMAGES/PRESSE SPORTS ; S. ALLAMAN/SIPA ; H. HANSCHKE/REUTERS ; F. FIFE/AFP ET F. BOUCHON/LE FIGARO
2
3
Bernard
Cazeneuve,
ministre
de l’Intérieur
Jamais la menace terroriste n’aura autant pesé sur
un événement sportif international. Le ministre de
l’Intérieur sera au cœur d’un dispositif de sécurité
d’une amplitude inégalée visant à empêcher
un nouvel attentat dans les stades mais aussi
en dehors. En plus des 2,5 millions de spectateurs
dans les tribunes, on attend environ 7 millions de
personnes dans les fans zones, qui feront le plein
le soir des matchs. Des moyens exceptionnels
seront mobilisés par l’État en termes de police,
de gendarmerie, et avec le concours de
10 000 militaires. « Jamais un événement sportif
n’aura été autant sécurisé dans notre pays »,
a affirmé le ministre des Sports, Patrick Kanner.
PAGE RÉALISÉE PAR GILLES FESTOR [email protected]
Zlatan
Ibrahimovic,
attaquant
de la Suède
Passée par les barrages
pour arracher son billet,
la Suède n’a pas séduit lors
des éliminatoires de l’Euro.
Mais avec son géant suédois
(1,95 m) qui a terminé son
aventure avec le Paris SG, tous
les espoirs sont permis. Surtout
après une telle saison (38 buts
inscrits et 13 passes décisives).
Grand absent du dernier
Mondial, « Ibra » (34 ans) sera
forcément l’une des stars d’un
groupe E extrêmement relevé
avec l’Irlande, l’Italie et la
Belgique. Trois affiches
qui lui permettront peut-être
de prouver qu’il peut aussi être
l’homme des grands rendezvous pour sa dernière grande
compétition internationale avec
la sélection suédoise (62 buts
en 113 sélections). « J’aurai
le public français et suédois
derrière moi », fanfaronnait-il
récemment. Cela reste à voir,
mais il ne laissera à coup sûr
aucun spectateur de marbre.
4
Didier
Deschamps,
sélectionneur
des Bleus
5
En première ligne quoi qu’il arrive, surtout si la France
rate son Euro à domicile. Un échec et c’est
une grande partie de la crédibilité du capitaine
des champions du monde 1998 qui s’envolera après
un Mondial 2014 honorable (quart de finaliste
face à l’Allemagne). Un sacre et il aura définitivement
réconcilié les Français avec leur sélection
en s’asseyant aux côtés de Michel Hidalgo (Euro
1984) et d’Aimé Jacquet (Mondial 1998) au panthéon
des sélectionneurs. À moins d’une cataclysmique
élimination précoce, « DD » poursuivra son aventure
jusqu’à la Coupe du monde 2018 en Russie. Noël
Le Graët, qui lui accorde une confiance aveugle,
a rallongé son contrat de deux ans en février dernier.
le 28 mai dernier l’a privé d’une partie
de la préparation avec l’équipe
de France. L’Euro 2016 tombe
à point nommé pour lui permettre
de rebondir après son immense
déception en finale de la C1
face au Real Madrid.
+
» Lire aussi PAGE 16
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais
11 Andrés Iniesta
Milieu de terrain de l’Espagne
tenante du titre.
12 Gianluigi Buffon
Capitaine et gardien de l’Italie
aux 157 sélections.
13 Wayne Rooney
Attaquant de l’Angleterre
reconverti en n° 10.
14 David
Guetta
Compositeur de l’hymne
officiel de l’Euro.
15 Gareth Bale
Star de l’attaque
du pays de Galles.
16 Sergio Ramos
Défenseur central
de l’équipe d’Espagne.
17 Robert Lewandowski
Attaquant vedette de la Pologne.
18 Super Victor
La mascotte officielle
de l’Euro 2016.
19 Thomas Müller
Cristiano
Ronaldo,
attaquant
du Portugal
S’il collectionne les trophées
avec ses clubs, le Portugais
n’a toujours rien gagné avec
une sélection qui a survolé son
groupe lors des éliminatoires.
À 31 ans, le temps presse
pour « CR7 » qui a déjà réussi
sa saison en empochant
sa troisième Ligue des
champions, avec le Real Madrid
malgré une prestation insipide
en finale. Avec la Seleçao,
le triple Ballon d’Or aura à cœur
d’effacer le souvenir amer
du fiasco au Mondial 2014.
Le Portugal s’était fait
piteusement éliminer dès le
premier tour avec une claque
reçue face à l’Allemagne (0-4).
Un sondage RTL-Odoxa
montre que 26 % des Français
sont convaincus que la gravure
de mode de Funchal sera
la grande star de
l’Euro 2016, juste
devant Zlatan
Ibrahimovic
(21 %).
Attaquant de l’Allemagne et
meilleur buteur du Mondial 2014.
20 Noël Le Graët
Président de la Fédération
française de football.
21 N’Golo Kanté
Milieu de terrain
de l’équipe de France.
22 Skip the Use
Groupe interprète de l’hymne
officiel controversé
des supporteurs français.
23 « Beau Jeu »
Le ballon officiel de l’Euro 2016.
24 François Hollande
Le président remettra le trophée
au vainqueur le 10 juillet.
25 Le Stade de France
Il accueillera sept matchs dont
la finale et le match d’ouverture.
26. Nicolas de Tavernost
et M6
Président de la chaîne
qui diffusera la finale
avec beIN Sports.
27 Les réseaux sociaux
Ils sont devenus le moyen
privilégié des footballeurs
pour communiquer.
28 La Marseillaise
Depuis les attentats
du 13 novembre 2015,
l’hymne n’a jamais été
autant repris dans les stades.
29 Adidas
L’équipementier
de 10 des 24 sélections
devant Nike (6) et Puma (5).
30 Les paris sportifs
60 milliards d’euros de paris
sont prévus au cours
de la compétition.
6
Joachim Löw,
sélectionneur
allemand
Championne du monde
en titre, l’Allemagne
s’est qualifiée sans trembler
pour l’Euro mais sans briller
non plus, alimentant même
quelques doutes outre-Rhin.
Le sélectionneur à la chemise
blanche pourrait rentrer
dans l’histoire en signant un
retentissant doublé Coupe du
monde-Euro. La Mannschaft
l’a déjà fait, mais dans l’autre
sens (Euro 1972-Mondial
1974). Sous contrat jusqu’en
2018, Löw ne cache pas
son envie de retrouver un club
ambitieux mais on le voit mal
quitter le bateau à deux ans de
la Coupe du monde en Russie.
7
L’arbitrage
vidéo
Clément Turpin, seul arbitre
français retenu pour officier
pendant l’Euro, pourra faire
appel à la technologie
sur la ligne de but
au cours d’une rencontre.
Les dix stades seront équipés
du système Hawk-Eye
qui permettra de vérifier
si un ballon a franchi ou non
la ligne de but. La technologie
viendra s’ajouter à l’arbitrage
à cinq déjà utilisé par l’UEFA.
Ce dispositif sera aussi utilisé
lors de la prochaine
Supercoupe d’Europe
ainsi que lors de la prochaine
saison de Ligue
des champions.
8
Eden Hazard,
attaquant
de la Belgique
Le Belge sort d’une saison
cauchemardesque avec
Chelsea, avec qui il n’a inscrit
que quatre misérables buts
en championnat.
Heureusement, l’attaquant
retrouve des couleurs lorsqu’il
joue en sélection. L’Euro
lui offre la possibilité de sauver
une saison blanche avec
les Diables rouges qui figurent
parmi les grands favoris. « Je
veux être l’homme de l’Euro »,
a récemment déclaré
l’ancien lillois revanchard, qui,
contrairement à d’autres stars,
aura eu le temps
de se préserver en vue
du rendez-vous continental.
9
Grégoire Margotton,
commentateur
sur TF1
Commentateur vedette
des matchs sur Canal + depuis
son entrée au sein de la chaîne
cryptée en 1992, Grégoire
Margotton (46 ans) est
le nouveau porte-voix
de l’équipe de France sur TF1.
Associé à Bixente Lizarazu,
il vient de remplacer Christian
Jeanpierre mis de côté sans
ménagement à trois mois de la
compétition et après huit ans
passés derrière le micro.
Canal + a tout tenté pour
retenir le Lyonnais qui sait
déjà que la finale se fera sans
lui. Celle-ci sera retransmise
sur M6 et beIN Sports mais
pas sur la première chaîne.
10
Paul Pogba,
milieu
des Bleus
Si l’Euro s’était déroulé
il y a un an, il aurait été attendu
comme le messie des Bleus.
L’émergence
d’Antoine Griezmann
et des performances un peu
moins remarquées avec son
club de la Juventus Turin
après une saison 2014-2015
exceptionnelle ont rebattu les
cartes. S’il reste un des leaders
incontestables de la sélection
alors qu’il n’a que 23 ans, Paul
Pogba a donné l’impression
de stagner ces derniers mois.
Moins décisif avec les Bleus,
il est très attendu, surtout
depuis l’annonce du forfait
de Lassana Diarra.
EN BREF
Rugby : Trinh-Duc :
« Ç’a été brutal »
Avant de s’envoler avec le XV
de France pour l’Argentine,
François Trinh-Duc est revenu
pour Le Figaro sur son éviction
de Montpellier : « Ç’a été rapide
et brutal ces derniers jours. »
Stade Français-Red Star,
« colocs » à Jean-Bouin
L’an prochain, le stade JeanBouin sera partagé entre
le Stade Français et le Red Star
(L2). « Une bonne nouvelle »,
pour Thomas Savare.
Voile : Beyou vainqueur
Jérémie Beyou (Maître Coq)
a remporté la Transat
New York-Vendée.
jeudi 9 juin 2016
LE CARNET DU JOUR
Parents, alliés et amis
Les annonces sont reçues
avec justification d’identité
ont l'immense douleur
de faire part du décès de
par téléphone
01 56 52 27 27
Mme Antoinette CALLANDRY
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docteur Léo Callandry
née Cueilleron,
veuve du
par courriel
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ce jeudi 9 juin 2016, à 10 h 30,
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Martine Callandry Herland,
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5, avenue du Parc-de-Madrid,
06400 Cannes.
M. Jean-Edouard BLOCH
né le 3 décembre 1920,
à Montpellier,
veuf de
M. Henri PIGEAT
Mme Simy Bloch
et Mme, née Passerose Rueff,
ont la joie d'annoncer
la naissance de
ses 25 petits-enfants
et leurs conjoints,
ses 26 arrière-petits-enfants
font part du rappel à Dieu de
Mme Yves GASCHIGNARD
le 6 juin 2016,
dans sa 91e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le vendredi 10 juin 2016,
à 14 heures, en l'église
Notre-Dame-de-Bon-Port
de Nantes, suivie
de l'inhumation, à 17 heures,
au cimetière d'Arthon-en-Retz
(Loire-Atlantique).
parti paisiblement
dans sa 96e année.
Jacques
chez
M. et Mme
Guillaume Gaschignard,
M. et Mme Marc Baraton,
M. et Mme
Jacques Le Pomellec,
M. et Mme René Bellamy,
M. et Mme
Philippe Romain-Desfossés,
M. et Mme
David Gaschignard,
ses enfants,
née Monique Polo,
Ses enfants, petits-enfants
arrière-petits-enfants et nièce
ont l'immense tristesse
de faire part du décès de
naissances
M. Yves Gaschignard,
son époux,
Avocat à la cour de Paris
depuis ses plus jeunes années,
épris de justice, de tolérance,
il est resté actif jusqu'en
l'an 2000.
Anaël PIGEAT
et Maël RENOUARD
à Paris, le 24 mars 2016.
Un dernier hommage
lui sera rendu au crématorium
du cimetière du Père-Lachaise,
à Paris (20e),
le samedi 11 juin 2016, à 11 h 30.
La salle de recueillement
fermera ses portes à 11 h 30.
recherches
La Société des amis
d'Henri Pourrat
Mouilleron-Saint-Germain
(Vendée).
Poitiers (Vienne).
Le baron et la baronne
Gilles Goislard de la Droitière,
son fils et sa belle-fille,
Hervé, Florence et Thomas,
Marguerite,
ses petits-enfants,
ont la tristesse
de vous faire part du décès du
(association loi 1901)
et Gallica
bibliothèque numérique
de la BnF,
Mlle Pascaline Desprez,
M. et Mme Hervé Desprez,
M. et Mme Baudouin
Thiébeauld de La Crouée,
Mme Sophie Desprez,
ses enfants,
vont numériser début 2017, les
cahiers Henri Pourrat
parus de 1984 à 2014.
Il est demandé à tous
les contributeurs de textes
ou d'illustrations, ou à leurs
ayants droit, leur autorisation
préalable à la numérisation
et à la mise en ligne.
Réponse souhaitée avec les
références de vos articles, à
[email protected]
Maxime et Audrey Desprez,
Valentine et Oliver Vane,
Quitterie et Timothée
Roussel de Courcy,
Grégoire et Laure
Thiébeauld de La Crouée,
Amaury
Thiébeauld de La Crouée,
ses petits-enfants,
deuils
Mme Michel Adam,
ses enfants, petits-enfants
et arrière-petits-enfants
survenu dans sa 94e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le vendredi 10 juin 2016,
à 14 h 30, en l'église
de Mouilleron-Saint-Germain,
suivie de l'inhumation
au cimetière
de Mesnard-la-Barotière.
Xavier Goislard de la Droitière
Chloé,
Marguerite, Joséphine et Rose,
Maxence, Marin, Quentin
et Vianney,
ses arrière-petits-enfants,
repose à la maison funéraire
de La Châtaigneraie (Vendée).
ont la tristesse de vous
faire part du rappel à Dieu de
Cet avis tient lieu de faire-part.
Ni fleurs ni couronnes.
font part du rappel à Dieu de la
comtesse de la NOUE
née Catalina Puiforcat,
« Kina »,
le 6 juin 2016, à l'âge de 85 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Saint-François-de-Sales,
6, rue Brémontier, à Paris (17e),
le vendredi 10 juin, à 10 h 30,
suivie de l'inhumation
à 12 h 45, au cimetière
de Vineuil-Saint-Firmin (Oise).
190, boulevard Malesherbes,
75017 Paris.
La cérémonie religieuse sera
célébrée le vendredi 10 juin,
à 16 heures, en l'église
Saint-François-Xavier,
12, place du PrésidentMithouard, Paris (7e).
le 8 juin 2016.
La cérémonie religieuse
sera célébrée le vendredi
10 juin, à 10 heures,
en la chapelle de Jésus-Enfant
de la basilique Sainte-Clotilde,
29, rue Las-Cases, Paris (7e).
Hubert, Aymard, Ghislaine,
Hervé (†), Etienne, Anne
et leurs conjoints,
M. Guy Charles-François,
Mme Monique
Charles-François,
M. et Mme Gérard Serfaty,
ses enfants,
ses petits-enfants
et arrière-petits-enfants
vous font part du décès de
Mme Louis
le FORESTIER de QUILLIEN
Nicolas, Anne et Paul,
ses petits-enfants,
née Hélène Passerat de Silans,
M. et Mme Yves Louis-Joseph,
son frère et sa belle-sœur,
survenu à l'âge de 90 ans,
le 7 juin 2016, à Angles (Vendée).
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le samedi 11 juin, à 10 h 30,
en l'église
Notre-Dame-de-la-Joie,
à Pencran (Finistère),
suivie de l'inhumation
dans l'enclos paroissial.
Mme Nelly
CHARLES-FRANÇOIS
chirurgien-dentiste,
survenu le 6 juin 2016,
à l'âge de 92 ans.
Mme Louis
le Forestier de Quillien
Une bénédiction aura lieu
le lundi 13 juin, à 10 heures,
au crématorium du cimetière
du Père-Lachaise, Paris (20e).
repose au funérarium,
14 bis, rue des Forêts,
à Moutiers-les-Mauxfaits
(Vendée).
Condoléances sur registre
et : [email protected]
Paris (15e).
Mme Luc Soulignac,
Mme Luc Delbende,
ses sœurs,
l'hôpital Marie Lannelongue
ont la tristesse
de vous faire part du décès,
le 6 juin 2016, du
professeur Claude PLANCHÉ
membre de l'Académie
nationale de chirurgie,
membre
de l'American Association
for Thoracic Surgery,
ancien chef du département
de chirurgie cardiaque
congénitale de l'hôpital
Marie Lannelongue.
Ils présentent à sa famille
et à tous ses proches,
leurs très
sincères condoléances.
Fête
des pères
Ses enfants,
Aline et Henri Boudet,
Anne-Marie et Jean-Pierre
Calmels,
Chantal et Jacques Viguier,
Laurent et Christine Froment,
© iStock
Dites-lui votre affection
dans Le Figaro
du samedi 18 juin !
ses petits-enfants,
ses arrière-petits-enfants
et toute sa famille
ont la tristesse
de vous annoncer le décès,
le 4 juin 2016,
dans sa 97e année, de
Mme Célestin FROMENT
née Lucie Madaule.
La cérémonie sera célébrée
le lundi 13 juin, à 10 h 30,
en l'église Notre-Damede-Grâce-de-Passy,
rue de l'Annonciation,
Paris (16e).
Monique MASGNAUX
née Barthélémy,
le 7 juin 2016.
La cérémonie religieuse
aura lieu le mardi 14 juin,
à 14 h 30, en l'église
Sainte-Cécile, 44, rue de l'Est,
à Boulogne-Billancourt.
La bénédiction tiendra lieu
de condoléances.
Ni fleurs ni couronnes,
des dons pour Julia, la
petite-fille handicapée chérie
de « Bonne », à libeller
à l'ordre de l'association
Les Papillons Blancs
des Rives de Seine,
à l'intention de
Jean-Hugues Masgnaux,
56, rue Fessart,
92100 Boulogne-Billancourt.
et le
M. Thierry de Vaucorbeil
lieutenant Jean de Vaucorbeil
Ni fleurs ni couronnes,
des offrandes de messe.
Cet avis tient lieu de faire-part.
13, boulevard Pereire,
75017 Paris.
Philippe Weinstein,
Olivier Weinstein,
ses fils,
Elodie, Romain,
ses petits-enfants,
Jérémie et Yona,
ses arrière-petits-enfants,
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Paris (16e).
Colette WEINSTEIN
Mme Pierre Lamotte,
née Micheline Prinvault,
sa sœur,
ses neveux et nièces,
leurs enfants et petits-enfants
Mlle Françoise PRINVAULT
survenu le 4 juin 2016.
Christiane MARTIN
ont la tristesse
de vous faire part du décès
de leur chère « Bonne »
Marie-Françoise Billot
et ses fils,
et toute la famille
survenu le 5 juin 2016,
à l'âge de 88 ans.
Marie Pierre et Marko Sikic,
Maia, Paul et Maja,
Jean-Marc (†) et Anne
Masgnaux,
Carole, Louis-Jean, Domitille,
Natalie et Michel Manon,
Nicolas, Vincent,
Jean-Hugues et Natacha
Masgnaux,
Julia, Tanguy, Augustin,
ses enfants et petits-enfants,
ont la douleur de vous
faire part du rappel à Dieu,
le 6 juin 2016, de
La messe de funérailles
sera célébrée le samedi 11 juin,
à 14 h 30, en la collégiale
Saint-Martin de Chablis,
en union de prière avec
son épouse, née
27 bis, rue Duret,
75116 Paris.
Cet avis tient lieu de faire-part.
avec votre Figaro
sœur Chantal de Vaucorbeil,
religieuse de Sainte Clotilde,
le docteur et Mme
Yves de Barochez,
le docteur Jean Hameury,
Mme Guy de Vaucorbeil,
M. et Mme Jean de Crevoisier,
M. et Mme Bernard Ambroise,
ses sœurs, beaux-frères
et belles-sœurs,
Le président du conseil
d'administration,
le directeur général,
la communauté médicale
et l'ensemble du personnel de
ont la tristesse
de faire part du décès de
Le Seigneur te gardera
de tout mal, il gardera ta vie.
Psaume 120.
En vente
vendredi 10
et samedi 11 juin
M. Henry de VAUCORBEIL
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Notre-Dame-d'Auteuil,
à Paris (16e),
le vendredi 10 juin 2016,
à 10 h 30.
Ni fleurs ni couronnes.
Mère Marie Raphaële,
dominicaine du Saint-Esprit,
M. et Mme Charles Arnauld,
M. et Mme
Robert de Vaucorbeil,
mère Marie Isabelle,
dominicaine du Saint-Esprit,
M. et Mme Bertrand Soviche,
le lieutenant-colonel et Mme
Paul de Vaucorbeil,
ses enfants,
ses petits-enfants
et arrière-petits-enfants,
à l'âge de 91 ans, muni
des sacrements de l'Église.
Isabelle, Laurence,
Marie-Dominique (†), Yves,
Bruno, Karine et Marina,
ses neveux et nièces,
La cérémonie religieuse
sera célébrée ce jeudi 9 juin,
à 14 h 30, en l'église Saint-Léon,
à Paris (15e).
Chablis (Yonne).
Le Plessis-Robinson
(Hauts-de-Seine).
ont la tristesse
de faire part du décès de
Mme Guy DESPREZ
le 8 juin 2016,
dans sa 94e année.
M. Michel ADAM
carnetdujour@media.figaro.fr
capitaine de frégate (e.r.),
officier de la Légion d'honneur,
Perrine Betolaud de la Noue,
sa fille,
Sixtine et Ulysse Crepin,
ses petits-enfants,
Claude English,
Anne Puiforcat-Duhamel,
ses sœurs, et leurs enfants
née Madeleine Bagot,
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Tél. : 01 56 52 27 27
baron Xavier
GOISLARD de la DROITIÈRE
13
née Darmon,
survenu le lundi 6 juin 2016,
à l'âge de 103 ans.
Les obsèques auront lieu
le vendredi 10 juin, à 11 h 30,
au cimetière du Montparnasse,
3, boulevard Edgar-Quinet,
Paris (14e).
Cet avis tient lieu de faire-part.
84, avenue Victor-Hugo,
92100 Boulogne-Billancourt.
5, rue Bréguet,
75011 Paris.
messes
et anniversaires
Une messe sera célébrée
le samedi 18 juin 2016,
à 18 heures, en l'église
Notre-Dame du Liban,
15, rue d'Ulm, Paris (5e),
pour le repos de l'âme de
Ramez Gilbert CHAGOURY
Christian, François et Patrick
Salbaing,
ses fils,
disparu il y a un an.
William, Olivia,
Sophie, Nicholas,
leurs enfants,
Pour le premier anniversaire
du rappel à Dieu du
Caroline Salbaing,
née Gervais,
veuve de Michel Salbaing,
Brigitte Latour,
ses belles-filles,
Pierre Salbaing
et Chantal Perron,
André Salbaing
et Patricia Girard
ses petits-fils et leurs épouses,
Ema, Michelle,
Eve-Emmanuelle,
Pierre-Olivier,
leurs enfants,
ont la douleur
de vous faire part du décès de
général de LACAUSSADE
une messe sera célébrée
le samedi 11 juin 2016, à 18 h 30,
en l'église Notre-Damede-Grâce-de-Passy,
10, rue de l'Annonciation,
Paris (16e).
On y associera le souvenir de
Mme de Lacaussade
née Marie-Françoise
Guerrier de Dumast.
Les éditions du Figaro
souvenirs
Le 9 juin 2011,
Genevière SALBAING
née Nehlil,
co-fondatrice et directrice
artistique des ballets-jazz
de Montréal,
membre de l'ordre du Canada,
officier de l'ordre du Québec,
veuve de
Pierre Alcée Salbaing
ancien directeur
général de l'Air Liquide S.A.
survenu le 8 mai 2016,
à l'âge de 94 ans,
à Montréal (Canada).
La messe de funérailles
aura lieu
en l'église Saint-Léon
de Westmount, à Montréal,
le vendredi 10 juin 2016,
à 11 heures.
Au lieu de fleurs, des dons
à la société d'Alzheimer
de Montréal,
4505, rue Notre-Dame O,
Montréal, QC H4C 1S3
www.alzheimer.ca/fr/
montreal
Jean DIWO
nous quittait.
Sa famille, ses amis
ne l'oublient pas
et associent à sa mémoire
le souvenir de son épouse,
Jacqueline MICHEL
décédée le 27 mai 1981.
Le 9 juin 1994,
Bernard PAILLE
nous quittait.
Que ceux qui l'ont connu
et aimé aient une pieuse
pensée pour lui.
Il y a un an, le 9 juin 2015,
Charles SERULLAZ
nous quittait.
Il est dans nos cœurs.
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jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
14
CHAMPS LIBRES
ENQUÊTE
Le secrétaire américain
à la Défense, Ashton
Carter, lors de sa visite
au siège de Facebook,
à Menlo Park (Californie),
en avril 2015.
La Silicon Valley s’en va-t-en-guerre
Maurin Picard
£@MaurinPicard
ENVOYÉ SPÉCIAL À SUNNYVALE
ET PALO ALTO (CALIFORNIE)
Ç
«
a a marché ! Le prototype a tenu le
coup ! » Peinant à contenir son
enthousiasme, Rachel Olney promène un sourire radieux, sous les
eucalyptus en fleurs de Stanford
University. Le matin même, dans
un bassin de San Jose, une petite
bouée noire a résisté aux tests de
pression infligés à 30 m de profondeur. Produite en
série, cette modeste invention pourrait changer la
vie des Navy Seals, les commandos de l’US Navy :
avec son GPS incorporé, la balise oblongue en polycarbonate peut être déroulée depuis un « sous-marin humide » jusqu’à la surface et renseigner les
plongeurs sur leur positionnement géographique
exact, grâce à une tablette étanche. Simple et génial.
La jeune fille n’a que 23 ans et fait partie d’un
séminaire baptisé H4D, acronyme de Hacking For
Defense, organisé depuis bientôt huit semaines sur le
campus de l’une des plus prestigieuses universités
américaines. Un soir de mai, plusieurs équipes
d’étudiants terminent la présentation de leurs travaux, sous l’œil bienveillant des professeurs de cette
classe spéciale, constituée de jeunes diplômés, entrepreneurs de start-up, ingénieurs, officiers d’active et vétérans. Ce bouillon de culture, inhabituel
pour Stanford, est en soi une petite révolution : alors
qu’ils s’étaient perdus de vue depuis le programme
de défense Star Wars de l’ère Reagan, inventeurs de
la Silicon Valley et galonnés du Pentagone recommencent à se parler. Nécessité fait loi : après vingtcinq ans de coupes budgétaires, l’Amérique voit son
avance technologique fondre au profit de puissances
étrangères. À commencer par la Chine et la Russie,
dont l’antagonisme ne cesse de croître.
Le Pentagone, qui voit
fondre son avance
technologique en matière
de défense, veut surfer
sur la vague d’innovation
californienne, grâce
à des entrepreneurs
« patriotes ». Mais
un « ennemi intérieur »
veille : la bureaucratie.
200 km
OREGON
IDAHO
A
Labyrinthe décisionnel
Curieusement, le signal d’alarme a été tiré dans la
« vallée », où les entrepreneurs s’inquiètent de voir
leurs inventions et brevets rachetés par d’autres que le
Pentagone. Ce dernier porte une large responsabilité :
son système d’acquisition kafkaïen rend impossible
toute synergie avec le monde du high-tech. Chaque
programme, même le plus modeste, doit surmonter
tant de chausse-trappes bureaucratiques qu’il faut des
années pour être porté sur les fonts baptismaux. « Ils
pensent sur dix ans, alors que dans la Silicon Valley, six à
neuf mois pour créer un projet est une éternité », souffle
Pete Newell, fondateur du séminaire H4D. Carrure impressionnante et voix caverneuse, cet ex-colonel de
53 ans passé par Faloudja en 2004 connaît son affaire :
il a perdu des hommes parce qu’ils ne disposaient pas
de ces robots éclaireurs - pourtant vendus dans le
commerce - qui auraient pu les sauver. « Impardonnable », tranche-t-il, au regard des 10 000 GI tués et
60 000 mutilés dans cette « longue guerre » entamée
en 2001.
Les petits génies de Stanford ont vocation à changer
tout cela, précurseurs d’une nouvelle génération
d’« entrepreneurs patriotes » désireux de sortir le pays
de sa torpeur. Dans une salle de la faculté d’économie,
30 étudiants répartis en huit projets échangent avec
leurs mentors, ainsi que quelques discrets « sponsors » : la VIIe flotte du Pacifique, les Navy Seals, la
Sacramento
San Francisco
NEVADA
Silicon Valley
CALIFORNIE
OCÉAN
Los Angeles
PACI F IQU E
Infographie
ARIZONA
MEX.
NSA. Tandis qu’« Aqualink » planche sur sa bouée
GPS, « Right of Boom » réfléchit sur un dispositif de
désamorçage à distance des bombes artisanales.
« Narrative Mind » échafaude une stratégie pour
contrer la propagande salafiste sur les réseaux sociaux.
Les étudiants, extatiques, reconnaissent un « facteur
cool » dans cette formation qui leur permet de jouer
dans la cour des grands : « Nous résolvons des problèmes, tout en cherchant à sauver des vies », résume
Jared Dunnmon, 26 ans, ingénieur en mécanique de
l’équipe « Sentinel », dédiée à un logiciel de traque des
activités de pêche illégale.
Il est aussi question de bouleverser les vieilles habitudes de l’armée : au lieu de passer commande du
type de matériel précis dont elle pense avoir besoin,
celle-ci formule au contraire ses problèmes. À
charge pour les apprentis sorciers de Stanford d’inventer des solutions. Si cette inventivité met en relation directe les meilleurs cerveaux de l’Amérique et
ses guerriers, elle ne suffit cependant pas à éviter
l’écueil d’une immense machine à broyer bureaucratique, qui réceptionne les demandes d’acquisition
de technologies, pour les « recracher » des années
plus tard, lorsque leur caractère innovant s’est estompé. « Dans les guerres contemporaines, insiste
Pete Newell, ce qui compte n’est pas la qualité intrinsèque des technologies que vous introduisez sur le
champ de bataille, mais à quelle vitesse vous parvenez
constamment à vous adapter. » Le Pentagone, lui,
« se réveille après chaque débâcle, note Adam Jay
Harrison, de la National Defense University. Pearl
Harbor, la Corée, les otages en Iran ».
Nombre d’industriels bien intentionnés se sont
cassé les dents sur l’obstacle : il a fallu quatre mois à
Gary Gysin, le PDG de la PME Liquid Robotics, pour
décrocher un simple entretien avec un haut fonctionnaire de la défense. Exaspéré, il a publié sur sa page
LinkedIn une lettre ouverte dénonçant le labyrinthe
décisionnel, en décalage complet avec l’évolution du
monde. D’autres ont carrément perdu patience. « Je
suis partie d’une réunion, frustrée du bla-bla ne débouchant sur aucune commande ferme », lâche Mylea
Charvat. Cette neurologue et fondatrice de la firme
Savonix, à San Francisco, proposait « une application
mesurant les performances cognitives », un outil précieux pour la prise en charge des vétérans souffrant de
stress post-traumatique (PTSD), pouvant faire économiser des millions aux Veterans Affairs (VA). Mais ses
interlocuteurs, butés, souhaitaient qu’elle révèle les
spécifications exactes de cette « app » pour stimuler
une « saine compétition ». Inconcevable, dans un milieu ultraconcurrentiel, surtout lorsque des firmes
chinoises, elles, frappent à la porte de Savonix. « Nous
sommes réellement soucieux que les meilleures technologies profitent à nos combattants, se défend Charvat,
mais tant de réticences me laissent sans voix. »
Dans les guerres contemporaines,
ce qui compte n’est pas la qualité intrinsèque
des technologies que vous introduisez
sur le champ de bataille, mais à quelle vitesse
vous parvenez constamment à vous adapter
PETE NEWELL, FONDATEUR DU SÉMINAIRE H4D
»
Conscient de ces tensions, le secrétaire à la Défense
Ashton Carter a annoncé en avril 2015 la création d’un
« poste avancé » du Pentagone sur l’ancien aérodrome
de Moffett Field, à Sunnyvale. Baptisé DIUx, pour Defense Innovation Unit Experimental, il visait, selon son
directeur George Duchak, à « favoriser l’interaction »
entre militaires et entrepreneurs pour contourner les
procédures d’acquisition interminables et servir rapidement les « bénéficiaires » en aval. Mais l’expérience
a tourné court : le 11 mai, Carter a débarqué Duchak.
Bateau ivre, le DIUx pourrait être placé au rebut par le
Congrès, qui refuse les 30 millions de dollars de fonctionnement demandés pour 2017. Les patrons de la
Silicon Valley esquissent une moue dubitative : dans ce
petit monde où le relationnel prime, où innovateurs et
« business angels » se jaugent avant d’engager le
moindre million, la valse des képis fait désordre.
Marché parallèle
Tout Moffett Field ne se résume cependant pas au
DIUx. C’est aussi là que se trouve le siège de Liquid
Robotics. Gary Gysin, du haut de son 1,90 m, fait
partie de ces entrepreneurs patriotes et interloqués.
Son « robot surfeur» Wave Glider SV3, qui se propulse grâce à la force des vagues, se régénère au
moyen de panneaux solaires et dont la batterie au lithium peut durer « plusieurs années », intéresse les
marines du monde entier. Autonome et discret, il
peut superviser avec ses sonars toute activité à la
surface, et en dessous, et communiquer ses observations. Un mouchard « idéal pour contrôler de vastes
étendues sur l’océan », souligne Gysin. Les amiraux
américains en redemandent, mais l’US Navy est à la
peine. Seuls quelques exemplaires ont pu être acquis,
au compte-gouttes. En souffrance dans un bureau
obscur du Pentagone, le Wave Glider n’est pas près
d’entrer en dotation. Pas plus que le prototype de
bouée GPS du groupe Aqualink, à Stanford, qui,
comble d’absurdité, risque fort d’être financé en
ligne via une plate-forme de crowdsourcing. « Nous
sommes présents dans presque tous les pays d’Asie,
insiste Gary Gysin. Eux prennent des décisions rapides.
Nous vendons notre robot là-bas, et pas à notre propre
gouvernement. Franchement, ça me chiffonne. »
Faute de pouvoir bousculer le Léviathan fédéral,
un marché parallèle d’acquisition est en train de se
développer. De manière quasi subversive, les pionniers de Stanford ont décidé de contourner l’obstacle. Pete Newell pense que certains de ses protégés
pourraient se muer en start-up, tant la demande
paraît forte, et s’adresser directement aux utilisateurs. Lui-même n’attendra pas un changement
d’humeur politique. Sollicité de toutes parts, il prépare l’ouverture de cours H4D dans dix universités,
de Chicago au MIT, bien décidées à multiplier les
passerelles entre incubateurs high-tech et militaires.
Les graines d’entrepreneurs de Stanford, quant à elles, exsudent un optimisme contagieux. « La confrontation “inévitable” dont tout le monde parle avec la Chine
est ridicule, dans un monde aussi économiquement interconnecté, s’insurge Rachel Olney. Si plus de décideurs parlaient le mandarin, à Washington comme sur
les passerelles de commandement des navires, ce serait
déjà un grand pas en avant. » À l’entendre, avant d’infiltrer l’ennemi avec des robots surfeurs et des nageurs
de combat, peut-être faudrait-il commencer par apprendre sa culture et maîtriser sa langue. Voilà un thème tout trouvé pour la prochaine promotion de Pete
Newell. Problème : personne ne comprend le chinois
dans la marine américaine. Solution ? Vous avez huit
semaines. ■
jeudi 9 juin 2016
CHAMPS
IDÉES
LIBRES
LE FIGARO
15
Cette guerre qui ne nous concernait plus
Une passionnante
plongée dans l’univers
de la guerre.
Jean-Claude
Guillebaud nous offre
grands auteurs
et souvenirs
personnels.
LE TOURMENT
DE LA GUERRE.
Jean-Claude
Guillebaud,
L’iconoclaste. 390 p, 20 €
CHRONIQUE
Éric Zemmour
[email protected]
N
ous sommes en guerre.
Depuis des mois, la
phrase est répétée jusqu’à satiété par les plus
hautes autorités de
l’État. Le sang coule à
Paris et l’armée patrouille dans les rues.
Ce retour de la guerre nous prend par
surprise. On s’en croyait débarrassé. La
guerre était bonne pour les Autres, qu’ils
soient du Passé ou d’Ailleurs. JeanClaude Guillebaud confesse qu’il a cru à
cette illusion. C’est pour cette raison
qu’il était bien placé pour la déchirer.
Nous avons confondu l’exception et la
règle : « Nous vivons en paix depuis
soixante-dix années. Voilà des siècles que
cela n’était pas arrivé. » Nous nous sommes désarmés militairement mais surtout mentalement : « Nous avons désappris à réfléchir sur la guerre. » Guillebaud
a plongé à la fois dans ses souvenirs
d’enfance (son père fut un héros de la
Grande Guerre) et de sa jeunesse de
grand reporter depuis les années 1960
(Vietnam, Bangladesh, guerres africaines, etc.), qu’il a mêlés à ses innombrables lectures. Le cocktail est particulièrement savoureux. Hissé sur les
épaules des géants, Clausewitz, Guibert,
Jomini, Napoléon, Wellington, Maistre,
Junger, Schmitt, Genevoix, et tant
d’autres, Guillebaud nous ravit et nous
instruit.
Il nous conduit des « guerres courtoises » aux guerres totales du XXe siècle,
des guerres des princes aux guerres démocratiques des peuples, qui s’ouvrent à
Guillebaud a tout lu, mais on se permettra de lui conseiller un ouvrage qui
manque à sa vaste panoplie, Les Femmes
et la Guerre, de Martin van Creveld, dans
lequel cet ancien officier de l’armée israélienne rappelle que dans l’Allemagne
médiévale « devenir un homme » et
« porter une épée » « étaient synonymes » ; que « tuer un ennemi » veut dire
aussi « faire l’amour avec une femme »,
aussi bien en grec ancien qu’en argot
hébreu d’aujourd’hui. La guerre cessera
quand les femmes cesseront d’aimer les
vainqueurs. Qu’elles cesseront de se jeter aux cous des vainqueurs, qu’ils soient
français en Italie (relisons Stendhal !) ou
en Allemagne (après Iéna en 1806) ou allemands en France (après 1940), ou russes (1814) ou américains (1945). C’est
dire que la guerre ne cessera jamais.
Guillebaud a beau accepter le risque
d’être « réac », le
conformisme politiquement correct de
Jean-Claude Guillebaud cherche
sa génération (babysans fin une différence entre refus
boom), de son milieu
(journaliste) et de ses
de la violence et pacifisme
convictions de caqu’il ne trouvera pas, car, au fond,
tholique de gauche le
il n’y en a pas
rattrape bien vite par
la manche. Il met
dans le même sac toutes les religions, à la
agaçant. Guillebaud cherche sans fin
fois persécutrices et persécutées, et disune différence entre refus de la violence
tingue les croyances des « pathologies de
et pacifisme qu’il ne trouvera pas, car,
la croyance », religions devenues idéoloau fond, il n’y en a pas. Il fait un éloge atgies. Il nous ressert le lieu commun hatendu des grands pacifistes de l’histoire,
bituel du « pasdamalgam » sur Daech
les Tolstoï ou Gandhi et ne peut s’empêqui n’aurait rien à voir avec la «tradition
cher de conclure son livre par le poncif
islamique dont il se pare », alors que les
des deux femmes, l’une juive et l’autre
patrons de l’État islamique prennent
palestinienne, qui refusent la haine et la
soin d’accompagner chacune de leurs
guerre. Et de rendre un hommage apactions guerrières de sourates tirées du
puyé à ces « femmes, appartenant à des
Coran pour montrer au monde, et en
camps opposés, qui recousent ensemble le
particulier aux musulmans, qu’ils sont
fragile tissu de la concorde que les homdans la stricte lignée du Prophète, celui
mes sont prompts à déchirer ».
Valmy, et qui, de la guérilla espagnole
aux terribles affrontements franco-russes d’Eylau et de Borodino, annoncent
les grands massacres du XXe siècle, de
Verdun à Hiroshima. Il nous dit la fin de
l’héroïsme, la guerre industrielle qui
provoque l’avènement du pacifisme.
Mais il nous avoue aussi sa fierté de porter un uniforme pendant la guerre du
Vietnam, comme son père était fier de
porter ses pantalons garance en 1914. Il
nous décrit l’aspect de « fête suprême,
orgie sacrée » que revêtent les guerres,
toutes les guerres, partout, dans tous les
temps. La beauté des uniformes, la musique entêtante, la camaraderie virile.
Mais, comme s’il s’en voulait de céder
à la fascination du « trémoussement hideux », notre auteur se sent obligé de
s’en déprendre avec ostentation. Ce
point de vue moralisateur finit par être
«
»
qui de Médine déclara la guerre aux hérétiques, et de tous ses successeurs qui
n’ont jamais renoncé au djihad.
Si les actions de l’État islamique ne
sont rien d’autre qu’un « banditisme travesti en religion », alors l’Inquisition n’a
rien à voir avec le catholicisme, le Goulag n’a rien à voir avec le communisme,
et l’extermination des Juifs n’a rien à
voir avec le nazisme. Si l’engagement
dans les rangs de Daech est réductible à
une psychologisation sans fin : « rompre
avec l’ennui, se mesurer à la mort, éprouver les limites de son courage, récolter une
forme de gloire, arborer une tenue de
combat valorisante, partager avec des
gens de son âge des expériences de vie ou
de mort », alors les soldats de l’an II ne
voulaient pas sauver la patrie mais endosser de beaux uniformes ; les résistants du Vercors souhaitaient vivre au
grand air ; les soldats de l’Armée rouge
ou des Brigades internationales cherchaient une forme de gloire et se moquaient comme d’une guigne du communisme, tandis que les SS n’avaient
aucun rapport avec le national-socialisme, avant tout guidés par la recherche
d’une camaraderie virile.
Notre auteur s’inspire de l’enseignement de René Girard et veut imiter le
Christ en refusant l’enchaînement belliqueux du désir mimétique. Guillebaud
oublie seulement que l’enseignement du
Christ vise à préparer notre destin dans
la vie éternelle, mais un État et un peuple
qui s’y conformeraient seraient à la fois
suicidaires et criminels. « Sans vouloir
l’admettre, nous ne sommes peut-être
plus dans l’après-guerre, mais déjà dans
un nouvel avant-guerre. » Guillebaud a
tout lu, tout vu, tout compris. Mais il a
encore bien du mal à lire ce qu’il lit, à
comprendre ce qu’il comprend, à voir ce
qu’il voit. ■
Je, tu, il, nous sommes tous jaloux
TÊTE À TÊTE
Charles Jaigu
[email protected]
N
ous n’avions pas rencontré Jean-Pierre Dupuy depuis longtemps. Il
professait alors la thèse
extrême du « catastrophisme éclairé » – l’idée
étant d’ériger le principe de précaution
en impératif catégorique. C’était la seule
manière d’éviter à coup sûr la catastrophe climatique (Pour un catastrophisme
éclairé, Éd. Seuil, 2002). Nous retrouvons ce Franco-Brésilien dans un hôtel
près de la Comédie-Française. À 76 ans,
il nous paraît toujours aussi exalté et inquiet de la puissance du négatif, malgré
la patine des ans. Professeur à Stanford,
il y enseigne toujours la philosophie, en
anglais. À deux pas du département de
français, où s’illustra, dans sa langue natale, son maître et ami, René Girard, décédé l’année dernière.
À la différence de ses camarades de l’X
qui ont tous choisi, tel Jean-Louis Beffa
ou d’autres, la voie classique de l’establishment économique, Dupuy a pris la
clé des champs dès les années 1970. Il
s’est passionné pour le penseur Ivan Illich, théoricien très pénétrant de la menace environnementale. Dupuy a ensuite été fasciné par la théorie girardienne
du désir mimétique, dont il a développé
les conséquences dans la théorie économique. Et il a rejoint le penseur des Choses cachées depuis la fondation du monde
à Stanford dans les années 1980.
