Sarkozy met la « nation » au cœur de sa campagne
Transcription
Sarkozy met la « nation » au cœur de sa campagne
2,20 € jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO - N° 22 342 - www.lefigaro.fr - France métropolitaine uniquement Première édition lefigaro.fr « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais ANTIQUITÉS CETTE AFFAIRE DE FAUX MEUBLES XVIIIe QUI SECOUE LE MARCHÉ DE L’ART PAGE 29 SONDAGE La France championne de l’euroscepticisme PAGE 7 ÉGLISE Le cardinal Barbarin entendu par la police PAGE 9 SOCIAL L’Oise réclame le remboursement de l’aide aux mineurs isolés PAGE 10 ROALD DAHL, UN ÉCRIVAIN QUI N‘EST PAS RÉSERVÉ AUX ENFANTS NOTRE SUPPLÉMENT Sarkozy met la « nation » au cœur de sa campagne Lors d’un discours prononcé près de Lille, le futur candidat à la primaire s’est livré à un plaidoyer pour « la souveraineté du peuple », dénonçant le « communautarisme » et la « tyrannie des minorités ». Huit cents militants et une quarantaine de parlementaires avaient fait le déplacement à Saint-André-lezLille, dans la banlieue lilloise, pour écouter le président des Républicains délivrer le discours solennel d’un quasi-candidat. Appelant à combattre le « renon- cement », Nicolas Sarkozy a fait de la nation l’axe central de son discours et de son projet. Évoquant la défense de la laïcité et l’interdiction du voile, il a insisté sur la « tradition chrétienne » de la France. L’ancien président a aussi sévèrement critiqué un quinquennat socialiste au è LE CONTRE-POINT DE GUILLAUME TABARD : « L’ANCIEN PRÉSIDENT BRANDIT SA CARTE D’IDENTITÉ NATIONALE » èVERBATIM : LE PEUPLE SE REDRESSE ET DIT « ÇA SUFFIT » è LES RIVAUX DE SARKOZY LUI DEMANDENT UNE « CLARIFICATION » è L’ÉQUIPE DE CAMPAGNE DE L’EX-PRÉSIDENT DÉJÀ À PIED D’ŒUVRE PAGES 2, 4 ET L’ÉDITORIAL SNCF : ce que la non-réforme va coûter à l’État Au Sahel, les forces de « Barkhane » confrontées à l’éparpillement de la menace djihadiste FOOTBALL Les 30 qui vont faire l’Euro PAGE 12 ÉCONOMIE Le trop-plein d’acier chinois inquiète PAGES 20 ET 21 MUSIQUE Les vinyles de Radio France en vente n n n n FRED MARIE CHAMPS LIBRES PAGE 28 Enquête : « La Silicon Valley s’en va-t-en-guerre » La chronique d’Éric Zemmour Le tête à tête de Charles Jaigu Euro 2016 : les tribunes de Chantal Delsol et de Stéphane Ratti La chronique de Luc Ferry L’analyse de Laure Mandeville Engagée il y a près de deux ans, l’opération menée par l’armée française fait face à un ennemi qui a évolué. Les militaires traquent désormais de petits groupes, désorganisés mais conservant un fort pouvoir de nuisance. PAGE 8 PAGES 14 À 17 @ FIGARO OUI FIGARO NON Réponses à la question de mercredi : Le gouvernement a-t-il eu raison de renoncer à la réforme du statut des cheminots pour arrêter la grève ? OUI 9% NON 91 % TOTAL DE VOTANTS : 54 896 M 00108 - 609 - F: 2,20 E 3’:HIKKLA=]UWWUX:?a@g@k@t@a"; Votez aujourd’hui sur lefigaro.fr Présidentielle : Nicolas Sarkozy doit-il déclarer sa candidature avant l’été ? FONDATION HORST TAPPE/KEYSTONE SUISSE/ROGER-VIOLLET Après l’enterrement d’une réforme qui devait produire de larges économies à la SNCF, Manuel Valls a annoncé mercredi à l’Assemblée une série de mesures destinées à renflouer les caisses de l’entreprise publique. Dans l’immédiat, l’État va verser 400 millions d’euros pour combler le déficit des trains Intercités et allouer 500 millions de plus d’ici à 2020 pour l’entretien et le renouvellement des infrastructures ferroviaires. La reprise d’une partie de la dette du groupe, qui s’élève à 50 milliards d’euros, est également à l’étude. PAGE 22 ÉDITORIAL par Yves Thréard [email protected] n n cours duquel s’est affirmée la « tyrannie des minorités », zadistes, manifestants et casseurs, ou encore islamistes radicaux. O Répondre à la colère ù est la nation ? Où est le peuple ? À force de nier la première et de ne pas écouter le second, la France n’est-elle pas en « train de se dissoudre » ? C’est à ces questions que Nicolas Sarkozy a voulu répondre hier dans son discours de Saint-André-lez-Lille. Rappelant ainsi que le bienêtre d’un pays n’est pas seulement indexé sur son taux de croissance et sa courbe du chômage. Son dynamisme et sa grandeur viennent aussi de la volonté des siens de « suivre les mêmes usages et les mêmes coutumes », de leur capacité à assumer leur « identité morale, culturelle et spirituelle ». C’est une évidence. Dans le marasme actuel, les candidats à la primaire de la droite sont attendus sur le front économique. François Fillon a donné le ton. Depuis, tous préconisent les mêmes solutions, ou presque. Le procès en ultralibéralisme qui leur est fait est sans fondement. Voudrait-on qu’ils flirtent avec les idées socialistes qui ont mis la France à genoux ? Peut-on demander à la droite d’être autre chose qu’elle-même, enfin ellemême, ce qu’elle a, par le passé, parfois oublié d’être ? Mais il n’y a pas que l’économie. Il y a aussi l’appel de tous ces Français en colère - ils sont des millions - qui ne supportent plus le délitement de leur pays. Qui refusent de le voir sombrer dans le communautarisme militant, nier ses origines chrétiennes, piétiner l’autorité. Bref, qui demandent à leurs responsables politiques de relever la tête après des années d’indifférence, d’accommodement, de renoncement. À l’instar de Sarkozy, Juppé, Fillon, Le Maire et les autres doivent entendre ce cri d’alarme. Y répondre, ce n’est pas céder au populisme ni cultiver une quelconque nostalgie. C’est prévenir le pire, dans et, peut-être, hors les urnes. Le hasard veut que l’ex-chef de l’État ait prononcé son discours quarante-huit heures avant le coup d’envoi de l’Euro de football. Compétition qui s’appelait à sa création, en 1960, la Coupe d’Europe des nations. Europe, nation, deux mots balayés. Comme un symbole de la décomposition de la première et de la désagrégation de la seconde. Effectivement, il y a urgence. ■ IWC PILOT. #B _ORIGINAL . Ce n’est pas céder au populisme AND : 2,40 € - BEL : 2,20 € - CH : 3,50 FS - CAN : 4,75 $C - D : 2,70 € - A : 3,20 € - ESP : 2,50 € - Canaries : 2,60 € - GB : 2 £ - GR : 2,80 € - DOM : 2,50 € - ITA : 2,60 € LUX : 2,20 € - NL : 2,70 € - PORT.CONT : 2,50 € - MAR : 18 DH - TUN : 3,50 DT - ZONE CFA : 2.000 CFA ISSN 0182.5852 Montre d’Aviateur Chronographe, Réf. 3777 IWC Boutique Paris 3–5, rue de la Paix 75002 Paris | Tél. +33 1 58 18 14 98 | www.iwc.com * IWC. Etre original A POLITIQUE En meeting, Valls veut ressouder la gauche PAGE 6 LE FIGARO LITTÉRAIRE jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 2 L'ÉVÉNEMENT COPÉ VEUT RENDRE OBLIGATOIRE LE LEVER DU DRAPEAU À L’ÉCOLE Jean-François Copé propose de rendre obligatoire à l’école publique, « pour redonner l’amour de la France, le sentiment de partager une communauté de destin », le « lever du drapeau, le chant de La Marseillaise et le port de l’uniforme ». « Il ne s’agit évidemment pas de transformer les écoles en casernes, mais d’assumer sans complexe qu’on a trop reculé sur le patriotisme et l’amour de la France », affirme le député maire de Meaux. « « Le réveil de la nation auquel je vous appelle de toutes mes forces, c’est le réveil de la nation avec ses valeurs de liberté, de tolérance, de fraternité, de solidarité, de laïcité, de la République Nicolas Sarkozy, c’est Barbapapa : il peut se transformer en patriote, en centriste, en immigrationniste ou en opposant à l’immigration. N’ayant pas de colonne vertébrale, il fait fi de toute sincérité ou conviction, il s’adapte NICOLAS SARKOZY, À SAINT-ANDRÉ-LEZ-LILLE MARINE LE PEN, PRÉSIDENTE DU FN, MERCREDI DANS « L’OPINION » » » Sarkozy exalte « la nation » En meeting près de Lille, le président de LR a dénoncé « la tyrannie des minorités ». CHARLES JAIGU £@cjaigu ENVOYÉ SPÉCIAL À SAINT-ANDRÉ-LEZ-LILLE (NORD) À TROIS mois du coup d’envoi de la primaire à droite, Nicolas Sarkozy a prononcé son premier discours solennel de quasi-candidat. Un discours sur une France saisie par « le doute » et qui ne doit pas se laisser gagner « par le renoncement », a-t-il dit en citant de Gaulle. Une quarantaine de parlementaires avaient fait le déplacement à Saint-André-lez-Lille, dans la banlieue lilloise, de François Baroin à Éric Woerth et Christian Jacob. Seule absence notable, celle de Xavier Bertrand, le président de la région Hautsde-France où l’onde sismique du Front national a été la plus forte lors des dernières élections régionales. Près de 800 militants ont fait le déplacement pour écouter le patron du parti les Républicains, mais surtout pour entendre celui qui ne cache plus son intention d’être candidat. Dans une salle sans décorum, où des chaises sont restées vides, Nicolas Sarkozy s’est placé, sans jamais le nommer, en adversaire d’Alain Juppé. Il a voulu se démarquer de son futur rival en revendiquant pour lui seul le thème national. Un Juppé qu’il a décrit, « comme certains à droite, touché par la douce mélodie des “accommodements raisonnables” » avec les affirmations identitaires de la communauté musulmane. Pour ce premier rendez-vous préélectoral, Nicolas Sarkozy a pris le train gare du Nord, où les caméras et les élus l’attendaient. Parmi eux, le plus visible était François Baroin, dont le ralliement ce week-end a préparé cette séquence de mobilisation. Dans un discours « écrit par lui et collectivement relu », selon ses proches, qui assurent que cette fois-ci Henri Guaino n’a pas participé à sa rédaction, Nicolas Sarkozy a désigné le nouvel ennemi du jour : les minorités qui dictent leur loi à la majorité silencieuse. Il a dénoncé « la tyrannie des minorités », celles qui n’ont cessé d’affirmer leur pouvoir de nuisance au cours du quinquennat de François Hollande. Dans une longue litanie, il en a dressé la liste : « Une poignée de lycéens qui bloquent un lycée, de zadistes Mercredi soir à Saint-André-lez-Lille, Nicolas Sarkozy s’est placé, sans jamais le nommer, en adversaire d’Alain Juppé. qui bloquent la construction d’un aéroport, de gens du voyage qui bloquent une autoroute, de casseurs qui bloquent une raffinerie, d’islamistes radicaux qui prennent en otage un quartier. » Il a appelé le peuple à se « lever contre la chienlit ». Une « chienlit » dont il a rendu responsable « la CGT ». Pour ce discours très solennel, retransmis en direct sur YouTube, il a souligné que toutes les mesures de fermeté – « l’interdiction du voile, la défense de la laïcité », a-t-il cité - « seront vai- “ L’idéologie post-nationale a progressivement aboli l’unité du peuple par-delà ses différences NICOLAS SARKOZY ” nes si nous ne renouons pas avec notre projet en tant que nation ». Un projet qui suppose que chacun assume l’histoire de ce pays, son appartenance à « une tradition chrétienne ». Il a beaucoup dénoncé l’idéologie post-nationale, « qui fait de la nation un périmètre juridique » où peut désormais s’épanouir « une société multiculturelle », indifférente à l’histoire et la culture de la nation. « Une idéologie qui a progressivement aboli l’unité du peuple par-delà ses différences », a condamné Sarkozy. Renouant avec une partie de sa stratégie de 2012, et même celle de 2007, il s’est présenté comme l’avocat du peuple sa- crifié par « une partie des élites, par la gauche culturelle », qui considère que « le peuple est réactionnaire ». Il a néanmoins réaffirmé comme essentiels à cette identité deux grands principes : l’égalité entre les femmes et les hommes, et la liberté d’expression. Il a notamment estimé que « le droit de critiquer les croyances, les doctrines, les idéologies, était imprescriptible ». Un souvenir des manifestations du 11 janvier 2015, après les attentats contre Charlie Hebdo. Et il a refusé le « nationalisme de repli » du Front national, mentionné seulement une fois dans cette terre d’élection de Marine Le Pen. Au moment de conclure, Nicolas Sarkozy, qui avait auparavant dénoncé « les mensonges de François Hollande », a mis en cause le pouvoir en place, sans le nommer. « Quel épouvantable gâchis, avec des taux d’intérêt aussi bas, un prix du pétrole aussi compétitif, d’avoir une croissance si faible », s’est-il désolé, en reprenant à son compte les valeurs qui déjà étaient les siennes il y a dix ans, à la veille de la campagne de 2007 : « Autorité, travail, et mérite. » Il y a ajouté deux promesses plus précises : « La baisse des impôts, et la fin des zones de non-droit. » Chacun l’aura compris, ce discours prononcé non loin du lieu de naissance du général de Gaulle était le premier acte d’une candidature annoncée : « C’est la raison d’être de mon retour parmi vous dans ce combat pour la renaissance de la France », a-t-il conclu. ■ VERBATIM A Le peuple se redresse et dit : “ Ça suffit ” « L’esprit de renoncement, c’est la maladie d’une partie des élites, celles qui nous disent comment penser. Celles qui prétendent savoir ce qui est correct. Ce que l’on peut dire et ce qu’il faut taire. La maladie du renoncement, c’est quand ces élites ne se sentent plus le désir ni la force de défendre l’histoire de la France, son identité culturelle, son identité morale et même son identité spirituelle, car la France, c’est un corps, c’est un esprit, c’est une âme. L’esprit de renoncement, c’est un long mouvement commencé il y a près d’un demi-siècle, quand des jeunes gens écrivaient sur les murs de Paris : « Jouissons sans entrave », « Il est interdit d’interdire ». Ici a commencé à germer le désastre. (…) Le « politiquement correct », c’est la tyrannie des minorités. C’est par exemple de dire : « Il n’y a aucun problème d’immigration. » Et si vous pensez qu’il y a un grand problème d’immigration, c’est d’ajouter : « Vous êtes xénophobe. » Si vous dites qu’il y a des Molenbeek dans les banlieues françaises, le « politiquement correct », c’est de dire : « Vous jetez de l’huile sur le feu. » Une minorité pense qu’il n’y a pas de problème d’immigration, pas de problème de communautarisme, pas de problème de sécurité. La majorité pense le contraire. Mais c’est la minorité qui décide de ce qu’il convient de dire et de penser. (…) Il y a peu, quand on parlait de contrôle de l’immigration, quand on parlait d’identité nationale, quand on parlait de déchéance de nationalité, on se faisait traiter de fasciste. Mais les esprits évoluent, mais la foule se lève, le peuple se redresse et il dit de plus en plus fort : “Ça suffit.” Ce qui, paradoxalement, a permis ce réveil de la conscience nationale ? C’est précisément l’immigration et l’islam. (…) La politique de la nation devra défendre nos us et coutumes, notre langue, nos traditions culinaires, nos habitudes vestimentaires. Elle devra revendiquer notre culture et notre histoire. Nommer les choses sans détour. Nommer le réel. Dire que la France est un pays d’empreinte et de traditions chrétiennes, un pays qui est né du baptême de Clovis il y a plus de mille cinq cents ans. (…) Les chrétiens ne gouvernent pas la France : c’est cela, la séparation de l’Église et de l’État, la définition même de la laïcité. Chacun y est libre de pratiquer le culte de son choix mais les religions n’ont rien à voir avec le pouvoir temporel. Mais c’est un pays chrétien dans sa culture et dans ses mœurs, c’est un pays ouvert, accueillant, tolérant, et c’est ce pays que doivent respecter ceux qui veulent y vivre. » ■ SÉBASTIEN VALENTE/E-PRESS PHOTO CONTRE-POINT PAR GUILLAUME TABARD £@gtabard L’ancien président brandit sa carte d’identité nationale I dentité nationale, identité sarkozyste. Ce thème sied à l’ancien président. Ou plutôt au candidat. À celui d’hier, en 2007 et 2012. Et, veut-il croire, au candidat de demain. Parler de « la fierté d’être français », du « réveil de la nation » comme antidote à « la société multiculturelle » et à « la société repliée et sclérosée », c’est son talisman. Son sujet fétiche qui lui permet à la fois d’offusquer ses adversaires, d’incommoder ses partenaires, de déclencher ces polémiques qui le placent au centre du débat et… de remonter dans les sondages. Ainsi, le discours de Saint-Andrélez-Lille donne le véritable coup d’envoi de la campagne de Nicolas Sarkozy. Campagne de la primaire et campagne présidentielle tant cette thématique de l’identité traverse toute la société française et chacun des trois camps politiques. Coup de barre à droite? C’est une des lectures possibles de ce discours. L’ancien chef de l’État le sait et la recherche. Il est clair que la charge contre les « minorités » qui bloquent le pays et contre les « militants du parti pédagogique » à l’école ou le plaidoyer pour « l’autorité, l’ordre public », « les droits et les devoirs » visent à mobiliser le socle de la droite. Ou que la dénonciation d’une Europe devenue « un espace vide de légitimité démocratique » est faite pour séduire un électorat souverainiste passé au Front national. Mais le cœur de son discours est l’opposition entre la « communauté nationale », qu’il exalte, et les « communautés particulières » qu’il pourfend parce qu’elles imposent la « tyrannie » de leurs droits et instaurent un « communautarisme » qui dissout la France. Ce primat de l’histoire, de la culture, des valeurs nationales partagées sur la mosaïque de communautés spécifiques rejoint sur bien des points la vision de la République défendue par Manuel Valls, et que le premier ministre oppose à la gauche multiculturelle. C’est dire si ce grand débat sur l’identité, qui constitue aux yeux de Sarkozy « le véritable sens » de la prochaine présidentielle, ne se réduit pas à une question de gauche ou de droite. Le calcul du président des Républicains est simple: plus ses concurrents et les observateurs parleront de sa droitisation et plus le « peuple » - autre mot-clé de son discours - le jugera en phase avec ce qu’il ressent. Nicolas Sarkozy le martèle en privé : «La question n’est pas d’être plus à droite ou plus au centre, mais d’être central. » Central, c’est-à-dire au cœur des aspirations ou des craintes des Français et au centre du débat. Certes, tous les candidats à la primaire viennent ou s’apprêtent à venir sur ce terrain de l’identité. Mais l’ancien chef de l’État mise sur une antériorité censée lui donner plus de crédibilité. Sarkozy veut montrer que sur ces sujets, c’est sa voix qui porte le plus. Alors que jusqu’à présent, la primaire a essentiellement tourné autour des questions économiques, il veut être celui qui l’aura fait passer d’une querelle d’experts sur des mesures gouvernementales à un débat sur la France. Mais si sa différence est dans la force des mots employés, elle recèle aussi une faiblesse : être renvoyé à son mandat élyséen où cette flamme ne fut pas toujours portée. ■ » Retrouvez Guillaume Tabard tous les matins à 8 h 10 sur Radio Classique La question n’est pas d’être plus à droite ou plus au centre, mais d’être central » jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO L'ÉVÉNEMENT 4 Les rivaux de Sarkozy lui demandent une « clarification » Les candidats déclarés à la primaire s’estiment désavantagés par rapport au président des Républicains. JUDITH WAINTRAUB£@jwaintraub L’AGACEMENT monte chez les concurrents du président des Républicains : jusqu’à quand Nicolas Sarkozy va-t-il jouir des avantages de la fonction sans subir les inconvénients d’une candidature officielle ? Nathalie Kosciusko-Morizet a soulevé la question mardi soir, au bureau politique, à l’occasion du vote d’un « code de bonne conduite » de la primaire. Présenté par le député des Bouches-du-Rhône Bernard Reynès, ce texte demande aux candidats de donner « une image positive de la droite républicaine et du centre ». Tout cela est bel et bon, a fait valoir en substance NKM, mais quid des devoirs incombant au chef du parti ? Réponse de l’intéressé, rapportée par Le Parisien : « Si je fais des salles remplies de monde et que d’autres font des salles à moitié vides, c’est peutêtre aussi qu’il y a une inégalité de talents. » François Fillon, lui, a déclaré mardi soir sur TF1 que, sur ce sujet, Nicolas Sarkozy était « face à sa conscience ». Qualifiant la candidature de l’ancien chef de l’État de « secret de Polichinelle », il a ajouté : « Moi, je mène campagne en pleine transparence, sans toucher un sou de ma formation politique, avec les dons que me font les Français. C’est ce qui fait peut-être ma force et mon indépendance. » La semaine dernière, dans un entretien au Figaro, Alain Juppé s’est dit « impatient » que Nicolas Sarkozy officialise sa participation à la primaire. « Chacun conçoit les choses à sa manière, mais pour être candidat, il lui faudra sans doute prendre un peu de distance avec les appareils partisans qui souffrent d’un discrédit profond », a estimé le maire de Bordeaux (nos éditions du 1er juin). En privé, le ton est nettement moins conciliant. Juppé n’a pas du tout apprécié de devoir louer la Salle Wagram, la semaine dernière, pour rassembler quelque 1 000 maires venus le soutenir en marge “ On voit bien que Nicolas Sarkozy est en campagne. C’est naturel d’ailleurs, il est revenu pour ça, il est légitimement candidat ” BENOIST APPARU, DÉPUTÉ DE LA MARNE du congrès de leur association, tandis que Sarkozy en recevait plus de 700 rue de Vaugirard. « Le parti paie la salle et les petits fours, c’est pratique », a pesté l’expremier ministre auprès d’un député. Il était d’autant plus agacé que cette réception de maires au siège de LR a servi de décor à l’arrivée officielle de François Baroin dans le premier cercle sarkozyste. « En janvier, Sarkozy nous avait déjà fait le coup d’envoyer un mail à tous les adhé- rents pour les avertir de la publication de son livre, avec lien vers les sites de vente en ligne », rappelle un proche de Fillon. À l’époque, les deux anciens premiers ministres avaient protesté. « Ils n’avaient qu’à demander à bénéficier du même traitement », s’était contenté de répondre Frédéric Péchenard, directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy. Les candidats déclarés n’ont pas accès au fichier des militants et, en pratique, ne peuvent pas compter sur les bons offices de la rue de Vaugirard pour relayer leur campagne. « Même l’organisation des meetings peut se révéler compliquée dans certaines fédérations », assure-t-on dans les QG loués par les compétiteurs. Nicolas Sarkozy, lui, bénéficie de toute la logistique de LR, mais à quel titre l’en priver ? « Juridiquement parlant, il n’y a rien à dire, a reconnu mercredi le juppéiste Benoist Apparu sur France Info. Financièrement parlant, il n’y a aucun problème. Mais politiquement parlant, le plus tôt sera le mieux. Ce sera le meilleur moyen d’éviter toute suspicion sur la primaire. » « On voit bien que Nicolas Sarkozy est en campagne. C’est naturel d’ailleurs, il est revenu pour ça, il est légitimement candidat », a souligné le député de la Marne. La semaine précédente, Jean-Pierre Raffarin était également monté au créneau pour le compte d’Alain Juppé, en jugeant qu’une « clarification » à la tête du parti sera « utile » dès que « les bureaux de vote seront arrêtés », soit « avant l’été ». La règle de la primaire impose à tout membre de la direction de LR qui souhaiterait y participer de démissionner dès sa déclaration de candidature, et de se déclarer au plus tard le 25 août. Les autres impétrants ont jusqu’au 9 septembre. Rien ni personne ne peut contraindre Nicolas Sarkozy à anticiper l’échéance. « J’ai fait campagne pour la présidence de l’UMP en expliquant qu’il serait mieux pour tout le monde que le président de notre parti ne soit pas candidat à la primaire, je ne vais pas vous dire que la situation me convient », soupire Hervé Mariton. Comme les autres candidats déclarés, le député de la Drôme demande une « clarification », mais ne se fait aucune illusion sur ses chances de l’obtenir. ■ François Fillon et Alain Juppé, lors d’un meeting de campagne à Pessac, le 23 mars. B. PATRICK/ABACA 2 juillet Conseil national de LR, le « Parlement » du parti, présidé par Luc Chatel 9 septembre Date limite de dépôt des candidatures pour la primaire L’équipe de campagne de l’ex-président à pied d’œuvre JEAN-BAPTISTE GARAT £@figarat A RUSSIA = RUSSIE. 552 JOUEURS UNE SEULE LE JOURNAL, LA CHAÎNE, LE MAGAZINE, LE SITE. TOUTE LA COMPÉTITION DANS LES MOINDRES DÉTAILS. « ON NE VA PAS attendre que Nicolas Sarkozy se déclare pour être prêts. Quand il se lancera, l’intendance devra suivre. » Le compte à rebours est lancé pour les proches de l’ancien président qui se préparent à une nouvelle campagne de longue haleine. « Pour l’instant, nous fonctionnons de manière artisanale, mais nous pouvons nous transformer à tout moment en PME dynamique », explique le fidèle Brice Hortefeux. L’Association de soutien à l’action de Nicolas Sarkozy, que préside l’ancien ministre, constitue un premier outil. Ce micro-parti, qui vient de fêter ses seize années d’existence, collecte les dons et recrute des bénévoles qui s’engageront « une à cinq heures par semaine ». Question fonds, l’équipe se montre discrète sur les montants. « Cela fonctionne bien », assure un proche. La trésorerie de l’association a été confiée à un homme de confiance : le conseiller d’État Michel Gaudin, qui fut directeur général de la police nationale et dirige le cabinet de l’ancien président de la République. Le banquier d’affaires Philippe Villin, ancien directeur du Figaro, a de son côté relancé la machine à dons des entrepreneurs. En bureau politique, Nicolas Sarkozy a obtenu que le plafond des dépenses pour la campagne soit relevé à 1,5 million d’euros, contre le million prévu initialement et dont ses concurrents se seraient bien contentés. « Certains sont en campagne depuis deux ans, souligne un sarkozyste. Nous, nous allons avoir 100 jours pour convaincre et on ne veut pas être enquiquinés par des questions d’argent. » Mais c’est surtout sur la mobilisation partisane que Nicolas Sarkozy compte faire la différence. L’ancien chef de l’État ne croit pas à l’hypothèse d’une participation record. « Il juge qu’il y aura environ trois millions de votants, moins que pour la primaire socialiste de 2011, explique un interlocuteur. Et pas quatre, cinq ou six comme l’espèrent ses concurrents. Et pour gagner, avec trois millions de votants, il faut un million et demi de suffrages. » Pour atteindre cette barre, il peut a priori déjà compter sur les 100 000 adhérents de l’UMP qui ont voté pour lui en 2014 et une bonne proportion de ceux qui ont adhéré depuis : le parti en comptait 240 000 en janvier. Il est en revanche peu probable que les Républicains atteignent les 500 000 adhérents d’ici à la fin de l’année, comme Nicolas Sarkozy s’en était donné l’objectif. Les ventes de son livre La France pour la vie - près de 200 000 exemplaires - constituent également un indicateur de sa popularité. Il compte également intensifier le rythme de ses déplacements, « avec des thèmes très marketés et des discours ciblés ». L’objectif étant de « remobiliser, électo- C’est sur la mobilisation partisane que Nicolas Sarkozy compte faire la différence rat par électorat, ceux qui un jour ont été sarkozystes ». De son côté, Frédéric Péchenard, le directeur général du parti et secrétaire départemental de la fédération de Paris, a été chargé de trouver un local de campagne. Autre levier d’action : le cercle du Toucan. Nicolas Sarkozy se rend en personne de plus en plus souvent à cette réunion hebdomadaire de parlementaires organisée dans une brasserie du XVe arrondissement. Et le cercle devrait s’élargir à de nouvelles personnalités : le sénateur de Haute-Marne Charles Guené, le député de la Drôme Patrick Labaune, les maires de Mulhouse et de Châteauroux, Jean Rottner et Gil Avérous. Signe que la collecte des parrainages, elle aussi, avance bien. Au Sénat, une vingtaine d’élus auraient déjà apporté leur soutien à la candidature de Sarkozy ; à l’Assemblée, une trentaine. « Au final, on devrait arriver à 30 ou 35 sénateurs et entre 40 et 50 députés », estime un spécialiste du Parlement. ■ L’Heure du Premier Jour, montre acier, cadran nacre, mouvement à quartz. A partir de 275 Paris. 15, rue de la Paix - 66, av. des Champs Elysées - Information points de vente: 011 80 18 15 90 - www.mauboussin.fr ww ww.m maubouss auboussin.fr jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 6 POLITIQUE Valls en première ligne pour la loi travail Alors que le premier ministre et la direction du PS tenaient un meeting mercredi soir à Paris pour tenter de ressouder la gauche autour du projet de loi El Khomri, les frondeurs ne désarment pas. ANNE ROVAN £@AnneRovan GAUCHE Voilà trois mois que la loi travail empoisonne la vie du gouvernement. Et trois mois que le premier ministre Manuel Valls campe contre vents et marées sur ce texte et plus particulièrement sur l’article 2, tout en multipliant par ailleurs les mesures catégorielles. À destination des cheminots. Des enseignants et des fonctionnaires. Des intermittents. Certes, grâce à ce « troc » - un terme qu’il réfute -, l’exécutif est parvenu à contenir la grogne et mettre un terme à ce stade aux longues files d’attente devant les stations-service. Mais, en dépit des inondations et des injonctions à cesser les grèves en solidarité avec les Français sinistrés, François Hollande et Manuel Valls peinent à venir à bout des foyers de contestation. Le mouvement, particulièrement suivi chez les conducteurs, se poursuit toujours à la SNCF. En région parisienne, trois sites de traitement des déchets sont bloqués. Trois raffineries Total sont en grève. Et des mouvements sont attendus ce jeudi dans l’énergie et les ports (Le Figaro économie, pages 22 et 23). Dans ce contexte, l’opinion continue à sanctionner l’exécutif et désapprouve majoritairement la loi El Khomri. Dans le baromètre Fiducial-Ifop-Paris Match, le chef de l’État perd ainsi deux points en juin, pour atteindre seulement 16 % d’opinions positives. Quant au premier ministre, il dégringole de neuf points par rapport à mai, à 28 % d’opinions positives. Mais Valls n’en aurait cure. « Je le trouve tranquille- Manuel Valls avec Myriam El Khomri, en mai à l’Élysée. ALAIN JOCARD/AFP ment déterminé. Il y a chez lui une sorte de force tranquille », assure sans ciller un proche du premier ministre. Démonstration de force Dans ce climat morose et électrique, à deux jours du coup d’envoi de l’Euro de football, le premier ministre devait tenter une démonstration de force, mercredi soir, lors d’un meeting estampillé PS, aux Salons de l’Aveyron, dans le XIIe arrondissement de Paris. Entouré de la ministre du Travail Myriam El Khomri et du porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll. Et en présence du patron du PS Jean-Christophe Cambadélis. Objectif : démontrer que, sur les questions sociales en général et cette loi travail en particulier, la gauche est bien plus raisonnable et progressiste que la droite. À l’appui des discours, la mouture du texte dont la droite sénatoriale a accouché en commission des affaires sociales et qui sera examinée en séance par la Haute Assemblée la semaine prochaine. De fait, le texte n’a plus grand-chose à voir avec la version sortie de l’Assemblée nationale. À moins d’un an de la présidentielle, la droite propose le retour aux 39 heures, réintroduit le plafonnement des indem- Les prémices d’une fusion des initiatives pro-Hollande MATHILDE SIRAUD £@Mathilde_Sd TOUS DERRIÈRE le futur candidat François Hollande ! C’est, en creux, le message politique adressé par Manuel Valls, Stéphane Le Foll, Myriam El Khomri et Jean-Christophe Cambadélis lors d’un meeting qui avait tous les airs d’une précampagne présidentielle. « C’est un rendez-vous de circonstance, un moment de rassemblement et d’explication », explique l’un des organisateurs. Alors que différents mouvements avaient émergé dans le giron socialiste depuis avril en vue de préparer 2017 la Belle Alliance populaire (BAP) de Cambadélis, « Hé oh la gauche ! » de Le Foll, les déplacements « à la rencontre des Français » de Valls, et la campagne « Du progrès en plus » de Bruno Le Roux – ces ténors se sont réunis pour la première fois pour répondre à la droite sénatoriale sur la loi travail. M a i s o n d e L’Élysée voit évidemment d’un bon œil cet exercice de pédagogie. « Le rassemblement des hauts dirigeants du PS va dans le bon sens. Le moment venu, l’unité prévaudra », se félicite-t-on à l’Élysée. Au PS, on assure que le meeting sur la loi travail était une idée « collective », en aucun cas dictée par l’exécutif ou Matignon. « C’est un peu comme pour une chanson des Beatles », compare un organisateur. « John Lennon propose un accord, Paul McCartney un autre. À la fin, ils font des concerts en solo et aussi en groupe, mais devant les mêmes fans. » À terme, les différentes chapelles hollandaises ont-elles vocation à fusionner ? « Dans des moments importants comme celui-là, le rapprochement se fait naturellement, il s’est fait ce soir et se fera autant de fois que nécessaire. Le rassemblement des forces se réalisera », commente Carlos Da Silva, député vallsiste de l’Essonne. « Tout va converger au fur et à mesure vers la V e n t e s a u x Belle Alliance populaire de Cambadélis », assure de son côté un député pro-Hollande, qui se réjouit de voir enfin « un peu d’ordre ». « C’est plutôt bon signe », abonde un élu proche du premier ministre. « L’absorption sous la bannière de Cambadélis se fera quand Valls et Le Foll seront fixés sur leur sort et sûrs d’être bien traités. » Autrement dit : tant que François Hollande n’est pas candidat et qu’aucun organigramme de campagne n’existe, il faut occuper le terrain. Et enterrer petit à petit l’idée d’une primaire à gauche. Macron isolé En coulisses, Jean-Christophe Cambadélis travaille à la déclinaison de sa BAP au niveau local. Le 2 juillet, il convoquera tous les signataires pour une « assemblée nationale », à Paris. Plusieurs ministres devraient prendre part à ce rassemblement, ainsi que des représentants départementaux. E n c h è r e s PARIS PRECIOUS WEEK Importants Bijoux et Montres de Collection Mardi 21 et mercredi 22 juin 2016 Alors que François Hollande ne devrait pas s’exprimer sur sa candidature avant la fin de l’année, une « convention nationale » de la BAP est également fixée au 3 décembre. De son côté, Stéphane Le Foll va continuer de faire vivre ses rendez-vous « Hé oh la gauche ! » à l’occasion de trois rencontres en juin, dont le 13 à Poitiers et le 16 à Fameck, après la réunion avortée de Lille du 17 mai. Une façon d’isoler un peu plus Emmanuel Macron, grand absent de ces initiatives de campagne. Le ministre de l’Économie, engagé dans son mouvement individuel « En marche ! » et dont la popularité s’effrite, ne figure toujours pas sur la photo de famille. Pendant le meeting sur la loi travail, il assistait à une cérémonie de remise de décorations « Il va se griller tout seul ! Il n’a pas le niveau et est petit à petit en train de perdre du terrain », sourit un vallsiste. ■ L’absorption « sous la bannière de Cambadélis se fera quand Valls et Le Foll seront fixés sur leur sort et sûrs d’être bien traités UN ÉLU PROCHE DE MANUEL VALLS » Maurice Leroy (UDI) dénonce les « chèques en bois » de Hollande Le député plaide pour le rassemblement avec LR dès le premier tour en 2017. EMMANUEL GALIERO [email protected] SUZANNE BELPERRON ET RENÉ BOIVIN Années 1940 ROLEX DAYTONA Or jaune Exposition du vendredi 17 au mercredi 22 juin A Consultez le catalogue et encherissez sur www.tajan.com BIJOUX V. Winckler +33 1 53 30 30 66 [email protected] - Expert J.-N. Salit MONTRES C. Hofmann +33 1 53 30 30 50 [email protected] - Consultant G. Richard 37 rue des Mathurins - 75008 Paris - T +33 1 53 30 30 30 nités de licenciement prud’homales, annule la généralisation de la Garantie jeune… « Beaucoup de gens nous disent que la loi El Khomri n’est pas une loi de gauche. On va leur expliquer ce qu’est une loi de droite », promettait mercredi le sénateur vallsiste Luc Carvounas, avant le meeting. Manuel Valls souhaite donc déplacer le débat. Objectif, passer du débat à gauche à un débat entre la gauche et la droite, projet contre projet. La présence du premier secrétaire du PS, qui d’ordinaire n’en finit pas d’onduler pour coller au centre de gravité du parti, est vue comme un atout. Francis Chouat, le maire d’Évry, s’en réjouit. « Jean-Christophe a souhaité être associé, confie ce très proche de Manuel Valls. C’est une bonne chose dans la mesure où sa participation est clairement l’affirmation d’une orientation qui est celle de Valls. C’est bien parce que cela démontre que le premier secrétaire est clairement sur la ligne de la réforme. » Il en faudrait plus pour désarmer les frondeurs du PS qui envisagent à nouveau de tenter de déposer une motion de censure quand le texte reviendra à l’Assemblée et que Valls aura à nouveau recours à l’article 49-3 de la Constitution pour passer en force. « Ce meeting, c’est un numéro de faux-culs, peste le député PS de Paris Pascal Cherki. Le débat, ce n’est pas la loi travail ou la droite. Ils savent bien que le texte de la droite sénatoriale n’a pas la moindre chance de passer. » Mercredi matin, des intermittents du spectacle ont manifesté devant le domicile parisien de Myriam El Khomri pour réclamer l’application de l’accord sur leur régime d’indemnisation chômage et le retrait de la loi travail. Une manifestation que le chef de l’État a jugée « parfaitement inadmissible ». ■ CENTRE « Sortir par le haut » de l’épreuve de force qui oppose l’État et les syndicats. C’est le message lancé mardi, sur le plateau du « Talk Le Figaro », par Maurice Leroy, député UDI et président du conseil départemental du Loir-et-Cher. « On voit bien que la présidentielle est annoncée puisque François Hollande fait des chèques en bois tous les jours », a regretté l’ancien ministre, en évoquant le 99e congrès des maires où le chef de l’État a annoncé un allégement de la baisse des dotations pour les communes (- 50 %). Maurice Leroy a dénoncé la charge du RSA (revenu de solidarité active), trop lourde sur les épaules des départements. Dans le Loir-et-Cher, la facture pèse 40 millions d’euros dont l’État MAURICE LEROY, vendredi, dans le studio du Figaro. F. BOUCHON/LE FIGARO ne subventionne que la moitié. « C’est 33 points de fiscalité ! », a-t-il insisté en évoquant le « bras de fer » engagé avec le gouvernement. En raison du non-cumul des mandats, Maurice Leroy, qui sera candidat à un cinquième mandat de député en 2017, laissera les rênes du Loir-et-Cher à son premier vice-président, Nicolas Perruchot. « Guère » impressionné par la « gonflette » entre centristes et LR avant les législatives, il estime que ce qui compte, ce sont les engagements de Nicolas Sarkozy : « Pas de candidat républicain face à des députés sortants UDI. » Aussi est-il convaincu que le score « élevé » de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle calmera « beaucoup de monde, y compris dans les états-majors ». Pour lui, le contexte politique de 2017 favorisera une « coalition » LR-UDI. « Ou alors, on est irresponsable et on élimine son camp », a-t-il prévenu. Maurice Leroy n’a pas caché sa préférence pour la primaire : « Nicolas Sarkozy, a-t-il dit, est sans conteste celui qui a le plus d’énergie, l’expérience, et il est taillé pour la fonction. » ■ La France championne des eurosceptiques Selon une étude, les Français se défient encore plus de l’UE que les Britanniques. sont au moins partagés, d’après la même enquête : négatifs à 48 % et positifs à 44 %. Partout, le soutien à l’Europe - ou à ce qu’elle représente – s’affaisse. L’Espagne et l’Allemagne restent proches de l’équilibre, avec 47 et 50 % d’opinions favorables. La Suède et l’Italie sont encore positives (54 et 58 %). Pour finir, deux pays sortent du lot, malgré un gouvernement notoirement critique de Bruxelles : les Hongrois jugent favorablement l’UE à 61 %, les Polonais à 72 %. JEAN-JACQUES MÉVEL £@jjmevel CORRESPONDANT À BRUXELLES EUROPE Les Français sont encore plus « eurosceptiques » que les Britanniques et la crise de défiance à l’égard de l’UE prend désormais une ampleur continentale, d’après la radioscopie fouillée que conduit chaque année l’institut d’opinion américain Pew Research Center (PRC). En mai, 61 % des Français avaient une opinion négative de l’Europe, contre 38 %, une envolée du mécontentement de 17 points en douze mois. Seule la Grèce, épuisée par la crise et par les réfugiés, est plus hostile : 71 % d’opinion défavorables. Le RoyaumeUni se prononcera dans deux semaines sur un divorce avec l’UE, mais les avis y jeudi 9 juin 2016 L'euroscepticisme gagne du terrain en Europe PERCEPTION DE L’UNION EUROPÉENNE EN 2016 DÉFAVORABLE Pologne 69% FAVORABLE 72 % 22 % Hongrie 61 % 37 % Italie 58 % 39 % Suède 51 % Allemagne 48 % 50 % Espagne 49 % Royaume-Uni 48 % 47 % 38 % 27 % Le doute à l’égard de l’Europe est souvent le miroir d’une défiance accrue face aux gouvernements nationaux. L’exemple frappant est celui de la France, qui, après s’être crue « européenne », fait plonger la cote de l’UE en même temps que celle de François Hollande. Il est vrai qu’en période de crise, beaucoup de partis au pouvoir sont experts dans l’art de se défausser de leurs échecs sur Bruxelles… Quel que soit le résultat britannique, il offre les pistes d’un éventuel sursaut col- « Plus de deux tiers d’Européens jugent que la crise des réfugiés a été mal gérée, dont 67 % des Allemands, 70 % des Français comme des Britanniques et 77 % des Italiens » 50 30 20 44 % 61 % 71 % 38% 40 46 % Grèce 60 54 % 44 % Pays-Bas FRANCE 7 ÉVOLUTION DU % DE FRANÇAIS FAVORABLES À L’ UNION EUROPÉENNE 10 0 2004 2006 lectif à vingt-huit (ou à vingt-sept). Avis à Angela Merkel, François Hollande et aux autres responsables européens : ce sont des inquiétudes pratiques et immédiates qui dégradent en accéléré l’image de l’UE, et non pas d’obscures interrogations sur les étapes suivantes de sa construction politique. Sur l’immigration et dans une moindre mesure sur la croissance et sur l’emploi, le bilan dressé par le PRC est sans appel. Plus de deux tiers d’Européens jugent que la crise des réfugiés a été mal gérée, dont 67 % des Allemands, 70 % des Français comme des Britanniques et 77 % des Italiens. Sur la politique économique, 65 % des Espagnols, 66 % des Français et 68 % des Italiens désapprouvent l’UE. La République fédérale, en bonne santé, est la grande exception : seuls 38 % des 2008 2010 2012 2014 2016 Sources : Pew Research Center, Graphic News INTERNATIONAL Allemands désapprouvent le pilotage européen. Dans tous les cas, le test britannique du 23 juin s’annonce décisif. À une écrasante majorité, les Européens jugent qu’une rupture avec le Royaume-Uni serait « une mauvaise chose » pour l’UE : 64 % en France, 66 % en Pologne, 74 % en Allemagne et 89 % en Suède. L’effondrement parallèle de la popularité de l’Europe indique que ce pourrait être aussi la première pièce d’un effet domino. Si Londres divorce, d’autres capitales risquent de voter et de claquer la porte. Le gouvernement de Copenhague est déjà sous pression : 42 % des Danois souhaitent une consultation sur leur appartenance à l’UE, d’après une autre enquête, conduite par la radiotélévision publique. À qui le tour ? ■ Quand un Churchill loue les vertus de l’Europe députés prévoient de voter pour quitter l’UE. Physique massif et ressemblance frappante avec son ancêtre, il reçoit dans son bureau de Westminster avec vue sur la Tamise et Big Ben. Il a grandi dans la demeure de son grand-père de Chartwell, dans le Kent, avant d’aller étudier à Eton, comme tout bon rejeton de l’establishment britannique. Ses parents, très francophiles, l’ont encouragé à apprendre le français dès son plus jeune âge. Son père, Christopher Soames, fut ambassadeur à Paris, puis premier commissaire britannique à Bruxelles. Après un début de carrière militaire, Nicholas Soames devient député, puis ministre de la Défense dans le gouvernement tory de John Major, déjà en proie à une quasi-guerre civile sur l’Europe. Il regrette l’organisation de ce référendum, mal nécessaire pour trancher ce débat existentiel dans un pays profondément divisé. Si les Britanniques votaient pour partir, le politicien anticipe de lourdes conséquences pour le Royaume-Uni comme pour le continent. « Cela causerait des ravages dans votre pays, au Danemark, aux PaysBas, en Irlande », prédit-il. Bruxelles ferait tout pour rendre la vie impossible à Londres, afin de décourager d’autres vocations sécessionnistes. CORRESPONDANT À LONDRES ÂGÉ DE CINQ ANS, le petit Nicholas entrait sur la pointe des pieds dans la chambre de son grand-père maternel, Winston Churchill, pour lui demander si c’était vrai, comme il l’avait entendu, qu’il était le plus grand homme du monde. « Oui, c’est vrai, répondit l’ancien chef de guerre. Maintenant fous le camp et laisse-moi tranquille ! » Fort de cette illustre filiation, le député et ancien ministre tory Nicholas Soames, 68 ans, défend la mémoire de son aïeul, que se disputent les deux camps opposés dans le référendum du 23 juin sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. Pour les uns, Churchill fut un inspirateur de la construction européenne, en appelant à la création d’« États-Unis d’Europe ». De leur côté, les partisans du Brexit citent son apostrophe à de Gaulle : « Entre l’Europe et le grand large, nous choisirons toujours le grand large. » L’héritier a choisi son camp. Quitte à essuyer des accusations de faire honte à la mémoire de son grand-père dans un abondant courrier. « Le monde de De Gaulle et de mon grand-père n’a absolument rien à voir avec le nôtre, répond-il. On ne pourrait pas être Churchill, voir le monde d’aujourd’hui et prétendre que cela puisse être une chose sensée pour la Grande-Bretagne de se retirer de l’Union européenne, face à Poutine ou Daech. » Sir Nicholas Soames est une rare voix foncièrement proeuropéenne au Parti conservateur, dont plus d’un tiers des « L’échec des gouvernements britanniques » « Nous avons beaucoup plus à offrir à l’Europe », confie Nicholas Soames, député et petit-fils de Winston Churchill. Un vote pour rester dans l’Union serait à l’inverse l’occasion pour la GrandeBretagne de s’engager davantage. « Les gouvernements britanniques ont lamentablement échoué à jouer un rôle important en Europe. C’est de notre faute. J’espère qu’on le fera à l’avenir. Sinon, pourquoi l’Europe devrait-elle nous prendre au sérieux ? » Il dénonce la vision anglaise de Bruxelles comme lieu de « politique de second rang », où jamais des figures de premier plan, comme Simone Veil l’a été pour la France, ne sont envoyées. « Nous avons beaucoup plus à offrir à l’Europe », promet-il. Il veut croire que l’offensive diplomatique de David Cameron avant le référendum lui a permis de découvrir ce potentiel d’une « contribution énergique, créative et positive » à la réforme de l’UE. « Nous avons besoin de nos amis français » pour avancer dans cette voie, plaide Soames. Il loue la coopération militaire « exemplaire » entre nos deux pays. Il estime que l’affaiblissement de l’axe francoallemand est une « opportunité en or » pour Londres de s’imposer. Alors qu’il achève une carrière parlementaire de plus de trente ans, il se verrait peutêtre finir à Bruxelles. « J’irais bien régler la situation là-bas », plaisante-t-il à moitié. ■ LE SURÉQUIPEMENT EST UN ART. GPS. Toit ouvrant. Sellerie Black Pearl. ÉDITION SPÉCIALE SHOREDITCH. Disponible en 3* & 5** portes. À PARTIR DE 295€/MOIS. 36 MOIS. SANS APPORT. ENTRETIEN INCLUS. Inclus dans l’édition : GPS écran 6,5". Toit ouvrant panoramique. Sellerie Black Pearl. Volant multifonctions. Bluetooth. Rétroviseurs rabattables électriquement. Design inédit. Exemple pour une MINI ONE 102 ch 3 portes édition Shoreditch. Location Longue Durée sur 36 mois et pour 30 000 km intégrant l’entretien et l’extension de garantie. 36 loyers linéaires : 294,12 €/mois (Montant arrondi à l’euro supérieur). Offre réservée aux particuliers, valable pour toute commande d’une MINI ONE 102 ch 3 portes édition Shoreditch jusqu’au 30/09/2016 dans les MINI STORES participants. Sous réserve d’acceptation par MINI Financial Services - Département de BMW Finance -SNCaucapitalde87000000€RCSVersaillesB343606448TVAFR65343606448.CourtierenAssurancesimmatriculéàl’ORIASn°07008883(www.orias.fr).Consommation en cycle mixte : 4,7 l/100 km. CO2 : 109 g/km selon la norme européenne NEDC. ** Modèle photographié : MINI ONE 102 ch 5 portes édition Shoreditch. 36 loyers linéaires : 323,29 €/mois. L’extérieur de ce véhicule comporte des équipements de série ou en option en fonction de la finition. * A FLORENTIN COLLOMP £@fcollomp SHUTTERSTOCK/SIPA EWS LE FIGARO jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 8 INTERNATIONAL « Barkhane » face à des djihadistes furtifs Le dispositif militaire français au Sahel doit s’adapter pour combattre des groupes terroristes très mobiles. ALAIN BARLUET £@abarluet ENVOYÉ SPÉCIAL À GAO (MALI) DÉFENSE L’hélicoptère NH-90 se pose au milieu de nulle part, dans le désert détrempé par l’orage. Autour de leur colonel, quelques dizaines de militaires composent le PC mobile d’un groupe tactique blindé. La fatigue marque les visages après trois semaines en opération, entre Tessalit et Kidal. Demain, ils seront de retour à Gao, plus au sud, sur la principale base opérationnelle française dans la région cruciale du NordMali. Face aux djihadistes, les missions s’enchaînent à un rythme soutenu. Il faut maintenir la pression sur les « groupes armés terroristes » (GAT), réduire leurs sanctuaires, perturber leurs trafics, neutraliser leur arsenal. Le 1er août prochain marquera le deuxième anniversaire du dispositif régional « Barkhane », qui a succédé à l’opération « Serval ». C’est la principale opération extérieure (opex) française. Déployés dans cinq pays (Burkina-Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad), sur un « théâtre » plus grand que l’Europe, 3 500 militaires français traquent un djihadisme qualifié de « résiduel » mais toujours bien actif. Leurs moyens : une quinzaine d’hélicoptères, 200 véhicules blindés, 200 véhicules logistiques, 6 à 8 avions tactiques, 4 avions de chasse – ils seront six cet été - et cinq drones. Le bilan est contrasté. Parmi les motifs de satisfaction, les groupes terroristes accusent le coup. Quelque 230 djihadistes ont été neutralisés depuis le début de l’opération. Les GAT ont essuyé des pertes logistiques importantes : 100 caches ont été débusquées, 16 500 kilos de munitions et 200 kilos d’explosifs ont été détruits… « Il y a quatre ans, on craignait la mise en place d’un Sahelistan, cette menace a été écartée », se félicite le général de division Patrick Bréthous, qui commande la force militaire « Barkhane ». « L’ennemi n’a plus de zone refuge, il est traqué comme un bandit en cavale et passe plus de temps à nous fuir qu’à nous attaquer », ajoute-t-il. Dans cette vaste région coutumière de tous les trafics et où la « porosité » entre mafias et djihad est grande, l’action militaire a porté ses fruits. Même si les flux illicites – armes, drogue… -, mis à mal, n’ont pas été taris. L’ennemi n’a pas non plus disparu mais il s’est transformé. D’un « djiha- disme militarisé », il a mué en petits groupes recourant à l’arme classique de la terreur pour obtenir le soutien de la population ou pour déclencher un retentissement médiatique auprès des opinions publiques occidentales. Ce fut le cas à Bamako (20 novembre 2015), Ouagadougou (11 janvier 2016) et Grand-Bassam, en Côte d’Ivoire (13 mars), où des attaques revendiquées par al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), notamment contre des grands hôtels, ont fait 70 morts. Estimés à moins d’une centaine, affaiblis, désorganisés, les djihadistes du Mujao et d’al-Morabitoune n’en conservent pas moins un pouvoir de nuisance important. Circulant le plus souvent à moto, ils multiplient les actions meurtrières en posant des engins piégés (IED) ou des mines. Trois soldats français en ont été les victimes, le 12 avril dernier. Les GAT s’en prennent aussi à un partenaire essentiel de « Bar- khane », la force de l’ONU, la Minusma (11 000 soldats), en profitant de ses failles sécuritaires et de ses carences en matière de renseignement. Au total, depuis juillet 2013, une centaine de Casques bleus ont été tués. “ L’ennemi n’a plus de zone refuge, il est traqué comme un bandit en cavale et passe plus de temps à nous fuir qu’à nous attaquer ” LE GÉNÉRAL PATRICK BRÉTHOUS, COMMANDANT DE LA FORCE MILITAIRE « BARKHANE » Les militaires français misent énormément sur leurs partenaires africains pour multiplier les opérations transfrontalières (lire ci-dessous). Le concept est dans l’ADN de « Barkhane » : l’adversaire se jouant des frontières, la riposte ne peut être que coordonnée au niveau régional. Une tonne de drogue – le nerf de la guerre pour les djihadistes – s’apprécie de 10 000 euros en passant d’un pays à l’autre. « On n’empêchera jamais les kalachnikovs de circuler, plus grave est l’arrivée d’un artificier », relate un officier supérieur. Initiée en 2014, la coopération militaire est le volet le plus actif des relations entre les partenaires sahéliens. La France y joue un rôle moteur. Les chefs d’états-majors d’armée (Cema) du G-5 Sahel se rencontrent tous les six mois pour coordonner leur action contre le terrorisme. Ils se sont retrouvés pour la cinquième fois le 26 mai à Bamako en présence du Cema français, le général Pierre de Villiers, systématiquement « invité » à ces réunions. Inédite, cette coopération, qui n’a rien d’évident, commence progressivement à produire des résultats. Mais les militaires français commencent à s’impatienter. Ils craignent que Des soldats du détachement de liaison et d’appui opérationnel (DLAO) en mission, à Ansongo, dans l’est du Mali, dans le cadre de l’opération militaire « Barkhane », en décembre 2015. FRED MARIE/HANS LUCAS Le G-5 Sahel mise sur les opérations transfrontalières « AU DÉBUT, Tchadiens et Nigériens ne la résistance de djihadistes isolés, mais se parlaient pas. Aujourd’hui, ils mènent aussi rassurer la population mise sous ensemble des opérations sur leur frontière pression par les GAT. Autre but, contre les djihadistes » : pour cet officier « fixer » les Fama dans cette région servant au sein de « Barkhane », les frontalière où elles n’étaient guère prépartenaires sahéliens de la France, sentes. réunis au sein du G-5, se sont mis en En convergeant dans un espace cloimouvement. Non sans difficultés, milisonné, pour finalement faire leur joncRéclamé par l’armée de terre, taires mauritaniens, tchation, Maliens et Nigériens le déploiement de chars de combat diens, nigériens et maliens ont pour mission de prenLeclerc au Sahel « n’est pas s’efforcent de coordonner dre les terroristes dans la d’actualité », tranche une bonne leurs efforts face aux grounasse. Si besoin, chacun source à la Défense. Celle-ci explique pes armés terroristes (GAT). peut exercer un droit de que l’envoi, au sein de « Barkhane » À deux ou trois pays, ils mèpoursuite sur le territoire du de blindés ne répond pas à la logique nent des opérations transvoisin. Au centre du dispode souplesse d’un dispositif voué à frontalières avec l’aide des sitif, un détachement de conserver une « faible empreinte » au forces françaises pour neuliaison et d’appui militaire sol. « Déployer des Leclerc impliquerait déployés traliser les terroristes et français (DLAO), d’une en outre un environnement logistique dans cinq pays contrarier les trafics illicites. (Burkina-Faso, Mali, quarantaine de militaires très important », ajoute cette source. Treize opérations de ce type français, accompagne et Pour un officier général, en revanche, Mauritanie, Niger, ont déjà été engagées. La Tchad) dans le cadre soutient la manœuvre. un peloton de Leclerc (trois chars, dernière en date, baptisée « Barkhane » joue un rôle six véhicules blindés légers et trois de l’opération « Siham », s’est déroulée moteur dans ces partenasections d’infanterie) serait approprié « Barkhane » entre le Mali et le Niger, au riats opérationnels, balbupar sa puissance de feu, en cas, par sud de la ville de Ménaka, du tiants, mais qui commenexemple de raid djihadiste provenant 22 mai au 3 juin. Cinq compagnies d’incent à avoir des effets tangibles. Et qui de la frontière libyenne, une zone qui fanterie des forces maliennes (Fama) et constitue pour les militaires français, à préoccupe les responsables militaires cinq compagnies nigériennes, soit quelun horizon encore lointain, la meilleure français. « L’arrivée du Leclerc sur que 1 250 militaires, se sont déployées piste de sortie du « théâtre » sahélien, un théâtre constitue habituellement sur un quadrilatère de 340 kilomètres une fois que le G-5 sera parvenu à prenle signal d’une montée en puissance », sur 100, de part et d’autre de la frontièdre en main ses affaires sécuritaires. Au A. BA convient ce général. re. Objectif : contrôler la zone, réduire Mali, la logique de partenariat passe également par des actions coordonnées avec la force de l’ONU, la Minusma. Sur le terrain des opérations transfrontalières, les militaires français apportent leurs capacités en termes de 01.49.04.01.85 - [email protected] renseignement, de reconnaissance aérienne, de guidage des avions de chasse, Par décision en date du 18 décembre 2015, le tribunal de grande ins- de drones et d’évacuation sanitaire. tance de Paris (chambre des marques et brevets) a notamment jugé que « Nous nous efforçons de dynamiser nos de développer leur interol’association LA CHAMBRE NATIONALE DES PROPRIETAIRES partenaires, pérabilité », souligne un colonel de (CNDP) a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à « Barkhane ». Dans ce type d’opél’encontre de l’association UNION NATIONALE DE LA PROPRIÉTÉ rations, chaque pays commande ses hommes. Le défi consiste souvent à IMMOBILIÈRE (UNPI) et a condamné la CNDP à indemniser l’UNPI permettre à des partenaires africains de se caler sur des fréquences radio en réparation du préjudice subi de ce fait. commune ou de partager le renseignement. Lors de « Siham », des offi- Des chars Leclerc déployés au Sahel ? 3militaires 500 400 km Carte de l’opération Barkhane MAROC ÉGYPTE ALGÉRIE LIBYE Atar Nouakchott MAURITANIE Dakar SÉNÉGAL PUBLICATIONS JUDICIAIRES Tessalit MALI Madama Aguelal Agadez Gao NIGER Bamako Ouagadougou Opération Niamey Siham GUINÉE CENTRAFRIQUE Abidjan Base avancée temporaire SOUDAN N’Djamena NIGERIA Point d’appui permament Faya-Largeau TCHAD Abéché BURKINA CÔTE D’IVOIRE GHANA français A leurs succès restent vains s’ils ne sont pas relayés par une pression des politiques et de la communauté internationale sur les protagonistes maliens. Un an après l’accord d’Alger, en juin 2015, le processus de paix au Mali est ensablé. Les patrouilles communes entre l’armée malienne et les groupes armés signataires (GAS) au Nord-Mali, prévues par l’accord, pas plus que le désarmement, n’ont pas commencé. Pour le général de Villiers, « il est nécessaire que les efforts militaires que nous déployons soient simultanément liés à un effort politique. Dans la perspective du règlement d’une crise, plaide-t-il, on ne peut envisager de paix durable sans un effort de développement qui doit contribuer à un facteur déterminant, le basculement de la population en notre faveur. » Selon un bon observateur, Barkhane est à une « période charnière ». Les six mois qui viennent, à l’en croire, seront déterminants pour faire pencher résolument la balance en sa faveur… ■ CAMEROUN Douala Autre implantation ciers maliens, nigériens et français étaient intégrés à un PC tripartite localisé à Niamey. Les opérations conjointes sont désormais régulières et se déroulent selon la même logique : « Gabi », à la frontière entre le Mali et le Burkina-Faso (en février-mars), « Aradou », au nord du Niger, (en janvier). Ces partenariats sont cimentés par des relations personnelles entre les chefs d’état-major, réunis une première fois à Paris par le général Pierre de Villiers, en juillet 2014. Ils se retrouvent tous les six mois. Leurs « chefs ops » se réunissent, eux, tous les deux ou trois mois pour planifier les opérations. En novembre dernier, les dirigeants du G-5 Sahel ont établi une charte, le « partenariat militaire de coopération transfrontalière » (PMCT), entérinant cette stratégie entre partenaires. Pour leur part, les militaires français et africains qui en sont les initiateurs redoutent quelque peu que les politiques s’approprient cette fragile réussite. « Veillons à ne pas créer une usine à gaz si l’on veut que le G-5 Sahel rester efficace », relève un militaire de « Barkhane ». ■ A. BA RÉP. DÉM. DU CONGO Infographie EN BREF La Russie veut aussi son bouclier antimissile La Russie, opposée au bouclier antimissile américain, souhaite mettre en place un système de défense antiaérienne commun aux ex-républiques soviétiques membres de l’Organisation du traité de sécurité collective (ODKB), a annoncé mercredi son secrétaire général. Les pays concernés, outre la Russie, sont l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Tadjikistan et le Kirghizstan. L’ONU accuse l’Érythrée Le régime érythréen, un des plus répressifs au monde, a été accusé mercredi à Genève de crimes contre l’humanité à grande échelle par une commission d’enquête de l’ONU qui a recommandé que le dossier soit porté devant la Cour pénale internationale (CPI). LE FIGARO SOCIÉTÉ 9 Le cardinal Barbarin entendu dix heures par la police lyonnaise L’archevêque de Lyon était convoqué dans le cadre de l’affaire d’un prêtre accusé de pédophilie. EN BREF Rejet de cinq recours contre des déchéances de nationalité Le Conseil d’État a rejeté mercredi les recours de cinq hommes, condamnés pour des actes de terrorisme, qui contestaient la déchéance de leur nationalité française. Ils peuvent désormais être expulsés vers leurs pays d’origine respectifs, le Maroc et la Turquie. Franck Lavier, relaxé d’Outreau, soupçonné de viols sur sa fille Une enquête préliminaire a été ouverte à l’encontre de Franck Lavier, l’un des acquittés de l’affaire d’Outreau, pour « agressions sexuelles et viols » présumés sur sa fille de 17 ans. Selon nos informations, il nie catégoriquement les faits qui lui sont reprochés. JEAN-MARIE GUÉNOIS [email protected] JUSTICE Semaine décisive pour l’affaire Barbarin. Mercredi, l’archevêque de Lyon a été entendu par les policiers de la brigade départementale de protection de la famille dans le cadre d’une enquête préliminaire où il est mis en cause pour « non-dénonciation de crime » et « mise en danger de la vie d’autrui », en particulier à la suite des agissements du père Bernard Preynat, prêtre de ce diocèse accusé de pédophilie. L’audition a duré plus de dix heures. Le cardinal était accompagné par un ténor du barreau de Lyon, Me Jean-Félix Luciani. Mais l’avocat qui le conseille sur l’ensemble du dossier, Me André Soulier, a précisé qu’il s’agissait d’une « audition libre » et qu’elle ne sera donc pas suivie de « mesure de comparution », de « renvoi » ou « d’ouverture d’une information judiciaire ». En répondant aux questions du Figaro le 20 mars, le cardinal avait confié aborder « avec sérénité » ce rendez-vous judiciaire : « Comme les victimes, nous souhaitons que toute la vérité soit faite. » Philippe Barbarin devrait être le dernier d’une longue liste d’auditions de personnes concernées de près ou de loin par les agissements du père Preynat. Ce qui annonce une clôture prochaine de cette enquête préliminaire. Une seconde perquisition a eu lieu dans ce cadre, la semaine dernière, dans les bureaux du vicaire judiciaire de l’archevêché, le père Nicolas de Boccard. L’autre grand rendez-vous de la semaine concerne directement le père Preynat le vendredi 10 juin. La chambre d’instruction de la cour d’appel de Lyon doit décider si elle retient, ou non, la re- jeudi 9 juin 2016 Le cardinal Barbarin s’est présenté, mercredi matin, pour être entendu sous le régime de l’audition libre. quête émise par le parquet général de considérer comme « non-prescrits », les faits reprochés au prêtre. L’enjeu est de taille. La Parole libérée, cette association lyonnaise de victimes à l’origine des poursuites contre ce prêtre incriminé, recense pas moins de 67 victimes… Et pour l’heure, seules quelques-unes pourraient échapper à la prescription, la majorité des actes remontant aux années 1980. concernait pas « des affaires récentes ». Le second est politique. Mardi 7 juin, l’association La Parole libérée a été reçue au secrétariat d’État à l’Aide aux victimes. La secrétaire d’État Juliette Méadel avait appelé à la démission du cardinal Barbarin le 17 mars. Médiatique, enfin : plusieurs médias ont publié au même moment, ce week- JEFF PACHOUD/AFP end, de nouvelles grandes enquêtes touchant le cardinal Barbarin, fondées sur des fuites du dossier d’instruction. Et mercredi matin, alors que l’audition par la police de ce dernier était tenue secrète, un journaliste et un photographe de l’AFP l’attendaient à son arrivée. « C’est tout, sauf le fait du hasard », commente un bon connaisseur du système judiciaire. ■ Nice : quatre interpellations dans une enquête antiterroriste Quatre personnes soupçonnées de s’être rendues en Syrie ont été interpellées à Nice, mardi, et placées en garde à vue dans le cadre d’une enquête préliminaire du parquet antiterroriste. Aucun projet d’attentat n’a été découvert. « Apporter des réponses claires » Bertrand Virieux, victime du père Preynat et cofondateur de La Parole libérée, ne se fait pas d’illusion sur l’issue de cette décision car il a conscience des « problèmes de prescription juridique » pour beaucoup de victimes. Il se réjouit en revanche de l’audition du cardinal Barbarin, qui va permettre, estime-t-il, « d’apporter des réponses claires, de préciser toutes les dates et d’éclairer l’ensemble du dossier ». L’affaire aura pris une dimension nationale et internationale. Trois éléments de contexte l’indiquent. Le premier est ecclésial. Samedi 4 juin, le pape François, qui a apporté le 17 mai un soutien public au cardinal Barbarin, a renforcé les mesures canoniques contre des évêques qui se seraient montrés « négligents » dans la gestion de prêtre pédophile. Le Vatican a aussitôt précisé que cette décision ne ANNE JOUAN LE 15 MARS DERNIER, Pierre, aujourd’hui âgé de 42 ans, racontait dans Le Figaro comment il avait été agressé à deux reprises par le père Jérôme Billioud : la première en 1990 à Biarritz, il avait alors 17 ans, la seconde, trois ans plus tard, à Lourdes. En 2009, Pierre avait saisi la justice après en avoir alerté le cardinal Barbarin mais, les faits étant prescrits, sa plainte avait été classée. Aujourd’hui dans cette affaire, une enquête préliminaire est ouverte pour « non-dénonciation de crime » et « mise en danger de la vie d’autrui ». Plusieurs personnes ont été interrogées par la brigrade de la protection des familles. L’enquête avance et devrait être bouclée dans les semaines à venir. Le prêtre a été suspendu de sa charge paroissiale le 13 mars. Et pourtant, ses agissements, qualifiés comme délits sexuels, étaient connus de la police depuis 1998. Selon nos informations, le père Billioud est fiché par la police et ce, trois fois, dans le Système de traitement des infractions constatées (Stic). En juillet 1998, le prêtre a fait l’objet d’une procédure pour atteinte sexuelle à Roanne (Loire). Aux policiers, le père Billioud confie s’être rendu dans une boîte pour homosexuels après avoir beaucoup bu. Le prêtre raconte s’être promené nu après avoir eu des « caresses sexuelles » avec un autre homme. Là, il demande à avoir un rapport sexuel avec un homme qui refuse et porte plainte. Le père Billioud est jugé devant le tribunal correctionnel de Roanne. Il écope d’un mois de prison avec sursis pour atteinte sexuelle et des injonctions de soins. Deuxième histoire en février 2003, cette fois pour exhibition sexuelle à Lyon. Il est arrêté par la police alors qu’il a une relation sexuelle dans une voiture, sur la voie publique. Il est placé en garde à vue mais ne fait finalement l’objet d’aucune poursuite. Et enfin, troisième affaire en avril de la même année, pour usage de stupéfiants, toujours à Lyon. Il est contrôlé par la police avec un individu en possession de « poppers », une drogue bien connue pour faciliter les rapports homosexuels. Là encore, il est placé en garde à vue même s’il ne fera l’objet d’aucune poursuite. Comment l’Église pouvait-elle ne pas connaître les antécédents du père Billioud ? Le parcours de ce religieux pose la question des mutations, au sein de l’Église, de prêtres accusés de délits sexuels. À la fin des années 1990, Billioud est curé à Amplepuis (Rhône). Le maire trouve étrange son comportement avec les enfants, quand il lit dans la presse les frasques d’un curé à Roanne. Le maire se renseigne, il s’agit bien du père Billioud. L’élu contacte la hiérarchie de l’Église pour demander sa mutation. Il est alors remplacé par le père Bernard Preynat, curé de Cours (Rhône) qui prend en charge la paroisse d’Amplepuis. Le père Preynat a été mis en examen fin janvier dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour agressions sexuelles et viols sur mineurs de 15 ans. Il est accusé d’avoir commis ces délits sur des scouts dans les années 1970 et 80. Enfin, en 2015, le père Billioud avait été nommé, toujours à Lyon, à l’église de l’Immaculée Conception en remplacement d’un autre curé mis en cause dans un délit sexuel, le père Éric P. Ce dernier a finalement bénéficié d’un non-lieu car la victime avait menti sur son âge. Mais l’affaire lui avait valu d’être mis en examen et suspendu de ses fonctions en 2014. Le père Éric P. avait eu des relations sexuelles avec un adolescent mineur en fugue rencontré sur un site au nom évocateur, Mâlemotion. ■ A L’étrange parcours du père Jérôme Billioud jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 10 SOCIÉTÉ Mineurs isolés : l’Oise envoie sa facture à Urvoas Personnel spécialisé et nuits d’hôtel Le département de l’Oise dit avoir dépensé pour la prise en charge de ses mineurs isolés étrangers en 2015 plus de 12,5 millions d’euros. Le poste le plus élevé concerne les frais de personnel spécialisé des associations et des structures d’accueil, pour un total dépassant les deux tiers de la note. Car le taux d’encadrement de ce public fragile est très élevé. Les autres frais se répartissent, à parts égales, entre les charges courantes (alimentation, électricité…) et les charges structurelles (loyers, immobilisations, voitures…). Patron du département de l’Oise, Édouard Courtial l’assure : « Les structures étant saturées, il faut payer des nuits d’hôtel pour les mineurs. Nous n’en avons plus les moyens ! » J.-M. L. Ce département débordé par les arrivées de jeunes migrants réclame à l’État 10 millions d’euros de compensations. JEAN-MARC LECLERC £@leclercjm IMMIGRATION Dix millions d’euros ! C’est ce que réclame à l’État le président Républicain du conseil général de l’Oise, Édouard Courtial, en compensation des surcoûts occasionnés dans son département par la prise en charge des mineurs isolés étrangers pour la seule année 2015. Il vient d’envoyer l’addition à Jean-Jacques Urvoas, le garde des Sceaux, dont les procureurs délivrent les ordonnances de placement de ces jeunes. Le courrier, daté du 23 mai, est également adressé à la ministre de la Famille et de l’Enfance, Laurence Rossignol. Son postulat ? L’Oise a signé un protocole en mai 2013 avec l’État en acceptant l’accueil de 56 mineurs isolés. « Ils sont aujourd’hui près de six fois plus nombreux. Dès lors, le département n’a d’autre solution que de demander à l’État la prise en charge de ce dépassement qui représente 80 % des 12,5 millions d’euros de frais d’hébergement et d’entretien des mineurs étrangers isolés au titre de l’année 2015, soit 10 millions d’euros. » Déjà, l’expéditeur annonce ce qu’il ferait de cet argent, si le gouvernement devait accéder à sa demande : « Cette compensation sera entièrement affectée au dispositif de la protection de l’enfance », quelle que soit la nationalité du jeune en détresse. « Authenticité des papiers » À le lire, le gouvernement ne saurait se défausser plus longtemps. D’abord, parce qu’« il s’agit d’une politique migratoire dont la responsabilité incombe entièrement à l’État », écrit-il. Autre raison invoquée : « L’appui des services de l’État, au titre de l’évaluation sociale de la minorité et de l’isolement et de la vérification de l’authenticité des papiers, est très largement insuffisant et conduit à la prise en charge d’adultes considérés - faute de preuve comme mineurs par le juge. » Bref, l’État faillit souvent à sa mission de contrôle. « La plupart de ces mineurs n’ont aucun lien avec le conflit irako-syrien ou même Enfant dans la jungle de Calais, en février. Actuellement, plus de 10 000 mineurs étrangers isolés sont accueillis en France. FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO avec la situation en Érythrée », explique un fonctionnaire départemental. Dans l’Oise, par exemple, sur les 300 mineurs isolés protégés, 76 sont pakistanais, 68 maliens, 44 congolais, 42 ivoiriens, 23 guinéens, les 47 restants étant issus d’autres nationalités. Ce département n’est pas un cas à part. L’explosion des coûts sociaux liés à la gestion des mineurs isolés menace l’équilibre des finances publiques dans les Alpes-Maritimes, le Val-d’Oise (nos éditions du 24 mai dernier), le Pas-de-Calais, l’Essonne, la Côte-d’Or et bien d’autres départements. Dans le Val-de-Marne, le coût total de ces dépenses avoisine les 25 millions d’euros en 2015. Patron de la commission des affaires sociales au sein de l’Assemblée des départements de France (ADF), le président du Bas-Rhin, Frédéric Bierry, annonce que, chez lui, les mineurs étrangers représentent 14 % du public de l’aide sociale à l’enfance. Et quand les mineurs deviennent majeurs, beaucoup restent pris en charge. Ce qui double les coûts localement, passés de 4 à 8 millions d’euros en 2015. Pudiquement rebaptisés, sous Christiane Taubira, « mineurs non accompagnés », les mineurs isolés étrangers sont plus de 10 000 en France. À raison de 250 euros par jour et par enfant en moyenne, la facture pour les départements dépasse déjà les 2,5 millions d’euros par jour. D’autres collectivités que l’Oise songent à envoyer leur facture à l’État. Même si la démarche devait demeurer toute symbolique. ■ La consultation locale sur Notre-Dame-des-Landes inquiète Manque d’information, craintes sur l’accès aux urnes… Citoyens et organismes favorables au projet estiment qu’une menace plane sur le scrutin du 26 juin. DELPHINE DE MALLEVOÜE ENVIRONNEMENT Alors que la consultation des électeurs de Loire-Atlantique sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-desLandes se profile, le 26 juin, l’ambiance sur place est délétère, soumise aux tensions des campagnes « pro » et « anti » et aux craintes sur le bon déroulement du scrutin. Les citoyens et organismes locaux favorables au projet estiment qu’une menace plane sur l’accès au vote : sur l’accessibilité matérielle aux urnes avec des actions des opposants allant de l’appel au boycott à l’entrave des routes-, mais aussi sur l’accessibilité et la clarté de l’information devant préalablement éclairer les votants. « Comment ne pas craindre l’abstention quand on voit la restriction des moyens d’information de la population ?, s’étonne un institutionnel local, partisan du oui. Il n’y a qu’un seul exemplaire disponible dans chaque mairie du document de la Commission nationale du débat public (CNDP) ! Sinon, c’est consultable en ligne. » Or avec cette dématérialisation sur Internet, selon lui, l’information ne peut s’imposer, encore moins lutter contre la « cacophonie des campagnes » qui se jouent à coups d’affichages, de tracts dans les boîtes aux lettres et sur les marchés, venant pêlemêle des acteurs sociaux, des partis politiques et des associations engagées pour ou contre. Une « véritable confusion » dont « tout le monde ici a ras le bol », déplore-t-il. Or « il faut une participation “ Cette consultation n’est pas notre choix ” CYRIL BOULIGAND, UN AGRICULTEUR DE L’ORGANISATION PAYSANNE COPAIN forte afin de légitimer le résultat du vote », estime un élu du coin. Les services préfectoraux viennent d’indiquer qu’« une lettre d’information relative à l’organisation de la consultation accompagnée des deux bulletins de vote “OUI” et “NON” sera adressée par l’État à chaque électeur au plus tard le jeudi 9 juin 2016 ». Le 26 juin, les 968 000 personnes inscrites sur les listes électorales de Loire-Atlantique seront invitées à répondre à la question suivante : « Êtes-vous favorable au projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de NotreDame-des-Landes ? » La psychose sur l’accès aux urnes rampe dans les esprits. « C’est évident que les opposants vont manifester ou créer des barrages pour nous intimider ou nous dissuader, pense Jean, un habitant de la région nantaise. À se demander même s’ils ne tenteront pas, après le vote, de détourner les urnes pour tronquer le scrutin. » À la préfecture de Loire-Atlantique, « l’organisation matérielle » du scrutin se prépare dans le froid administratif, détaillée dans une circulaire du 26 mai, sans communiquer sur la mise en place éventuelle d’un dispositif de sécurité. Une petite phrase d’un communiqué du préfet précise « toutefois » que « pour faciliter l’exercice de leur droit aux électeurs », il « pourra prendre un arrêté à l’effet d’avancer ou de retarder, dans certaines communes et à leur demande, l’heure d’ouverture ou de fermeture des opérations Rassemblement d’opposants à l’aéroport, le 25 janvier. de vote ». En revanche, la circulaire du préfet fait des rappels explicites à la loi et au Code électoral, notamment en matière de sécurité des bureaux de vote, au délit d’entrave si leur accès est empêché et sur le recours à la force publique. Du côté des opposants, personne ne se risque à dévoiler un projet d’actions le jour du scrutin. « Des choses se préparent, dit un militant, on avait une AG mardi soir, mais je n’ai eu vent d’aucune action pour empêcher l’accès au vote ni même d’un appel au boycott. » Qu’il s’agisse de l’Acipa, association historique de l’opposition au projet d’aéroport, ou du monde paysan, indique Cyril Bouligand, un agriculteur de l’organisation paysanne SÉBASTIEN SORIANO/LE FIGARO Copain, « on n’a rien prévu d’autre que redire notre détermination à lutter contre ce projet. Cette consultation n’est pas notre choix, c’est une mascarade, les dés sont pipés ». « Les historiques, qui ont une façade légale, ne feront rien pour empêcher le scrutin, mais les zadistes… tout est possible, craint Alain Mustière, président des Ailes pour l’Ouest, favorable à l’aéroport. Ils exaspèrent tellement les gens ici que tout le monde veut que ça s’arrête et que, aussi indécis soient certains sur leur vote, ils iront aux urnes juste pour dire “non aux zadistes, dehors !” » Ces derniers, pour l’heure, répètent que « la consultation ne change rien (…) à notre détermination à obtenir l’abandon définitif du projet ». ■ Les débats sur la prescription pénale relancés au Sénat Auditions et discussions vont se poursuivre en commission des lois, notamment sur les questions de crimes de guerre ou sexuels. A 1 PAULE GONZALÈS [email protected] JUSTICE Votée dans une belle unanimité, la loi sur les délais de prescription connaît un petit passage à vide au Sénat. Le 3 juin, la commission des lois a décidé de renvoyer le texte en commission plutôt que de l’examiner et de le voter dans la précipitation. Les sénateurs ont jugé le sujet trop sérieux pour se contenter d’entériner un texte inspiré d’un rapport sénatorial de Jean-Jacques Hyest et Hugues Portelli. François-Noël Buffet, sénateur du Rhône et nommé rapporteur du texte quinze jours avant son passage en commission, mène la fronde contre le gouver- nement, pressé de faire passer le texte avant la fin du mois de juin. Le rapporteur estime que cette loi mérite plus d’auditions et de débats en commission : « Nous n’éprouvons pas de réticences particulières à faire passer les prescriptions pour crimes et délits respectivement de 10 à 20 ans et de 3 à 6 ans, promet François-Noël Buffet. Mais nous avons encore des interrogations sur plusieurs points. » Le Sénat s’inquiète avant tout de l’absence d’étude d’impact de cette loi sur l’activité des tribunaux et les coûts que cette évolution peut engendrer. De plus, nombre de sénateurs ne sont pas d’accord avec certaines des options prises par l’Assemblée nationale. À commencer par la question de la prescription en matière d’abus de biens sociaux. Le texte sorti du Palais Bourbon prévoit que la prescription courra désormais à partir du jour de la révélation « des délits occultes et dissimulés » du fait de la difficulté technique du contentieux économique et financier. « Par cette codification de la jurisprudence de la Cour de cassation est imposée une imprescriptibilité de fait, précise le sénateur Buffet, je suis pour l’instauration d’une date butoir. Par exemple l’infraction devra avoir été constituée deux ans avant sa révélation. La prescription de six ans courant à partir de cette date initiale. » Le Sénat estime également dangereux que le délai de prescription soit interrom- pu sur simple plainte pénale au commissariat de police. De quoi prendre le risque d’un renouvellement perpétuel du délai de prescription de six ans pour les délits. « On peut imaginer ce que cela signifie pour celui qui fait l’objet d’une plainte mensongère », souligne François-Noël Buffet. « Période de maturité » Le rapporteur du Sénat entend également revoir le dispositif en matière de crime de guerre. Les députés se sont opposés sur la question d’une imprescriptibilité de ces derniers. Un compromis a été trouvé disposant que ces crimes deviennent imprescriptibles lorsqu’ils sont connexes aux crimes contre l’humanité. François- Noël Buffet, rappelle que ce dispositif existe déjà et qu’il est donc redondant en droit. Enfin et surtout, la commission des lois du Sénat veut rouvrir le débat sur les crimes sexuels. Le texte de l’Assemblée nationale maintient la prescription de vingt ans. Les sénateurs entendent mener de nouveaux débats et auditions sur cette question. « De nombreuses études montrent que face à une agression sexuelle de nature criminelle, une victime n’est pas capable d’en parler avant une période de maturité qui intervient rarement avant 40 ans. Ce n’est pas du droit, mais sans doute fautil adapter nos moyens », s’interroge François-Noël Buffet, qui entend approfondir ce point d’ici à la fin du mois. ■ LE FIGARO SCIENCES jeudi 9 juin 2016 11 Lisa en marche vers l’astronomie du futur Le satellite européen Lisa Pathfinder a montré que l’on peut étudier les ondes gravitationnelles depuis l’espace. TRISTAN VEY £@veytristan Au cœur du satellite, une petite masse flottant dans le vide permet de stabiliser la position au millionième de l’épaisseur d’un cheveu du millionième de l’épaisseur d’un cheveu ? L’Agence spatiale européenne (ESA) a investi 500 millions d’euros dans un satellite de démonstration, Lisa Pathfinder, pour le savoir. Et il s’avère que cela est bel et bien possible. Mardi, l’ESA a ainsi annoncé que les 55 premiers jours de mesure avaient largement dépassé les attentes des scien- Lisa Pathfinder a commencé ses mesures le 1er mars depuis un point d’équilibre entre la Terre et le Soleil, à 1,5 million de kilomètres. tifiques. Dans un article paru dans Physical Review Letters, les équipes montrent que les performances de ce démonstrateur sont excellentes. « Les résultats sont cinq à sept fois meilleurs que les objectifs fixés par l’ESA », se réjouit Antoine Petiteau, chercheur au laboratoire astroparticule et cosmologie (université Paris-VII-CNRS) et responsable France de la mission. Lisa Pathfinder a commencé ses mesures le 1er mars depuis un point d’équilibre entre la Terre et le Soleil, à 1,5 million de kilomètres. L’astuce permettant de s’assurer que le satellite reste parfaitement en place consiste à placer au cœur de celuici une petite masse flottant dans le vide. Celle-ci n’est soumise qu’à son poids et ne subit donc pas les interférences du monde extérieur – essentiellement les photons et les particules chargées émises par le Soleil qui le frappent et perturbent sans cesse sa position. Cette masse flottante constitue une référence parfaite. La position du satellite est donc ajustée de telle sorte que la masse reste immobile par rapport à lui. Mais comment vérifier que l’on parvient bien au degré de précision attendu ? Une deuxième masse libre, identique, a été placée à 38 cm de la première. « Les deux masses s’attirent évidemment l’une l’autre », rappelle Antoine Petiteau. Proportionnellement à leur masse et en raison inverse du carré de leur distance, pour ceux qui auraient oublié les cours de physique de leur jeunesse. « Cela suffit à les faire bouger de 20 mm par jour l’une par rapport à l’autre. » Ce qui intéresse les chercheurs, ce sont plutôt d’autres perturbations, plus fines, qui font bouger les deux masses à une vi- La peste noire est toujours parmi nous Puces de rongeurs infectés La responsable de cette effroyable maladie est une bactérie, Yersinia pestis, découverte en 1894 par Alexandre Yersin, de l’Institut Pasteur, et qui provoque des maladies chez l’animal et l’homme. Elle se transmet, dans sa forme bubonique, par les puces de rongeurs infectés, et dans sa forme pulmonaire par l’air. S’il semble y avoir eu des épisodes de peste depuis l’Antiquité, nulle épidémie n’avait touché autant de gens qu’à la fin du XIVe siècle et au début du XVe. Les scientifiques, biologistes enquêteurs du passé, ont donc cherché un peu partout en Europe, dans des tombes datant de cette époque, les preuves nécessaires pour confondre le coupable. Braquant leurs projecteurs biologiques sur la pulpe des dents des squelettes, ils se sont frayé un chemin jusqu’au génome des morts pour y traquer celui de Yersinia. En tout, 223 échantillons d’ADN provenant de 178 individus ont été exa- largement les spécifications exigées par l’ESA. « Le défi technologique n’est pas terminé, prévient néanmoins Antoine Petiteau. Il faut encore s’assurer que l’on est capable de réaliser les lasers qui permettront aux trois satellites de mesurer exactement leur position les uns par rapport aux autres et de détecter les éventuelles modifications qui trahiraient le passage des ondes gravitationnelles. » Prévue initialement pour 2034, la découverte des premières ondes gravitationnelles au début de l’année, conjuguée à cette démonstration de principe, pourrait accélérer le calendrier. « L’ESA semble vouloir un design définitif avant 2020 pour une mise en service possible avant 2030, peut-être 2029 », poursuit Antoine Petiteau. Le coût, lui, reste très approximatif. De l’ordre du milliard d’euros. À confirmer. ■ SIVAM RCS Pontoise 329 690 648. PALÉOGÉNÉTIQUE Ils ne sont pas morts pour rien il y a presque sept siècles. Du moins jusqu’à ce que des scientifiques parviennent à écouter l’histoire qu’ils avaient à raconter. Et quelle aventure ! Celle de la pire épidémie de l’histoire, la grande peste noire du XIVe siècle, qui avait provoqué une hécatombe de dizaines de millions de morts en France et dans toute l’Europe occidentale. Qui était-elle ? D’où venait-elle ? Qu’est-elle devenue ? Une équipe de recherche franco-allemande vient d’apporter des réponses à toutes ces questions grâce à une véritable prouesse technique : obtenir le génome entier d’une ancienne bactérie (travaux publiés dans la revue Cell Host & Microbe). minés. Les chercheurs ont obtenu 53 extraits potentiellement porteurs de la bactérie (auprès de 32 personnes). Seuls trois échantillons, retrouvés en Espagne (près de Barcelone), en Russie (dans la ville de Bolgar) et en Allemagne (à Ellwangen), avaient suffisamment d’ADN de Yersinia pour une analyse exhaustive. Cet ADN a été comparé à 148 génomes d’autres Yersinia, dont 7 « historiques », répertoriés dans des bases de données. Après mixage de toutes ces données, le résultat s’impose : la peste noire du Moyen Âge a été la conséquence d’une entrée unique de la bactérie. Venue d’Asie via le Moyen-Orient, la peste a inondé l’Europe de l’Ouest, provoquant plusieurs flambées ici et là, puis a voyagé vers l’est pour finalement revenir en Asie jusqu’en Chine. « C’est la première fois que l’on démontre par une preuve génétique cet aller-retour, souligne Maria Spyrou, du Max Planck Institute, première signataire de l’étude. Et c’est cette souche qui est responsable des épisodes épidémiques en Chine à la fin du XIXe siècle. » La peste noire est donc toujours parmi nous. « C’est un travail très intéressant qui confirme qu’une unique souche est responsable des grandes épidémies du Moyen Âge et que cette peste-là est non seulement venue en Europe, mais est également repartie en Asie », estime le Pr Michel Drancourt, de l’unité de recherche sur les maladies infectieuses tropicales (CNRS/IRD) de l’université de Marseille. Il existe encore des foyers résurgents de peste en Afrique, en Asie et en Amérique et près de 40 000 cas humains de peste ont été déclarés à l’OMS par 24 pays au cours des quinze dernières années. Des traitements médicamenteux existent, mais un vaccin est toujours recherché. ■ tesse de l’ordre du millimètre par an (c’est dix fois moins rapide que la dérive des continents…). « Sur Terre, les petites masses étaient maintenues dans des enceintes sous vide, explique Antoine Petiteau. Mais ce vide n’est pas aussi bon que celui qui existe dans l’espace. Depuis que nous avons ouvert les enceintes, les molécules qui subsistaient s’échappent peu à peu. Mais il en reste encore suffisamment pour frapper les masses et les faire bouger un peu. » D’autres phénomènes, liés par exemple aux fluctuations thermiques, jouent également un rôle. « Nous poursuivons les mesures pour tenter d’identifier au mieux les causes des perturbations, souligne le chercheur. Cela fera l’objet d’autres articles dans les mois à venir. » Le plus important est néanmoins déjà assuré : la stabilité du satellite dépasse LA RÉFÉRENCE LEXUS EN ÎLE-DE-FRANCE & RHÔNE-ALPES Du XIVe au XIXe siècle et de l’Europe à l’Asie, toutes les épidémies sont dues à une unique souche. JEAN-LUC NOTHIAS [email protected] HO/AFP Consommations (l/100 km) et émissions de CO2 (g/km) en cycle mixte de la CT 200h : de 3,6 à 4,1 et de 82 à 94 ; de l’IS 300h : de 4,2 à 4,6 et de 97 à 107 ; de la LS 600h : 8,6 et 199 ; du RC 300h : de 4,7 à 5,0 et de 108 à 116 ; de la GS 450h : de 5,9 à 6,2 et de 137 à 145 ; du NX 300h : de 5,0 à 5,3 et de 116 à 123. Données homologuées CE. PORTES OUVERTES DANS VOTRE RÉSEAU SIVAM SAMEDI 11 & DIMANCHE 12 JUIN LE LEXUS SIVAM PARIS 5 JUSQU’AU 30/06/2016, POUR TOUT ACHAT D’UN VÉHICULE NEUF = 1 ABONNEMENT D’1 AN AU FIGARO OFFERT 58 boulevard St Marcel 75005 Paris Tél. : 01 55 43 55 00 www.lexus-paris5.fr LEXUS SIVAM CHAMBOURCY 23 Route de Mantes 78240 Chambourcy VE AU Tél. : 01 39 70 24 24 NOU www.lexus-chambourcy.fr LEXUS SIVAM LEVALLOIS-PERRET LEXUS SIVAM LYON NORD LEXUS SIVAM LYON SUD LEXUS SIVAM SAINT-ÉTIENNE 6 chemin des Anciennes Vignes 69410 Champagne-au-Mont-d’Or Tél. : 04 72 52 91 91 www.lexus-lyon.fr 16-20 rue des Frères Bertrand 69200 Vénissieux Tél. : 04 72 78 50 32 www.lexus-lyonsud.fr 116 rue du Président Wilson 92300 Levallois-Perret Tél. : 01 42 70 40 70 www.lexus-levallois.fr 25 rue Gustave Delory ZI Montreynaud 42000 Saint-Étienne Tél. : 04 77 47 69 70 NOUV E AU A ASTRONOMIE Deux petits mois. Il n’aura pas fallu plus de temps au satellite européen Lisa Pathfinder pour démontrer que les technologies nécessaires à la construction d’un télescope spatial capable d’observer les ondes gravitationnelles étaient déjà mûres. Les ondes gravitationnelles, observées pour la première fois en février par des détecteurs sur Terre, sont de petites vagues d’espace-temps formées par des événements extrêmement énergétiques comme la fusion de trous noirs ou les explosions d’étoiles. Ces ondes, qui se déplacent à la vitesse de la lumière, font vibrer l’espace-temps comme une gelée. Leur passage fait ainsi (très, très légèrement) osciller les distances entre les objets. Cela peut par exemple rapprocher ou éloigner la Terre et le Soleil d’une fraction de micron. En plaçant trois satellites autour du Soleil et en mesurant leur position relative, il devrait être possible d’observer le passage d’ondes gravitationnelles, et d’en déduire de précieuses informations sur les événements cataclysmiques qui les produisent. Mais est-on capable de maintenir en place des satellites les uns par rapport aux autres avec une précision proche de la dizaine de picomètres, soit l’équivalent jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO SPORT 12 1 Antoine Griezmann, attaquant magique 30 Les Bleus de l’Euro 84 ont eu Michel Platini, ceux du Mondial 98 Zinédine Zidane. 2016 pourrait être l’année d’Antoine Griezmann, nouveau chef d’orchestre de l’équipe de France depuis la mise à l’écart de Karim Benzema. L’attaquant de l’Atlético Madrid a tout pour lui : la qualité de passe et l’altruisme, le sang-froid devant le but (22 réalisations en Liga cette saison et 7 en Ligue des champions), une excellente vision du jeu et, surtout, il ne rechigne jamais à effectuer le travail défensif. Voilà pour le joueur. Le discret attaquant de 25 ans à la tête de jeune premier a aussi tout pour devenir le chouchou des Français régulièrement fâchés avec les incorrigibles Bleus depuis 2010. Seul Lloris (23 % des suffrages dans un sondage RTL-Odoxa en mars 2016) résiste encore à la cote d’amour ascendante (20 %) de celui qui a quitté la France pour l’Espagne à 14 ans. Prions pour que « Grizou » débute l’Euro avec encore de l’essence dans le réservoir. Le Mâconnais a déjà disputé 63 matchs depuis l’été dernier. La présence de son club en finale de la Ligue des champions Les qui vont faire l’Euro Qu’ils soient joueurs, entraîneurs, dirigeants, ministre ou même artistes, ils vont faire l’actualité du championnat d’Europe du 10 juin au 10 juillet. A C. BARROSO, MOUNIC/PRESSE SPORTS ; G. JOHANSSON/PIC AGENCY/PRESSE SPORTS ; J. PULMANS/VI IMAGES/PRESSE SPORTS ; S. ALLAMAN/SIPA ; H. HANSCHKE/REUTERS ; F. FIFE/AFP ET F. BOUCHON/LE FIGARO 2 3 Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur Jamais la menace terroriste n’aura autant pesé sur un événement sportif international. Le ministre de l’Intérieur sera au cœur d’un dispositif de sécurité d’une amplitude inégalée visant à empêcher un nouvel attentat dans les stades mais aussi en dehors. En plus des 2,5 millions de spectateurs dans les tribunes, on attend environ 7 millions de personnes dans les fans zones, qui feront le plein le soir des matchs. Des moyens exceptionnels seront mobilisés par l’État en termes de police, de gendarmerie, et avec le concours de 10 000 militaires. « Jamais un événement sportif n’aura été autant sécurisé dans notre pays », a affirmé le ministre des Sports, Patrick Kanner. PAGE RÉALISÉE PAR GILLES FESTOR [email protected] Zlatan Ibrahimovic, attaquant de la Suède Passée par les barrages pour arracher son billet, la Suède n’a pas séduit lors des éliminatoires de l’Euro. Mais avec son géant suédois (1,95 m) qui a terminé son aventure avec le Paris SG, tous les espoirs sont permis. Surtout après une telle saison (38 buts inscrits et 13 passes décisives). Grand absent du dernier Mondial, « Ibra » (34 ans) sera forcément l’une des stars d’un groupe E extrêmement relevé avec l’Irlande, l’Italie et la Belgique. Trois affiches qui lui permettront peut-être de prouver qu’il peut aussi être l’homme des grands rendezvous pour sa dernière grande compétition internationale avec la sélection suédoise (62 buts en 113 sélections). « J’aurai le public français et suédois derrière moi », fanfaronnait-il récemment. Cela reste à voir, mais il ne laissera à coup sûr aucun spectateur de marbre. 4 Didier Deschamps, sélectionneur des Bleus 5 En première ligne quoi qu’il arrive, surtout si la France rate son Euro à domicile. Un échec et c’est une grande partie de la crédibilité du capitaine des champions du monde 1998 qui s’envolera après un Mondial 2014 honorable (quart de finaliste face à l’Allemagne). Un sacre et il aura définitivement réconcilié les Français avec leur sélection en s’asseyant aux côtés de Michel Hidalgo (Euro 1984) et d’Aimé Jacquet (Mondial 1998) au panthéon des sélectionneurs. À moins d’une cataclysmique élimination précoce, « DD » poursuivra son aventure jusqu’à la Coupe du monde 2018 en Russie. Noël Le Graët, qui lui accorde une confiance aveugle, a rallongé son contrat de deux ans en février dernier. le 28 mai dernier l’a privé d’une partie de la préparation avec l’équipe de France. L’Euro 2016 tombe à point nommé pour lui permettre de rebondir après son immense déception en finale de la C1 face au Real Madrid. + » Lire aussi PAGE 16 « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais 11 Andrés Iniesta Milieu de terrain de l’Espagne tenante du titre. 12 Gianluigi Buffon Capitaine et gardien de l’Italie aux 157 sélections. 13 Wayne Rooney Attaquant de l’Angleterre reconverti en n° 10. 14 David Guetta Compositeur de l’hymne officiel de l’Euro. 15 Gareth Bale Star de l’attaque du pays de Galles. 16 Sergio Ramos Défenseur central de l’équipe d’Espagne. 17 Robert Lewandowski Attaquant vedette de la Pologne. 18 Super Victor La mascotte officielle de l’Euro 2016. 19 Thomas Müller Cristiano Ronaldo, attaquant du Portugal S’il collectionne les trophées avec ses clubs, le Portugais n’a toujours rien gagné avec une sélection qui a survolé son groupe lors des éliminatoires. À 31 ans, le temps presse pour « CR7 » qui a déjà réussi sa saison en empochant sa troisième Ligue des champions, avec le Real Madrid malgré une prestation insipide en finale. Avec la Seleçao, le triple Ballon d’Or aura à cœur d’effacer le souvenir amer du fiasco au Mondial 2014. Le Portugal s’était fait piteusement éliminer dès le premier tour avec une claque reçue face à l’Allemagne (0-4). Un sondage RTL-Odoxa montre que 26 % des Français sont convaincus que la gravure de mode de Funchal sera la grande star de l’Euro 2016, juste devant Zlatan Ibrahimovic (21 %). Attaquant de l’Allemagne et meilleur buteur du Mondial 2014. 20 Noël Le Graët Président de la Fédération française de football. 21 N’Golo Kanté Milieu de terrain de l’équipe de France. 22 Skip the Use Groupe interprète de l’hymne officiel controversé des supporteurs français. 23 « Beau Jeu » Le ballon officiel de l’Euro 2016. 24 François Hollande Le président remettra le trophée au vainqueur le 10 juillet. 25 Le Stade de France Il accueillera sept matchs dont la finale et le match d’ouverture. 26. Nicolas de Tavernost et M6 Président de la chaîne qui diffusera la finale avec beIN Sports. 27 Les réseaux sociaux Ils sont devenus le moyen privilégié des footballeurs pour communiquer. 28 La Marseillaise Depuis les attentats du 13 novembre 2015, l’hymne n’a jamais été autant repris dans les stades. 29 Adidas L’équipementier de 10 des 24 sélections devant Nike (6) et Puma (5). 30 Les paris sportifs 60 milliards d’euros de paris sont prévus au cours de la compétition. 6 Joachim Löw, sélectionneur allemand Championne du monde en titre, l’Allemagne s’est qualifiée sans trembler pour l’Euro mais sans briller non plus, alimentant même quelques doutes outre-Rhin. Le sélectionneur à la chemise blanche pourrait rentrer dans l’histoire en signant un retentissant doublé Coupe du monde-Euro. La Mannschaft l’a déjà fait, mais dans l’autre sens (Euro 1972-Mondial 1974). Sous contrat jusqu’en 2018, Löw ne cache pas son envie de retrouver un club ambitieux mais on le voit mal quitter le bateau à deux ans de la Coupe du monde en Russie. 7 L’arbitrage vidéo Clément Turpin, seul arbitre français retenu pour officier pendant l’Euro, pourra faire appel à la technologie sur la ligne de but au cours d’une rencontre. Les dix stades seront équipés du système Hawk-Eye qui permettra de vérifier si un ballon a franchi ou non la ligne de but. La technologie viendra s’ajouter à l’arbitrage à cinq déjà utilisé par l’UEFA. Ce dispositif sera aussi utilisé lors de la prochaine Supercoupe d’Europe ainsi que lors de la prochaine saison de Ligue des champions. 8 Eden Hazard, attaquant de la Belgique Le Belge sort d’une saison cauchemardesque avec Chelsea, avec qui il n’a inscrit que quatre misérables buts en championnat. Heureusement, l’attaquant retrouve des couleurs lorsqu’il joue en sélection. L’Euro lui offre la possibilité de sauver une saison blanche avec les Diables rouges qui figurent parmi les grands favoris. « Je veux être l’homme de l’Euro », a récemment déclaré l’ancien lillois revanchard, qui, contrairement à d’autres stars, aura eu le temps de se préserver en vue du rendez-vous continental. 9 Grégoire Margotton, commentateur sur TF1 Commentateur vedette des matchs sur Canal + depuis son entrée au sein de la chaîne cryptée en 1992, Grégoire Margotton (46 ans) est le nouveau porte-voix de l’équipe de France sur TF1. Associé à Bixente Lizarazu, il vient de remplacer Christian Jeanpierre mis de côté sans ménagement à trois mois de la compétition et après huit ans passés derrière le micro. Canal + a tout tenté pour retenir le Lyonnais qui sait déjà que la finale se fera sans lui. Celle-ci sera retransmise sur M6 et beIN Sports mais pas sur la première chaîne. 10 Paul Pogba, milieu des Bleus Si l’Euro s’était déroulé il y a un an, il aurait été attendu comme le messie des Bleus. L’émergence d’Antoine Griezmann et des performances un peu moins remarquées avec son club de la Juventus Turin après une saison 2014-2015 exceptionnelle ont rebattu les cartes. S’il reste un des leaders incontestables de la sélection alors qu’il n’a que 23 ans, Paul Pogba a donné l’impression de stagner ces derniers mois. Moins décisif avec les Bleus, il est très attendu, surtout depuis l’annonce du forfait de Lassana Diarra. EN BREF Rugby : Trinh-Duc : « Ç’a été brutal » Avant de s’envoler avec le XV de France pour l’Argentine, François Trinh-Duc est revenu pour Le Figaro sur son éviction de Montpellier : « Ç’a été rapide et brutal ces derniers jours. » Stade Français-Red Star, « colocs » à Jean-Bouin L’an prochain, le stade JeanBouin sera partagé entre le Stade Français et le Red Star (L2). « Une bonne nouvelle », pour Thomas Savare. Voile : Beyou vainqueur Jérémie Beyou (Maître Coq) a remporté la Transat New York-Vendée. jeudi 9 juin 2016 LE CARNET DU JOUR Parents, alliés et amis Les annonces sont reçues avec justification d’identité ont l'immense douleur de faire part du décès de par téléphone 01 56 52 27 27 Mme Antoinette CALLANDRY [email protected] docteur Léo Callandry née Cueilleron, veuve du par courriel Tarif de la ligne € TTC : Les obsèques seront célébrées ce jeudi 9 juin 2016, à 10 h 30, à l'athanée de Cannes, 223, avenue de Grasse. Du lundi au jeudi 24 € jusqu'à 25 lignes 22 € à partir de 26 lignes Vendredi ou samedi 27 € jusqu'à 25 lignes 25 € à partir de 26 lignes Réduction à nos abonnés : nous consulter Reprise des annonces sur : www.carnetdujour.lefigaro.fr www.dansnoscoeurs.fr Martine Callandry Herland, villa Pembroke, 5, avenue du Parc-de-Madrid, 06400 Cannes. M. Jean-Edouard BLOCH né le 3 décembre 1920, à Montpellier, veuf de M. Henri PIGEAT Mme Simy Bloch et Mme, née Passerose Rueff, ont la joie d'annoncer la naissance de ses 25 petits-enfants et leurs conjoints, ses 26 arrière-petits-enfants font part du rappel à Dieu de Mme Yves GASCHIGNARD le 6 juin 2016, dans sa 91e année. La cérémonie religieuse sera célébrée le vendredi 10 juin 2016, à 14 heures, en l'église Notre-Dame-de-Bon-Port de Nantes, suivie de l'inhumation, à 17 heures, au cimetière d'Arthon-en-Retz (Loire-Atlantique). parti paisiblement dans sa 96e année. Jacques chez M. et Mme Guillaume Gaschignard, M. et Mme Marc Baraton, M. et Mme Jacques Le Pomellec, M. et Mme René Bellamy, M. et Mme Philippe Romain-Desfossés, M. et Mme David Gaschignard, ses enfants, née Monique Polo, Ses enfants, petits-enfants arrière-petits-enfants et nièce ont l'immense tristesse de faire part du décès de naissances M. Yves Gaschignard, son époux, Avocat à la cour de Paris depuis ses plus jeunes années, épris de justice, de tolérance, il est resté actif jusqu'en l'an 2000. Anaël PIGEAT et Maël RENOUARD à Paris, le 24 mars 2016. Un dernier hommage lui sera rendu au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, à Paris (20e), le samedi 11 juin 2016, à 11 h 30. La salle de recueillement fermera ses portes à 11 h 30. recherches La Société des amis d'Henri Pourrat Mouilleron-Saint-Germain (Vendée). Poitiers (Vienne). Le baron et la baronne Gilles Goislard de la Droitière, son fils et sa belle-fille, Hervé, Florence et Thomas, Marguerite, ses petits-enfants, ont la tristesse de vous faire part du décès du (association loi 1901) et Gallica bibliothèque numérique de la BnF, Mlle Pascaline Desprez, M. et Mme Hervé Desprez, M. et Mme Baudouin Thiébeauld de La Crouée, Mme Sophie Desprez, ses enfants, vont numériser début 2017, les cahiers Henri Pourrat parus de 1984 à 2014. Il est demandé à tous les contributeurs de textes ou d'illustrations, ou à leurs ayants droit, leur autorisation préalable à la numérisation et à la mise en ligne. Réponse souhaitée avec les références de vos articles, à [email protected] Maxime et Audrey Desprez, Valentine et Oliver Vane, Quitterie et Timothée Roussel de Courcy, Grégoire et Laure Thiébeauld de La Crouée, Amaury Thiébeauld de La Crouée, ses petits-enfants, deuils Mme Michel Adam, ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants survenu dans sa 94e année. La cérémonie religieuse sera célébrée le vendredi 10 juin 2016, à 14 h 30, en l'église de Mouilleron-Saint-Germain, suivie de l'inhumation au cimetière de Mesnard-la-Barotière. Xavier Goislard de la Droitière Chloé, Marguerite, Joséphine et Rose, Maxence, Marin, Quentin et Vianney, ses arrière-petits-enfants, repose à la maison funéraire de La Châtaigneraie (Vendée). ont la tristesse de vous faire part du rappel à Dieu de Cet avis tient lieu de faire-part. Ni fleurs ni couronnes. font part du rappel à Dieu de la comtesse de la NOUE née Catalina Puiforcat, « Kina », le 6 juin 2016, à l'âge de 85 ans. La cérémonie religieuse sera célébrée en l'église Saint-François-de-Sales, 6, rue Brémontier, à Paris (17e), le vendredi 10 juin, à 10 h 30, suivie de l'inhumation à 12 h 45, au cimetière de Vineuil-Saint-Firmin (Oise). 190, boulevard Malesherbes, 75017 Paris. La cérémonie religieuse sera célébrée le vendredi 10 juin, à 16 heures, en l'église Saint-François-Xavier, 12, place du PrésidentMithouard, Paris (7e). le 8 juin 2016. La cérémonie religieuse sera célébrée le vendredi 10 juin, à 10 heures, en la chapelle de Jésus-Enfant de la basilique Sainte-Clotilde, 29, rue Las-Cases, Paris (7e). Hubert, Aymard, Ghislaine, Hervé (†), Etienne, Anne et leurs conjoints, M. Guy Charles-François, Mme Monique Charles-François, M. et Mme Gérard Serfaty, ses enfants, ses petits-enfants et arrière-petits-enfants vous font part du décès de Mme Louis le FORESTIER de QUILLIEN Nicolas, Anne et Paul, ses petits-enfants, née Hélène Passerat de Silans, M. et Mme Yves Louis-Joseph, son frère et sa belle-sœur, survenu à l'âge de 90 ans, le 7 juin 2016, à Angles (Vendée). ont la tristesse de vous faire part du décès de La cérémonie religieuse sera célébrée le samedi 11 juin, à 10 h 30, en l'église Notre-Dame-de-la-Joie, à Pencran (Finistère), suivie de l'inhumation dans l'enclos paroissial. Mme Nelly CHARLES-FRANÇOIS chirurgien-dentiste, survenu le 6 juin 2016, à l'âge de 92 ans. Mme Louis le Forestier de Quillien Une bénédiction aura lieu le lundi 13 juin, à 10 heures, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, Paris (20e). repose au funérarium, 14 bis, rue des Forêts, à Moutiers-les-Mauxfaits (Vendée). Condoléances sur registre et : [email protected] Paris (15e). Mme Luc Soulignac, Mme Luc Delbende, ses sœurs, l'hôpital Marie Lannelongue ont la tristesse de vous faire part du décès, le 6 juin 2016, du professeur Claude PLANCHÉ membre de l'Académie nationale de chirurgie, membre de l'American Association for Thoracic Surgery, ancien chef du département de chirurgie cardiaque congénitale de l'hôpital Marie Lannelongue. Ils présentent à sa famille et à tous ses proches, leurs très sincères condoléances. Fête des pères Ses enfants, Aline et Henri Boudet, Anne-Marie et Jean-Pierre Calmels, Chantal et Jacques Viguier, Laurent et Christine Froment, © iStock Dites-lui votre affection dans Le Figaro du samedi 18 juin ! ses petits-enfants, ses arrière-petits-enfants et toute sa famille ont la tristesse de vous annoncer le décès, le 4 juin 2016, dans sa 97e année, de Mme Célestin FROMENT née Lucie Madaule. La cérémonie sera célébrée le lundi 13 juin, à 10 h 30, en l'église Notre-Damede-Grâce-de-Passy, rue de l'Annonciation, Paris (16e). Monique MASGNAUX née Barthélémy, le 7 juin 2016. La cérémonie religieuse aura lieu le mardi 14 juin, à 14 h 30, en l'église Sainte-Cécile, 44, rue de l'Est, à Boulogne-Billancourt. La bénédiction tiendra lieu de condoléances. Ni fleurs ni couronnes, des dons pour Julia, la petite-fille handicapée chérie de « Bonne », à libeller à l'ordre de l'association Les Papillons Blancs des Rives de Seine, à l'intention de Jean-Hugues Masgnaux, 56, rue Fessart, 92100 Boulogne-Billancourt. et le M. Thierry de Vaucorbeil lieutenant Jean de Vaucorbeil Ni fleurs ni couronnes, des offrandes de messe. Cet avis tient lieu de faire-part. 13, boulevard Pereire, 75017 Paris. Philippe Weinstein, Olivier Weinstein, ses fils, Elodie, Romain, ses petits-enfants, Jérémie et Yona, ses arrière-petits-enfants, ont la tristesse de vous faire part du décès de Paris (16e). Colette WEINSTEIN Mme Pierre Lamotte, née Micheline Prinvault, sa sœur, ses neveux et nièces, leurs enfants et petits-enfants Mlle Françoise PRINVAULT survenu le 4 juin 2016. Christiane MARTIN ont la tristesse de vous faire part du décès de leur chère « Bonne » Marie-Françoise Billot et ses fils, et toute la famille survenu le 5 juin 2016, à l'âge de 88 ans. Marie Pierre et Marko Sikic, Maia, Paul et Maja, Jean-Marc (†) et Anne Masgnaux, Carole, Louis-Jean, Domitille, Natalie et Michel Manon, Nicolas, Vincent, Jean-Hugues et Natacha Masgnaux, Julia, Tanguy, Augustin, ses enfants et petits-enfants, ont la douleur de vous faire part du rappel à Dieu, le 6 juin 2016, de La messe de funérailles sera célébrée le samedi 11 juin, à 14 h 30, en la collégiale Saint-Martin de Chablis, en union de prière avec son épouse, née 27 bis, rue Duret, 75116 Paris. Cet avis tient lieu de faire-part. avec votre Figaro sœur Chantal de Vaucorbeil, religieuse de Sainte Clotilde, le docteur et Mme Yves de Barochez, le docteur Jean Hameury, Mme Guy de Vaucorbeil, M. et Mme Jean de Crevoisier, M. et Mme Bernard Ambroise, ses sœurs, beaux-frères et belles-sœurs, Le président du conseil d'administration, le directeur général, la communauté médicale et l'ensemble du personnel de ont la tristesse de faire part du décès de Le Seigneur te gardera de tout mal, il gardera ta vie. Psaume 120. En vente vendredi 10 et samedi 11 juin M. Henry de VAUCORBEIL La cérémonie religieuse sera célébrée en l'église Notre-Dame-d'Auteuil, à Paris (16e), le vendredi 10 juin 2016, à 10 h 30. Ni fleurs ni couronnes. Mère Marie Raphaële, dominicaine du Saint-Esprit, M. et Mme Charles Arnauld, M. et Mme Robert de Vaucorbeil, mère Marie Isabelle, dominicaine du Saint-Esprit, M. et Mme Bertrand Soviche, le lieutenant-colonel et Mme Paul de Vaucorbeil, ses enfants, ses petits-enfants et arrière-petits-enfants, à l'âge de 91 ans, muni des sacrements de l'Église. Isabelle, Laurence, Marie-Dominique (†), Yves, Bruno, Karine et Marina, ses neveux et nièces, La cérémonie religieuse sera célébrée ce jeudi 9 juin, à 14 h 30, en l'église Saint-Léon, à Paris (15e). Chablis (Yonne). Le Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine). ont la tristesse de faire part du décès de Mme Guy DESPREZ le 8 juin 2016, dans sa 94e année. M. Michel ADAM carnetdujour@media.figaro.fr capitaine de frégate (e.r.), officier de la Légion d'honneur, Perrine Betolaud de la Noue, sa fille, Sixtine et Ulysse Crepin, ses petits-enfants, Claude English, Anne Puiforcat-Duhamel, ses sœurs, et leurs enfants née Madeleine Bagot, ont la tristesse de vous faire part du décès de Tél. : 01 56 52 27 27 baron Xavier GOISLARD de la DROITIÈRE 13 née Darmon, survenu le lundi 6 juin 2016, à l'âge de 103 ans. Les obsèques auront lieu le vendredi 10 juin, à 11 h 30, au cimetière du Montparnasse, 3, boulevard Edgar-Quinet, Paris (14e). Cet avis tient lieu de faire-part. 84, avenue Victor-Hugo, 92100 Boulogne-Billancourt. 5, rue Bréguet, 75011 Paris. messes et anniversaires Une messe sera célébrée le samedi 18 juin 2016, à 18 heures, en l'église Notre-Dame du Liban, 15, rue d'Ulm, Paris (5e), pour le repos de l'âme de Ramez Gilbert CHAGOURY Christian, François et Patrick Salbaing, ses fils, disparu il y a un an. William, Olivia, Sophie, Nicholas, leurs enfants, Pour le premier anniversaire du rappel à Dieu du Caroline Salbaing, née Gervais, veuve de Michel Salbaing, Brigitte Latour, ses belles-filles, Pierre Salbaing et Chantal Perron, André Salbaing et Patricia Girard ses petits-fils et leurs épouses, Ema, Michelle, Eve-Emmanuelle, Pierre-Olivier, leurs enfants, ont la douleur de vous faire part du décès de général de LACAUSSADE une messe sera célébrée le samedi 11 juin 2016, à 18 h 30, en l'église Notre-Damede-Grâce-de-Passy, 10, rue de l'Annonciation, Paris (16e). On y associera le souvenir de Mme de Lacaussade née Marie-Françoise Guerrier de Dumast. Les éditions du Figaro souvenirs Le 9 juin 2011, Genevière SALBAING née Nehlil, co-fondatrice et directrice artistique des ballets-jazz de Montréal, membre de l'ordre du Canada, officier de l'ordre du Québec, veuve de Pierre Alcée Salbaing ancien directeur général de l'Air Liquide S.A. survenu le 8 mai 2016, à l'âge de 94 ans, à Montréal (Canada). La messe de funérailles aura lieu en l'église Saint-Léon de Westmount, à Montréal, le vendredi 10 juin 2016, à 11 heures. Au lieu de fleurs, des dons à la société d'Alzheimer de Montréal, 4505, rue Notre-Dame O, Montréal, QC H4C 1S3 www.alzheimer.ca/fr/ montreal Jean DIWO nous quittait. Sa famille, ses amis ne l'oublient pas et associent à sa mémoire le souvenir de son épouse, Jacqueline MICHEL décédée le 27 mai 1981. Le 9 juin 1994, Bernard PAILLE nous quittait. Que ceux qui l'ont connu et aimé aient une pieuse pensée pour lui. Il y a un an, le 9 juin 2015, Charles SERULLAZ nous quittait. Il est dans nos cœurs. En vente chez votre marchand de journaux et sur www.figarostore.fr jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 14 CHAMPS LIBRES ENQUÊTE Le secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter, lors de sa visite au siège de Facebook, à Menlo Park (Californie), en avril 2015. La Silicon Valley s’en va-t-en-guerre Maurin Picard £@MaurinPicard ENVOYÉ SPÉCIAL À SUNNYVALE ET PALO ALTO (CALIFORNIE) Ç « a a marché ! Le prototype a tenu le coup ! » Peinant à contenir son enthousiasme, Rachel Olney promène un sourire radieux, sous les eucalyptus en fleurs de Stanford University. Le matin même, dans un bassin de San Jose, une petite bouée noire a résisté aux tests de pression infligés à 30 m de profondeur. Produite en série, cette modeste invention pourrait changer la vie des Navy Seals, les commandos de l’US Navy : avec son GPS incorporé, la balise oblongue en polycarbonate peut être déroulée depuis un « sous-marin humide » jusqu’à la surface et renseigner les plongeurs sur leur positionnement géographique exact, grâce à une tablette étanche. Simple et génial. La jeune fille n’a que 23 ans et fait partie d’un séminaire baptisé H4D, acronyme de Hacking For Defense, organisé depuis bientôt huit semaines sur le campus de l’une des plus prestigieuses universités américaines. Un soir de mai, plusieurs équipes d’étudiants terminent la présentation de leurs travaux, sous l’œil bienveillant des professeurs de cette classe spéciale, constituée de jeunes diplômés, entrepreneurs de start-up, ingénieurs, officiers d’active et vétérans. Ce bouillon de culture, inhabituel pour Stanford, est en soi une petite révolution : alors qu’ils s’étaient perdus de vue depuis le programme de défense Star Wars de l’ère Reagan, inventeurs de la Silicon Valley et galonnés du Pentagone recommencent à se parler. Nécessité fait loi : après vingtcinq ans de coupes budgétaires, l’Amérique voit son avance technologique fondre au profit de puissances étrangères. À commencer par la Chine et la Russie, dont l’antagonisme ne cesse de croître. Le Pentagone, qui voit fondre son avance technologique en matière de défense, veut surfer sur la vague d’innovation californienne, grâce à des entrepreneurs « patriotes ». Mais un « ennemi intérieur » veille : la bureaucratie. 200 km OREGON IDAHO A Labyrinthe décisionnel Curieusement, le signal d’alarme a été tiré dans la « vallée », où les entrepreneurs s’inquiètent de voir leurs inventions et brevets rachetés par d’autres que le Pentagone. Ce dernier porte une large responsabilité : son système d’acquisition kafkaïen rend impossible toute synergie avec le monde du high-tech. Chaque programme, même le plus modeste, doit surmonter tant de chausse-trappes bureaucratiques qu’il faut des années pour être porté sur les fonts baptismaux. « Ils pensent sur dix ans, alors que dans la Silicon Valley, six à neuf mois pour créer un projet est une éternité », souffle Pete Newell, fondateur du séminaire H4D. Carrure impressionnante et voix caverneuse, cet ex-colonel de 53 ans passé par Faloudja en 2004 connaît son affaire : il a perdu des hommes parce qu’ils ne disposaient pas de ces robots éclaireurs - pourtant vendus dans le commerce - qui auraient pu les sauver. « Impardonnable », tranche-t-il, au regard des 10 000 GI tués et 60 000 mutilés dans cette « longue guerre » entamée en 2001. Les petits génies de Stanford ont vocation à changer tout cela, précurseurs d’une nouvelle génération d’« entrepreneurs patriotes » désireux de sortir le pays de sa torpeur. Dans une salle de la faculté d’économie, 30 étudiants répartis en huit projets échangent avec leurs mentors, ainsi que quelques discrets « sponsors » : la VIIe flotte du Pacifique, les Navy Seals, la Sacramento San Francisco NEVADA Silicon Valley CALIFORNIE OCÉAN Los Angeles PACI F IQU E Infographie ARIZONA MEX. NSA. Tandis qu’« Aqualink » planche sur sa bouée GPS, « Right of Boom » réfléchit sur un dispositif de désamorçage à distance des bombes artisanales. « Narrative Mind » échafaude une stratégie pour contrer la propagande salafiste sur les réseaux sociaux. Les étudiants, extatiques, reconnaissent un « facteur cool » dans cette formation qui leur permet de jouer dans la cour des grands : « Nous résolvons des problèmes, tout en cherchant à sauver des vies », résume Jared Dunnmon, 26 ans, ingénieur en mécanique de l’équipe « Sentinel », dédiée à un logiciel de traque des activités de pêche illégale. Il est aussi question de bouleverser les vieilles habitudes de l’armée : au lieu de passer commande du type de matériel précis dont elle pense avoir besoin, celle-ci formule au contraire ses problèmes. À charge pour les apprentis sorciers de Stanford d’inventer des solutions. Si cette inventivité met en relation directe les meilleurs cerveaux de l’Amérique et ses guerriers, elle ne suffit cependant pas à éviter l’écueil d’une immense machine à broyer bureaucratique, qui réceptionne les demandes d’acquisition de technologies, pour les « recracher » des années plus tard, lorsque leur caractère innovant s’est estompé. « Dans les guerres contemporaines, insiste Pete Newell, ce qui compte n’est pas la qualité intrinsèque des technologies que vous introduisez sur le champ de bataille, mais à quelle vitesse vous parvenez constamment à vous adapter. » Le Pentagone, lui, « se réveille après chaque débâcle, note Adam Jay Harrison, de la National Defense University. Pearl Harbor, la Corée, les otages en Iran ». Nombre d’industriels bien intentionnés se sont cassé les dents sur l’obstacle : il a fallu quatre mois à Gary Gysin, le PDG de la PME Liquid Robotics, pour décrocher un simple entretien avec un haut fonctionnaire de la défense. Exaspéré, il a publié sur sa page LinkedIn une lettre ouverte dénonçant le labyrinthe décisionnel, en décalage complet avec l’évolution du monde. D’autres ont carrément perdu patience. « Je suis partie d’une réunion, frustrée du bla-bla ne débouchant sur aucune commande ferme », lâche Mylea Charvat. Cette neurologue et fondatrice de la firme Savonix, à San Francisco, proposait « une application mesurant les performances cognitives », un outil précieux pour la prise en charge des vétérans souffrant de stress post-traumatique (PTSD), pouvant faire économiser des millions aux Veterans Affairs (VA). Mais ses interlocuteurs, butés, souhaitaient qu’elle révèle les spécifications exactes de cette « app » pour stimuler une « saine compétition ». Inconcevable, dans un milieu ultraconcurrentiel, surtout lorsque des firmes chinoises, elles, frappent à la porte de Savonix. « Nous sommes réellement soucieux que les meilleures technologies profitent à nos combattants, se défend Charvat, mais tant de réticences me laissent sans voix. » Dans les guerres contemporaines, ce qui compte n’est pas la qualité intrinsèque des technologies que vous introduisez sur le champ de bataille, mais à quelle vitesse vous parvenez constamment à vous adapter PETE NEWELL, FONDATEUR DU SÉMINAIRE H4D » Conscient de ces tensions, le secrétaire à la Défense Ashton Carter a annoncé en avril 2015 la création d’un « poste avancé » du Pentagone sur l’ancien aérodrome de Moffett Field, à Sunnyvale. Baptisé DIUx, pour Defense Innovation Unit Experimental, il visait, selon son directeur George Duchak, à « favoriser l’interaction » entre militaires et entrepreneurs pour contourner les procédures d’acquisition interminables et servir rapidement les « bénéficiaires » en aval. Mais l’expérience a tourné court : le 11 mai, Carter a débarqué Duchak. Bateau ivre, le DIUx pourrait être placé au rebut par le Congrès, qui refuse les 30 millions de dollars de fonctionnement demandés pour 2017. Les patrons de la Silicon Valley esquissent une moue dubitative : dans ce petit monde où le relationnel prime, où innovateurs et « business angels » se jaugent avant d’engager le moindre million, la valse des képis fait désordre. Marché parallèle Tout Moffett Field ne se résume cependant pas au DIUx. C’est aussi là que se trouve le siège de Liquid Robotics. Gary Gysin, du haut de son 1,90 m, fait partie de ces entrepreneurs patriotes et interloqués. Son « robot surfeur» Wave Glider SV3, qui se propulse grâce à la force des vagues, se régénère au moyen de panneaux solaires et dont la batterie au lithium peut durer « plusieurs années », intéresse les marines du monde entier. Autonome et discret, il peut superviser avec ses sonars toute activité à la surface, et en dessous, et communiquer ses observations. Un mouchard « idéal pour contrôler de vastes étendues sur l’océan », souligne Gysin. Les amiraux américains en redemandent, mais l’US Navy est à la peine. Seuls quelques exemplaires ont pu être acquis, au compte-gouttes. En souffrance dans un bureau obscur du Pentagone, le Wave Glider n’est pas près d’entrer en dotation. Pas plus que le prototype de bouée GPS du groupe Aqualink, à Stanford, qui, comble d’absurdité, risque fort d’être financé en ligne via une plate-forme de crowdsourcing. « Nous sommes présents dans presque tous les pays d’Asie, insiste Gary Gysin. Eux prennent des décisions rapides. Nous vendons notre robot là-bas, et pas à notre propre gouvernement. Franchement, ça me chiffonne. » Faute de pouvoir bousculer le Léviathan fédéral, un marché parallèle d’acquisition est en train de se développer. De manière quasi subversive, les pionniers de Stanford ont décidé de contourner l’obstacle. Pete Newell pense que certains de ses protégés pourraient se muer en start-up, tant la demande paraît forte, et s’adresser directement aux utilisateurs. Lui-même n’attendra pas un changement d’humeur politique. Sollicité de toutes parts, il prépare l’ouverture de cours H4D dans dix universités, de Chicago au MIT, bien décidées à multiplier les passerelles entre incubateurs high-tech et militaires. Les graines d’entrepreneurs de Stanford, quant à elles, exsudent un optimisme contagieux. « La confrontation “inévitable” dont tout le monde parle avec la Chine est ridicule, dans un monde aussi économiquement interconnecté, s’insurge Rachel Olney. Si plus de décideurs parlaient le mandarin, à Washington comme sur les passerelles de commandement des navires, ce serait déjà un grand pas en avant. » À l’entendre, avant d’infiltrer l’ennemi avec des robots surfeurs et des nageurs de combat, peut-être faudrait-il commencer par apprendre sa culture et maîtriser sa langue. Voilà un thème tout trouvé pour la prochaine promotion de Pete Newell. Problème : personne ne comprend le chinois dans la marine américaine. Solution ? Vous avez huit semaines. ■ jeudi 9 juin 2016 CHAMPS IDÉES LIBRES LE FIGARO 15 Cette guerre qui ne nous concernait plus Une passionnante plongée dans l’univers de la guerre. Jean-Claude Guillebaud nous offre grands auteurs et souvenirs personnels. LE TOURMENT DE LA GUERRE. Jean-Claude Guillebaud, L’iconoclaste. 