Parmi ses élèves, il a vu passer quelques futures gloires de la nouvelle économie. Notamment son ami Peter
Thiel, l’un des plus célèbres capital-risqueurs californiens. Ce techno-gourou
a inventé PayPal à la fin des années
1990. Il a financé Facebook à ses débuts.
Thiel explique qu’il a compris que l’invention de Facebook se répandrait
comme une traînée de poudre, selon la
loi du désir mimétique. Reconnaissant,
Thiel est devenu le mécène de la Fondation Imitatio, consacrée au développement international des recherches sur
le désir mimétique. Ses membres se
sont réunis il y a quinze jours dans le
Tyrol autrichien, à Innsbruck. C’était la
première fois qu’ils se retrouvaient depuis la mort de René Girard. « Nous
nous partageons entre deux tendances :
ceux qui veulent propager telle quelle la
pensée de Girard, et ceux qui, comme
moi, encouragent une approche plus critique des thèses de Girard, parce
qu’aucune théorie ne peut rester figée »,
résume notre interlocuteur.
Dupuy propose donc avec ce livre une
critique de la théorie girardienne. Pour
lui, la jalousie est une composante indépassable de la condition humaine. Et il
serait temps de s’en aviser. Notre sombre catastrophiste a commencé à réfléchir à tout cela après le 11 septembre
2001. Les attaques contre les Tours jumelles ont plongé Dupuy dans un état de
JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO
Nous nous
« partageons
entre
deux tendances :
ceux qui veulent
propager telle quelle
la pensée de Girard
et ceux qui, comme
moi, encouragent
une approche
plus critique
de ses thèses
»
choc philosophique. Comme il ne fait
pas les choses à moitié, il a donc décidé
d’étudier à fond la notion de catastrophe, « depuis Hiroshima jusqu’à
Fukushima », du péril climatique à la folie meurtrière d’Auschwitz. Comment
conjurer les catastrophes, ou comment
longer le précipice sans y tomber. Et
pourquoi des fous d’Allah se jettent-ils
sur les Tours jumelles ? Est-ce par jalousie ? Pour Dupuy, la réponse est oui. Le
mal trouve sa source dans la souffrance
induite par la jalousie : c’est elle qui fait
qu’on tue, en masse.
Le livre qu’il publie sur la jalousie défend une thèse qui ne manquera pas de
faire beaucoup de rififi chez les girardiens. Il tente de démontrer que le désir
mimétique, brillamment formalisé par
Girard, est l’une des structures humaines fondamentales, mais pas la seule. Il
soutient qu’avant la rivalité mimétique,
il y a un état plus primitif de la conscience, qui s’est fixé dans les premiers temps
de la vie. C’est la séparation du nourrisson d’avec la mère. Cette expérience
initiale de la destruction du « sentiment
océanique », dont parle Freud, a pour
nom jalousie, estime Dupuy en citant les
travaux de psychologie expérimentale
d’Andrew Meltzoff.
« Il y a bien deux géométries du désir.
Dans un cas, le triangle, dont les trois
sommets sont le sujet, l’objet, et le médiateur du désir ; dans l’autre un cercle enserrant un monde - la relation entre les
amants, ou bien une micro-société close et, extérieur à lui, un point - le sujet exclu », nous dit Dupuy avec l’ardeur d’un
géomètre décider à ordonner le chaos
des passions. Ce qui irrite notre philosophe géomètre est la confusion de deux
termes qu’on prend parfois l’un pour
l’autre : l’envie et la jalousie.
Considérons donc avec l’auteur que
l’envieux est celui qui veut posséder ce
qu’il n’a pas, et que l’autre possède.
Considérons que le jaloux est celui qui
veut posséder seul ce qu’il croit être à
lui. L’un souffre d’un manque qu’il
veut combler en imitant les autres.
L’autre ne supporte pas de partager
avec d’autres ce dont il voudrait jouir
seul, et qui lui échappe inexorablement. Par conséquent, l’envie, c’est le
désir médiatisé par la relation triangulaire. C’est le postulat de l’économie de
marché et de tout message publicitaire : je désire acheter Nespresso parce
que George Clooney en consomme. Je
désire jouir des mêmes vacances que
celles vues sur le site Facebook de mes
amis, etc. Le système de marché ne fait
que porter à l’incandescence la logique
mimétique du désir, décrite brillamment par Girard.
Ce point n’est pas contesté par Dupuy.
En revanche, notre philosophe-géomètre pousse très loin l’analyse de la jalousie. Il y voit un mécanisme distinct, plus
primitif : la souffrance d’être exclu d’un
monde qu’on pense rempli de bonheur,
irradié de joie. C’est l’enfer proustien,
que l’auteur évoque dans un chapitre.
C’est aussi l’enfer du djihadiste : « Qui
choisit de s’auto-exclure d’un monde
auquel il rêvait d’appartenir, mais qu’il
juge inaccessible. » On peut s’auto-exclure « en sacralisant son propre monde », ou en décidant de détruire le monde qui nous échappe. Le djihadiste
choisit les deux : il sacralise sa nouvelle
communauté, et tente de détruire celui
qui lui échappe.
Pour Dupuy, la jalousie est première.
Il nous avoue d’ailleurs « avoir vécu
d’innombrables expériences de jalousie »,
et c’est d’avoir philosophé sur ces expériences qu’il en a tiré l’argument que la
thèse de Girard sur l’universalité du
modèle triangulaire n’était pas satisfaisante. Le jaloux n’est pas un envieux. La
jalousie se définit par la relation impossible entre un sujet et un monde qui lui
échappe. Qu’il s’agisse du salon de
Mme de Guermantes, ou de tout autre
Olympe imaginaire.
Dans une postface aux analyses de
l’auteur, son ami, le philosophe Olivier
Rey, s’intéresse à cet « arrière-pays du
désir » qu’est la jalousie, et à la manière
de s’en guérir. Il cite Péguy : « Le secret
le plus universellement connu et qui pourtant n’a jamais filtré, est que l’homme
n’est pas heureux. » Selon Péguy, seul
l’homme mûr a accès à un tel secret. « Il
sait que l’on n’est pas heureux, il sait que
depuis qu’il y a l’homme, nul homme n’a
jamais été heureux. » Comment être jaloux après ça ? ■
LA JALOUSIE,
UNE GÉOMÉTRIE
DU DÉSIR
Jean-Pierre Dupuy,
Éd. du Seuil, 176 p,
18 euros
A
Philosophe,
et professeur
à Stanford,
Jean-Pierre Dupuy
entreprend
de repenser la jalousie
et de démontrer
qu’elle est la cause
du mal. Une œuvre
nourrie de l’approche
critique des thèses
de René Girard.
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
16
CHAMPS LIBRES
DÉBATS
EURO 2016
■ Le championnat d’Europe de football 2016 commence vendredi. Cet événement sportif figure au premier rang des sujets d’actualité. Si le comportement des footballeurs
suscite souvent la déception, voire le blâme, rien ne paraît pouvoir détourner l’opinion
du football, souligne la philosophe Chantal Delsol. Dès
l’Antiquité romaine, les jeux
et l’État avaient partie liée,
raconte l’historien Stéphane
Ratti.
Football : les paradoxes d’une ferveur
persistante
+
L
es compétitions
internationales remplacent
la guerre et, d’une certaine
façon, s’y substituent.
Les deux activités
se ressemblent : rivalité,
dépenses inouïes et sans compter,
oubli et dépassement de la vie
ordinaire dans l’enthousiasme qui
permet pour un moment des émotions
plus fortes. Il est bien probable que les
jeux et les guerres sont antithétiques,
car on n’a pas envie de jouer avec
celui qu’on acceptera de tuer,
et inversement, on ne tuera pas son
concurrent. C’est la différence entre
ennemi et adversaire. On peut se
réjouir de vivre à une époque où l’on
préfère la confrontation sur un stade
plutôt que sur un champ de bataille.
Il est bien légitime que les nations
se mesurent. Car même si elles sont
capables de s’entraider en cas de
catastrophes, elles demeurent toujours
des entités souveraines et
indépendantes, au fond des individus
séparés, toujours à épier les échecs ou
les réussites des autres, et à soi-même
se glorifier. Et comme au fond
les peuples ne cherchent qu’une
supériorité symbolique, le jeu fait
l’affaire avec grandeur, pour
manifester cette impatience d’être
le meilleur, et cette impatience
à étaler sa
supériorité.
Les compétitions
sportives prennent
POUR « LE FIGARO »
donc,
Les footballeurs sont les seuls « héros »
avantageusement
sans doute, la place
qu’on nous propose. Et malgré
de la guerre
leur comportement souvent odieux, les Français
en déployant
ne se détournent pas d’eux, explique
le patriotisme dont
l’universitaire*.
tous les peuples ont
» Lire aussi : « Les 30 qui vont
faire l’Euro » PAGE 12
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais
CHANTAL DELSOL
besoin, parce que sans appartenance
nous ne sommes pas grand-chose.
C’est dans le stade à présent que flotte
le drapeau, en tout cas depuis
le moment tout récent où nous avons
vu réapparaître un danger commun
sous la figure du terrorisme – il y a eu
de longues années pendant lesquelles
le patriote à béret était décrit comme
un ballot, voire comme un fanatique,
et pendant lesquelles le drapeau
n’intéressait que l’extrême droite.
et non pas la performance technique.
Mais, comme le disait François
Dagognet, on célèbre aujourd’hui
« un autre corps, celui des records
et des dépassements sans fin ». Que
la tentation (et parfois la réalité) du
dopage soit toujours présente montre
évidemment le désir de tricher, bien
naturel quand l’éthique n’accompagne
pas la vie ; mais aussi, le désir de
surpasser l’humain et d’une certaine
façon, de devenir le dieu du stade
étranger
à l’humaine
On a du mal à penser
condition.
À d’autres
que ces demi-dieux du stade,
égards nos
souvent « achetés » à l’étranger
champions nous
pour faire gagner les équipes,
sont étrangers. Ils
représentent avec
autrement dit qui sont des mercenaires,
les chanteurs les
peuvent bien représenter la patrie
uniques modèles
que l’on nous
pour laquelle ils se battent à coups
présente à
de millions mensuels
admirer. Ils sont
les seuls « héros »
qui nous restent, et il vaut mieux ne
On attend donc l’Euro comme
pas oublier les guillemets. Précisons,
un moment de ferveur commune,
ou rappelons, qu’en dehors de leurs
pendant lequel une solidarité solitaire
réussites sportives indéniables, ce sont
(tous ensemble chacun devant son
des héros au sens grec, c’est-à-dire
poste de télévision) nous fera frémir
des demi-dieux, en tout cas traités
aux mêmes attentes.
comme tels, mais dépourvus
Mais plutôt qu’un grand moment
de l’éducation qui leur permettrait
de patriotisme sous un mode
d’assumer leur rang, et qui par
pacifique et festif, c’est un grand
conséquent se conduisent comme
moment de célébration du postdes vauriens, tout en suscitant l’extase
moderne, dans tous ses états.
de la foule.
Il s’agit de célébrer les exploits
Les jeux du stade sont aujourd’hui
au-delà des limites. Non plus les beaux
représentatifs d’une époque minée
corps naturels, comme c’était le cas
par le matérialisme – c’est-à-dire
dans la Grèce ancienne, où Olympie
l’importance exclusive accordée
était le lieu de la vitalité éclatante
à l’argent. Et cela est incompatible
et esthétique. Où l’on cherchait
avec l’idéal patriotique. Car ce n’est
l’excellence, à tout point de vue,
pas par une cupidité spécifique que
le kalos kagathos, le beau et bon,
«
»
nos contemporains accordent toute
valeur à l’argent et aux biens
matériels, c’est uniquement parce que
cela représente pour eux le seul
héritage restant après liquidation des
croyances. Or le patriotisme est une
croyance. C’est pourquoi on a du mal
à penser que ces demi-dieux du stade,
souvent « achetés » à l’étranger pour
faire gagner les équipes, autrement
dit qui sont des mercenaires, peuvent
bien représenter la patrie pour
laquelle ils se battent à coups
de millions mensuels. Piètre modèle
pour le jeune footballeur débutant
du terrain de banlieue, que ce nabab
prétentieux et analphabète, toujours
à l’affût d’une ruse raciste…
Il est fallacieux de prétendre
que ces champions issus du peuple
demeurent « du peuple »
et sont une espérance pour une
jeunesse défavorisée.
Les jeux du stade de la postmodernité ne peuvent décidément pas
se substituer à la guerre dont nous
ne voulons plus. Un soldat, même
mercenaire, est un homme
du commun, payé comme tout
le monde et lié à l’humaine condition.
Les jeux du stade ressembleraient
plutôt à une nouvelle religion de l’âge
post-chrétien, un retour à l’époque
très ancienne où la religion était
un rite social, non pas une croyance
personnelle mais une liturgie.
Aujourd’hui un culte, voué non
à l’excellence mais à la performance ;
un culte de l’argent et du
divertissement. Liturgie creuse.
* Membre de l’Institut et professeur
de philosophie politique à l’université
Paris-Est. Dernier ouvrage paru :
« La Haine du monde. Totalitarismes
et postmodernité » (Cerf, 2016).
« Du pain et des jeux ! », disait Juvénal
A
«
DESSINS DOBRITZ
u moment où vont
s’ouvrir les jeux,
le généreux organisateur
fait son entrée :
immédiatement tous
se lèvent de leur siège
et, comme d’une seule bouche, lui font
une ovation spontanée. » Nous sommes
à la fin du IVe siècle après J.-C.,
dans l’Empire romain d’Orient,
et l’auteur de ces mots est
un prédicateur chrétien,
saint Jean Chrysostome, hostile
aux jeux donnés cette année-là.
Cet homme qui fut archevêque
de Constantinople savait
que les politiques, depuis Jules César
ou Néron, recherchaient dans les
spectacles sportifs un bénéfice
personnel qui leur était acquis en cas
de succès populaire. Alors, regrette
amèrement saint Jean Chrysostome,
« unanimement, ils l’appellent
un bienfaiteur public, un protecteur
de la cité, et étendent vers lui leurs
mains… ».
Les liens entre politique et jeux sont
anciens et ont longtemps perduré dans
tout l’Empire romain. Qui offrait,
sur ses deniers personnels, des jeux
ou des spectacles était compté au
nombre des bienfaiteurs de la cité,
ce qui, en grec, se disait « évergète ».
Comme les jeux avaient une
dimension sacrée, l’organisateur
qui les réussissait pouvait ensuite
se prévaloir de la protection des dieux.
L’une des plus hautes qualités
que se devait ainsi de posséder
un responsable politique à Rome
était cette réussite, une forme
de charisme
ou de baraka qu’en
latin on nomme
la « felicitas »,
c’est-à-dire « la
Jeux et politique étaient intimement liés
chance de celui
chez les Romains, raconte le professeur
à qui tout sourit ».
d’histoire de l’Antiquité tardive à l’université
À la fin de
de Bourgogne-Franche-Comté*.
l’Empire, le préfet
A
STÉPHANE RATTI
de la Ville de Rome, Symmaque,
se met encore en frais afin de réunir
des chevaux de course et des animaux
exotiques, crocodiles ou gazelles,
pour les jeux qu’il organise
en l’honneur d’une promotion
politique de son fils. Mais son
ambition était sans doute aussi
de porter haut les couleurs
de la tradition païenne, dans un esprit
de défense de ses croyances qui
ne devait pas manquer de susciter
l’ire de ses contemporains chrétiens.
Au même moment, en effet, saint
Augustin, à Hippone, écrivait
des pages virulentes contre les jeux,
que ce soient les chasses
en amphithéâtre ou les combats
de gladiateurs, accusés d’attiser en
l’homme ses passions les plus viles.
Les jeux cristallisaient donc des
affrontements à la fois politiques
et religieux. La célèbre mégalographie
de Piazza Armerina, au centre
de la Sicile, raconte la capture
et le transport de nombreux animaux
d’origine sans doute africaine destinés
à des chasses en amphithéâtre :
le propriétaire de cette riche villa
voulait démontrer par ce décor
de mosaïque à la fois sa puissance
financière et son attachement
personnel à une tradition païenne
désormais menacée par les nouvelles
lois des Princes chrétiens.
Ces derniers, Théodose puis son fils
Honorius, en 404, cherchèrent
à interdire les jeux et les combats
de gladiateurs, sans grande efficacité
d’ailleurs puisque ce type de spectacle
est encore bien attesté dans le premier
quart du Ve siècle. Il n’était sans doute
pas de bonne politique de s’attaquer
ainsi à une tradition séculaire,
chère au cœur de tous les habitants
de l’Empire.
Les jours fériés à Rome sous
l’empereur Marc Aurèle, au IIe siècle
après J.-C., s’élevaient à 135 dans
l’année. Diverses festivités les
réclament alors en vain sa libération
et l’incident tourne au vinaigre.
L’officier de police doit faire face
à une véritable émeute et l’empereur
en personne, Théodose, est contraint
de prendre les choses en main.
Pris de colère, il donne l’ordre
de réunir les rebelles dans
l’amphithéâtre et de les massacrer.
On débat encore du chiffre
des victimes, plusieurs milliers
assurément.
Cette fois, c’est le régime lui-même
qui est ébranlé. À des centaines
de kilomètres de Thessalonique,
à Milan, l’évêque
du lieu, saint
En 390 après J.-C., l’Empire romain,
Ambroise,
apprend les
en raison de la non-sélection
événements
d’une vedette des stades,
et met son
entra dans une ère nouvelle
autorité
de religieux
dans la balance.
Il tance par écrit l’empereur,
de l’ordonnateur des jeux. L’opinion
lui reproche sa cruelle décision et lui
lui reprocha aussitôt d’avoir construit
demande de faire pénitence. Ce que
le bâtiment à l’économie, car, nous dit
Théodose fit, venant à résipiscence,
Tacite, « il n’en fit pas reposer
en tenue de pénitent, dans la
les fondations sur une base solide
cathédrale de Milan. Moralité de
et il ne dressa pas les échafaudages
l’histoire : l’Empire romain, à cette
en bois avec de solides chevilles ».
date, en raison d’une affaire sportive
L’Antiquité fournit encore de bien
et de non-sélection d’une vedette
curieux parallèles avec notre temps
des stades, entra dans une ère
et avec les polémiques qui, dans le
nouvelle qui désormais verrait
monde du football, ont accompagné la
établie pour longtemps la suprématie
non-sélection de tel ou tel joueur. En
politique de l’évêque sur le prince,
390 après J.-C., à Thessalonique,
de l’Église sur le trône.
capitale de la province d’Illyricum,
Et l’empereur Théodose, sans
allait se donner une course de chars
s’en rendre compte, avait fait
attendue par tous. Le cocher le plus
d’un sportif une idole - un comble
populaire de l’époque devait conduire
sous un régime chrétien. Toute
un attelage soutenu par une grande
ressemblance avec aujourd’hui
partie de la plèbe de cette cité
n’est pas à exclure.
populeuse. Las ! Peu de temps avant
l’épreuve, le maître de la police locale
* Vient de publier «L’Histoire Auguste.
fit emprisonner la vedette au motif
Les païens et les chrétiens
qu’elle avait tenté de séduire un jeune
dans l’Antiquité tardive »
esclave de sa maisonnée. Tout
(Les Belles Lettres, 2016,
commence donc par une affaire
348 p., 27,50 €).
de mœurs. Les partisans du cocher
accompagnaient et la police d’État
avait fort à faire afin d’éviter, ces
jours-là, les désordres de tous genres.
On édifiait d’ailleurs les
amphithéâtres dans les banlieues afin
que la plèbe, réunie les jours de fête,
ne se répande pas dans les centresvilles pour y commettre des exactions.
Il arrivait que, sous le poids
des spectateurs en surnombre,
des gradins s’écroulent, comme
à Fidènes, près de Rome, sous
l’empereur Tibère, un fait divers
qui causa des milliers de morts mais
aussi mit à mal la réputation politique
«
»
jeudi 9 juin 2016
CHAMPS LIBRES
LE FIGARO
OPINIONS
Luc Ferry
[email protected]
www.lucferry.fr
Ne pas écarter tous les faits !
L
a semaine dernière,
j’écrivais que notre époque
idéalise le passé pour mieux
noircir le présent.
Certains lecteurs m’ayant
prié d’étayer
mon argumentation par des faits bien
tangibles, je vous propose cinq critères
de comparaison entre notre temps
et la très surestimée « IIIe Rép » :
la pauvreté, l’espérance de vie,
la violence urbaine, la scolarisation
et le travail des enfants.
La régression de la misère est
le phénomène le plus constant et le plus
incontestable qui soit depuis le début
du XIXe siècle. Si l’on en croit
les meilleures sources (Banque
mondiale, Observatoire des inégalités,
@
100 000 citations
et proverbes sur evene.fr
université d’Oxford, Insee), au début
du XIXe siècle, la part de la population
mondiale vivant dans la pauvreté
était de 94 %. En l992, ce taux
était descendu à 51 %. D’après
les statistiques fournies par les Nations
unies, la pauvreté a chuté de 52 %
de la population des pays
en développement en l981 à 15 %
en 2014. Certes, les inégalités
se creusent, mais elles bénéficient
malgré tout aux plus pauvres.
S’agissant de l’espérance de vie,
elle était (moyenne homme/femme)
en France de 23 ans en 1750, 35 ans
en l850, 45 ans en l900, 63 ans en l950
et 82 ans en 2016 ! C’est dire qu’on
a gagné presque 40 ans de vie depuis
1900 et 20 ans depuis les années 1950 !
ENTRE GUILLEMETS
9 juin 1815 : acte final du Congrès de Vienne.
BRIDGEMAN IMAGES/RDA/BRIDGEMAN IMAGES
Le prince de Ligne
« Le Congrès
ne marche pas,
il danse »
ANALYSE
Laure Mandeville
£@lauremandeville
CORRESPONDANTE
À WASHINGTON
Les progrès de la médecine et du droit
social y sont pour l’essentiel, mais
s’y ajoute la régression de la violence,
phénomène particulièrement
impressionnant au fur et à mesure
qu’on avance dans le temps.
L’Insee rappelle que, disposant
de statistiques depuis le Premier
Empire, on voit que « la tendance
lourde est à la baisse. Ainsi, en l936,
le taux d’homicide est de 1,1
pour 100 000 habitants. En 2000, avec
un taux de 0,7 pour 100 000 habitants,
la France présentait un des taux les plus
faibles d’homicide au monde ».
On objectera qu’un point
de comparaison au moins reste
favorable aux temps anciens, à savoir
la qualité de l’école de Jules Ferry.
Alors, rappelons qu’aux débuts de la
IIIe République, 90 % des jeunes filles
et 74 % des garçons sont totalement
analphabètes dans nos campagnes.
Lorsque le bac est créé, en l808,
la première cession ne comporte que 31
lauréats. En 2008, deux siècles après, il
y en a 500 000, changement d’échelle
qui bouleverse évidemment la donne.
Tout au long de ce XIXe siècle tant
sacralisé et jusqu’en l920, le nombre
annuel de bacheliers ne dépasse jamais
10 000. C’est seulement en 1920 qu’il
passe de 1 % à 2 % d’une classe d’âge.
Continuons à regarder les chiffres :
l950 = 30 000 lauréats (5 %) ; 1960 =
60 000 lauréats (11 %) ; l968 = 170 000
(20%) et donc, 500 000 en 2008.
Élément crucial de ce tableau
autrement plus noir qu’on ne dit,
c’est seulement en l861 qu’une élève,
Julie Daubier, obtient son bac
– la scolarisation des filles étant
jusqu’alors considérée comme inutile.
Bien plus, ce n’est qu’en l920 qu’elles
recevront un enseignement secondaire
États-Unis : Hillary Clinton face
à l’intransigeance de Sanders
Q
uelle revanche et quelle
résurrection pour Hillary
Clinton… Il y a huit ans,
elle devait reconnaître sa
défaite, lors d’une primaire
démocrate kidnappée par
le phénomène Obama,
devenu l’idole du pays.
Ses ambitions se retrouvaient brisées,
près du but. Cette fois, Hillary tient son
investiture. Après une vie de combats,
marquée par les triomphes partagés
avec son mari ; après les humiliations
de l’affaire Monica Lewinsky, après une
longue vie en politique comme sénatrice
de New York, puis comme secrétaire
d’État du président Obama, Hillary est
en passe de devenir la première femme
à remporter l’investiture d’un grand parti
pour l’élection présidentielle américaine.
À Brooklyn, mardi, elle a savouré
« un moment historique ». L’idée de
« faire l’histoire » en devenant la première
femme à briser le plafond de verre et en
accédant à la présidence de la plus grande
puissance du monde est « Le » récit
de campagne que Hillary a toujours rêvé
de vendre à l’Amérique ; une nouvelle
étape du « voyage vers l’égalité »
des « minorités », succédant au rêve que
représentait l’élection du premier Noir
à la Maison-Blanche, il y a huit ans.
Mais sa victoire n’est pas aussi totale
qu’elle aurait pu l’espérer. La magie
qui avait accompagné la nomination
de Barack Obama, n’est pas présente
dans le camp Clinton en cette année
2016. La candidate a beau « appeler
les Américains à ne laisser personne leur
dire que de grandes choses ne peuvent être
accomplies », promettre « de construire
des ponts plutôt que des murs », elle n’a
jamais réussi à enflammer le pays.
L’Amérique est en pleine rébellion contre
le statu quo, qu’elle incarne, et fatiguée,
sans doute, de ce discours centré
sur le combat des minorités qu’Obama
martèle depuis huit ans.
Alors Hillary bifurque sur la question
du « choix clair » qui se pose à l’Amérique :
soit elle, la candidate raisonnable,
soit Donald Trump, « un homme qui a
un tempérament inapte à être président ».
« Il ne veut pas seulement créer un mur sur
la frontière avec le Mexique, il veut séparer
par des murs tous les Américains,
en promettant de ramener l’Amérique
en arrière. En promettant une économie
qu’il ne peut recréer », dit-elle. Elle critique
Les choses pourraient-elles
changer rapidement ou le vieux sénateur
socialiste, frustré, négociera-t-il
son soutien au couteau ? Hillary
sera-t-elle obligée de le prendre
comme vice-président pour espérer
séduire les millions de fans de Bernie ?
Le vieux sénateur pourrait négocier pied
à pied ses conditions, afin de pouvoir
peser sur la transformation de la plateforme démocrate et le futur visage
du parti. La question est aussi de savoir
si ses fans, quelle que soit la consigne
de Bernie Sanders, accepteront de voter
pour une candidate qu’ils voient
comme la caricature d’une classe
politique enfermée
L’Amérique est fatiguée, sans doute, dans la bulle
de ce discours centré sur le combat hermétique
de Washington
des minorités qu’Obama martèle
et corrompue par
les intérêts spéciaux
depuis huit ans
financiers. Hillary
a de vraies failles dans sa cuirasse.
aussi Trump pour avoir traité les femmes
Beaucoup d‘Américains hésitent à lui
« de truies » et dénigré ses rivaux,
faire confiance et la jugent malhonnête,
la presse, les immigrants
car liée aux nombreux scandales
et les musulmans. « Nous ouvrirons une
de la présidence de son mari.
nouvelle page de la grandeur de l’Amérique,
Les démocrates espèrent toutefois
mais au XXIe siècle », promet-elle.
que le soutien du président Obama
En réalité, ce grand discours
permettra d’aplanir les fossés béants
de Brooklyn cache mal les lourds défis
qui se sont creusés entre la gauche
qui attendent Hillary Clinton,
démocrate sandériste et la centriste
pour rassembler son camp. Car, coup
Hillary. Obama a félicité la candidate
de théâtre stupéfiant, son adversaire
tout en remerciant Sanders d’avoir
Bernie Sanders, qui a été la véritable
« galvanisé des millions d’Américains
révélation de la campagne démocrate,
avec son message contre les inégalités ».
mobilisant des foules de jeunes électrisés,
Il le recevra jeudi à la Maison-Blanche,
ne reconnaît pas que sa rivale a gagné. Il a
sans doute une première tentative
promis mardi de « continuer le combat ».
pour le convaincre de rejoindre Hillary
Un comportement bien différent de ce
Clinton au plus vite. Le temps presse.
qu’avait fait Hillary Clinton il y a huit ans,
Car le duel qui s’annonce entre Clinton
quand elle avait appelé à soutenir Obama,
et Trump promet d’être impitoyable.
dans un discours salué pour son élégance.
«
»
“Sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur” Beaumarchais
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identique à celui des garçons (encore
que dans le domaine des « travaux
manuels », l’apprentissage
de la couture et de la cuisine reste
la règle jusque dans les années 1970).
J’entends déjà l’objection, elle est
rituelle : certes, on a démocratisé
le bac, mais ce fut au prix d’un
effondrement du niveau. C’est sans
doute vrai si l’on compare le dernier
d’aujourd’hui à celui des années l920,
mais archi-faux pour les 50 000
meilleurs de nos jours qui n’ont rien
à envier à leurs ancêtres, leur niveau
étant à coup sûr infiniment supérieur
en sciences, et probablement aussi
en histoire, en lettres et en ouverture
d’esprit. Impossible, bien entendu,
de vérifier ou de réfuter l’hypothèse
pour les garçons, mais elle est
incontestable s’agissant des filles.
Enfin, selon les meilleurs historiens
de l’enfance, en l840, 143 000 enfants
travaillent jusqu’à 16 heures par jour
dans la grande industrie et dans les
mines où leur petite taille leur permet
de passer dans les galeries les plus
étroites. Il faut attendre l841 pour que
l’âge de leur embauche soit limité à 8
ans, 1851 pour que la journée de travail
ne dépasse pas 10 heures, 1874 pour que
l’âge de l’embauche soit limité à 12 ans
et l926 pour que la loi limite leur
affectation à des travaux dangereux !
Pour idéaliser le passé, on cite
volontiers Pagnol et Camus, symboles
d’une époque où la méritocratie était
censée conduire les enfants des milieux
modestes vers les plus hautes destinées.
Hélas, ces exceptions admirables n’ont
qu’un très lointain rapport avec
la réalité, les faits étant à l’opposé
des images d’Épinal véhiculées par
les nostalgiques de la blouse grise
et de la plume Sergent-Major.
VOX
...
SOCIÉTÉ
Serveuse de religion
musulmane giflée pour
avoir servi de l’alcool
pendant le ramadan :
à Nice, la charia ne passera
pas, par Ivan Rioufol.
...
POLITIQUE
1995-2017 : Nicolas SarkozyAlain Juppé,
par Thomas Guénolé.
...
ÉCONOMIE
Réforme du marché
du travail : la BCE aussi
a donné des ordres !,
par Coralie Delaume.
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A
CHRONIQUE
17
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LE NOUVEAU PARFUM
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO - N° 22 342 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr
> EXCLUSIF
lefigaro.fr/economie
GODIVA
LE CHOCOLATIER SUISSE, FILIALE
DU GROUPE YILDIZ, SE PRÉPARE
À ENTRER EN BOURSE PAGE 24
AUDIOVISUEL
Anne-Sophie
Lapix
LA GUERRE DE L’ACCESS
PRIME TIME EST OUVERTE ENTRE
TF1, M6, FRANCE 2 ET D8 PAGE 26
économie
Conflit social à la SNCF :
la facture pour l’État
Alors que Manuel Valls a annoncé des mesures financières en faveur
de l’entreprise publique, la CGT reconduit la grève à Paris et dans plusieurs régions.
Afin de compenser les concessions
sociales faites aux syndicats à la
SNCF, le premier ministre a annoncé que l’État paierait 400 millions
pour combler le déficit des trains Intercités et 500 millions supplémentaires d’ici à 2020 pour entretenir le
réseau ferré. Le problème de la dette
- 50 milliards d’euros - fera l’objet
d’un rapport qui sera rendu en août.
Il doit esquisser les différentes pistes
possibles pour alléger la SNCF de son
fardeau. En attendant, la grève est
reconduite, et la CGT-cheminots a
décidé de consulter ses adhérents
sur l’accord négocié lundi. PAGE 22
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO, JON WOO/REUTERS
Acier chinois :
la déferlante
inquiète
La hausse
des exportations crispe
l’UE et les États-Unis.
Pékin peine à réduire
ses excédents
d’acier et de charbon.
JANAILLAC PRÊT
À RÉÉQUILIBRER
L’ACCORD
AIR FRANCE-KLM
Jean-Marc Janaillac n’est pas encore en
poste à la tête d’Air France-KLM - il entre en fonction le 4 juillet - mais il prend
déjà des engagements. Selon nos informations, le successeur d’Alexandre de
Juniac est prêt à revoir l’accord d’équilibre entre les deux compagnies aériennes. « Il en fera une de ses priorités »,
assure-t-on de très bonne source. Cet
accord est au cœur des revendications
des pilotes, dont le SNPL et le Spaf, les
deux syndicats majoritaires chez Air
France. Ils estiment que la croissance du
groupe a profité à KLM uniquement. Et
qu’il faut le renégocier. Le futur PDG
d’Air France-KLM est ouvert à cette
hypothèse mais au bon moment (après
sa prise de fonction) et avec les partenaires hollandais, le PDG de KLM et le
syndicat des pilotes VNV. Il s’agit là d’un
dossier qui relève du groupe aérien et
non de la seule compagnie française.
Frédéric Gagey, le patron d’Air France,
ne peut donc pas prendre d’engagement. Il a remis, mercredi 8 juin, un protocole d’accord de sortie de conflit au
SNPL et au Spaf.
« Nous faisons tout pour éviter la grève et que le préavis soit levé », assure
Frédéric Gagey. « Mais il y a une vraie
difficulté à entrer dans une logique de
compromis de la part des syndicats, ce
qui devrait pourtant être le cas. Ils ne
peuvent pas rester dans la logique du
“c’est pas négociable” », souligne
Gilles Gateau, le DRH d’Air France. Les
échanges devaient reprendre à
20 heures hier. À ce stade, le préavis
de grève est maintenu. Le SNPL, le
Spaf et Alter ont appelé à cesser le travail du 11 au 14 juin, au lendemain du
coup d’envoi de l’Euro 2016 de football.
VÉRONIQUE GUILLERMARD
PAGES 20 ET 21
VENDRE
À MONACO
Les nouvelles pièces d’Arabie
saoudite seront faites à Pessac
2017 des jardins, un café et
un parcours de visite des ateliers.
Sur son site industriel de Pessac,
elle fabrique déjà les pièces
de nombreux pays, parmi lesquels
Malte, Chypre ou Andorre, mais
aussi l’Uruguay, la Thaïlande
ou le Guatemala. Exporter son
savoir-faire est d’ailleurs essentiel
pour l’établissement,
qui a vu la production de pièces
françaises fondre ces dernières
années. « Il y a cinq ans, nous
produisions 1,3 milliard de pièces
par an pour l’État français, contre
700 millions seulement aujourd’hui.
En France, il n’y a que 150 pièces par
habitant en circulation, contre 250
en Allemagne », regrette Christophe
Beaux. Soyez curieux la prochaine
fois que l’on vous rendra la monnaie
avec une pièce de 2 euros :
en France, destination touristique
majeure, vous avez deux chances
sur trois que cette pièce ait été
émise par un autre État de la zone
euro (contre 40 % en moyenne dans
la zone euro) ! ■ CAROLE PAPAZIAN
LA SÉANCE DU MERCREDI 08 JUIN 2016
CAC 40
4448,73
-0,61%
EUROSTOXX 50
3019,76 -0,69%
DOW JONES (18h)
17988,85 +0,28%
FOOTSIE
6301,52 +0,27%
ONCE D’OR
1263,00 (1241,00)
NASDAQ (18h)
4970,68 +0,18%
PÉTROLE (lond)
52,250 (51,080)
NIKKEI
16830,92 +0,93%
DU 15 AU 25 JUILLET 2016
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85 Boulevard Malesherbes - 75008 Paris - 0033 (0)1 53 04 90 74 - [email protected]
A
C’
est de l’usine
de la Monnaie de
Paris, à Pessac, tout
près de Bordeaux,
que sortiront les
nouvelles pièces d’Arabie saoudite.
La production de ces pièces
commencera à l’automne,
et 300 millions d’unités seront
fabriquées en 2016 et 2017 pour le
royaume wahhabite, qui s’apprête
à renouveler sa gamme. Un contrat
de 15 millions d’euros qui a
nécessité trois ans de négociations.
« Ce seul contrat avec l’Arabie
saoudite représente l’équivalent
d’une année d’export complète
auprès de nos autres clients et près
de 30 % de l’activité de notre usine
de Pessac », se réjouit Christophe
Beaux, le PDG de la Monnaie de
Paris. La vieille dame du quai de
Conti se démène. À Paris, elle est
en train de réaménager entièrement
son site parisien, sur lequel elle a
installé des espaces d’exposition
d’art contemporain et un restaurant
Guy Savoy, et où elle ouvrira à l’été
s
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L'HISTOIRE
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
20
L'ÉVÉNEMENT
Le trop-plein d’acier chinois inquiète le
Les exportations sidérurgiques de la Chine, en hausse, atteignent des sommets. Elles menacent l’industrie
FABRICE NODÉ-LANGLOIS
£@Fnodelanglois
9,4
millions
de tonnes
C’est le total des
exportations d’acier
chinois en mai,
en augmentation
de 3,7 %
MONDIALISATION Les chiffres publiés mercredi par les douanes
chinoises n’ont fait qu’accentuer la
préoccupation des États-Unis et de
l’Union européenne (UE) : les exportations d’acier chinois ont augmenté
en mai de 3,7 %. En un mois, la Chine
a expédié dans le monde 9,4 millions
de tonnes d’acier, soit presque autant
que le Brésil en une année, alors qu’il
est pourtant le cinquième exportateur mondial. Depuis
le début de l’année, les exportations chinoises ont
augmenté de 6,4 %.
Le vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel, s’en est
inquiété mercredi. Deux jours
plus tôt, c’est le secrétaire américain au Trésor, Jacob Lew, en visite
à Pékin, qui a exhorté la Chine à réduire les surcapacités de ses aciéries. Car ce trop-plein « fausse » le
marché mondial. Le ministre américain a même qualifié les excédents industriels chinois de « sujet
de préoccupation majeur ». La
preuve en
est que Barack
Obama lui-
A
Confrontés au ralentissement et
à la transformation de leur économie, les Chinois se retrouvent avec
des montagnes d’acier et de charbon en excédent. Pékin s’est engagé à réduire ses capacités de production d’acier de 150 millions
de tonnes annuelles d’ici à
cinq ans. Insuffisant, rétorque
Tokyo qui place la barre à
400 millions de tonnes. En at-
tendant de s’attaquer à bras-lecorps à son épineuse restructuration industrielle, la Chine écoule
son abondante production à bas
prix. Et largement subventionnée,
accusent l’UE et les États-Unis.
Lourds droits de douane
Cette déferlante secoue l’industrie
européenne et a précipité par
exemple la fermeture des usines
Pékin
SHANXI
C H I N E
Jincheng
Pékin et le casse-tête
des surcapacités
de l’industrie lourde
Le long de la voie ferrée, les forces
antiémeute protègent cet axe stratégique des assaillants. Dans le centre-ville de Jixi, ils sont des milliers
de mineurs à envahir la place pour
réclamer bruyamment leurs salaires impayés. Ces images ont été
censurées dans les médias chinois.
Elles confirment les témoignages
de heurts violents avec les forces de
l’ordre en mars dernier dans la
province reculée du nord-est du
Heilongjiang, après que le géant du
charbon Longmei, groupe étatique,
eut annoncé la suppression de
100 000 postes. Cette jacquerie
ouvrière placée sous le boisseau illustre la nervosité de Pékin face au
casse-tête des surcapacités de son
industrie lourde. Ce défi est au
cœur de la douloureuse mutation
de la seconde économie mondiale
qui veut appuyer sa croissance davantage sur les services et la
consommation intérieure.
Le régime a annoncé un plan de
15,3 milliards de dollars pour la reconversion de 1,8 million d’ouvriers
qui seront mis sur le carreau dans le
charbon et l’acier, sur fond d’effondrement des cours mondiaux. Des
coupes claires pour éponger une
surproduction estimée jusqu’à
40 % par l’Union européenne et les
États-Unis.
Le dossier est explosif aussi bien
sur le plan social que financier car il
menace le système bancaire. Ainsi,
les sept groupes charbonniers du
Shanxi ont accumulé une dette de
184 milliards de dollars à la fin de
2015, soit pratiquement l’équivalent du PIB annuel de la province !
Ces entreprises produisent après la
baisse de 50 % du prix du charbon
depuis 2011. À l’exemple de ChinaCoal Group Shanxi Huayu Energy,
en cessation de paiement depuis
avril. Même situation dans l’acier
où « la majorité des entreprises sont
incapables de payer leurs dettes en
cash. C’est une situation délicate
pour le pouvoir, qui veut prévenir une
crise bancaire », explique un expert
de chez Moody’s, à Shanghaï. Car
les banques publiques, contrôlées
même, avec ses homologues du G7,
parmi lesquels François Hollande
et le Japonais Shinzo Abe, dont le
pays est le deuxième exportateur
mondial d’acier,
ont évoqué le
dossier dans le
communiqué final de leur
sommet, fin
mai.
Shanghaï
Chengdu
Hongkong
par les gouvernements locaux, ont
jusqu’ici nourri cette fuite en avant
en offrant sans mégoter des prêts de
refinancement, qui les mettent elles-mêmes en danger.
Pour prévenir une déflagration
bancaire, Pékin pousse les entreprises à convertir leurs créances en actions. « Cela s’appelle gagner du
temps », juge l’expert de Moody’s.
La Chine avait déjà eu recours à ce
tour de passe-passe à la fin des années 1990, durant la restructuration
du textile, pour tenir jusqu’à son
entrée à l’OMC (Organisation mondiale du commerce) en 2001, qui lui
avait offert de nouveaux débouchés.
Mais, aujourd’hui, les perspecti-
“
Chaque fois
qu’ils tentent
de ralentir la course
aux investissements,
la situation s’aggrave et
ils remettent les gaz
”
Chute des cours
PRIX DU CHARBON,
tonnes de minerai*
en dollars
120
- 58 %
100
80
52,25
60
40
10 juin 2011
8 juin 2016
*coté à Rotterdam
Les gueules noires du Shanxi pleurent l’âge
PRIX DE L’ACIER CHINOIS,
tonnes, en yuans
REPORTAGE
126,5
4 500
- 47 %
SÉBASTIEN FALLETTI £@fallettiseb
ENVOYÉ SPÉCIAL À JINCHENG
MICHAEL PETTIS, UNIVERSITÉ DE PÉKIN
ves du charbon et de l’acier sont
bouchées, sur fond de ralentissement chinois et de morosité mondiale. Et sur le terrain, les restructurations annoncées se heurtent
aux résistances des pouvoirs locaux, effrayés par les conséquences
sociales. À Pékin, les divisions
s’étalent au grand jour, alors que le
président Xi Jinping s’est fendu en
mai d’une rare leçon d’économie
dans Le Quotidien du Peuple pour
tacler les bonnes vieilles recettes
de la relance par l’investissement.
Une tentation à laquelle a pourtant
cédé le pouvoir au premier trimestre en ouvrant encore les vannes
du crédit. « Nous allons de panique
en panique. Chaque fois qu’ils tentent de ralentir la course aux investissements, la situation s’aggrave et
ils remettent les gaz », résume Michael Pettis, professeur à l’université de Pékin. Xi Jinping va devoir
aller au charbon. ■
S. F. (À SHANGHAÏ)
4 000
3 500
3 000
25,7
2 500
2 000
1 500
10 juin 2011
8 juin 2016
Source : Bloomberg
Infographie
Exploitation du minerai
à Xiaoyi et à Datong,
dans le Shanxi. La lutte
contre la pollution,
nouvelle priorité
du régime, accroît
les coûts de production
à coups de normes
environnementales.