390 p, 20 € CHRONIQUE Éric Zemmour [email protected] N ous sommes en guerre. Depuis des mois, la phrase est répétée jusqu’à satiété par les plus hautes autorités de l’État. Le sang coule à Paris et l’armée patrouille dans les rues. Ce retour de la guerre nous prend par surprise. On s’en croyait débarrassé. La guerre était bonne pour les Autres, qu’ils soient du Passé ou d’Ailleurs. JeanClaude Guillebaud confesse qu’il a cru à cette illusion. C’est pour cette raison qu’il était bien placé pour la déchirer. Nous avons confondu l’exception et la règle : « Nous vivons en paix depuis soixante-dix années. Voilà des siècles que cela n’était pas arrivé. » Nous nous sommes désarmés militairement mais surtout mentalement : « Nous avons désappris à réfléchir sur la guerre. » Guillebaud a plongé à la fois dans ses souvenirs d’enfance (son père fut un héros de la Grande Guerre) et de sa jeunesse de grand reporter depuis les années 1960 (Vietnam, Bangladesh, guerres africaines, etc.), qu’il a mêlés à ses innombrables lectures. Le cocktail est particulièrement savoureux. Hissé sur les épaules des géants, Clausewitz, Guibert, Jomini, Napoléon, Wellington, Maistre, Junger, Schmitt, Genevoix, et tant d’autres, Guillebaud nous ravit et nous instruit. Il nous conduit des « guerres courtoises » aux guerres totales du XXe siècle, des guerres des princes aux guerres démocratiques des peuples, qui s’ouvrent à Guillebaud a tout lu, mais on se permettra de lui conseiller un ouvrage qui manque à sa vaste panoplie, Les Femmes et la Guerre, de Martin van Creveld, dans lequel cet ancien officier de l’armée israélienne rappelle que dans l’Allemagne médiévale « devenir un homme » et « porter une épée » « étaient synonymes » ; que « tuer un ennemi » veut dire aussi « faire l’amour avec une femme », aussi bien en grec ancien qu’en argot hébreu d’aujourd’hui. La guerre cessera quand les femmes cesseront d’aimer les vainqueurs. Qu’elles cesseront de se jeter aux cous des vainqueurs, qu’ils soient français en Italie (relisons Stendhal !) ou en Allemagne (après Iéna en 1806) ou allemands en France (après 1940), ou russes (1814) ou américains (1945). C’est dire que la guerre ne cessera jamais. Guillebaud a beau accepter le risque d’être « réac », le conformisme politiquement correct de Jean-Claude Guillebaud cherche sa génération (babysans fin une différence entre refus boom), de son milieu (journaliste) et de ses de la violence et pacifisme convictions de caqu’il ne trouvera pas, car, au fond, tholique de gauche le il n’y en a pas rattrape bien vite par la manche. Il met dans le même sac toutes les religions, à la agaçant. Guillebaud cherche sans fin fois persécutrices et persécutées, et disune différence entre refus de la violence tingue les croyances des « pathologies de et pacifisme qu’il ne trouvera pas, car, la croyance », religions devenues idéoloau fond, il n’y en a pas. Il fait un éloge atgies. Il nous ressert le lieu commun hatendu des grands pacifistes de l’histoire, bituel du « pasdamalgam » sur Daech les Tolstoï ou Gandhi et ne peut s’empêqui n’aurait rien à voir avec la «tradition cher de conclure son livre par le poncif islamique dont il se pare », alors que les des deux femmes, l’une juive et l’autre patrons de l’État islamique prennent palestinienne, qui refusent la haine et la soin d’accompagner chacune de leurs guerre. Et de rendre un hommage apactions guerrières de sourates tirées du puyé à ces « femmes, appartenant à des Coran pour montrer au monde, et en camps opposés, qui recousent ensemble le particulier aux musulmans, qu’ils sont fragile tissu de la concorde que les homdans la stricte lignée du Prophète, celui mes sont prompts à déchirer ». Valmy, et qui, de la guérilla espagnole aux terribles affrontements franco-russes d’Eylau et de Borodino, annoncent les grands massacres du XXe siècle, de Verdun à Hiroshima. Il nous dit la fin de l’héroïsme, la guerre industrielle qui provoque l’avènement du pacifisme. Mais il nous avoue aussi sa fierté de porter un uniforme pendant la guerre du Vietnam, comme son père était fier de porter ses pantalons garance en 1914. Il nous décrit l’aspect de « fête suprême, orgie sacrée » que revêtent les guerres, toutes les guerres, partout, dans tous les temps. La beauté des uniformes, la musique entêtante, la camaraderie virile. Mais, comme s’il s’en voulait de céder à la fascination du « trémoussement hideux », notre auteur se sent obligé de s’en déprendre avec ostentation. Ce point de vue moralisateur finit par être « » qui de Médine déclara la guerre aux hérétiques, et de tous ses successeurs qui n’ont jamais renoncé au djihad. Si les actions de l’État islamique ne sont rien d’autre qu’un « banditisme travesti en religion », alors l’Inquisition n’a rien à voir avec le catholicisme, le Goulag n’a rien à voir avec le communisme, et l’extermination des Juifs n’a rien à voir avec le nazisme. Si l’engagement dans les rangs de Daech est réductible à une psychologisation sans fin : « rompre avec l’ennui, se mesurer à la mort, éprouver les limites de son courage, récolter une forme de gloire, arborer une tenue de combat valorisante, partager avec des gens de son âge des expériences de vie ou de mort », alors les soldats de l’an II ne voulaient pas sauver la patrie mais endosser de beaux uniformes ; les résistants du Vercors souhaitaient vivre au grand air ; les soldats de l’Armée rouge ou des Brigades internationales cherchaient une forme de gloire et se moquaient comme d’une guigne du communisme, tandis que les SS n’avaient aucun rapport avec le national-socialisme, avant tout guidés par la recherche d’une camaraderie virile. Notre auteur s’inspire de l’enseignement de René Girard et veut imiter le Christ en refusant l’enchaînement belliqueux du désir mimétique. Guillebaud oublie seulement que l’enseignement du Christ vise à préparer notre destin dans la vie éternelle, mais un État et un peuple qui s’y conformeraient seraient à la fois suicidaires et criminels. « Sans vouloir l’admettre, nous ne sommes peut-être plus dans l’après-guerre, mais déjà dans un nouvel avant-guerre. » Guillebaud a tout lu, tout vu, tout compris. Mais il a encore bien du mal à lire ce qu’il lit, à comprendre ce qu’il comprend, à voir ce qu’il voit. ■ Je, tu, il, nous sommes tous jaloux TÊTE À TÊTE Charles Jaigu [email protected] N ous n’avions pas rencontré Jean-Pierre Dupuy depuis longtemps. Il professait alors la thèse extrême du « catastrophisme éclairé » – l’idée étant d’ériger le principe de précaution en impératif catégorique. C’était la seule manière d’éviter à coup sûr la catastrophe climatique (Pour un catastrophisme éclairé, Éd. Seuil, 2002). Nous retrouvons ce Franco-Brésilien dans un hôtel près de la Comédie-Française. À 76 ans, il nous paraît toujours aussi exalté et inquiet de la puissance du négatif, malgré la patine des ans. Professeur à Stanford, il y enseigne toujours la philosophie, en anglais. À deux pas du département de français, où s’illustra, dans sa langue natale, son maître et ami, René Girard, décédé l’année dernière. À la différence de ses camarades de l’X qui ont tous choisi, tel Jean-Louis Beffa ou d’autres, la voie classique de l’establishment économique, Dupuy a pris la clé des champs dès les années 1970. Il s’est passionné pour le penseur Ivan Illich, théoricien très pénétrant de la menace environnementale. Dupuy a ensuite été fasciné par la théorie girardienne du désir mimétique, dont il a développé les conséquences dans la théorie économique. Et il a rejoint le penseur des Choses cachées depuis la fondation du monde à Stanford dans les années 1980. Parmi ses élèves, il a vu passer quelques futures gloires de la nouvelle économie. Notamment son ami Peter Thiel, l’un des plus célèbres capital-risqueurs californiens. Ce techno-gourou a inventé PayPal à la fin des années 1990. Il a financé Facebook à ses débuts. Thiel explique qu’il a compris que l’invention de Facebook se répandrait comme une traînée de poudre, selon la loi du désir mimétique. Reconnaissant, Thiel est devenu le mécène de la Fondation Imitatio, consacrée au développement international des recherches sur le désir mimétique. Ses membres se sont réunis il y a quinze jours dans le Tyrol autrichien, à Innsbruck. C’était la première fois qu’ils se retrouvaient depuis la mort de René Girard. « Nous nous partageons entre deux tendances : ceux qui veulent propager telle quelle la pensée de Girard, et ceux qui, comme moi, encouragent une approche plus critique des thèses de Girard, parce qu’aucune théorie ne peut rester figée », résume notre interlocuteur. Dupuy propose donc avec ce livre une critique de la théorie girardienne. Pour lui, la jalousie est une composante indépassable de la condition humaine. Et il serait temps de s’en aviser. Notre sombre catastrophiste a commencé à réfléchir à tout cela après le 11 septembre 2001. Les attaques contre les Tours jumelles ont plongé Dupuy dans un état de JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO Nous nous « partageons entre deux tendances : ceux qui veulent propager telle quelle la pensée de Girard et ceux qui, comme moi, encouragent une approche plus critique de ses thèses » choc philosophique. Comme il ne fait pas les choses à moitié, il a donc décidé d’étudier à fond la notion de catastrophe, « depuis Hiroshima jusqu’à Fukushima », du péril climatique à la folie meurtrière d’Auschwitz. Comment conjurer les catastrophes, ou comment longer le précipice sans y tomber. Et pourquoi des fous d’Allah se jettent-ils sur les Tours jumelles ? Est-ce par jalousie ? Pour Dupuy, la réponse est oui. Le mal trouve sa source dans la souffrance induite par la jalousie : c’est elle qui fait qu’on tue, en masse. Le livre qu’il publie sur la jalousie défend une thèse qui ne manquera pas de faire beaucoup de rififi chez les girardiens. Il tente de démontrer que le désir mimétique, brillamment formalisé par Girard, est l’une des structures humaines fondamentales, mais pas la seule. Il soutient qu’avant la rivalité mimétique, il y a un état plus primitif de la conscience, qui s’est fixé dans les premiers temps de la vie. C’est la séparation du nourrisson d’avec la mère. Cette expérience initiale de la destruction du « sentiment océanique », dont parle Freud, a pour nom jalousie, estime Dupuy en citant les travaux de psychologie expérimentale d’Andrew Meltzoff. « Il y a bien deux géométries du désir. Dans un cas, le triangle, dont les trois sommets sont le sujet, l’objet, et le médiateur du désir ; dans l’autre un cercle enserrant un monde - la relation entre les amants, ou bien une micro-société close et, extérieur à lui, un point - le sujet exclu », nous dit Dupuy avec l’ardeur d’un géomètre décider à ordonner le chaos des passions. Ce qui irrite notre philosophe géomètre est la confusion de deux termes qu’on prend parfois l’un pour l’autre : l’envie et la jalousie. Considérons donc avec l’auteur que l’envieux est celui qui veut posséder ce qu’il n’a pas, et que l’autre possède. Considérons que le jaloux est celui qui veut posséder seul ce qu’il croit être à lui. L’un souffre d’un manque qu’il veut combler en imitant les autres. L’autre ne supporte pas de partager avec d’autres ce dont il voudrait jouir seul, et qui lui échappe inexorablement. Par conséquent, l’envie, c’est le désir médiatisé par la relation triangulaire. C’est le postulat de l’économie de marché et de tout message publicitaire : je désire acheter Nespresso parce que George Clooney en consomme. Je désire jouir des mêmes vacances que celles vues sur le site Facebook de mes amis, etc. Le système de marché ne fait que porter à l’incandescence la logique mimétique du désir, décrite brillamment par Girard. Ce point n’est pas contesté par Dupuy. En revanche, notre philosophe-géomètre pousse très loin l’analyse de la jalousie. Il y voit un mécanisme distinct, plus primitif : la souffrance d’être exclu d’un monde qu’on pense rempli de bonheur, irradié de joie. C’est l’enfer proustien, que l’auteur évoque dans un chapitre. C’est aussi l’enfer du djihadiste : « Qui choisit de s’auto-exclure d’un monde auquel il rêvait d’appartenir, mais qu’il juge inaccessible. » On peut s’auto-exclure « en sacralisant son propre monde », ou en décidant de détruire le monde qui nous échappe. Le djihadiste choisit les deux : il sacralise sa nouvelle communauté, et tente de détruire celui qui lui échappe. Pour Dupuy, la jalousie est première. Il nous avoue d’ailleurs « avoir vécu d’innombrables expériences de jalousie », et c’est d’avoir philosophé sur ces expériences qu’il en a tiré l’argument que la thèse de Girard sur l’universalité du modèle triangulaire n’était pas satisfaisante. Le jaloux n’est pas un envieux. La jalousie se définit par la relation impossible entre un sujet et un monde qui lui échappe. Qu’il s’agisse du salon de Mme de Guermantes, ou de tout autre Olympe imaginaire. Dans une postface aux analyses de l’auteur, son ami, le philosophe Olivier Rey, s’intéresse à cet « arrière-pays du désir » qu’est la jalousie, et à la manière de s’en guérir. Il cite Péguy : « Le secret le plus universellement connu et qui pourtant n’a jamais filtré, est que l’homme n’est pas heureux. » Selon Péguy, seul l’homme mûr a accès à un tel secret. « Il sait que l’on n’est pas heureux, il sait que depuis qu’il y a l’homme, nul homme n’a jamais été heureux. » Comment être jaloux après ça ? ■ LA JALOUSIE, UNE GÉOMÉTRIE DU DÉSIR Jean-Pierre Dupuy, Éd. du Seuil, 176 p, 18 euros A Philosophe, et professeur à Stanford, Jean-Pierre Dupuy entreprend de repenser la jalousie et de démontrer qu’elle est la cause du mal. Une œuvre nourrie de l’approche critique des thèses de René Girard. jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 16 CHAMPS LIBRES DÉBATS EURO 2016 ■ Le championnat d’Europe de football 2016 commence vendredi. Cet événement sportif figure au premier rang des sujets d’actualité. Si le comportement des footballeurs suscite souvent la déception, voire le blâme, rien ne paraît pouvoir détourner l’opinion du football, souligne la philosophe Chantal Delsol. Dès l’Antiquité romaine, les jeux et l’État avaient partie liée, raconte l’historien Stéphane Ratti. Football : les paradoxes d’une ferveur persistante + L es compétitions internationales remplacent la guerre et, d’une certaine façon, s’y substituent. Les deux activités se ressemblent : rivalité, dépenses inouïes et sans compter, oubli et dépassement de la vie ordinaire dans l’enthousiasme qui permet pour un moment des émotions plus fortes. Il est bien probable que les jeux et les guerres sont antithétiques, car on n’a pas envie de jouer avec celui qu’on acceptera de tuer, et inversement, on ne tuera pas son concurrent. C’est la différence entre ennemi et adversaire. On peut se réjouir de vivre à une époque où l’on préfère la confrontation sur un stade plutôt que sur un champ de bataille. Il est bien légitime que les nations se mesurent. Car même si elles sont capables de s’entraider en cas de catastrophes, elles demeurent toujours des entités souveraines et indépendantes, au fond des individus séparés, toujours à épier les échecs ou les réussites des autres, et à soi-même se glorifier. Et comme au fond les peuples ne cherchent qu’une supériorité symbolique, le jeu fait l’affaire avec grandeur, pour manifester cette impatience d’être le meilleur, et cette impatience à étaler sa supériorité. Les compétitions sportives prennent POUR « LE FIGARO » donc, Les footballeurs sont les seuls « héros » avantageusement sans doute, la place qu’on nous propose. Et malgré de la guerre leur comportement souvent odieux, les Français en déployant ne se détournent pas d’eux, explique le patriotisme dont l’universitaire*. tous les peuples ont » Lire aussi : « Les 30 qui vont faire l’Euro » PAGE 12 « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais CHANTAL DELSOL besoin, parce que sans appartenance nous ne sommes pas grand-chose. C’est dans le stade à présent que flotte le drapeau, en tout cas depuis le moment tout récent où nous avons vu réapparaître un danger commun sous la figure du terrorisme – il y a eu de longues années pendant lesquelles le patriote à béret était décrit comme un ballot, voire comme un fanatique, et pendant lesquelles le drapeau n’intéressait que l’extrême droite. et non pas la performance technique. Mais, comme le disait François Dagognet, on célèbre aujourd’hui « un autre corps, celui des records et des dépassements sans fin ». Que la tentation (et parfois la réalité) du dopage soit toujours présente montre évidemment le désir de tricher, bien naturel quand l’éthique n’accompagne pas la vie ; mais aussi, le désir de surpasser l’humain et d’une certaine façon, de devenir le dieu du stade étranger à l’humaine On a du mal à penser condition. À d’autres que ces demi-dieux du stade, égards nos souvent « achetés » à l’étranger champions nous pour faire gagner les équipes, sont étrangers. Ils représentent avec autrement dit qui sont des mercenaires, les chanteurs les peuvent bien représenter la patrie uniques modèles que l’on nous pour laquelle ils se battent à coups présente à de millions mensuels admirer. Ils sont les seuls « héros » qui nous restent, et il vaut mieux ne On attend donc l’Euro comme pas oublier les guillemets. Précisons, un moment de ferveur commune, ou rappelons, qu’en dehors de leurs pendant lequel une solidarité solitaire réussites sportives indéniables, ce sont (tous ensemble chacun devant son des héros au sens grec, c’est-à-dire poste de télévision) nous fera frémir des demi-dieux, en tout cas traités aux mêmes attentes. comme tels, mais dépourvus Mais plutôt qu’un grand moment de l’éducation qui leur permettrait de patriotisme sous un mode d’assumer leur rang, et qui par pacifique et festif, c’est un grand conséquent se conduisent comme moment de célébration du postdes vauriens, tout en suscitant l’extase moderne, dans tous ses états. de la foule. Il s’agit de célébrer les exploits Les jeux du stade sont aujourd’hui au-delà des limites. Non plus les beaux représentatifs d’une époque minée corps naturels, comme c’était le cas par le matérialisme – c’est-à-dire dans la Grèce ancienne, où Olympie l’importance exclusive accordée était le lieu de la vitalité éclatante à l’argent. Et cela est incompatible et esthétique. Où l’on cherchait avec l’idéal patriotique. Car ce n’est l’excellence, à tout point de vue, pas par une cupidité spécifique que le kalos kagathos, le beau et bon, « » nos contemporains accordent toute valeur à l’argent et aux biens matériels, c’est uniquement parce que cela représente pour eux le seul héritage restant après liquidation des croyances. Or le patriotisme est une croyance. C’est pourquoi on a du mal à penser que ces demi-dieux du stade, souvent « achetés » à l’étranger pour faire gagner les équipes, autrement dit qui sont des mercenaires, peuvent bien représenter la patrie pour laquelle ils se battent à coups de millions mensuels. Piètre modèle pour le jeune footballeur débutant du terrain de banlieue, que ce nabab prétentieux et analphabète, toujours à l’affût d’une ruse raciste… Il est fallacieux de prétendre que ces champions issus du peuple demeurent « du peuple » et sont une espérance pour une jeunesse défavorisée. Les jeux du stade de la postmodernité ne peuvent décidément pas se substituer à la guerre dont nous ne voulons plus. Un soldat, même mercenaire, est un homme du commun, payé comme tout le monde et lié à l’humaine condition. Les jeux du stade ressembleraient plutôt à une nouvelle religion de l’âge post-chrétien, un retour à l’époque très ancienne où la religion était un rite social, non pas une croyance personnelle mais une liturgie. Aujourd’hui un culte, voué non à l’excellence mais à la performance ; un culte de l’argent et du divertissement. Liturgie creuse. * Membre de l’Institut et professeur de philosophie politique à l’université Paris-Est. Dernier ouvrage paru : « La Haine du monde. Totalitarismes et postmodernité » (Cerf, 2016). « Du pain et des jeux ! », disait Juvénal A « DESSINS DOBRITZ u moment où vont s’ouvrir les jeux, le généreux organisateur fait son entrée : immédiatement tous se lèvent de leur siège et, comme d’une seule bouche, lui font une ovation spontanée. » Nous sommes à la fin du IVe siècle après J.-C., dans l’Empire romain d’Orient, et l’auteur de ces mots est un prédicateur chrétien, saint Jean Chrysostome, hostile aux jeux donnés cette année-là. Cet homme qui fut archevêque de Constantinople savait que les politiques, depuis Jules César ou Néron, recherchaient dans les spectacles sportifs un bénéfice personnel qui leur était acquis en cas de succès populaire. Alors, regrette amèrement saint Jean Chrysostome, « unanimement, ils l’appellent un bienfaiteur public, un protecteur de la cité, et étendent vers lui leurs mains… ». Les liens entre politique et jeux sont anciens et ont longtemps perduré dans tout l’Empire romain. Qui offrait, sur ses deniers personnels, des jeux ou des spectacles était compté au nombre des bienfaiteurs de la cité, ce qui, en grec, se disait « évergète ». Comme les jeux avaient une dimension sacrée, l’organisateur qui les réussissait pouvait ensuite se prévaloir de la protection des dieux. L’une des plus hautes qualités que se devait ainsi de posséder un responsable politique à Rome était cette réussite, une forme de charisme ou de baraka qu’en latin on nomme la « felicitas », c’est-à-dire « la Jeux et politique étaient intimement liés chance de celui chez les Romains, raconte le professeur à qui tout sourit ». d’histoire de l’Antiquité tardive à l’université À la fin de de Bourgogne-Franche-Comté*. l’Empire, le préfet A STÉPHANE RATTI de la Ville de Rome, Symmaque, se met encore en frais afin de réunir des chevaux de course et des animaux exotiques, crocodiles ou gazelles, pour les jeux qu’il organise en l’honneur d’une promotion politique de son fils. Mais son ambition était sans doute aussi de porter haut les couleurs de la tradition païenne, dans un esprit de défense de ses croyances qui ne devait pas manquer de susciter l’ire de ses contemporains chrétiens. Au même moment, en effet, saint Augustin, à Hippone, écrivait des pages virulentes contre les jeux, que ce soient les chasses en amphithéâtre ou les combats de gladiateurs, accusés d’attiser en l’homme ses passions les plus viles. Les jeux cristallisaient donc des affrontements à la fois politiques et religieux. La célèbre mégalographie de Piazza Armerina, au centre de la Sicile, raconte la capture et le transport de nombreux animaux d’origine sans doute africaine destinés à des chasses en amphithéâtre : le propriétaire de cette riche villa voulait démontrer par ce décor de mosaïque à la fois sa puissance financière et son attachement personnel à une tradition païenne désormais menacée par les nouvelles lois des Princes chrétiens. Ces derniers, Théodose puis son fils Honorius, en 404, cherchèrent à interdire les jeux et les combats de gladiateurs, sans grande efficacité d’ailleurs puisque ce type de spectacle est encore bien attesté dans le premier quart du Ve siècle. Il n’était sans doute pas de bonne politique de s’attaquer ainsi à une tradition séculaire, chère au cœur de tous les habitants de l’Empire. Les jours fériés à Rome sous l’empereur Marc Aurèle, au IIe siècle après J.-C., s’élevaient à 135 dans l’année. Diverses festivités les réclament alors en vain sa libération et l’incident tourne au vinaigre. L’officier de police doit faire face à une véritable émeute et l’empereur en personne, Théodose, est contraint de prendre les choses en main. Pris de colère, il donne l’ordre de réunir les rebelles dans l’amphithéâtre et de les massacrer. On débat encore du chiffre des victimes, plusieurs milliers assurément. Cette fois, c’est le régime lui-même qui est ébranlé. À des centaines de kilomètres de Thessalonique, à Milan, l’évêque du lieu, saint En 390 après J.-C., l’Empire romain, Ambroise, apprend les en raison de la non-sélection événements d’une vedette des stades, et met son entra dans une ère nouvelle autorité de religieux dans la balance. Il tance par écrit l’empereur, de l’ordonnateur des jeux. L’opinion lui reproche sa cruelle décision et lui lui reprocha aussitôt d’avoir construit demande de faire pénitence. Ce que le bâtiment à l’économie, car, nous dit Théodose fit, venant à résipiscence, Tacite, « il n’en fit pas reposer en tenue de pénitent, dans la les fondations sur une base solide cathédrale de Milan. Moralité de et il ne dressa pas les échafaudages l’histoire : l’Empire romain, à cette en bois avec de solides chevilles ». date, en raison d’une affaire sportive L’Antiquité fournit encore de bien et de non-sélection d’une vedette curieux parallèles avec notre temps des stades, entra dans une ère et avec les polémiques qui, dans le nouvelle qui désormais verrait monde du football, ont accompagné la établie pour longtemps la suprématie non-sélection de tel ou tel joueur. En politique de l’évêque sur le prince, 390 après J.-C., à Thessalonique, de l’Église sur le trône. capitale de la province d’Illyricum, Et l’empereur Théodose, sans allait se donner une course de chars s’en rendre compte, avait fait attendue par tous. Le cocher le plus d’un sportif une idole - un comble populaire de l’époque devait conduire sous un régime chrétien. Toute un attelage soutenu par une grande ressemblance avec aujourd’hui partie de la plèbe de cette cité n’est pas à exclure. populeuse. Las ! Peu de temps avant l’épreuve, le maître de la police locale * Vient de publier «L’Histoire Auguste. fit emprisonner la vedette au motif Les païens et les chrétiens qu’elle avait tenté de séduire un jeune dans l’Antiquité tardive » esclave de sa maisonnée. Tout (Les Belles Lettres, 2016, commence donc par une affaire 348 p., 27,50 €). de mœurs. Les partisans du cocher accompagnaient et la police d’État avait fort à faire afin d’éviter, ces jours-là, les désordres de tous genres. On édifiait d’ailleurs les amphithéâtres dans les banlieues afin que la plèbe, réunie les jours de fête, ne se répande pas dans les centresvilles pour y commettre des exactions. Il arrivait que, sous le poids des spectateurs en surnombre, des gradins s’écroulent, comme à Fidènes, près de Rome, sous l’empereur Tibère, un fait divers qui causa des milliers de morts mais aussi mit à mal la réputation politique « » jeudi 9 juin 2016 CHAMPS LIBRES LE FIGARO OPINIONS Luc Ferry [email protected] www.lucferry.fr Ne pas écarter tous les faits ! L a semaine dernière, j’écrivais que notre époque idéalise le passé pour mieux noircir le présent. Certains lecteurs m’ayant prié d’étayer mon argumentation par des faits bien tangibles, je vous propose cinq critères de comparaison entre notre temps et la très surestimée « IIIe Rép » : la pauvreté, l’espérance de vie, la violence urbaine, la scolarisation et le travail des enfants. La régression de la misère est le phénomène le plus constant et le plus incontestable qui soit depuis le début du XIXe siècle. Si l’on en croit les meilleures sources (Banque mondiale, Observatoire des inégalités, @ 100 000 citations et proverbes sur evene.fr université d’Oxford, Insee), au début du XIXe siècle, la part de la population mondiale vivant dans la pauvreté était de 94 %. En l992, ce taux était descendu à 51 %. D’après les statistiques fournies par les Nations unies, la pauvreté a chuté de 52 % de la population des pays en développement en l981 à 15 % en 2014. Certes, les inégalités se creusent, mais elles bénéficient malgré tout aux plus pauvres. S’agissant de l’espérance de vie, elle était (moyenne homme/femme) en France de 23 ans en 1750, 35 ans en l850, 45 ans en l900, 63 ans en l950 et 82 ans en 2016 ! C’est dire qu’on a gagné presque 40 ans de vie depuis 1900 et 20 ans depuis les années 1950 ! ENTRE GUILLEMETS 9 juin 1815 : acte final du Congrès de Vienne. BRIDGEMAN IMAGES/RDA/BRIDGEMAN IMAGES Le prince de Ligne « Le Congrès ne marche pas, il danse » ANALYSE Laure Mandeville £@lauremandeville CORRESPONDANTE À WASHINGTON Les progrès de la médecine et du droit social y sont pour l’essentiel, mais s’y ajoute la régression de la violence, phénomène particulièrement impressionnant au fur et à mesure qu’on avance dans le temps. L’Insee rappelle que, disposant de statistiques depuis le Premier Empire, on voit que « la tendance lourde est à la baisse. Ainsi, en l936, le taux d’homicide est de 1,1 pour 100 000 habitants. En 2000, avec un taux de 0,7 pour 100 000 habitants, la France présentait un des taux les plus faibles d’homicide au monde ». On objectera qu’un point de comparaison au moins reste favorable aux temps anciens, à savoir la qualité de l’école de Jules Ferry. Alors, rappelons qu’aux débuts de la IIIe République, 90 % des jeunes filles et 74 % des garçons sont totalement analphabètes dans nos campagnes. Lorsque le bac est créé, en l808, la première cession ne comporte que 31 lauréats. En 2008, deux siècles après, il y en a 500 000, changement d’échelle qui bouleverse évidemment la donne. Tout au long de ce XIXe siècle tant sacralisé et jusqu’en l920, le nombre annuel de bacheliers ne dépasse jamais 10 000. C’est seulement en 1920 qu’il passe de 1 % à 2 % d’une classe d’âge. Continuons à regarder les chiffres : l950 = 30 000 lauréats (5 %) ; 1960 = 60 000 lauréats (11 %) ; l968 = 170 000 (20%) et donc, 500 000 en 2008. Élément crucial de ce tableau autrement plus noir qu’on ne dit, c’est seulement en l861 qu’une élève, Julie Daubier, obtient son bac – la scolarisation des filles étant jusqu’alors considérée comme inutile. Bien plus, ce n’est qu’en l920 qu’elles recevront un enseignement secondaire États-Unis : Hillary Clinton face à l’intransigeance de Sanders Q uelle revanche et quelle résurrection pour Hillary Clinton… Il y a huit ans, elle devait reconnaître sa défaite, lors d’une primaire démocrate kidnappée par le phénomène Obama, devenu l’idole du pays. Ses ambitions se retrouvaient brisées, près du but. Cette fois, Hillary tient son investiture. Après une vie de combats, marquée par les triomphes partagés avec son mari ; après les humiliations de l’affaire Monica Lewinsky, après une longue vie en politique comme sénatrice de New York, puis comme secrétaire d’État du président Obama, Hillary est en passe de devenir la première femme à remporter l’investiture d’un grand parti pour l’élection présidentielle américaine. À Brooklyn, mardi, elle a savouré « un moment historique ». L’idée de « faire l’histoire » en devenant la première femme à briser le plafond de verre et en accédant à la présidence de la plus grande puissance du monde est « Le » récit de campagne que Hillary a toujours rêvé de vendre à l’Amérique ; une nouvelle étape du « voyage vers l’égalité » des « minorités », succédant au rêve que représentait l’élection du premier Noir à la Maison-Blanche, il y a huit ans. Mais sa victoire n’est pas aussi totale qu’elle aurait pu l’espérer. La magie qui avait accompagné la nomination de Barack Obama, n’est pas présente dans le camp Clinton en cette année 2016. La candidate a beau « appeler les Américains à ne laisser personne leur dire que de grandes choses ne peuvent être accomplies », promettre « de construire des ponts plutôt que des murs », elle n’a jamais réussi à enflammer le pays. L’Amérique est en pleine rébellion contre le statu quo, qu’elle incarne, et fatiguée, sans doute, de ce discours centré sur le combat des minorités qu’Obama martèle depuis huit ans. Alors Hillary bifurque sur la question du « choix clair » qui se pose à l’Amérique : soit elle, la candidate raisonnable, soit Donald Trump, « un homme qui a un tempérament inapte à être président ». « Il ne veut pas seulement créer un mur sur la frontière avec le Mexique, il veut séparer par des murs tous les Américains, en promettant de ramener l’Amérique en arrière. En promettant une économie qu’il ne peut recréer », dit-elle. Elle critique Les choses pourraient-elles changer rapidement ou le vieux sénateur socialiste, frustré, négociera-t-il son soutien au couteau ? Hillary sera-t-elle obligée de le prendre comme vice-président pour espérer séduire les millions de fans de Bernie ? Le vieux sénateur pourrait négocier pied à pied ses conditions, afin de pouvoir peser sur la transformation de la plateforme démocrate et le futur visage du parti. La question est aussi de savoir si ses fans, quelle que soit la consigne de Bernie Sanders, accepteront de voter pour une candidate qu’ils voient comme la caricature d’une classe politique enfermée L’Amérique est fatiguée, sans doute, dans la bulle de ce discours centré sur le combat hermétique de Washington des minorités qu’Obama martèle et corrompue par les intérêts spéciaux depuis huit ans financiers. Hillary a de vraies failles dans sa cuirasse. aussi Trump pour avoir traité les femmes Beaucoup d‘Américains hésitent à lui « de truies » et dénigré ses rivaux, faire confiance et la jugent malhonnête, la presse, les immigrants car liée aux nombreux scandales et les musulmans. « Nous ouvrirons une de la présidence de son mari. nouvelle page de la grandeur de l’Amérique, Les démocrates espèrent toutefois mais au XXIe siècle », promet-elle. que le soutien du président Obama En réalité, ce grand discours permettra d’aplanir les fossés béants de Brooklyn cache mal les lourds défis qui se sont creusés entre la gauche qui attendent Hillary Clinton, démocrate sandériste et la centriste pour rassembler son camp. Car, coup Hillary. Obama a félicité la candidate de théâtre stupéfiant, son adversaire tout en remerciant Sanders d’avoir Bernie Sanders, qui a été la véritable « galvanisé des millions d’Américains révélation de la campagne démocrate, avec son message contre les inégalités ». mobilisant des foules de jeunes électrisés, Il le recevra jeudi à la Maison-Blanche, ne reconnaît pas que sa rivale a gagné. Il a sans doute une première tentative promis mardi de « continuer le combat ». pour le convaincre de rejoindre Hillary Un comportement bien différent de ce Clinton au plus vite. Le temps presse. qu’avait fait Hillary Clinton il y a huit ans, Car le duel qui s’annonce entre Clinton quand elle avait appelé à soutenir Obama, et Trump promet d’être impitoyable. dans un discours salué pour son élégance. « » “Sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur” Beaumarchais Dassault Médias 14, boulevard Haussmann 75009 Paris Président-directeur général Serge Dassault Administrateurs Nicole Dassault, Olivier Dassault, Thierry Dassault, Jean-Pierre Bechter, Olivier Costa de Beauregard, Benoît Habert, Bernard Monassier, Rudi Roussillon SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS 14, boulevard Haussmann 75009 Paris Président Serge Dassault Directeur général, directeur de la publication Marc Feuillée Directeur des rédactions Alexis Brézet Directeur délégué des rédactions Paul-Henri du Limbert Directeurs adjoints de la rédaction Gaëtan de Capèle (Économie), Laurence de Charette (directeur de la rédaction du Figaro.fr), Anne-Sophie von Claer (Style, Art de vivre, So Figaro), Philippe Gélie (International), Anne Huet-Wuillème (Édition, Photo, Révision), Étienne de Montety (Figaro Littéraire), Bertrand de Saint-Vincent (Culture, Figaroscope, Télévision) et Yves Thréard (Enquêtes, Opérations spéciales, Sports) Directeur artistique Pierre Bayle Rédacteur en chef Frédéric Picard (Édition) Éditeur Sofia Bengana Éditeur adjoint Robert Mergui FIGAROMEDIAS 9, rue Pillet-Will, 75430 Paris Cedex 09 Tél. : 01 56 52 20 00 Fax : 01 56 52 23 07 Président-directeur général Aurore Domont Direction, administration, rédaction 14, boulevard Haussmann 75438 Paris Cedex 09 Tél. : 01 57 08 50 00 [email protected] identique à celui des garçons (encore que dans le domaine des « travaux manuels », l’apprentissage de la couture et de la cuisine reste la règle jusque dans les années 1970). J’entends déjà l’objection, elle est rituelle : certes, on a démocratisé le bac, mais ce fut au prix d’un effondrement du niveau. C’est sans doute vrai si l’on compare le dernier d’aujourd’hui à celui des années l920, mais archi-faux pour les 50 000 meilleurs de nos jours qui n’ont rien à envier à leurs ancêtres, leur niveau étant à coup sûr infiniment supérieur en sciences, et probablement aussi en histoire, en lettres et en ouverture d’esprit. Impossible, bien entendu, de vérifier ou de réfuter l’hypothèse pour les garçons, mais elle est incontestable s’agissant des filles. Enfin, selon les meilleurs historiens de l’enfance, en l840, 143 000 enfants travaillent jusqu’à 16 heures par jour dans la grande industrie et dans les mines où leur petite taille leur permet de passer dans les galeries les plus étroites. Il faut attendre l841 pour que l’âge de leur embauche soit limité à 8 ans, 1851 pour que la journée de travail ne dépasse pas 10 heures, 1874 pour que l’âge de l’embauche soit limité à 12 ans et l926 pour que la loi limite leur affectation à des travaux dangereux ! Pour idéaliser le passé, on cite volontiers Pagnol et Camus, symboles d’une époque où la méritocratie était censée conduire les enfants des milieux modestes vers les plus hautes destinées. Hélas, ces exceptions admirables n’ont qu’un très lointain rapport avec la réalité, les faits étant à l’opposé des images d’Épinal véhiculées par les nostalgiques de la blouse grise et de la plume Sergent-Major. VOX ... SOCIÉTÉ Serveuse de religion musulmane giflée pour avoir servi de l’alcool pendant le ramadan : à Nice, la charia ne passera pas, par Ivan Rioufol. ... POLITIQUE 1995-2017 : Nicolas SarkozyAlain Juppé, par Thomas Guénolé. ... ÉCONOMIE Réforme du marché du travail : la BCE aussi a donné des ordres !, par Coralie Delaume. Les rencontres du FIGARO RENCONTRE AVEC ÉRIC ZEMMOUR le 15 septembre à 20 h 00 Salle Gaveau. Réservations : 01 70 37 31 70 ou www.lefigaro.fr/ rencontres. Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy 93290 Tremblay-en-France Midi Print, 30600 Gallargues-le-Montueux Imprimahd Casablanca Maroc. ISSN 0182-5852 Commission paritaire n° 0421 C 83022 Pour vous abonner Lundi au vendredi de 7 h à 18h ; sam. de 8 h à 13 h au 01 70 37 31 70. Fax : 01 55 56 70 11 . Gérez votre abonnement votre Espace Client : www.lefigaro.fr/ client Formules d’abonnement pour 1 an - France métropolitaine Club : 409 €. Semaine : 259 €. Week-end : 199 €. Ce journal se compose de : Édition nationale 1er cahier 18 pages Cahier 2 Économie 8 pages Cahier 3 Le Figaro et vous 12 pages Cahier 4 Littéraire 8 pages A CHRONIQUE 17 DISPONIBLE SUR DIOR.COM LE NOUVEAU PARFUM jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO - N° 22 342 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr > EXCLUSIF lefigaro.fr/economie GODIVA LE CHOCOLATIER SUISSE, FILIALE DU GROUPE YILDIZ, SE PRÉPARE À ENTRER EN BOURSE PAGE 24 AUDIOVISUEL Anne-Sophie Lapix LA GUERRE DE L’ACCESS PRIME TIME EST OUVERTE ENTRE TF1, M6, FRANCE 2 ET D8 PAGE 26 économie Conflit social à la SNCF : la facture pour l’État Alors que Manuel Valls a annoncé des mesures financières en faveur de l’entreprise publique, la CGT reconduit la grève à Paris et dans plusieurs régions. Afin de compenser les concessions sociales faites aux syndicats à la SNCF, le premier ministre a annoncé que l’État paierait 400 millions pour combler le déficit des trains Intercités et 500 millions supplémentaires d’ici à 2020 pour entretenir le réseau ferré. Le problème de la dette - 50 milliards d’euros - fera l’objet d’un rapport qui sera rendu en août. Il doit esquisser les différentes pistes possibles pour alléger la SNCF de son fardeau. En attendant, la grève est reconduite, et la CGT-cheminots a décidé de consulter ses adhérents sur l’accord négocié lundi. PAGE 22 FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO, JON WOO/REUTERS Acier chinois : la déferlante inquiète La hausse des exportations crispe l’UE et les États-Unis. Pékin peine à réduire ses excédents d’acier et de charbon. JANAILLAC PRÊT À RÉÉQUILIBRER L’ACCORD AIR FRANCE-KLM Jean-Marc Janaillac n’est pas encore en poste à la tête d’Air France-KLM - il entre en fonction le 4 juillet - mais il prend déjà des engagements. Selon nos informations, le successeur d’Alexandre de Juniac est prêt à revoir l’accord d’équilibre entre les deux compagnies aériennes. « Il en fera une de ses priorités », assure-t-on de très bonne source. Cet accord est au cœur des revendications des pilotes, dont le SNPL et le Spaf, les deux syndicats majoritaires chez Air France. Ils estiment que la croissance du groupe a profité à KLM uniquement. Et qu’il faut le renégocier. Le futur PDG d’Air France-KLM est ouvert à cette hypothèse mais au bon moment (après sa prise de fonction) et avec les partenaires hollandais, le PDG de KLM et le syndicat des pilotes VNV. Il s’agit là d’un dossier qui relève du groupe aérien et non de la seule compagnie française. Frédéric Gagey, le patron d’Air France, ne peut donc pas prendre d’engagement. Il a remis, mercredi 8 juin, un protocole d’accord de sortie de conflit au SNPL et au Spaf. « Nous faisons tout pour éviter la grève et que le préavis soit levé », assure Frédéric Gagey. « Mais il y a une vraie difficulté à entrer dans une logique de compromis de la part des syndicats, ce qui devrait pourtant être le cas. Ils ne peuvent pas rester dans la logique du “c’est pas négociable” », souligne Gilles Gateau, le DRH d’Air France. Les échanges devaient reprendre à 20 heures hier. À ce stade, le préavis de grève est maintenu. Le SNPL, le Spaf et Alter ont appelé à cesser le travail du 11 au 14 juin, au lendemain du coup d’envoi de l’Euro 2016 de football. VÉRONIQUE GUILLERMARD PAGES 20 ET 21 VENDRE À MONACO Les nouvelles pièces d’Arabie saoudite seront faites à Pessac 2017 des jardins, un café et un parcours de visite des ateliers. Sur son site industriel de Pessac, elle fabrique déjà les pièces de nombreux pays, parmi lesquels Malte, Chypre ou Andorre, mais aussi l’Uruguay, la Thaïlande ou le Guatemala. Exporter son savoir-faire est d’ailleurs essentiel pour l’établissement, qui a vu la production de pièces françaises fondre ces dernières années. « Il y a cinq ans, nous produisions 1,3 milliard de pièces par an pour l’État français, contre 700 millions seulement aujourd’hui. En France, il n’y a que 150 pièces par habitant en circulation, contre 250 en Allemagne », regrette Christophe Beaux. Soyez curieux la prochaine fois que l’on vous rendra la monnaie avec une pièce de 2 euros : en France, destination touristique majeure, vous avez deux chances sur trois que cette pièce ait été émise par un autre État de la zone euro (contre 40 % en moyenne dans la zone euro) ! ■ CAROLE PAPAZIAN LA SÉANCE DU MERCREDI 08 JUIN 2016 CAC 40 4448,73 -0,61% EUROSTOXX 50 3019,76 -0,69% DOW JONES (18h) 17988,85 +0,28% FOOTSIE 6301,52 +0,27% ONCE D’OR 1263,00 (1241,00) NASDAQ (18h) 4970,68 +0,18% PÉTROLE (lond) 52,250 (51,080) NIKKEI 16830,92 +0,93% DU 15 AU 25 JUILLET 2016 IMPORTANTS BIJOUX MONTRES DE COLLECTION MAROQUINERIE DE LUXE ART MODERNE • ART RUSSE VOITURES DE COLLECTION BREGUET Quantième perpétuel, répétition Phases de Lune BAGUE Rubis Birman 6,26 cts AMEDEO MODIGLIANI (1884-1920) 41 x 28 cm HERMES Birkin PLYMOUTH Cabriolet - 1931 ancienne collection de S.A.S le Prince Rainier III le PLUS du FIGARO ÉCO www.hvmc.com SANTÉ Le maquis des tarifs de soins hospitaliers PAGE 21 10-12 Quai Antoine 1 er - 98000 MONACO - 00 377 93 25 88 89 - [email protected] Correspondant à Paris : Cabinet d’Expertises A.Beauvois 85 Boulevard Malesherbes - 75008 Paris - 0033 (0)1 53 04 90 74 - [email protected] A C’ est de l’usine de la Monnaie de Paris, à Pessac, tout près de Bordeaux, que sortiront les nouvelles pièces d’Arabie saoudite. La production de ces pièces commencera à l’automne, et 300 millions d’unités seront fabriquées en 2016 et 2017 pour le royaume wahhabite, qui s’apprête à renouveler sa gamme. Un contrat de 15 millions d’euros qui a nécessité trois ans de négociations. « Ce seul contrat avec l’Arabie saoudite représente l’équivalent d’une année d’export complète auprès de nos autres clients et près de 30 % de l’activité de notre usine de Pessac », se réjouit Christophe Beaux, le PDG de la Monnaie de Paris. La vieille dame du quai de Conti se démène. À Paris, elle est en train de réaménager entièrement son site parisien, sur lequel elle a installé des espaces d’exposition d’art contemporain et un restaurant Guy Savoy, et où elle ouvrira à l’été s e r e e u t u t n g ô e o l in l c m ta im ca s e d L'HISTOIRE jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 20 L'ÉVÉNEMENT Le trop-plein d’acier chinois inquiète le Les exportations sidérurgiques de la Chine, en hausse, atteignent des sommets. Elles menacent l’industrie FABRICE NODÉ-LANGLOIS £@Fnodelanglois 9,4 millions de tonnes C’est le total des exportations d’acier chinois en mai, en augmentation de 3,7 % MONDIALISATION Les chiffres publiés mercredi par les douanes chinoises n’ont fait qu’accentuer la préoccupation des États-Unis et de l’Union européenne (UE) : les exportations d’acier chinois ont augmenté en mai de 3,7 %. En un mois, la Chine a expédié dans le monde 9,4 millions de tonnes d’acier, soit presque autant que le Brésil en une année, alors qu’il est pourtant le cinquième exportateur mondial. Depuis le début de l’année, les exportations chinoises ont augmenté de 6,4 %. Le vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel, s’en est inquiété mercredi. Deux jours plus tôt, c’est le secrétaire américain au Trésor, Jacob Lew, en visite à Pékin, qui a exhorté la Chine à réduire les surcapacités de ses aciéries. Car ce trop-plein « fausse » le marché mondial. Le ministre américain a même qualifié les excédents industriels chinois de « sujet de préoccupation majeur ». La preuve en est que Barack Obama lui- A Confrontés au ralentissement et à la transformation de leur économie, les Chinois se retrouvent avec des montagnes d’acier et de charbon en excédent. Pékin s’est engagé à réduire ses capacités de production d’acier de 150 millions de tonnes annuelles d’ici à cinq ans. Insuffisant, rétorque Tokyo qui place la barre à 400 millions de tonnes. En at- tendant de s’attaquer à bras-lecorps à son épineuse restructuration industrielle, la Chine écoule son abondante production à bas prix. Et largement subventionnée, accusent l’UE et les États-Unis. Lourds droits de douane Cette déferlante secoue l’industrie européenne et a précipité par exemple la fermeture des usines Pékin SHANXI C H I N E Jincheng Pékin et le casse-tête des surcapacités de l’industrie lourde Le long de la voie ferrée, les forces antiémeute protègent cet axe stratégique des assaillants. Dans le centre-ville de Jixi, ils sont des milliers de mineurs à envahir la place pour réclamer bruyamment leurs salaires impayés. Ces images ont été censurées dans les médias chinois. Elles confirment les témoignages de heurts violents avec les forces de l’ordre en mars dernier dans la province reculée du nord-est du Heilongjiang, après que le géant du charbon Longmei, groupe étatique, eut annoncé la suppression de 100 000 postes. Cette jacquerie ouvrière placée sous le boisseau illustre la nervosité de Pékin face au casse-tête des surcapacités de son industrie lourde. Ce défi est au cœur de la douloureuse mutation de la seconde économie mondiale qui veut appuyer sa croissance davantage sur les services et la consommation intérieure. Le régime a annoncé un plan de 15,3 milliards de dollars pour la reconversion de 1,8 million d’ouvriers qui seront mis sur le carreau dans le charbon et l’acier, sur fond d’effondrement des cours mondiaux. Des coupes claires pour éponger une surproduction estimée jusqu’à 40 % par l’Union européenne et les États-Unis. Le dossier est explosif aussi bien sur le plan social que financier car il menace le système bancaire. Ainsi, les sept groupes charbonniers du Shanxi ont accumulé une dette de 184 milliards de dollars à la fin de 2015, soit pratiquement l’équivalent du PIB annuel de la province ! Ces entreprises produisent après la baisse de 50 % du prix du charbon depuis 2011. À l’exemple de ChinaCoal Group Shanxi Huayu Energy, en cessation de paiement depuis avril. Même situation dans l’acier où « la majorité des entreprises sont incapables de payer leurs dettes en cash. C’est une situation délicate pour le pouvoir, qui veut prévenir une crise bancaire », explique un expert de chez Moody’s, à Shanghaï. Car les banques publiques, contrôlées même, avec ses homologues du G7, parmi lesquels François Hollande et le Japonais Shinzo Abe, dont le pays est le deuxième exportateur mondial d’acier, ont évoqué le dossier dans le communiqué final de leur sommet, fin mai. Shanghaï Chengdu Hongkong par les gouvernements locaux, ont jusqu’ici nourri cette fuite en avant en offrant sans mégoter des prêts de refinancement, qui les mettent elles-mêmes en danger. Pour prévenir une déflagration bancaire, Pékin pousse les entreprises à convertir leurs créances en actions. « Cela s’appelle gagner du temps », juge l’expert de Moody’s. La Chine avait déjà eu recours à ce tour de passe-passe à la fin des années 1990, durant la restructuration du textile, pour tenir jusqu’à son entrée à l’OMC (Organisation mondiale du commerce) en 2001, qui lui avait offert de nouveaux débouchés. Mais, aujourd’hui, les perspecti- “ Chaque fois qu’ils tentent de ralentir la course aux investissements, la situation s’aggrave et ils remettent les gaz ” Chute des cours PRIX DU CHARBON, tonnes de minerai* en dollars 120 - 58 % 100 80 52,25 60 40 10 juin 2011 8 juin 2016 *coté à Rotterdam Les gueules noires du Shanxi pleurent l’âge PRIX DE L’ACIER CHINOIS, tonnes, en yuans REPORTAGE 126,5 4 500 - 47 % SÉBASTIEN FALLETTI £@fallettiseb ENVOYÉ SPÉCIAL À JINCHENG MICHAEL PETTIS, UNIVERSITÉ DE PÉKIN ves du charbon et de l’acier sont bouchées, sur fond de ralentissement chinois et de morosité mondiale. Et sur le terrain, les restructurations annoncées se heurtent aux résistances des pouvoirs locaux, effrayés par les conséquences sociales. À Pékin, les divisions s’étalent au grand jour, alors que le président Xi Jinping s’est fendu en mai d’une rare leçon d’économie dans Le Quotidien du Peuple pour tacler les bonnes vieilles recettes de la relance par l’investissement. Une tentation à laquelle a pourtant cédé le pouvoir au premier trimestre en ouvrant encore les vannes du crédit. « Nous allons de panique en panique. Chaque fois qu’ils tentent de ralentir la course aux investissements, la situation s’aggrave et ils remettent les gaz », résume Michael Pettis, professeur à l’université de Pékin. Xi Jinping va devoir aller au charbon. ■ S. F. (À SHANGHAÏ) 4 000 3 500 3 000 25,7 2 500 2 000 1 500 10 juin 2011 8 juin 2016 Source : Bloomberg Infographie Exploitation du minerai à Xiaoyi et à Datong, dans le Shanxi. La lutte contre la pollution, nouvelle priorité du régime, accroît les coûts de production à coups de normes environnementales. REUTERS; GREG BAKER/AFP Quatre ans après, elle s’en mord encore les doigts. « J’ai eu une offre chez Samsonite à Tokyo et une de la mine Jinmei, ici à Jincheng, le même jour », lâche, la gorge serrée, Guo. Assise sur le sofa de ses beaux-parents, la jeune mère de famille est soudain saisie par la nostalgie de sa vie étudiante dans la scintillante capitale nipponne, si loin de son « pays noir » pollué, le Shanxi. À l’époque, en 2012, l’économie chinoise décollait, dépassant sa rivale asiatique, et devenait la locomotive du monde face à un Occident encore groggy de la crise financière. « Tout le monde rêvait de décrocher un poste à la mine, une entreprise d’État, un boulot sûr, avec des bons salaires. Sous la pression de mes parents je suis rentrée ici », confesse la jeune femme de 26 ans. Aujourd’hui, face à son mari lui aussi mineur en déroute, elle ose dire qu’elle regrette son choix, au risque d’une crise matrimoniale. Dans son dos, sa belle-mère silencieuse berce leur petite fille de 4 mois. Selon la tradition confucéenne, les trois générations habitent sous le même toit de cet appartement d’un vieil immeuble de Jincheng, ville enclavée du Shanxi de 2,3 millions d’habitants, capitale de l’anthracite chinois, la « Rolls du charbon », à 580 km de Pékin. Un choix familial désormais dicté par la réalité économique. À deux, le jeune couple gagne 3 000 yuans (408 euros) par mois, avec un prêt immobilier sur le dos. « En 2011, nous étions les classes moyennes aisées, j’ai acheté un appartement, une voiture, mais, depuis, mon salaire a été divisé par trois. L’âge d’or du charbon est terminé et il ne reviendra pas », explique le mari, Wu. 1,3 million de suppressions d’emplois dans le charbon Le président Xi Jinping plastronne sur toutes les pages du calendrier pendu au mur du salon, décoré de la faucille et du marteau, affirmant le retour au premier plan de la grande Chine, posant au côté de Barack Obama. Mais dans le Shanxi, son slogan de « rêve chinois » s’étiole, alors que la province minière de 36 millions d’habitants a enregistré le taux de croissance le plus faible du pays en 2015, à 4,9 %. En février, Pékin, premier producteur mondial, a décrété la suppression de 1,3 million d’emplois dans le charbon d’ici à 2020 et compte diviser par deux le nombre d’entreprises du secteur. Un oukase répercuté en avril à l’échelon du Shanxi, qui extrait un quart de la production nationale, lorsque les autorités ont annoncé une réduction de 100 millions de tonnes, soit 11 % du total d’ici à la fin de la décennie. Un dossier sensible pour le bureau de la Propagande, qui décline notre demande d’interview « par crainte d’attiser l’anxiété des ouvriers »… Aux abords de la mine, la police surgit et éconduit les curieux. Après avoir surfé sur le décollage économique du géant asiatique assoiffé d’énergie, Jincheng subit aujourd’hui de plein fouet trois mutations symptomatiques de la nouvelle « normalité » chinoise. D’abord, le ralentissement de la croissance, au plus bas depuis vingt-cinq ans, se traduit par une baisse de la demande d’électricité, dont plus des deux tiers sont toujours générés en brûlant du charbon. Cette baisse de la demande a entraîné une chute drastique des prix, qui ont fondu de moitié depuis 2011. Deuxième mutation : au même moment, la lutte contre la pollution, nouvelle priorité du régime, accroît les coûts de production à coup de normes environnementales. Enfin, l’implacable campagne anticorruption du président Xi bouscule des réseaux de copinages juteux qui entretenaient l’économie locale à coup de banquets, « cadeaux luxueux » et projet immobilier. Une visite dans le shopping mall du centre-ville, surnommé pompeusement New Times Square, où des vendeuses attendent désespérément les clients devant leurs devantures de bijoux, suffit à confirmer la baisse de 9 % de la consommation enregistrée à Jincheng, au premier trimestre. Ici, quand le charbon tousse, la ville éternue. « La plupart des magasins perdent de l’argent et même l’immobilier va mal », se lamente Beeky, gérante de la boutique Armani Jeans, vide. Toute la ville s’interroge sur l’avenir de sa vache à lait, le groupe minier d’État Jincheng Anthracite Mining Group (JAMG), surnommé Jinmei, qui fait partie des 500 entreprises mondiales selon le classement du magazine Fortune, mais est menacé de fusion. Le groupe se dé- LE FIGARO jeudi 9 juin 2016 ÉCONOMIE L'ÉVÉNEMENT 2121 américaine et européenne. Un ouvrier nivelle le chargement d’un train de charbon quittant Taiyuan, dans le nord du Shanxi. La baisse de la demande d’électricité dans le pays, où plus des deux tiers des besoins sont toujours générés en brûlant du charbon, a entraîné une chute drastique des prix. Ils ont fondu de 58 % depuis 2011. AP Tata au Royaume-Uni. Pékin a beau jeu de rappeler que la relance massive de la construction décidée pour contrer la crise de 2008, à l’origine du boom sidérurgique, a servi l’économie mondiale tout entière. Mais l’heure n’est pas l’apaisement commercial. Les ÉtatsUnis viennent d’imposer des droits de douane de 500 % sur des bobines d’acier chinois. ■ d’or révolu du charbon leste et fermera en 2018 sa mine de Gushuyuan, en plein cœur de l’agglomération, où travaillent 7 000 personnes aujourd’hui. « Je suis inquiet pour mon avenir. Je ne gagne que 1 000 yuans (136 euros) par mois. Je suis célibataire donc je m’en sors, mais si je dois fonder une famille, ce ne sera pas assez », explique Hou, beau gosse de 23 ans, casquette de rappeur et tee-shirt moulant. Le jeune homme vient de rejoindre la mine, mais sent bien qu’il arrive trop tard. Le gymnase, l’école et la statue d’athlète style soviétique sont les vestiges décatis d’une ère révolue où l’entreprise offrait à ses employés des services sociaux du berceau à la tombe. Des privilèges enviés dans cette région montagneuse reculée et auxquels s’accrochent les ouvriers proches de la retraite. Reconversion difficile Hanté par le spectre de l’instabilité sociale, confronté aux résistances des pouvoirs locaux, le régime opte pour la baisse des salaires plutôt que les licenciements secs. Un amortisseur social pour gagner du temps en attendant que d’autres secteurs comme les hautes technologies prennent le relais. « C’est comme de cuire une grenouille à petit feu. Mais les mineurs n’ont pas les compétences pour travailler dans ces nouveaux métiers. Le gouvernement doit nous payer des formations », revendique avec amertume Wu, le mari de la jeune Guo. JAMG a enclenché la reconversion, en transférant déjà 2 000 ouvriers vers des nouvelles fonctions, comme vendeurs dans sa marque de supermarchés Wondeful… Un horizon étroit, car les débouchés alternatifs sont rares hormis une usine Foxconn, où sont assemblés des iPhone pour un salaire plancher. « Si j’étais célibataire, je partirais », soupire Guo, les souvenirs de Tokyo plein les yeux. ■ Après avoir « surfé sur le décollage économique du pays, assoiffé d’énergie, la capitale de l’anthracite du Shanxi, Jincheng, 2,3 millions d’habitants, subit de plein fouet les mutations de la Chine ACIER TOP 10 DES PRODUCTEURS D’ACIER EN 2015 EN MILLIONS DE TONNES PAYS 804 105 89 Inde États-Unis 79 Russie 71 Corée du Sud 70 Allemagne 43 Brésil 33 Turquie 31 Ukraine 23 1 Chine 2 Japon 3 4 5 6 7 8 9 10 Source : Worldsteel Association TOP 10 DES EXPORTATEURS D’ACIER EN 2015 PAYS 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 EN MILLIONS DE TONNES 98 35 Inde 25 Ukraine 17 Brésil 10 Corée du Sud 9 Pays-Bas 4 Taïwan 4 Autriche 3 Belgique 3 Chine Japon Source : Worldsteel Association Le grand écart, peu transparent, des tarifs de soins hospitaliers Sur certaines activités, les marges des établissements sont importantes et reflètent les priorités de l’État. GUILLAUME GUICHARD £@guillaume_gui SANTÉ À l’hôpital, certains soins rapportent, quand d’autres font perdre de l’argent. La raison ? Les tarifs officiels des soins, fixés par le ministère de la Santé et servant à rémunérer les établissements, s’écartent parfois grandement de leur coût réel. Le sujet a ressurgi, il y a deux semaines, avec la remise du rapport intermédiaire de la mission sur le financement des hôpitaux présidée par l’ex-député PS Olivier Véran. Les magistrats financiers de la Cour des comptes travaillent également sur le sujet. « La construction des tarifs hospitaliers manque de transparence et les écarts avec les coûts observés ne sont pas toujours évidents à comprendre », critique le neurologue grenoblois. Certains tarifs, comme ceux par exemple d’un traitement de lésions traumatiques, excèdent de plus de 100 % les coûts des soins qu’ils sont censés couvrir, d’après l’étude 2015 sur les coûts de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH). Officiellement, il s’agit d’inciter les établissements à développer tel ou tel type d’activité. Le ministère joue ainsi sur les tarifs remboursés pour développer la chirurgie ambulatoire - le patient opéré reste moins d’une journée à l’hôpital. La cancérologie bénéficie également depuis le milieu des années 2000 d’un tel soutien, en accompagnement des plans cancer successifs. « C’est un effort des pouvoirs publics pour développer l’excellence et l’accessibilité des soins, explique-t-on à la Fédération hospitalière de France. Mais c’est aussi le souci de ne pas mettre L’écart entre les tarifs et les coûts représente plus de 100 millions d’euros dans le cas des séances de chimiothérapie. FOTOLIA en difficulté les centres de lutte contre le cancer. » Le soutien à ce secteur est massif. L’écart entre les tarifs et les coûts représente plus de 100 millions d’euros dans le seul cas des séances de chimiothérapie, ressort-il de l’étude de l’ATIH. Cela représente une marge moyenne de 18 %. Cette politique incitative présente deux limites. Incitations mal ciblées De nombreux experts critiquent d’abord le principe même des incitations, dont il est difficile d’évaluer l’efficacité réelle. Et ce d’autant plus que favoriser certains soins se fait forcément au détriment d’autres activités, car l’enveloppe financière globale allouée aux hôpitaux est contrainte. « En économie, il est fondamental qu’une incitation tarifaire porte sur l’acteur que l’on cherche à influencer. Or les premiers intéressés en matière de soins, médecins et chirurgiens, ne se sentent pas concernés par les tarifs », observe Roland Cash, consultant et l’un des pères de la tarification hospitalière. De plus, certains tarifs historiques et excessifs sont devenus au fil du temps de véritables rentes. Le ministère de la Santé tente donc, depuis 2012, de réduire les marges existantes. Son objectif : que les tarifs reflètent les coûts observés et faire des économies. Il s’attaque pour cela d’abord aux écarts les plus « extrêmes » (marge supérieure à 25 %), explique l’ATIH. Toutefois, le rythme d’adaptation reste lent, afin de ne pas creuser un trou soudain dans les comptes des hôpitaux. « Il est en effet très compliqué de rogner les marges des établissements perdants lors d’une baisse de tarifs », observe Christophe Jacquinet, président du cabinet de conseil Santéliance. « Prenez le cancer : les responsables sanitaires ne peuvent plus revenir en arrière et baisser les tarifs, continue un très fin connaisseur du système. Outre que cela ferait très mal financièrement aux centres de lutte contre le cancer, c’est impossible à faire valider politiquement. » ■ Une cause de l’engorgement des urgences Le constat est partagé par tous : il y a trop de patients qui vont aux urgences alors qu’ils n’ont rien de grave. Cette porte d’entrée à l’hôpital a enregistré plus de 19,6 millions de passages en 2014, un chiffre en hausse plus de 30 % en dix ans. Depuis, rien n’a changé : seul un patient sur cinq y est adressé par les pompiers ou le 15. Dans son rapport sur le financement des hôpitaux, remis fin mai à Marisol Touraine, le neurologue Olivier Véran propose une solution pour inciter les établissements à recevoir moins de « bobologies » dans ces services d’urgence trop souvent débordés. « Comme les hôpitaux sont payés en partie au nombre de passages aux urgences, ils ne sont pas incités à réorienter les patients légers vers des structures adéquates, comme les maisons médicales », explique l’ex-député socialiste, aujourd’hui conseiller régional de la région AuvergneRhône-Alpes. Un passage aux urgences rapporte en effet en moyenne 125 euros (hors examen biologique ou radiologique). Résultat : « les urgences restent très surchargées par un nombre de patients qui ne cesse d’augmenter, ce qui peut contribuer à une dégradation de la qualité des soins tout en décourageant les équipes de professionnels », indique le rapport. Réorienter les patients Pire, « plus les établissements réorientent les patients vers d’autres structures, plus ils perdent d’argent, car ils ne conservent alors que les cas les plus graves qui leur coûtent le plus cher ». L’hôpital de Poissy-Saint-Germain-en-Laye a par exemple perdu 400 000 euros après la mise en place d’une mai- son de garde gérée par des pédiatres libéraux. Olivier Véran suggère donc de changer le mode de financement des urgences et propose la création d’un « forfait de réorientation ». Le principe est simple : que les établissements gagnent quelque chose en adressant les patients les plus légers à une maison médicale de garde, par exemple. Pour intéresser les hôpitaux à se concentrer sur les patients les plus graves, il faudrait aussi mieux prendre en compte dans les tarifs la sévérité des cas traités aux urgences. En un mot, résume Olivier Véran, « il faut qu’une partie des économies qui seraient générées par la baisse des fréquentations des urgences liées à une meilleure orientation des patients soit reversée à l’hôpital ». ■ G. G. L’ISF vous concerne ? En 2016, la Fondation ondation FSJU a besoin de votre don ISF pour financer des actions sociales et éducatives indispensables, en France et en Israël. En France, la précarité continue de sévir. Le sentiment de vulnérabilité de la communauté s’accentue. Un Fonds d’Urgence Solidarité permet de répondre aux situations de crise, en débloquant les ressources nécessaires nécessair en quelques heures. La Fondation FSJU finance également des bourses cantine pour permettre permettr à tous les enfants, sans exception, de déjeuner dans leur école. Pour la Fondation FSJU, la de l’identité, le rayonnement de la culture juive et le renforcement de l’engagement des transmission transmis jeunes sont des missions prioritaires. En Isr Israël, la fracture sociale s’aggrave. La Fondation FSJU participe à un programme d’aide auprès des populations en difficulté. Le programme permet une distribution de produits de première nécessité. Pour les personnes âgées s’ajoutent des bons d’achat pour des médicaments. Des cours aux enfants en situation d’échec scolaire. Pour les plus jeunes, des activités d’éveil sont proposés pr organisées. La Fondation FSJU soutient des actions d’aide aux adolescents en difficulté. sont or Votre don à la Fondation FSJU, sous l’égide de la Fondation du Judaïsme Français, est déductible à 75 % de ll’Impôt de Solidarité sur la Fortune. Pour une information en toute confidentialité Fondation FSJU – Esther Fargeon 01 42 17 11 38 ou [email protected] sous l’égide de la Fondation du Judaïsme Français A monde jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 22 ENTREPRISES Matignon sort son chéquier pour soutenir la SNCF Ce geste est destiné à récompenser des efforts de productivité qui ne seront pas accomplis. VALÉRIE COLLET £@V_Collet ET MARIE VISOT £@MarieVisot SOCIAL C’est déjà Noël à la SNCF. Lors des questions au gouvernement mercredi, le premier ministre a sorti de sa hotte tous les cadeaux destinés aux entreprises ferroviaires, SNCF en tête. Manuel Valls a rappelé qu’un rapport devait être rendu au mois d’août sur la possibilité pour l’État de reprendre « tout ou partie de la dette » du groupe ferroviaire, qui s’élevait l’an passé à 42,3 milliards d’euros pour SNCF Réseau (exRFF) et à 7,8 milliards pour SNCF Mobilités. Se gardant bien de préjuger des conclusions de ce document qui sera coproduit par Bercy et le ministère des Transports, il a rappelé que celui-ci devrait se pencher sur les différentes hypothèses, dont la création d’une caisse d’amortissement, une structure dans laquelle pourrait être logée une partie de la dette. « Le législateur disposera ainsi de l’ensemble des données afin de prendre une décision », a-t-il encore dit ce mercredi à l’Assemblée nationale. Ce ne serait pas la première fois que l’État reprendrait dans ses comptes une tranche de dette ferroviaire. RFF avait justement été créé en 1997 pour emmurer les 20 milliards d’euros de dette de la SNCF. Depuis, ce montant n’a cessé d’augmenter. Quelles seraient les conséquences de la création d’une caisse d’amortissement ? Pour quel montant ? C’est justement à toutes ces questions qu’il faudra répondre d’ici l’été. L’opération risquerait de ne pas faire les affaires des finances publiques de la France ! Car l’État ne peut pas jouer avec les chiffres comme il veut, et la frontière entre dette publique et dette des entreprises publiques n’est pas étanche ; les règles communautaires sont strictes. Ces dernières années l’ont montré. En 1991, dans le cadre de la politique européenne du transport ferroviaire, les États membres avaient été autorisés à prendre des mesures pour que soit créé, au sein de la comptabilité de ces entreprises, un service distinct d’amortissement des dettes. Le service annexe d’amortissement de la dette (Saad) est alors mis en place au sein de la SNCF ; l’État y verse une dotation annuelle. À la fin 2006, le montant qui y est cantonné atteint 8,2 milliards d’euros. Eurostat estime quelques mois plus tard que cette dette doit être réintégrée dans la comptabilité maastrichtienne, car la pratique, après plusieurs années, « s’assimile à la contraction d’une dette». En 2014, un nouveau traitement comptable oblige de nouveau la France à intégrer plus de 30 milliards de dette de RFF à la dette publique sur les années 2010, 2011 et 2012. Manuel Valls, mercredi à l’Assemblée nationale. JACQUES DEMARTHON/AFP aux contribuables de la payer ! Imaginez ça par les temps qui courent ! » indique une source au plus haut sommet de l’État. Mais, à l’Assemblée, le premier ministre tenait surtout à afficher la volonté de l’État de donner au ferroviaire « les moyens de regarder son avenir avec confiance ». Il a promis de faire passer de 2,5 à 3 milliards d’euros par an, d’ici à 2020, les ef- forts de renouvellement des infrastructures ferroviaires. Par ailleurs, l’État apportera une subvention de 90 millions d’euros par an aux entreprises de fret ferroviaire pour alléger le coût des péages versé à SNCF Réseau. Enfin, l’État prendra à sa charge l’équilibre financier des trains d’équilibre du territoire (les Intercités), dont le déficit annuel - comblé par la SNCF - est actuellement de 400 millions d’euros par an. Paradoxalement, la facture ferroviaire sera lourde pour l’État, d’autant que ce geste était censé récompenser les efforts de productivité des cheminots de la SNCF qui ne seront finalement pas accomplis en raison des reculades du gouvernement. ■ Deux camps s’affrontent Si une caisse d’amortissement devait être créée, « l’intégralité des sommes serait inscrite dans les comptes publics ; cela fera forcément un mauvais chiffre à la fin », explique une source gouvernementale. L’endettement de la France atteint aujourd’hui plus de 96 % du PIB, et doit continuer à progresser jusqu’à l’an prochain. Un tel scénario la ferait dangereusement tutoyer les 100 % du PIB… Dans le contexte actuel, deux camps s’affrontent au sein de l’exécutif : ceux qui plaident pour un assainissement de l’endettement en contrepartie d’efforts de productivité. Et ceux - plus nombreux - qui n’envisagent pas un instant que l’État puisse prendre à sa charge une partie de la dette de la SNCF. « Cela revient à demander La CGT n’a pas validé l’accord de branche Le compte à rebours s’est arrêté. La CGT et SUD-rail n’ont pas signé l’accord donnant naissance à la convention collective de la branche ferroviaire. Elles ont laissé passer la date butoir de mercredi, ce qui ne compromet pas définitivement ce texte. À la SNCF, où un accord d’entreprise est également proposé à la signature jusqu’au 14 juin, la CGT-cheminots vient de lancer une consultation nationale de ses adhérents sur le texte, ce qui pourrait mettre fin au mouvement de grève. La CGT, dont le poids est décisif au sein de la branche ferroviaire, a encore deux semaines pour exercer ou non son veto sur l’accord de branche alors que la CDFT et l’Unsa ont donné leur feu vert. Cela pourrait suffire pour valider l’accord si la CGT s’abstient. Par rapport à la précédente convention collective de 2008, qui ne concernait que les entreprises de fret ferroviaire, le nouvel accord marque un net progrès. A u Davantage de jours de repos Tous les salariés sédentaires de l’ensemble de la branche ferroviaire bénéficient désormais de 113 jours de repos par an au lieu de 104 précédemment. Les roulants passent de 104 à 117 jours. Le nombre de jours non travaillés garantis par an passerait de 131 à 146 pour les sédentaires et de 129 à 148 pour les roulants. repos doubles uLes plus nombreux Le nombre de repos doubles garantis porte sur samedi-dimanche ou bien dimanche-lundi - ce à quoi la SNCF a dû renoncer. Le nouvel accord de branche ferait passer de 25 à 36 repos doubles pour les sédentaires et les roulants. travail de nuit uLe sera mieux encadré Le seuil à partir duquel un salarié sera considéré comme un travailleur de nuit a été abaissé. Il passe à 400 heures pour les sédentaires et à 300 heures pour les roulants. de congés payés uPlus Un 26 jour de congé payé a été e obtenu pour les salariés de l’ensemble de la branche. « décret socle » uLe publié jeudi Au cas où la convention collective n’était pas validée, c’est le « décret socle » fixé par le gouvernement qui serait appliqué aux salariés la branche. Mercredi, Manuel Valls a annoncé à l’Assemblée que le décret sera publié jeudi. ■ V. C. FedEx et TNT s’unissent pour vous offrir plus de possibilités. En savoir plus sur fedex.com/fr/connect LE FIGARO jeudi 9 juin 2016 ENTREPRISES 23 La grève des éboueurs s’étend Paris, Nice et Saint-Étienne sont touchés par le blocage des services de ramassage. ARMELLE BOHINEUST £@armelella À la demande de la Mairie de Paris, la police est intervenue mercredi matin dans deux garages de camions de ramassage des ordures bloqués par des militants CGT, à Ivry-sur-Seine. Objectif : permettre aux véhicules - qui ne circulent plus, ou en partie seulement, dans les arrondissements de la ville desservis par le personnel municipal - de reprendre leur tournée de collecte. Mais l’intervention a eu pour principal effet d’inciter les salariés de ces garages à stopper le travail. Pour faire face à la grève des employés municipaux et à l’accumulation des déchets dans les rues, les élus parisiens doivent plutôt compter sur les sociétés privées, notamment Veolia et Derichebourg. Elles collectent les déchets dans dix arrondissements et leur personnel ne fait pas grève. Par ailleurs, la mairie mobilise, comme elle peut, ses effectifs encore disponibles. « Nous som- mes en train de redéployer le dispositif pour régler la situation là où elle est le plus critique aujourd’hui », a indiqué la maire de Paris, Anne Hidalgo. Elle a évoqué une « situation préoccupante » et pointé les Ve et VIe arrondissements, « qui croulent sous les ordures ». Les quartiers populaires du nord de Paris où il y a beaucoup de déchets sont aussi une « priorité », ajoute un porte-parole de la Ville de Paris. Revendications nationales et locales Dans les centres de traitement des déchets de la capitale, « cela se complique », constate Patrice Furé, directeur de cabinet du président du Syctom, établissement public qui gère plusieurs sites de la région parisienne. Jusqu’ici, le Syctom redirigeait les ordures destinées à l’incinérateur d’Ivrysur-Seine-Paris 13, bloqué depuis dix jours, vers ceux d’Issy et Saint-Ouen ou au centre de transfert de Romainville. Le surplus est enfoui sur des décharges de Sei- Le centre de traitement des déchets d’Ivry-sur-Seine, à côté de Paris, où la grève dure depuis dix jours. G. VAN DER HASSELT/AFP ne-et-Marne. La situation se corse maintenant que les autres centres sont gagnés à nouveau par la grève : Romainville est déjà bloqué, les deux sont sous la menace d’un préavis. La situation est d’autant plus complexe que des sites de Veolia et Suez, les deux grands opérateurs de déchets privés, sont eux aussi affectés par des grèves sans rapport avec la loi travail : dans le cadre des négociations salariales annuelles, les syndicats cherchent à faire pression sur la direction. En région parisienne, 500 salariés bloquent ainsi huit des cinquante dépôts de camions-bennes de Suez. Les sites de Veolia à CergyPontoise, près de Paris, et à Nice sont eux aussi immobilisés. Mais ces situations contraignent les élus à réagir. À Nice, la métropole se substitue à Veolia pour desservir les points les plus sensibles (hôpitaux…). À Colombes, près de Paris, où le ramassage des déchets est interrompu par les salariés de Suez, la maire de la ville a fait appel à une société concurrente et placé ses élus dans les camions escortés par la police municipale, afin de franchir les barrages de grévistes. À Saint-Étienne, des agents municipaux CGT bloquent la collecte avec des revendications nationales et locales. Le maire de la ville qui doit accueillir mardi le match Portugal-Islande a demandé au préfet de réquisitionner les équipes et les camions de collecte des déchets. ■ EN BREF LA BCE ACHÈTE DE LA DETTE D’ENTREPRISE £ La Banque centrale européenne (BCE) a commencé mercredi à racheter des obligations émises par les entreprises de la zone euro, et pas seulement d’États, un nouvel élément inédit de la panoplie de mesures qu’elle déploie depuis des mois pour faire repartir l’inflation. L’AFRIQUE DU SUD AU BORD DE LA RÉCESSION £ L’Afrique du Sud a enregistré un recul de sa croissance de 1,2 % au premier trimestre, selon les statistiques officielles publiées mercredi, faisant planer la menace d’une récession (définie techniquement comme trois trimestres consécutifs de recul). +@ » Tarifs bancaires : on paie plus cher à Marseille qu’à Bordeaux » L’Euro 2016 sera positif pour l’économie… si les grèves ne viennent pas tout gâcher ! www.lefigaro.fr/economie Guerre froide à la raffinerie de Donges GUILLAUME FROUIN NANTES Si les stations-service de Total sont à nouveau réapprovisionnées, la grève se poursuit dans trois raffineries du groupe, celles de Gonfreville-l’Orcher (Seine-Maritime), Feyzin (Rhône) et Donges (LoireAtlantique). Ce jeudi, les grévistes de Donges seront à nouveau sur le pont pour marquer leur opposition à la loi travail. Ils ont en effet prévu de se rendre à Saint-Nazaire dans les permanences de deux parlementaires socialistes, la députée Marie-Odile Bouillé et du sénateur Yannick Vaugrenard. Pendant ce temps, aucun d’entre eux ne montera la garde autour de la raffinerie : depuis le début de la grève, il y a maintenant trois semaines, les entrées sont « toujours restées ouvertes », répète inlassablement aux journalistes Fabien Privé Saint Lanne, secrétaire de la section CGT. Deux petits piquets de grève se tiennent bien au nord et au sud du site, pour les prises de parole syndicales, mais aucune barricade ni palette en feu n’en empêchent l’accès. La production de la deuxième raffinerie de France n’en est pas moins bloquée. « Aucune goutte » de carburant ne sort de ses installations, à de rares exceptions près. « Il y a une dizaine de jours, la préfecture nous a demandé d’approvisionner une douzaine de camionsciternes pour des stations-service réservées aux forces de l’ordre, aux services de secours et aux hôpitaux , cite en exemple le représentant CGT. Bien évidemment, on ne s’y est pas opposés. » Pour tout le reste, en revanche, Donges est à l’arrêt. Il y a une semaine, la direction locale s’était pourtant prévalue d’un vote à bulletins secrets, réalisé « sous le contrôle d’un huissier de justice », où 94 % des 358 votants (sur 680 salariés) s’étaient pro- noncés en faveur de la reprise du travail. De son côté, la CGT avait revendiqué 95 % de salariés favorables à la poursuite de la grève, lors de l’assemblée générale qui s’était tenue le lendemain, à laquelle avaient pris part environ 200 salariés… Un plébiscite qui pourrait se renouveler lors de la prochaine assemblée générale, prévue vendredi. « Pression colossale » Un paradoxe qui n’en est finalement pas un, selon Fabien Privé Saint Lanne : les assemblées générales de son syndicat rassemblent essentiellement des ouvriers et des agents de maîtrise, indispensables à la production, tandis qu’on retrouve les non-grévistes surtout parmi les cadres et les personnels administratifs. Deux mondes opposés, donc, qui se toisent depuis trois semaines. « Il y a de la tension, c’est clair, mais pas d’invectives ou d’insultes, souligne le responsable de la section CGT. Face à une direction plus qu’irresponsable dans ce dossier, nous, on essaie d’apaiser les choses, en tournant dans les équipes pour expliquer le sens de notre action… Ce sera à nous, après la fin de la grève, de travailler à recréer du lien. » En attendant, une « pression colossale » pèse sur les épaules des salariés de la raffinerie de Donges, qu’ils soient grévistes ou non. Tous affirment avoir reçu un courrier individuel de la direction, faisant état d’une possible remise en cause des investissements initialement prévus par le groupe pétrolier : l’an dernier, Total avait dit vouloir investir 600 millions d’euros dans la modernisation des sites de Donges et de La Mède (Bouches-duRhône), dans le cadre de la restructuration de son activité raffinage en France. Un « chantage inacceptable », selon la CGT. Contactée, la direction de Total n’était pas joignable mercredi soir. ■ À Donges, la deuxième plus grande raffinerie française de Total, la production est toujours bloquée. JEAN-SÉBASTIEN EVRARD/AFP jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 24 ENTREPRISES Les chocolats Godiva se préparent à entrer en Bourse rang mondial des biscuits derrière Mondelez (Oreo, LU, Milka…) et Kellogg’s, a annoncé mardi qu’il comptait introduire sa nouvelle entité en Bourse, à Londres, d’ici à 2020. Cela devrait lui permettre de lever des fonds pour accélérer l’internationalisation de ses marques. Le groupe turc avait révélé en début d’année son intention d’investir 554 millions de dollars dans la construction d’une nouvelle usine en Afrique de l’Est et une augmentation de ses capacités de La maison mère, le groupe agroalimentaire turc Yildiz, mise sur l’internationalisation de la marque. AGROALIMENTAIRE Godiva repart à l’offensive. Le chocolatier belge fondé en 1926, racheté il y a huit ans par le conglomérat turc Yildiz, parie sur l’Asie pour accélérer. Outre son rythme de croisière de 50 nouveaux points de vente par an, il prévoit d’implanter 190 magasins en Chine d’ici à 2019. L’appétit des Asiatiques pour le chocolat belge devrait lui permettre de franchir un cap dès 2017. « Nous devrions dépasser le milliard de dollars de chiffre d’affaires sous la marque Godiva grâce à nos nouveautés (contre 792 millions de dollars en 2015) », a déclaré Cem Karakas, patron de Pladis, la filiale de chocolat et de confiseries de Yildiz. Godiva (450 boutiques) redouble d’ambitions à un moment où la concurrence s’intensifie, notamment en Asie. Lindt, son rival suisse, y avance ses pions et compte bien en profiter pour lui ravir la première place parmi les enseignes de chocolat haut de gamme disposant de boutiques. Lindt, qui compte 325 magasins dans le monde, s’est donné jusqu’en 2020 pour y parvenir. Godiva compte d’abord sur ses produits pour dynamiser ses ventes. En Chine, 30 % de son activité vient de nouveautés comme les milk-shakes ou les glaces à base de chocolat ou de pralinés. Mais son positionnement devrait aussi évoluer : Yildiz veut rendre l’enseigne plus accessible avec de nouveaux formats faisant la part belle aux petits paquets et aux tablettes. Godiva devrait aussi bénéficier de nouveaux moyens. Depuis janvier, le chocolatier est intégré à Pladis, filiale de Yildiz qui regroupe ses marques de biscuits et de confiserie (BN, McVitie’s, Ulker, DeMet’s…), ce nouveau géant qui réalise 5,2 milliards de dollars de CHRIS GOODNEY/BLOOMBERG KEREN LENTSCHNER £@Klentschner Yildiz veut rendre l’enseigne plus accessible avec de nouveaux formats faisant la part belle aux petits paquets Une boutique Godiva sur l’île de Manhattan, à New York. chiffre d’affaires grâce à 36 usines et quelque 26 000 employés dans le monde. Un moyen pour Yildiz de mutualiser la R&D, le réseau de distribution et les forces commerciales de ses marques et de faciliter les synergies, notamment en matière d’achats. De nouveaux produits seront ainsi commercialisés sous les marques Godiva et McVitie’s dès l’automne. En décembre, McVitie’s avait déjà lancé des mini-cookies en forme de billes destinés au grignotage. Yildiz veut aujourd’hui aller plus loin. Le groupe turc, au troisième production aux États-Unis et en Grande-Bretagne. C’est l’un des enjeux pour Yildiz, essentiellement implanté en Europe et en Amérique du Nord et à travers des marques régionales quand ses deux principaux concurrents disposent de puissantes plateformes mondiales. En déboursant il y a deux ans 3,3 milliards de dollars pour racheter United Biscuits (BN, Delacre, Jaffa Cakes…), Yildiz - qui a grossi par croissance externe - a cherché à y remédier. Le groupe turc, coté à Istanbul et qui est également présent dans les produits laitiers et les surgelés, ne cache pas son ambition de rafler à Kellogg’s la deuxième place mondiale derrière Mondelez. ■ Titres restaurant : une dématérialisation semée d’embûches À peine plus de 5 % du marché est passé à la carte. Le leader Edenred en revendique 180 000. 