REUTERS;
GREG BAKER/AFP
Quatre ans après, elle s’en mord
encore les doigts. « J’ai eu une offre chez Samsonite à Tokyo et une
de la mine Jinmei, ici à Jincheng, le
même jour », lâche, la gorge serrée, Guo. Assise sur le sofa de ses
beaux-parents, la jeune mère de
famille est soudain saisie par la
nostalgie de sa vie étudiante dans
la scintillante capitale nipponne,
si loin de son « pays noir » pollué,
le Shanxi. À l’époque, en 2012,
l’économie chinoise décollait, dépassant sa rivale asiatique, et devenait la locomotive du monde
face à un Occident encore groggy
de la crise financière. « Tout le
monde rêvait de décrocher un poste
à la mine, une entreprise d’État, un
boulot sûr, avec des bons salaires.
Sous la pression de mes parents je
suis rentrée ici », confesse la jeune
femme de 26 ans.
Aujourd’hui, face à son mari lui
aussi mineur en déroute, elle ose
dire qu’elle regrette son choix, au
risque d’une crise matrimoniale.
Dans son dos, sa belle-mère silencieuse berce leur petite fille de
4 mois. Selon la tradition confucéenne, les trois générations habitent sous le même toit de cet appartement d’un vieil immeuble de
Jincheng, ville enclavée du Shanxi
de 2,3 millions d’habitants, capitale de l’anthracite chinois, la
« Rolls du charbon », à 580 km de
Pékin. Un choix familial désormais dicté par la réalité économique. À deux, le jeune couple gagne
3 000 yuans (408 euros) par mois,
avec un prêt immobilier sur le
dos. « En 2011, nous étions les classes moyennes aisées, j’ai acheté un
appartement, une voiture, mais,
depuis, mon salaire a été divisé par
trois. L’âge d’or du charbon est
terminé et il ne reviendra pas »,
explique le mari, Wu.
1,3 million de suppressions
d’emplois dans le charbon
Le président Xi Jinping plastronne
sur toutes les pages du calendrier
pendu au mur du salon, décoré de
la faucille et du marteau, affirmant le retour au premier plan de
la grande Chine, posant au côté de
Barack Obama. Mais dans le
Shanxi, son slogan de « rêve
chinois » s’étiole, alors que la province minière de 36 millions d’habitants a enregistré le taux de
croissance le plus faible du pays en
2015, à 4,9 %.
En février, Pékin, premier producteur mondial, a décrété la suppression de 1,3 million d’emplois
dans le charbon d’ici à 2020 et
compte diviser par deux le nombre d’entreprises du secteur. Un
oukase répercuté en avril à
l’échelon du Shanxi, qui extrait un
quart de la production nationale,
lorsque les autorités ont annoncé
une réduction de 100 millions de
tonnes, soit 11 % du total d’ici à la
fin de la décennie. Un dossier sensible pour le bureau de la Propagande, qui décline notre demande
d’interview « par crainte d’attiser
l’anxiété des ouvriers »… Aux
abords de la mine, la police surgit
et éconduit les curieux.
Après avoir surfé sur le décollage économique du géant asiatique
assoiffé d’énergie, Jincheng subit
aujourd’hui de plein fouet trois
mutations symptomatiques de la
nouvelle « normalité » chinoise.
D’abord, le ralentissement de la
croissance, au plus bas depuis
vingt-cinq ans, se traduit par une
baisse de la demande d’électricité,
dont plus des deux tiers sont toujours générés en brûlant du charbon. Cette baisse de la demande a
entraîné une chute drastique des
prix, qui ont fondu de moitié depuis 2011.
Deuxième mutation : au même
moment, la lutte contre la pollution, nouvelle priorité du régime,
accroît les coûts de production à
coup de normes environnementales. Enfin, l’implacable campagne
anticorruption du président Xi
bouscule des réseaux de copinages
juteux qui entretenaient l’économie locale à coup de banquets,
« cadeaux luxueux » et projet immobilier.
Une visite dans le shopping mall
du centre-ville, surnommé pompeusement New Times Square, où
des vendeuses attendent désespérément les clients devant leurs devantures de bijoux, suffit à confirmer la baisse de 9 % de la
consommation enregistrée à Jincheng, au premier trimestre. Ici,
quand le charbon tousse, la ville
éternue. « La plupart des magasins
perdent de l’argent et même l’immobilier va mal », se lamente Beeky,
gérante de la boutique Armani
Jeans, vide.
Toute la ville s’interroge sur
l’avenir de sa vache à lait, le groupe
minier d’État Jincheng Anthracite
Mining Group (JAMG), surnommé
Jinmei, qui fait partie des 500 entreprises mondiales selon le classement du magazine Fortune, mais est
menacé de fusion. Le groupe se dé-
LE FIGARO
jeudi 9 juin 2016
ÉCONOMIE
L'ÉVÉNEMENT 2121
américaine et européenne.
Un ouvrier nivelle
le chargement d’un train
de charbon quittant
Taiyuan, dans le nord
du Shanxi. La baisse de
la demande d’électricité
dans le pays,
où plus des deux tiers
des besoins sont toujours
générés en brûlant
du charbon, a entraîné
une chute drastique
des prix. Ils ont fondu
de 58 % depuis 2011. AP
Tata au Royaume-Uni. Pékin a
beau jeu de rappeler que la relance
massive de la construction décidée
pour contrer la crise de 2008, à
l’origine du boom sidérurgique, a
servi l’économie mondiale tout entière. Mais l’heure n’est pas l’apaisement commercial. Les ÉtatsUnis viennent d’imposer des droits
de douane de 500 % sur des bobines d’acier chinois. ■
d’or révolu du charbon
leste et fermera en 2018 sa mine de
Gushuyuan, en plein cœur de l’agglomération, où travaillent 7 000
personnes aujourd’hui. « Je suis inquiet pour mon avenir. Je ne gagne
que 1 000 yuans (136 euros) par
mois. Je suis célibataire donc je m’en
sors, mais si je dois fonder une famille, ce ne sera pas assez », explique Hou, beau gosse de 23 ans, casquette de rappeur et tee-shirt
moulant. Le jeune homme vient de
rejoindre la mine, mais sent bien
qu’il arrive trop tard. Le gymnase,
l’école et la statue d’athlète style
soviétique sont les vestiges décatis
d’une ère révolue où l’entreprise
offrait à ses employés des services
sociaux du berceau à la tombe. Des
privilèges enviés dans cette région
montagneuse reculée et auxquels
s’accrochent les ouvriers proches
de la retraite.
Reconversion difficile
Hanté par le spectre de l’instabilité sociale, confronté aux résistances des pouvoirs locaux, le régime
opte pour la baisse des salaires
plutôt que les licenciements secs.
Un amortisseur social pour gagner
du temps en attendant que
d’autres secteurs comme les hautes technologies prennent le relais. « C’est comme de cuire une
grenouille à petit feu. Mais les mineurs n’ont pas les compétences
pour travailler dans ces nouveaux
métiers. Le gouvernement doit nous
payer des formations », revendique avec amertume Wu, le mari
de la jeune Guo. JAMG a enclenché la reconversion, en transférant déjà 2 000 ouvriers vers des
nouvelles fonctions, comme vendeurs dans sa marque de supermarchés Wondeful… Un horizon
étroit, car les débouchés alternatifs sont rares hormis une usine
Foxconn, où sont assemblés des
iPhone pour un salaire plancher.
« Si j’étais célibataire, je partirais », soupire Guo, les souvenirs
de Tokyo plein les yeux. ■
Après avoir
« surfé
sur
le décollage
économique
du pays,
assoiffé
d’énergie,
la capitale de
l’anthracite
du Shanxi,
Jincheng,
2,3 millions
d’habitants,
subit
de plein fouet
les mutations
de la Chine
ACIER
TOP 10 DES PRODUCTEURS
D’ACIER EN 2015
EN MILLIONS
DE TONNES
PAYS
804
105
89
Inde
États-Unis 79
Russie
71
Corée du Sud 70
Allemagne 43
Brésil
33
Turquie
31
Ukraine
23
1
Chine
2
Japon
3
4
5
6
7
8
9
10
Source : Worldsteel Association
TOP 10 DES EXPORTATEURS
D’ACIER EN 2015
PAYS
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
EN MILLIONS
DE TONNES
98
35
Inde
25
Ukraine
17
Brésil
10
Corée du Sud 9
Pays-Bas
4
Taïwan
4
Autriche
3
Belgique
3
Chine
Japon
Source : Worldsteel Association
Le grand écart, peu transparent,
des tarifs de soins hospitaliers
Sur certaines activités, les marges des établissements
sont importantes et reflètent les priorités de l’État.
GUILLAUME GUICHARD
£@guillaume_gui
SANTÉ À l’hôpital, certains soins
rapportent, quand d’autres font
perdre de l’argent. La raison ? Les
tarifs officiels des soins, fixés par
le ministère de la Santé et servant
à rémunérer les établissements,
s’écartent parfois grandement de
leur coût réel. Le sujet a ressurgi, il
y a deux semaines, avec la remise
du rapport intermédiaire de la
mission sur le financement des
hôpitaux présidée par l’ex-député
PS Olivier Véran. Les magistrats
financiers de la Cour des comptes
travaillent également sur le sujet.
« La construction des tarifs hospitaliers manque de transparence et
les écarts avec les coûts observés ne
sont pas toujours évidents à comprendre », critique le neurologue
grenoblois. Certains tarifs, comme
ceux par exemple d’un traitement
de lésions traumatiques, excèdent
de plus de 100 % les coûts des
soins qu’ils sont censés couvrir,
d’après l’étude 2015 sur les coûts
de l’Agence technique de l’information
sur
l’hospitalisation
(ATIH). Officiellement, il s’agit
d’inciter les établissements à développer tel ou tel type d’activité.
Le ministère joue ainsi sur les tarifs remboursés pour développer
la chirurgie ambulatoire - le patient opéré reste moins d’une
journée à l’hôpital.
La cancérologie bénéficie également depuis le milieu des années
2000 d’un tel soutien, en accompagnement des plans cancer successifs. « C’est un effort des pouvoirs publics pour développer
l’excellence et l’accessibilité des
soins, explique-t-on à la Fédération hospitalière de France. Mais
c’est aussi le souci de ne pas mettre
L’écart entre les tarifs et les coûts représente plus de 100 millions d’euros
dans le cas des séances de chimiothérapie. FOTOLIA
en difficulté les centres de lutte
contre le cancer. » Le soutien à ce
secteur est massif. L’écart entre
les tarifs et les coûts représente
plus de 100 millions d’euros dans
le seul cas des séances de chimiothérapie, ressort-il de l’étude de
l’ATIH. Cela représente une marge
moyenne de 18 %. Cette politique
incitative présente deux limites.
Incitations mal ciblées
De nombreux experts critiquent
d’abord le principe même des incitations, dont il est difficile d’évaluer l’efficacité réelle. Et ce
d’autant plus que favoriser certains
soins se fait forcément au détriment d’autres activités, car l’enveloppe financière globale allouée
aux hôpitaux est contrainte. « En
économie, il est fondamental qu’une
incitation tarifaire porte sur l’acteur
que l’on cherche à influencer. Or les
premiers intéressés en matière de
soins, médecins et chirurgiens, ne se
sentent pas concernés par les tarifs », observe Roland Cash,
consultant et l’un des pères de la
tarification hospitalière.
De plus, certains tarifs historiques et excessifs sont devenus au
fil du temps de véritables rentes.
Le ministère de la Santé tente
donc, depuis 2012, de réduire les
marges existantes.
Son objectif : que les tarifs reflètent les coûts observés et faire des
économies. Il s’attaque pour cela
d’abord aux écarts les plus « extrêmes » (marge supérieure à
25 %), explique l’ATIH. Toutefois,
le rythme d’adaptation reste lent,
afin de ne pas creuser un trou soudain dans les comptes des hôpitaux.
« Il est en effet très compliqué de
rogner les marges des établissements perdants lors d’une baisse de
tarifs », observe Christophe Jacquinet, président du cabinet de
conseil Santéliance. « Prenez le
cancer : les responsables sanitaires
ne peuvent plus revenir en arrière et
baisser les tarifs, continue un très
fin connaisseur du système. Outre
que cela ferait très mal financièrement aux centres de lutte contre le
cancer, c’est impossible à faire valider politiquement. » ■
Une cause de l’engorgement des urgences
Le constat est partagé par tous : il
y a trop de patients qui vont aux
urgences alors qu’ils n’ont rien de
grave. Cette porte d’entrée à l’hôpital a enregistré plus de 19,6 millions de passages en 2014, un chiffre en hausse plus de 30 % en dix
ans. Depuis, rien n’a changé : seul
un patient sur cinq y est adressé
par les pompiers ou le 15.
Dans son rapport sur le financement des hôpitaux, remis fin mai à
Marisol Touraine, le neurologue
Olivier Véran propose une solution pour inciter les établissements
à recevoir moins de « bobologies »
dans ces services d’urgence trop
souvent débordés. « Comme les
hôpitaux sont payés en partie au
nombre de passages aux urgences,
ils ne sont pas incités à réorienter
les patients légers vers des structures adéquates, comme les maisons
médicales », explique l’ex-député
socialiste, aujourd’hui conseiller
régional de la région AuvergneRhône-Alpes. Un passage aux urgences rapporte en effet en
moyenne 125 euros (hors examen
biologique ou radiologique). Résultat : « les urgences restent très
surchargées par un nombre de patients qui ne cesse d’augmenter, ce
qui peut contribuer à une dégradation de la qualité des soins tout en
décourageant les équipes de professionnels », indique le rapport.
Réorienter les patients
Pire, « plus les établissements réorientent les patients vers d’autres
structures, plus ils perdent d’argent, car ils ne conservent alors que
les cas les plus graves qui leur coûtent le plus cher ». L’hôpital de
Poissy-Saint-Germain-en-Laye a
par exemple perdu 400 000 euros
après la mise en place d’une mai-
son de garde gérée par des pédiatres libéraux.
Olivier Véran suggère donc de
changer le mode de financement
des urgences et propose la création
d’un « forfait de réorientation ». Le
principe est simple : que les établissements gagnent quelque chose en adressant les patients les plus
légers à une maison médicale de
garde, par exemple. Pour intéresser les hôpitaux à se concentrer sur
les patients les plus graves, il faudrait aussi mieux prendre en
compte dans les tarifs la sévérité
des cas traités aux urgences.
En un mot, résume Olivier Véran, « il faut qu’une partie des économies qui seraient générées par la
baisse des fréquentations des urgences liées à une meilleure orientation des patients soit reversée à
l’hôpital ». ■
G. G.
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En 2016, la Fondation
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En France, la précarité continue de sévir. Le sentiment de vulnérabilité de la communauté s’accentue.
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nécessair en quelques heures. La Fondation FSJU finance également des bourses cantine pour
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de l’identité, le rayonnement de la culture juive et le renforcement de l’engagement des
transmission
transmis
jeunes sont des missions prioritaires.
En Isr
Israël, la fracture sociale s’aggrave. La Fondation FSJU participe à un programme d’aide
auprès des populations en difficulté. Le programme permet une distribution de produits de première
nécessité. Pour les personnes âgées s’ajoutent des bons d’achat pour des médicaments. Des cours
aux enfants en situation d’échec scolaire. Pour les plus jeunes, des activités d’éveil
sont proposés
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organisées. La Fondation FSJU soutient des actions d’aide aux adolescents en difficulté.
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Votre don à la Fondation FSJU, sous l’égide de la Fondation du Judaïsme Français, est déductible à
75 % de ll’Impôt de Solidarité sur la Fortune.
Pour une information
en toute confidentialité
Fondation FSJU – Esther Fargeon
01 42 17 11 38 ou [email protected]
sous l’égide de la Fondation du Judaïsme Français
A
monde
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
22
ENTREPRISES
Matignon sort
son chéquier pour
soutenir la SNCF
Ce geste est destiné à récompenser des efforts
de productivité qui ne seront pas accomplis.
VALÉRIE COLLET £@V_Collet
ET MARIE VISOT £@MarieVisot
SOCIAL C’est déjà Noël à la SNCF.
Lors des questions au gouvernement mercredi, le premier ministre a sorti de sa hotte tous les cadeaux destinés aux entreprises
ferroviaires, SNCF en tête. Manuel
Valls a rappelé qu’un rapport devait être rendu au mois d’août sur
la possibilité pour l’État de reprendre « tout ou partie de la dette » du groupe ferroviaire, qui
s’élevait l’an passé à 42,3 milliards
d’euros pour SNCF Réseau (exRFF) et à 7,8 milliards pour SNCF
Mobilités.
Se gardant bien de préjuger des
conclusions de ce document qui
sera coproduit par Bercy et le
ministère des Transports, il a
rappelé que celui-ci devrait se
pencher sur les différentes hypothèses, dont la création d’une
caisse d’amortissement, une
structure dans laquelle pourrait
être logée une partie de la dette.
« Le législateur disposera ainsi de
l’ensemble des données afin de
prendre une décision », a-t-il encore dit ce mercredi à l’Assemblée nationale.
Ce ne serait pas la première fois
que l’État reprendrait dans ses
comptes une tranche de dette ferroviaire. RFF avait justement été
créé en 1997 pour emmurer les
20 milliards d’euros de dette de la
SNCF. Depuis, ce montant n’a
cessé d’augmenter. Quelles seraient les conséquences de la
création d’une caisse d’amortissement ? Pour quel montant ? C’est
justement à toutes ces questions
qu’il faudra répondre d’ici l’été.
L’opération risquerait de ne pas
faire les affaires des finances publiques de la France ! Car l’État ne
peut pas jouer avec les chiffres
comme il veut, et la frontière entre dette publique et dette des entreprises publiques n’est pas
étanche ; les règles communautaires sont strictes. Ces dernières
années l’ont montré.
En 1991, dans le cadre de la politique européenne du transport
ferroviaire, les États membres
avaient été autorisés à prendre des
mesures pour que soit créé, au
sein de la comptabilité de ces entreprises, un service distinct
d’amortissement des dettes. Le
service annexe d’amortissement
de la dette (Saad) est alors mis en
place au sein de la SNCF ; l’État y
verse une dotation annuelle. À la
fin 2006, le montant qui y est cantonné atteint 8,2 milliards
d’euros. Eurostat estime quelques
mois plus tard que cette dette doit
être réintégrée dans la comptabilité maastrichtienne, car la pratique, après plusieurs années,
« s’assimile à la contraction d’une
dette». En 2014, un nouveau traitement comptable oblige de nouveau la France à intégrer plus de
30 milliards de dette de RFF à la
dette publique sur les années
2010, 2011 et 2012.
Manuel Valls, mercredi
à l’Assemblée nationale.
JACQUES DEMARTHON/AFP
aux contribuables de la payer !
Imaginez ça par les temps qui courent ! » indique une source au plus
haut sommet de l’État. Mais, à
l’Assemblée, le premier ministre
tenait surtout à afficher la volonté
de l’État de donner au ferroviaire
« les moyens de regarder son avenir
avec confiance ». Il a promis de
faire passer de 2,5 à 3 milliards
d’euros par an, d’ici à 2020, les ef-
forts de renouvellement des infrastructures ferroviaires.
Par ailleurs, l’État apportera
une subvention de 90 millions
d’euros par an aux entreprises de
fret ferroviaire pour alléger le coût
des péages versé à SNCF Réseau.
Enfin, l’État prendra à sa charge
l’équilibre financier des trains
d’équilibre du territoire (les Intercités), dont le déficit annuel
- comblé par la SNCF - est actuellement de 400 millions d’euros
par an.
Paradoxalement, la facture ferroviaire sera lourde pour l’État,
d’autant que ce geste était censé
récompenser les efforts de productivité des cheminots de la
SNCF qui ne seront finalement pas
accomplis en raison des reculades
du gouvernement. ■
Deux camps s’affrontent
Si une caisse d’amortissement devait être créée, « l’intégralité des
sommes serait inscrite dans les
comptes publics ; cela fera forcément un mauvais chiffre à la fin »,
explique une source gouvernementale. L’endettement de la
France atteint aujourd’hui plus de
96 % du PIB, et doit continuer à
progresser jusqu’à l’an prochain.
Un tel scénario la ferait dangereusement tutoyer les 100 % du PIB…
Dans le contexte actuel, deux
camps s’affrontent au sein de
l’exécutif : ceux qui plaident pour
un assainissement de l’endettement en contrepartie d’efforts de
productivité. Et ceux - plus nombreux - qui n’envisagent pas un
instant que l’État puisse prendre à
sa charge une partie de la dette de
la SNCF. « Cela revient à demander
La CGT n’a pas validé
l’accord de branche
Le compte à rebours s’est arrêté.
La CGT et SUD-rail n’ont pas signé l’accord donnant naissance à
la convention collective de la
branche ferroviaire. Elles ont
laissé passer la date butoir de
mercredi, ce qui ne compromet
pas définitivement ce texte. À la
SNCF, où un accord d’entreprise
est également proposé à la signature jusqu’au 14 juin, la CGT-cheminots vient de lancer une
consultation nationale de ses adhérents sur le texte, ce qui pourrait mettre fin au mouvement de
grève.
La CGT, dont le poids est décisif au
sein de la branche ferroviaire, a
encore deux semaines pour exercer ou non son veto sur l’accord
de branche alors que la CDFT et
l’Unsa ont donné leur feu vert.
Cela pourrait suffire pour valider
l’accord si la CGT s’abstient. Par
rapport à la précédente convention collective de 2008, qui ne
concernait que les entreprises de
fret ferroviaire, le nouvel accord
marque un net progrès.
A
u
Davantage de jours de repos
Tous les salariés sédentaires de
l’ensemble de la branche ferroviaire bénéficient désormais de
113 jours de repos par an au lieu
de 104 précédemment. Les roulants passent de 104 à 117 jours.
Le nombre de jours non travaillés
garantis par an passerait de 131 à
146 pour les sédentaires et de
129 à 148 pour les roulants.
repos doubles
uLes
plus nombreux
Le nombre de repos doubles garantis porte sur samedi-dimanche
ou bien dimanche-lundi - ce à quoi
la SNCF a dû renoncer. Le nouvel
accord de branche ferait passer de
25 à 36 repos doubles pour les sédentaires et les roulants.
travail de nuit
uLe
sera mieux encadré
Le seuil à partir duquel un salarié
sera considéré comme un travailleur de nuit a été abaissé. Il
passe à 400 heures pour les sédentaires et à 300 heures pour les
roulants.
de congés payés
uPlus
Un 26 jour de congé payé a été
e
obtenu pour les salariés de l’ensemble de la branche.
« décret socle »
uLe
publié jeudi
Au cas où la convention collective
n’était pas validée, c’est le « décret socle » fixé par le gouvernement qui serait appliqué aux salariés la branche. Mercredi, Manuel
Valls a annoncé à l’Assemblée que
le décret sera publié jeudi. ■
V. C.
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LE FIGARO
jeudi 9 juin 2016
ENTREPRISES 23
La grève des éboueurs s’étend
Paris, Nice et Saint-Étienne sont touchés par le blocage des services de ramassage.
ARMELLE BOHINEUST £@armelella
À la demande de la Mairie de Paris, la police est intervenue mercredi matin dans deux garages de
camions de ramassage des ordures
bloqués par des militants CGT, à
Ivry-sur-Seine. Objectif : permettre aux véhicules - qui ne circulent plus, ou en partie seulement,
dans les arrondissements de la
ville desservis par le personnel
municipal - de reprendre leur
tournée de collecte. Mais l’intervention a eu pour principal effet
d’inciter les salariés de ces garages
à stopper le travail.
Pour faire face à la grève des
employés municipaux et à l’accumulation des déchets dans les
rues, les élus parisiens doivent
plutôt compter sur les sociétés
privées, notamment Veolia et Derichebourg. Elles collectent les
déchets dans dix arrondissements
et leur personnel ne fait pas grève. Par ailleurs, la mairie mobilise, comme elle peut, ses effectifs
encore disponibles. « Nous som-
mes en train de redéployer le dispositif pour régler la situation là où
elle est le plus critique aujourd’hui », a indiqué la maire de Paris, Anne Hidalgo. Elle a évoqué
une « situation préoccupante » et
pointé les Ve et VIe arrondissements, « qui croulent sous les ordures ». Les quartiers populaires
du nord de Paris où il y a beaucoup de déchets sont aussi une
« priorité », ajoute un porte-parole de la Ville de Paris.
Revendications
nationales et locales
Dans les centres de traitement des
déchets de la capitale, « cela se
complique », constate Patrice
Furé, directeur de cabinet du président du Syctom, établissement
public qui gère plusieurs sites de la
région parisienne. Jusqu’ici, le
Syctom redirigeait les ordures
destinées à l’incinérateur d’Ivrysur-Seine-Paris 13, bloqué depuis
dix jours, vers ceux d’Issy et
Saint-Ouen ou au centre de transfert de Romainville. Le surplus est
enfoui sur des décharges de Sei-
Le centre de traitement
des déchets
d’Ivry-sur-Seine, à côté
de Paris, où la grève
dure depuis dix jours.
G. VAN DER HASSELT/AFP
ne-et-Marne. La situation se corse maintenant que les autres centres sont gagnés à nouveau par la
grève : Romainville est déjà bloqué, les deux sont sous la menace
d’un préavis.
La situation est d’autant plus
complexe que des sites de Veolia
et Suez, les deux grands opérateurs de déchets privés, sont eux
aussi affectés par des grèves sans
rapport avec la loi travail : dans le
cadre des négociations salariales
annuelles, les syndicats cherchent
à faire pression sur la direction. En
région parisienne, 500 salariés
bloquent ainsi huit des cinquante
dépôts de camions-bennes de
Suez. Les sites de Veolia à CergyPontoise, près de Paris, et à Nice
sont eux aussi immobilisés. Mais
ces situations contraignent les
élus à réagir. À Nice, la métropole
se substitue à Veolia pour desservir les points les plus sensibles
(hôpitaux…).
À Colombes, près de Paris, où le
ramassage des déchets est interrompu par les salariés de Suez, la
maire de la ville a fait appel à une
société concurrente et placé ses
élus dans les camions escortés par
la police municipale, afin de franchir les barrages de grévistes. À
Saint-Étienne, des agents municipaux CGT bloquent la collecte
avec des revendications nationales et locales. Le maire de la ville
qui doit accueillir mardi le match
Portugal-Islande a demandé au
préfet de réquisitionner les équipes et les camions de collecte des
déchets. ■
EN BREF
LA BCE ACHÈTE DE LA
DETTE D’ENTREPRISE
£ La Banque centrale
européenne (BCE) a commencé
mercredi à racheter
des obligations émises
par les entreprises de la zone
euro, et pas seulement d’États,
un nouvel élément inédit
de la panoplie de mesures
qu’elle déploie depuis des mois
pour faire repartir l’inflation.
L’AFRIQUE DU SUD AU
BORD DE LA RÉCESSION
£ L’Afrique du Sud a enregistré
un recul de sa croissance
de 1,2 % au premier trimestre,
selon les statistiques
officielles publiées mercredi,
faisant planer la menace
d’une récession (définie
techniquement comme
trois trimestres consécutifs
de recul).
+@
» Tarifs bancaires :
on paie plus cher
à Marseille qu’à Bordeaux
» L’Euro 2016 sera positif
pour l’économie… si les grèves
ne viennent pas tout gâcher !
www.lefigaro.fr/economie
Guerre froide
à la raffinerie de Donges
GUILLAUME FROUIN
NANTES
Si les stations-service de Total sont
à nouveau réapprovisionnées, la
grève se poursuit dans trois raffineries du groupe, celles de Gonfreville-l’Orcher (Seine-Maritime),
Feyzin (Rhône) et Donges (LoireAtlantique). Ce jeudi, les grévistes
de Donges seront à nouveau sur le
pont pour marquer leur opposition
à la loi travail. Ils ont en effet prévu
de se rendre à Saint-Nazaire dans
les permanences de deux parlementaires socialistes, la députée
Marie-Odile Bouillé et du sénateur
Yannick Vaugrenard. Pendant ce
temps, aucun d’entre eux ne montera la garde autour de la raffinerie : depuis le début de la grève, il y
a maintenant trois semaines, les
entrées sont « toujours restées
ouvertes », répète inlassablement
aux journalistes Fabien Privé Saint
Lanne, secrétaire de la section
CGT. Deux petits piquets de grève
se tiennent bien au nord et au sud
du site, pour les prises de parole
syndicales, mais aucune barricade
ni palette en feu n’en empêchent
l’accès.
La production de la deuxième
raffinerie de France n’en est pas
moins bloquée. « Aucune goutte »
de carburant ne sort de ses installations, à de rares exceptions près.
« Il y a une dizaine de jours, la préfecture nous a demandé d’approvisionner une douzaine de camionsciternes pour des stations-service
réservées aux forces de l’ordre, aux
services de secours et aux hôpitaux ,
cite en exemple le représentant
CGT. Bien évidemment, on ne s’y est
pas opposés. » Pour tout le reste,
en revanche, Donges est à l’arrêt.
Il y a une semaine, la direction
locale s’était pourtant prévalue
d’un vote à bulletins secrets, réalisé « sous le contrôle d’un huissier de
justice », où 94 % des 358 votants
(sur 680 salariés) s’étaient pro-
noncés en faveur de la reprise du
travail. De son côté, la CGT avait
revendiqué 95 % de salariés favorables à la poursuite de la grève,
lors de l’assemblée générale qui
s’était tenue le lendemain, à laquelle avaient pris part environ
200 salariés… Un plébiscite qui
pourrait se renouveler lors de la
prochaine assemblée générale,
prévue vendredi.
« Pression colossale »
Un paradoxe qui n’en est finalement pas un, selon Fabien Privé
Saint Lanne : les assemblées générales de son syndicat rassemblent
essentiellement des ouvriers et des
agents de maîtrise, indispensables
à la production, tandis qu’on retrouve les non-grévistes surtout
parmi les cadres et les personnels
administratifs. Deux mondes opposés, donc, qui se toisent depuis
trois semaines. « Il y a de la tension,
c’est clair, mais pas d’invectives ou
d’insultes, souligne le responsable
de la section CGT. Face à une direction plus qu’irresponsable dans ce
dossier, nous, on essaie d’apaiser
les choses, en tournant dans les
équipes pour expliquer le sens de
notre action… Ce sera à nous, après
la fin de la grève, de travailler à recréer du lien. »
En attendant, une « pression colossale » pèse sur les épaules des
salariés de la raffinerie de Donges,
qu’ils soient grévistes ou non. Tous
affirment avoir reçu un courrier
individuel de la direction, faisant
état d’une possible remise en cause
des investissements initialement
prévus par le groupe pétrolier :
l’an dernier, Total avait dit vouloir
investir 600 millions d’euros dans
la modernisation des sites de Donges et de La Mède (Bouches-duRhône), dans le cadre de la restructuration de son activité
raffinage en France. Un « chantage
inacceptable », selon la CGT. Contactée, la direction de Total n’était
pas joignable mercredi soir. ■
À Donges, la deuxième plus grande raffinerie française de Total,
la production est toujours bloquée. JEAN-SÉBASTIEN EVRARD/AFP
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
24 ENTREPRISES
Les chocolats Godiva
se préparent
à entrer en Bourse
rang mondial des biscuits derrière
Mondelez (Oreo, LU, Milka…) et
Kellogg’s, a annoncé mardi qu’il
comptait introduire sa nouvelle
entité en Bourse, à Londres, d’ici à
2020. Cela devrait lui permettre de
lever des fonds pour accélérer l’internationalisation de ses marques.
Le groupe turc avait révélé en
début d’année son intention d’investir 554 millions de dollars dans
la construction d’une nouvelle
usine en Afrique de l’Est et une
augmentation de ses capacités de
La maison mère, le groupe agroalimentaire turc
Yildiz, mise sur l’internationalisation de la marque.
AGROALIMENTAIRE Godiva repart à l’offensive. Le chocolatier
belge fondé en 1926, racheté il y a
huit ans par le conglomérat turc
Yildiz, parie sur l’Asie pour accélérer. Outre son rythme de croisière de 50 nouveaux points de
vente par an, il prévoit d’implanter 190 magasins en Chine d’ici à
2019. L’appétit des Asiatiques
pour le chocolat belge devrait lui
permettre de franchir un cap dès
2017. « Nous devrions dépasser le
milliard de dollars de chiffre d’affaires sous la marque Godiva grâce
à nos nouveautés (contre 792 millions de dollars en 2015) », a déclaré Cem Karakas, patron de Pladis,
la filiale de chocolat et de confiseries de Yildiz.
Godiva (450 boutiques) redouble d’ambitions à un moment où la
concurrence s’intensifie, notamment en Asie. Lindt, son rival
suisse, y avance ses pions et
compte bien en profiter pour lui
ravir la première place parmi les
enseignes de chocolat haut de
gamme disposant de boutiques.
Lindt, qui compte 325 magasins
dans le monde, s’est donné jusqu’en 2020 pour y parvenir.
Godiva compte d’abord sur ses
produits pour dynamiser ses ventes. En Chine, 30 % de son activité
vient de nouveautés comme les
milk-shakes ou les glaces à base de
chocolat ou de pralinés. Mais son
positionnement devrait aussi évoluer : Yildiz veut rendre l’enseigne
plus accessible avec de nouveaux
formats faisant la part belle aux
petits paquets et aux tablettes.
Godiva devrait aussi bénéficier
de nouveaux moyens. Depuis janvier, le chocolatier est intégré à
Pladis, filiale de Yildiz qui regroupe ses marques de biscuits et de
confiserie (BN, McVitie’s, Ulker,
DeMet’s…), ce nouveau géant qui
réalise 5,2 milliards de dollars de
CHRIS GOODNEY/BLOOMBERG
KEREN LENTSCHNER £@Klentschner
Yildiz veut rendre
l’enseigne plus
accessible avec
de nouveaux formats
faisant la part belle
aux petits paquets
Une boutique Godiva sur l’île de Manhattan, à New York.
chiffre d’affaires grâce à 36 usines
et quelque 26 000 employés dans
le monde. Un moyen pour Yildiz
de mutualiser la R&D, le réseau de
distribution et les forces commerciales de ses marques et de faciliter les synergies, notamment en
matière d’achats. De nouveaux
produits seront ainsi commercialisés sous les marques Godiva et
McVitie’s dès l’automne. En décembre, McVitie’s avait déjà lancé
des mini-cookies en forme de
billes destinés au grignotage.
Yildiz veut aujourd’hui aller plus
loin. Le groupe turc, au troisième
production aux États-Unis et en
Grande-Bretagne. C’est l’un des
enjeux pour Yildiz, essentiellement implanté en Europe et en
Amérique du Nord et à travers des
marques régionales quand ses
deux principaux concurrents disposent de puissantes plateformes
mondiales.
En déboursant il y a deux ans
3,3 milliards de dollars pour racheter United Biscuits (BN, Delacre, Jaffa Cakes…), Yildiz - qui a
grossi par croissance externe - a
cherché à y remédier. Le groupe
turc, coté à Istanbul et qui est également présent dans les produits
laitiers et les surgelés, ne cache
pas son ambition de rafler à Kellogg’s la deuxième place mondiale
derrière Mondelez. ■
Titres restaurant : une dématérialisation semée d’embûches
À peine plus de 5 % du marché est passé à la carte. Le leader Edenred en revendique 180 000.
5
« àIl7faudra
ans pour
installer
la dématérialisation
du titre
restaurant
en France. Ce
rythme n’est
ni plus rapide
ni plus lent
qu’ailleurs
»
JULIEN TANGUY,
DG ADJOINT
D’EDENRED FRANCE
MATHILDE VISSEYRIAS
£@MVisseyrias
SERVICES La vitesse du passage à la
carte, pour les titres restaurant,
continue de diviser les professionnels. Dans le cadre de la loi Sapin 2,
un amendement signé par dix-neuf
députés a été déposé la semaine
dernière, militant pour une mort
très rapide du titre papier. Cet
amendement prévoit qu’« à compter du 1er janvier 2017, les titres restaurant ne peuvent être émis que
sous forme dématérialisée » et
qu’« à compter du 31 mars 2017, les
titres restaurant sous format papier
détenus par les restaurateurs ou affiliés restaurateurs ne sont plus rem-
boursés ». De l’aveu même du député
Christophe
Premat,
l’amendement qu’il porte pourrait
ne pas être soutenu. Pourtant, il ravive les tensions entre les nouveaux
venus partisans d’une transition
rapide et les émetteurs historiques,
moins pressés. Encadrée par un décret en vigueur depuis avril 2014, la
dématérialisation des titres restaurant a depuis conquis à peine plus
de 5 % des 3,8 millions de bénéficiaires. Depuis des années, quatre
émetteurs historiques se partageaient le marché du titre papier.
La dématérialisation a attiré de
nouveaux venus : Moneo, Monetico Resto, Digibon et Resto Flash.
« Il faut fixer un calendrier, martèle Serge Ragozin, PDG de Moneo,
LES DÉCIDEURS
â ALIX MORABITO
Galeries Lafayette
La directrice adjointe des achats de l’homme
prend le poste nouvellement créé de
« fashion editor ». Ancienne du Printemps,
elle fut aussi directrice de collection accessoires et licences chez Chloé. Elle rapportera à
Elisabeth Cazorla, directrice prêt-à-porter.
â PIERRE-HENRI BIGEARD
IFP Énergies nouvelles
La direction générale de l’organisme public
évolue. Jusqu’alors DGA en charge de la
recherche scientifique et technologique, il
élargit son périmètre à l’innovation, dont
était responsable Pascal Barthélemy, également DGA. Ce dernier prendra d’autres
fonctions au sein du groupe. Georges Picard
demeure DGA chargé de l’administration
d’Ifpen et de la gestion de ses filiales.
A
â EVELYNE FRIEDEL
Taylor Wessing
L’avocate associée du cabinet est
élue avocat de l’année 2016 en droit
de l’Union européenne par Best
Lawyers. C’est la deuxième fois que cette
spécialiste en droit commercial, des affaires et
de la concurrence est distinguée par ses pairs.
qui soutien l’amendement de
Christophe Premat. La souplesse de
l’usage du papier l’emporte sur l’utilisation la carte, qui impose de se
plier strictement à la loi. À force de
dévoyer l’usage du titre restaurant,
on risque de perdre tout ou partie de
l’avantage fiscal et social qui lui est
attaché (plus de 2 milliards d’euros
de subventions annuelles). »
« Plus de transparence »
Pour Christophe Premat, « la dématérialisation permettra le suivi
des transactions en ligne et diminuer
les abus. On n’est pas dans un cas de
fraudes majeures, mais il faut plus de
transparence ».
La Commission nationale des titres restaurant (CNTR), qui réunit
les organisations syndicales, patronales, les restaurateurs et les émetteurs, est pourtant farouchement
opposée à cet amendement. Elle a
adressé aux ministres concernés
par la loi et à la Direction de la répression des fraudes (DGCCRF) une
recommandation pour un avis défavorable. L’Association professionnelle des émetteurs de titres
restaurant (Apetr) - qui regroupe
les quatre acteurs historiques et
Monetico Resto - a relayé ce courrier auprès de députés et membres
de cabinet minsitériels. « La dématérialisation nous paraît avancer de
manière normale. Pourquoi mettre la
pression ?, déclare Youssef Achour,
président de l’Apetr et directeur
général France du Groupe Up, dont
PAR Carole Bellemare (à Rotterdam) avec Corinne Caillaud
Les Hénokiens priment à Rotterdam
le PDG hollandais Pieter van Oord
â
Quelque peu énigmatiques
jusqu’à présent les Hénokiens ! Si le nom parle à
certains, pas toujours évident pour le grand public
de les identifier vraiment. « Le club le plus
fermé du monde », avec des membres discrets disséminés dans neuf pays et liés par
une philosophie commune, mais pas une
secte ! Créée en France en 1981, l’association
regroupe 47 entreprises familiales et bicentenaires, dont les descendants contrôlent au
moins 50 % du capital.
Prix Léonard de Vinci
Le Néerlandais Willem van Eeghen, représentant d’une entreprise de compléments
alimentaires, qui la préside, sera en première ligne aujourd’hui à l’hôtel de ville de Rotterdam pour la remise par le maire au PDG
Pieter van Oord du 6e prix Léonard de Vinci,
organisé avec François Saint-Bris, le président du Château le Clos Lucé, dernière
demeure du génie de la Renaissance. Ce prix
a été créé pour récompenser des entreprises
familiales audacieuses et promouvoir le
modèle de croissance dynamique et durable
que défendent les Hénokiens, dans le respect des valeurs des fondateurs. Tradition,
modernité, créativité, voilà justement les
ingrédients de la réussite et de la pérennité
du groupe hollandais Van Oord, spécialiste
depuis un siècle et demi du dragage, remblayage et de l’off-shore. Représentant de la
quatrième génération, Pieter van Oord,
père de quatre enfants, est à la tête d’un
groupe florissant de 2,6 milliards de chiffre
d’affaires et de 5 000 salariés, qu’il s’efforce
de renforcer afin de le transmettre le
moment venu à la génération suivante.
Agilité et innovation sont les maîtres mots de
ce fan de ski et de vélo, roulant depuis 1994
pour l’entreprise dont il est le chef de peloton
depuis sept ans. Si à l’heure des start-up et de
la domination du CAC 40, il peut paraître « un
peu anachronique de récompenser des entreprises familiales âgées », Gérard Lipovitch, le
secrétaire général des Hénokiens, estime
qu’au contraire ces dernières ont plus que
jamais une carte à jouer. Car, grâce aux nouvelles technologies, elles peuvent investir et
développer leurs métiers dans différents secteurs de l’industrie. « Sans urgence à montrer
des profits dans le trimestre qui vient. »
Mais néanmoins tournées vers l’avenir.
« Nous sommes des passeurs », martèle le
président du Clos Lucé. Pour François SaintBris, le prix Léonard de Vinci s’inscrit « dans
le fil de la transmission du maître à l’élève ».
C. B.
moins de 5 % des bénéficiaires sont
passés à la carte. Nous sommes très
attachés à la dématérialisation, dans
la concertation. Il n’a jamais été dit
que le papier s’arrêtait mais qu’un
autre support dématérialisé s’y
ajoutait. » « Cet amendement n’est
pas réaliste, insiste Julien Tanguy,
directeur général adjoint d’Edenred France. Il faudra de cinq à sept
ans pour installer la dématérialisation du titre restaurant en France. Ce
rythme n’est ni plus rapide ni plus
lent qu’ailleurs. » Edenred est
l’émetteur le plus avancé en France
dans la dématérialisation, avec
180 000 cartes en France, soit 14 %
de ses bénéficiaires, et, selon lui,
environ deux tiers du marché de la
carte. ■
www.lefigaro.fr/decideurs
â OSAMU SUZUKI
Suzuki Motor
Le patriarche de 86 ans, qui a passé
la main l’an dernier à son fils après
37 ans aux commandes, renonce à
ses autres fonctions, hormis celle de
président du conseil d’administration. Par
ailleurs, le constructeur japonais d’automobiles, qui avait reconnu le mois dernier avoir
utilisé des méthodes trompeuses de mesure
de la consommation de carburant de ses voitures, va prendre des sanctions disciplinaires. Les dirigeants vont renoncer à leur prime et leurs rémunérations seront réduites de
20 % à 40 % pendant six mois. Le directeur
de la division technologique abandonne son
poste.
â DIONY LEBOT
Société générale
Pilier du groupe depuis 1986, elle remplacera,
en tant que directrice des risques, Benoît Ottenwaelter, qui part à la retraite, et intégrera
le comité exécutif. Jean-François Grégoire
succédera à cette dernière dans ses précédentes fonctions, comme directeur délégué des
risques. Il deviendra membre du comité de
direction, tout comme Alvaro Huete dans ses
fonctions de responsable adjoint des activités
de financement et responsable des activités
de financement pour le Royaume-Uni. Ces
nominations seront effectives au 1er juillet.
LE FIGARO
TECH
jeudi 9 juin 2016
25
Drones : Gorgé et
Delair-Tech s’allient
Le partenariat concerne les minidrones tactiques pour les armées.
VÉRONIQUE GUILLERMARD
£@vguillermard
Jérôme Lecat, PDG de Scality, une start-up éditrice de logiciels dans le stockage de données.
BOUCHON/LE FIGARO
Les Français peuvent réussir
dans la Silicon Valley
Jérôme Lecat, PDG de Scality, ambitionne de faire de la société une Licorne.
ENGUÉRAND RENAULT £@erenault
ET LUCIE RONFAUT £@LucieRonfaut
TECHNOLOGIE Jérôme Lecat est à
l’image de son entreprise : un pied
aux États-Unis, l’autre en France.
Scality, fondé en 2009, est éditeur
de logiciels dans le stockage de
données. Ses effectifs sont répartis
entre la France, les États-Unis et le
Japon. Si Scality reste une entreprise française, son PDG est installé à
San Francisco où il a pu lever des
fonds et où il réalise plus de la moitié de son chiffre d’affaires. Plus
que jamais, Jérôme Lecat croit dans
son modèle qui réunit le meilleur
des deux mondes. L’équipe de recherche et développement est à
Paris car les ingénieurs français
sont très réputés, mais les ventes et
le marketing sont situés aux ÉtatsUnis. Un modèle que Jérôme Lecat
avait défendu en 2014 en adressant
une lettre ouverte à François Hollande. « Construire un pont entre la
Silicon Valley et la France est une
opportunité à ne pas manquer »,
avait-il plaidé.
À l’époque, Scality était présentée comme une start-up française
prometteuse. Elle est aujourd’hui
un groupe de 200 employés au
chiffre d’affaires compris entre 50
et 100 millions de dollars. Scality a
levé 45 millions de dollars en
août 2015 puis 10 millions auprès de
Hewlett-Packard Enterprise, son
principal partenaire commercial
avec Cisco. À l’occasion de ces levées de fonds, la société a doublé sa
valorisation et n’entend pas en rester là. « Je veux faire de mon entreprise une “licorne” (valorisée à plus
d’un milliard de dollars) », explique
Jérôme Lecat. « Je veux prouver
qu’un succès français est possible
dans la Silicon Valley. »
L’entreprise française profite de
l’essor du cloud, dont le marché a
atteint 175 milliards de dollars en
2015, d’après l’institut Gartner.
Scality développe un logiciel, Ring,
capable d’organiser le stockage et
la répartition d’un très grand nombre de données non structurées.
Une nouvelle version, Ring 6.0, est
lancée jeudi. Les géants de l’informatique comme Dell ou HP sont
très demandeurs de ces logiciels
capables de mieux exploiter la capacité de leurs serveurs, qu’ils
louent ensuite à leurs clients. Ils
sont un avantage crucial pour rattraper les géants du Web déjà bien
placés sur ce marché, comme Google ou Amazon. « Le marché du
stockage a changé en dix ans », explique Jérôme Lecat. « Avant, l’essentiel des dépenses allait vers le matériel et l’entretien. Aujourd’hui, elles
vont vers des logiciels hébergés en ligne, le cloud ou du stockage de grande
capacité. C’est là que nous nous positionnons. C’est un marché qui représente plus de 30 milliards de dollars. »
Soutien à Macron
Scality est dans une position particulière. Ce n’est plus une start-up
mais pas encore une grande entreprise. Son avenir se jouera, soit via
une entrée en Bourse, d’ici à la fin
de 2017, « à condition que le contexte soit bon », soit via un rachat par un
géant de la technologie comme HPE.
Le nom de Jérôme Lecat figure
désormais dans la liste des quelques
patrons français connus dans la
Silicon Valley. Deux ans après son
coup de gueule adressé à François
Hollande, Jérôme Lecat salue les
efforts de la French Tech, l’initiative du gouvernement en faveur des
start-up. « Ils ont réussi à créer une
marque. Où que j’aille dans le monde, on connaît la French Tech », assure-t-il. « Aux États-Unis, il y a
une prise de conscience qu’il se passe
quelque chose en France. » Malgré
tout, la France a vu moins d’investissements dans ses start-up en
2015 (1,81 milliard d’euros, d’après
l’institut EY) que le Royaume-Uni
(4,3 milliards d’euros) ou l’Allemagne (2,6 milliards d’euros).
« Les investisseurs américains
n’ont pas de préjugés sur la nationalité d’un PDG. En revanche, d’autres
clichés sont tenaces. Par exemple,
lorsque j’ai voulu lever des fonds il y a
trois ans, certains m’ont dit qu’ils ne
voulaient pas investir dans une
start-up employant des ingénieurs
français », se souvient Jérôme Lecat. « Ils ne reconnaissent que les
PDG qui ont exercé aux États-Unis.
Si vous avez monté trois entreprises
en France, vous serez quand même
considéré comme un débutant. »
Même s’il reconnaît des progrès,
Jérôme Lecat déplore les problèmes
tenaces d’image de la France mise à
mal par les grèves et soutient la loi
El Khomri. Du coup, le PDG de Scality est un fervent supporter d’Emmanuel Macron et de son mouvement En marche !. Il en fait la
promotion auprès des autres patrons français de la Silicon Valley.
« Macron est jeune, il a déjà travaillé
en entreprise et a une vision de la
France avec laquelle je suis en
phase », conclut-il. ■
LA SÉANCE DU MERCREDI 8 JUIN
LE CAC
JOUR
ACCOR .............................................. 39,905
♣
AIR LIQUIDE ..................................
94,79
AIRBUS GROUP ..................................53,61
ARCELORMITTAL ..................................
4,88
AXA ..............................................
21,56
BNP PARIBAS ACT.A ..................................
46,405
BOUYGUES ..............................................
28,595
CAP GEMINI .................................. 87,06
CARREFOUR ..............................................
24,355
CREDIT AGRICOLE ..................................
8,651
DANONE ..............................................63,13
ENGIE .............................................. 14,31
ESSILOR INTL. ..................................118,1
KERING ..............................................154,65
KLEPIERRE ..............................................
41,745
L'OREAL ..............................................168,6
LAFARGEHOLCIM ..................................
40,79
LEGRAND ..............................................49,85
LVMH .............................................. 147,55
♣
MICHELIN ..............................................
93,4
%VAR.
-1,75
-0,43
+0,19
+2,74
-1,6
-1,4
-1,04
-0,75
-1,02
-1,69
-0,32
+2,58
-0,76
-1,21
+0,08
-0,12
+0,12
-1,01
-1,24
-0,48
+HAUTJOUR
40,69
95,21
54,12
4,935
21,825
46,925
28,885
87,61
24,625
8,79
63,39
14,31
118,95
156
41,75
168,6
41,24
50,29
149,05
94
+BAS JOUR %CAP.ECH 31/12
39,845
94,41
53,11
4,685
21,485
46,2
28,5
86,65
24,27
8,62
62,95
13,91
117,9
153,95
41,39
166,85
40,44
49,545
147,15
92,62
0,295
0,258
0,227
1,52
0,187
0,217
0,153
0,292
0,234
0,189
0,135
0,461
0,144
0,238
0,281
0,078
0,079
0,232
0,108
0,245
-0,25
-8,55
-13,53
+25,22
-14,55
-11,15
-21,75
+1,71
-8,61
-20,49
+1,36
-12,34
+2,65
-2,09
+1,84
+8,56
-12,69
-4,5
+1,83
+6,26
JOUR
NOKIA .............................................. 5,031
ORANGE ..............................................15,52
PERNOD RICARD ..................................
97,68
PEUGEOT ..............................................
13,895
♣ 61,8
PUBLICIS GROUPE SA .............................
RENAULT ..............................................
81,5
SAFRAN ..............................................61,35
SAINT GOBAIN ..................................
39,375
SANOFI ..............................................72,65
SCHNEIDER ELECTRIC .............................
56,73
SOCIETE GENERALE ♣
..................................
34,94
SODEXO ..............................................94,81
SOLVAY ..............................................90,27
TECHNIP ♣
..............................................52,05
TOTAL .............................................. 43,37
UNIBAIL-RODAMCO ..................................
243,05
VALEO .............................................. 46,145
VEOLIA ENVIRON. ..................................
20,565
♣
VINCI .............................................. 66,15
VIVENDI ..............................................16,64
%VAR.
-0,38
+0,13
-0,72
-1,87
+0,24
-1,69
-0,24
-0,44
-0,59
-0,49
-2,18
-0,97
-0,28
+2,62
-0,9
+0,39
+0,07
-0,07
-1,12
-1,22
+HAUTJOUR +BAS JOUR
5,07
15,595
98,16
14,12
62,19
82,92
61,45
39,62
73,59
56,98
35,65
95,63
90,39
52,44
43,815
244,2
46,195
20,71
66,79
16,83
5
15,38
97,1
13,855
61,07
81,4
60,91
39,18
72,21
56,46
34,755
94,19
89,61
50,51
43,32
240,5
45,79
20,46
66,04
16,64
%CAP.ECH
0,045
0,212
0,122
0,551
0,273
0,222
0,225
0,254
0,134
0,189
0,503
0,101
0,287
0,897
0,234
0,209
1,155
0,246
0,276
0,425
américains
n’ont pas de
préjugés sur
la nationalité
d’un PDG.
En revanche,
d’autres
clichés sont
tenaces.
Par exemple,
lorsque j’ai
voulu lever
des fonds il y
a trois ans,
certains m’ont
dit qu’ils ne
voulaient pas
investir dans
une start-up
employant
des ingénieurs
français
Station terrestre
« Ce partenariat entre une start-up
et une ETI a du sens. Il permet une
vraie collaboration, qui est sans
doute plus délicate à mettre en place
avec un grand groupe », souligne
Raphaël Gorgé. Les deux alliés ont
mis en place des équipes mixtes. Et
Delair-Tech va s’appuyer sur
l’expertise du Groupe Gorgé dans
la défense - plus de 60 armées
dans le monde utilisent des drones
et robots ECA -, et sa force de
frappe à l’international. Son réseau commercial couvre 80 pays.
De son côté, ECA « renforce et
complète son offre de robots terrestres, navals et aériens à voilure
tournante (IT 180) avec un drone à
voilure fixe », souligne Raphaël
Gorgé. Autre complémentarité, le
développement d’une station terrestre de pilotage qui permettra
aux militaires de se former indifféremment aux drones ECA ou
Delair-Tech. Le DT26M est en
outre 100 % français. « La fabrication de la cellule en composite et
l’intégration des capteurs et composants électroniques sont réalisées
à Toulouse. D’autres composants
sont fabriqués en régions Paca et
Bretagne », précise Michael de Lagarde.
Quelque 30 embauches sont
prévues en 2016 pour accompagner la montée en puissance du
programme. Le DT26M est opérationnel et a été présenté aux armées. Il sera exposé à Eurosatory,
le salon de l’armement aéroterrestre, qui ouvre ses portes le
13 juin à Villepinte. ■
»
JÉRÔME LECAT
Le DT26M, minidrone d’observation et de renseignement militaire,
est développé par Delair-Tech et ECA. ROMAIN LAPORTE
LES DEVISES
31/12
-23,66
+0,23
-7,15
-14,25
+0,68
-12,02
-3,19
-1,19
-7,57
+7,93
-17,92
+5,18
-8,29
+13,81
+5,1
+3,69
-67,63
-5,95
+11,85
-16,21
Les
« investisseurs
ARMEMENT Il s’agit de la première alliance dans l’industrie française des minidrones militaires. ECA,
filiale spécialisée dans les drones et
la robotique du Groupe Gorgé, et la
start-up Delair-Tech annoncent,
ce jeudi 9 juin, avoir noué un
partenariat de long terme. Il vise à
unir leurs forces pour répondre à
des appels d’offres militaires et à
développer et commercialiser des
mini-drones tactiques de reconnaissance.
L’initiative revient à la jeune
pousse toulousaine Delair-Tech.
« Nous avons lancé notre start-up en
2011 sur un marché risqué, celui des
drones. Cinq ans plus tard, nous employons 60 personnes et nous avons
développé des technologies à la pointe de l’innovation. Nous avons eu
l’idée de nous allier avec une ETI à
l’expertise reconnue dans les domaines industriels et militaires afin de
présenter des offres crédibles », explique Michaël de Lagarde, PDG
fondateur de la start-up, dans un
entretien au Figaro. « Nous
connaissons bien Delair-Tech, qui a
développé des compétences dans les
drones à voilure fixe. Et qui se place,
en termes de sérieux, bien au-dessus
de la multitude d’acteurs qui évoluent sur le marché des drones »,
souligne pour sa part Raphaël Gorgé, PDG du groupe éponyme.
Le partenariat entre ECA et Delair-Tech donne le coup d’envoi de
la commercialisation du DT26M,
un système de minidrones d’observation et de renseignement militaire à voilure fixe, c’est-à-dire avec
des ailes et une hélice. Le drone
ressemble à un petit avion. C’est un
poids plume de 15 kg, d’une envergure de 3,30 m et très endurant,
avec une autonomie de 2 h 30 et un
long rayon d’action (30 km) pour
sa catégorie. Image stable grâce à
une caméra gyrostabilisée, zoom
de grande capacité, envoi en temps
réel des données collectées à la station de pilotage, fonctions de cryptage, formatage de flux vidéo… Les
concepteurs du DT26M estiment
qu’il a des arguments pour
convaincre les armées françaises et
étrangères.
MONNAIE
AUSTRALIE ................................................................................
DOLLAR AUSTRALIEN
CANADA ................................................................................
DOLLAR CANADIEN
GDE BRETAGNE ................................................................................
LIVRE STERLING
HONG KONG ................................................................................
DOLLAR DE HONG KONG
JAPON ................................................................................
YEN
SUISSE ................................................................................
FRANC SUISSE
ETATS-UNIS ................................................................................
DOLLAR
TUNISIE ................................................................................
DINAR TUNISIEN
MAROC ................................................................................
DIHRAM
TURQUIE ................................................................................
NOUVELLE LIVRE TURQUE
EGYPTE ................................................................................
LIVRE EGYPTIENNE
CHINE ................................................................................
YUAN
INDE ................................................................................
ROUPIE
ALGERIE ................................................................................
DINAR ALGERIEN
SICAV ET FCP
1 EURO=
1,5228
1,443
0,7805
8,8338
121,77
1,0942
1,1378
2,3532
10,989
3,2799
10,126
7,4727
75,721
124,88
AUD
CAD
GBP
HKD
JPY
CHF
USD
TND
MAD
TRY
EGP
CNY
INR
DZD
VALEURS LIQUIDATIVES EN EUROS (OU EN DEVISES), HORS FRAIS
VALEUR
DATE DE
LIQUID. VALORISAT.
SICAV
UNI HOCHE C ................................................
251,29 06/06/16
BETELGEUSE ................................................
45,98 06/06/16
BELLATRIX C ................................................
303,09 06/06/16
VICTOIRE SIRIUS ................................................
49,70 06/06/16
LE CAC
JOUR
%VAR.
+HAUTJOUR
RETROUVEZ
J
+BAS JOUR %CAP.ECH 31/12
ACCOR .............................................. 39,905 -1,75 40,69
39,845 0,295
♣
AIR LIQUIDE ..................................
94,79
-0,43 95,21
94,41
0,258
AIRBUS GROUP ..................................53,61
+0,19 54,12
53,11
0,227
ARCELORMITTAL ..................................
4,88
+2,74
4,935
4,685
1,52
AXA ..............................................
21,56
-1,6
21,825
21,485 0,187
BNP PARIBAS ACT.A ..................................
46,405 -1,4
46,925
46,2
0,217
BOUYGUES ..............................................
28,595 -1,04 28,885
28,5
0,153
CAP GEMINI .................................. 87,06
-0,75 87,61
86,65
0,292
CARREFOUR ..............................................
24,355 -1,02 24,625
24,27
0,234
CREDIT AGRICOLE ..................................
8,651
-1,69
8,79
8,62
0,189
DANONE ..............................................63,13
-0,32 63,39
62,95
0,135
ENGIE .............................................. 14,31
+2,58 14,31
13,91
0,461
ESSILOR INTL. ..................................118,1
-0,76 118,95
117,9
0,144
KERING ..............................................154,65
-1,21 156
153,95
0,238
KLEPIERRE ..............................................
41,745 +0,08 41,75
41,39
0,281
L'OREAL ..............................................168,6
-0,12 168,6
166,85
0,078
LAFARGEHOLCIM ..................................
40,79
+0,12
41,24
40,44
0,079
LEGRAND ..............................................49,85
-1,01 50,29
49,545 0,232
SITE
D’INFORMATIONS
EXCLUSIVES
LVMH .............................................. 147,55
-1,24 149,05
147,15
0,108
♣
MICHELIN ..............................................
93,4
-0,48 94
92,62
0,245
WWW.WANSQUARE.COM
-0,25
-8,55
-13,53
+25,22
-14,55
-11,15
-21,75
+1,71
-8,61
-20,49
+1,36
-12,34
+2,65
-2,09
+1,84
+8,56
-12,69
-4,5
+1,83
+6,26
NOKIA ..............................................
ORANGE ............................................
PERNOD RICARD ...........................9
PEUGEOT ..........................................
♣
PUBLICIS GROUPE SA ................
RENAULT ..........................................
SAFRAN .............................................
SAINT GOBAIN ................................3
SANOFI ..............................................7
SCHNEIDER ELECTRIC ...............5
SOCIETE GENERALE ♣
....................3
SODEXO ............................................9
SOLVAY .............................................9
TECHNIP ♣
............................................5
TOTAL .............................................. 4
UNIBAIL-RODAMCO ....................
24
VALEO .............................................. 4
VEOLIA ENVIRON. .........................2
♣
VINCI .............................................. 6
VIVENDI .............................................
Francfort a perdu 0,69 %, tandis que
Londres a pris 0,27 %. Pour sa part,
l’Euro Stoxx 50 a lâché 0,69 %.
Le marché parisien a débuté la séance en repli assez marqué avant de remonter un peu la pente, puis de faiblir à
nouveau. « Le marché baisse dans de
faibles volumes, signe qu’il est attentiste après une hausse significative. Le
manque d’initiatives s’explique par la
proximité du référendum sur le Brexit
qui se tient dans 15 jours », explique
Daniel Larrouturou, directeur général
délégué de Diamant Bleu Gestion. Les
incertitudes entourant l’issue du vote limitent en effet la progression du marché en Europe, à l’image du CAC 40, qui
du mal à atteindre les 4 500 points. De
son côté, Wall Street, moins concernée
par le référendum britannique, évolue
proche de ses plus hauts niveaux.
Parmi les valeurs, Ingenico a chuté
(- 7,23 % à 100,75 euros), emportant
avec lui Gemalto (- 1,39 % à 54,55
euros) et STMicroelectronics (- 2,82 % à
5,38 euros), dans le sillage de l’américain Verifone qui a décroché la veille
après un avertissement sur résultat. La
plupart des valeurs du secteur pétrolier
et parapétrolier sont restées bien
orientées, les cours du pétrole étant en
hausse et proches de leurs plus hauts
de l’année. Vallourec a pris 5,15 % à
3,76 euros, CGG 23,19 % à 0,85 euro,
Technip 2,62 % à 52,05 euros et Maurel
et Prom 2,33 % à 3,52 euros. ■
A
LA BOURSE DE PARIS ATTENTISTE AVANT LE RÉFÉRENDUM BRITANNIQUE
La Bourse de Paris a peu réagi mercredi
au lancement par la BCE de son programme de rachat de dettes d’entreprises, terminant en baisse de 0,61 % à
4 448,73 points, au lendemain d’une
séance de nette hausse (+ 1,19 %). Le
volume d’échanges est resté relativement faible, à 2,6 milliards d’euros. Parmi les autres marchés européens,
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
26
MÉDIAS et PUBLICITÉ
Inquiétudes autour de la chaîne d’information publique
Les SDJ de France Télévisions et de France Info dénoncent « un projet non viable » à trois mois du lancement.
1er
septembre
Date de lancement
de la chaîne d’info
publique
CHLOÉ WOITIER £@W_Chloe
TÉLÉVISION À moins de trois mois
du lancement de la chaîne d’information du service public, le flou règne au sein des rédactions de France
Télévisions et de Radio France. Pour
la première fois, les SDJ des deux entreprises publiques ont publié un
communiqué commun pour dénoncer un manque d’informations
concrètes de la part de leurs directions. « En l’état, le projet est très mal
parti. Il y a de nombreuses questions
sans réponse, ou avec des réponses
divergentes selon que l’on s’adresse
aux journalistes de France Télévisions
ou de France Info », affirme Ilan
Caro, président de la SDJ du site
francetvinfo.
« Un laboratoire social »
La chaîne doit se lancer le 1er septembre à 18 heures sur le canal 27 de
la TNT. Son nom, France Info, n’a
pas été officialisé mais est déjà rejeté
par les rédactions nationales de
France Télévisions. Plusieurs points
concrets n’ont pas encore été réglés.
Qui de France 2, France 3 ou France
Info devra faire des duplex à l’antenne, la chaîne ne disposant pas de ses
propres reporters de terrain ? Que se
passe-t-il en cas d’informations
contradictoires selon les rédactions ?
« On nous dit qu’il y aura des coordinateurs. Mais qui sont-ils, combien
seront-ils ? Nous n’en savons rien »,
explique Ilan Caro. Les SDJ estiment
aussi que le ton éditorial de la chaîne
n’est pas totalement tranché. Si officiellement cette dernière doit proposer de la pédagogie et du décryptage, elle ne renonce pas pour autant
au breaking news. La radio France
Info, rodée à l’exercice, est d’ailleurs
en train de construire un studio dédié pour, notamment, gérer l’antenne en cas d’actualité chaude. Plus de
dix journalistes ont été embauchés
par la radio pour assurer la présentation des flashs info.
France Télévisions va, elle, recruter 175 journalistes et techniciens.
Mais les syndicats voient d’un mauvais œil la description de leurs fiches
de poste. Comme chez BFMTV ou
i-Télé, les « deskeurs » devront à la
fois écrire et faire le montage de
leurs sujets. Ce qui ne correspond
pas aux pratiques chez France 2 et
France 3, où les métiers de rédacteurs et de monteurs sont distincts.
« La chaîne info est autant un laboratoire social qu’un projet éditorial, affirme le SNJ. Ces pratiques ont vocation à se propager demain aux autres
chaînes de l’entreprise. » Le SNJ et la
CFDT ont saisi le tribunal de grande
instance de Paris pour violation des
accords collectifs.
La chaîne d’info publique est aussi
attaquée par la concurrence. Mercredi, NextRadioTV a appelé le CSA
à réaliser « au plus vite » une étude
d’impact qui, « si elle n’est pas prévue explicitement par la loi, n’en est
pas moins légitime ». NextRadioTV
met en garde sur les conséquences
économiques de l’arrivée d’une
quatrième chaîne d’information,
alors que LCI vient à peine de passer
en gratuit et qu’i-Télé est en
déficit. ■
Avant-soirée : la guerre des chaînes est déclarée
AUDIOVISUEL Le transfert de Yann
Barthès, animateur emblématique de
Canal +, sur TMC a sonné le début des
grandes manœuvres. Même si les
plans de bataille des chaînes ne sont
pas encore définitivement arrêtés
pour remporter la guerre de l’access
prime time, chacun affûte ses armes.
Certes, les hostilités ne sont pas encore officiellement ouvertes, mais les
signes avant-coureurs de la crise sont
déjà visibles.
Premier mouvement stratégique,
le déploiement dans les médias des
têtes d’affiche envoyées au front de
l’avant-soirée : Arthur et Yann Barthès du côté de TF1 et TMC, Nagui et
Anne-Sophie Lapix sur France Télévisions, Cyril Hanouna et Camille
Combal sur D8, Cristina Cordula et
Stéphane Plaza sur M6… Pour l’heure, chacun montre ses muscles.
L’enjeu est suffisamment important pour que les chaînes déploient
l’artillerie lourde. À elle seule, la
tranche horaire comprise entre
18 heures et 20 heures concentre en
effet « entre 15 et 20 % » des recettes
publicitaires des chaînes, estime Philippe Nouchi, le directeur de l’expertise médias de Publicis Média. Ce carrefour d’audience, qui rassemble
entre 12 et plus de 21 millions de
Français, est d’autant plus stratégique qu’il remplit aussi une autre
fonction capitale : celle de servir de
rampe de lancement au JT du
20 heures, lui-même assigné au rôle
de locomotive afin de maximiser le
nombre de téléspectateurs au moment du prime time.
Pour le service public, interdit de
spots publicitaires après 20 heures,
l’avant-soirée est encore plus cruciale dans la mesure où elle a valeur de
prime time. De quoi mettre toutes ses
forces dans la bataille.
Sur TF1, Arthur est déjà en rodage
pour la rentrée. Sa nouvelle émission
« Cinq à sept » démarre très doucement. Elle n’a rassemblé pour son
premier jour de diffusion que
1,3 million de curieux, soit 13,8 %
de l’ensemble du public. Et
mardi, le second numéro de ce
talk-show était encore en
baisse à 1,2 million de téléspectateurs, soit 12,4 % de
part de marché. Bien en
deçà des scores habituels…
Entre 17 heures et 19 heures, TF1 attire en moyenne
2 millions de Français.
Yann Barthès
(à gauche) et Arthur.
ALAIN GUIZARD/ BESTIMAGE,
FRÉDERIC BERTHET/TF1
20 heures, M6 concentre 18,8 % de
part de marché sur cette cible contre
18,2 % pour TF1. « En deux ans, la
Une a perdu quatre points sur les ménagères quand M6 en a gagné trois.
On peut penser qu’un transfert s’est
opéré, sachant que le public de
Nagui sur France 2 est plutôt fidèle », indique Philippe Nouchi.
En attendant que TF1 peaufine
sa stratégie ou revoie son plan
de bataille, M6 conserve sa reine
du shopping Cristina Cordula
et son roi de l’immobi-
10
LES
MARQUES
LES PLUS
CHÈRES
èApple
èMicrosoft
èAT&T
èFacebook
èVisa
EY
partenaire
© 2016 Ernst & Young Associés | Tous droits réservés – Studio EY France : 1606SG831. ED None.
* Une question pertinente. Une réponse adaptée. Un monde qui avance.
A
ey.com/fr
MARMARA/LE FIGARO
lier Stéphane Plaza. On ne change
pas une équipe qui gagne le cœur des
ménagères…
France Télévisions va continuer à
miser sur deux de ses valeurs sûres.
Nagui avec « N’oubliez pas les paroles » sur France 2 et Anne-Sophie
Lapix confirmée aux manettes de
« C à vous » sur France 5. Cette dernière va devoir redoubler d’effort. La
guerre de l’access sur la TNT promet
d’être sanglante. Yann Barthès arrive sur TMC en quotidienne face au
trublion de D8 Cyril Hanouna, qui
Stéphane Plaza
séduit en moyenne 1,5 million de fidèles. Et il compte bien lui tailler des
croupières. Il ne sera d’ailleurs pas
seul pour l’affronter : l’ancienne icône de Canal + débarque avec tous ses
fidèles soldats du « Petit Journal »…
Cyril Hanouna prépare déjà la riposte. Il a fait monter aux avant-postes son lieutenant Camille Combal,
attendu sur la case du pré-access de
D8, entre 18 heures et 19 heures, juste
avant « Touche pas à mon poste ! ».
Choc des titans et cadavres à prévoir
sur le champ de bataille à la rentrée. ■
Le géant du Web repasse devant Apple.
èGoogle
Et vous, comment
allez-vous contribuer
à construire le monde
de demain ?
Cristina Cordula
Google redevient la marque
la plus chère du monde
Plus de ménagères
sur M6
Difficile pour l’instant de savoir si la greffe va finir par prendre. Installer une nouvelle marque à l’antenne nécessite
forcément du temps. Toute la
question est de savoir aujourd’hui
si la Une pourra patienter très
longtemps. Si elle fait largement la
course en tête sur le public des 4 ans
et plus, tandis que France 2 et M6
sont au coude à coude, en revanche
la Six remporte les suffrages des
ménagères, la cible publicitaire la
plus choyée. D’après les chiffres de
Publicis Média, entre 18 heures et
M6
Cyril Hanouna
Camille Combal
TF1-TMC
CAROLINE SALLÉ £@carolinesalle
Anne-Sophie Lapix
MARMARA/LE FIGARO
BOUCHON, SORIANO/LE FIGARO
Nagui
D8
FRANCE TV
Stratégique, la case de l’avant-20 heures concentre entre 15 % et 20 % des recettes publicitaires d’une chaîne.
èAmazon
èVerizon
èMcDonald’s
èIBM
MARKETING Avec une valeur estimée de 229 milliards de dollars, en
hausse de 32 % en un an, Google a
regagné son rang de marque la
plus chère de la planète, selon le
classement annuel BrandZ des
100 marques les plus puissantes
établi par Millward Brown (Kantar/WPP). Le moteur de recherche
américain, qui est désormais la
principale filiale d’Alphabet, dame
le pion à Apple, qui rétrograde
d’une place avec une valeur estimée à 228 milliards de dollars, en
recul de 8 %.
Google et Apple se disputent
cette première place depuis plusieurs années, l’un et l’autre décrochant la timbale alternativement. Le premier bénéficie du
boom de la publicité sur Internet,
dont il capte une part importante,
et de la croissance de son offre
dans le cloud. Le second pâtit en
revanche d’un essoufflement du
marché du smartphone, où il
continue de prospérer grâce à
l’iPhone mais sur lequel la concurrence est de plus en plus acérée.
Dans l’ordre suivent Microsoft
(122 milliards, + 5 %), le géant
américain des télécoms AT&T
(107 milliards, + 20 %), Facebook
(102 milliards, + 44 %), Visa
(100 milliards, + 10 %), Amazon
(près de 99 milliards, + 59 %),
l’opérateur télécoms Verizon
(93 milliards, + 8 %), McDonald’s
(88 milliards, + 9 %) et IBM
(86 milliards, - 8 %).
Le top 10 est donc constitué dans
sa totalité de marques américai-
nes. Trois marques chinoises
- Tencent, China Mobile et Alibaba - se glissent respectivement aux
11e, 15e et 18e places. Les premières
marques européennes sont l’éditeur allemand de logiciel SAP
(39 milliards de dollars), à la
22e place, suivi par deux géants des
télécoms, Deutsche Telekom
(37,7 milliards, 23e) et le britannique Vodafone (36,7 milliards, 25e).
Les marques issues des nouvelles
technologies et de l’Internet sont
toujours plus présentes et puissantes dans le classement, avec des
profitabilités records et des capacités d’adaptation rapides.
La France en hausse
La première marque française demeure Louis Vuitton, qui gagne
deux rangs à la 30e place avec une
valeur estimée de 28,5 milliards de
dollars. Viennent ensuite L’Oréal
(36e), Hermès (44e) et Orange
(53e). Toutes montent dans le classement. L’Hexagone se distingue
toujours dans les secteurs du luxe
et des cosmétiques. La France
pourrait à terme pousser d’autres
marques, peut-être dans la robotique où elle est bien placée après les
États-Unis et le Japon.
Millward Brown estime la valeur
des 100 premières marques mondiales à 3 400 milliards de dollars,
soit le PIB de l’Allemagne. La société d’études fait ses calculs sur la
base des performances financières
des sociétés concernées, mais aussi
sur la capacité des marques à s’attacher les consommateurs. ■ A. D.
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO - N° 22 342 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr
STYLE
Ralph
Lauren
LA ROBE-CHEMISE,
UN INDÉMODABLE
DE L’ÉTÉ DEPUIS
MARIE-ANTOINETTE PAGE 32
ENQUÊTE
ÇA C’EST... NÎMES
UNE AFFAIRE
DE FAUX MEUBLES SUPPOSÉS
SECOUE LE MARCHÉ DE L’ART
PAGE 29
Ariane Bavelier
UNE REINE
DANS L’ARÈNE
«LE SACRE» DE PINA BAUSCH
AVEC L’ORCHESTRE DES SIÈCLES.
C
ertains spectateurs venaient
spécialement du Japon. Le
Tanztheater de Wuppertal dansait Café Müller et Le Sacre du
printemps de Pina Bausch dans les arènes de Nîmes. Avec, disposés devant la
scène, les 120 musiciens de l’orchestre
Les Siècles de François-Xavier Roth.
Autrement dit une considérable formation symphonique. Le Tout-Nîmes qui
s’était ligué pour que le miracle se produise trottait autour des arènes pour
trouver son vomitoire. Sur les
13 000 places disponibles pour la corrida, seules les 2 000 dressées bien en face
de la scène avaient été ouvertes. Et la
ville pavoisait. La danse surgissait dans
l’eau des fontaines, dans les vitrines de
la Librairie Goyard, dans le vol des martinets striant le soir bleui, dans la bise
qui délicatement faisait ondoyer les robes des danseuses immobiles.
Le public mélangeait aficionados et
parfaits novices, attirés par ce projet
pharaonique dont la ville bruissait depuis deux ans. Il était entendu qu’il faudrait s’extasier. Mais serait-on pris ? « Il
faut dire que c’est spécial… », lançait à
son mari assoupi une dame installée
dans le carré or après Café Müller. Pina
Bausch avait écrit pour elle-même et
Malou Airaudo cette errance de deux
femmes aveugles au milieu de chaises,
celles du café tenu par ses parents,
dressées telle la forêt des souvenirs. Forêt un peu perdue, comme Helena
Pikon et Azusa Seyama, dans l’immensité des arènes. « Pina me manque plus
que jamais et je pleure », confessait une
fidèle éplorée.
Le Sacre, en revanche, fut grandiose en
puissance, en émotions et en éclats sauvages. Rondes et diagonales déroulées
sur un tapis de terre, sous le ciel zébré
d’éclairs qui passaient par là en ayant la
courtoisie de se taire, et emportées par
l’orchestre. Les Siècles jouait sur instruments de 1913, année de la création du
Sacre, une partition revue par Roth. Un
festin de nuances et de couleurs d’une
délicatesse étourdissante.
Les disques,
mémoire
de Radio
France
D’Abba à Zappa, la Maison ronde
met en vente, le 19 juin,
8 000 vinyles pour financer
la numérisation de sa discothèque.
Des pépites qui attisent déjà
la convoitise des collectionneurs.
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO
PAGE 28
Rouen redécouvre son patrimoine juif médiéval
SOUSCRIPTION Avec ses graffitis en hébreu, la Maison sublime, ancien centre religieux du XIIe siècle situé au sous-sol
du palais de justice, dépérit. Le 14 juin, la ville et la Fondation du patrimoine lancent un appel aux dons pour la restaurer.
On connaît Rouen pour ses maisons à colombages, sa cathédrale
célébrée par les impressionnistes
et le martyre de Jeanne d’Arc.
Mais le 14 juin, la ville et la Fondation du patrimoine vont lancer
une souscription publique pour
un tout autre type de patrimoine,
lié à une histoire méconnue.
Aussi étonnant que cela puisse
paraître, la préfecture normande
possède la plus ancienne trace
juive de France, datant de 1 100.
Et quelle trace !
Sa découverte, en 1976, avait
fait sensation. À l’occasion de
travaux dans le palais de justice,
les pelleteuses avaient fortuitement mis au jour la cave et le
rez-de-chaussée d’une maison
romane du XIIe siècle, situés sous
la cour. Appelés en renfort, les
archéologues avaient vite découvert que le long bâtiment,
avec ses colonnes décorées d’un
dragon ou d’un double lion renversé, était lié à l’histoire de la
présence juive en Normandie.
Sur plusieurs murs de la maison se trouvent une douzaine de
graffitis en hébreu, parfois signés
d’un Josué, Amram ou Isaac.
L’un d’eux, encore parfaitement
lisible, rappelle une citation du
Livre des rois : « La Torah de
Dieu… puisse-t-elle toujours
exister et Que cette maison soit
(toujours) sublime. »
Une querelle d’experts a bien
sûr éclaté sur la destination exacte de la Maison sublime. Maison
privée d’un riche marchand ?
Synagogue ? École rabbinique ?
Aujourd’hui, ils penchent pour
cette dernière option. La salle du
bas, dallée et éclairée par quatre
fenêtres, servait certainement de
bibliothèque et contenait, enfer-
ELIOT-RIOLAND/ED. POINT DE VUES, MARCELO SOUBHIA
més dans des armoires placées
contre les murs, des manuscrits
que les étudiants empruntaient
pour lire aux étages supérieurs.
Ils y accédaient par un escalier en
spirale logé dans une tourelle en
demi-cercle, encore debout. La
maison faisait trois ou quatre
étages, preuve de son implantation dans la ville.
L’installation des juifs à
Rouen, démarrée à la colonisation romaine, dura jusqu’en
1306, date de leur expulsion par
Philippe le Bel. À l’époque, on
estime que 5 000 d’entre eux vi-
vaient dans un quartier situé entre l’actuelle rue du Gros-Horloge et la rue des Carmes, en
plein cœur de Rouen. « Des écoles de ce type ont existé au Moyen
Âge dans d’autres villes, mais elle
est la seule conservée en France », affirme Jacques-Sylvain
Klein, délégué de l’association
La Maison sublime.
Une part du passé
normand
Découverte fortuitement en 1976, la Maison sublime, édifiée
au XIIe siècle à Rouen, renferme la plus ancienne trace juive de France.
Mais si cette dernière était un
centre intellectuel et religieux
florissant en 1100, elle n’a pas les
honneurs qu’elle mériterait
aujourd’hui. Sur les grilles, de
grands panneaux expliquent
l’histoire du magnifique palais de
justice, construit en 1499. Pas un
mot sur le trésor qu’il cache dans
son sous-sol ! Seul un marquage
blanc sur le sol de la cour, à destination des automobilistes, laisse
deviner qu’il y a quelque chose à
protéger en dessous. En 1976, le
maire de l’époque, Jean Lecanuet, avait tout fait pour faire
classer la maison. Il avait compris
que le monument, autrefois entouré d’une synagogue et d’habitations, portait un message : cette
maison montre que les juifs faisaient partie intégrante de la vie
rouennaise médiévale, tout comme à Narbonne, Reims, Marseille
ou Paris. Mais qui, des juifs ou des
chrétiens, se souvient de cette
part du passé normand ? Faute
d’attention, la maison est infiltrée par l’eau et dépérit. Elle a été
ouverte aux visites jusqu’en
2001, puis fermée jusqu’en 2009.
Depuis, des petits groupes peuvent y descendre. « Si nous parvenons à la restaurer, notre ambition est d’ouvrir largement, avec
des guides et une scénographie »,
espère Guy Pessiot, adjoint au
maire en charge du patrimoine. ■
www.fondationdupatrimoine.org
A
CLAIRE BOMMELAER
[email protected]
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
28
L'ÉVÉNEMENT
La plus belle
discothèque
de Paris
Dans
un entrepôt
du nord
de Paris
de 4 000 m2,
la Maison
ronde a stocké
500 000
vinyles. 8 000
d’entre eux, des
doublons, dont
certaines pièces
rares, seront
vendus le 19
juin.
REPORTAGE Radio
France met
en vente, le 19 juin, 8 000 vinyles
de ses archives. Tour de piste
avant coups de marteau.
A
C’
contempler des dizaines d’années d’enregistrement. C’est en 1946 qu’un fonds
documentaire spécifique a été organisé.
OLIVIER NUC
Pour la RDF d’abord, puis la RTF, l’ORTF,
£@oliviernuc
et, depuis le 1er janvier 1975, pour Radio
France. Le plus vieil objet stocké est un
est un temple de la
cylindre de 1901. Ici, tous les supports
connaissance, où le passé dialogue avec
physiques sont représentés, soit un pal’avenir. Sise dans un entrepôt du nord de
norama saisissant de l’évolution de la reParis de 4 000 m2, depuis le début des traproduction du son des dernières décenvaux de la Maison de la Radio, en 2006, la
nies. Si les 33-tours se taillent la part du
discothèque de Radio France n’ouvre pas
lion, les 45-tours et les 78-tours ne sont
facilement ses portes. Sous l’impulsion de
pas en reste, avec des étagères dédiées.
son actif directeur, Marc Maret, en poste
Résultat de vingt ans de dons de particudepuis 2010, le lieu s’est progressivement
liers, ces derniers étaient dispersés juslaissé approcher, livrant quelques-uns de
qu’à ce qu’un des cinq permanents préses secrets. Depuis janvier 2012, une cinsents dans cette caverne d’Ali Baba ne se
quantaine de musiciens y a été reçue dans
charge de les classer.
le cadre de l’émission « Radio Vinyle ».
Celui-ci est en carton, celui-là, frappé
Archie Shepp, Damon Albarn, Françoise
du logo « Festival », présente un proHardy et bien d’autres ont pu explorer la
gramme intitulé « Colette vous parle ».
vertigineuse collection de disques et déOn apprend au passage que Decca a été la
voilé quelques-uns des trésors trouvés.
première marque à reproduire la photo
Diffusée sur les antennes de Radio Frandes artistes sur la pochette, jusque-là réce, sur un site Internet dédié, l’émission
servée au logo du label éditeur. Depuis
est désormais retransmise sur France Ô.
leur apparition, à la fin des années 1940,
Catalogues prestigieux
jusqu’en 1979, les 33-tours ont été rangés
par label, au rythme de 150 à 180 par
Le 19 juin prochain, à 14 heures, à la Mairayonnage. Un coup d’œil permet de se
son de la Radio, 8 000 vinyles, sur les
replonger dans quelques catalogues pres500 000 entreposés ici, seront mis à l’entigieux : Barclay, Harvest, Island, Reprican. Cette vente sera suise, ou des curiosités
vie de quatre autres. Il
comme Folkways
s’agit de financer le proRecordings, qui
gramme de numérisation
proposent des dodes archives de la maicuments sonores
son, dont le coût est trop
aussi intenses que
lourd à supporter par le
From The Cold Jaws
service public. Une
of Prison, recueil de
partie des doublons,
chansons
écrites
répartis en 424 lots,
par les détenus de
ont été répertoriés par
prisons américaines.
deux experts afin de
La plupart de ces dissatisfaire la demande
ques viennent de
des collectionneurs.
services de presse,
Depuis son retour en
certains ont été acquis
force il y a quelques
par
la
maison,
années, le disque vinyle est
d’autres ont été rapen effet redevenu un objet de
BYRD IN PARIS
portés par des journalisconvoitise.
Enregistré en quintet
tes au fil de reportages en
À l’heure du numérique,
le 22 octobre 1958 à
pays lointain.
maintenir en vie un lieu ausl’Olympia par le grand
Outre la gestion des
si exceptionnel relève de
saxophoniste Donald
archives, une portion
l’exploit. Ici, au détour
Byrd, un de nos lecteurs,
réduite de leur activité,
d’impressionnants rayonce disque marque
les personnels de la disnages, il est possible d’adl’émergence
du hard bop.
cothèque sont chargés
mirer les pochettes, d’en
Estimation 200 à 400 €.
de fournir les producapprécier le grain et de
SYD BARRETT
Perle de la vente, ce tirage
français du premier 45-tours
solo du fondateur de Pink Floyd
date de novembre 1969.
En face B, Golden Hair, poème
de James Joyce mis en musique.
Estimation de 6 000 à 7 500 €.
PHOTOS
FRANCOIS
BOUCHON/
LE FIGARO
JACQUES DUTRONC
teurs des antennes de Radio France en
contenus. Au rythme de plusieurs navettes quotidiennes, ceux-ci (disques, partitions, coupures de presse, ouvrages spécialisés) transitent entre l’entrepôt et la
Maison ronde. En sus des objets physiques, on se charge aussi des numérisations d’urgence. Le 24 mai dernier, il
s’agissait d’être prêt dès 5 heures du matin à diffuser Encore ce soir, le nouveau
single de Céline Dion.
MP3 interdits
Ouverte en 2006, la plateforme numérique permet aux chaînes France Inter et
FIP de ne jouer que des fichiers numériques de type WAV, à la qualité supérieure
au MP3, interdit d’antenne. Plus de
2 millions de fichiers sonores sont déjà
disponibles, et ce chiffre continuera
d’augmenter lorsque le fruit des ventes
permettra le financement du processus.
Avec pour objectif, lors du transfert des
archives dans une Maison de la Radio rénovée, de ne garder qu’un exemplaire
« mint » – en parfait état, selon la terminologie des collectionneurs – de chaque
référence. Le très actif directeur, Marc
Maret, développe par ailleurs d’autres
activités : des expositions temporaires,
mettant en valeur le fonds (la première,
présentée au Printemps de Bourges en
2010, a été consacrée à Gainsbourg) ou
l’édition de sessions uniques, pressées en
petite quantité, qui constitueront les collectors de demain. Alors que la vente du
19 juin promet d’être marquée par la frénésie des collectionneurs, ici, on conserve une vision strictement documentaire :
«Pour nous, un disque correspond à sa valeur d’utilité d’antenne uniquement »,
tempère Marc Maret. ■
Vente organisée par Art Richelieu le 19 juin
à la Maison de la Radio (Paris XVIe).