5 « àIl7faudra ans pour installer la dématérialisation du titre restaurant en France. Ce rythme n’est ni plus rapide ni plus lent qu’ailleurs » JULIEN TANGUY, DG ADJOINT D’EDENRED FRANCE MATHILDE VISSEYRIAS £@MVisseyrias SERVICES La vitesse du passage à la carte, pour les titres restaurant, continue de diviser les professionnels. Dans le cadre de la loi Sapin 2, un amendement signé par dix-neuf députés a été déposé la semaine dernière, militant pour une mort très rapide du titre papier. Cet amendement prévoit qu’« à compter du 1er janvier 2017, les titres restaurant ne peuvent être émis que sous forme dématérialisée » et qu’« à compter du 31 mars 2017, les titres restaurant sous format papier détenus par les restaurateurs ou affiliés restaurateurs ne sont plus rem- boursés ». De l’aveu même du député Christophe Premat, l’amendement qu’il porte pourrait ne pas être soutenu. Pourtant, il ravive les tensions entre les nouveaux venus partisans d’une transition rapide et les émetteurs historiques, moins pressés. Encadrée par un décret en vigueur depuis avril 2014, la dématérialisation des titres restaurant a depuis conquis à peine plus de 5 % des 3,8 millions de bénéficiaires. Depuis des années, quatre émetteurs historiques se partageaient le marché du titre papier. La dématérialisation a attiré de nouveaux venus : Moneo, Monetico Resto, Digibon et Resto Flash. « Il faut fixer un calendrier, martèle Serge Ragozin, PDG de Moneo, LES DÉCIDEURS â ALIX MORABITO Galeries Lafayette La directrice adjointe des achats de l’homme prend le poste nouvellement créé de « fashion editor ». Ancienne du Printemps, elle fut aussi directrice de collection accessoires et licences chez Chloé. Elle rapportera à Elisabeth Cazorla, directrice prêt-à-porter. â PIERRE-HENRI BIGEARD IFP Énergies nouvelles La direction générale de l’organisme public évolue. Jusqu’alors DGA en charge de la recherche scientifique et technologique, il élargit son périmètre à l’innovation, dont était responsable Pascal Barthélemy, également DGA. Ce dernier prendra d’autres fonctions au sein du groupe. Georges Picard demeure DGA chargé de l’administration d’Ifpen et de la gestion de ses filiales. A â EVELYNE FRIEDEL Taylor Wessing L’avocate associée du cabinet est élue avocat de l’année 2016 en droit de l’Union européenne par Best Lawyers. C’est la deuxième fois que cette spécialiste en droit commercial, des affaires et de la concurrence est distinguée par ses pairs. qui soutien l’amendement de Christophe Premat. La souplesse de l’usage du papier l’emporte sur l’utilisation la carte, qui impose de se plier strictement à la loi. À force de dévoyer l’usage du titre restaurant, on risque de perdre tout ou partie de l’avantage fiscal et social qui lui est attaché (plus de 2 milliards d’euros de subventions annuelles). » « Plus de transparence » Pour Christophe Premat, « la dématérialisation permettra le suivi des transactions en ligne et diminuer les abus. On n’est pas dans un cas de fraudes majeures, mais il faut plus de transparence ». La Commission nationale des titres restaurant (CNTR), qui réunit les organisations syndicales, patronales, les restaurateurs et les émetteurs, est pourtant farouchement opposée à cet amendement. Elle a adressé aux ministres concernés par la loi et à la Direction de la répression des fraudes (DGCCRF) une recommandation pour un avis défavorable. L’Association professionnelle des émetteurs de titres restaurant (Apetr) - qui regroupe les quatre acteurs historiques et Monetico Resto - a relayé ce courrier auprès de députés et membres de cabinet minsitériels. « La dématérialisation nous paraît avancer de manière normale. Pourquoi mettre la pression ?, déclare Youssef Achour, président de l’Apetr et directeur général France du Groupe Up, dont PAR Carole Bellemare (à Rotterdam) avec Corinne Caillaud Les Hénokiens priment à Rotterdam le PDG hollandais Pieter van Oord â Quelque peu énigmatiques jusqu’à présent les Hénokiens ! Si le nom parle à certains, pas toujours évident pour le grand public de les identifier vraiment. « Le club le plus fermé du monde », avec des membres discrets disséminés dans neuf pays et liés par une philosophie commune, mais pas une secte ! Créée en France en 1981, l’association regroupe 47 entreprises familiales et bicentenaires, dont les descendants contrôlent au moins 50 % du capital. Prix Léonard de Vinci Le Néerlandais Willem van Eeghen, représentant d’une entreprise de compléments alimentaires, qui la préside, sera en première ligne aujourd’hui à l’hôtel de ville de Rotterdam pour la remise par le maire au PDG Pieter van Oord du 6e prix Léonard de Vinci, organisé avec François Saint-Bris, le président du Château le Clos Lucé, dernière demeure du génie de la Renaissance. Ce prix a été créé pour récompenser des entreprises familiales audacieuses et promouvoir le modèle de croissance dynamique et durable que défendent les Hénokiens, dans le respect des valeurs des fondateurs. Tradition, modernité, créativité, voilà justement les ingrédients de la réussite et de la pérennité du groupe hollandais Van Oord, spécialiste depuis un siècle et demi du dragage, remblayage et de l’off-shore. Représentant de la quatrième génération, Pieter van Oord, père de quatre enfants, est à la tête d’un groupe florissant de 2,6 milliards de chiffre d’affaires et de 5 000 salariés, qu’il s’efforce de renforcer afin de le transmettre le moment venu à la génération suivante. Agilité et innovation sont les maîtres mots de ce fan de ski et de vélo, roulant depuis 1994 pour l’entreprise dont il est le chef de peloton depuis sept ans. Si à l’heure des start-up et de la domination du CAC 40, il peut paraître « un peu anachronique de récompenser des entreprises familiales âgées », Gérard Lipovitch, le secrétaire général des Hénokiens, estime qu’au contraire ces dernières ont plus que jamais une carte à jouer. Car, grâce aux nouvelles technologies, elles peuvent investir et développer leurs métiers dans différents secteurs de l’industrie. « Sans urgence à montrer des profits dans le trimestre qui vient. » Mais néanmoins tournées vers l’avenir. « Nous sommes des passeurs », martèle le président du Clos Lucé. Pour François SaintBris, le prix Léonard de Vinci s’inscrit « dans le fil de la transmission du maître à l’élève ». C. B. moins de 5 % des bénéficiaires sont passés à la carte. Nous sommes très attachés à la dématérialisation, dans la concertation. Il n’a jamais été dit que le papier s’arrêtait mais qu’un autre support dématérialisé s’y ajoutait. » « Cet amendement n’est pas réaliste, insiste Julien Tanguy, directeur général adjoint d’Edenred France. Il faudra de cinq à sept ans pour installer la dématérialisation du titre restaurant en France. Ce rythme n’est ni plus rapide ni plus lent qu’ailleurs. » Edenred est l’émetteur le plus avancé en France dans la dématérialisation, avec 180 000 cartes en France, soit 14 % de ses bénéficiaires, et, selon lui, environ deux tiers du marché de la carte. ■ www.lefigaro.fr/decideurs â OSAMU SUZUKI Suzuki Motor Le patriarche de 86 ans, qui a passé la main l’an dernier à son fils après 37 ans aux commandes, renonce à ses autres fonctions, hormis celle de président du conseil d’administration. Par ailleurs, le constructeur japonais d’automobiles, qui avait reconnu le mois dernier avoir utilisé des méthodes trompeuses de mesure de la consommation de carburant de ses voitures, va prendre des sanctions disciplinaires. Les dirigeants vont renoncer à leur prime et leurs rémunérations seront réduites de 20 % à 40 % pendant six mois. Le directeur de la division technologique abandonne son poste. â DIONY LEBOT Société générale Pilier du groupe depuis 1986, elle remplacera, en tant que directrice des risques, Benoît Ottenwaelter, qui part à la retraite, et intégrera le comité exécutif. Jean-François Grégoire succédera à cette dernière dans ses précédentes fonctions, comme directeur délégué des risques. Il deviendra membre du comité de direction, tout comme Alvaro Huete dans ses fonctions de responsable adjoint des activités de financement et responsable des activités de financement pour le Royaume-Uni. Ces nominations seront effectives au 1er juillet. LE FIGARO TECH jeudi 9 juin 2016 25 Drones : Gorgé et Delair-Tech s’allient Le partenariat concerne les minidrones tactiques pour les armées. VÉRONIQUE GUILLERMARD £@vguillermard Jérôme Lecat, PDG de Scality, une start-up éditrice de logiciels dans le stockage de données. BOUCHON/LE FIGARO Les Français peuvent réussir dans la Silicon Valley Jérôme Lecat, PDG de Scality, ambitionne de faire de la société une Licorne. ENGUÉRAND RENAULT £@erenault ET LUCIE RONFAUT £@LucieRonfaut TECHNOLOGIE Jérôme Lecat est à l’image de son entreprise : un pied aux États-Unis, l’autre en France. Scality, fondé en 2009, est éditeur de logiciels dans le stockage de données. Ses effectifs sont répartis entre la France, les États-Unis et le Japon. Si Scality reste une entreprise française, son PDG est installé à San Francisco où il a pu lever des fonds et où il réalise plus de la moitié de son chiffre d’affaires. Plus que jamais, Jérôme Lecat croit dans son modèle qui réunit le meilleur des deux mondes. L’équipe de recherche et développement est à Paris car les ingénieurs français sont très réputés, mais les ventes et le marketing sont situés aux ÉtatsUnis. Un modèle que Jérôme Lecat avait défendu en 2014 en adressant une lettre ouverte à François Hollande. « Construire un pont entre la Silicon Valley et la France est une opportunité à ne pas manquer », avait-il plaidé. À l’époque, Scality était présentée comme une start-up française prometteuse. Elle est aujourd’hui un groupe de 200 employés au chiffre d’affaires compris entre 50 et 100 millions de dollars. Scality a levé 45 millions de dollars en août 2015 puis 10 millions auprès de Hewlett-Packard Enterprise, son principal partenaire commercial avec Cisco. À l’occasion de ces levées de fonds, la société a doublé sa valorisation et n’entend pas en rester là. « Je veux faire de mon entreprise une “licorne” (valorisée à plus d’un milliard de dollars) », explique Jérôme Lecat. « Je veux prouver qu’un succès français est possible dans la Silicon Valley. » L’entreprise française profite de l’essor du cloud, dont le marché a atteint 175 milliards de dollars en 2015, d’après l’institut Gartner. Scality développe un logiciel, Ring, capable d’organiser le stockage et la répartition d’un très grand nombre de données non structurées. Une nouvelle version, Ring 6.0, est lancée jeudi. Les géants de l’informatique comme Dell ou HP sont très demandeurs de ces logiciels capables de mieux exploiter la capacité de leurs serveurs, qu’ils louent ensuite à leurs clients. Ils sont un avantage crucial pour rattraper les géants du Web déjà bien placés sur ce marché, comme Google ou Amazon. « Le marché du stockage a changé en dix ans », explique Jérôme Lecat. « Avant, l’essentiel des dépenses allait vers le matériel et l’entretien. Aujourd’hui, elles vont vers des logiciels hébergés en ligne, le cloud ou du stockage de grande capacité. C’est là que nous nous positionnons. C’est un marché qui représente plus de 30 milliards de dollars. » Soutien à Macron Scality est dans une position particulière. Ce n’est plus une start-up mais pas encore une grande entreprise. Son avenir se jouera, soit via une entrée en Bourse, d’ici à la fin de 2017, « à condition que le contexte soit bon », soit via un rachat par un géant de la technologie comme HPE. Le nom de Jérôme Lecat figure désormais dans la liste des quelques patrons français connus dans la Silicon Valley. Deux ans après son coup de gueule adressé à François Hollande, Jérôme Lecat salue les efforts de la French Tech, l’initiative du gouvernement en faveur des start-up. « Ils ont réussi à créer une marque. Où que j’aille dans le monde, on connaît la French Tech », assure-t-il. « Aux États-Unis, il y a une prise de conscience qu’il se passe quelque chose en France. » Malgré tout, la France a vu moins d’investissements dans ses start-up en 2015 (1,81 milliard d’euros, d’après l’institut EY) que le Royaume-Uni (4,3 milliards d’euros) ou l’Allemagne (2,6 milliards d’euros). « Les investisseurs américains n’ont pas de préjugés sur la nationalité d’un PDG. En revanche, d’autres clichés sont tenaces. Par exemple, lorsque j’ai voulu lever des fonds il y a trois ans, certains m’ont dit qu’ils ne voulaient pas investir dans une start-up employant des ingénieurs français », se souvient Jérôme Lecat. « Ils ne reconnaissent que les PDG qui ont exercé aux États-Unis. Si vous avez monté trois entreprises en France, vous serez quand même considéré comme un débutant. » Même s’il reconnaît des progrès, Jérôme Lecat déplore les problèmes tenaces d’image de la France mise à mal par les grèves et soutient la loi El Khomri. Du coup, le PDG de Scality est un fervent supporter d’Emmanuel Macron et de son mouvement En marche !. Il en fait la promotion auprès des autres patrons français de la Silicon Valley. « Macron est jeune, il a déjà travaillé en entreprise et a une vision de la France avec laquelle je suis en phase », conclut-il. ■ LA SÉANCE DU MERCREDI 8 JUIN LE CAC JOUR ACCOR .............................................. 39,905 ♣ AIR LIQUIDE .................................. 94,79 AIRBUS GROUP ..................................53,61 ARCELORMITTAL .................................. 4,88 AXA .............................................. 21,56 BNP PARIBAS ACT.A .................................. 46,405 BOUYGUES .............................................. 28,595 CAP GEMINI .................................. 87,06 CARREFOUR .............................................. 24,355 CREDIT AGRICOLE .................................. 8,651 DANONE ..............................................63,13 ENGIE .............................................. 14,31 ESSILOR INTL. ..................................118,1 KERING ..............................................154,65 KLEPIERRE .............................................. 41,745 L'OREAL ..............................................168,6 LAFARGEHOLCIM .................................. 40,79 LEGRAND ..............................................49,85 LVMH .............................................. 147,55 ♣ MICHELIN .............................................. 93,4 %VAR. -1,75 -0,43 +0,19 +2,74 -1,6 -1,4 -1,04 -0,75 -1,02 -1,69 -0,32 +2,58 -0,76 -1,21 +0,08 -0,12 +0,12 -1,01 -1,24 -0,48 +HAUTJOUR 40,69 95,21 54,12 4,935 21,825 46,925 28,885 87,61 24,625 8,79 63,39 14,31 118,95 156 41,75 168,6 41,24 50,29 149,05 94 +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12 39,845 94,41 53,11 4,685 21,485 46,2 28,5 86,65 24,27 8,62 62,95 13,91 117,9 153,95 41,39 166,85 40,44 49,545 147,15 92,62 0,295 0,258 0,227 1,52 0,187 0,217 0,153 0,292 0,234 0,189 0,135 0,461 0,144 0,238 0,281 0,078 0,079 0,232 0,108 0,245 -0,25 -8,55 -13,53 +25,22 -14,55 -11,15 -21,75 +1,71 -8,61 -20,49 +1,36 -12,34 +2,65 -2,09 +1,84 +8,56 -12,69 -4,5 +1,83 +6,26 JOUR NOKIA .............................................. 5,031 ORANGE ..............................................15,52 PERNOD RICARD .................................. 97,68 PEUGEOT .............................................. 13,895 ♣ 61,8 PUBLICIS GROUPE SA ............................. RENAULT .............................................. 81,5 SAFRAN ..............................................61,35 SAINT GOBAIN .................................. 39,375 SANOFI ..............................................72,65 SCHNEIDER ELECTRIC ............................. 56,73 SOCIETE GENERALE ♣ .................................. 34,94 SODEXO ..............................................94,81 SOLVAY ..............................................90,27 TECHNIP ♣ ..............................................52,05 TOTAL .............................................. 43,37 UNIBAIL-RODAMCO .................................. 243,05 VALEO .............................................. 46,145 VEOLIA ENVIRON. .................................. 20,565 ♣ VINCI .............................................. 66,15 VIVENDI ..............................................16,64 %VAR. -0,38 +0,13 -0,72 -1,87 +0,24 -1,69 -0,24 -0,44 -0,59 -0,49 -2,18 -0,97 -0,28 +2,62 -0,9 +0,39 +0,07 -0,07 -1,12 -1,22 +HAUTJOUR +BAS JOUR 5,07 15,595 98,16 14,12 62,19 82,92 61,45 39,62 73,59 56,98 35,65 95,63 90,39 52,44 43,815 244,2 46,195 20,71 66,79 16,83 5 15,38 97,1 13,855 61,07 81,4 60,91 39,18 72,21 56,46 34,755 94,19 89,61 50,51 43,32 240,5 45,79 20,46 66,04 16,64 %CAP.ECH 0,045 0,212 0,122 0,551 0,273 0,222 0,225 0,254 0,134 0,189 0,503 0,101 0,287 0,897 0,234 0,209 1,155 0,246 0,276 0,425 américains n’ont pas de préjugés sur la nationalité d’un PDG. En revanche, d’autres clichés sont tenaces. Par exemple, lorsque j’ai voulu lever des fonds il y a trois ans, certains m’ont dit qu’ils ne voulaient pas investir dans une start-up employant des ingénieurs français Station terrestre « Ce partenariat entre une start-up et une ETI a du sens. Il permet une vraie collaboration, qui est sans doute plus délicate à mettre en place avec un grand groupe », souligne Raphaël Gorgé. Les deux alliés ont mis en place des équipes mixtes. Et Delair-Tech va s’appuyer sur l’expertise du Groupe Gorgé dans la défense - plus de 60 armées dans le monde utilisent des drones et robots ECA -, et sa force de frappe à l’international. Son réseau commercial couvre 80 pays. De son côté, ECA « renforce et complète son offre de robots terrestres, navals et aériens à voilure tournante (IT 180) avec un drone à voilure fixe », souligne Raphaël Gorgé. Autre complémentarité, le développement d’une station terrestre de pilotage qui permettra aux militaires de se former indifféremment aux drones ECA ou Delair-Tech. Le DT26M est en outre 100 % français. « La fabrication de la cellule en composite et l’intégration des capteurs et composants électroniques sont réalisées à Toulouse. D’autres composants sont fabriqués en régions Paca et Bretagne », précise Michael de Lagarde. Quelque 30 embauches sont prévues en 2016 pour accompagner la montée en puissance du programme. Le DT26M est opérationnel et a été présenté aux armées. Il sera exposé à Eurosatory, le salon de l’armement aéroterrestre, qui ouvre ses portes le 13 juin à Villepinte. ■ » JÉRÔME LECAT Le DT26M, minidrone d’observation et de renseignement militaire, est développé par Delair-Tech et ECA. ROMAIN LAPORTE LES DEVISES 31/12 -23,66 +0,23 -7,15 -14,25 +0,68 -12,02 -3,19 -1,19 -7,57 +7,93 -17,92 +5,18 -8,29 +13,81 +5,1 +3,69 -67,63 -5,95 +11,85 -16,21 Les « investisseurs ARMEMENT Il s’agit de la première alliance dans l’industrie française des minidrones militaires. ECA, filiale spécialisée dans les drones et la robotique du Groupe Gorgé, et la start-up Delair-Tech annoncent, ce jeudi 9 juin, avoir noué un partenariat de long terme. Il vise à unir leurs forces pour répondre à des appels d’offres militaires et à développer et commercialiser des mini-drones tactiques de reconnaissance. L’initiative revient à la jeune pousse toulousaine Delair-Tech. « Nous avons lancé notre start-up en 2011 sur un marché risqué, celui des drones. Cinq ans plus tard, nous employons 60 personnes et nous avons développé des technologies à la pointe de l’innovation. Nous avons eu l’idée de nous allier avec une ETI à l’expertise reconnue dans les domaines industriels et militaires afin de présenter des offres crédibles », explique Michaël de Lagarde, PDG fondateur de la start-up, dans un entretien au Figaro. « Nous connaissons bien Delair-Tech, qui a développé des compétences dans les drones à voilure fixe. Et qui se place, en termes de sérieux, bien au-dessus de la multitude d’acteurs qui évoluent sur le marché des drones », souligne pour sa part Raphaël Gorgé, PDG du groupe éponyme. Le partenariat entre ECA et Delair-Tech donne le coup d’envoi de la commercialisation du DT26M, un système de minidrones d’observation et de renseignement militaire à voilure fixe, c’est-à-dire avec des ailes et une hélice. Le drone ressemble à un petit avion. C’est un poids plume de 15 kg, d’une envergure de 3,30 m et très endurant, avec une autonomie de 2 h 30 et un long rayon d’action (30 km) pour sa catégorie. Image stable grâce à une caméra gyrostabilisée, zoom de grande capacité, envoi en temps réel des données collectées à la station de pilotage, fonctions de cryptage, formatage de flux vidéo… Les concepteurs du DT26M estiment qu’il a des arguments pour convaincre les armées françaises et étrangères. MONNAIE AUSTRALIE ................................................................................ DOLLAR AUSTRALIEN CANADA ................................................................................ DOLLAR CANADIEN GDE BRETAGNE ................................................................................ LIVRE STERLING HONG KONG ................................................................................ DOLLAR DE HONG KONG JAPON ................................................................................ YEN SUISSE ................................................................................ FRANC SUISSE ETATS-UNIS ................................................................................ DOLLAR TUNISIE ................................................................................ DINAR TUNISIEN MAROC ................................................................................ DIHRAM TURQUIE ................................................................................ NOUVELLE LIVRE TURQUE EGYPTE ................................................................................ LIVRE EGYPTIENNE CHINE ................................................................................ YUAN INDE ................................................................................ ROUPIE ALGERIE ................................................................................ DINAR ALGERIEN SICAV ET FCP 1 EURO= 1,5228 1,443 0,7805 8,8338 121,77 1,0942 1,1378 2,3532 10,989 3,2799 10,126 7,4727 75,721 124,88 AUD CAD GBP HKD JPY CHF USD TND MAD TRY EGP CNY INR DZD VALEURS LIQUIDATIVES EN EUROS (OU EN DEVISES), HORS FRAIS VALEUR DATE DE LIQUID. VALORISAT. SICAV UNI HOCHE C ................................................ 251,29 06/06/16 BETELGEUSE ................................................ 45,98 06/06/16 BELLATRIX C ................................................ 303,09 06/06/16 VICTOIRE SIRIUS ................................................ 49,70 06/06/16 LE CAC JOUR %VAR. +HAUTJOUR RETROUVEZ J +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12 ACCOR .............................................. 39,905 -1,75 40,69 39,845 0,295 ♣ AIR LIQUIDE .................................. 94,79 -0,43 95,21 94,41 0,258 AIRBUS GROUP ..................................53,61 +0,19 54,12 53,11 0,227 ARCELORMITTAL .................................. 4,88 +2,74 4,935 4,685 1,52 AXA .............................................. 21,56 -1,6 21,825 21,485 0,187 BNP PARIBAS ACT.A .................................. 46,405 -1,4 46,925 46,2 0,217 BOUYGUES .............................................. 28,595 -1,04 28,885 28,5 0,153 CAP GEMINI .................................. 87,06 -0,75 87,61 86,65 0,292 CARREFOUR .............................................. 24,355 -1,02 24,625 24,27 0,234 CREDIT AGRICOLE .................................. 8,651 -1,69 8,79 8,62 0,189 DANONE ..............................................63,13 -0,32 63,39 62,95 0,135 ENGIE .............................................. 14,31 +2,58 14,31 13,91 0,461 ESSILOR INTL. ..................................118,1 -0,76 118,95 117,9 0,144 KERING ..............................................154,65 -1,21 156 153,95 0,238 KLEPIERRE .............................................. 41,745 +0,08 41,75 41,39 0,281 L'OREAL ..............................................168,6 -0,12 168,6 166,85 0,078 LAFARGEHOLCIM .................................. 40,79 +0,12 41,24 40,44 0,079 LEGRAND ..............................................49,85 -1,01 50,29 49,545 0,232 SITE D’INFORMATIONS EXCLUSIVES LVMH .............................................. 147,55 -1,24 149,05 147,15 0,108 ♣ MICHELIN .............................................. 93,4 -0,48 94 92,62 0,245 WWW.WANSQUARE.COM -0,25 -8,55 -13,53 +25,22 -14,55 -11,15 -21,75 +1,71 -8,61 -20,49 +1,36 -12,34 +2,65 -2,09 +1,84 +8,56 -12,69 -4,5 +1,83 +6,26 NOKIA .............................................. ORANGE ............................................ PERNOD RICARD ...........................9 PEUGEOT .......................................... ♣ PUBLICIS GROUPE SA ................ RENAULT .......................................... SAFRAN ............................................. SAINT GOBAIN ................................3 SANOFI ..............................................7 SCHNEIDER ELECTRIC ...............5 SOCIETE GENERALE ♣ ....................3 SODEXO ............................................9 SOLVAY .............................................9 TECHNIP ♣ ............................................5 TOTAL .............................................. 4 UNIBAIL-RODAMCO .................... 24 VALEO .............................................. 4 VEOLIA ENVIRON. .........................2 ♣ VINCI .............................................. 6 VIVENDI ............................................. Francfort a perdu 0,69 %, tandis que Londres a pris 0,27 %. Pour sa part, l’Euro Stoxx 50 a lâché 0,69 %. Le marché parisien a débuté la séance en repli assez marqué avant de remonter un peu la pente, puis de faiblir à nouveau. « Le marché baisse dans de faibles volumes, signe qu’il est attentiste après une hausse significative. Le manque d’initiatives s’explique par la proximité du référendum sur le Brexit qui se tient dans 15 jours », explique Daniel Larrouturou, directeur général délégué de Diamant Bleu Gestion. Les incertitudes entourant l’issue du vote limitent en effet la progression du marché en Europe, à l’image du CAC 40, qui du mal à atteindre les 4 500 points. De son côté, Wall Street, moins concernée par le référendum britannique, évolue proche de ses plus hauts niveaux. Parmi les valeurs, Ingenico a chuté (- 7,23 % à 100,75 euros), emportant avec lui Gemalto (- 1,39 % à 54,55 euros) et STMicroelectronics (- 2,82 % à 5,38 euros), dans le sillage de l’américain Verifone qui a décroché la veille après un avertissement sur résultat. La plupart des valeurs du secteur pétrolier et parapétrolier sont restées bien orientées, les cours du pétrole étant en hausse et proches de leurs plus hauts de l’année. Vallourec a pris 5,15 % à 3,76 euros, CGG 23,19 % à 0,85 euro, Technip 2,62 % à 52,05 euros et Maurel et Prom 2,33 % à 3,52 euros. ■ A LA BOURSE DE PARIS ATTENTISTE AVANT LE RÉFÉRENDUM BRITANNIQUE La Bourse de Paris a peu réagi mercredi au lancement par la BCE de son programme de rachat de dettes d’entreprises, terminant en baisse de 0,61 % à 4 448,73 points, au lendemain d’une séance de nette hausse (+ 1,19 %). Le volume d’échanges est resté relativement faible, à 2,6 milliards d’euros. Parmi les autres marchés européens, jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 26 MÉDIAS et PUBLICITÉ Inquiétudes autour de la chaîne d’information publique Les SDJ de France Télévisions et de France Info dénoncent « un projet non viable » à trois mois du lancement. 1er septembre Date de lancement de la chaîne d’info publique CHLOÉ WOITIER £@W_Chloe TÉLÉVISION À moins de trois mois du lancement de la chaîne d’information du service public, le flou règne au sein des rédactions de France Télévisions et de Radio France. Pour la première fois, les SDJ des deux entreprises publiques ont publié un communiqué commun pour dénoncer un manque d’informations concrètes de la part de leurs directions. « En l’état, le projet est très mal parti. Il y a de nombreuses questions sans réponse, ou avec des réponses divergentes selon que l’on s’adresse aux journalistes de France Télévisions ou de France Info », affirme Ilan Caro, président de la SDJ du site francetvinfo. « Un laboratoire social » La chaîne doit se lancer le 1er septembre à 18 heures sur le canal 27 de la TNT. Son nom, France Info, n’a pas été officialisé mais est déjà rejeté par les rédactions nationales de France Télévisions. Plusieurs points concrets n’ont pas encore été réglés. Qui de France 2, France 3 ou France Info devra faire des duplex à l’antenne, la chaîne ne disposant pas de ses propres reporters de terrain ? Que se passe-t-il en cas d’informations contradictoires selon les rédactions ? « On nous dit qu’il y aura des coordinateurs. Mais qui sont-ils, combien seront-ils ? Nous n’en savons rien », explique Ilan Caro. Les SDJ estiment aussi que le ton éditorial de la chaîne n’est pas totalement tranché. Si officiellement cette dernière doit proposer de la pédagogie et du décryptage, elle ne renonce pas pour autant au breaking news. La radio France Info, rodée à l’exercice, est d’ailleurs en train de construire un studio dédié pour, notamment, gérer l’antenne en cas d’actualité chaude. Plus de dix journalistes ont été embauchés par la radio pour assurer la présentation des flashs info. France Télévisions va, elle, recruter 175 journalistes et techniciens. Mais les syndicats voient d’un mauvais œil la description de leurs fiches de poste. Comme chez BFMTV ou i-Télé, les « deskeurs » devront à la fois écrire et faire le montage de leurs sujets. Ce qui ne correspond pas aux pratiques chez France 2 et France 3, où les métiers de rédacteurs et de monteurs sont distincts. « La chaîne info est autant un laboratoire social qu’un projet éditorial, affirme le SNJ. Ces pratiques ont vocation à se propager demain aux autres chaînes de l’entreprise. » Le SNJ et la CFDT ont saisi le tribunal de grande instance de Paris pour violation des accords collectifs. La chaîne d’info publique est aussi attaquée par la concurrence. Mercredi, NextRadioTV a appelé le CSA à réaliser « au plus vite » une étude d’impact qui, « si elle n’est pas prévue explicitement par la loi, n’en est pas moins légitime ». NextRadioTV met en garde sur les conséquences économiques de l’arrivée d’une quatrième chaîne d’information, alors que LCI vient à peine de passer en gratuit et qu’i-Télé est en déficit. ■ Avant-soirée : la guerre des chaînes est déclarée AUDIOVISUEL Le transfert de Yann Barthès, animateur emblématique de Canal +, sur TMC a sonné le début des grandes manœuvres. Même si les plans de bataille des chaînes ne sont pas encore définitivement arrêtés pour remporter la guerre de l’access prime time, chacun affûte ses armes. Certes, les hostilités ne sont pas encore officiellement ouvertes, mais les signes avant-coureurs de la crise sont déjà visibles. Premier mouvement stratégique, le déploiement dans les médias des têtes d’affiche envoyées au front de l’avant-soirée : Arthur et Yann Barthès du côté de TF1 et TMC, Nagui et Anne-Sophie Lapix sur France Télévisions, Cyril Hanouna et Camille Combal sur D8, Cristina Cordula et Stéphane Plaza sur M6… Pour l’heure, chacun montre ses muscles. L’enjeu est suffisamment important pour que les chaînes déploient l’artillerie lourde. À elle seule, la tranche horaire comprise entre 18 heures et 20 heures concentre en effet « entre 15 et 20 % » des recettes publicitaires des chaînes, estime Philippe Nouchi, le directeur de l’expertise médias de Publicis Média. Ce carrefour d’audience, qui rassemble entre 12 et plus de 21 millions de Français, est d’autant plus stratégique qu’il remplit aussi une autre fonction capitale : celle de servir de rampe de lancement au JT du 20 heures, lui-même assigné au rôle de locomotive afin de maximiser le nombre de téléspectateurs au moment du prime time. Pour le service public, interdit de spots publicitaires après 20 heures, l’avant-soirée est encore plus cruciale dans la mesure où elle a valeur de prime time. De quoi mettre toutes ses forces dans la bataille. Sur TF1, Arthur est déjà en rodage pour la rentrée. Sa nouvelle émission « Cinq à sept » démarre très doucement. Elle n’a rassemblé pour son premier jour de diffusion que 1,3 million de curieux, soit 13,8 % de l’ensemble du public. Et mardi, le second numéro de ce talk-show était encore en baisse à 1,2 million de téléspectateurs, soit 12,4 % de part de marché. Bien en deçà des scores habituels… Entre 17 heures et 19 heures, TF1 attire en moyenne 2 millions de Français. Yann Barthès (à gauche) et Arthur. ALAIN GUIZARD/ BESTIMAGE, FRÉDERIC BERTHET/TF1 20 heures, M6 concentre 18,8 % de part de marché sur cette cible contre 18,2 % pour TF1. « En deux ans, la Une a perdu quatre points sur les ménagères quand M6 en a gagné trois. On peut penser qu’un transfert s’est opéré, sachant que le public de Nagui sur France 2 est plutôt fidèle », indique Philippe Nouchi. En attendant que TF1 peaufine sa stratégie ou revoie son plan de bataille, M6 conserve sa reine du shopping Cristina Cordula et son roi de l’immobi- 10 LES MARQUES LES PLUS CHÈRES èApple èMicrosoft èAT&T èFacebook èVisa EY partenaire © 2016 Ernst & Young Associés | Tous droits réservés – Studio EY France : 1606SG831. ED None. * Une question pertinente. Une réponse adaptée. Un monde qui avance. A ey.com/fr MARMARA/LE FIGARO lier Stéphane Plaza. On ne change pas une équipe qui gagne le cœur des ménagères… France Télévisions va continuer à miser sur deux de ses valeurs sûres. Nagui avec « N’oubliez pas les paroles » sur France 2 et Anne-Sophie Lapix confirmée aux manettes de « C à vous » sur France 5. Cette dernière va devoir redoubler d’effort. La guerre de l’access sur la TNT promet d’être sanglante. Yann Barthès arrive sur TMC en quotidienne face au trublion de D8 Cyril Hanouna, qui Stéphane Plaza séduit en moyenne 1,5 million de fidèles. Et il compte bien lui tailler des croupières. Il ne sera d’ailleurs pas seul pour l’affronter : l’ancienne icône de Canal + débarque avec tous ses fidèles soldats du « Petit Journal »… Cyril Hanouna prépare déjà la riposte. Il a fait monter aux avant-postes son lieutenant Camille Combal, attendu sur la case du pré-access de D8, entre 18 heures et 19 heures, juste avant « Touche pas à mon poste ! ». Choc des titans et cadavres à prévoir sur le champ de bataille à la rentrée. ■ Le géant du Web repasse devant Apple. èGoogle Et vous, comment allez-vous contribuer à construire le monde de demain ? Cristina Cordula Google redevient la marque la plus chère du monde Plus de ménagères sur M6 Difficile pour l’instant de savoir si la greffe va finir par prendre. Installer une nouvelle marque à l’antenne nécessite forcément du temps. Toute la question est de savoir aujourd’hui si la Une pourra patienter très longtemps. Si elle fait largement la course en tête sur le public des 4 ans et plus, tandis que France 2 et M6 sont au coude à coude, en revanche la Six remporte les suffrages des ménagères, la cible publicitaire la plus choyée. D’après les chiffres de Publicis Média, entre 18 heures et M6 Cyril Hanouna Camille Combal TF1-TMC CAROLINE SALLÉ £@carolinesalle Anne-Sophie Lapix MARMARA/LE FIGARO BOUCHON, SORIANO/LE FIGARO Nagui D8 FRANCE TV Stratégique, la case de l’avant-20 heures concentre entre 15 % et 20 % des recettes publicitaires d’une chaîne. èAmazon èVerizon èMcDonald’s èIBM MARKETING Avec une valeur estimée de 229 milliards de dollars, en hausse de 32 % en un an, Google a regagné son rang de marque la plus chère de la planète, selon le classement annuel BrandZ des 100 marques les plus puissantes établi par Millward Brown (Kantar/WPP). Le moteur de recherche américain, qui est désormais la principale filiale d’Alphabet, dame le pion à Apple, qui rétrograde d’une place avec une valeur estimée à 228 milliards de dollars, en recul de 8 %. Google et Apple se disputent cette première place depuis plusieurs années, l’un et l’autre décrochant la timbale alternativement. Le premier bénéficie du boom de la publicité sur Internet, dont il capte une part importante, et de la croissance de son offre dans le cloud. Le second pâtit en revanche d’un essoufflement du marché du smartphone, où il continue de prospérer grâce à l’iPhone mais sur lequel la concurrence est de plus en plus acérée. Dans l’ordre suivent Microsoft (122 milliards, + 5 %), le géant américain des télécoms AT&T (107 milliards, + 20 %), Facebook (102 milliards, + 44 %), Visa (100 milliards, + 10 %), Amazon (près de 99 milliards, + 59 %), l’opérateur télécoms Verizon (93 milliards, + 8 %), McDonald’s (88 milliards, + 9 %) et IBM (86 milliards, - 8 %). Le top 10 est donc constitué dans sa totalité de marques américai- nes. Trois marques chinoises - Tencent, China Mobile et Alibaba - se glissent respectivement aux 11e, 15e et 18e places. Les premières marques européennes sont l’éditeur allemand de logiciel SAP (39 milliards de dollars), à la 22e place, suivi par deux géants des télécoms, Deutsche Telekom (37,7 milliards, 23e) et le britannique Vodafone (36,7 milliards, 25e). Les marques issues des nouvelles technologies et de l’Internet sont toujours plus présentes et puissantes dans le classement, avec des profitabilités records et des capacités d’adaptation rapides. La France en hausse La première marque française demeure Louis Vuitton, qui gagne deux rangs à la 30e place avec une valeur estimée de 28,5 milliards de dollars. Viennent ensuite L’Oréal (36e), Hermès (44e) et Orange (53e). Toutes montent dans le classement. L’Hexagone se distingue toujours dans les secteurs du luxe et des cosmétiques. La France pourrait à terme pousser d’autres marques, peut-être dans la robotique où elle est bien placée après les États-Unis et le Japon. Millward Brown estime la valeur des 100 premières marques mondiales à 3 400 milliards de dollars, soit le PIB de l’Allemagne. La société d’études fait ses calculs sur la base des performances financières des sociétés concernées, mais aussi sur la capacité des marques à s’attacher les consommateurs. ■ A. D. jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO - N° 22 342 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr STYLE Ralph Lauren LA ROBE-CHEMISE, UN INDÉMODABLE DE L’ÉTÉ DEPUIS MARIE-ANTOINETTE PAGE 32 ENQUÊTE ÇA C’EST... NÎMES UNE AFFAIRE DE FAUX MEUBLES SUPPOSÉS SECOUE LE MARCHÉ DE L’ART PAGE 29 Ariane Bavelier UNE REINE DANS L’ARÈNE «LE SACRE» DE PINA BAUSCH AVEC L’ORCHESTRE DES SIÈCLES. C ertains spectateurs venaient spécialement du Japon. Le Tanztheater de Wuppertal dansait Café Müller et Le Sacre du printemps de Pina Bausch dans les arènes de Nîmes. Avec, disposés devant la scène, les 120 musiciens de l’orchestre Les Siècles de François-Xavier Roth. Autrement dit une considérable formation symphonique. Le Tout-Nîmes qui s’était ligué pour que le miracle se produise trottait autour des arènes pour trouver son vomitoire. Sur les 13 000 places disponibles pour la corrida, seules les 2 000 dressées bien en face de la scène avaient été ouvertes. Et la ville pavoisait. La danse surgissait dans l’eau des fontaines, dans les vitrines de la Librairie Goyard, dans le vol des martinets striant le soir bleui, dans la bise qui délicatement faisait ondoyer les robes des danseuses immobiles. Le public mélangeait aficionados et parfaits novices, attirés par ce projet pharaonique dont la ville bruissait depuis deux ans. Il était entendu qu’il faudrait s’extasier. Mais serait-on pris ? « Il faut dire que c’est spécial… », lançait à son mari assoupi une dame installée dans le carré or après Café Müller. Pina Bausch avait écrit pour elle-même et Malou Airaudo cette errance de deux femmes aveugles au milieu de chaises, celles du café tenu par ses parents, dressées telle la forêt des souvenirs. Forêt un peu perdue, comme Helena Pikon et Azusa Seyama, dans l’immensité des arènes. « Pina me manque plus que jamais et je pleure », confessait une fidèle éplorée. Le Sacre, en revanche, fut grandiose en puissance, en émotions et en éclats sauvages. Rondes et diagonales déroulées sur un tapis de terre, sous le ciel zébré d’éclairs qui passaient par là en ayant la courtoisie de se taire, et emportées par l’orchestre. Les Siècles jouait sur instruments de 1913, année de la création du Sacre, une partition revue par Roth. Un festin de nuances et de couleurs d’une délicatesse étourdissante. Les disques, mémoire de Radio France D’Abba à Zappa, la Maison ronde met en vente, le 19 juin, 8 000 vinyles pour financer la numérisation de sa discothèque. Des pépites qui attisent déjà la convoitise des collectionneurs. FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO PAGE 28 Rouen redécouvre son patrimoine juif médiéval SOUSCRIPTION Avec ses graffitis en hébreu, la Maison sublime, ancien centre religieux du XIIe siècle situé au sous-sol du palais de justice, dépérit. Le 14 juin, la ville et la Fondation du patrimoine lancent un appel aux dons pour la restaurer. On connaît Rouen pour ses maisons à colombages, sa cathédrale célébrée par les impressionnistes et le martyre de Jeanne d’Arc. Mais le 14 juin, la ville et la Fondation du patrimoine vont lancer une souscription publique pour un tout autre type de patrimoine, lié à une histoire méconnue. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la préfecture normande possède la plus ancienne trace juive de France, datant de 1 100. Et quelle trace ! Sa découverte, en 1976, avait fait sensation. À l’occasion de travaux dans le palais de justice, les pelleteuses avaient fortuitement mis au jour la cave et le rez-de-chaussée d’une maison romane du XIIe siècle, situés sous la cour. Appelés en renfort, les archéologues avaient vite découvert que le long bâtiment, avec ses colonnes décorées d’un dragon ou d’un double lion renversé, était lié à l’histoire de la présence juive en Normandie. Sur plusieurs murs de la maison se trouvent une douzaine de graffitis en hébreu, parfois signés d’un Josué, Amram ou Isaac. L’un d’eux, encore parfaitement lisible, rappelle une citation du Livre des rois : « La Torah de Dieu… puisse-t-elle toujours exister et Que cette maison soit (toujours) sublime. » Une querelle d’experts a bien sûr éclaté sur la destination exacte de la Maison sublime. Maison privée d’un riche marchand ? Synagogue ? École rabbinique ? Aujourd’hui, ils penchent pour cette dernière option. La salle du bas, dallée et éclairée par quatre fenêtres, servait certainement de bibliothèque et contenait, enfer- ELIOT-RIOLAND/ED. POINT DE VUES, MARCELO SOUBHIA més dans des armoires placées contre les murs, des manuscrits que les étudiants empruntaient pour lire aux étages supérieurs. Ils y accédaient par un escalier en spirale logé dans une tourelle en demi-cercle, encore debout. La maison faisait trois ou quatre étages, preuve de son implantation dans la ville. L’installation des juifs à Rouen, démarrée à la colonisation romaine, dura jusqu’en 1306, date de leur expulsion par Philippe le Bel. À l’époque, on estime que 5 000 d’entre eux vi- vaient dans un quartier situé entre l’actuelle rue du Gros-Horloge et la rue des Carmes, en plein cœur de Rouen. « Des écoles de ce type ont existé au Moyen Âge dans d’autres villes, mais elle est la seule conservée en France », affirme Jacques-Sylvain Klein, délégué de l’association La Maison sublime. Une part du passé normand Découverte fortuitement en 1976, la Maison sublime, édifiée au XIIe siècle à Rouen, renferme la plus ancienne trace juive de France. Mais si cette dernière était un centre intellectuel et religieux florissant en 1100, elle n’a pas les honneurs qu’elle mériterait aujourd’hui. Sur les grilles, de grands panneaux expliquent l’histoire du magnifique palais de justice, construit en 1499. Pas un mot sur le trésor qu’il cache dans son sous-sol ! Seul un marquage blanc sur le sol de la cour, à destination des automobilistes, laisse deviner qu’il y a quelque chose à protéger en dessous. En 1976, le maire de l’époque, Jean Lecanuet, avait tout fait pour faire classer la maison. Il avait compris que le monument, autrefois entouré d’une synagogue et d’habitations, portait un message : cette maison montre que les juifs faisaient partie intégrante de la vie rouennaise médiévale, tout comme à Narbonne, Reims, Marseille ou Paris. Mais qui, des juifs ou des chrétiens, se souvient de cette part du passé normand ? Faute d’attention, la maison est infiltrée par l’eau et dépérit. Elle a été ouverte aux visites jusqu’en 2001, puis fermée jusqu’en 2009. Depuis, des petits groupes peuvent y descendre. « Si nous parvenons à la restaurer, notre ambition est d’ouvrir largement, avec des guides et une scénographie », espère Guy Pessiot, adjoint au maire en charge du patrimoine. ■ www.fondationdupatrimoine.org A CLAIRE BOMMELAER [email protected] jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 28 L'ÉVÉNEMENT La plus belle discothèque de Paris Dans un entrepôt du nord de Paris de 4 000 m2, la Maison ronde a stocké 500 000 vinyles. 8 000 d’entre eux, des doublons, dont certaines pièces rares, seront vendus le 19 juin. REPORTAGE Radio France met en vente, le 19 juin, 8 000 vinyles de ses archives. Tour de piste avant coups de marteau. A C’ contempler des dizaines d’années d’enregistrement. C’est en 1946 qu’un fonds documentaire spécifique a été organisé. OLIVIER NUC Pour la RDF d’abord, puis la RTF, l’ORTF, £@oliviernuc et, depuis le 1er janvier 1975, pour Radio France. Le plus vieil objet stocké est un est un temple de la cylindre de 1901. Ici, tous les supports connaissance, où le passé dialogue avec physiques sont représentés, soit un pal’avenir. Sise dans un entrepôt du nord de norama saisissant de l’évolution de la reParis de 4 000 m2, depuis le début des traproduction du son des dernières décenvaux de la Maison de la Radio, en 2006, la nies. Si les 33-tours se taillent la part du discothèque de Radio France n’ouvre pas lion, les 45-tours et les 78-tours ne sont facilement ses portes. Sous l’impulsion de pas en reste, avec des étagères dédiées. son actif directeur, Marc Maret, en poste Résultat de vingt ans de dons de particudepuis 2010, le lieu s’est progressivement liers, ces derniers étaient dispersés juslaissé approcher, livrant quelques-uns de qu’à ce qu’un des cinq permanents préses secrets. Depuis janvier 2012, une cinsents dans cette caverne d’Ali Baba ne se quantaine de musiciens y a été reçue dans charge de les classer. le cadre de l’émission « Radio Vinyle ». Celui-ci est en carton, celui-là, frappé Archie Shepp, Damon Albarn, Françoise du logo « Festival », présente un proHardy et bien d’autres ont pu explorer la gramme intitulé « Colette vous parle ». vertigineuse collection de disques et déOn apprend au passage que Decca a été la voilé quelques-uns des trésors trouvés. première marque à reproduire la photo Diffusée sur les antennes de Radio Frandes artistes sur la pochette, jusque-là réce, sur un site Internet dédié, l’émission servée au logo du label éditeur. Depuis est désormais retransmise sur France Ô. leur apparition, à la fin des années 1940, Catalogues prestigieux jusqu’en 1979, les 33-tours ont été rangés par label, au rythme de 150 à 180 par Le 19 juin prochain, à 14 heures, à la Mairayonnage. Un coup d’œil permet de se son de la Radio, 8 000 vinyles, sur les replonger dans quelques catalogues pres500 000 entreposés ici, seront mis à l’entigieux : Barclay, Harvest, Island, Reprican. Cette vente sera suise, ou des curiosités vie de quatre autres. Il comme Folkways s’agit de financer le proRecordings, qui gramme de numérisation proposent des dodes archives de la maicuments sonores son, dont le coût est trop aussi intenses que lourd à supporter par le From The Cold Jaws service public. Une of Prison, recueil de partie des doublons, chansons écrites répartis en 424 lots, par les détenus de ont été répertoriés par prisons américaines. deux experts afin de La plupart de ces dissatisfaire la demande ques viennent de des collectionneurs. services de presse, Depuis son retour en certains ont été acquis force il y a quelques par la maison, années, le disque vinyle est d’autres ont été rapen effet redevenu un objet de BYRD IN PARIS portés par des journalisconvoitise. Enregistré en quintet tes au fil de reportages en À l’heure du numérique, le 22 octobre 1958 à pays lointain. maintenir en vie un lieu ausl’Olympia par le grand Outre la gestion des si exceptionnel relève de saxophoniste Donald archives, une portion l’exploit. Ici, au détour Byrd, un de nos lecteurs, réduite de leur activité, d’impressionnants rayonce disque marque les personnels de la disnages, il est possible d’adl’émergence du hard bop. cothèque sont chargés mirer les pochettes, d’en Estimation 200 à 400 €. de fournir les producapprécier le grain et de SYD BARRETT Perle de la vente, ce tirage français du premier 45-tours solo du fondateur de Pink Floyd date de novembre 1969. En face B, Golden Hair, poème de James Joyce mis en musique. Estimation de 6 000 à 7 500 €. PHOTOS FRANCOIS BOUCHON/ LE FIGARO JACQUES DUTRONC teurs des antennes de Radio France en contenus. Au rythme de plusieurs navettes quotidiennes, ceux-ci (disques, partitions, coupures de presse, ouvrages spécialisés) transitent entre l’entrepôt et la Maison ronde. En sus des objets physiques, on se charge aussi des numérisations d’urgence. Le 24 mai dernier, il s’agissait d’être prêt dès 5 heures du matin à diffuser Encore ce soir, le nouveau single de Céline Dion. MP3 interdits Ouverte en 2006, la plateforme numérique permet aux chaînes France Inter et FIP de ne jouer que des fichiers numériques de type WAV, à la qualité supérieure au MP3, interdit d’antenne. Plus de 2 millions de fichiers sonores sont déjà disponibles, et ce chiffre continuera d’augmenter lorsque le fruit des ventes permettra le financement du processus. Avec pour objectif, lors du transfert des archives dans une Maison de la Radio rénovée, de ne garder qu’un exemplaire « mint » – en parfait état, selon la terminologie des collectionneurs – de chaque référence. Le très actif directeur, Marc Maret, développe par ailleurs d’autres activités : des expositions temporaires, mettant en valeur le fonds (la première, présentée au Printemps de Bourges en 2010, a été consacrée à Gainsbourg) ou l’édition de sessions uniques, pressées en petite quantité, qui constitueront les collectors de demain. Alors que la vente du 19 juin promet d’être marquée par la frénésie des collectionneurs, ici, on conserve une vision strictement documentaire : «Pour nous, un disque correspond à sa valeur d’utilité d’antenne uniquement », tempère Marc Maret. ■ Vente organisée par Art Richelieu le 19 juin à la Maison de la Radio (Paris XVIe). + @ SUR LE WEB » 11 juin – Jack-Philippe Ruellan, Vannes : l’âge d’or du cinéma » 12 juin – Millon Bruxelles : bandes dessinées » 13 juin – Hôtel des ventes de Genève : art de l’antiquité encheres.lefigaro.fr Cet album de 1968 du crooner inclut Il est cinq heures, Paris s’éveille. Il est vendu parmi un lot de trois albums de son épouse Françoise Hardy. Estimation de 40 à 60 €. FELA KUTI Inventeur de l’Afrobeat, le Nigérian Fela Kuti, grande figure de la musique africaine des années 1970, est représenté à travers un lot de trois disques dont celui-ci, enregistré à Lagos en 1972. Estimation de 40 à 60 €. Un marché qui creuse son sillon VALÉRIE SASPORTAS [email protected] Sa première vente l’a persuadé d’en organiser une seconde. Le 10 février dernier, le commissaire-priseur David Nordmann a vendu pour 54 005 euros cinq cents disques vinyles des années 1960 à 1980, aux pochettes illustrées par des artistes stars de l’art contemporain, Salle Favart à Paris. Il promet de « faire mieux » lors de la prochaine vacation, qu’il prévoit en septembre. Le marteau de la maison Ader-Nordmann s’enthousiasme pour « cette période de découverte ». Confiée au soir de la première, sa conviction est que « le vinyle représente ce que la bande dessinée était il y a trente ans : un secteur riche de promesses. L’étendard de la nostalgie d’une époque. Un produit multiple, souvent mal conser- vé, dont la ruée vers les exemplaires parfaits a commencé ». Nordmann surfe sur la vague. Quelques mois avant lui, entre les 23 et 24 novembre 2015, un autre commissaire-priseur parisien, Alexandre Ferri, a dispersé pour 97 280 euros la plus grande collection de vinyles de jazz à Drouot : plus de 10 000 albums, dont la pépite Africa/Brass de John Coltrane et son groupe, datant de 1961, et dédicacé par John Coltrane et par McCoy Tyner. Et pourtant tout ne se passe pas qu’à Paris. Des perles à la portée de tous Dans les prochains jours, à Moulins (Allier), le 20 juin, la société Enchères Sadde va à son tour organiser une vente inédite de vinyles de jazz. Plus de 400 lots de 33-tours, 25 et 30 cm, sont au catalogue. « La plupart ont été peu ou pas écoutés, certains encore scellés. Ils proviennent essentiellement d’une seule collection privée, soigneusement entretenue, stoc- kée en appartement et sous pochette plastique », affirme la commissaire-priseur Marie-Mathilde Sadde-Collette. Le propriétaire de la collection est le fondateur d’un club de jazz, la Souris Noire, à Sancerre, fan de cette musique depuis l’âge de 18 ans. « Son premier vinyle était Petite Fleur de Sidney Bechet », poursuit Marie-Mathilde Sadde, qui annonce le second volet de cette vente à l’automne. En attendant, cette vacation compte quelques perles à la portée de tous : un 33-tours de Cecil Taylor, Unit Structures, du label Blue Note (1966), dans sa pochette, « probablement jamais joué », estimé entre 80 et 100 euros. Ou cet autre 33-tours du trio du contrebassiste Henry Grimes, You Never Heard Such Sounds In Your Life, de 1966, dans sa pochette et également a priori jamais joué, pour 60 à 80 euros. À savoir lequel des deux attire le plus : les vinyles ou le jazz ? ■ LE FIGARO CULTURE 29 Mobilier en toc ou d’époque ? Vendue près de 250 000 euros, la bergère de Madame Élisabeth, la sœur de Louis XVI, réalisée par Jean-Baptiste Boulard, pourrait faire partie d’un lot de faux dont certains ont été acquis par le domaine de Versailles. DR ANTIQUITÉS Laurent Kraemer, l’expert Bill Pallot et un restaurateur sont en garde à vue depuis mardi pour une affaire de faux meubles supposés XVIIIe. Le scandale pourrait éclabousser Versailles. ommes-nous à la veille d’un grand scandale du marché de l’art ? Dans l’affaire de faux meubles supposés XVIIIe, le choc des mots a son importance pour ne pas voir s’écrouler un monde où les secrets demeurent bien gardés au sein de leurs écrins feutrés… La maison Kraemer, qui s’est réunie en urgence, mardi soir, rue de Monceau, avec ses conseillers et avocats, a publié un bref communiqué vers 23 heures : « Un membre de la maison Kraemer a été entendu dans le cadre de la procédure en cours. » Il s’agit de Laurent Kraemer qui dirige de fait cette ancienne galerie familiale, spécialisée depuis 1875 dans le mobilier et les objets d’art du XVIIIe siècle. Kraemer est une figure majeure de la Biennale des antiquaires. Elle risque d’ouvrir, début septembre, au Grand Palais, dans un climat de suspicion, si la lumière n’est pas faite d’ici là. Mercredi matin, la maison Kraemer tenait à préciser après nos révélations dans notre édition du 8 juin : « Il n’y a pas eu d’arrestation pour “escroquerie”. La réalité est qu’il y a une enquête en cours pour éclaircir une affaire, avec des confrontations s’il y a lieu, dans le cadre d’une procédure normale. » Bien décidée à se défendre, la famille ajoute qu’elle « n’a jamais fait fabriquer de meubles quels qu’ils soient, juste des restaurations comme il se doit et qu’elle est convaincue de l’authenticité des meubles qu’elle vend ». “ Beaucoup de faux entrés à Versailles ont été achetés avec de l’argent public et souvent aussi avec des dons de personnes privées CHARLES HOOREMAN, ANCIEN ÉLÈVE DU MARCHAND BILL PALLOT ” La procédure prend une autre tournure en superposant deux affaires ayant peut-être un lien. Celle impliquant l’antiquaire de la rue du FaubourgSaint-Honoré, Jean Lupu, est en cours, après que ce dernier, dont le marché connaissait les agissements depuis des années, a été mis en garde à vue durant 48 heures, en mars dernier. Il est soupçonné par l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC) et par l’Office de répression de la grande délinquance financière de la police judiciaire (OCRGDF) d’avoir vendu comme XVIIIe des meubles transformés pas plus tard qu’hier. En fait, il s’agirait de carcasses de meubles tellement enjolivées de laques, de plaques de porcelaines, de marqueteries et de bronzes dorés qu’elles n’auraient plus grand-chose d’authentique. Elles auraient été proposées à quelques centaines de milliers d’euros, ce qui paraît fort cher pour des pièces qui ne valent pas un sou à la revente, dans différentes maisons d’enchères en France et en Europe. Le nom de la principale d’entre elles est sur toutes les bouches mais curieusement n’a pas encore été révélé. À ce trafic organisé dans l’intention de tromper sur lequel enquête avec détermination le colonel Ludovic Ehrhart, chef de l’OCBC, est venue se greffer une autre affaire visant marchands, experts, décorateurs de renom agissant pour d’illustres clients et, surtout, un célèbre musée parisien : le château de Versailles. Certains sièges y seraient entrés, par l’intermédiaire d’antiquaires aussi réputés que les Kraemer, après avoir été classés « trésor national ». Et avoir passé le filtre des commissions des musées. Les galeristes auraient vendu deux paires de chaises de Delanois dont l’une serait fausse. D’autres sièges, classés également « trésor national », auraient été cédés à un éminent collectionneur puis, dans le doute, remboursés à ce dernier, les intermédiaires renonçant tout naturellement à leurs commissions. Figurant dans la liste du comité d’expertise de la prochaine Biennale, l’ébéniste Sébastien Evain aurait fait une expertise confirmant que, selon lui, cette paire de chaises provenant de l’appartement de Marie-Antoinette qui fut entre les mains des Kraemer serait de fabrication contemporaine, après démontage et autopsie scientifique. La paire a fait l’objet pourtant d’une interdiction de sortie et, elle aussi, d’un classement. Une contre-expertise serait en cours sur ces chaises qui ont leur pendant à Versailles et au Getty Museum. « Dans ce domaine des objets donnés faux, on a vu des retournements spectaculaires, comme celui de la terrine du duc de Kingston, considérée comme authentique là où elle avait été déclarée fausse pour non-conformité aux règles de l’art par jugement du tribunal de la Seine en 1923, explique un expert parisien. Elle a été réhabilitée seulement en 1998. » C’est dire la complexité du domaine de l’expertise… Interrogée mercredi, Béatrix Saule, directrice du Musée de Versailles, n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet. « Il y a une enquête officielle en cours et l’on n’a pas à intervenir en faisant des commentaires », a-t-elle répondu sèchement. On peut comprendre l’embarras du domaine sur l’éventualité d’un scandale, à quelques mois du départ de sa directrice. Cette nouvelle affaire de faux viendrait de révélations de Charles Hooreman. Ce passionné de sièges XVIIIe ne se cache pas d’avoir contacté la presse spécialisée pour venir le consulter dans ses appartements-bureaux sur cour d’un ancien hôtel particulier du VIIIe arrondissement. Ses affirmations restent floues mais seraient, à l’entendre, guidées par un désir chevaleresque : « Je suis là pour vous dire ce que je sais mais je ne cherche pas à prouver quoi que ce soit, explique cet ancien élève du marchand Bill Pallot qui affirme avoir été entendu lui aussi par l’OCBC. Je cherche juste à ce que la vérité éclate. Beaucoup de faux entrés à Versailles ont été achetés avec de l’argent public et souvent aussi avec des dons de personnes privées. En tant que simple citoyen, je n’ai pas envie de voir de faux dans un musée, ni au Louvre, ni ailleurs… » Selon Charles Hooreman, ces meubles proviendraient d’une seule et même filière, comme une douzaine d’autres, vendus entre 2009 et 2012, et dont il a établi une liste. En cause notamment : la bergère de Madame Élisabeth, réalisée par Jean-Baptiste Boulard et provenant du salon de compagnie de la sœur de Louis XVI, au château de Montreuil. Elle a été préemptée par Versailles à 247 840 euros sous le marteau de Thierry de Maigret, à Drouot, en 2011. Alors même qu’elle aurait été proposée à divers marchands au prix dément d’un million d’euros. Toujours selon Charles Hooreman, certains meubles auraient été achetés via l’expert Guillaume Dillée. Ce dernier est parti vivre à Melbourne en Australie, juste avant que Sotheby’s ne vende la collection d’art du cabinet d’expertise de sa famille, officiant sur le marché depuis 1925. « Dans ce genre d’affaires, il y a toujours ceux qui dénoncent pour en récolter des intérêts, résume le colonel Ludovic Ehrhart. Ceux qui ont préparé leurs sacs pour partir à Fresnes ont le temps de voir pourrir leurs affaires, l’affaire sera longue et difficile pour apporter toutes les preuves. » Pourquoi l’OCBC a-t-il décidé d’accélérer l’enquête ? L’affaire gonflait depuis des mois, elle risquait de sortir au grand jour. Et cela n’est pas un hasard si ces auditions de Laurent Kraemer, Bill Pallot, un restaurateur et d’autres annoncés sont tombées la veille de l’ouverture, ce mercredi 8 juin au Petit Palais, des premières assises de l’expertise organisées par la CNE (Compagnie nationale des experts). Un prétendu amateur du XVIIIe siècle, Frédérick Fermin, masseur-kinésithérapeute dans le Bas-Rhin, à la tête d’une société nommée « Décoration Grand Siècle », vendant du matériel médical !, est venu semer le trouble lors de ces discussions. « C’est une mafia, il fallait assainir ce marché depuis trente ans », a-t-il lancé avant de se faire renvoyer dans ses meubles par le colonel Ehrhart. À certains marchands, experts et maisons de ventes, Fermin aurait récla- mé des sommes importantes d’argent pour se faire rembourser des pièces qu’il jugeait non authentiques, sous peine d’une longue liste de révélations. Certains se sont laissé intimider, d’autres ont porté plainte contre cet homme qui, à chaque reprise de ses objets, aurait encaissé quelques bénéfices. Ce chantage n’est qu’un petit chapitre dans le roman d’une supposée grande affaire qui enfle de jour en jour sur fond de jalousie, vengeance et règlements de comptes. « Je refuse de parler à ce M. Hooreman que j’ai aidé, interdit de séjour à Versailles comme Christian Baulez et qui n’est jamais venu me voir », tempêtait Bill Pallot, quatre jours avant son interpellation. Qui piège qui ? Il faut rester prudent. On devrait aujourd’hui connaître les premiers résultats de ces gardes à vue, mais à l’évidence le feuilleton nous réserve de nombreux rebondissements. ■ COMMUNIQUÉ Monsieur le Président de la République, la loi “création” ne doit pas sacrifier les artistes interprètes dans l’intérêt de l’industrie du disque Monsieur le Président, Le projet de loi “liberté de la création, architecture et patrimoine” entre dans sa dernière phase d’examen au Parlement. Dans sa rédaction proposée par le gouvernement, comme après les différents amendements qui ont pu être apportés par les parlementaires, ce texte, loin de protéger la création, favorise l’industrie du disque aux dépens des artistes interprètes. L’un des grands enjeux de la culture, en France comme en Europe, est d’adapter la propriété intellectuelle aux nouveaux modes de diffusion de la culture, et en particulier par Internet. La diffusion de musique, comme de films, par les nouvelles plateformes de service à la demande, en flux ou par téléchargement, se développe aujourd’hui sans que les artistes interprètes ne soient rémunérés. Ainsi, dans le domaine de la musique, seules quelques vedettes perçoivent une petite part des sommes perçues par les producteurs. L’immense majorité des artistes ne reçoit aucune rémunération spécifique lorsqu’un titre est téléchargé ou écouté à partir d’une plateforme, alors que la loi leur donne, depuis 1985, par exemple, des garanties de rémunération pour la diffusion sur les radios. Ce débat, essentiel, a été confisqué par le gouvernement, au motif qu’au terme d’une mission confiée par la Ministre de la Culture Fleur Pellerin, quelques organisations d’artistes interprètes ont accepté de renvoyer ce débat à un accord syndical, qui, jusqu’à présent, n’a abouti qu’à sacrifier les droits des artistes au bénéfice de l’industrie. Nous avons exprimé notre plus vif désaccord, au nom des dizaines de milliers d’artistes interprètes que nous représentons, contre cette manœuvre grossière et désastreuse. Dans le cadre des débats parlementaires, et malgré les propositions constructives de plusieurs députés et sénateurs, l’arbitrage du gouvernement a toujours conduit à favoriser les positions de l’industrie contre celles des artistes interprètes. C’est un choix dangereux pour la culture, pour la diversité et pour l’avenir de la création en France. Nous vous demandons donc, Monsieur le Président, d’intervenir afin que le gouvernement ne contribue pas à une campagne d’exclusion des artistes interprètes. Leurs droits sur Internet doivent être reconnus et ils doivent recevoir des plateformes offrant des services à la demande la rémunération à laquelle ils ont droit. Si le projet de loi n’est pas sérieusement amendé, la “liberté de création” se résumera, pour la quasitotalité des artistes, à la liberté de céder tous leurs droits aux producteurs sans que l’exploitation de leur travail sur Internet ne soit rémunérée par les plateformes de musique en ligne. La protection de la culture ne peut se baser uniquement sur des mots et des déclarations sans lendemain. La protection de la culture est, Monsieur le Président de la République, de la responsabilité du pouvoir politique, qui seul peut donner aux artistes les moyens d’exercer leurs droits sans être victimes du rapport de force économique que leur impose l’industrie phonographique. Elle est de votre responsabilité. Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en l’expression de notre haute considération. A S BÉATRICE DE ROCHEBOUËT jeudi 9 juin 2016 jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 30 CULTURE « Les Maîtres chanteurs » seigneurs en leur royaume OPÉRA La production de Munich restera comme la plus intéressante et la plus forte de cette saison. CHRISTIAN MERLIN P Multi-instrumentiste, Andy Shauf s’attache au sort de personnalités ordinaires sans jamais cultiver le misérabilisme. Un bon tour de Shauf COLIN MEDLEY CHRONIQUE « The Party », second album de ce chanteur canadien discret, dévoile une passion pour la pop des années 1960. LA MUSIQUE Olivier Nuc [email protected] D e l’art de perfectionner ses connaissances géographiques en écoutant de la musique : Andy Shauf est originaire du Saskatchewan. Si cette province de l’Ouest canadien au nom d’origine indienne est la patrie natale de Joni Mitchell, on ne peut pas dire qu’elle ait engendré des milliers de musiciens célèbres. Ce nouveau venu pourrait bien inverser la tendance. Sur son second album, The Party, il confectionne une formule d’une extrême délicatesse, aux arrangements à la fois soignés et discrets. La voix et ses mélodies fluides C H A B L I S d’Andy Shauf ne sont pas sans évoquer les disques du regretté Elliott Smith, disparu en 2003. Comme lui, Andy Shauf a été très marqué par la production des années 1960, en particulier celle des Beatles. On connaît de plus mauvaises influences. On saura surtout gré à ce multi-instrumentiste de ne pas avoir livré un énième album de folk anémique fleurant le bio et l’authenticité de pacotille. S’il dépeint des personnages à côté de la plaque et autres inadaptés notoires, The Party ne cultive pas le misérabilisme à tout prix. Empruntant son titre à la comédie mettant en scène Peter Sellers dans son rôle le plus désopilant, c’est un vrai faux album concept. Il s’attache au sort de personnalités à la destinée ordinaire dans une « ville de la taille d’une assiette ». Un endroit qui pourrait bien être sis dans le Saskat- - F R A N C E chewan, où tout se sait, et où les exploits de la veille se retrouvent commentés bruyamment le lendemain. Arrangements inventifs Andy Shauf s’emploie à décrire l’after avec des mots choisis. Dommage qu’il soit parfois si difficile de distinguer les paroles des chansons, murmurées et voilées par des effets de production. On croirait entendre les premiers albums de REM, lorsque Michael Stipe masquait volontairement ses mots avec une élocution opaque. C’est dans la cave de ses parents que ce jeune homme discret a commencé par consigner ses premières démos. Empilant les instruments lui-même (batterie, piano, guitare et autres), il en a tiré un premier recueil dès 2009. À cette époque, Shauf cite Wilco et Neil Young parmi ses plus grands modèles. Mais c’est en 2012, avec The Bearer of Bad News, premier album à proprement parler, qu’il a commencé à être identifié, d’abord sur le continent américain puis en Europe. D’autant que le disque a été réédité en 2015. Sur The Party, Shauf avait commencé par emprunter une méthode différente, invitant un groupe à l’accompagner en studio. C’est pourtant en jouant toutes les parties instrumentales lui-même qu’il a abouti à sa plus belle collection de chansons à ce jour. Sur scène, Andy Shauf interprète ses titres seul à la guitare acoustique. Pourtant, on y distingue ses arrangements inventifs et subtils. Une autre manière d’évoquer Elliott Smith, dont la première apparition parisienne, à l’Européen en 1998, nous avait émus aux larmes par son dépouillement mêlé de luxuriance harmonique et mélodique. The Party, d’Andy Shauf, Anti-Pias. our les wagnériens, la saison 2015-2016 restera celle des Maîtres chanteurs, beau rattrapage pour le moins souvent joué des grands Wagner. On a eu des sensations fortes à Berlin au mois d’octobre, on en a eu à nouveau à l’Opéra Bastille en mars. Mais il se pourrait bien que ce soit la production de l’Opéra de Munich, à laquelle on vient d’assister, qui l’emporte sur tous les plans. À tout seigneur, tout honneur : la direction de Kirill Petrenko, actuel chef permanent de l’Opéra de Bavière en attendant de prendre la succession de Simon Rattle au Philharmonique de Berlin, s’est une fois de plus révélée un choc musical. Dans la fosse du théâtre qui a tout de même vu la création des Maîtres en 1868, il nous donne tout simplement l’impression d’entendre l’œuvre pour la première fois. Déroutants dans les premières minutes, ses tempi extrêmement vifs se révèlent bientôt d’un allant, d’une alacrité, d’un « drive » irrésistibles, tout en restant constamment chantants. Et surtout d’une logique implacable, tant les motifs si savamment imbriqués par Wagner s’enchaînent sans le moindre temps mort. C’est électrisant et jubilatoire, marqué du sceau de l’évidence, à la tête d’un orchestre et d’un chœur au sommet. La mise en scène de David Bösch, ensuite. Oh, elle déplaira à ceux qui aiment de jolis décors d’époque, mais une fois franchi le pas de l’actualisation, quelle intelligence pénétrante, quel souci du détail ! La moindre silhouette, le moindre figurant est caractérisé avec la justesse des grands seconds rôles du cinéma d’autrefois. Surtout, alors que l’on avait regretté que la pure comédie à Berlin et la poésie décorative à Bastille évacuent tous les arrière-plans d’une œuvre plus profonde qu’elle n’y paraît, Bösch en exalte les ambiguïtés. Il nous fait croire à une farce hilarante, pour finalement en souligner l’ambivalence. La gentille rixe des citadins devient une attaque de hooligans avec battes de base-ball, dans un quartier où la police n’est pas bienvenue. Le personnage de Beckmesser, qui se suicide à la fin, devient une figure tragique. Ambivalences parfaitement bien vues et défendues avec la même logique que la direction musicale. Loin de toute caricature Last but not least, la distribution est, comme la plupart du temps à Munich, d’une homogénéité à toute épreuve. Ardemment attendu, le Stolzing de Jonas Kaufmann n’a pas déçu : après s’être économisé au premier acte, il a déployé tout le cantabile charmeur de sa voix ambrée au troisième, incarnant à merveille son personnage d’adolescent rebelle. On a connu Sachs vocalement plus charismatique que Wolfgang Koch, mais son endurance et surtout son humanité ont touché au plus profond. Markus Eiche révolutionne le rôle de Beckmesser, non seulement en attirant la compassion plus que le rire, mais en le chantant à merveille, loin de toute caricature. Pogner luxueux de Christof Fischesser, David éblouissant de Benjamin Bruns, Magdalene inoubliable d’Okka von der Damerau, seule la voix un peu métallique de Sara Jakubiak déparant légèrement dans une soirée d’ores et déjà mémorable. ■ Les Maîtres chanteurs , Opéra de Bavière (Munich), prochaines représentations les 28 et 31 juillet. www.staatsoper.de Jonas Kaufmann a déployé tout le cantabile charmeur de sa voix ambrée pour incarner à merveille Walther von Stolzing. WILFRIED HÖSL/BAYERISCHE STAATSOPER Michel Vinaver, du beau travail ! THÉÂTRE Gilles David met en scène au Studio-Théâtre de la ComédieFrançaise « La Demande d’emploi », pièce féroce qui n’a pas pris une ride. ARMELLE HÉLIOT [email protected] blog.lefigaro.fr/theatre A M ichel Vinaver a toujours été en quête de formes. S’il a souvent puisé dans le monde réel pour cristalliser des « sujets » de pièces de théâtre, il a toujours pris soin de ne jamais basculer dans un réalisme sans mystère. Michel Vinaver dramaturge est d’abord un écrivain. Et il n’aime pas les recettes. Dans sa dernière pièce, vue au TNP de Villeurbanne (69) puis à La Colline à Paris, Bettencourt Boulevard ou une histoire de France, il avait procédé par « morceaux ». Dans La Demande d’emploi, qui date de 1971, ce sont des dialogues qui se croisent, des répliques qui glissent les unes sur les autres, des préoccupations qui interfèrent. Trente « morceaux » abrupts en une sorte de match à quatre, comme un double mixte au tennis, mais en beaucoup plus compliqué… Entretien d’embauche Un exercice d’une redoutable difficulté pour les interprètes qui ne peuvent pas suivre le fil d’une pensée unie et unique, et doivent sans cesse passer du coq à l’âne. Évidemment, pour des comédiens, la partie, redoutable, est d’abord jubilatoire, et on a le sentiment que chacun s’amuse beaucoup. Gilles David dirige ses camarades avec fermeté dans un espace volontairement neutre imaginé par Olivier Brichet. La pièce n’est en rien démonstrative, même si l’on y voit un cadre au chômage, Fage (Alain Len- glet) passer un entretien d’embauche très déstabilisant devant Wallace (Louis Arene). Un entretien qui le renvoie aux failles de sa vie familiale : une fille, Nathalie (Anna Cervinka) dans la révolution d’après 68, une épouse, Louise (Clotilde de Bayser), qui s’est beaucoup sacrifiée mais va trouver une autorité nouvelle dans cette crise. C’est vif, étourdissant, jamais lassant, très souvent drôle et d’une férocité déchirante. Cette pièce a plus de 45 ans, mais elle demeure d’une actualité troublante. C’est ainsi que Vinaver est grand ! ■ « La Demande d’emploi », Studio-Théâtre de la Comédie-Française (Paris Ier), à 18 h 30. Du mercredi au dimanche, jusqu’au 3 juillet. Tél. : 01 44 58 15 15. www.comedie-francaise.fr LE FIGARO VIN jeudi 9 juin 2016 31 Portrait-robot de l’amateur chinois de vin ENQUÊTE Fin mai se tenait le grand salon Vinexpo Hong Kong. L’occasion de vérifier sur place si l’empire du Milieu s’est converti aux crus français. ENVOYÉ SPÉCIAL À HONG KONG ix-neuf heures, la nuit vient de tomber à Hongkong comme un couvercle sur une Cocotte-Minute. Dans une chaleur suffocante, quelques happy few en smoking fendent la foule pour converger vers le grand Hyatt Hotel et se rendre à la « Jurade » de Saint-Émilion, la soirée phare qui se tient en ouverture de la 7e édition de Vinexpo Hong Kong. Au cours d’une longue cérémonie gentiment désuète, les propriétaires de châteaux saint-émilionnais intronisent des dizaines de convives, dont une grande majorité de Chinois, qui ne boudent pas leur plaisir de revêtir la cape rouge du Prud’homme ou de Dame de la Jurade. Bordeaux est prêt à tout pour choyer cette population, car même si les Chinois restent les plus importants consommateurs de bière et de Cognac, ils s’ouvrent au vin depuis une vingtaine d’années, et chaque vigneron garde en ligne de mire ce marché de 1,3 milliard d’habitants. « Pour l’instant, on peut estimer à 45 millions le nombre de Chinois buvant du vin d’importation », relativise Bruno Baudry, président d’ASC Fine Wines, l’un des principaux distributeurs de vins en Chine. Mais où vont leurs préférences ? « Les Chinois sont aujourd’hui les plus grands consommateurs de vin rouge, explique Guillaume Déglise, le directeur général de Vinexpo. Et la France tire très bien son épingle du jeu, puisque nous représentons 42 % de cette consommation, à la première place devant l’Australie, le Chili et l’Espagne. » D’ailleurs, dans les allées de Vinexpo Hong Kong, on peut palper l’intérêt des Chinois pour les vins français. « Une jeune Chinoise vient tout juste de m’acheter 1 000 bouteilles de mon saint-émilion pour aller les vendre dans des clubs privés ou des karaokés de provinces », se réjouit Olivier Decelle, le propriétaire du Château Jean Faure. Sur les deux étages et les 15 000 m2 du salon, les stands français occupent les deux tiers de l’étage supérieur. « Nous assistons à un retour des acheteurs chinois. Après avoir été un marché d’image, la Chine devient désormais un marché de consommateurs, explique le directeur général de Vinexpo. En 2009-2010, Bordeaux a fortement profité de l’engouement des Chinois pour les grands crus. Plus c’était cher et plus ils achetaient, confirme un négociant bordelais qui a fait le déplacement à Hongkong. Pas pour boire, mais pour asseoir un statut social