+ @ SUR LE WEB
» 11 juin – Jack-Philippe Ruellan,
Vannes : l’âge d’or du cinéma
» 12 juin – Millon Bruxelles :
bandes dessinées
» 13 juin – Hôtel des ventes de Genève :
art de l’antiquité
encheres.lefigaro.fr
Cet album de 1968 du crooner
inclut Il est cinq heures, Paris
s’éveille. Il est vendu parmi un lot
de trois albums de son épouse
Françoise Hardy.
Estimation de 40 à 60 €.
FELA KUTI
Inventeur de l’Afrobeat,
le Nigérian Fela Kuti, grande
figure de la musique africaine
des années 1970, est représenté
à travers un lot de trois disques
dont celui-ci, enregistré
à Lagos en 1972.
Estimation de 40 à 60 €.
Un marché qui creuse son sillon
VALÉRIE SASPORTAS
[email protected]
Sa première vente l’a persuadé d’en organiser une seconde. Le 10 février dernier, le commissaire-priseur David
Nordmann a vendu pour 54 005 euros
cinq cents disques vinyles des années
1960 à 1980, aux pochettes illustrées par
des artistes stars de l’art contemporain,
Salle Favart à Paris. Il promet de « faire
mieux » lors de la prochaine vacation,
qu’il prévoit en septembre. Le marteau
de la maison Ader-Nordmann s’enthousiasme pour « cette période de découverte ».
Confiée au soir de la première, sa
conviction est que « le vinyle représente
ce que la bande dessinée était il y a trente
ans : un secteur riche de promesses.
L’étendard de la nostalgie d’une époque.
Un produit multiple, souvent mal conser-
vé, dont la ruée vers les exemplaires parfaits a commencé ». Nordmann surfe sur
la vague. Quelques mois avant lui, entre
les 23 et 24 novembre 2015, un autre
commissaire-priseur parisien, Alexandre Ferri, a dispersé pour 97 280 euros la
plus grande collection de vinyles de jazz
à Drouot : plus de 10 000 albums, dont la
pépite Africa/Brass de John Coltrane et
son groupe, datant de 1961, et dédicacé
par John Coltrane et par McCoy Tyner. Et
pourtant tout ne se passe pas qu’à Paris.
Des perles à la portée de tous
Dans les prochains jours, à Moulins (Allier), le 20 juin, la société Enchères Sadde va à son tour organiser une vente inédite de vinyles de jazz. Plus de 400 lots
de 33-tours, 25 et 30 cm, sont au catalogue. « La plupart ont été peu ou pas écoutés, certains encore scellés. Ils proviennent essentiellement d’une seule collection
privée, soigneusement entretenue, stoc-
kée en appartement et sous pochette plastique », affirme la commissaire-priseur
Marie-Mathilde Sadde-Collette.
Le propriétaire de la collection est le
fondateur d’un club de jazz, la Souris
Noire, à Sancerre, fan de cette musique
depuis l’âge de 18 ans. « Son premier vinyle était Petite Fleur de Sidney Bechet », poursuit Marie-Mathilde Sadde,
qui annonce le second volet de cette
vente à l’automne. En attendant, cette
vacation compte quelques perles à la
portée de tous : un 33-tours de Cecil
Taylor, Unit Structures, du label Blue
Note (1966), dans sa pochette, « probablement jamais joué », estimé entre 80 et
100 euros. Ou cet autre 33-tours du trio
du contrebassiste Henry Grimes, You
Never Heard Such Sounds In Your Life,
de 1966, dans sa pochette et également
a priori jamais joué, pour 60 à 80 euros.
À savoir lequel des deux attire le plus :
les vinyles ou le jazz ? ■
LE FIGARO
CULTURE
29
Mobilier en toc
ou d’époque ?
Vendue près
de 250 000 euros,
la bergère de Madame
Élisabeth, la sœur
de Louis XVI, réalisée
par Jean-Baptiste
Boulard, pourrait faire
partie d’un lot
de faux dont certains
ont été acquis
par le domaine
de Versailles. DR
ANTIQUITÉS Laurent Kraemer, l’expert
Bill Pallot et un restaurateur sont en garde
à vue depuis mardi pour une affaire
de faux meubles supposés XVIIIe.
Le scandale pourrait éclabousser Versailles.
ommes-nous à la veille
d’un grand scandale du marché de
l’art ? Dans l’affaire de faux meubles
supposés XVIIIe, le choc des mots a son
importance pour ne pas voir s’écrouler
un monde où les secrets demeurent
bien gardés au sein de leurs écrins feutrés… La maison Kraemer, qui s’est
réunie en urgence, mardi soir, rue de
Monceau, avec ses conseillers et avocats, a publié un bref communiqué vers
23 heures : « Un membre de la maison
Kraemer a été entendu dans le cadre de
la procédure en cours. » Il s’agit de Laurent Kraemer qui dirige de fait cette
ancienne galerie familiale, spécialisée
depuis 1875 dans le mobilier et les objets d’art du XVIIIe siècle. Kraemer est
une figure majeure de la Biennale des
antiquaires. Elle risque d’ouvrir, début
septembre, au Grand Palais, dans un
climat de suspicion, si la lumière n’est
pas faite d’ici là.
Mercredi matin, la maison Kraemer
tenait à préciser après nos révélations
dans notre édition du 8 juin : « Il n’y a
pas eu d’arrestation pour “escroquerie”.
La réalité est qu’il y a une enquête en
cours pour éclaircir une affaire, avec des
confrontations s’il y a lieu, dans le cadre
d’une procédure normale. » Bien décidée
à se défendre, la famille ajoute qu’elle
« n’a jamais fait fabriquer de meubles
quels qu’ils soient, juste des restaurations comme il se doit et qu’elle est
convaincue de l’authenticité des meubles
qu’elle vend ».
“
Beaucoup de faux
entrés à Versailles ont été
achetés avec de l’argent
public et souvent
aussi avec des dons
de personnes privées
CHARLES HOOREMAN, ANCIEN ÉLÈVE
DU MARCHAND BILL PALLOT
”
La procédure prend une autre tournure en superposant deux affaires ayant
peut-être un lien. Celle impliquant
l’antiquaire de la rue du FaubourgSaint-Honoré, Jean Lupu, est en cours,
après que ce dernier, dont le marché
connaissait les agissements depuis des
années, a été mis en garde à vue durant
48 heures, en mars dernier. Il est soupçonné par l’Office central de lutte
contre le trafic de biens culturels
(OCBC) et par l’Office de répression de
la grande délinquance financière de la
police judiciaire (OCRGDF) d’avoir
vendu comme XVIIIe des meubles
transformés pas plus tard qu’hier. En
fait, il s’agirait de carcasses de meubles
tellement enjolivées de laques, de plaques de porcelaines, de marqueteries et
de bronzes dorés qu’elles n’auraient
plus grand-chose d’authentique. Elles
auraient été proposées à quelques centaines de milliers d’euros, ce qui paraît
fort cher pour des pièces qui ne valent
pas un sou à la revente, dans différentes
maisons d’enchères en France et en Europe. Le nom de la principale d’entre
elles est sur toutes les bouches mais curieusement n’a pas encore été révélé.
À ce trafic organisé dans l’intention
de tromper sur lequel enquête avec détermination le colonel Ludovic Ehrhart,
chef de l’OCBC, est venue se greffer une
autre affaire visant marchands, experts, décorateurs de renom agissant
pour d’illustres clients et, surtout, un
célèbre musée parisien : le château de
Versailles. Certains sièges y seraient
entrés, par l’intermédiaire d’antiquaires aussi réputés que les Kraemer, après
avoir été classés « trésor national ». Et
avoir passé le filtre des commissions
des musées. Les galeristes auraient
vendu deux paires de chaises de Delanois dont l’une serait fausse. D’autres
sièges, classés également « trésor national », auraient été cédés à un éminent collectionneur puis, dans le doute,
remboursés à ce dernier, les intermédiaires renonçant tout naturellement à
leurs commissions.
Figurant dans la liste du comité d’expertise de la prochaine Biennale, l’ébéniste Sébastien Evain aurait fait une expertise confirmant que, selon lui, cette
paire de chaises provenant de l’appartement de Marie-Antoinette qui fut entre les mains des Kraemer serait de fabrication
contemporaine,
après
démontage et autopsie scientifique. La
paire a fait l’objet pourtant d’une interdiction de sortie et, elle aussi, d’un classement. Une contre-expertise serait en
cours sur ces chaises qui ont leur pendant à Versailles et au Getty Museum.
« Dans ce domaine des objets donnés
faux, on a vu des retournements spectaculaires, comme celui de la terrine du duc
de Kingston, considérée comme authentique là où elle avait été déclarée fausse
pour non-conformité aux règles de l’art
par jugement du tribunal de la Seine en
1923, explique un expert parisien. Elle a
été réhabilitée seulement en 1998. » C’est
dire la complexité du domaine de l’expertise… Interrogée mercredi, Béatrix
Saule, directrice du Musée de Versailles, n’a pas souhaité s’exprimer sur
le sujet. « Il y a une enquête officielle en
cours et l’on n’a pas à intervenir en faisant des commentaires », a-t-elle répondu sèchement. On peut comprendre l’embarras du domaine sur
l’éventualité d’un scandale, à quelques
mois du départ de sa directrice.
Cette nouvelle affaire de faux viendrait de révélations de Charles Hooreman. Ce passionné de sièges XVIIIe ne
se cache pas d’avoir contacté la presse
spécialisée pour venir le consulter dans
ses appartements-bureaux sur cour
d’un ancien hôtel particulier du
VIIIe arrondissement. Ses affirmations
restent floues mais seraient, à l’entendre, guidées par un désir chevaleresque : « Je suis là pour vous dire ce que je
sais mais je ne cherche pas à prouver
quoi que ce soit, explique cet ancien
élève du marchand Bill Pallot qui affirme avoir été entendu lui aussi par
l’OCBC. Je cherche juste à ce que la vérité éclate. Beaucoup de faux entrés à
Versailles ont été achetés avec de l’argent public et souvent aussi avec des
dons de personnes privées. En tant que
simple citoyen, je n’ai pas envie de voir
de faux dans un musée, ni au Louvre, ni
ailleurs… »
Selon Charles Hooreman, ces meubles proviendraient d’une seule et
même filière, comme une douzaine
d’autres, vendus entre 2009 et 2012, et
dont il a établi une liste. En cause notamment : la bergère de Madame Élisabeth, réalisée par Jean-Baptiste Boulard
et provenant du salon de compagnie de
la sœur de Louis XVI, au château de
Montreuil. Elle a été préemptée par
Versailles à 247 840 euros sous le marteau de Thierry de Maigret, à Drouot,
en 2011. Alors même qu’elle aurait été
proposée à divers marchands au prix
dément d’un million d’euros. Toujours
selon Charles Hooreman, certains
meubles auraient été achetés via l’expert Guillaume Dillée. Ce dernier est
parti vivre à Melbourne en Australie,
juste avant que Sotheby’s ne vende la
collection d’art du cabinet d’expertise
de sa famille, officiant sur le marché
depuis 1925.
« Dans ce genre d’affaires, il y a toujours ceux qui dénoncent pour en récolter
des intérêts, résume le colonel Ludovic
Ehrhart. Ceux qui ont préparé leurs sacs
pour partir à Fresnes ont le temps de voir
pourrir leurs affaires, l’affaire sera longue et difficile pour apporter toutes les
preuves. » Pourquoi l’OCBC a-t-il décidé d’accélérer l’enquête ? L’affaire
gonflait depuis des mois, elle risquait de
sortir au grand jour. Et cela n’est pas un
hasard si ces auditions de Laurent
Kraemer, Bill Pallot, un restaurateur et
d’autres annoncés sont tombées la
veille de l’ouverture, ce mercredi 8 juin
au Petit Palais, des premières assises de
l’expertise organisées par la CNE (Compagnie nationale des experts). Un prétendu amateur du XVIIIe siècle, Frédérick Fermin, masseur-kinésithérapeute
dans le Bas-Rhin, à la tête d’une société
nommée « Décoration Grand Siècle »,
vendant du matériel médical !, est venu
semer le trouble lors de ces discussions.
« C’est une mafia, il fallait assainir ce
marché depuis trente ans », a-t-il lancé
avant de se faire renvoyer dans ses
meubles par le colonel Ehrhart.
À certains marchands, experts et
maisons de ventes, Fermin aurait récla-
mé des sommes importantes d’argent
pour se faire rembourser des pièces
qu’il jugeait non authentiques, sous
peine d’une longue liste de révélations.
Certains se sont laissé intimider,
d’autres ont porté plainte contre cet
homme qui, à chaque reprise de ses objets, aurait encaissé quelques bénéfices.
Ce chantage n’est qu’un petit chapitre dans le roman d’une supposée grande affaire qui enfle de jour en jour sur
fond de jalousie, vengeance et règlements de comptes. « Je refuse de parler
à ce M. Hooreman que j’ai aidé, interdit
de séjour à Versailles comme Christian
Baulez et qui n’est jamais venu me voir »,
tempêtait Bill Pallot, quatre jours avant
son interpellation. Qui piège qui ? Il faut
rester prudent. On devrait aujourd’hui
connaître les premiers résultats de ces
gardes à vue, mais à l’évidence le
feuilleton nous réserve de nombreux
rebondissements. ■
COMMUNIQUÉ
Monsieur le Président de la République,
la loi “création” ne doit pas sacrifier les artistes
interprètes dans l’intérêt de l’industrie du disque
Monsieur le Président,
Le projet de loi “liberté de la création, architecture et patrimoine” entre dans sa dernière phase d’examen
au Parlement.
Dans sa rédaction proposée par le gouvernement, comme après les différents amendements qui ont pu
être apportés par les parlementaires, ce texte, loin de protéger la création, favorise l’industrie du disque
aux dépens des artistes interprètes.
L’un des grands enjeux de la culture, en France comme en Europe, est d’adapter la propriété intellectuelle
aux nouveaux modes de diffusion de la culture, et en particulier par Internet.
La diffusion de musique, comme de films, par les nouvelles plateformes de service à la demande, en flux
ou par téléchargement, se développe aujourd’hui sans que les artistes interprètes ne soient rémunérés.
Ainsi, dans le domaine de la musique, seules quelques vedettes perçoivent une petite part des sommes
perçues par les producteurs.
L’immense majorité des artistes ne reçoit aucune rémunération spécifique lorsqu’un titre est téléchargé
ou écouté à partir d’une plateforme, alors que la loi leur donne, depuis 1985, par exemple, des garanties
de rémunération pour la diffusion sur les radios.
Ce débat, essentiel, a été confisqué par le gouvernement, au motif qu’au terme d’une mission confiée
par la Ministre de la Culture Fleur Pellerin, quelques organisations d’artistes interprètes ont accepté de
renvoyer ce débat à un accord syndical, qui, jusqu’à présent, n’a abouti qu’à sacrifier les droits des artistes
au bénéfice de l’industrie.
Nous avons exprimé notre plus vif désaccord, au nom des dizaines de milliers d’artistes interprètes que
nous représentons, contre cette manœuvre grossière et désastreuse.
Dans le cadre des débats parlementaires, et malgré les propositions constructives de plusieurs députés
et sénateurs, l’arbitrage du gouvernement a toujours conduit à favoriser les positions de l’industrie contre
celles des artistes interprètes.
C’est un choix dangereux pour la culture, pour la diversité et pour l’avenir de la création en France.
Nous vous demandons donc, Monsieur le Président, d’intervenir afin que le gouvernement ne contribue
pas à une campagne d’exclusion des artistes interprètes.
Leurs droits sur Internet doivent être reconnus et ils doivent recevoir des plateformes offrant des services
à la demande la rémunération à laquelle ils ont droit.
Si le projet de loi n’est pas sérieusement amendé, la “liberté de création” se résumera, pour la quasitotalité des artistes, à la liberté de céder tous leurs droits aux producteurs sans que l’exploitation de leur
travail sur Internet ne soit rémunérée par les plateformes de musique en ligne.
La protection de la culture ne peut se baser uniquement sur des mots et des déclarations sans lendemain.
La protection de la culture est, Monsieur le Président de la République, de la responsabilité du pouvoir
politique, qui seul peut donner aux artistes les moyens d’exercer leurs droits sans être victimes du
rapport de force économique que leur impose l’industrie phonographique. Elle est de votre
responsabilité.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en l’expression de notre haute considération.
A
S
BÉATRICE DE ROCHEBOUËT
jeudi 9 juin 2016
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
30 CULTURE
« Les Maîtres
chanteurs » seigneurs
en leur royaume
OPÉRA La production de Munich restera comme
la plus intéressante et la plus forte de cette saison.
CHRISTIAN MERLIN
P
Multi-instrumentiste, Andy Shauf s’attache au sort de personnalités ordinaires sans jamais cultiver le misérabilisme.
Un bon tour de Shauf
COLIN MEDLEY
CHRONIQUE « The Party », second album de ce chanteur canadien
discret, dévoile une passion pour la pop des années 1960.
LA MUSIQUE
Olivier Nuc
[email protected]
D
e l’art de perfectionner ses
connaissances géographiques en écoutant de la musique : Andy Shauf est originaire du Saskatchewan.
Si cette province de l’Ouest canadien
au nom d’origine indienne est la patrie
natale de Joni Mitchell, on ne peut pas
dire qu’elle ait engendré des milliers
de musiciens célèbres. Ce nouveau
venu pourrait bien inverser la tendance. Sur son second album, The Party, il
confectionne une formule d’une extrême délicatesse, aux arrangements à
la fois soignés et discrets.
La voix et ses mélodies fluides
C H A B L I S
d’Andy Shauf ne sont pas sans évoquer
les disques du regretté Elliott Smith,
disparu en 2003. Comme lui, Andy
Shauf a été très marqué par la production des années 1960, en particulier
celle des Beatles. On connaît de plus
mauvaises influences. On saura surtout gré à ce multi-instrumentiste de
ne pas avoir livré un énième album de
folk anémique fleurant le bio et
l’authenticité de pacotille. S’il dépeint
des personnages à côté de la plaque et
autres inadaptés notoires, The Party ne
cultive pas le misérabilisme à tout
prix. Empruntant son titre à la comédie mettant en scène Peter Sellers dans
son rôle le plus désopilant, c’est un
vrai faux album concept. Il s’attache
au sort de personnalités à la destinée
ordinaire dans une « ville de la taille
d’une assiette ». Un endroit qui pourrait bien être sis dans le Saskat-
-
F R A N C E
chewan, où tout se sait, et où les exploits de la veille se retrouvent
commentés bruyamment le lendemain.
Arrangements
inventifs
Andy Shauf s’emploie à décrire l’after
avec des mots choisis. Dommage qu’il
soit parfois si difficile de distinguer les
paroles des chansons, murmurées et
voilées par des effets de production.
On croirait entendre les premiers albums de REM, lorsque Michael Stipe
masquait volontairement ses mots
avec une élocution opaque. C’est dans
la cave de ses parents que ce jeune
homme discret a commencé par
consigner ses premières démos. Empilant les instruments lui-même (batterie, piano, guitare et autres), il en a tiré
un premier recueil dès 2009. À cette
époque, Shauf cite Wilco et Neil Young
parmi ses plus grands modèles. Mais
c’est en 2012, avec The Bearer of Bad
News, premier album à proprement
parler, qu’il a commencé à être identifié, d’abord sur le continent américain
puis en Europe. D’autant que le disque
a été réédité en 2015. Sur The Party,
Shauf avait commencé par emprunter
une méthode différente, invitant un
groupe à l’accompagner en studio.
C’est pourtant en jouant toutes les
parties instrumentales lui-même qu’il
a abouti à sa plus belle collection de
chansons à ce jour.
Sur scène, Andy Shauf interprète ses
titres seul à la guitare acoustique.
Pourtant, on y distingue ses arrangements inventifs et subtils. Une autre
manière d’évoquer Elliott Smith, dont
la première apparition parisienne, à
l’Européen en 1998, nous avait émus
aux larmes par son dépouillement
mêlé de luxuriance harmonique et
mélodique.
The Party, d’Andy Shauf, Anti-Pias.
our les wagnériens, la saison 2015-2016 restera celle
des Maîtres chanteurs, beau
rattrapage pour le moins
souvent joué des grands
Wagner. On a eu des sensations fortes
à Berlin au mois d’octobre, on en a eu
à nouveau à l’Opéra Bastille en mars.
Mais il se pourrait bien que ce soit la
production de l’Opéra de Munich, à
laquelle on vient d’assister, qui l’emporte sur tous les plans. À tout seigneur, tout honneur : la direction de
Kirill Petrenko, actuel chef permanent de l’Opéra de Bavière en attendant de prendre la succession de Simon Rattle au Philharmonique de
Berlin, s’est une fois de plus révélée
un choc musical.
Dans la fosse du théâtre qui a tout
de même vu la création des Maîtres en
1868, il nous donne tout simplement
l’impression d’entendre l’œuvre pour
la première fois. Déroutants dans les
premières minutes, ses tempi extrêmement vifs se révèlent bientôt d’un
allant, d’une alacrité, d’un « drive »
irrésistibles, tout en restant constamment chantants. Et surtout d’une logique implacable, tant les motifs si
savamment imbriqués par Wagner
s’enchaînent sans le moindre temps
mort. C’est électrisant et jubilatoire,
marqué du sceau de l’évidence, à la
tête d’un orchestre et d’un chœur au
sommet.
La mise en scène de David Bösch,
ensuite. Oh, elle déplaira à ceux qui
aiment de jolis décors d’époque,
mais une fois franchi le pas de l’actualisation, quelle intelligence pénétrante, quel souci du détail ! La
moindre silhouette, le moindre figurant est caractérisé avec la justesse
des grands seconds rôles du cinéma
d’autrefois. Surtout, alors que l’on
avait regretté que la pure comédie à
Berlin et la poésie décorative à Bastille évacuent tous les arrière-plans
d’une œuvre plus profonde qu’elle
n’y paraît, Bösch en exalte les ambiguïtés. Il nous fait croire à une farce
hilarante, pour finalement en souligner l’ambivalence. La gentille rixe
des citadins devient une attaque de
hooligans avec battes de base-ball,
dans un quartier où la police n’est
pas bienvenue. Le personnage de
Beckmesser, qui se suicide à la fin,
devient une figure tragique. Ambivalences parfaitement bien vues et
défendues avec la même logique que
la direction musicale.
Loin de toute caricature
Last but not least, la distribution est,
comme la plupart du temps à Munich, d’une homogénéité à toute
épreuve. Ardemment attendu, le
Stolzing de Jonas Kaufmann n’a pas
déçu : après s’être économisé au premier acte, il a déployé tout le cantabile charmeur de sa voix ambrée au
troisième, incarnant à merveille son
personnage d’adolescent rebelle. On
a connu Sachs vocalement plus charismatique que Wolfgang Koch, mais
son endurance et surtout son humanité ont touché au plus profond.
Markus Eiche révolutionne le rôle de
Beckmesser, non seulement en attirant la compassion plus que le rire,
mais en le chantant à merveille, loin
de toute caricature. Pogner luxueux
de Christof Fischesser, David
éblouissant de Benjamin Bruns, Magdalene inoubliable d’Okka von der
Damerau, seule la voix un peu métallique de Sara Jakubiak déparant légèrement dans une soirée d’ores et déjà
mémorable. ■
Les Maîtres chanteurs , Opéra
de Bavière (Munich), prochaines
représentations les 28 et 31 juillet.
www.staatsoper.de
Jonas Kaufmann a déployé tout le cantabile charmeur de sa voix ambrée pour
incarner à merveille Walther von Stolzing. WILFRIED HÖSL/BAYERISCHE STAATSOPER
Michel Vinaver, du beau travail !
THÉÂTRE Gilles David met en scène au Studio-Théâtre de la ComédieFrançaise « La Demande d’emploi », pièce féroce qui n’a pas pris une ride.
ARMELLE HÉLIOT [email protected]
blog.lefigaro.fr/theatre
A
M
ichel Vinaver a toujours
été en quête de formes.
S’il a souvent puisé dans
le monde réel pour cristalliser des « sujets » de
pièces de théâtre, il a toujours pris soin
de ne jamais basculer dans un réalisme
sans mystère. Michel Vinaver dramaturge est d’abord un écrivain. Et il
n’aime pas les recettes.
Dans sa dernière pièce, vue au TNP de
Villeurbanne (69) puis à La Colline à Paris, Bettencourt Boulevard ou une histoire
de France, il avait procédé par « morceaux ». Dans La Demande d’emploi, qui
date de 1971, ce sont des dialogues qui se
croisent, des répliques qui glissent les
unes sur les autres, des préoccupations
qui interfèrent. Trente « morceaux »
abrupts en une sorte de match à quatre,
comme un double mixte au tennis, mais
en beaucoup plus compliqué…
Entretien d’embauche
Un exercice d’une redoutable difficulté
pour les interprètes qui ne peuvent pas
suivre le fil d’une pensée unie et unique, et doivent sans cesse passer du coq
à l’âne.
Évidemment, pour des comédiens, la
partie, redoutable, est d’abord jubilatoire, et on a le sentiment que chacun
s’amuse beaucoup. Gilles David dirige
ses camarades avec fermeté dans un espace volontairement neutre imaginé
par Olivier Brichet. La pièce n’est en
rien démonstrative, même si l’on y voit
un cadre au chômage, Fage (Alain Len-
glet) passer un entretien d’embauche
très déstabilisant devant Wallace (Louis
Arene). Un entretien qui le renvoie aux
failles de sa vie familiale : une fille, Nathalie (Anna Cervinka) dans la révolution d’après 68, une épouse, Louise
(Clotilde de Bayser), qui s’est beaucoup
sacrifiée mais va trouver une autorité
nouvelle dans cette crise.
C’est vif, étourdissant, jamais lassant,
très souvent drôle et d’une férocité déchirante. Cette pièce a plus de 45 ans,
mais elle demeure d’une actualité troublante. C’est ainsi que Vinaver est
grand ! ■
« La Demande d’emploi », Studio-Théâtre
de la Comédie-Française (Paris Ier),
à 18 h 30. Du mercredi au dimanche,
jusqu’au 3 juillet. Tél. : 01 44 58 15 15.
www.comedie-francaise.fr
LE FIGARO
VIN
jeudi 9 juin 2016
31
Portrait-robot de l’amateur chinois de vin
ENQUÊTE Fin mai se tenait le grand salon Vinexpo Hong Kong. L’occasion de vérifier sur place
si l’empire du Milieu s’est converti aux crus français.
ENVOYÉ SPÉCIAL À HONG KONG
ix-neuf heures, la nuit
vient de tomber à Hongkong comme un
couvercle sur une Cocotte-Minute. Dans
une chaleur suffocante, quelques happy
few en smoking fendent la foule pour
converger vers le grand Hyatt Hotel et se
rendre à la « Jurade » de Saint-Émilion,
la soirée phare qui se tient en ouverture
de la 7e édition de Vinexpo Hong Kong.
Au cours d’une longue cérémonie gentiment désuète, les propriétaires de châteaux saint-émilionnais intronisent des
dizaines de convives, dont une grande
majorité de Chinois, qui ne boudent pas
leur plaisir de revêtir la cape rouge du
Prud’homme ou de Dame de la Jurade.
Bordeaux est prêt à tout pour choyer cette population, car même si les Chinois
restent les plus importants consommateurs de bière et de Cognac, ils s’ouvrent
au vin depuis une vingtaine d’années, et
chaque vigneron garde en ligne de mire
ce marché de 1,3 milliard d’habitants.
« Pour l’instant, on peut estimer à 45 millions le nombre de Chinois buvant du vin
d’importation », relativise Bruno Baudry,
président d’ASC Fine Wines, l’un des
principaux distributeurs de vins en
Chine. Mais où vont leurs préférences ?
« Les Chinois sont aujourd’hui les plus
grands consommateurs de vin rouge, explique Guillaume Déglise, le directeur
général de Vinexpo. Et la France tire très
bien son épingle du jeu, puisque nous représentons 42 % de cette consommation, à
la première place devant l’Australie, le
Chili et l’Espagne. » D’ailleurs, dans les
allées de Vinexpo Hong Kong, on peut
palper l’intérêt des Chinois pour les vins
français. « Une jeune Chinoise vient tout
juste de m’acheter 1 000 bouteilles de mon
saint-émilion pour aller les vendre dans
des clubs privés ou des karaokés de provinces », se réjouit Olivier Decelle, le propriétaire du Château Jean Faure. Sur les
deux étages et les 15 000 m2 du salon, les
stands français occupent les deux tiers de
l’étage supérieur. « Nous assistons à un
retour des acheteurs chinois. Après avoir
été un marché d’image, la Chine devient
désormais un marché de consommateurs,
explique le directeur général de Vinexpo.
En 2009-2010, Bordeaux a fortement profité de l’engouement des Chinois pour les
grands crus. Plus c’était cher et plus ils
achetaient, confirme un négociant bordelais qui a fait le déplacement à Hongkong.
Pas pour boire, mais pour asseoir un statut
social et pour alimenter un marché de cadeaux. » Mais la politique d’austérité et
de lutte contre la corruption menée par le
nouveau président chinois, Xi Jinping, a
“
Le marché
chinois est
en pleine reprise
”
GUILLAUME DÉGLISE, DG DE VINEXPO
stoppé net ces pratiques. « Ce qui est plutôt une bonne chose car cela a permis de
rationaliser le marché. Les Chinois commencent à être des amateurs au palais très
sophistiqué. S’ils n’achetaient que des
grands crus classés de bordeaux il y a dix
ans, ils s’ouvrent désormais sur d’autres
régions comme la Bourgogne et la vallée du
Rhône, bien sûr, mais aussi sur l’Alsace ou
encore le Languedoc. La Grange des Pères
fait un carton », souligne Arthur de
Lencquesaing d’Idealwine, site de courtage en ligne de vins. « La Chine est un
marché très important pour nous, rappelle
Antoine Pirie, directeur des Vignobles
Foncalieu, dans le Languedoc. Nous y
vendons 4 millions de bouteilles, soit 20 %
de notre production. Nous élaborons même
des cuvées adaptées à leurs goûts, très colorées et avec un peu de sucre résiduel. »
Les Chinois consomment donc beaucoup de vin rouge, mais commencent-ils
à s’intéresser au blanc ? « Oui, répond le
producteur bourguignon Alberic Bichot.
Un Chinois qui boit du blanc est tout de sui-
DR
D
FRÉDÉRIC DURAND-BAZIN
£@FDurandBazin
Les Chinois apprécient surtout le vin rouge et commencent à s’intéresser au blanc.
te considéré comme un connaisseur. »
Mais pas n’importe lequel. S’ils aiment les
vins d’Alsace, par exemple, ils ne se sont
pas encore convertis aux rieslings tendus
et minéraux. « Ce sont deux caractères
que vous aurez du mal à faire apprécier à
un Chinois, sourit Yves Baltenweck, président de la Cave de Ribeauvillé. En revanche, ils sont fans de pinot gris, de muscat ou de gewurztraminer, des vins qui
comportent du sucre résiduel. » Ce qui
n’empêche pas le propriétaire du port de
Canton de lui avoir acheté 2 000 bouteilles du Clos du Zahnacker. Et le champagne ? « Les Chinois n’aimant ni l’acide
ni les bulles, la tâche n’est pas aisée pour
nous », plaisante Michel Drappier, de la
maison de champagne Drappier. Les
Chinois n’ont consommé, en 2015, que
1,3 million de bouteilles (à titre de comparaison, la Grande-Bretagne en a absorbé 34,15 millions la même année). Pourtant, là aussi, les choses commencent à
changer. « Il y a vingt ans, je vendais essentiellement des demi-secs. Ce sont désormais les bruts sans année qui ont le plus
de succès, et les clients commencent à s’intéresser aux cuvées plus âgées et aux cuvées millésimées. » Pour preuve, le prix
moyen des champagnes vendus en Chine
s’élève à 16,50 €, contre 15,15 € pour le
monde entier.
Parfois, il suffit d’un coup du destin
pour que les Chinois s’enthousiasment
pour une cuvée ou un vigneron. C’est ce
qui est arrivé à Dominique Piron, propriétaire dans le Beaujolais. « Lors de sa
dernière visite en France, le président
chinois, Xi Jinping, est d’abord passé par
Lyon. À cette occasion, il a rencontré
Dominique, explique son associé Julien
Revillon. Et comme il a apprécié nos vins,
nos ventes ont été immédiatement boostées
en Chine. Nous y réalisons entre 20 et 25 %
de notre chiffre d’affaires. »
Lors de la fermeture des portes de Vinexpo, les sourires étaient accrochés aux
visages des exposants. « Le marché
chinois est en pleine reprise. Pour preuve,
la hausse des fréquentations des visiteurs
chinois au salon : + 7,9 % », se réjouit
Guillaume Déglise. La Chine est aujourd’hui le cinquième marché consommateur de vin au monde, pour le plus grand
bonheur des producteurs français. ■
+ @ SUR LE WEB
» Un premier vignoble sur un toit
de New York.
www.lefigaro.fr
Le goût de Londres
SÉLECTION « Le Figaro » s’est rendu au Decanter World Wine Awards
(DWWA), l’un des plus prestigieux concours de vins au monde,
qui vient de publier la liste de ses lauréats.
GABRIELLE VIZZAVONA £@gvizzavona
L
a revue œnologique anglosaxonne Decanter organise
depuis treize ans un concours
de vins du monde devenu une
référence internationale. Decanter fait appel à certains des meilleurs
dégustateurs du globe, de 25 nationalités différentes - Masters of Wine,
meilleurs sommeliers du monde, acheteurs, critiques et journalistes -, qui se
retrouvent fin avril à Londres pour juger à l’aveugle 16 000 échantillons envoyés par les vignerons de 53 pays différents.
Dans l’East London, sous les gigantesques verrières des salles de Tobacco
Dock – un ancien entrepôt à tabac -, les
tables rondes de quatre juges sont clas-
sées par zones viticoles et tranches de
prix. Les médailles de bronze, d’argent
et d’or sont accordées, ou refusées, au fil
des séries d’une dizaine de vins - les
« flights » - qui se succèdent en silence.
Ici, il ne s’agit pas pour le dégustateur
d’exprimer son propre goût, mais, au
contraire, d’essayer d’écarter toute subjectivité pour juger le grand nombre
d’échantillons de façon neutre. Un
exercice délicat et physiquement éprouvant, même pour les palais surentraînés.
Jugement suprême
Certains vins divisent les arbitres. Les
contestataires font alors appel au jugement suprême de Steven Spurrier
- président des DWWA - ou de Gérard
Basset – charmant vice-président de
l’édition 2016, Master of Wine et
meilleur sommelier du monde 2010 -,
qui circulent, bienveillants, autour des
tables, prêts à trancher sur le sort d’un
flacon anonyme. Lors de l’édition de
2016, 539 vins ont reçu une médaille
d’or, avant d’être jugés de nouveau
pour gratifier les meilleurs d’entre eux
du titre ultime de médaillé de platine.
Certains pays ou appellations sont
plus primés que d’autres. Cette année,
c’est l’Australie qui cumule le plus de
médailles d’or : 45 au total. La reconnaissance de l’impact d’une telle récompense n’est pas uniforme et crée
un biais inévitable, tenant à la nature et
à la quantité d’échantillons envoyés
par les vignerons des différentes zones.
Pourtant, cette influence est bien réelle
auprès d’un consommateur qui, devant l’embarras du choix, se rattache
bien souvent à des signes extérieurs de
qualité. ■
Les terroirs français primés par « Decanter »
Henriot
Blanc de Blancs
Un perlage fin et délicat pour cette cuvée
100 % chardonnay aux notes pâtissières
et florales, à la bouche concentrée et
longue.
Prix : 35 euros.
DE LA CÔTE DE NUITS À PLUS
DE 20 EUROS
Domaine de la Vougeraie 2014,
AOC clos-de-vougeot grand cru
Cultivées en biodynamie sur 1 hectare de
vignes situées sur le haut du clos de Vougeot, les vignes de pinot noir produisent
ce vin plein de finesse.
Prix : 110 euros.
n MEILLEUR BOURGOGNE BLANC DE
LA CÔTE-D’OR À PLUS DE 20 EUROS
n MEILLEUR BORDEAUX RIVE GAUCHE
À PLUS DE 20 EUROS
Une cuvée équilibrée et fraîche, aux notes de pêche et de fleurs blanches, d’une
belle persistance en bouche.
Prix : 30 euros.
Issu de vignes de plus de 80 ans plantées
entre les communes de Margaux et Soussans, un vin racé et d’une grande pureté
aromatique, assemblage de cabernet
sauvignon, de merlot et de petit verdot.
Prix : 150 euros.
Vieux Clos du Château de Cîteaux 2014
AOC meursault
n MEILLEUR BOURGOGNE ROUGE
Clos des Quatre Vents 2014
AOC margaux
n MEILLEUR VIN ROUGE DU RHÔNE
À PLUS DE 20 EUROS
Bosquet des Papes Chante Le Merle
vieilles vignes 2014
AOC châteauneuf-du-pape
Élégant et long, cet assemblage de grenache (80 %) syrah et mourvèdre aux
tanins fermes pourra vieillir plus de dix
ans.
Prix : 31 euros.
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À PLUS DE 20 EUROS
Domaine Jourdan & Pichard
L’Arcestrale 2014
AOC chinon
Un vin souple et concentré aux arômes
de baies, d’épices et de chocolat noir.
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jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
32
STYLE
La robe-chemise
à la verticale
de l’été
E
MAUD GABRIELSON
lle fait partie de ces pièces
qui traversent nos étés avec une désarmante facilité. Et ce depuis plus longtemps que vous ne croyez… « La robechemise est le tout premier vêtement
estival, explique Xavier Chaumette,
historien de la mode. Elle est dérivée de
la “chemise à la reine”, popularisée par
Marie-Antoinette. À la fin du XVIIIe siècle, l’idée du confort vestimentaire commence à se faire sentir. Cette robe longue
en lin et coton, aux manches amples et
dotée d’un fil coulissant à la taille, s’enfilait à l’origine pour dormir. Détournée en
habit d’extérieur, elle se porte sans crinoline et rencontre un fort succès,
d’abord auprès de la noblesse, puis,
après la Révolution, plus largement dans
la société quand elle devient un symbole
démocratique de libération des corps. »
Aujourd’hui encore, sa simplicité
d’usage et d’apparat reste son meilleur
atout. Convertie depuis longtemps, la
créatrice
parisienne
Valentine
Gauthier l’intègre dans ses collections
régulièrement : « J’aime qu’elle allie
sobriété et sophistication, féminin et
masculin, comme si on avait emprunté la
chemise de son amoureux le matin. Elle
possède cette qualité “plusieurs vêtements en un” qui me plaît bien. On peut
l’enfiler à la plage, très simplement pardessus son maillot de bain, ou le
soir accessoirisée avec de jolis
bijoux et des sandales,
dans un esprit plus habillé. Je la décline dans
plusieurs matières et
imprimés, et l’effet
est différent à chaque fois. Sur de la
soie délicate, cela
évoque plutôt le
vestiaire
de
nuit,
très
dandy chic.
Mais façonnée
dans un coton épais rayé,
elle s’apparente à ces
chemises trop grandes
que l’on aurait héritées
d’un grand-père. » Cet
été, la styliste met l’ac-
Valentine Gauthier
cent sur la transparence et les motifs
tropicaux pour une allure féminine et
surtout pas empruntée.
Pour Marie de Reynies, responsable
du marché femme du Printemps,
« l’attrait de notre clientèle pour la robechemise s’explique par son côté indémodable, c’est un classique du dressing estival. De plus, elle convient à toutes les
morphologies. On peut tricher avec elle :
en la ceinturant pour accentuer et affiner
la taille ; en la choisissant courte, façon
tunique, afin de mettre en valeur les jambes ; ou en optant pour son interprétation
la plus masculine, donc très ample, permettant une grande liberté de mouvements. »
Boss
Tod’s
Un terrain de jeu
pour designers
Si elle reste plutôt conventionnelle chez
certains créateurs puristes – on apprécie sa version blanche au col strict boutonné haut chez Boss ou sa déclinaison
ultralongue aux larges rayures chez les
Italiens de Dolce & Gabbana -, cette
pièce hybride s’est aussi muée en un
terrain de jeu expérimental pour designers en quête d’inattendu. « Il y a un
travail créatif certain dans les collections
printemps-été 2016. Les modèles aux coupes accidentées, qu’ils soient drapés sur
l’arrière, asymétriques, froncés ou noués à
la taille par des jeux de manches sont légion », continue Marie de Reynies.
Parmi les nombreuses propositions, on retient la robe-chemise, portée devant-derrière, de la griffe italienne
Tod’s ; la variante boutonnée dans l’oblique chez
Vivienne Westwood Red
Label ou celle nouée façon
kimono déstructuré chez
3.1 Phillip Lim. Mais quel
que soit son degré de sophistication dans la coupe,
elle reste une amie de l’épure et supporte peu d’encombrements. Se contenter alors
d’espadrilles en toile unie et
d’une ceinture en cuir lisse,
ou de compensées glamoureuses et de bijoux dorés qui
tranchent sur la peau hâlée.
Less is more. ■
Vivienne
Westwood
Red Label
Vue d’Amérique
Quand deux ex-rédactrices mode
du magazine Vogue américain
lancent leur label, il s’en dégage
inévitablement un mix de chic
et d’intemporel. Meredith Melling
et Valerie Boster, qui ont été à bonne
école, se sont associées à Molly
Howard, transfuge de la griffe newyorkaise cool et radicale Rag & Bone.
À travers « La Ligne » - en français
dans le texte, en référence aux
rayures, leur imprimé fétiche, mais
aussi au style français -, les trois
amies font le pari de redessiner les
contours des essentiels d’une garderobe. « Chaque femme n’a finalement
besoin que de six basiques dans
son quotidien. Nous voulons être
ces six basiques ! » aime à dire
Valerie Boster. Chemise blanche,
pantalon noir, combinaison de
pompiste, jupe de working girl, short
de plage… et, bien sûr, la fameuse
robe-chemise qui tient une bonne
place parmi ces indispensables.
Taillée dans une soie souple à rayures
fines, en une version ultralongue
frôlant les chevilles, ou plus courte
mais toujours ample, elle incarne une
certaine idée de l’allure française
fantasmée par les Américaines. Et ça,
on aime.
M. G.
350 €. Disponible exclusivement
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et régulièrement sold out.
La Ligne
L’expérience américaine de Cédric Charlier
TÊTE-À-TÊTE Mardi soir, le styliste belge défilait pour la première fois à New York.
Quelques jours plus tôt, à Paris, il racontait les raisons de cette expatriation… le temps d’une saison.
VALÉRIE GUÉDON
[email protected]
A
L
Le défilé avait pour décor la skyline
de Manhattan. CÉDRIC CHARLIER
e rendez-vous a été fixé le
1er juin dans son showroom
parisien alors que Cédric
Charlier s’apprête à défiler de
l’autre côté de l’Atlantique.
Un show avec en toile de fond la skyline
de Manhattan sur un coucher de soleil,
« du grand New York à l’état pur », ditil. La France doit-elle regretter la fuite
d’un autre talent vers les États-Unis ?
« Pas du tout. Ce défilé restera un “one
shot”. C’est surtout un rêve de créateur.
Je me sens profondément belge, pourtant
je vis à Paris depuis plus d’une quinzaine
d’années. Je travaille avec un groupe italien et je défile à New York. Ma démarche
est en pleine adéquation avec cette génération tournée vers l’international. »
Cet « exil » marque un nouveau
changement de trajectoire pour ce styliste un peu à part, directeur artistique à
succès de Cacharel (2009-2011) avant
de lancer sa propre marque, il y a quatre ans, avec le soutien du groupe textile transalpin Aeffe.
Si cette expérience américaine intervient aujourd’hui, elle n’est pas sans
risque pour le designer de 37 ans qui a
toujours défilé dans le calendrier de la
Fashion Week de Paris. Mais cette décision n’a rien à voir avec le bras de fer
entre les fédérations de la mode à New
York et à Paris.
Une garde-robe
contrastée
« Il s’agit d’abord d’un désir personnel,
tient-il à préciser. Je suis le propriétaire
de mon nom et peux décider ce genre de
choses. Je voulais me donner le temps de
la création. Sortir une collection tous les
trois mois - comme l’industrie l’exige
aujourd’hui -, avec une très petite équipe
comme la mienne, ce n’est pas évident. »
En effet, seulement une petite dizaine
de personnes s’affaire silencieusement
sous la lumière zénithale d’une immense verrière. « La mode est clairement à la
fin d’un cycle, reprend-il posément.
Personne ne sait vraiment ce vers quoi
elle tend. J’ai vu que la presse parle de
moi comme faisant partie du groupe des
cinq (les directeurs artistiques Demna
Gvasalia de Vetements, Julien Dossena
de Paco Rabanne, le duo Arnaud
Vaillant et Sébastien Meyer de Courrèges ont annoncé des choix similaires au
même moment, en février dernier,
NDLR), qui avons décidé de bousculer le
calendrier, les habitudes, etc. Je crois
simplement qu’en ces temps troublés, il
faut suivre son instinct. »
Dans son studio, à Paris, il dévoile
quelques pièces d’une garde-robe qu’il a
voulue contrastée, « entre l’idée d’une
force masculine et d’une féminité extrême,
de l’ordre de cette innocence trouble que
m’évoquent les photos de David Hamilton ». Avant-hier soir, sur un rooftop au
bord de l’Hudson, se succédaient un
pardessus d’homme dont le dos révèle
une aérienne robe smockée, de multiples
négligés volantés, parfois dissimulés sous
de larges vestes de costume, des frousfrous de faux cuir s’amoncelant sur une
robe jusqu’à en modifier la ligne minimaliste signature du Belge. Décolletés et
brassières font la part belle au corps féminin tout comme les coupes ergonomiques. Des couleurs acides, un pied-decoq saupoudré de paillettes ou une maille
seconde peau en Lurex électrisent la silhouette gracile… Pari réussi. ■
+ @ SUR LE WEB
» Plus de mode
www.lefigaro.fr/madame
TOD’S, ZEPPELIN, DR
CHIC FILLE Vue un peu partout
sur les podiums comme dans les enseignes
« high street », elle fleure les vacances
et le bronzage. Petit précis
de cet indispensable de la saison estivale.
jeudi 9 juin 2016
LE FIGARO
STYLE 33
Sessùn, label indé
MODE Basée à Marseille, la ligne de prêt-à-porter bohème et facile à vivre
d’Emma François fête ses vingt ans et ne compte plus ses adeptes.
Emma François (ci-dessus), fondatrice et directrice de la création de Sessùn. Ses modèles sont disponibles dans 800 points de vente dans le monde.
O
VALÉRIE GUÉDON
[email protected]
n aurait aimé écrire,
ici, que la mode vit aussi intensément
en dehors de Paris et vous donner comme exemple le brillant succès de Sessùn
installé dans la Cité phocéenne. Pourtant, à ces mots, Emma François, fondatrice et directrice de la création, répond du tac au tac : « Il n’y a pas de
mode marseillaise, comme il y a une
mode anversoise, par exemple. Cet ancrage géographique est simplement l’opportunité d’une meilleure qualité de vie
pour moi et mon équipe. Nous sommes
toutes à cinq minutes de notre lieu de travail. Et puis, bien sûr, il y a le soleil et la
plage. Cette ville nous apporte un peu
plus de sérénité dans notre quotidien. »
Avant que cette native de Montpellier
ne reprenne : « Je suis beaucoup plus
sensible à l’idée d’un style à la française,
qui se caractérise par un esprit créatif et
alternatif. »
Il y a vingt ans, étudiante en anthropologie économique, elle découvre, au
cours d’un voyage en Amérique du Sud,
le travail des tissus et les broderies de
l’artisanat indien. « J’ai commencé à
vendre à mes amies les petites pièces que je
rapportais de mes voyages d’études pour
arrondir mes fins de mois. Ensuite, j’ai eu
envie d’en faire une petite collection mais
toujours dans l’optique d’un complément
de revenu. Puis, des acheteurs se sont intéressés à mon travail », confie-t-elle
humblement. Son style justement ? Des
classiques à l’esprit bobo, pantalons fluides un poil androgynes, blouses aux imprimés romantiques et robes colorées
mais faciles à porter.
Si, au départ, la jeune femme n’avait
pas l’ambition de créer une entreprise
de prêt-à-porter, elle est aujourd’hui à
la tête d’une véritable marque de lifestyle (qui pèse 18 millions d’euros de
chiffre d’affaires), même si elle avoue
« ne pas beaucoup aimer ce mot. Qui va
doucement va sûrement. Cela a toujours
été mon leitmotiv. Nous développons de
nouveaux projets à notre rythme, nous
essayons de les intégrer et, ensuite, nous
passons à l’étape suivante », expliquet-elle, lucide. Même quand le succès
impose une cadence infernale (des ventes qui croissent chaque année de 20 %
dans environ 800 boutiques autour du
monde), cette quadragénaire garde la
tête froide et gère sa petite entreprise à
sa manière. « Après mes premiers enfants, j’ai voulu lever un peu le pied et savourer le moment. Puis, quand ils sont
rentrés à l’école, j’étais de nouveau pleine d’énergie. C’est aussi cela Sessùn.
C’est l’histoire d’une vie. La mienne »,
résume-t-elle.
Ses nombreuses clientes - des filles
comme elle qui aiment la mode sans être
des fashion-victims, la musique, l’esprit
de la Parisienne rive droite - se sont approprié son vestiaire d’intemporels aussi
raffinés que décontractés, adaptés à la
MÉLANIE ELBAZ/SESSÙN
vie d’une femme de pouvoir comme à
celle d’une lycéenne. « Avec le recul, je
ne trouve absolument pas dénigrant d’être
accessible en prix et en style. Si, au début,
j’avais peur de vulgariser la marque, j’ai
finalement compris qu’il était noble de
pouvoir être comprise et aimée par beaucoup de mes pairs. »
Une éclatante réussite
L’année dernière, elle inaugure, à côté
de son flagship de la rue de Charonne
dans le XIe arrondissement de Paris, un
concept store de 25 m2 baptisé l’Annexe, théâtre de ses « propositions éphémères en continu », soit des expositions
thématiques et transversales autour de
capsules exclusives. « Il y a quelques années, j’ai eu besoin d’élargir le champ du
prêt-à-porter mais pas dans l’idée de
s’associer à d’autres noms, plutôt de promouvoir des savoir-faire différents. Ce
qui a donné lieu à de très jolies rencontres
avec des artisans, des designers, des
musiciens, etc. Par exemple, Émilie Marc
IMMOBILIER
fabrique de ravissants bracelets et minaudières en marqueterie dorée à l’or fin.
Des pièces que je n’aurais pas pu distribuer à grande échelle mais cette boutique
permet de les vendre en petite quantité. »
Là encore, ses fidèles adhèrent et plébiscitent l’endroit qui a abrité, ce printemps, sa collection de best-sellers
Sessùn Oui pour les futures mariées. En
ce moment et jusqu’à la fin août,
l’adresse se transforme en guinguette.
Dans le même temps, un troisième
écrin parisien à sa mode pour filles d’àcôté a également ouvert dans le quartier du haut Marais. Une année d’anniversaire bien remplie à l’image de son
éclatante réussite mais la Française ne
s’enorgueillit que d’une chose : avoir
maintenu son label indépendant. ■
sessun.com
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Stéphane Theuriau, Président du directoire de Cogedim
« L’accélérationdelaconstructionestl’enjeudedemain »
Dispositif incitatifs (PTZ, Pinel), taux d’intérêt au plus bas, offres qualitatives…si la dynamique actuelle soutient l’activité, l’immobilier neuf
doit répondre aux forts besoins en logements dans les grandes métropoles, selon Stéphane Theuriau.
Par Olivier Marin
des accédants dans le neuf ?
STÉPHANE THEURIAU : Oui, car l’environnement des
taux d’intérêt est favorable et surtout cette année,
nous avons l’avènement du PTZ qui se révèle extrêmement efficace avec des possibilités quantitatives
en montant d’emprunt et en durée de différé de
remboursement qui sont avantageuses. Nos chiffres
indiquent un retour très marqué des primo-accédants. Ces derniers représentent 55 % de nos ventes
mais les investisseurs se maintiennent à 45 %. Les
volumes sont en forte augmentation. Nos offres
sont attractives et se concentrent essentiellement
dans les zones tendues où il y a de réels besoins en
logements. J’ajoute que les prix se sont ajustés pour
le haut de gamme. Certes, ils sont relativement
élevés dans le neuf mais ils restent abordables.
Il y a cette volonté d’achat. L’attractivité de l’investissement immobilier sur une période longue
est réelle. Quiconque a investi dans la pierre ces
10, 20 ou 30 dernières années, n’a jamais eu à
le regretter. Les rendements de l’assurance vie sont
en chute, les marchés actions ont laissé des
souvenirs mitigés et l’obligataire ne rapporte plus
rien. L’immobilier a encore un grand avenir.
Quels sont les grands enjeux de demain ?
L’accélération de la construction. La compétitivité
du pays est liée au fait que l’on puisse construire
des logements là où l’on a tout, c’est-à-dire dans
les grandes métropoles. La régionalisation de la
France se fait par l’économie sinon par le politique.
Plus on est proche du terrain, meilleur on est.
Nous avons de grands maires bâtisseurs qui ont
transformé leur ville comme Alain Juppé à
Bordeaux ou Gérard Collomb à Lyon. Ils rendent
leur métropole plus compétitive et n’ont rien à
envier à Paris. Les prix y sont moins élevés, il y a la
culture, les emplois, l’éducation. Je crois beaucoup
à cette dynamique. Il faut être plus incitatif avec
les maires bâtisseurs.
s’améliore. Par ailleurs, dans l’immobilier il faut
faire des choses qui fonctionnent après des retours
d’expérience. L’innovation dans les usages (pièces
en plus, espaces partagés…) ou encore l’internet des
objets doivent être intégrés. Nous faisons beaucoup
de tests comme celui mené avec La Poste sur les
boîtes connectées qui sont des conciergeries privées
et qui fonctionnent avec des SMS. Nous utilisons
le BIM dans le cadre de la conception de nos projets
et la 3D pour la commercialisation. Le digital
va devenir la norme mais il ne faut pas perdre le
contact direct avec le client. C’est dans cet esprit que
nous allons bientôt inaugurer le Cogedim store,
à Bercy Village, que nous avons conçu comme
l’Apple Store de l’immobilier.
Comment travaillez-vous avec les municipalités ?
Quels sont vos grands projets résidentiels ?
Nous avons des relations de partenaires. Il faut que
l’on s’écoute, que l’on nous laisse faire notre travail.
Nous prenons le risque d’acheter des terrains, de
construire. Nous savons comment vendre et à qui.
La concertation doit être raisonnée car il est parfois
un peu choquant que des maires nous imposent des
chartes en contradiction avec des Plans locaux
d’urbanisme. Malgré tout, la qualité du dialogue
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jeudi 9 juin 2016
35
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amoureux
« Le 19/20 »
Radio Classique | 19 heures | mardi
I
Secrets, mensonges et héritage
Drame familial intense, la série danoise « Les Héritiers » a été couronnée de deux Fipa d’or.
CONSTANCE JAMET £@constancejamet
D
epuis Borgen, Bron et
The Killing, la fiction danoise
a conquis les fans de séries.
Avec Les Héritiers, grande
saga que lance ce jeudi Arte,
elle démontre qu’elle excelle tout autant
dans le mélodrame que le polar ou les arcanes du pouvoir. Diffusé à Noël 2014 par
la télévision publique DR, Les Héritiers a
scotché devant son écran un Danois sur
trois avec une histoire vieille comme le
monde : des enfants se déchirent autour
de la fortune de leur mère, disparue soudainement.
Les maudits héritiers en titre sont les
quatre rejetons de Veronika Gronnegaard. Artiste peintre et sculpteur de renommée internationale, elle n’a guère eu
la fibre maternelle. Elle houspille son
aînée Gro, galeriste zélée. Se montre plei-
ne de froideur pour ses fils nés d’une autre
union. Elle n’adresse plus la parole à Frederik, avocat bouillonnant de rage, et ne
s’inquiète guère du sort d’Emil qui ne cesse de lui demander de l’argent. Surtout,
elle a abandonné vingt-cinq ans auparavant une petite fille, Signe, fruit de sa liaison
avec John, qui réparait sa
toiture. Élevée par ce
dernier, Signe, modeste
○○○○
fleuriste, ignore tout de
ses origines. Mais condamnée par un cancer, Veronika lui dévoile la vérité et, dans
son testament, lui lègue son manoir.
Au deuil de leur mère et au choc de
voir cette sœur oubliée réapparaître
dans leur vie s’ajoute pour Gro, Frederik
et Emil la stupéfaction face aux dernières
volontés maternelles qui vont à l’encontre de leurs intérêts.
Gro souhaite ériger une fondation à la
mémoire de sa mère sur le terrain du
manoir. Frederik veut emménager dans
la bâtisse et Emil compte la vendre pour
empocher sa part et rembourser une
énorme dette contractée auprès de la
mafia thaïlandaise. Dès la veillée, les
masques tombent. Signe se retrouve au
centre des convoitises.
Elle comprend vite
qu’elle doit se montrer
aussi impitoyable que
les autres. Cette boîte de
Pandore est jouissive :
l’un après l’autre les secrets enfouis depuis trois générations viennent déboulonner les certitudes et réveillent les
pulsions les plus égoïstes, colériques et
mesquines.
20.55
Jeu de massacre savoureux
En dix épisodes se déploie un jeu de
massacre aussi savoureux que celui distillé en 1995 par Festen, de Thomas Vinterberg, où une famille s’écharpait à
LEHMANN/ARTE
l’occasion des soixante ans de son patriarche. La comparaison avec ce classique du Dogme est d’autant plus tentante
que la série et le film partagent la même
actrice : l’intimidante Trine Dyrholm
(Gro).
La comédienne de 44 ans s’appuie sur
des partenaires irréprochables : Mikkel
Boe Folsgaard, roi fou dans Royal Affair,
campe un Emil séducteur et paumé,
Carsten Bjornlund prête sa carrure de
guerrier viking aux humeurs volcaniques de Frederik. Ces performances sont
au diapason du scénario subtil de Maya
Ilsoe et de la mise en scène épurée de
Pernilla August, ex-épouse du réalisateur doublement palmé à Cannes Bille
August. Poussé par ces atouts, Les Héritiers lance sa troisième saison et a raflé
une pluie de récompenses européennes
dont deux Fipa d’or. Signe ultime de
consécration, une adaptation américaine est envisagée. ■
Coluche, clown protéiforme
Paroles d’humoristes pour rendre hommage au comique mort il y a trente ans.
VALÉRIE SASPORTAS
[email protected]
E
«
Le documentaire sur Coluche,
Le Bouffon devenu roi, vaut son pesant
de réflexions. AGENCE BESTIMAGE/FTV
st-ce que vous savez pourquoi
vous faites marrer les gens,
parce que vous savez les observer ? », demande Michel
Drucker à Coluche, encore à
ses débuts. « Sûrement, oui, oui ! Et puis
je connais bien l’esprit de bistrot. Alors
j’essaie de faire rire avec », répond le
comique. Revoyant la séquence, la comédienne et humoriste Virginie Lemoine observe : « Dans les interviews,
on l’entend toujours avec cette espèce de
gouaille parisienne… » Chaque extrait
du documentaire Le Bouffon devenu
roi, diffusé ce jeudi, sur France 3, vaut
son pesant de réflexions. Ses réalisateurs, Nicolas Maupied et Didier Varrod, ont eu l’idée de demander à des
comiques d’aujourd’hui de parler de
l’artiste à l’approche de l’anniversaire
de sa mort il y a trente
ans déjà, le 19 juin 1986.
Ténors du rire
Sur les planches d’un
○○○○
théâtre parisien où le
grand amuseur a triomphé, des ténors
du rire et de jeunes talents lui rendent
hommage : Patrick Sébastien, JeanMarie Bigard, Jamel Debbouze, Tho-
MOT S C ROI S É S
PROBLÈME N° 4122
HORIZONTALEMENT
1. Auspices d’aruspices. - 2. Cause
de décès. - 3. L'un des ancêtres
littéraires de Cadichon. - 4. Rendions conte. - 5. Espères obtenir
un bon classement. Devient luisant avec un ver. - 6. Jamais sans
Grichka dans l’espace-temps.
Valseuse inexpérimentée. - 7.
Pour le joueur ou le buveur. Fée
persane. - 8. Faire comme MacMahon. - 9. Un habitué du zinc.
Obtins une clarification. - 10.
Imposants ou enivrant. - 11. Appartient à la colonne vertébrale.
- 12. Piques dans la phalange.
Par Louis Morand
VERTICALEMENT
1. Ours de savants. - 2. Ont désormais plus d’ampleur. Géniteur à
moitié seulement. - 3. Passions
au laminoir. Ou encore Moebius.
- 4. Effectuer d’importantes coupures. Dégradé. - 5. Qualités en
or. Mettais à nu. - 6. Boucle de
botte. Dérapages non contrôlés.
- 7. Frapper par surprise. Passe
des lignes. - 8. Fais prendre conscience.
1
1
VERTICALEMENT 1. Répétitrices. - 2. Oxygène. Tant. - 3. Marie-Galante.
- 4. Amon. Oserait. - 5. Nimègue. Cs. - 6. INA. Acra. Rhô. - 7. senèyH.
Chien. - 8. Ères. Éléates.
4
5
6
7
8
BR I D G E
PROBLÈME N° 2324 :
Double indice
6
9
10
11
12
A V 10 9
10 8 7 5
DV85
5
O
N
S
E
32
RDV43
A R 10
A42
4
5
LE BUZZ TV
Invité : Thomas Thouroude
interviewé par Philippe Larroque,
aujourd’hui sur :
Jeudi 9 juin
Par Philippe Cronier www.lebridgeur.com
3
8
SOLUTION DU PROBLÈME N° 4121
3
20.55
2
7
HORIZONTALEMENT 1. Romanise. - 2. Examiner. - 3. Pyromane.
- 4. Égine. Es. - 5. Tee. Gay. - 6. Ingouche. - 7. Teaser. - 8. Lé. Ace.
- 9. Itard. Ha. - 10. Cana. Rit. - 11. Entichée. - 12. Stetsons.
2
mas VDB, Vincent Dedienne, Nicole
Ferroni, Anne Roumanoff et encore
quelques autres. Mais celui qui en parle
le mieux, c’est encore Coluche.
Sketchs et images d’archives aident à
se souvenir des ressorts de son rire.
C’est l’histoire d’un mec, en 1974. Le
Schmilblick. « Dieu a
dit, il y aura des hommes grands, il y aura
des hommes noirs (…)
et tous seront égaux,
mais ça sera pas facile. » Roi de la scène, mais aussi acteur
de cinéma et fondateur des Restos du
cœur. Un film éclectique fait par et
pour ses amateurs. ■
Contrat : Sud joue 6 Coeurs, après une ouverture d’Est de 4 en troisième position.
Entame : 8 de pour le 9 d’Est pris de l’As.
Vous coupez un (le 3 en Ouest), jouez le 7
de pour le Valet (Ouest défausse un !),
coupez un nouveau du 8 (Ouest défausse un
second ) et jouez le 10 de qui fait la levée
(Ouest écartant cette fois un ).
RÉPONSES AU TEST D’ENCHÈRES N° 2323
Votre main en Sud
1 - 87
2-72
3 - A 10 8
4-86
5 - A 10 6 2
RV64
ADV2
V872
AV63
ARV8
A92
R 10 4
R V 10
84
6
RV73
A962
R D 10
A R 10 8 2
V854
Le début de la séquence :
Sud Ouest Nord
Est
1
passe
1
passe
2
passe 2SA* passe
?
* Enchère d’essai généralisé
Quelle est votre enchère en Sud avec
chacune des cinq mains ci-contre ?
Main 1 : 3. Votre main est vraiment minimale. Découragez votre partenaire en revenant
à 3.
Main 2 : 4. Cette fois, répondez positivement avec 14H. Vous n’avez ni force, ni distribution
particulière à mentionner, bondissez tout simplement à 4.
Main 3 : 3SA. Votre main archi plate à honneurs dispersés mais maximale doit vous faire
penser que 3 Sans-Atout sera le meilleur contrat si Nord a lui aussi une main régulière.
Main 4 : 3. Plutôt que de bondir à la manche, montrez en priorité vos cinq beaux en
produisant l’enchère descriptive de 3.
Main 5 : 4. Dans le même esprit, un Splinter à 4 donnera de précieuses informations
à Nord s’il a une main de chelem.
A
Marie Bach Hansen (Signe), Trine Dyrholm (Gro), Mikkel Boe Folsgaard (Emil) et Carsten Bjornlund (Frederik) se déchirent pour l’héritage de leur mère.
l est plutôt agréable
ce « 19/20 » de Patrick Poivre
d’Arvor. Le journaliste a cette
voix suave, confortable comme
les amortisseurs d’une DS,
une voix qui vous emballe,
une belle voix de radio comme
on dit. Mardi, il avait eu la bonne
idée d’inviter Emmanuelle
de Boysson. Elle vient de publier
un Balzac amoureux aux éditions
Rabelais. Balzac amoureux,
vaste programme, il fallait avoir
le courage de se jeter à l’eau,
de se mettre au café turc.
Dès que l’on parle des femmes,
PPDA est au garde-à-vous.
Un vrai setter pointer. Un avisé.
Il connaît bien le dossier.
Avec Balzac, la romancière
est presque chez elle. Ses trois
auteurs de chevet ? Stendhal,
Balzac et Proust, un beau tiercé
dans l’ordre. Elle nous rappelle
que Balzac était raide dingue
de Laure de Berny de plus
de vingt ans son aînée. Et puis
bien sûr, il y a la Polonaise,
la Hanska avec qui il se marie
avant de passer l’arme
à gauche, à 51 ans. Il l’a attendue,
lui a écrit des lettres pendant
dix-huit ans avant d’aller
la chercher. Balzac est une
machine de guerre,
un entrepreneur endetté,
un homme en robe de chambre
ou plutôt en robe de bure,
un ascète. Le travail ne lui fait pas
peur. Dîner à 18 heures, un petit
somme, lever à minuit, il écrit
debout pendant douze, treize,
parfois dix-huit heures. Son
génie ? Oh, il est tout simple :
il a inventé le retour
des personnages, les héros
récurrents comme on dit
aujourd’hui. Rastignac,
Vautrin, etc. S’il nous faut
conseiller une porte d’entrée
à un jeune lecteur qui aimerait
se plonger dans le torrent Balzac,
nous lui conseillerons Le Père
Goriot. Là se trouve sans doute
le nœud de sa comédie humaine.
Ensuite, faites votre marché.
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
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ÉPHÉMÉRIDE St-Diane
Soleil: Lever 05h47 - Coucher 21h52 - Lune croissante
19.00 Money Drop. Jeu. Présentation : Laurence Boccolini. 20.00 Le
20h 20.45 Nos chers voisins. Série
18.45 N’oubliez pas les paroles ! Jeu
20.00 20 heures 20.40 Parents
mode d’emploi. Série
20.55
20.55
Concert. Variétés
19.00 19/20 20.00 Tout le sport.
Magazine 20.25 Plus belle la vie.
Feuilleton. Avec Anne Décis.
20.55
Magazine. Reportage
Documentaire. Biographie
18.50 Grey’s Anatomy. Série. AVec
Ellen Pompeo. 20.35 VDM. Série
MATIN
20.55 Confessions intimes
Magazine. Société. Prés. : Christophe Beaugrand. 1h25. Inédit. Au
sommaire de ce numéro : «Je ne reconnais plus ma femme» - «Arrête
de te prendre pour une star».
9
20
9
10
13
Envoyé spécial
Prés. : Guilaine Chenu, Françoise Joly.
1h45. Inédit. À travers reportages,
portraits et entretiens, «Envoyé
spécial» aborde tous les sujets qui
font l’actualité. L’auteur de chaque
reportage se rend sur le plateau.
Prés. : Alessandra Sublet. 2h05. En
direct. Au pied de la Tour Eiffel, de
nombreuses stars interpréteront
leurs titres et formeront des duos
inédits.
23.00 Euro 2016 : le grand show
de David Guetta Concert. 0.10
22.40 Complément d’enquête
Magazine. 23.55 Trisha Brown. Ballet 1.05 Toute une histoire.
France/Italie. Football. Euro 2000.
18.45 Le JT du Grand journal (C).
19.15 Le Grand journal (C). 20.10 Le
petit journal (C). 20.50 Les Guignols.
19.00 Jago : une vie aquatique. Documentaire 19.45 Arte journal 20.05 28
minutes. Magazine
20.55
Coluche, le bouffon
devenu roi
Fra. 2016. Réal. : Nicolas Maupied et
Didier Varrod. 1h55. Inédit. Trente
ans après sa mort, que reste-til vraiment du rire et de l’esprit de
Coluche ?
22.50 Tchao pantin Film. Drame.
Fra. 1983. Réal. : Claude Berri. 1h30
0.20 Grand Soir/3 0.50 Docs interdits.
18.35 Chasseurs d’appart’. Jeu 19.45
Le 19.45 20.25 Scènes de ménages.
Série. Avec Audrey Lamy.
20.55
Série. Drame
21.00
Série. Drame
Série. Policière
14
19.00 C à vous. 20.00 C à vous, la
suite. Magazine 20.20 Entrée libre.
Série documentaire. Société. Fra.
Réal. : Phil George. 1h25. Plongée
au coeur du Nouvel An Chinois, du
Festival des Fiançailles au Maroc et
du Jour des Morts au Mexique.
22.10 C dans l’air. 23.15 Entrée libre.
23.35 Fils unique de l’Himalaya.
18.55 Le Mad Mag - La suite. Magazine 19.15 Warehouse 13. Série
15
14
12
18
15
16
14
18
16
19
18
40
19
APRÈS-MIDI
21
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25
20.55 Le règne du feu
26
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26
25
28
30
27
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22
23
24
22.50 Alien IV, la résurrection. Film.
Science-fiction.
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22
24
Film. Fantastique. GB-Irl. 2002. Réal. :
Rob Bowman. 1h42. Avec Christian
Bale. Dans un futur proche, des
Anglais et des militaires américains
entrent en lutte contre les dragons.
12
12
17
20.45 Festivals du monde
13
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10
12
13
13
10
10
11
11
22.20 Confessions intimes. Magazine. Prés : Christophe Beaugrand
Euro 2016 : le grand
show d’ouverture
8
26
30
23
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19.05 Des cabanes et des hommes.
Téléréalité
The Catch
Les héritiers
EU. Saison 1. 2 épisodes. Inédits.
Avec Mireille Enos, Peter Krause,
Jay Hayden, Elvy Yost, Rose Rollins.
Christopher (alias Kieran Booth)
cherche à gagner la confiance de la
princesse pour mieux l’escroquer.
Dan. Saison 1. Inédit. Avec Trine
Dyrholm, Carsten Bjørnlund, Mikkel
Boe Følsgaard, Marie Bach Hansen.
Artiste célèbre ayant mené librement amours et carrière, Veronika
est atteinte d’un cancer mortel.
22.25 L’émission d’Antoine Ma-
22.45 Les héritiers Série. Drame.
Dan. 2014. Saison 1. Inédit 23.45
Simetierre. Film. Horreur.
gazine. Actualité. 23.25 Le sang des
Templiers. Film. Action.
20.50 Forces de la nature
Scorpion
EU. Saison 2. 2 épisodes. Inédits. Avec Elyes Gabel, Katharine
McPhee, Jadyn Wong, Eddie Kaye
Thomas. L’équipe Scorpion doit retrouver les corps de soldats des Marines décédés au Vietnam en 1971.
22.40 Scorpion Série. Policière. EU.
Série doc. Science et technique.
2014. 1h40. Inédit. Déluge biblique. Il
y a 8 000 ans, les flots de la Méditerranée auraient submergé le canal du
Bosphore jusqu’en Turquie.
22.30 Forces de la nature. Série
documentaire.
2015. Saison 2. 1.00 Justified. Série.
Le trésor des Bennett
18.00 Le Caméléon. Série. Avec
Michael T. Weiss, Andrea Parker
18.50 Arrow. Série. Avec Stephen
Amell, Katie Cassidy.
18.55 Moundir et les apprentis aventuriers. Téléréalité 20.40 Soda. Série
19.00 Touche pas à mon poste !
Talk-show. Prés : Cyril Hanouna.
20.55 Sherlock Holmes 2 : jeu
d’ombres
20.55 X-Men 3 : l’affrontement
final
21.00 Ghost Rider : l’esprit de
vengeance
Film. Aventures. EU. 2011. Réal. : Guy
Ritchie. 2h07. Avec Robert Downey
Jr. Sherlock Holmes traque son ennemi juré, Moriarty.
Film. Fantastique. EU-Can-GB. 2005.
Réal. : Brett Ratner. 1h45. Avec Hugh
Jackman. Le professeur Charles Xavier et Magneto s’opposent.
Aven- 12:25
23.15 Sherlock Holmes.
22.50 Page1
X-Men 2. Film. 1.10 Moundir et
09_06_16_Sudoku
Figaro Film.
10/05/2016
tures. 1.45 90’ enquêtes. Magazine
les apprentis aventuriers.
Chaquejourunpeuplus difficile
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Film. Action. EU-Emirats Arabes
Unis. 2012. Réal. : B. Taylor, M. Neveldine. 1h31. Johnny Blaze part à la
recherche d’un jeune garçon.
22.50 Touche pas à mon poste !
Talk-show. Prés : Cyril Hanouna.
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MÉMOIRE
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DOTÉ
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BIEN
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COMMANDEMENT
LE CHLORE
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UNE
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UNE CARTE
À JOUER !
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RÊVER
ALLÉGÉE
CYCLE DE
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POPULAIRE
BIEN
COUPÉ
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UNE SUITE
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COUSETTE
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Tous les programmes
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ESTOUFFADE
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AMSTERDAM
BELGRADE
BRUXELLES
DUBLIN
MADRID
ROME
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20.55 Encore toi !
Film. Comédie. EU. 2010. Réal. : Andy
Fickman. 1h41. Avec Kristen Bell,
Jamie Lee Curtis. Une jeune femme
apprend que son frère va se marier
avec celle qui était sa pire ennemie.
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BARCELONE
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COPENHAGUE
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LE FIGARO
jeudi 9 juin 2016
37
Dominique Dreuil,
un « Blanc d’Afrique » au Mali
Véronique Guillermard
[email protected]
D
ominique Dreuil n’est pas près
d’oublier la soirée du 7 mars
2015. Comme nombre d’expatriés, il dîne au bar-restaurant,
La Terrasse, haut lieu de la vie
nocturne de Bamako. Petits
plats, musique, verres partagés,
discussions. C’est un samedi
soir comme les autres… jusqu’à l’irruption d’hommes armés qui ouvrent le feu en ciblant les Européens. La capitale du Mali plonge à nouveau dans
l’horreur. L’attaque revendiquée par le groupe
djihadiste al-Mourabitoune fait cinq morts, dont
trois européens.
Sous le choc, Dominique Dreuil ne songe pourtant pas un instant à quitter le Mali : « Après avoir
survécu à l’attentat, j’ai continué à vivre et travailler
au Mali, car j’ai confiance dans l’avenir du pays et
de son peuple. Je n’ai pas peur. Je m’y sens bien. »
Nommé en juin 2014 directeur d’exploitation,
puis, en mai 2015, directeur général d’Asam SA, la
société d’assistance aéroportuaire publique malienne, ce père de trois enfants a tissé un lien particulier avec le Mali.
Se décrivant comme « un Blanc d’Afrique », Dominique Dreuil a de qui tenir. « L’histoire de ma famille est liée à l’Afrique depuis les années 1950. Mon
grand-père maternel a partagé sa vie entre le Gabon
et le Congo. Il était parti avec la Coloniale, il a vécu en
retrouve à Peyragudes, dans les Pyrénées à la tête
immersion avec les Pygmées à la Lévi-Strauss », rad’un bar-lounge. « C’était le premier à ouvrir en
conte-t-il avec un zeste d’accent chantant de son
plein pays cathare », sourit-il.
Sud-Ouest natal. « C’est mon grand-père qui m’a
Mais il est rattrapé par sa passion. Il repart en
appris l’Afrique et qui m’a transmis sa passion »,
Afrique, cette fois au Mali. Il trouve un pays encore
ajoute-t-il. Claude Pradel et sa Range Rover sont
traumatisé par l’occupation d’une partie de son
quasiment entrés dans la légende en Afrique de
territoire par des groupes djihadistes en 2012, chol’Ouest. Il est le fondateur de la première réserve
qué par la destruction du joyau de son patrimoine
naturelle africaine de Wanga Wongue, l’une des
historique, les mausolées de Tombouctou, horrifié
anciennes chasses présidentielles d’Omar Bongo,
par la multiplication des attaques terroristes sur
qu’il dirigea. Là, il croise d’illustres « accros » à la
son territoire. Mais aussi un pays mosaïque avec
chasse : Valéry Giscard d’Estaing ou Juan Carlos.
ses nombreuses ethnies (Bambaras,
Mais, quand il accueille son petit-fils
Bobos, Peuls, Dogons, Malinkés,
pour les vacances scolaires, c’est en
Touaregs…) et d’une grande richesse
brousse qu’il l’emmène. Avec ce
culturelle. L’art, la musique, les letgrand-père aviateur qui vole en Pitres, la poésie sont partout. Jusque
per, Cessna ou Beechcraft 58, Domidans les salons affaires de l’aéroport
nique Dreuil découvre « l’Afrique
de Bamako depuis que Dominique
sous son plus bel aspect, avec sa na1970
Dreuil a pris l’initiative d’y exposer
ture brute, intacte et magnifique ».
Naissance à L’Union,
les œuvres d’artistes locaux. Beaudans la banlieue
Chaleureux et direct
coup rayonnent à l’international,
de Toulouse
comme la chanteuse Rokia Traoré,
Rien d’étonnant à ce que d’aventure
(Haute-Garonne).
l’écrivain Ousmane Diarra, auteur
en aventure il ait repris le flambeau.
1992
de La Route des clameurs, le peintre
Air Littoral, Air Gabon, Congo HanÉtudes en commerce
(décédé en avril dernier) Malick Sidling… cet homme chaleureux et
international (DESSMI).
dibé, surnommé « l’Œil de Bamako »
direct fait carrière dans le transport
2004
ou encore le photographe Seydou
aérien. Puis, changement de cap. Il
Directeur des ventes
Keïta (1921-2001), portraitiste de tapart dans les îles pour un voyage
d’Air Littoral.
lent qui est exposé au Grand Palais à
d’un an dans les Caraïbes, avec de
2010
Paris jusque mi-juillet.
longues escales à la Barbade et à TriDirecteur d’exploitation
Et puis, bien sûr, il y a la lutte
nidad. Il accoste finalement à Miade Congo Handling.
contre le terrorisme, aux côtés de la
mi, où son épouse gabonaise a vécu
2015
dix ans. Là, il est distributeur d’obDirecteur général d’Asam France, intervenue à la demande de
ce pays ami en janvier 2013. Depuis
jets design « made in France ». L’es(société d’assistance
août 2014, ce combat se poursuit dans
sai n’est pas concluant. À l’amériaéroportuaire publique),
le cadre de l’opération « Barkhane »,
caine, il tente autre chose. On le
à Bamako, au Mali.
Bio
EXPRESS
qui a succédé à « Serval » avec le G5 du Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad et Burkina-Faso). Dominique Dreuil est un observateur averti des défis
que doit relever le Mali en matière de sûreté, de
concorde nationale, de santé, d’éducation, de services publics, d’enracinement de la démocratie et
de restauration de ses forces armées. À son poste, il
apporte sa pierre au projet commun. De Gao à
Tombouctou, les aéroports militarisés où les troupes françaises et la Minusma ont établi des bases, en
passant par Mopti, Bamako et Kayes, le directeur
général d’Asam assure la continuité du service public aéroportuaire. Cela malgré les allées et venues
des avions militaires étrangers et leurs 2 000 tonnes
de matériels par an.
À son agenda estival, la réouverture de l’aéroport de Kayes, en travaux. Aigle Azur desservait
Paris depuis cette grande ville, située à 500 km du
nord-ouest de Bamako, dont sont originaires de
nombreux Maliens vivant en France. Autre projet
majeur, faire de Bamako le pôle de maintenance
aéronautique de l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
« Aujourd’hui, il n’existe aucun centre dans cette région gigantesque. Les avions de ligne doivent aller en
Europe pour leur check-up et leur grande visite »,
insiste Dominique Dreuil. Il ambitionne de démarrer l’activité dans deux ans. L’aéroport de Bamako
a déjà franchi une étape stratégique. En juillet 2015,
Asam a reçu les labels de sûreté (Ra-3) et de qualité
(Isago) attribués par l’Union européenne. Pour le
Mali, c’est une porte qui s’ouvre vers les marchés
extérieurs. L’aéroport va pouvoir rééquilibrer son
activité, basée à 90 % sur les importations
(9 000 tonnes en 2015), en exportant or, œuvres
d’art et produits de l’agro-industrie en Europe et
en attirant de nouvelles compagnies aériennes. ■
UN DERNIER MOT
U
EA
[email protected]
V
Par Étienne de Montety
Prud’homme [pru-do-m’] n. m.
Intervient en cas de division excessive du travail.
L
FIGARO-CI ... FIGARO-LÀ
Chrétiens d’Orient : Jean-Frédéric Poisson
tire la sonnette d’alarme
Candidat à la primaire de la droite, le président du Parti
chrétien-démocrate publie le 23 juin, aux Éditions du Rocher,
un ouvrage dans lequel il dénonce « l’abandon du ProcheOrient par la France ». « C’est l’extermination des chrétiens
d’Orient que l’on pleure », écrit Jean-Frédéric Poisson dans ce
livre intitulé Notre sang vaut moins cher que leur pétrole.
« La soumission de la France aux monarchies pétrolières, l’ignorance,
la désinvolture et l’immobilisme de nos responsables publics, nos alliances
avec le Qatar et l’Arabie saoudite, tout cela met en danger la France », résume
le député des Yvelines qui a été reçu à deux reprises par Bachar el-Assad.
Les géants de la Vendée
Alors que le Puy du Fou vient d’inaugurer Le Dernier Panache,
un nouveau spectacle consacré à Charette, Le Figaro Histoire
fait revivre l’épopée héroïque et sanglante des guerres de
Vendée. Les meilleurs spécialistes déroulent la chronique d’une
guerre longtemps ignorée, qui vit des paysans résister, les
armes à la main, aux mesures antireligieuses de la Révolution,
et décryptent le processus qui conduisit la Convention à
organiser l’extermination méthodique de la population civile.
La Rochejaquelein et Charette, Cathelineau et Bonchamps,
d’Elbée et Stofflet : à la fois héros et victimes, les grandes
6
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figures de l’épopée défilent sur les lieux de leurs exploits et
de leur martyre, du grandiose Mémorial de la Vendée à leurs
mystérieux refuges au fond des bois.
Au cœur de l’actualité, Le Figaro Histoire revient sur l’histoire
bimillénaire de la Syrie, à l’occasion du centenaire du tracé de ses
frontières actuelles par les accords Sykes-Picot. Côté évasion, il
vous raconte le terrible naufrage de la Méduse, il y a tout juste
deux siècles, et vous emmène à la découverte de la galerie des
cartes géographiques du Vatican, dont la restauration
vient de s’achever.
En vente actuellement
en kiosque et sur www.figarostore.fr/histoire
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tout reste à découvrir
Rachida Dati enquête
sur les Panama Papers
Pour tordre le cou
aux rumeurs…
Les eurodéputés PPE Alain
Lamassoure, Constance Le Grip,
Alain Cadec, président
de la commission de la pêche,
et Rachida Dati, maire du VIIe
arrondissement de Paris, seront
membres de la commission
d’enquête constituée,
ce mercredi, par le Parlement
européen pour travailler
sur le scandale dit des « Panama
Papers ». Rachida Dati sera
plus particulièrement attentive,
dit-elle, « au blanchiment de
capitaux finançant le terrorisme ».
La rumeur voulait que l’ancien patron
de l’Agence de participations
de l’État, Régis Turrini, soit parti
l’an dernier sur fond de désaccord
avec l’un de ses ministres de tutelle,
Emmanuel Macron. Et pourtant,
histoire de tordre le cou aux
on-dit, c’est le ministre
de l’Économie en personne qui
remettra les insignes de chevalier de
la Légion d’honneur le 5 juillet à celui
qui est devenu secrétaire général
du groupe SFR. « On veut toujours voir
des ennemis partout… », souligne
un proche des deux hommes.
STEPHANE CORREA/LE FIGARO
e conseil des prud’hommes a donné raison à Jérôme Kerviel dans le différend
qui l’oppose à la Société générale.
Prud’homme est (avec aujourd’hui) un des derniers mots de la langue à arborer
une apostrophe. Cela lui donne un petit charme, et cette coquetterie peut même être
vue comme un signe de liaison entre le salarié et l’entreprise.
Prud’homme est formé de preux et d’homme. Il fait mention d’un prozdome
dans la chanson de Roland. De Roncevaux aux tours de la Défense, quel chemin !
Après avoir désigné un chevalier, le prud’homme est devenu un sage qu’on consulte.
Les prud’hommes ont étudié l’affaire Kerviel sous l’angle de l’imprudence
dont a fait preuve (ou non) le trader. Hier certains voyaient cet homme
comme un preux, du fait de son culot insensé. Il est aujourd’hui tenu pour un lépreux.
En rendant cette décision à contre-courant, le juge n’a pas fait preuve de pruderie
excessive, et s’est bien gardé de s’inspirer de cette forte pensée plus prudhommesque
que prud’homale : « C’est l’ambition qui perd les hommes. Si Napoléon était resté
officier d’artillerie, il serait encore sur le trône. » ■
A
U
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LEADERCOM/MALI
SUCCÈS Ce Français est à la tête de la société d’assistance
aéroportuaire malienne. Il parie sur l’avenir d’un pays
encore fragile mais en pleine résilience.
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO - N° 22 342 - Cahier N° 4 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr
FRÉDÉRIC
VITOUX
littéraire
MICHEL
BUSSI
PAGE 5
UNE ENQUÊTE DANS
LE MAQUIS CORSE PAGE 7
S
DOSSIER Le célèbre
romancier pour la jeunesse
a écrit également d’étonnantes
nouvelles pour les adultes.
Portrait d’un écrivain
qui fut aussi un aventurier. PAGES 2 ET 3
La fabrique d’un best-seller
elim Hacopian a écrit un livre. »
Quand le narrateur, un grand
écrivain, reçoit une lettre lui
annonçant cette nouvelle, il
n’en revient pas : qui est cet
Hacopian ? Peut-on se présenter et vanter
son manuscrit avec plus de maladresse ? Il
aurait dû se méfier. Peu après, le dénommé
Selim Hacopian l’aborde dans la rue. C’est un
petit homme parlant un sabir approximatif,
« Monsieur l’Ecreuvain pourrait peut-être jeter
un coup d’euille », mais attachant dans son
genre, à force d’obséquiosité. Il présente un
curriculum vitae rocambolesque où passe
l’Ouzbékistan de sa naissance, l’Égypte, la
valise en carton et de mystérieuses précisions, comme cette « rencontre avec Gerhard
Schröder ». L’homme est vite encombrant, il
le harcèle de questions, de requêtes, pour son
manuscrit. Il est émouvant, irritant, collant.
Et pourtant, comme aimanté, le narrateur lui
offre quelques conseils, en vient à l’aider à
réécrire son livre.
Il entre dans son attitude un peu de curiosité
et beaucoup de condescendance. Bientôt il y
passe ses journées, puis ses nuits ; Selim
envahit sa vie tout entière.
Contre toute attente, une maison d’édition
répond à l’envoi du texte de Hacopian : « Nous
en voulons plus. » Et quand le livre, un recueil
de nouvelles orientales, paraît, c’est un cataclysme. La communication éditoriale et médiatique transforme le brave Ouzbek en por-
«
Le centenaire
d’un auteur
toujours vert
te-parole de la modernité, « un passe
frontières littéraire entre deux mondes ». C’est
gagné. Il est partout, sur les plateaux de télévision, dans les journaux, répondant à des interviews, des enquêtes sur toutes sortes de
sujets, du genre « Mondialisation et ironie ».
Incroyable, en un livre, le Petit Chose est devenu quelqu’un.
LA CHRONIQUE
d’Étienne
de Montety
Faut-il préciser que pendant ce temps le
grand écrivain a mis son œuvre entre parenthèses ? Alors que Selim éclôt, lui subit quelques rebuffades de la part de son éditeur. Il
s’éteint à mesure que l’astre Hacopian brille
de mille feux.
Monsieur l’écrivain est un conte cruel sur la
littérature et l’écriture. Sur la vérité, la sincérité, le rapport au succès, autant de sujets qui
ne cessent de hanter la République des lettres
depuis la nuit des temps.
D’ailleurs, Selim existe-il, ou est-il un double
du narrateur ? Est-il un imposteur, un opportuniste, ou symbolise-t-il la part obscure de
tout auteur prêt à se rendre au plus facile,
pour conquérir la gloire littéraire ? Quand,
devant le succès de Selim, la responsable de la
bibliothèque municipale lance au Grand Écrivain : « Pourquoi est-ce que vous n’écririez pas
comme ça ? », elle le frappe en plein ventre.
Wilde distinguait les auteurs qui placent leur
talent dans leur œuvre et ceux qui le placent
dans leur vie. Qu’en est-il aujourd’hui ? Quel
accueil notre époque réserve-t-elle à ces
deux-là ? Dans ce petit récit drôle et grinçant,
le Suisse Joachim Zelter met en scène un phénomène contemporain qui s’accomplit sous
nos yeux effarés : le triomphe du storytelling.
Qu’importe que Selim ne soit pas un écrivain,
qu’il manie un langage rudimentaire, qu’importe même qu’il ait écrit ou non ce livre, ce
qui compte, c’est qu’il soit là avec son personnage, son histoire, si possible la plus pittoresque possible. C’est elle qui porte le livre,
plus que les qualités de sa prose.
Il ne vous rappelle pas quelqu’un, cet homme
que l’époque a affublé des habits de « citoyen
du monde » et qui publie des livres très quelconques accueillis avec une révérence unanime ? Il est dans l’air du temps, il incarne aux
yeux du lecteur un rêve. Tout le reste est littérature. ■
MONSIEUR L’ÉCRIVAIN
De Joachim Zelter,
traduit de l’allemand
par Olivier Mannoni,
Grasset,
123 p., 13 €.
Plongez au coeur de l’Italie !
« Un bonheur de lecture.»
Franz-Olivier Giesbert, Le Point
« Une déclaration d’amour à l’Italie.»
Étienne de Montety, Le Figaro
« Le livre d’un voyage hors du temps.»
Philippe Vallet, France Info
« Une merveilleuse balade printanière.»
Franck Ferrand, Europe 1
ÉDITIONSDESÉQUATEURS
A
CI-CONTRE: ILLUSTRATION QUENTIN BLAKE. EN HAUT, À GAUCHE JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO. EN HAUT, À DROITE HACQUARD ET LOISON/OPALE/LEEMAGE.
Roald Dahl
LA RÉÉDITION DE
SON LIVRE CULTE
lefigaro.fr/livres
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
2
LE CONTEXTE
L'ÉVÉNEMENT
littéraire
Il y a cent ans naissait l’écrivain britannique
d’origine norvégienne Roald Dahl. Le mois prochain,
Steven Spielberg portera à l’écran l’un de ses gros succès
pour la jeunesse, Le Bon Gros Géant. Si le romancier
a encouragé les jeunes lecteurs à se poser en conquérants
dans un monde qui ne leur veut pas que du bien,
il a également écrit à l’intention des adultes une
savoureuse œuvre caustique. L’occasion de la redécouvrir
et de revenir sur le parcours de cet homme audacieux.
Roald Dahl :
écrivain
de grande classe
2
1
4
DOSSIER Le prolifique romancier anglais
s’est aventuré sur tous les terrains.
FRANÇOISE DARGENT
[email protected]
A
C
ELA ressemble à un
scoop : il y a beaucoup de
sexe dans les romans de
Roald Dahl. Les lubriques, les pervers et les
obsédés en prennent pour leur grade
ainsi que les femmes, souvent lascives et dominatrices. On y assassine à
coups de gigot congelé, on empoisonne les bébés à la gelée royale et
on empaille ses victimes comme
autant de macabres trophées. Que
les parents se rassurent. Tout ceci se
trouve dans la part moins connue de
l’œuvre du romancier anglais qui
reste célébré pour ses écrits destinés
à la jeunesse. Qui ne connaît pas
Charlie et la Chocolaterie ou James et
la grosse pêche n’a jamais été enfant.
On le lit à l’école et on le savoure en
famille lorsqu’il est adapté au cinéma (par Tim Burton, Wes Anderson
et bientôt Steven Spielberg), mais on
oublie souvent que ce grand auteur
gallois d’origine norvégienne a aussi
énormément écrit pour les adultes,
des nouvelles pour la plupart qui furent publiées dès 1943 et jusqu’à sa
mort en 1990.
Les textes de Roald Dahl destinés
aux adultes sont mordants à souhait.
Lorsqu’il commença à les écrire,
c’était un homme beau et désespéré.
Le monde était en guerre. Lui était à
terre. Ce sportif accompli venait
d’être démobilisé de la Royal Air
Force après avoir subi un terrible
accident d’avion dans le désert
libyen. À sa mère, qu’il adorait, et
avec laquelle il correspondait une
fois par semaine, il écrivait de son lit
d’hôpital à Alexandrie qu’il recommençait enfin à recouvrer la vue et à
marcher comme s’il s’était agi de se
remettre d’un simple rhume. Il
concluait sa lettre en évoquant les
bombardements sur la ville : « Rien à
craindre des Italiens, ce sont de très
mauvais bombardiers ! » Irrésistible
bonhomme. Quentin Blake, son
acolyte de plume qui illustra la plupart de ses livres pour enfants, l’assène avec force : « C’était un aventurier » (voir ci-contre). Une fois n’est
pas coutume, le mot n’est pas exagéré pour qualifier celui qui postula à
l’âge de dix-sept ans à la Shell dans
le but de parcourir le monde. On
voulut l’affecter en Égypte, il rétorqua à son employeur que c’était
« trop poussiéreux ». On l’envoya à
Mombasa pour trois ans où il s’échina à manier la décortiqueuse destinée à transformer les feuilles de
sisal, devint expert en swahili et attrapa la malaria. « Surtout, j’appris à
me débrouiller tout seul comme aucun
jeune n’aura jamais la moindre chance de le faire en restant au cœur de la
civilisation », explique-t-il à ses jeunes lecteurs dans son livre autobiographique, Moi, boy.
Dans cet ouvrage, tendrement
désopilant et formidablement raconté, il évoque les grands malheurs
de sa vie, la mort de sa sœur aînée
d’une appendicite suivie immédiatement de celle de son père d’une
pneumonie, puis quarante-deux ans
plus tard celle de sa fille de sept ans
d’une rougeole.
Ces drames sont signalés pudiquement tandis que les petites
cruautés de l’enfance, le sadisme des
professeurs anglais, l’accident de
voiture qui lui arracha presque le
nez, les brimades des boazers (les
préfets) au lycée sont racontés avec
une verve humoristique incroyable,
mêlés à des histoires de vengeance,
de blagues potaches, de robinsonnades estivales. S’y révèle l’influence
d’une éducation originale transmise
par sa mère, veuve qui éleva seule
six enfants avec des principes plutôt
en pointe à l’époque. En bonne
Scandinave (elle était norvégienne
comme son époux), elle n’hésita pas
à aller sermonner le directeur qui
avait osé administrer des coups de
canne à son fils.
Inspiré des Gremlins
En 1942, Roald Dahl est aux ÉtatsUnis où l’a envoyé la Royal Air Force
après son accident. Il est officiellement rattaché à l’ambassade britannique à Washington. Son biographe
révélera après sa mort qu’il était
probablement l’agent d’une officine
britannique de renseignement. Luimême constate amèrement : « J’arrivais d’un monde en guerre où les
hommes se faisaient tuer, j’avais volé
d’atrocité en atrocité et je me retrouvais dans une cocktail party américaine d’avant guerre. » Il ne se privera pas d’épingler fréquemment
par la suite le beau monde diplomatique et mondain comme dans son
unique roman, le désopilant Mon
oncle Oswald.
En 1943, le Saturday Evening Post
publie anonymement ses premières
nouvelles et, déjà, Walt Disney édite
un ouvrage tiré d’une de ses histoires, parue abrégée dans le magazine
Cosmopolitan. Pour écrire ce texte,
Roald Dahl s’est inspiré des
Gremlins, ces créatures imaginaires
accusées de causer des pannes sur
les avions de l’armée britannique. Il
rencontre même le grand maître du
dessin animé pour évoquer une possible adaptation. Las, Les Gremlins
ne seront portés au cinéma que quarante ans plus tard, avec le succès
que l’on sait. En attendant, Roald
Dahl est tout de même reçu par la
première dame, Eleanor Roosevelt,
qui a lu son histoire à ses petits-en-
3
Bio
EXPRESS
16 septembre 1916
Naissance à Llandaff
(Pays de Galles).
1920
Perd sa sœur aînée
et son père.
1933
Est embauché
à la Shell puis envoyé
à Mombasa (Kenya).
1939
S’engage dans
la RAF, combat au
sein de l’Escadrille 80.
1942
Est envoyé
aux États-Unis
par l’armée,
devient espion.
1943
Les Gremlins, livre
publié par Walt Disney
d’après une
de ses nouvelles.
1953
Someone like you,
en français Bizarre !
Bizarre ! , premier
recueil de nouvelles
pour adultes.
1961
James et la grosse
pêche, premier roman
pour enfants.
1967
Signe le scénario
de On ne meurt
que deux fois, 5e volet
des aventures
de James Bond.
1982
Le Bon Gros Géant.
1988
Matilda.
23 novembre 1990
Mort à Oxford
des suites de maladie.
fants et l’a trouvée formidable. Il est
en vue, il a même mis un pied à Hollywood qui recherche des scénaristes de talent.
C’est à cette époque que l’écrivain
gallois rencontre Ian Fleming pour
lequel il réécrira, en modifiant
beaucoup le texte original, le scénario d’On ne vit que deux fois. Il fait
aussi la connaissance de sa future
épouse, l’actrice Patricia Neal, avec
laquelle il aura cinq enfants. Et
c’est pour ses enfants qu’il commence véritablement à écrire des
romans dédiés aux jeunes lecteurs.
En 1961, paraît James et la grosse pêche, suivront Charlie et la Chocolaterie, premier succès, et Fantastic
Mr. Fox. L’auteur Roald Dahl, Prix
Edgar-Allan-Poe pour ses nouvelles
corrosives, a trouvé le ton pour les
plus petits : « Lorsque l’on écrit à l’intention des enfants, il faut avoir préservé deux caractéristiques fondamentales de son jeune âge : la
curiosité et l’imagination… J’essaie
d’écrire des histoires qui les saisissent
à la gorge, des histoires qu’on ne peut
lâcher. » Ce mélange de cocasse et
d’insolite qui se rit de tout est relativement nouveau. Aux États-Unis,
ses premiers romans sont des bestsellers alors que les éditeurs anglais
se montrent plus circonspects. Il
faut attendre six ans pour qu’il soit
enfin publié dans son pays.
Car ses textes sont loin d’être tendres. Ils sont pleins d’enfants orphelins, parfois pauvres, toujours malins, souvent en butte à des adultes
méchants mais ils parviennent toujours, grâce à la ruse et à l’imagination, à se sortir de situations difficiles. C’est d’ailleurs ce qui distingue
principalement les deux pans de
l’œuvre. Pour les enfants, il y a toujours une lumière après la tragédie,
pour les adultes, l’issue reste sombre
et les personnages sont punis pour
leur immoralité. Pas de cela dans ses
ouvrages pour la jeunesse qui comportent une morale positive. Mais
l’homme prend plaisir à exagérer
avec cette faculté propre aux écrivains anglais de ne jamais sombrer
dans le ridicule. Pour plaire aux enfants, disait-il, il faut grossir tous les
qualités et défauts des personnages,
ce qu’il fait pour les gamins horripilants invités dans la chocolaterie de
Willie Wonka comme pour les abo-
MON ONCLE
OSWALD
GELÉE
ROYALE
BIZARRE !
BIZARRE !
Le seul roman pour adultes de Roald
Dahl commence fort. Un homme
présente son oncle Oswald comme
« le plus grand fornicateur de tous
les temps ». Une description
lapidaire en guise de préliminaires
avant que ledit oncle ne livre ses
Mémoires ou comment il fit fortune
dans le commerce du sexe.
Roald Dahl laisse libre cours
à son imagination délirante
pour brosser le parcours
d’un Casanova anglais, séducteur
impénitent doublé d’un sacré
homme d’affaires lorsqu’il met
au point de fameuses petites pilules
ravivant la virilité masculine. Son
rythme trépidant et son incorrection
assumée de bout en bout font
la force de ce roman qui révèle un
auteur particulièrement libéré. F. D.
Surveiller sa femme après sa mort :
William Pearl en rêve alors qu’il vit
ses derniers jours. Un ami
neurologue lui offre l’opportunité
de préserver son cerveau intact,
dans des conditions certes
rocambolesques mais qui devraient
lui assurer la survie de toutes ses
capacités mentales. Albert Taylor
de son côté désespère de voir
son bébé dépérir et sa femme
sombrer dans la dépression.
Cet apiculteur chevronné a alors
l’idée de verser un peu de gelée
royale dans le biberon. De sa plume
acérée comme un scalpel, Roald
Dahl dissèque la perversité d’époux
particulièrement dérangés
dans ces deux nouvelles rééditées
comme quatre autres en duo
dans la collection Folio 2 €.
F. D.
Premier recueil de nouvelles
initialement parues dans la presse,
Bizarre ! Bizarre ! (Someone Like You,
en anglais) reçut en 1954
le prix Edgar-Allan-Poe.
Un bon début pour le jeune
nouvelliste, qui y montre déjà
l’étendue de son talent de conteur
avec quinze histoires saignantes
à souhait. La plupart furent
adaptées à la télévision sous
forme d’épisodes, dont certaines
par Hitchcock lui-même. Par
des glissements furtifs, l’étrange
s’invite en maître dans le quotidien
de personnes a priori respectables
et les pousse au crime. Les plus
gentils ne sont pas forcément
les plus recommandables,
comme en témoignent certaines
chutes d’anthologie.
F. D.
MON ONCLE OSWALD
De Roald Dahl,
traduit de l’anglais
par Alain Delahaye,
Folio, 314 p., 8,70 €.
GELÉE ROYALE,
PRÉCÉDÉ DE WILLIAM ET MARY
De Roald Dahl,
traduit de l’anglais par Élisabeth Gaspar,
Folio, 118 p., 2 €.
BIZARRE ! BIZARRE !
De Roald Dahl,
traduit de l’anglais par Élisabeth
Gaspar et Hilda Barbéris,
Folio, 384 p., 8,20 €.
Imagination débordante
Les traductions
de l’œuvre
de Roald Dahl
à travers le monde.
1. Charlie et la Chocolaterie,
de Mel Stuart, sorti en 1971.
2. Le Bon Gros Géant
par Steven Spielberg,
sur les écrans le 20 juillet 2016.
3. Roald Dahl dans Central Park
à New York, le 25 mars 1961.
4. Matilda, de Danny DeVito,
sorti en 1996.
RUE DES ARCHIVES/BCA ;
METROPOLITAN FILMEXPORT;
CBS PHOTO ARCHIVE/GETTY IMAGES ;
DANNYDEVITO
minables parents de sa jeune héroïne Matilda.
Pour les adultes, il ne se prive pas
non plus de forcer les défauts de ses
personnages, des hommes et des
femmes ordinaires qu’une situation
insolite va faire sortir de leur normalité. C’est toujours saignant, souvent graveleux, servi par une imagination débordante : deux hommes
échangent leur place dans leur lit
conjugal respectif pour réchauffer
les ardeurs de leurs femmes, une
femme abandonne son mari bloqué
dans l’ascenseur avant un long
voyage, une épouse enceinte tue son
mari avec un gigot congelé avant de
le servir en sauce au policier, un
père lance un pari œnologique en
mettant en jeu la main de sa fille. La
plupart du temps, les situations
commencent courtoisement dans le
salon et finissent par déraper dans le
secret des alcôves. Le sens du raccourci et l’art de la chute de Roald
Dahl font de ses nouvelles des merveilles d’humour noir. Hitchcock en
adapta sept pour sa série « Alfred
Hitchcock presents ». Cela vous
pose un auteur dans le genre grinçant et un tantinet horrifique. ■
■ Au cinéma
Le 20 juillet prochain sortira
sur les écrans Le Bon Gros
Géant, film réalisé par
Steven Spielberg à partir
du roman éponyme.
Le réalisateur américain
n’est pas le premier
à succomber à la magie
d’une histoire de Roald Dahl.
Mais il n’est pas si facile
de se couler dans l’imagination
du Britannique. En 1996,
Danny DeVito fait un flop
avec son adaptation
de Matilda, malgré des
critiques plutôt positives.
Il faut attendre 2005
et les excès en tous genres
de Tim Burton qui utilise
sur le tournage de Charlie
et la Chocolaterie des milliers
de litres de chocolat et
métamorphose Johnny Depp
en Willy Wonka
pour faire un succès.
En 2010, Wes Anderson
(The Grand Budapest Hotel)
adopte à son tour Fantastic
M. Renard (ci-contre),
en livrant une jolie adaptation
qui sera favorablement
accueillie.
jeudi 9 juin 2016
3
CRITIQUE
littéraire
Quentin Blake : « Le sentiment de lire
quelqu’un qui a beaucoup vécu »
Les dessins de Quentin Blake sont
indissociables des histoires de
Roald Dahl. L’artiste anglais évoque sa rencontre déterminante,
un jour de 1978, avec le romancier
et ce qui s’ensuivit.
LE FIGARO LITTÉRAIRE. – Dans
quelles circonstances avez-vous
fait la connaissance de Roald Dahl ?
Quentin BLAKE. – J’ai fait sa
connaissance en deux temps. La
première, c’était dans le bureau de
son éditeur, qui était aussi le mien à
l’époque. Il venait d’écrire L’Énorme Crocodile et on me demandait
de faire quelques essais pour illustrer cet album. L’échange fut assez
formel. Plus tard, l’éditeur m’envoie le manuscrit du Bon Gros
Géant en me commandant une
douzaine de dessins. Je m’exécute.
Le temps passe, le livre doit partir à
l’impression et je reçois un coup de
téléphone. On me dit que Roald
Dahl n’est pas content. Il veut des
petits dessins au début de chaque
chapitre, ce que je fais en trois
jours, stimulé par le challenge.
Deux jours passent puis un nouveau coup de téléphone. Il n’est
toujours pas content : il n’y avait
pas assez de dessins et comme on
ne pouvait pas en rajouter dans ce
format de livre, nous avons tout
repris de zéro. C’est là qu’a eu lieu
notre vraie rencontre dans sa propriété de Great Missenden.
Quelle était la nature
de votre relation ?
J’avais déjà une cinquantaine
d’années à ce moment. C’était
mieux ainsi. Bien sûr, lui était
beaucoup plus connu que moi. Il
était le patron, mais, de mon côté,
je n’étais plus à chercher ma personnalité. Je savais où j’en étais et
je n’ai pas eu à modifier mon trait
pour le satisfaire. Nos personnalités étaient bien sûr différentes,
mais nous avions beaucoup de
choses en commun, notamment la
capacité d’imaginer des choses
surréalistes.
Comment pourriez-vous qualifier
son style ?
C’est difficile tant il est diversifié.
Il surprenait toujours. C’était un
aventurier, un homme d’action
qui se refusait à parler de ses
émotions. Il a trouvé le moyen de
les exprimer par le biais des fables, d’histoires baroques et
émouvantes. Dans ses livres destinés aux adultes, il se révèle très
pragmatique pour évoquer la
perversité des adultes. Son œuvre
pour la jeunesse est plus intime.
Elle lui a permis de parler de choses importantes qu’il souhaitait
transmettre. On a le sentiment de
lire quelqu’un qui a beaucoup
vécu, qui peut vous donner des
réponses. Mais il était assez
controversé de son vivant. Il n’a
d’ailleurs jamais reçu de grand
prix.
MOI, BOY
Le Bon Gros Géant est une créature
utile à tous les enfants : la nuit venue,
il vient leur chuchoter des rêves
à l’oreille. Il est aussi végétarien,
porte des sandales et vit au pays
des ogres mangeurs d’enfants.
Aidé de la jeune Sophie
et de la reine d’Angleterre,
il va contribuer à sécuriser le monde
de ses petits protégés en
combattant ses féroces comparses.
Sophie en profitera pour découvrir
des choses merveilleuses, comme
la framboisine, boisson dont les bulles
descendent au lieu de remonter
et qui a le mérite de faire voler
plutôt que roter. L’inventivité
délicieusement surréaliste de
Roald Dahl se cueille à chaque page
de ce roman pour enfants bientôt
adapté au cinéma par Spielberg. F. D.
« Certains furent drôles. Certains
douloureux. Certains déplaisants.
C’est pour cette raison je suppose,
que je me les rappelle tous de façon
aussi aiguë. Tous sont véridiques » :
ainsi parle Roald Dahl de ses
souvenirs qu’il consigna dans un récit
destiné aux enfants. Cette manière
d’aborder les choses, en toute
sincérité, sans circonvolutions, ni
coquetterie est la marque de fabrique
du grand auteur pour la jeunesse.
Place donc aux grands malheurs et
aux grandes joies d’un garçon curieux
et intrépide, grandi dans l’Angleterre
de l’entre-deux-guerres avec des
incursions sauvages et bienvenues
en Norvège, pays de la famille Dahl.
Un récit initiatique plein de saveur
que l’on peut lire dès 10 ans,
sans prescription ensuite.
F. D.
Les dessins originaux
de Quentin Blake pour
Le Bon Gros Géant seront exposés
du 24 juin au 2 octobre à la
Maison de l’illustration à Londres.
Le
Comment s’est passée
cette première séance de travail ?
Nous avons discuté de tout. Il voulait que son personnage soit proche de nous. Tous les détails lui
importaient, le costume du géant
par exemple. Dans ma première
version, il portait un tablier et des
bottes en caoutchouc. Roald me
fait remarquer que c’est embêtant
pour marcher, des bottes. Peu de
temps après, je reçois par la poste
un paquet avec, dedans, une des
sandales norvégiennes de Roald
Dahl. Ce sont celles du géant !
Après cette rencontre, nous avons
pris l’habitude de nous voir pour
discuter de nos livres, chez lui. Je
dînais avec sa famille.
LE BON GROS
GÉANT
Quel est votre livre favori ?
Le Bon Gros Géant, parce que c’est
proche de lui, particulièrement
touchant et parce que je l’ai illustré deux fois. Comme la cuisine
lente, ça donne plus de saveur. Et
j’ai de l’affection pour Un amour
de tortue, qui reflète son bonheur
en mariage. Mr Hoppy fait des
choses très compliquées, incroyables avec ses tortues pour séduire
la dame dont il est tombé amoureux. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR F. D.
Roald Dahl
était un
aventurier,
un homme
d’action qui
se refusait
à parler
de ses
émotions
QUENTIN BLAKE
»
WRITER PICTURES/LEEMAGE
roman
de Marie-
Antoinette
“
Il fallait oser, après Zweig,
emprunter la route romanesque
pour évoquer Marie-Antoinette.
”
“
Ce livre m’a charmé. J’en ai
aimé l’audace, l’approche, tout
”
Photo auteur : © Carole Bellaiche / H&K.
58
langues
À VOIR
LE FIGARO
“Le charme opère.
”
“
LE BON GROS GÉANT
De Roald Dahl,
traduit de l’anglais par Jean-François
Ménard, illustré par Quentin Blake,
Folio Junior, 272 p., 8,50 €.
MOI, BOY
De Roald Dahl,
traduit de l’anglais par Janine Hérisson,
Folio Junior,
224 p., 7,30 €.
”
A
Elle s’identifie à la reine
flamboyante avec un vrai souffle
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
4
CRITIQUE
littéraire
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO
EN TOUTES
confidences
Le Cœur en dehors) et cinéaste (J’ai toujours
rêvé d’être un gangster), il publiera un récit
lors de la rentrée de septembre. La Nuit
avec ma femme (Plon) est un tombeau
élevé à Marie. Le temps d’une nuit, le
narrateur reçoit la visite de sa femme
décédée. Au cours d’une déambulation
dans les rues de Paris, ils reviennent sur
les lieux de leur amour et de leurs déchirures. Il évoque leurs souvenirs et la difficulté
à vivre sans elle.
Samuel Benchetrit se souvient
de Marie Trintignant
Nadine Trintignant, la mère de Marie, avait écrit
un texte après la mort de sa fille, tuée en 2003
par Bertrand Cantat, de Noir Désir. Samuel Benchetrit (ci-contre) a été l’époux de Marie, avec qui il
a eu un enfant. Écrivain (Chroniques de l’asphalte,
L’amour pas la guerre
Alexis Jenni, Goncourt 2011 pour L’Art français
de la guerre, se penche sur les tableaux de maître dans son prochain ouvrage. Sous le charme
des toiles de Bonnard, Poussin, Fragonard, Picasso, Bacon, il évoque l’idée de beauté que suscitent en lui certaines œuvres. Dans l’attente de
toi (L’iconoclaste) est également présenté par
son éditeur comme une « déclaration d’amour à
la fois singulière et universelle, à la femme qui
partage sa vie ». En librairie le 7 septembre.
Dieux du Mexique
Il y a mieux à vivre est
à la fois une chronique
d’époque et une étude
sur les fantasmes
de l’Amérique
et ses ambiguïtés.
JOHN VAILLANT L’histoire d’une famille
de paysans zapotèques racontée
par un jeune clandestin enfermé dans
un camion à la frontière avec les États-Unis.
sant, alors qu’autour de lui les
autres passagers meurent de soif,
il raconte les événements qui les
ont acculés à essayer de passer la
ENUS des confins du
frontière et aussi l’histoire de sa
Mexique, une dizaine
famille. Ce faisant, il échappe à
d’hommes et de
l’horreur du moment présent,
femmes s’apprêtent à
évite de basculer dans la folie.
passer clandestineIl évoque la figure splendide de
ment la frontière avec les Étatsson grand-père, qui toute sa vie a
Unis, cachés dans la cuve d’un
cultivé avec sa mule Isabel le tercamion-citerne. Ils devaient rerain qu’il avait défriché en lisière
joindre le Texas en moins de trois
de forêt, et celle de son père dont
heures. Mais le véhicule tombe en
l’existence fut rongée par le rêve
panne au milieu du désert. Les
d’une vie meilleure aux Étatspasseurs ouvrent le hublot du toit,
Unis. Deux personréclament de l’argent
nages
emblématiaux clandestins pour
ques du dilemme
payer la réparation et
LES ENFANTS
auquel le pays est
s’en vont chercher des
DU JAGUAR
confronté : préserver
secours – prétendentDe John Vaillant,
traduit de l’anglais
ses savoir-faire ou
ils. À l’intérieur, un si(Canada)
épouser la marche du
lence de mort retompar F. Camus-Pichon,
progrès au risque de
be. La température
Buchet-Chastel,
détruire sa culture ?
grimpe. Chacun s’ac320 p., 21 €.
L’histoire de César,
croche à sa bouteille
qui a découvert
d’eau. Des prières à la
qu’une société améVierge s’élèvent.
ricaine introduit illéL’auteur,
John
galement des semenVaillant, grand reporces de maïs transter au New Yorker,
géniques qui s’autodont les deux premiers
détruisent, menalivres, Le Tigre et L’Arçant les dizaines
bre d’or, ont été très
d’espèces savoureuremarqués, s’est inspises de maïs mexiré d’un fait divers pour
cains, pose la même
écrire ce roman qui
question. John Vailbrosse sans manichéislant, en bon romanme le portrait d’un
cier, n’y répond pas. Très docupays et d’un peuple dont l’histoire
menté et contemplatif, son récit
s’enfonce dans la nuit des temps.
esquisse le beau visage d’un pays
Le rêve américain
déchiré entre les dieux anciens
du Mexique, les dieux modernes
Son héros, Hector, est un jeune Indes affaires, et le dieu espagnol
dien zapotèque originaire de l’État
avec ses innombrables Vierges
d’Oaxaca, l’un des plus pauvres du
que les femmes prient en dansant
pays. Il a pris place à bord de ce
pendant des nuits entières, le
camion clandestin avec l’un de ses
corps en feu. ■
compatriotes, de quelques années
son aîné. César était l’élève le plus
brillant de leur lycée. Grâce à une
bourse, il est devenu chercheur en
biotechnologies dans un laboratoire à Mexico. Dans la citerne, les
deux jeunes gens sont assis à côté
d’un tuyau, mince et unique voie
d’aération. Un hasard auquel ils
devront peut-être leur salut.
Mais aussitôt après le départ des
passeurs, une bagarre a éclaté. César est tombé, inanimé. Auparavant, il avait confié son téléphone
portable à son camarade. Hector
essaie désespérément d’entrer en
contact avec l’extérieur, espérant
que le réseau s’améliore. En attendant de pouvoir envoyer ses mesTrès documenté et contemplatif,
sages, il parle à l’enregistreur du
le récit de John Vaillant esquisse le
téléphone, explique ce qui leur est
beau visage d’un pays déchiré.
arrivé. Les heures et les jours pasASTRID DE LARMINAT
adelarminat @lefigaro.fr
Il a fait un rêve
BENJAMIN MARKOVITS Un idéaliste tente de réhabiliter certains
quartiers de Detroit. Un esprit pionnier qui irrite les Noirs.
A
CHRISTOPHE MERCIER
PRÈS sa trilogie byronienne (Imposture, Un
arrangement tranquille, Amours d’enfance),
l’Anglo-Américain
Benjamin Markovits revient à
l’époque contemporaine de ses romans précédents avec une fiction
ancrée dans l’Amérique d’aujourd’hui et les tiraillements qu’elle
connaît entre l’idéologie sur laquelle elle a été fondée et ses problèmes récurrents – racisme, intolérance, violence – accentués par la
crise économique.
À Detroit, ville de l’automobile
aujourd’hui ravagée par le chômage dû à la fermeture des usines, les
anciennes demeures patriciennes
dans lesquelles, depuis les années 1930, s’était installée une
population essentiellement composée d’ouvriers noirs sont maintenant au bord de la ruine : carreaux cassés remplacés par des
planches, toits crevés, jardins en
friche. Les rues sont désertes, les
magasins, fermés. Mieux vaut être
perpétuellement armé. La ville
sombre.
C’est alors que Robert James, un
jeune homme d’affaires qui affiche
également son ambition et son
idéalisme, ancien élève de Yale et
actuellement leveur de fonds au
bénéfice des démocrates, entreprend de réhabiliter certains quartiers, en rachetant les maisons
pour y loger gratuitement une population importée, qui les restaurera, ouvrira des commerces, travaillera dans les écoles délabrées.
La nouvelle communauté ainsi
créée ressuscitera la ville. Il s’agit,
en quelque sorte, de rééditer l’expérience des Pères pèlerins et de
retrouver l’esprit originel des
pionniers.
Réflexes raciaux
La plupart de ces nouveaux colons
sont blancs et sont mal à l’aise dans
l’Amérique d’aujourd’hui : anciens
hippies, rêveurs utopiques, chômeurs, parfois retraités curieux
d’un changement d’existence.
Parmi eux, le narrateur, Greg Marnier, ancien condisciple à Yale de
Robert James, qu’il a toujours admiré et un peu envié pour son
aisance et sa fortune. Mais les Noirs
habitants du quartier ne voient pas
forcément d’un bon œil ce qu’ils
considèrent comme une colonisation, et les Blancs nouveaux venus
ne sont pas tous dépourvus de réflexes raciaux bien ancrés. Très
vite, la tension monte…
Il y a mieux à vivre est un roman
abondant, un roman efflorescent,
aux personnages multiples qui
mettent du temps avant de prendre
corps et de s’installer dans la mémoire du lecteur. Puis, soudain,
miracle : la mayonnaise romanesque prend, les personnages se mettent à exister et le livre devient passionnant. Greg s’aperçoit que les
investisseurs du projet ne sont pas
aussi désintéressés qu’il y paraît, et
que même s’il vit avec Gloria, une
belle enseignante noire qui l’a
convaincu de prendre du service
dans son collège, lui n’est pas pour
autant admis par les amis d’enfance
de sa compagne, qui continuent à
voir en ses semblables des colons
qui n’ont pas leur place dans une
ville noire. Lorsqu’un jeune Noir
est accidentellement renversé par
un conducteur blanc qui tentait de
lui barrer la route, il n’est plus possible de se voiler la face : la haine
éclate au grand jour, et les émeutes
ne tardent pas.
Il y a mieux à vivre est à la fois
une chronique d’époque, une suite
d’instantanés et une étude au long
cours sur les fantasmes de l’Amérique et ses ambiguïtés. C’est aussi
un roman fitzgeraldien, secrètement mélancolique, sur les complicités d’étudiants et le choc du
réel, sur ceux qui prennent les rênes du monde et ceux qui refusent
de grandir, les éternels rêveurs. ■
IL Y A MIEUX
À VIVRE
De Benjamin
Markovits,
traduit de l’anglais
par C. Richard-Mas,
Christian Bourgois,
450 p., 23 €.
AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Par Éric Neuhoff [email protected]
Une éducation sentimentale
A
G
RANDIR, dit-il. Il
veut tout, mais pas
tout de suite. En
1975, Libero a douze
ans. Un jour, il a
surpris sa mère à genoux devant un ami de la famille. Cela
n’aide pas à avoir des sentiments. Le garçon aime le tennis
et les histoires d’Indiens. Son
père, qui ne tarde pas à quitter
le domicile conjugal, l’emmène
à Roland-Garros et lui présente
Sartre
aux
Deux-Magots.
McEnroe est l’idole de l’adolescent. Ce genre de détails per-
met de situer une époque. Il y a
aussi les films. Pour les livres, il
faudra attendre la rencontre
avec Marie, la bibliothécaire
qui lui offre L’Étranger et Buzzati. On connaît pires viatiques.
Évidemment, les filles excitent
beaucoup le héros. La masturbation est pratiquée à doses non
homéopathiques. Il n’oubliera
pas ces vacances à Deauville,
cette nuit dans un hamac où finalement il ne se passera pas
grand-chose. Patatras, il tombe
amoureux de la sœur d’un copain. Il sera difficile aux suivan-
tes d’effacer le souvenir de Lunette. Missiroli raconte cette
éducation sentimentale avec un
naturel qui n’exclut pas la drôlerie ni l’émotion. Quand on
demande à Libero ce que ça fait
d’avoir des parents divorcés, il
répond : « Un morceau par-ci,
un morceau par-là. On s’y habitue. » Sa mère l’appelle son
« petit homme du monde ».
Après avoir travaillé dans un
café de Saint-Germain-desPrés, il retourne à Milan, la ville
de son enfance. Les jours se
partagent entre un cabinet
«
Quand
on demande
à Libero
ce que ça fait
d’avoir
des parents
divorcés, il répond :
« Un morceau
par-ci, un
morceau par-là.
On s’y habitue. »
»
d’avocats et un bistrot tenu par
un philosophe en fauteuil roulant. À un moment, Libero a
perdu son pucelage. Une bonne
chose de faite. Il lit L’Amant
(qui lui plaît) et Gadda (qui
l’ennuie). Il y a des Vespa, une
collègue peu farouche, des soirées sans fin, de mauvaises
nouvelles, un voyage raté à
New York, des situations qui se
répètent alors qu’on aurait tellement voulu les éviter.
Ce premier roman touche comme une visite sur une tombe du
cimetière de Passy, saute à la
gorge comme un chapitre de
Tandis que j’agonise. On voit le
temps passer, les premiers remords, la maladie des autres,
les menues trahisons. Le ton
rappelle celui des premiers Patrick Besson ou les meilleurs
Truffaut. L’Italie a trouvé son
Antoine Doinel.
MES IMPUDEURS
De Marco Missiroli,
traduit de l’italien
par Sophie Royère, Rivages,
300 p., 22 €.
GERAINT LEWIS/WRITER PICTURES/LEEMAGE
TIMOTHY FADEK /POLARIS /STARFACE
V
ÇA
LÀ
(Perrin, 25 août) n’est pas une
énième biographie mais l’histoire
d’un homme d’aujourd’hui qui se
demande, Évangiles en main, ce
que Jésus lui dit et ce qu’il peut en
faire réellement.
Le Jésus de Taillandier
Dans son prochain livre, François
Taillandier prend la figure du
Christ à bras-le-corps. Son Jésus
Le nouveau Makine
Une chasse à l’homme menée par
Pavel Gartsev à travers l’infini de
la taïga, au crépuscule de l’ère sta-
linienne. Les Éditions du Seuil présentent ainsi le prochain roman
d’Andreï Makine, fraîchement élu à
l’Académie française. L’Archipel
d’une autre vie paraîtra le 18 août.
Mauvignier
et le Kirghizstan
Sybille a ce projet fou de partir
plusieurs mois avec son fils à cheval dans les montagnes du Kirghi-
zstan, afin de sauver ce fils qu’elle
perd chaque jour davantage, et
pour retrouver le fil de sa propre
histoire. Tel est le thème du prochain roman de Laurent Mauvignier, Continuer, à paraître le 1er
septembre.
La colonisation racontée
à un enfant
Gauz, auteur ivoirien détonant,
L’odyssée
au bout
du fusil
L’histoire de Rosario commence en
1941. Rosario la raconte à son voisin
en 1980. Le voisin l’écrit en 2001.
Ainsi le livre est-il un pont entre
deux époques, celle que connut Rosario, celle du narrateur. Ainsi y at-il deux livres dans le livre : celui
d’un Français intellectuel et amoureux de la Sicile – qui écrit sa retraite solitaire -, celui d’un Sicilien qui
a fui la guerre en désertant. Le premier séduit et émeut moins que le
second, et l’on n’a de cesse de retrouver la vie de Rosario plutôt que
L’Odyssée de Rosario rend hommage à ceux qui sont conduits à errer loin
de chez eux en espérant le retour. MICHEL VANDEN EECKHOUDT/AGENCE VU
les analyses du Français. L’enchâssement des deux histoires a le défaut de rompre l’énergie et le charme de la part la plus narrative du
texte. L’abondant commentaire du
narrateur brise parfois la force de
l’histoire de Rosario.
L’Odyssée de Rosario est un livre
intéressant à lire pour une raison
inhabituelle : on y voit croître le
pouvoir des mots au fur et à mesure qu’ils s’assemblent avec plus
d’harmonie. Car le commencement déçoit, qui diffère sans
cesse le récit en revenant trop sur
la première image : un fusil sur une
table, Rosario venu tuer le voisin
étranger à qui il va finalement
se raconter. On comprend la
leçon : regarder l’étranger avant de
vouloir le tuer. Mais l’écriture alors
manque de rectitude. C’est au milieu du livre, pendant la quatrième
partie du voyage, que l’inspiration
Vies minuscules dans le RER
ANNE COLLONGUES Un beau premier roman
où sept passagers se croisent en se rendant en banlieue.
A
MOHAMMED AÏSSAOUI
CE QUI NOUS
SÉPARE
D’Anne Collongues,
Actes Sud,
170 p., 18,50 €.
TTENTION, vous entrez dans ce livre
comme on pénètre
une atmosphère. Les
personnages d’Anne
Collongues, eux, prennent un RER
qui se dirige en banlieue. Pas de
noms de ville ni de stations. Ça n’a
pas d’importance. Ce qui compte
est le « transport », dans tous les
sens du terme : cette « manière
d’aller à un lieu vers un autre » et
cette « émotion vive » qui touchera
nos sept passagers. Ce qui nous sépare est le premier roman d’Anne
Collongues, également photographe – cela se « voit » dans son récit
d’une incroyable maîtrise et plein
de maturité.
Il y a trois femmes : Marie, la jolie
et frêle blonde, jeune maman ; Laura, qui tous les mardis après-midi
quitte tôt son bureau pour se rendre
dans une clinique ; et Cigarette,
surnommée ainsi parce qu’elle est
trop mince, trop grande et sent la
cigarette - elle a travaillé dans le
bar-tabac de ses parents. Quatre
hommes : Chérif, qui rentre dans sa
banlieue – il a commis un « crime »
en séduisant la femme de son frère ;
Liad qui revient d’Israël, Alain qui a
échangé sa superbe maison provençale contre un sombre deux-
littéraire
Un démultiplicateur
de bonheur
Galuppi, l’opéra napolitain, l’architecture palladienne, les églises de
Sienne, Città della Pieve, mais aussi
pour le calcio et les cartes postales
OMMENT dire la mort,
(les cartoline) qu’il a collectionnées
retrouver et prolonger
la mémoire du défunt,
par milliers… Un amour exclusif
rendre justice et vie à un
et exacerbé, transformé en « pasdestin qui ne fut pas le
sion maniaque ». « L’Italie, précise
nôtre ? Frédéric Vitoux confie : « Un
Vitoux, lui permit de basculer vers
ami vous rencontre, vous accompace qui était sans doute, au sens
gne, vous quitte, meurt. Il y a le déstendhalien du terme, une sorte de
chirement, le chagrin, l’attendrissebonheur fou. » L’extravagante
ment, la nostalgie, la peur, l’oubli
boulimie cinématographique de
peut-être qui ronge et puis plus
Roger n’était plus, depuis 1968,
rien. » Dans ce récit viqu’un lointain souvebrant paru une prenir.
mière fois en 1986 et
Taciturne, familier
IL ME SEMBLE
DÉSORMAIS
réédité aux Équateurs,
des sautes d’humeur et
QUE ROGER
le biographe de Céline
des coups de tête, mais
EST EN ITALIE
et de Rossini, entre
également « virtuose de
De Frédéric Vitoux,
autres, rend hommage
drôlerie,
d’entrain »,
Équateurs,
à son ami et complice
l’ami disparu était un
74 p., 9 €.
Roger terrassé par une
esthète et un solitaire,
leucémie
galopante
non pas par vocation
quelques mois auparaou tempérament, mais
vant, pour justement
par prudence : « Parce
conjurer ce « puis plus
que la solitude est plus
rien » aussi injuste
facile à organiser que
qu’insupportable.
la vie sociale », note
Vitoux. Les deux hom« Passion
mes se voyaient régumaniaque »
lièrement : dîners quai
d’Anjou ou chez le criÉcrites dans l’émotion
tique Michel Ciment,
et à la hâte (« parce que
promenades à Portsa mort n’est pas encore
Royal, Senlis, la Valléevraie »), ces pages pleiaux-Loups, virées à
nes de vie relèvent plus
Marseille… Autre témoignage de
de l’exercice d’admiration que du
cette solide amitié : le personnage
tombeau ou du requiem. Roger avait
du comte Giuseppe, protagoniste de
été critique de cinéma dans les anFin de saison au Palazzo Pedrotti,
nées 1950-1960, pour la revue Posidont nombre de traits sont emtif, avant de tomber amoureux fou
pruntés à Roger. Le mot de la fin est
de l’Italie pour laquelle il avait tout
à retenir et à répéter, lentement :
quitté. Un autre point commun avec
« Un ami, c’est un démultiplicateur
Frédéric Vitoux. L’amour pour les
de bonheur. » ■
toccatas et les sonates du Vénitien
C
O
Pont entre deux époques
CRITIQUE
THIERRY CLERMONT
[email protected]
PAR ALICE FERNEY
L’ODYSSÉE
DE ROSARIO
De Pierre-Yves
Leprince,
Gallimard,
228 p., 20 €.
5
FRÉDÉRIC VITOUX Réedition d’un éloge
de l’amitié à travers le portrait d’un disparu.
PIERRE-YVES LEPRINCE
Venu tuer son voisin, Rosario le
Sicilien lui raconte son périple.
N EST TOUCHÉ par le
projet qui d’évidence
anima Pierre-Yves
Leprince en écrivant
L’Odyssée de Rosario :
rendre hommage à ceux qui sont
conduits à errer loin de chez eux en
espérant le retour. Nous faire ressentir et admirer leur courage, patience et endurance. Et c’est réussi,
nous avons peur avec son héros et
nous sommes heureux quand la
chance le sauve.
Rosario est un paysan sicilien.
Afin de gagner l’argent nécessaire à
son mariage, il a travaillé pour un
mafieux. Pour fuir cette emprise, il
s’enrôle dans l’armée italienne qui
combat en Grèce. Puis, pour fuir la
guerre, il déserte et entreprend le
long périple jusqu’à chez lui, où attendent sa femme et un fils qu’il n’a
jamais vu.
dont le premier roman, Deboutpayé, inspiré de son expérience
de vigile chez Sephora, avait
connu un grand succès, publie un
nouveau livre, Camarade papa,
l’histoire d’un enfant d’immigré qui
repart pour la Côte d’Ivoire où sa
grand-mère lui raconte les débuts
de la colonisation. Aux éditions
Le Nouvel Attila, en librairie le
25 août.
jeudi 9 juin 2016
pièces parisien ; et Frank, le râleur,
obligé de prendre le RER parce
qu’on lui a retiré son permis
– maintenant, ses trajets en voiture
lui manquent alors qu’il n’arrêtait
pas de se plaindre des bouchons. Ils
se retrouvent dans la même rame
du RER. Ils sont très différents, voire opposés, mais ils possèdent ce
point commun : ils semblent tous
cabossés. L’allégorie est puissante :
Marie, Laura, Frank et les autres
n’ont pas prise sur le mouvement
inexorable de la vie, ils n’échappent
pas au rythme du RER qui « grince,
ralentit, tangue un peu ». Ils se laissent transporter. Seules leurs pensées s’échappent en observant par
la fenêtre un cirque sur un parking,
un homme et son chien…
Est-ce le regard tendre et bienveillant d’Anne Collongues sur ces
existences qui nous les rend si attachantes ? Sans doute. On pense,
sans comparer, au travail entrepris
par Pierre Michon dans Vies minuscules. La romancière a le sens du
portrait, de ces infimes détails qui
en disent long. En exergue, elle a
repris une phrase de Clarice Lispector : « La journée durant, je fais,
comme tout un chacun, des gestes
qui m’échappent. » Ce sont ces gestes qu’Anne Collongues a su magnifiquement capter. Ce beau premier
roman en appelle d’autres. ■
s’insinue dans le texte. Car PierreYves Leprince a plus d’oreille lorsqu’il est dans la tête de Rosario que
lorsqu’il reste dans la sienne. Sa
sensibilité devient plus puissante
dans l’empathie. Il atteint par moments des accents d’un Erri De
Luca. Rosario a le même génie de la
vie que le grand artiste italien. Il
sait comme la bonté suscite la bonté. « J’avais sous-estimé le plus
étonnant de la vie : les gens qu’on
y croise. » Il chante un hymne aux
femmes qui sauvent le Sicilien,
elles sont belles, fortes, intelligentes, libres et généreuses. Et le livre
le devient avec elles. ■
Jean-Louis
Servan-Schreiber
Vivre dans
l’illusion est
le chemin des
déceptions.
La lucidité
est exigeante,
mais salutaire.
Ce livre nous
y prépare
en souriant.
fayard
A
&
LE FIGARO
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
6
L’inconnue aux 100 000 exemplaires
DÉCRYPTAGE
d’un
SUCCÈS
L’ÉDITION DE POCHE DE « LA MÉMOIRE
DES EMBRUNS » DE L’AUSTRALIENNE
KAREN VIGGERS CONNAÎT
UN VIF SUCCÈS, GRÂCE NOTAMMENT
AUX SOUTIENS DES LIBRAIRES.
HISTOIRE
La république des lettres est
friande de ces petits miracles.
Voici Karen Viggers, vétérinaire
à Canberra, spécialiste de la faune sauvage. On ne sait pas
grand-chose d’elle. Son roman,
La Mémoire des embruns, paraît
en 2011, en Australie. La maison
d’édition Les Escales, fondée par
Véronique Cardi, l’actuelle directrice du Livre de poche, en
achète les droits pour la France.
Un beau succès : le roman, grâce
notamment à l’activisme du libraire Gérard Collard, atteint les
20 000 exemplaires. Pas mal.
littéraire
Saint Louis : l’étrange victoire
LA DERNIÈRE
CROISADE
De Xavier Hélary,
Perrin,
317 pages, 22 €.
Mais le miracle ne s’arrête pas là.
L’édition en petit format, au Livre de poche, paraît en mars
dernier. C’est le triomphe. En
deux mois, ce récit s’arrache à
100 000 exemplaires. La Mémoire des embruns conte l’histoire de Mary revenue s’installer
dans l’île sauvage Bruny (en
Australie, dans le sud-est de la
Tasmanie). Elle confie un secret
de famille. Ce livre s’inscrit dans
le registre classique du roman
d’évasion. Sera-t-il le best-seller de l’été ?
MOHAMMED AÏSSAOUI
ESSAI Le charisme du roi a permis de transformer le fiasco de la VIIIe croisade en victoire politico-spirituelle.
E
PAUL FRANCOIS PAOLI
N TUNISIE, un autre
que saint Louis
n’aurait peut-être
pas fait mieux, mais
il était difficile de
faire pire », écrit l’historien Xavier
Hélary en conclusion de son livre,
qui peut se lire comme une enquête
très minutieuse sur l’ultime tentative de l’Occident chrétien de libérer Jérusalem de l’emprise de l’Islam.
Une entreprise de longue haleine,
celle de la VIIIe croisade, qui s’achèvera par la mort de Saint Louis, le
25 août 1270, à Tunis. Âgé de 56 ans,
le roi succombera à l’épidémie de
«
typhus qui a décimé une partie de
son armée, celle de ses ennemis
musulmans aussi. Un fléau qui fut le
seul gagnant d’une guerre sans
vainqueurs ni vaincus que Saint
Louis désirait à tout prix mener. S’il
ne fait pas de doute que celui-ci fut
un saint et un héros aux yeux de
l’Église, « il faut se résoudre, écrit
Hélary, à voir en lui un piètre chef de
guerre ».
Outre le fait qu’il minimise les
distances entre Tunis et Jérusalem,
il sous-estime l’importance de la
chaleur écrasante à laquelle ses
guerriers, même provençaux, ne
sont pas habitués.
Mais là n’est pas l’essentiel. La
force du livre de Xavier Hélary est
de démontrer à quel point un échec
militaire - les croisés rentreront en
Europe avec du butin tout en devant renoncer aux lieux saints - a
pu être transformé en une victoire,
tant le caractère sacré du personnage s’est encore renforcé après sa
mort, perçue comme un sacrifice.
Le devoir du chrétien
Pour comprendre ce phénomène il
nous faut sortir de nos catégories
contemporaines. Ni le colonialisme, ni l’impérialisme, ni même un
quelconque choc des civilisations
ne nous permettent d’appréhender
l’initiative du roi franc. Saint Louis
connaît mal l’Islam. Ce qu’il sait est
que des hérétiques, les Sarrasins,
occupent le tombeau du Christ et
qu’il est de son devoir de chrétien
de le libérer, comme il serait
aujourd’hui du devoir d’un musulman de délivrer La Mecque si elle
était occupée par des troupes
étrangères.
Il est soutenu par la papauté, qui
voit en lui le héraut de la chrétienté
tout entière. Aussitôt après sa mort,
le corps de celui qui fut un roi thaumaturge n’hésitant pas à toucher
les plaies des lépreux fera l’objet
d’un culte inouï. Son cœur et ses
entrailles seront entreposés à l’abbaye de Monreale, en Sicile, et ses
os transportés jusqu’à la basilique
de Saint-Denis, où ils deviendront
des objets de vénération.
Au passage, rien ne montre mieux
à quel point, a contrario du bouddhisme ou de l’hindouisme, le catholicisme est aussi une religion du
corps.
« Au fond il n’y a guère que la
royauté française qui a tiré un certain avantage de l’échec de la croisade, écrit Xavier Hélary. Proclamée en août 1297, la canonisation de
Saint Louis fait de son petit-fils Philippe le Bel le rex christiannissimus,
le roi très chrétien supérieur à tous
les autres souverains d’Occident. À
ce titre, comme à beaucoup d’autres,
la figure de saint Louis est de celles
qui ont fondé la construction du sentiment d’appartenance au royaume
de France. » ■
La France coloniale face à l’Islam
ESSAI Pierre Vermeren montre comment l’Empire français a abordé la question religieuse au Maghreb.
JACQUES DE SAINT VICTOR
À
LA FRANCE
EN TERRE D’ISLAM.
EMPIRE COLONIAL
ET RELIGIONS
XIXE-XXE SIÈCLES
De Pierre Vermeren,
Belin,
430 p., 23 €.
A
LE PRIX DU SALUT
De Peter Brown,
traduit de l’anglais
par Christophe J.
Goddard,
Belin,
276 p., 23 €.
LA FIN de sa belle
étude sur l’identité de
la France, le grand
historien des Annales, Fernand Braudel,
rappelait fort opportunément que l’Islam n’est pas
seulement une religion mais aussi
une « civilisation », comme la civilisation chrétienne, et qu’il est hasardeux de traiter ces deux aspects
séparément. C’est toute la difficulté qu’affrontent aujourd’hui nos
gouvernants. Au nom de la liberté
religieuse, ces derniers sont souvent démunis face à certains islamistes parce qu’ils ont perdu l’habitude de traiter aussi l’Islam
comme une civilisation, ne voulant
pas voir, derrière certaines revendications, une dimension politique
et « civilisationnelle ».
Leurs homologues du XIXe et du
début du XXe siècle ont été moins
entravés et ils ont bien compris,
eux, qu’en s’affrontant à l’Islam, à
partir de l’expédition d’Égypte,
mais surtout de la conquête de
l’Algérie en 1830, ils affrontaient,
non pas seulement une religion
(comme le protestantisme), mais
une conception du monde. Aussi,
comme le souligne l’historien
Pierre Vermeren, il peut être utile
de revenir sur « l’expérience et la
complexité des pratiques et des savoirs acquis par la France coloniale ». C’est le propos de cette utile
et audacieuse synthèse qui veut
rompre avec la « politique d’amnésie » organisée autant par l’État
que par l’historiographie officielle. Certains points ne sont pas des
révélations, comme le projet de
« royaume arabe » de Napoléon III
ou le grand rôle accordé par la
Prise de la Smala d’Abd-el-Kader par le duc d’Aumale à Taguin, le 16 mai 1843 (détail), par Horace Vernet.
DEAGOSTINI/LEEMAGE
République laïque aux ordres
missionnaires (anticléricalisme
au-deçà de la Méditerranée, religion au-delà) ; d’autres constituent au contraire une mise au
point très précieuse. On y mesure
mieux l’importance de la religion
musulmane qui obligea même les
radicaux parisiens à s’accommo-
der de la situation confuse qui régnait sur le terrain.
Exception à la laïcité
La loi de séparation de 1905 ne fut
pas appliquée dans les départements algériens. C’est, a-t-on dit,
« l’exception musulmane à la laïcité ». Vermeren indique que ce fu-
rent les salafistes de l’époque qui
demandèrent l’application en terre
d’Islam de la loi de séparation,
ceux-ci ayant compris (comme le
Vatican d’ailleurs à la même époque avec Mgr Merry del Val) que la
loi de 1905 offrait une plus grande
liberté aux cultes, là où l’espèce de
concordat tacite algérien renforçait
le contrôle des autorités françaises
sur la religion. Il n’en demeure pas
moins que la République fut plus
« tolérante » au Maghreb, ce qui
surprendra plus d’un adepte actuel
de la « repentance coloniale » : « La
République coloniale, dure envers
l’Église en métropole, a su trouver les
accommodements nécessaires visà-vis des religions dans les colonies », conclut Vermeren. Le régime dérogatoire de 1907 pour
l’Algérie pourrait d’ailleurs inspirer
nos politiques, sans passer par une
refonte de la loi de 1905.
De la même façon, on découvre
avec surprise la crainte des autorités républicaines quant au patriotisme des populations musulmanes
au moment de la déclaration de
guerre de 1914. La Turquie avait
choisi en effet le camp des Allemands. Or, le sultan d’Istanbul représentait encore une autorité morale sur les populations du
Maghreb, le départ des Turcs, en
1830, n’ayant pas aboli la tutelle
morale et religieuse du califat
(avant sa disparition en 1924). En
novembre 1914, Millerand écrit
qu’une « proclamation turque va
être répandue parmi les troupes musulmanes pour menacer de damnation ceux qui combattent (…) pour la
France ». L’Allemagne en profita
pour ordonner le djihad. Il ne semble pas que cette fatwa ait été suivie
d’effet à l’époque car, selon Vermeren, « la conscience de la puissance militaire française n’était pas
dissipée en Algérie ». Ce sont tous
ces petits détails oubliés qui permettent de mieux saisir l’intérêt
d’une relecture de deux siècles de
cohabitation délicate, à un moment
où, comme le souligne Vermeren,
la France a rouvert la porte fermée
par de Gaulle. ■
L’au-delà à travers les âges
ESSAI La vie après la mort a suscité de nombreux débats parmi les premiers chrétiens.
P
JEAN-MARC BASTIÈRE
OUR les chrétiens des
premiers siècles, l’immortalité de l’âme n’allait pas de soi. Pour un
Tertullien, une telle
croyance était à la fois triviale et arrogante. Pour lui, l’âme des défunts,
qui faisait simplement une halte rafraîchissante après la mort, attendait
une récompense bien supérieure : la
résurrection. Dieu régénérerait pour
elle l’univers tout entier - et recréerait par des voies mystérieuses chaque corps humain. L’émergence des
conceptions chrétiennes de l’au-
delà, loin d’être un grand récit uniforme, fut le fruit d’un débat continuel et agité entre les chrétiens,
nous montre Peter Brown, grand
historien de l’Antiquité tardive,
dans un livre passionnant. Il va à
l’encontre de bien des idées reçues.
Il explique pourquoi des images de
l’outre-tombe ont émergé, que
certaines parmi elles ont remporté
un large succès et d’autres suscité
des débats, voire rencontré une
franche opposition.
Les chrétiens ne passaient pas leur
temps à n’être que chrétiens. La promotion du martyre, chez Cyprien
de Carthage, visait surtout à réveiller
l’indifférence de la communauté
dont il avait la charge. Pour les
païens ordinaires, le martyre n’était
que de l’exhibitionnisme suicidaire.
Après plusieurs siècles, la croyance
en l’ascension immédiate de l’âme
au ciel après la mort – ou sa descente
en enfer – a fini par l’emporter parmi
les chrétiens de l’Occident latin.
Un marathon urbain
Au VIIe siècle avec un Julien de Tolède, l’au-delà chrétien était devenu
une sorte de marathon urbain. Une
longue suite de traînards suivait avec
peine un petit groupe d’avant-coureurs, les champions de la foi.
Dans cette conception, chaque
côté, mort ou vivant, avait en quelque sorte besoin de l’autre, surtout
les morts ordinaires, parce qu’ils
avaient commis des péchés.
Cette inquiétude donna de la
force à l’idée d’intercession dans
les Églises chrétiennes de l’époque. Se dessine alors le paysage
d’une Europe occidentale parsemée
d’églises funéraires et de monastères qui s’employaient tous avec
ardeur à prier pour l’âme des disparus. La richesse des plus fortunés avait rendu le lien entre les
vivants et les morts visible et somptueux. ■
Portrait de saint Cyprien
de Carthage, miniature grecque
du IXe siècle. LEEMAGE
LE FIGARO
Le chat
est un porteur
de silence»
ALAIN CORBIN AU MICRO
DE FRANCE CULTURE,
LE 6 JUIN
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO
LE CHIFFRE DE LA SEMAINE
Retrouvez sur Internet,
chaque mardi,
la chronique
« Livres pour
la jeunesse ».
@
7
Sur dix, c’est ce qu’a obtenu Philippe Forest, lauréat
du Goncourt de la biographie pour son monumental
Aragon (Gallimard). Il l’a emporté face à Philippe
Paquet, trois voix pour son Simon Leys (Gallimard).
EN VUE
littéraire
JEUNESSE
Le dernier vol
de Saint-Ex
DOCUMENT Des tranchées des Flandres à l’Himalaya,
le périple tragique et sublime de deux héros.
Le sort de Mallory et Irvine devient l’un des grands mystères de
l’alpinisme. Il est en partie résolu
lorsque en 1999 une expédition reE 6 JUIN 1924, deux
trouve un corps momifié sur la
alpinistes anglais quitpente nord de l’Everest. Vêtu de
tent leur petite tente à
lambeaux de vêtements de l’épo8 230 mètres d’altitude
que, le torse encore enroulé dans
et entreprennent la phaune corde de coton, il est identifié
se finale de l’ascension de l’Everest
comme celui de George Mallory,
par la face nord. George Mallory et
ayant probablement été victime
Andrew Irvine sont les premiers à
d’une chute.
s’approcher aussi près du sommet
La fin tragique de Mallory et
de la montagne, 600 mètres plus
Irvine n’est que l’épilogue de
haut. Le même jour, Noel Odell, un
l’ouvrage de Wade Davis Les Solautre membre de l’expédition, part
dats de l’Everest. Plus que le récit
avec du ravitaillement vers leur
de leur échec, ce livre foisonnant,
camp. À la faveur d’une éclaircie, il
plein de portraits et de flash-back,
aperçoit les deux hommes, deux
est celui de la découverte de cette
petits points noirs en mouvement
région reculée de
sur l’arête de la monl’Himalaya par ces
tagne immense. La vipremières expéditions
sion s’évanouit presLES SOLDATS
DE L’EVEREST
et de l’époque où la
que aussitôt alors que
De Wade Davis,
haute montagne était
les nuages se refertraduit de l’anglais par
un monde presque
ment sur l’Everest. On
Christophe Jaquet,
aussi mystérieux que
ne reverra jamais MalLes Belles Lettres,
la planète Mars, et son
lory et Irvine. Ils ont
576
p.,
26,50
€.
exploration bien diféchoué tout près du
férente du sport exbut, après être parvetrême qu’elle est denus à une altitude que
venue.
personne n’avait enGeorge Mallory et
core atteinte en monses compagnons ne
tagne. L’Everest reste
sont pas des sportifs
encore inviolé penordinaires.
Élevés
dant presque trente
dans les public schools
ans, avant que le sombritanniques, éduqués
met soit finalement
à Oxford ou Cambridatteint par Edmund
ge, ces jeunes gens
Hillary et Tenzing
idéalistes et cultivés
Norgay en 1953.
L
Premiers appareils
de respiration à oxygène
tweed qui les font ressembler sur
les photos à « un pique-nique
dans le Connemara surpris par une
tempête de neige », selon le mot
de George Bernard Shaw, leurs
cordes de coton, leurs gabardines
Burberry et leurs bandes molletières, Mallory et ses compagnons manquent singulièrement
d’équipement adapté. D’un courage et d’une endurance superbes, certainement pas. ■
George Mallory
avec le major Norton
lors de l’expédition
britannique au mont
Everest, en 1922.
MARY EVANS/
RUE DES ARCHIVES
LE MYSTÈRE SAINT-EXUPÉRY
D’Arthur Ténor,
Scrinéo,
126 p., 8,90 € (à partir de 12 ans).
L’odeur du maquis et le parfum du mystère
MICHEL BUSSI Une femme revient en Corse vingt-sept ans après la mort accidentelle de ses parents.
MOHAMMED AÏSSAOUI
[email protected]
D
IRECTION la Corse.
Michel Bussi, le natif
de Louviers, dans
l’Eure, spécialiste de
géographie électorale,
emmène souvent ses lecteurs sur les
routes de France. Après leur avoir
fait découvrir à plusieurs reprises sa
Normandie natale, après le Jura et
l’île de La Réunion, nous voici donc
sur l’île de Beauté. Le roman s’ouvre
sur une carte détaillée – il est question de la presqu’île de la Revellata,
de la bergerie d’Arcanu, de plages
REVUE
presqu’île de la Revellata, il emprunte un virage surplombant un
ravin de vingt mètres, un éboulis
appelé Petra Coda…
« Faut vivre pour eux »
Michel Bussi n’a pas besoin d’en dire
plus : le lecteur pressent le drame
dès la première ligne. Un accident de
voiture. Seule Clotilde survit. « Faut
vivre, mademoiselle, avait dit un jeune
flic en posant une couverture de survie
argentée sur son dos. Faut vivre pour
eux. Pour ne pas les oublier. » L’adolescente n’oubliera jamais.
La voici transportée vingt-sept
ans plus tard, le 12 août 2016. On la
CONTES
Ailleurs, c’est où ?
Chaque semaine, dans Le 1,
la littérature rencontre l’actualité,
ou peut-être l’éclaire-t-elle.
Pour l’été, le journal a proposé
à des écrivains un devoir de
vacances : raconter leurs ailleurs.
Dix auteurs ont offert de
magnifiques nouvelles, chacun
dans son style et son registre.
Ailleurs, c’est quoi ? C’est où ?
On s’attend à des contrées
exotiques. Erreur fatale. L’ailleurs
ne nécessite pas forcément
de prendre l’avion ou le bateau.
Marie-Hélène Lafon,
Goncourt de la
nouvelle, ancre,
comme souvent,
son récit dans le
Cantal. Irène Frain,
la Bretonne, ou
Michel Quint, le roi
du Nord, illustrent
à merveille que
« l’ailleurs » est
souvent près de chez
magnifiques avec vue sur la montagne, de la mer, du soleil et du camping des Euproctes.
Les sept premières pages se déroulent le 23 août 1989. Clotilde a
quinze ans. Plutôt rebelle, tout le
contraire de Nicolas, son frère de
dix-huit ans qui a un tel sens de la
diplomatie qu’il aurait pu devenir
négociateur au sein du GIGN – « le
type qui parlemente avec les braqueurs coincés dans la banque pour
faire sortir un par un les otages ». La
petite famille, avec le père et la
mère, embarque dans la Fuego rouge – le papa roule vite, comme souvent quand il est énervé… Après la
« NOUVELLES LE 1 »
Ouvrage collectif.
Le 1 /La Grande
Librairie.
94 p., 5,90 €
Il était une fois un médecin
de campagne enlisé dans
une ornière du temps.
Une malédiction lui a fait perdre
son passé si bien qu’il est
incapable d’envisager l’avenir.
Il ne sait plus qui il est, tout
lui semble irréel. Deux enfants
du village, aidés d’un vieux hibou
très savant, entreprennent
de réparer cette déchirure
temporelle afin qu’il revive
et retrouve sa fiancée, retenue
prisonnière dans une autre
dimension. C’est par cette
belle histoire à
rebondissements,
empreinte
de fantaisie,
d’intelligence
et de poésie que
s’ouvre ce recueil
de contes de lady
Danielle Edwards,
scientifique
et écrivain, épouse
apporte des indices. Le récit fait un
va-et-vient entre l’été 1989 et l’été
2016. Le temps est assassin obéit à
une mécanique diabolique. Bien
sûr, il y a le décor de cette Corse un
peu fantasmée, l’odeur du maquis,
le parfum du mystère, et ces semaines de vacances où tout est possible, même « entretenir l’illusion du
désir ». Mais ce qui emporte, ce
sont ces considérations sur l’existence, sur le temps qui passe, l’enfance, les illusions perdues et celles
que l’on veut garder à tout prix. Michel Bussi est passé maître dans
l’art de trousser un roman policier
psychologique. ■
DOCUMENT
Une repriseuse du temps
soi, voire chez soi. C’est
exactement la même chose pour
Dany Laferrière, qui se souvient
de son village natal Petit-Goâve,
à Haïti. Bien sûr, d’autres plumes
ont le parfum de l’exotisme.
William Boyd, l’écrivain d’origine
écossaise, raconte trois nuits
de samba à Rio. Pour Tahar
Ben Jelloun, c’est juste une nuit
dans le désert, à deux cents
kilomètres de Ouarzazate. Mais
quelle nuit ! C’était avec Ava,
inaccessible actrice de Scorsese.
Il a décidé
de ne le raconter
à personne...
M. A.
retrouve sur le lieu même où ses parents et son frère ont disparu. C’est
une mère qui y retourne pour la
première fois depuis le drame, elle
s’y rend avec sa fille de quinze ans,
Valentine, et Franck, son compagnon. C’est fou : son adolescente est
aussi rebelle qu’elle, elle n’en a que
faire de ce pèlerinage. Grande désillusion pour la femme de quarantedeux ans. Qui est prête à oublier de
nouveau, mais reçoit une lettre signée de… sa mère. Est-elle vivante?
Commence alors une extraordinaire enquête menée avec maestria
par Michel Bussi. Le journal intime
de Clotilde replonge dans le passé,
de Michael Edwards
de l’Académie française.
Les paysages empruntent
à la France rurale d’autrefois
mais sont incrustés de détails de
la vie quotidienne d’aujourd’hui.
On aime Joseph, le jeune
garçon vacher orphelin,
ou Jean de la Lune, atteint
d’un syndrome aigu d’allergie
à l’école : des personnages dont
la vie était en suspens jusqu’à
ce qu’une main bienveillante
les aide à reprendre pied dans
le temps pour relancer le cours
de leur existence.
ASTRID DE LARMINAT
LES CONTES
DE JOURS,
VOLUME I
De lady
Danielle Edwards,
Éditions Tituli,
238 p., 22 €.
Une vie en images et en tweets
En général, ce sont les greniers
qui contiennent les malles
mystérieuses. Dans le cas du
Madeleine Project, c’est une cave
qui va déclencher l’excitation.
En 2015, Clara Beaudoux,
journaliste de 31 ans, emménage
dans un appartement.
L’agence immobilière la prévient
que la cave n’a pas été vidée,
la précédente locataire
étant décédée à un âge avancé.
Curieuse, Clara s’y rend et y
découvre des malles,
des valises, des
boîtes dans
lesquelles sont
rangés les souvenirs
et objets d’une vie.
À part un prénom,
Madeleine, Clara
ignore tout de cette
femme. À mesure
qu’elle pénètre dans
cette autre vie,
elle prend les objets
en photo et rédige des tweets
qu’elle poste. L’aventure va durer
du 2 au 6 novembre 2015,
puis du 8 au 12 février 2016.
Les internautes vont se prendre
au jeu de cette enquête au cœur
d’une vie envolée. L’enseignante
Madeleine se met à revivre.
Ses voyages, ses amours,
son goût pour les livres
émergent du néant de l’oubli.
Pour Clara, cette anonyme
devient une amie, une confidente.
Ce premier « tweetdocumentaire » est
une expérience
étrange mais
bouleversante.
BRUNO CORTY
MADELEINE
PROJECT
De Clara Beaudoux,
Éditions
du Sous-sol,
286 p., 18 €.
A
LE TEMPS
EST ASSASSIN
De Michel Bussi,
Presses de la Cité,
534 p., 21,50 €.
Le 31 juillet 1944, le pilote Antoine
de Saint-Exupéry s’envole
de la base aérienne de Borgo,
en Corse, pour aller « chasser
le paysage ». Il ne rentrera jamais
de sa mission photographique
et sera abattu au large
des calanques de Cassis
par un jeune pilote allemand.
Celui-ci avait eu la surprise
de débusquer sous lui cet avion
de reconnaissance
qui semblait indifférent
aux dangers régnant alors
dans le ciel. Le romancier Arthur
Ténor revient sur cette journée
fatidique en s’inscrivant dans
les blancs de l’histoire. Il met
en scène un Saint-Ex fatigué,
perclus de douleurs après
un précédent accident d’avion,
se laissant gagner par
la mélancolie. Surtout, il se met
dans la tête de l’Allemand
Horst Rippert qui déclara
des années plus tard avoir abattu
sans le savoir l’avion de l’homme
dont il avait lu les livres. Une
lecture qui complétera utilement
celle du Petit Prince.
F. D.
ont été soudain arrachés de leur
monde de blazers à rayures et de
poésie en grec ancien pour être
projetés dans les tranchées des
Flandres ou de la Somme. Les rares survivants reviennent du front
hantés par les images des corps
pourrissant dans la boue, incapables de se réadapter à la vie civile.
Pour certains de ces rescapés, l’alpinisme devient une rédemption,
une façon d’échapper à un monde
de boue et de sang, de gaz toxiques
et de mort, en partant à la recherche d’un autre univers, de pureté
et de solitude.
Les Alpes ont déjà été gravies,
mais l’Himalaya est encore une
terre inconnue. Le Tibet n’a été
ouvert aux Occidentaux que
vingt ans plus tôt, quand l’expédition Younghusband force les
portes de ce pays interdit, en
1904. Accompagnés de caravanes
de yacks, les premiers explorateurs de l’Everest cartographient
des vallées inconnues, découvrent des monastères et des ermites tibétains dont on ignore
alors presque tout. Ils inventent
aussi les techniques modernes de
l’alpinisme, expérimentent les
premiers appareils de respiration
à oxygène, les crampons, les réchauds à alcool, les tentes portatives et les lunettes de soleil. Pour
le reste, avec leurs pantalons de
7
voix
SUR
WWW.LEFIGARO.FR/
LIVRES
Le silence de l’Everest
ADRIEN JAULMES
[email protected]
jeudi 9 juin 2016
jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO
8
La princesse, l’amour et la philosophie
L’HISTOIRE
semaine
de la
CHARLOTTE CASIRAGHI ORGANISE,
CHAQUE MOIS, À MONACO,
DES RENCONTRES PHILOSOPHIQUES
AVEC SON ANCIEN PROFESSEUR
DE TERMINALE.
EN MARGE
littéraire
« Désir, passion, jalousie »,
« Aimer, mentir, trahir », « Peuton tout pardonner, amour et
justice »… Ce ne sont pas les
derniers sujets du bac, mais les
thèmes abordés chaque mois
par les Rencontres philosophiques de Monaco. Ces 8 et 9 juin,
au théâtre Princesse Grâce,
« La rencontre » est au cœur
des débats. Et c’est une princesse qui en est l’initiatrice :
Charlotte Casiraghi, vingt-neuf
ans, la fille de Caroline de Monaco. La preuve que l’on peut
être l’égérie de Gucci, se retrou-
ver chaque semaine dans la
presse people et aimer les réflexions de fond. Cet amour pour
la philosophie est né lorsque la
jeune femme était en terminale,
au lycée de Fontainebleau. Un
coup de foudre intellectuel a eu
lieu pour son professeur, Robert
Maggiori, connu pour être l’une
des meilleures plumes de Libération. La rencontre a été fructueuse, Charlotte Casiraghi a
proposé à Maggiori d’être l’organisateur de ces conférences
et ateliers philosophiques.
MOHAMMED AÏSSAOUI
Vies et morts d’Antoine Blondin
PORTRAIT L’auteur d’« Un singe en hiver » vaut beaucoup mieux que la légende pittoresque
du sympathique ivrogne de Saint-Germain-des-Prés.
LE MONDE
IMAGINAIRE
D’ANTOINE
BLONDIN
D’Alain Cresciucci,
Pierre-Guillaume
de Roux, 206 p., 21 €.
L’HUMEUR
VAGABONDE
D’Antoine Blondin,
« La Petite
Vermillon »
(La Table ronde),
196 p., 7,10 €.
L’EUROPE
BUISSONNIÈRE
D’Antoine Blondin,
« La Petite
Vermillon »,
La Table Ronde,
410 p., 8,70 €.
I
Bio EXPRESS
SÉBASTIEN LAPAQUE
[email protected]
L EST MORT il y a un quart de
siècle cette année et c’est
comme si Antoine Blondin
venait de quitter la pièce où
nous écrivons son nom dans
l’instant. Non que nous l’ayons
connu, prétendant aujourd’hui
prendre place parmi les raconteurs
de Blondin qui se haussent du col à
l’occasion de l’anniversaire de sa
disparition. Dieu nous en garde. Le
blondinisme, oui ; les blondiniens,
non. Surtout ceux de la dernière
heure. Ils nous feraient presque
oublier que l’homme qui s’ivrognait
seul dans les bistrots du VIe arrondissement de Paris était un magnifique écrivain de langue française
écrasé par le chagrin. À l’époque où
nous apercevions son ombre titubante du côté de la rue du Bac, il ne
faisait pas bon côtoyer Blondin : il
n’avait pas l’alcool consolateur.
Roger Nimier mort, Marcel Aymé
mort, Guy Boniface mort, Albert
Vidalie mort, l’enfant triste n’était
plus fait pour le bonheur.
Nous n’avons pas connu Blondin,
mais nous l’avons beaucoup lu. C’est
une politesse que nous lui devons,
l’hommage qu’il mérite. Tout n’est
pas d’une valeur égale, dans son
œuvre finalement moins paresseuse
qu’il ne l’a dit, mais tout reste, ou
presque. Les cinq romans – L’Europe
buissonnière, Les Enfants du bon
Dieu, L’Humeur vagabonde, Un singe
en hiver et Monsieur Jadis –, les nouvelles – Quat’saisons –, les articles
politiques et littéraires – Ma vie entre
des lignes et Mes petits papiers –, les
essais critiques – Certificats d’études – et les chroniques de L’Équipe
notamment rassemblées dans L’Ironie du sport et Tours de France.
Antoine Blondin a lui-même regretté tant de « littérature dilapidée
dans le journalisme ». Ne forçons
pas dans l’épouvante. Au mieux de
sa forme, l’écrivain qui donna à
L’Équipe sept cents chroniques entre 1954, l’année où Louis Bobet gagna son deuxième Tour de France,
et 1982, qui vit Bernard Hinault
s’imposer au sprint sur les
Champs-Élysées, se révéla un excellent journaliste. Comme en littérature, où il célébra Dumas, Rimbaud et Fitzgerald dans une suite de
préfaces étincelantes, il avait bon
goût et ne se méprenait pas dans ses
attachements.
Il chanta les grands combats de
Jacques Anquetil, Michel Jazy et
Walter Spanghero ; exalta le coup de
pédale de Charly Gaul, élut Colette
Besson « petite fiancée de la France »,
magnifia les passes croisées des frères Boni, glorifia la majesté légère de
Jean-Claude Killy. Mieux qu’aucun
1922
Naissance à Paris.
1943
Est envoyé au STO.
1949
Premier roman :
L’Europe buissonnière
(prix des Deux Magots).
1952
Les Enfants du bon Dieu.
1955
L’Humeur vagabonde.
1959
Un singe en hiver (prix
Interallié). Librement adapté
au cinéma par Henri Verneuil
en 1962, avec Jean Gabin
et Jean-Paul Belmondo.
1970
Monsieur Jadis
ou L’École du soir.
1975
Quat’saisons
(prix Goncourt de la nouvelle).
1979
Sur le Tour de France.
1991
Meurt à Paris, le 7 juin.
Antoine Blondin en 1950, l’année
où il a reçu le prix des Deux Magots
pour son premier roman
L’Europe buissonnière.
COLLECTION HARLINGUE/ ROGER-VIOLLET
volant de son Aston Martin DB4 sur
l’autoroute de l’Ouest à l’âge de
trente-six ans. À moins qu’il n’ait
laissé à Sunsiaré de Larcône, qui
l’accompagnait, la responsabilité
d’en finir brutalement avec leur
belle jeunesse. Dans Monsieur Jadis,
son ami le pleurait encore douze ans
plus tard : « Je continue d’habiter les
ruines d’un palais sur le quai
Voltaire où j’ai
Je continue d’habiter les ruines
connu autrefois
d’un palais sur le quai Voltaire où j’ai un bonheur baconnu autrefois un bonheur baroque roque entre mes
parents et mes
entre mes parents et mes amis
amis. L’âge, à
ANTOINE BLONDIN
sa façon, a eu
raison d’eux qui sont morts dans leur
meilleur de son œuvre tient presque
lit, de vieillesse ou de jeunesse, certout entier dans une longue décentains dans des draps de ferraille
nie d’écriture (1949-1962) où l’écriatrocement froissés, si tôt, si vite,
vain à la calligraphie d’écolier ne
comblés de telles promesses au reremettait que de l’excellent – que ce
gard du souvenir, qu’il me semble
soit à son éditeur ou à son rédacteur
aujourd’hui survivre à des enfants. »
en chef. 1949, c’est l’année de son
Qui veut se souvenir de Blondin
entrée dans la carrière romanesque
doit se souvenir de Nimier. Ensemavec L’Europe buissonnière, épopée
ble, ils incarnèrent ce qu’il y avait
burlesque au milieu de ruines d’un
de meilleur dans l’esprit hussard :
continent en guerre, l’année de sa
une désinvolture souveraine au
rencontre avec Roger Nimier. 1962,
cœur des années 1950 plombées par
c’est celle où ce dernier se tua au
autre l’écrivain qui toréait les voitures sut faire entendre aux lecteurs de
L’Équipe « les rimes secrètes qui
unissent le sport et la littérature ».
Comme l’observe Alain Cresciucci, qui s’est attaché à relire
Blondin dans un livre inspiré après
avoir raconté sa vie dans une biographie définitive parue en 2004, le
«
»
le fanatisme léniniste et la morgue
existentialiste, une guérilla difficile
et joyeuse contre les savants fous du
Nouveau Roman, une manière bien
française d’envisager le style, que
ce soit en littérature, au rugby ou en
amitié. Il faut se remémorer la souveraineté de leur allure et le style en
poinçon de leur combat pour comprendre que Blondin, c’est beaucoup plus que Blondin. En quelques
années d’écriture fulgurante, ce
dernier nous a laissé une poignée de
romans irremplaçables où l’on apprend des choses très secrètes : un
art de l’absence, une technique du
vagabondage, une méthode de
l’éclipse.
L’ivresse, oui, mais envisagée
comme une ligne de fuite, comme
un refus poli mais ferme des citations à comparaître envoyées par
la réalité. L’ivresse pour s’inventer
des royaumes enfantins, pleins de
dragons, de périls et de princesses
à défendre avec son épée. « Il n’y
a plus qu’à mourir ! », s’écriaient
les compagnons d’armes du roi
portugais Dom Sébastien lors de la
débâcle de Ksar El Kébir, en 1578,
au cœur des sables marocains.
« Mourir, oui, mais lentement », les
avait suppliés le roi.
Après la mort de Roger Nimier
dans la tôle froissée en 1962, après
celle de Guy Boniface six ans plus
tard, le petit frère tué sur la route
lui aussi, Antoine Blondin plongea
dans la lumière noire du deuil. « La
vie continue ? Laquelle ? Nous sommes plus d’un à éprouver le sentiment qu’on nous a mis au régime.
L’existence a perdu le meilleur de
ses ornements et le plus clair de son
explication. Elle manque complètement de saveur : les incartades y ont
un goût saumâtre et le recours à une
vie parallèle semble bien dérisoire. »
Oubliez la légende du saint buveur
acharné à se tuer le plus vite possible. Ne gardez que l’image d’un
homme entouré d’ombres aimées
qu’il retenait en se faisant violence
pour écrire. Mourir, oui, mais lentement. ■
Dans la collection de poche
« La Petite Vermillon »,
La Table Ronde réédite L’Europe
buissonnière, Les Enfants du bon
Dieu, L’Humeur vagabonde
et Sur le Tour de France.
« J’ai bu des verres aux mêmes comptoirs, arpenté les mêmes rues »
PAR JEAN-CLAUDE LALUMIÈRE
J’
A
«
AI MIS mes pas dans
les pas d’Antoine
Blondin,
sans
même le savoir. J’ai
bu des verres aux
mêmes comptoirs, arpenté les mêmes
rues ; je suis allé jusqu’à trouver un refuge pour écrire dans le Limousin, à
quelques kilomètres de Linards où
l’auteur parisien s’était lui-même retiré. Là encore, je n’en savais rien. Je
ne connaissais rien ou pas grand-chose d’Antoine Blondin. Il faut dire que
le vieil anar libéral avait peu l’occasion d’être cité par mes parents, militants communistes dans leur jeunesse, fidèles à leurs idéaux jusqu’au
bout. Pourtant, à chaque diffusion à la
télévision, nous regardions en famille
l’adaptation au cinéma par Henri Verneuil d’Un singe en hiver. Par vénération pour Jean Gabin avant tout. Mais
aussi parce que ce film, où le monstre
déjà vieux du cinéma français (même
enfant, Gabin avait l’air vieux) partageait l’affiche avec la star montante
qu’était alors Jean-Paul Belmondo,
nous faisait sourire. Tristement, certes. Nous sentions bien que cette histoire était un solde de tout compte,
une page qu’on tourne, un deuil inévitable. Quand bien même, nous nous
divertissions des pitreries des deux
acteurs singeant l’état d’ébriété dans
une Nuits de Chine tonitruante, dissonante mais pas discordante.
La dissonance est peut-être ce qui
caractérise le mieux Antoine Blondin. Quand les grosses cloches, fon-
(...)
« «LaUnphrase
jour,
nous
prendrons
des trains
qui partent »
porte en elle
toute
la mélancolie
qui habite
Blondin
»
JEAN-CLAUDE
LALUMIÈRE
dues dans le bronze des certitudes,
sonnent clairement à l’unisson, il
glisse, en s’excusant presque de déranger, son léger tintement de clochette fêlée. Dans le concert des
bourdons, c’est le bruit de la fêlure
que j’entends de préférence. Elle résonne, cette fêlure, tout au long de
son travail, tout au long de sa vie.
Car, n’en déplaise à Darwin, je suis
depuis descendu de ce singe cinématographique dont l’ombre dense
avait occulté tout le reste et j’ai découvert l’œuvre de Blondin, tout en
excès, tout en pudeur.
Je suis monté à Paris pour m’engager dans une carrière professionnelle
dont la perspective m’invitait à
pousser la porte du premier PMU afin
de tenter ma chance, parier sur un
mauvais cheval qui gagnerait peut-
être et qui, grâce à sa cote de tocard,
me permettrait de changer d’horizon, de mettre les voiles. Ce PMU,
non loin de mon bureau, c’était le Bar
Bac, situé rue du Bac, bistrot populo
ouvert sans interruption dans lequel
Monsieur Jadis trouvait refuge quand
Odile le chassait de la rue de Courcelles. J’y ai pris mes habitudes par la
suite. (…)
La dernière phrase de L’Humeur
vagabonde, « Un jour, nous prendrons
des trains qui partent », porte en elle
toute la mélancolie qui habite Blondin. Elle reste cependant teintée d’espoir. J’ai découvert tardivement cet
auteur, trop pour que la lecture de ses
romans ait eu le temps de percoler entre mes lignes. Mais j’éprouve cette
même mélancolie. Elle transparaît de
temps à autre dans mon travail. J’es-
saye de m’en défaire, me secoue, mais
rien n’y fait, elle revient, me tourne
autour et finit même par se poser sur
mon épaule, comme un papillon de
nuit, pour regarder par-dessus celleci ce que je peux bien fabriquer et déposer sur mes écrits quelques écailles
colorées de teintes sourdes et rabattues. C’est un insecte joueur qui ne se
dompte pas. Il faut faire avec… » ■
Ce texte est extrait du Duetto
consacré à Antoine Blondin et publié
aux éditions Nouvelles Lectures
(www.nouvelleslectures.fr).
+@
» Retrouvez l’interview
du romancier
Jean-Claude Lalumière
au sujet d’Antoine Blondin.
www.lefigaro.fr/livres