et pour alimenter un marché de cadeaux. » Mais la politique d’austérité et de lutte contre la corruption menée par le nouveau président chinois, Xi Jinping, a “ Le marché chinois est en pleine reprise ” GUILLAUME DÉGLISE, DG DE VINEXPO stoppé net ces pratiques. « Ce qui est plutôt une bonne chose car cela a permis de rationaliser le marché. Les Chinois commencent à être des amateurs au palais très sophistiqué. S’ils n’achetaient que des grands crus classés de bordeaux il y a dix ans, ils s’ouvrent désormais sur d’autres régions comme la Bourgogne et la vallée du Rhône, bien sûr, mais aussi sur l’Alsace ou encore le Languedoc. La Grange des Pères fait un carton », souligne Arthur de Lencquesaing d’Idealwine, site de courtage en ligne de vins. « La Chine est un marché très important pour nous, rappelle Antoine Pirie, directeur des Vignobles Foncalieu, dans le Languedoc. Nous y vendons 4 millions de bouteilles, soit 20 % de notre production. Nous élaborons même des cuvées adaptées à leurs goûts, très colorées et avec un peu de sucre résiduel. » Les Chinois consomment donc beaucoup de vin rouge, mais commencent-ils à s’intéresser au blanc ? « Oui, répond le producteur bourguignon Alberic Bichot. Un Chinois qui boit du blanc est tout de sui- DR D FRÉDÉRIC DURAND-BAZIN £@FDurandBazin Les Chinois apprécient surtout le vin rouge et commencent à s’intéresser au blanc. te considéré comme un connaisseur. » Mais pas n’importe lequel. S’ils aiment les vins d’Alsace, par exemple, ils ne se sont pas encore convertis aux rieslings tendus et minéraux. « Ce sont deux caractères que vous aurez du mal à faire apprécier à un Chinois, sourit Yves Baltenweck, président de la Cave de Ribeauvillé. En revanche, ils sont fans de pinot gris, de muscat ou de gewurztraminer, des vins qui comportent du sucre résiduel. » Ce qui n’empêche pas le propriétaire du port de Canton de lui avoir acheté 2 000 bouteilles du Clos du Zahnacker. Et le champagne ? « Les Chinois n’aimant ni l’acide ni les bulles, la tâche n’est pas aisée pour nous », plaisante Michel Drappier, de la maison de champagne Drappier. Les Chinois n’ont consommé, en 2015, que 1,3 million de bouteilles (à titre de comparaison, la Grande-Bretagne en a absorbé 34,15 millions la même année). Pourtant, là aussi, les choses commencent à changer. « Il y a vingt ans, je vendais essentiellement des demi-secs. Ce sont désormais les bruts sans année qui ont le plus de succès, et les clients commencent à s’intéresser aux cuvées plus âgées et aux cuvées millésimées. » Pour preuve, le prix moyen des champagnes vendus en Chine s’élève à 16,50 €, contre 15,15 € pour le monde entier. Parfois, il suffit d’un coup du destin pour que les Chinois s’enthousiasment pour une cuvée ou un vigneron. C’est ce qui est arrivé à Dominique Piron, propriétaire dans le Beaujolais. « Lors de sa dernière visite en France, le président chinois, Xi Jinping, est d’abord passé par Lyon. À cette occasion, il a rencontré Dominique, explique son associé Julien Revillon. Et comme il a apprécié nos vins, nos ventes ont été immédiatement boostées en Chine. Nous y réalisons entre 20 et 25 % de notre chiffre d’affaires. » Lors de la fermeture des portes de Vinexpo, les sourires étaient accrochés aux visages des exposants. « Le marché chinois est en pleine reprise. Pour preuve, la hausse des fréquentations des visiteurs chinois au salon : + 7,9 % », se réjouit Guillaume Déglise. La Chine est aujourd’hui le cinquième marché consommateur de vin au monde, pour le plus grand bonheur des producteurs français. ■ + @ SUR LE WEB » Un premier vignoble sur un toit de New York. www.lefigaro.fr Le goût de Londres SÉLECTION « Le Figaro » s’est rendu au Decanter World Wine Awards (DWWA), l’un des plus prestigieux concours de vins au monde, qui vient de publier la liste de ses lauréats. GABRIELLE VIZZAVONA £@gvizzavona L a revue œnologique anglosaxonne Decanter organise depuis treize ans un concours de vins du monde devenu une référence internationale. Decanter fait appel à certains des meilleurs dégustateurs du globe, de 25 nationalités différentes - Masters of Wine, meilleurs sommeliers du monde, acheteurs, critiques et journalistes -, qui se retrouvent fin avril à Londres pour juger à l’aveugle 16 000 échantillons envoyés par les vignerons de 53 pays différents. Dans l’East London, sous les gigantesques verrières des salles de Tobacco Dock – un ancien entrepôt à tabac -, les tables rondes de quatre juges sont clas- sées par zones viticoles et tranches de prix. Les médailles de bronze, d’argent et d’or sont accordées, ou refusées, au fil des séries d’une dizaine de vins - les « flights » - qui se succèdent en silence. Ici, il ne s’agit pas pour le dégustateur d’exprimer son propre goût, mais, au contraire, d’essayer d’écarter toute subjectivité pour juger le grand nombre d’échantillons de façon neutre. Un exercice délicat et physiquement éprouvant, même pour les palais surentraînés. Jugement suprême Certains vins divisent les arbitres. Les contestataires font alors appel au jugement suprême de Steven Spurrier - président des DWWA - ou de Gérard Basset – charmant vice-président de l’édition 2016, Master of Wine et meilleur sommelier du monde 2010 -, qui circulent, bienveillants, autour des tables, prêts à trancher sur le sort d’un flacon anonyme. Lors de l’édition de 2016, 539 vins ont reçu une médaille d’or, avant d’être jugés de nouveau pour gratifier les meilleurs d’entre eux du titre ultime de médaillé de platine. Certains pays ou appellations sont plus primés que d’autres. Cette année, c’est l’Australie qui cumule le plus de médailles d’or : 45 au total. La reconnaissance de l’impact d’une telle récompense n’est pas uniforme et crée un biais inévitable, tenant à la nature et à la quantité d’échantillons envoyés par les vignerons des différentes zones. Pourtant, cette influence est bien réelle auprès d’un consommateur qui, devant l’embarras du choix, se rattache bien souvent à des signes extérieurs de qualité. ■ Les terroirs français primés par « Decanter » Henriot Blanc de Blancs Un perlage fin et délicat pour cette cuvée 100 % chardonnay aux notes pâtissières et florales, à la bouche concentrée et longue. Prix : 35 euros. DE LA CÔTE DE NUITS À PLUS DE 20 EUROS Domaine de la Vougeraie 2014, AOC clos-de-vougeot grand cru Cultivées en biodynamie sur 1 hectare de vignes situées sur le haut du clos de Vougeot, les vignes de pinot noir produisent ce vin plein de finesse. Prix : 110 euros. n MEILLEUR BOURGOGNE BLANC DE LA CÔTE-D’OR À PLUS DE 20 EUROS n MEILLEUR BORDEAUX RIVE GAUCHE À PLUS DE 20 EUROS Une cuvée équilibrée et fraîche, aux notes de pêche et de fleurs blanches, d’une belle persistance en bouche. Prix : 30 euros. Issu de vignes de plus de 80 ans plantées entre les communes de Margaux et Soussans, un vin racé et d’une grande pureté aromatique, assemblage de cabernet sauvignon, de merlot et de petit verdot. Prix : 150 euros. Vieux Clos du Château de Cîteaux 2014 AOC meursault n MEILLEUR BOURGOGNE ROUGE Clos des Quatre Vents 2014 AOC margaux n MEILLEUR VIN ROUGE DU RHÔNE À PLUS DE 20 EUROS Bosquet des Papes Chante Le Merle vieilles vignes 2014 AOC châteauneuf-du-pape Élégant et long, cet assemblage de grenache (80 %) syrah et mourvèdre aux tanins fermes pourra vieillir plus de dix ans. Prix : 31 euros. n MEILLEUR VIN ROUGE DE LOIRE À PLUS DE 20 EUROS Domaine Jourdan & Pichard L’Arcestrale 2014 AOC chinon Un vin souple et concentré aux arômes de baies, d’épices et de chocolat noir. Prix : 25 euros. G. V. WWW.CALON-SEGUR.FR L’A B U S D’A LCO O L E ST DA N G E R E U X P O U R L A S A N T É , À CO N S O M M E R AV E C M O D ÉRATION. A n MEILLEUR CHAMPAGNE NON MILLÉSIMÉ jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 32 STYLE La robe-chemise à la verticale de l’été E MAUD GABRIELSON lle fait partie de ces pièces qui traversent nos étés avec une désarmante facilité. Et ce depuis plus longtemps que vous ne croyez… « La robechemise est le tout premier vêtement estival, explique Xavier Chaumette, historien de la mode. Elle est dérivée de la “chemise à la reine”, popularisée par Marie-Antoinette. À la fin du XVIIIe siècle, l’idée du confort vestimentaire commence à se faire sentir. Cette robe longue en lin et coton, aux manches amples et dotée d’un fil coulissant à la taille, s’enfilait à l’origine pour dormir. Détournée en habit d’extérieur, elle se porte sans crinoline et rencontre un fort succès, d’abord auprès de la noblesse, puis, après la Révolution, plus largement dans la société quand elle devient un symbole démocratique de libération des corps. » Aujourd’hui encore, sa simplicité d’usage et d’apparat reste son meilleur atout. Convertie depuis longtemps, la créatrice parisienne Valentine Gauthier l’intègre dans ses collections régulièrement : « J’aime qu’elle allie sobriété et sophistication, féminin et masculin, comme si on avait emprunté la chemise de son amoureux le matin. Elle possède cette qualité “plusieurs vêtements en un” qui me plaît bien. On peut l’enfiler à la plage, très simplement pardessus son maillot de bain, ou le soir accessoirisée avec de jolis bijoux et des sandales, dans un esprit plus habillé. Je la décline dans plusieurs matières et imprimés, et l’effet est différent à chaque fois. Sur de la soie délicate, cela évoque plutôt le vestiaire de nuit, très dandy chic. Mais façonnée dans un coton épais rayé, elle s’apparente à ces chemises trop grandes que l’on aurait héritées d’un grand-père. » Cet été, la styliste met l’ac- Valentine Gauthier cent sur la transparence et les motifs tropicaux pour une allure féminine et surtout pas empruntée. Pour Marie de Reynies, responsable du marché femme du Printemps, « l’attrait de notre clientèle pour la robechemise s’explique par son côté indémodable, c’est un classique du dressing estival. De plus, elle convient à toutes les morphologies. On peut tricher avec elle : en la ceinturant pour accentuer et affiner la taille ; en la choisissant courte, façon tunique, afin de mettre en valeur les jambes ; ou en optant pour son interprétation la plus masculine, donc très ample, permettant une grande liberté de mouvements. » Boss Tod’s Un terrain de jeu pour designers Si elle reste plutôt conventionnelle chez certains créateurs puristes – on apprécie sa version blanche au col strict boutonné haut chez Boss ou sa déclinaison ultralongue aux larges rayures chez les Italiens de Dolce & Gabbana -, cette pièce hybride s’est aussi muée en un terrain de jeu expérimental pour designers en quête d’inattendu. « Il y a un travail créatif certain dans les collections printemps-été 2016. Les modèles aux coupes accidentées, qu’ils soient drapés sur l’arrière, asymétriques, froncés ou noués à la taille par des jeux de manches sont légion », continue Marie de Reynies. Parmi les nombreuses propositions, on retient la robe-chemise, portée devant-derrière, de la griffe italienne Tod’s ; la variante boutonnée dans l’oblique chez Vivienne Westwood Red Label ou celle nouée façon kimono déstructuré chez 3.1 Phillip Lim. Mais quel que soit son degré de sophistication dans la coupe, elle reste une amie de l’épure et supporte peu d’encombrements. Se contenter alors d’espadrilles en toile unie et d’une ceinture en cuir lisse, ou de compensées glamoureuses et de bijoux dorés qui tranchent sur la peau hâlée. Less is more. ■ Vivienne Westwood Red Label Vue d’Amérique Quand deux ex-rédactrices mode du magazine Vogue américain lancent leur label, il s’en dégage inévitablement un mix de chic et d’intemporel. Meredith Melling et Valerie Boster, qui ont été à bonne école, se sont associées à Molly Howard, transfuge de la griffe newyorkaise cool et radicale Rag & Bone. À travers « La Ligne » - en français dans le texte, en référence aux rayures, leur imprimé fétiche, mais aussi au style français -, les trois amies font le pari de redessiner les contours des essentiels d’une garderobe. « Chaque femme n’a finalement besoin que de six basiques dans son quotidien. Nous voulons être ces six basiques ! » aime à dire Valerie Boster. Chemise blanche, pantalon noir, combinaison de pompiste, jupe de working girl, short de plage… et, bien sûr, la fameuse robe-chemise qui tient une bonne place parmi ces indispensables. Taillée dans une soie souple à rayures fines, en une version ultralongue frôlant les chevilles, ou plus courte mais toujours ample, elle incarne une certaine idée de l’allure française fantasmée par les Américaines. Et ça, on aime. M. G. 350 €. Disponible exclusivement sur www.net-a-porter.com et régulièrement sold out. La Ligne L’expérience américaine de Cédric Charlier TÊTE-À-TÊTE Mardi soir, le styliste belge défilait pour la première fois à New York. Quelques jours plus tôt, à Paris, il racontait les raisons de cette expatriation… le temps d’une saison. VALÉRIE GUÉDON [email protected] A L Le défilé avait pour décor la skyline de Manhattan. CÉDRIC CHARLIER e rendez-vous a été fixé le 1er juin dans son showroom parisien alors que Cédric Charlier s’apprête à défiler de l’autre côté de l’Atlantique. Un show avec en toile de fond la skyline de Manhattan sur un coucher de soleil, « du grand New York à l’état pur », ditil. La France doit-elle regretter la fuite d’un autre talent vers les États-Unis ? « Pas du tout. Ce défilé restera un “one shot”. C’est surtout un rêve de créateur. Je me sens profondément belge, pourtant je vis à Paris depuis plus d’une quinzaine d’années. Je travaille avec un groupe italien et je défile à New York. Ma démarche est en pleine adéquation avec cette génération tournée vers l’international. » Cet « exil » marque un nouveau changement de trajectoire pour ce styliste un peu à part, directeur artistique à succès de Cacharel (2009-2011) avant de lancer sa propre marque, il y a quatre ans, avec le soutien du groupe textile transalpin Aeffe. Si cette expérience américaine intervient aujourd’hui, elle n’est pas sans risque pour le designer de 37 ans qui a toujours défilé dans le calendrier de la Fashion Week de Paris. Mais cette décision n’a rien à voir avec le bras de fer entre les fédérations de la mode à New York et à Paris. Une garde-robe contrastée « Il s’agit d’abord d’un désir personnel, tient-il à préciser. Je suis le propriétaire de mon nom et peux décider ce genre de choses. Je voulais me donner le temps de la création. Sortir une collection tous les trois mois - comme l’industrie l’exige aujourd’hui -, avec une très petite équipe comme la mienne, ce n’est pas évident. » En effet, seulement une petite dizaine de personnes s’affaire silencieusement sous la lumière zénithale d’une immense verrière. « La mode est clairement à la fin d’un cycle, reprend-il posément. Personne ne sait vraiment ce vers quoi elle tend. J’ai vu que la presse parle de moi comme faisant partie du groupe des cinq (les directeurs artistiques Demna Gvasalia de Vetements, Julien Dossena de Paco Rabanne, le duo Arnaud Vaillant et Sébastien Meyer de Courrèges ont annoncé des choix similaires au même moment, en février dernier, NDLR), qui avons décidé de bousculer le calendrier, les habitudes, etc. Je crois simplement qu’en ces temps troublés, il faut suivre son instinct. » Dans son studio, à Paris, il dévoile quelques pièces d’une garde-robe qu’il a voulue contrastée, « entre l’idée d’une force masculine et d’une féminité extrême, de l’ordre de cette innocence trouble que m’évoquent les photos de David Hamilton ». Avant-hier soir, sur un rooftop au bord de l’Hudson, se succédaient un pardessus d’homme dont le dos révèle une aérienne robe smockée, de multiples négligés volantés, parfois dissimulés sous de larges vestes de costume, des frousfrous de faux cuir s’amoncelant sur une robe jusqu’à en modifier la ligne minimaliste signature du Belge. Décolletés et brassières font la part belle au corps féminin tout comme les coupes ergonomiques. Des couleurs acides, un pied-decoq saupoudré de paillettes ou une maille seconde peau en Lurex électrisent la silhouette gracile… Pari réussi. ■ + @ SUR LE WEB » Plus de mode www.lefigaro.fr/madame TOD’S, ZEPPELIN, DR CHIC FILLE Vue un peu partout sur les podiums comme dans les enseignes « high street », elle fleure les vacances et le bronzage. Petit précis de cet indispensable de la saison estivale. jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO STYLE 33 Sessùn, label indé MODE Basée à Marseille, la ligne de prêt-à-porter bohème et facile à vivre d’Emma François fête ses vingt ans et ne compte plus ses adeptes. Emma François (ci-dessus), fondatrice et directrice de la création de Sessùn. Ses modèles sont disponibles dans 800 points de vente dans le monde. O VALÉRIE GUÉDON [email protected] n aurait aimé écrire, ici, que la mode vit aussi intensément en dehors de Paris et vous donner comme exemple le brillant succès de Sessùn installé dans la Cité phocéenne. Pourtant, à ces mots, Emma François, fondatrice et directrice de la création, répond du tac au tac : « Il n’y a pas de mode marseillaise, comme il y a une mode anversoise, par exemple. Cet ancrage géographique est simplement l’opportunité d’une meilleure qualité de vie pour moi et mon équipe. Nous sommes toutes à cinq minutes de notre lieu de travail. Et puis, bien sûr, il y a le soleil et la plage. Cette ville nous apporte un peu plus de sérénité dans notre quotidien. » Avant que cette native de Montpellier ne reprenne : « Je suis beaucoup plus sensible à l’idée d’un style à la française, qui se caractérise par un esprit créatif et alternatif. » Il y a vingt ans, étudiante en anthropologie économique, elle découvre, au cours d’un voyage en Amérique du Sud, le travail des tissus et les broderies de l’artisanat indien. « J’ai commencé à vendre à mes amies les petites pièces que je rapportais de mes voyages d’études pour arrondir mes fins de mois. Ensuite, j’ai eu envie d’en faire une petite collection mais toujours dans l’optique d’un complément de revenu. Puis, des acheteurs se sont intéressés à mon travail », confie-t-elle humblement. Son style justement ? Des classiques à l’esprit bobo, pantalons fluides un poil androgynes, blouses aux imprimés romantiques et robes colorées mais faciles à porter. Si, au départ, la jeune femme n’avait pas l’ambition de créer une entreprise de prêt-à-porter, elle est aujourd’hui à la tête d’une véritable marque de lifestyle (qui pèse 18 millions d’euros de chiffre d’affaires), même si elle avoue « ne pas beaucoup aimer ce mot. Qui va doucement va sûrement. Cela a toujours été mon leitmotiv. Nous développons de nouveaux projets à notre rythme, nous essayons de les intégrer et, ensuite, nous passons à l’étape suivante », expliquet-elle, lucide. Même quand le succès impose une cadence infernale (des ventes qui croissent chaque année de 20 % dans environ 800 boutiques autour du monde), cette quadragénaire garde la tête froide et gère sa petite entreprise à sa manière. « Après mes premiers enfants, j’ai voulu lever un peu le pied et savourer le moment. Puis, quand ils sont rentrés à l’école, j’étais de nouveau pleine d’énergie. C’est aussi cela Sessùn. C’est l’histoire d’une vie. La mienne », résume-t-elle. Ses nombreuses clientes - des filles comme elle qui aiment la mode sans être des fashion-victims, la musique, l’esprit de la Parisienne rive droite - se sont approprié son vestiaire d’intemporels aussi raffinés que décontractés, adaptés à la MÉLANIE ELBAZ/SESSÙN vie d’une femme de pouvoir comme à celle d’une lycéenne. « Avec le recul, je ne trouve absolument pas dénigrant d’être accessible en prix et en style. Si, au début, j’avais peur de vulgariser la marque, j’ai finalement compris qu’il était noble de pouvoir être comprise et aimée par beaucoup de mes pairs. » Une éclatante réussite L’année dernière, elle inaugure, à côté de son flagship de la rue de Charonne dans le XIe arrondissement de Paris, un concept store de 25 m2 baptisé l’Annexe, théâtre de ses « propositions éphémères en continu », soit des expositions thématiques et transversales autour de capsules exclusives. « Il y a quelques années, j’ai eu besoin d’élargir le champ du prêt-à-porter mais pas dans l’idée de s’associer à d’autres noms, plutôt de promouvoir des savoir-faire différents. Ce qui a donné lieu à de très jolies rencontres avec des artisans, des designers, des musiciens, etc. Par exemple, Émilie Marc IMMOBILIER fabrique de ravissants bracelets et minaudières en marqueterie dorée à l’or fin. Des pièces que je n’aurais pas pu distribuer à grande échelle mais cette boutique permet de les vendre en petite quantité. » Là encore, ses fidèles adhèrent et plébiscitent l’endroit qui a abrité, ce printemps, sa collection de best-sellers Sessùn Oui pour les futures mariées. En ce moment et jusqu’à la fin août, l’adresse se transforme en guinguette. Dans le même temps, un troisième écrin parisien à sa mode pour filles d’àcôté a également ouvert dans le quartier du haut Marais. Une année d’anniversaire bien remplie à l’image de son éclatante réussite mais la Française ne s’enorgueillit que d’une chose : avoir maintenu son label indépendant. ■ sessun.com + @ SUR LE WEB » Plus de mode www.lefigaro.fr/madame L E G A Sdepuis S E 1963 VIAGER avec Spécialiste du viager Une étude et un suivi gratuit, discret et personnalisé 47, Avenue Bosquet - 75007 Paris Tél. 01 45 55 86 18 - Fax 01 45 55 50 18 Site internet : www.viager.fr Augmenter sa retraite en restant chez soi ç VANEAU 33M2 ç JUSSIEU 74 m2. Refait neuf, parquet, cheminée, belle récept. double expo 2 chbres, 2 s. de bains 710.000 1. Part. 06.20.80.50.35. Ventes 6 e APPARTEMENTS Ancien, 3°étage, charme Lumineux - 368.0001 CASSIL 01.53.69.12.50 BON MARCHE 40M2 Ravissant pied à terre 2P dernier ét.charme 495.0001 ASSAS LUXEMBOURG séj. 2 chbres 58m2 parfait état,vue agréable,660.0001 CLOSERIE LILAS 4P 84m2 3°asc Vue/jardins Sud - travaux - 895.0001 ND CHAMPS 135M2 Immobilier d'entreprise Ventes LOCAUX INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX é4EME PLACE VOSGESé 140m2 au Rez de Chaussée - 1.825.0001 é DISTRICT é 01.43.29.15.11 Ventes BOUTIQUES Immobilier ventes et achats Ventes 4 e APPARTEMENTS éPLACE VOSGESé 140m2 RdC - 1.825.0001 é DISTRICT é 01.43.29.15.11 Ventes 5e APPARTEMENTS Derniers ét.asc, rénové BONAPARTE 157M2 2chbres, belle rénovation ST GERMAIN 190M2 RARE - 5°asc. Te rrasses Box possible - 1.795.0001 FLEURUS 190M2 Familial-classique-divis. lumineux 1er ét. 2.250.0001 01.45.44.44.45 Derniers ét.,charme,travx ST GERMAIN 150M2 éN.DAME CHAMPSé 3easc, balc.sud,2 chbres DRAGON 150M2 derniers.ét,3chbres,rénové VAUGIRARD 195M2 s./jard, park - 2.475.0001 MABILLON 123M2 4P. 5easc, balcon, travx VUE - 1.150.0001 DAUPHINE 0153.10.11.00 SOLFERINO 191M2 3easc, trvx - 2.750.0001 GROS CAILLOU 4easc,3/4chbres-2.600.0001 PROX P.BOURBON 4easc,130m2,vol,imm.angle GROS CAILLOU 90m2,terrasse-1.155.0001 DUROC 61M2 4eét., traversant, soleil VERNEUIL 48M2 4eétage.asc, 2P. travx VERNEUIL 39M2 2e,1chbre,belle rénovation ECOLE MILITAIRE ç VANEAU ç 2P. 38m2, 2°ét., charme Bon état - 465.0001 CASSIL 01.53.69.12.50 INTERURBIS.COM APPARTEMENTS Bel ancien - Vue monument 3récept en angle,4/5chbres Belle hauteur, à rénover - 01.45.63.17.77 - VARENNE/RASPAIL 242m2 stand, 3 asc, triple réception, 4 chbres, park DAUPHINE 0153.63.09.09 e éRUE CLERé Imm. très gd standing 3P 2è ét. beaux volumes park. 1.935.0001 é01.48.88.02.02 APPARTEMENTS ECOLE BILINGUE R.DES MARTYRS é DISTRICT é 01.40.62.77.80 - 01.42.61.73.38 www.emilegarcin.fr MONTAIGNE FRANCOIS 1ER Imm.stand 162m2, ét.élevé Récept.,2/3 chbres+serv. 01.45.63.17.77 INTERURBIS.COM MONTAIGNE/ MARIGNAN CHERCHE MIDI 19 € HT* MABILLON 37M2 RUE E.VALENTIN éBRETEUILé 150m2 triple récept. 3 ét 3 chbres, parfait état, exclusivité. e éBRETEUILé çR.de l'Abbé-de-l'Epéeç Bel imm.Pierre de Taille 4P. 77,79m2, 2°asc.balcon Parfait état - 995.0001 60m2 séjour, 2 chbres, balcon 13m2 parfait état. éSAINTS-PÈRESé RASPAIL/VAVIN 4P. 83m2,5°asc.traversant Parfait état - 1.050.0001 PANTHEON Stand 6P 4 chbres,parfait état,traversant,2.030.0001 Beau classique - 142m2 3 chambres - 2 s.de bains traversant - 1.650.0001 RUE DE SEVRES Imm. ancien, 75m2, salon 2 chbres - 4°ét.expos Sud 36 BD DES INVALIDES 200m2 comme une maison calme, exceptionnel. Exclusivité, 3 P. 97 m2, 3 e ét. 990.000 1 Johanna Chocron Immobilier 06.16.07.01.22 Duplex comme une maison 67m2 1 chbre parfait état. consultants-immobilier.com R.VERNEUIL 117M2 éSURCOUFé 01.45.67.25.25 LA LIGNE Annonce diffusée dans Le Figaro Quotidien, Le Figaro Immobilier et Explorimmo Ventes 11e APPARTEMENTS éPÈRE-LACHAISEé Dernier ét.Sud, Te rrasse GDI : 06.65.50.40.44 renseignements : 01 56 52 80 00 CHAMPS ÉLYSÉES Rond Point. 2 P. 41 m2 590.0001 Exclusivité AMI 06.85.30.89.34. éFRANCOIS 1eré *Tarif *T arif HT au 8 juin 2015 éRUE CLERé Imm. très gd standing 3P 2è ét. beaux volumes park. 1.935.0001 é01.48.88.02.02 97m2 séj. 2 chbres calme emplacement exceptionnel terrasseé01.45.67.25.25 HOCHE 2P.43M2 4eét.calme, service 6,9m2 Parispromo 01.45.63.25.60 JAVEL 150M2 5easc, 4 chbres, imm.1930 CONVENTION 92M2 2easc, 2 chambres, balcon MONTPARNASSE 3e,155m2,3chbres,imm.1930 DUHAMEL 123M2 7easc, terrasse 55m2 THEATRE 96M2 Rdc,4P.terrasse 60m2,park Ventes 14e APPARTEMENTS LOURCINE 149M2 3easc, 4 chbres, imm.1190 44 THEATRE Résid. 1984 avec gardien é 1P. 34,60m2, 7°étage s/jardin, très bon état 365.0001 é 3P. 71,50m2, 1°étage traversant, 677.0001 é 5P. 106,10m2, 1°étage s/jardin, 955.0001 Classe énergie : D et E Possib. parking s.sol 06.07.62.63.00 07.88.78.90.99 ç JASMIN ç ç PL.AUTEUIL ç GAITE 36M2 studio,r.de jard, 445.0001 DERNIER ET.VUE Ventes 16e APPARTEMENTS Et.élevé, 153m2, 3 chbres Beaux volumes - standing 3easc,3 chbres,balc,park - MONTPARNASSE 134m2, 2 récept.,3 chbres A.d'André 01.40.70.02.07 éGRENELLEé Dernier ét. duplex 73m2 terrasse 30m2 superbe vue exclusivitéé01.45.67.25.25 ç AUTEUIL ç LAROUSSE 124M2 dernier.ét,rénové-525.0001 PTE DE VERSAILLES Imm. stand. 3P. 75,5 m2, rénové, balcon. 7e ét. Asc. Lumineux. Vue. Chf. collectif. 560.000 1. 07.62.92.10.01. 91m2, 3 chambres, rénové verdure,parking,1.045.0001 RASPAIL 99M2 Rdc, 3 chambres,à rénover VAVIN 49M2 UNESCO 4P. ét.élevé balcon - Vue Tour Eiffel - 1.070.0001 ç CAMBRONNE 40M2 ç Imm.récent 2P. - 4easc Calme, clair, bon état Parking - 405.0001 ELGER - 01.48.42.00.22 54m2 lumineux calme parfait état, exclusivité. é01.45.67.25.25é imm. stand 180m2 ét. elevé parfait état possib studio 2.800.0001. 06.14.08.10.44 EUROPE. Très belle coppté,Pierre de T, 6 P. 185 m2, parquet, moulures, cheminée, 3e asc., très bon état, 1 650 000 1 ACG DE CLARENS 0 144 900 700 Ventes 15e APPARTEMENTS 5P. balc.,3 chbres, 5°asc s/jardin Sud - 895.0001 CALME DUPLEX 74M2 2 chbres,5°asc,traversant soleil,refait-Exclusivité çEMILE GARCINç influence Figaro Immobilier Ventes 7 Ventes 8e CARRE ANTIQUAIRES Duplex - 4°ét.asc.-130m2 Calme - Lumière - RARE 4eét., 2P. 37m2, charme 80m2,ét.élevé,2chbres,balc 3easc, 2P. rénové 01.45.44.44.45 3chbres-vues- 2.950.0001 çVARENNE 256M2ç 3easc, 3 chbres-1.664.0001 MONNAIE 39M2 PANTHEON S/JARDIN ç UNIQUE ç 106,80m2 5P 4°dernier ét. plan en étoile,très jolies Vues - quelques travaux Charme fou - 1.495.0001 SEVRES BABYLONE e Dernier étage, terrasse çMURS OCCUPESç 10°QUAI VALMY 150m2 - Boulangerie 1.000.0001 Net Vendeur 5,4% de rentabilité 15°Vaugirard/Volontaires 145m2-administrateur biens 650.0001 Net Vendeur 6,15% de rentabilité 94 - FRESNES Supermarché 1000m2 2.100.0001 Net Vendeur 7,9% de rentabilité JACOB 182M2 HAB DUROC 380M2 Gd standing - 4.575.0001 Ventes 9e APPARTEMENTS PONT MIRABEAU Bel Imm. Pierre/taille é 4P. 124,1m2, 1°étage Vue dégagée, bon état - 968.0001 Possible parking s.sol Classe énergie : D 06.07.62.63.00 07.88.78.90.99 53m2 - 1 chbre - dressing Plan parfait - 445.0001 01.53.70.00.00 MARCFOUJOLS.COM ETOILE 3P. 72,32 m2 Carrez. Belles prestations. 2 ème étage. 895.000 1 C.M.B. 06.81.66.53.17 A AVIS À NOS LECTEURS - MENTIONS LÉGALES jeudi 9 juin 2016 Illustration non contractuelle à caractère d’ambiance 34 IMMOBILIER avec unicparis.fr ESPACE DE VENTE FACE AU 166, RUE CARDINET - PARIS 17e 01 45 50 30 30 PARIS 17 - LES BATIGNOLLES Immobilier Stéphane Theuriau, Président du directoire de Cogedim « L’accélérationdelaconstructionestl’enjeudedemain » Dispositif incitatifs (PTZ, Pinel), taux d’intérêt au plus bas, offres qualitatives…si la dynamique actuelle soutient l’activité, l’immobilier neuf doit répondre aux forts besoins en logements dans les grandes métropoles, selon Stéphane Theuriau. Par Olivier Marin des accédants dans le neuf ? STÉPHANE THEURIAU : Oui, car l’environnement des taux d’intérêt est favorable et surtout cette année, nous avons l’avènement du PTZ qui se révèle extrêmement efficace avec des possibilités quantitatives en montant d’emprunt et en durée de différé de remboursement qui sont avantageuses. Nos chiffres indiquent un retour très marqué des primo-accédants. Ces derniers représentent 55 % de nos ventes mais les investisseurs se maintiennent à 45 %. Les volumes sont en forte augmentation. Nos offres sont attractives et se concentrent essentiellement dans les zones tendues où il y a de réels besoins en logements. J’ajoute que les prix se sont ajustés pour le haut de gamme. Certes, ils sont relativement élevés dans le neuf mais ils restent abordables. Il y a cette volonté d’achat. L’attractivité de l’investissement immobilier sur une période longue est réelle. Quiconque a investi dans la pierre ces 10, 20 ou 30 dernières années, n’a jamais eu à le regretter. Les rendements de l’assurance vie sont en chute, les marchés actions ont laissé des souvenirs mitigés et l’obligataire ne rapporte plus rien. L’immobilier a encore un grand avenir. Quels sont les grands enjeux de demain ? L’accélération de la construction. La compétitivité du pays est liée au fait que l’on puisse construire des logements là où l’on a tout, c’est-à-dire dans les grandes métropoles. La régionalisation de la France se fait par l’économie sinon par le politique. Plus on est proche du terrain, meilleur on est. Nous avons de grands maires bâtisseurs qui ont transformé leur ville comme Alain Juppé à Bordeaux ou Gérard Collomb à Lyon. Ils rendent leur métropole plus compétitive et n’ont rien à envier à Paris. Les prix y sont moins élevés, il y a la culture, les emplois, l’éducation. Je crois beaucoup à cette dynamique. Il faut être plus incitatif avec les maires bâtisseurs. s’améliore. Par ailleurs, dans l’immobilier il faut faire des choses qui fonctionnent après des retours d’expérience. L’innovation dans les usages (pièces en plus, espaces partagés…) ou encore l’internet des objets doivent être intégrés. Nous faisons beaucoup de tests comme celui mené avec La Poste sur les boîtes connectées qui sont des conciergeries privées et qui fonctionnent avec des SMS. Nous utilisons le BIM dans le cadre de la conception de nos projets et la 3D pour la commercialisation. Le digital va devenir la norme mais il ne faut pas perdre le contact direct avec le client. C’est dans cet esprit que nous allons bientôt inaugurer le Cogedim store, à Bercy Village, que nous avons conçu comme l’Apple Store de l’immobilier. Comment travaillez-vous avec les municipalités ? Quels sont vos grands projets résidentiels ? Nous avons des relations de partenaires. Il faut que l’on s’écoute, que l’on nous laisse faire notre travail. Nous prenons le risque d’acheter des terrains, de construire. Nous savons comment vendre et à qui. La concertation doit être raisonnée car il est parfois un peu choquant que des maires nous imposent des chartes en contradiction avec des Plans locaux d’urbanisme. Malgré tout, la qualité du dialogue VENTE AUX ENCHERES le 28/06/2016 à 14h30 A la Chambre des Notaires - Paris 1er - Place du Châtelet Maison dite de l’Octroi - 142 avenue du Maréchal Foch - 78100 Saint Germain-en-Laye A la lisière de la forêt domaniale, maison d’une surface utile de 106,40 m2 et son terrain d’agrément, sur deux parcelles cadastrées section AD n°186, lieudit « Av. Maréchal FOCH » d’une contenance cadastrale de 127 m2 et section A n°1441, lieudit « La mare des Loges » d’une contenance cadastrale de 178m2. Visites sans RV : 10/06, 14/06 et 18/06 de 14h à 16h Mise à prix : 490 000 € Consignation : 98 000 € Cahier des charges d’adjudication http://www.economie.gouv.fr/cessions/maison-3 ç GAMBETTA ç URGENT SUCCESSION 7esud balc/jard imm.moderne 110m2, 3 chbres, 2 bains calme,soleil,dble box,cave s/pl. 9,10,11 juin 12h-14h 103 r.Villiers Isle Adam Prix sur offre d'achat [email protected] Ventes HÔTELS PARTICULIERS (44) NANTES CATHÉDRALE EXCLUSIVITÉ APPARTEMENTS MUETTE/POMPE 2easc imm.1930, 43m2, séj 1 chbre, calme, 435.0001 çAV. H.MARTINç Exceptionnel 310m2 + jard privatif 260m2, très belle récept,5chbres,serv.possib HENRI MARTIN CABINET COURTOIS ARGENTINE 163M2 çJASMIN 167M2ç 2easc,beau 3P. rénové traversant,balc 7m2 sud dégagé,park en +, 975.0001 square privé,2easc pierre/t parquet, moulures, box en+ secteur Janson,1.450.0001 MUETTE RANELAGH beau 8P.,4/5chbres,volume superbes moulures,possib prof.libérale, 1.560.0001 PASSY 8P. 6e-7easc, imm. Pierre/t. Duplex familial, 6 chbres sud-ouest,parquet,cheminée Exclusivité - 1.990.0001 WWW.JUNOT.FR 01.53.43.08.20 Bel immeuble 1930-3°étage 3 chbres - service - park EMILE GARCIN 01.47.17.18.18 www.emilegarcin.fr ç VICTOR HUGO ç Imm.anc.-3°asc.-4P. 122m2 Dble séj.-2 chbres-calme EMILE GARCIN 01.58.12.02.02 www.emilegarcin.fr FAISANDERIE VUE SEINE T.EIFFEL -270M2 Superbe imm.ancien, 2°ét. Triple récept. 3/4 chbres 2.895.0001 - Exclusivité é DISTRICT é 01.40.70.03.03 174 m2 dont 162 Carrez appt refait par architecte 3 chbres, park., cave 4 ème étage. 2.090.000 1 C.M.B. 06.81.66.53.17 ç PLACE LEVIS ç dans Hôtel particulier 77m2 - duplex - 2 chambres parfait état - 1.040.0001 ç COURCELLES ç Pierre/T.,127m2, 3 chbres 2°soleil,travx,1.485.0001 ç BATIGNOLLES ç atelier artiste 120m2 calme 3chbres,terrasse 1.590.0001 çVILLA DES TERNESç dans Hôtel part. - 144m2 3 chbres - calme - verdure volume - 1.600.0001 ç RUE COURCELLES ç Pierre/T., 198m2,4°étage design contemporain 3 chambres - 2.490.0001 FEAU 17EME 01.42.27.85.00 www.feau-immobilier.fr 19 € HT* LA LIGNE Annonce diffusée dans Le Figaro Quotidien, Le Figaro Immobilier et Explorimmo 01 56 52 80 00 Appt haussmannien 100 m2, traversant, lumineux balc. 3 chbres, séjour dble, 5e et dernier ét. 1.300.000 1 Part 06.14.26.56.43. Rare appt de récept. 4eét Balcon. Vue. 3/4 chambres exclusivité 06.60.47.02.80 Elégant 7P 293m2, récepts 4/5 chambres - 9.2001/m2 service + parking possible çPTE DE PASSYç Ancien,3eét. - 7.6001/m2 Réception, 3 chambres, 2P. + parking en sus APPEL D'OFFRES IMMO INTERACTIF SUR INTERNET 29 & 30/6/2016 1ere offre possible. 1.500.000 1 frais de négociation inclus. Vis. sur RDV les mardis après-midi, jeudis matin, vendredis. 02.40.47.59.63. ETUDE FAUVELGAUTIER-LAISIS 22 rue des Halles 44000 NANTES www.immobilier.notaires.fr ç NICOLO/PASSY ç Bel ancien 2P.40m2, 2easc Parquet,moulures,bon état Cave - 400.0001 ELGER - 01.48.42.00.22 PL.RODIN/GAL.DUBAIL 224m2, 3easc, balc, clair Service, box - 2.490.0001 Come Home 06.71.58.15.37 PARC DE BELLEVILLE 32 rue des Envierges Studio 15,33m2 - 2eét.asc Classe Energie: F 1eoffre possib: 95.0001 (frais de négo inclus) Vis le 13/06 de 18h30-20h le 23/06 de 12h-13h Me MARTIN, notaire Infos MIN.NOT: 06.33.92.90.14 Réception des offres sur www.immobilier.notaires.fr 2P 41m2 4e ét. lumineux cuis. équipée parfait état récenté01.45.67.25.25 Ventes 92 APPARTEMENTS INKERMANN Imm.rénové-Appts refaits Studio 210.0001 2P - 469.0001 2/3P - 740.0001 4/5P r.de jard-1.140.0001 Parking ou Box possible Classe énergie : E 06.07.56.34.87 06.71.45.02.35 Ventes 78 MAISONS Yvelines NEUILLY ROULE 205M2 8 pièces-6°étage-bel anc. triple récept-4/5 chambres balc.-2.150.0001+dble box Exclusivitéé06.1279.1092 CHEZY/BINEAU 2P Ventes 92 Ventes 92 APPARTEMENTS ESCUDIER Imm. anc., stand., calme 6 P, 180 m2, jardin 65 m2 1.450.000 1, possib. park. ERCINEA 01.83.79.94.44 GOLFE MORBIHAN ILE AUX MOINES Exceptionnel - proche centre-bourg et plages Programme immobilier neuf de 8 maisons d'architecte Prestations grand standing A partir de 420 000 1 CEFIM 02.97.43.44.66 AU CŒUR DU GOLFE DU MORBIHAN (56) Propriété de 180 m2 sur parc de 3.100 m2 avec étang et piscine, maison d'hôtes 65 m2. 856.000 1. 06.78.02.18.75. Ventes APPARTEMENTS MAISONS Sud-Ouest APPARTEMENTS Hauts-de-Seine MEUDON 50m du Tramway T2 EMMENAGEZ IMMEDIATEMENT Beau 4 P. familial traversant, 88m2. 3e ét. avec balcon 8m2. 598.000 1 06.09.59.43.96. Ventes IMMEUBLES ALFORVILLE 94 Imm. R+3, 8 appts dont 6 libres. 1.650.000 1 Pptaire : 06 07 75 35 74 Immobilier International de Prestige locations saisonnières VENTE LOCATION GESTION OFFRES VIDES Ventes APPARTEMENTS MAISONS Viagers 1H30 PARIS Ventes Est Dans un écrin de verdure sur un parc de 2,5 HA, manoir anglais, 200 m2 Carrez, 4 chbres dont une gde avec balcon, 2 s. de bains. Sous-sol complet + gar. Terrasse neuve 60m2, piscine couverte chauffée refaite, barnum 150 m2. Pompe à chaleur, 3 écuries, vergers, prairies. Le tout en très bon état, 470.000 1 Part. 06.86.42.27.88 [email protected] 10° - Occupé sans rente 3P-60M2 220.0001 SISTEL 01.40.38.22.22 MARSEILLE 8e Superbe vue mer, appt contemporain 160 m2, terrasse, résid. luxe sécurisée, parc privé, piscine, restaurant, tennis, navette, excellent état, gar. 2 voitures, 750.000 1 Part. 06.20.78.96.76. Immobilier Locations VACANCES OFFRES Campagne ST-ZACHARIE/VAR ENTRE AIX ET LA MER grand mas, calme, en Provence. 8 personnes piscine, juillet, fin août Part. 06.70.06.03.99. Locations VACANCES OFFRES Mer R.DU MONTPARNASSE 60m2, 2 chbres, Calme et lumineux - 1.7001 ch comp çEMILE GARCINç - 01.42.61.73.38 www.emilegarcin.fr SAINTE MAXIME VUE MER, plage à 100 m. VlLLA contemporaine clim 8 pers max. Jard.privatif dans un domaine gardé. 4 chambres chacune avec salle d'eau +w.c. Piscine chauffée SPA. Mois Août 2 semaines minimum Part. 06.82.58.48.38. Locations 16e OFFRES VIDES çR. M.ANGE 3P.89M2ç 2eét.bon état,park,2.4001 chf&ch.comp-06.10.59.20.24 HOSSEGOR VILLA PRESTIGE Entre Lac et Océan Pour 10 personnes 13.000 1/semaine en Août 05.58.43.51.05 Locations 7e Sud-Est (83). 200 M PLAGE Tous commerces à pied. Imm. stand. 3 P., 70 m2 avec loggia, séj. avec cuis. ouverte aménagée et équipée, 2 chbres, s. de bains, clim. réversible, gd box fermé, 380.0000 1 Part. 06.30.26.24.71. Locations 14e OFFRES VIDES Ventes CAVALAIRE S/MER VUE SUR JARDIN DES PLANTES Dans bel imm. anc. Appt 3 P. de 70 m2 au 2 ét. asc., 2.100 1 ch. comp. Part. 06 24 33 70 63. 2 P. 38 m2 renové tt cft, 4 à 6 couchages, cuis. équipée accès Internet, TV, clair et calme, 3e ét., semaine 6301 ch. comp. , mois 13001 + 75 1 charges. tél 06.62.80.59.06. Immobilier APPARTEMENTS MAISONS ARRADON BOURG R. DU COMMERCE Locations 5e 15 KM SENS OFFRES MEUBLÉS 10 € chez votre marchand de journaux En kiosque proprietes.lefigaro.fr ç VARENNE ç Luxueux 318m2, ét.élevé 5 chbres - 15.5001/mois Come Home 06.71.58.15.37 RAMATUELLE (83) 500 m plage Pampelonne, villa 6 pers. Juin, juillet, de 2.400 1 à 3.300 1 selon quinzaine. Part. 06.38.17.82.19 BONNES AFFAIRES Décoration CRÉEZ VOTRE TAPIS CONFECTION RÉALISATION A VOS MESURES ! AVEC GAVO FINI LES CORVÉES D'AMEUBLEMENT ! VOILAGES RIDEAUX, STORES Spécialiste depuis 1939 du Nettoyage d'ameublement. Décroche et raccroche vos rideaux. Ravive vos tapis, canapés, moquettes, tentures. Devis gratuit. -15 % LECTEURS DU FIGARO 84, rue Michel Ange, 75016 Paris. Villa neuve californienne vue mer panoramique. Piscine à débordement Cavalaire jouxte presqu'île de St-Tropez. 06.80.84.86.21 A PROXIMITÉ DE 33m2 beau récent,3eét.balc 346.0001 - 06.07.24.24.89 Hauts-de-Seine Boulogne Ouest PAULINE BORGHÈSE VERSAILLES maison de caractère 260 m2 jard. paysager 1.200 m2 3 s. de récept., 5 chbres 5 s. de bains. Excellent état Agence Immobilière Jeanne d'Arc 01.39.23.00.02 APPARTEMENTS MAISONS Env. 72 m2, calme, balc., soleil, 670.000 1. Part. 07.61.28.01.06. Bd Koenig Vue Seine Appt 72,5 m2 traversant 4e ét. Double séjour sur jardin, chambre sur Seine cave, gardien, park. Part 700.000 1. 06.03.45.83.91. Ventes 20e APPARTEMENTS MARCEAU 242 M2 ç V.HUGO/LOTA ç HÔTEL PARTICULIER fin XVIIIe siècle, en très bon état, 555 m2 hab. (763m2 utiles) Façade classée. Réceptions 105 m2. 10 chambres. Garage, conciergerie. Classe énergie C. *Tarif *T arif HT au 8 juin 2015 RUE LONGCHAMP éLES PASSAGESé Hauts-de-Seine, Neuilly Renseignements : M. Bruno JACQUET, 01.30.84.57.47 - [email protected] DDFIP des Yvelines - 16 avenue de Saint-Cloud - 78018 Versailles Cédex Ventes 17e Quartier très recherché, au calme, noyé dans la verdure appt d'angle 133m2 rénové 2010. Expo sud/sud -Ouest, lumineux, entouré large balcon filant 32 m2 vaste séjour lumineux 59m2 cuis. US, suite parentale 25 m2 avec sa salle d'eau privative, wc. 2 chambres 16,7 m2 chacune, salle d'eau, buanderie, wc indép Cave 7 m2 , parking s.sol Possib. garer 2e voiture allée privée attenante. 1.550.000 1 Part. 06.51.43.62.37. www.alixares.com Ventes Locations RECHERCHE APPTS VIDES ET MEUBLES pour sa clientèle internationale aux solides garanties financières. location@ barnes-international.com Rubrique réalisée par PROPRIÉTÉS LE FIGARO - 01 56 52 80 00 DR Photo ROLAND GARROS FRANCE DOMAINE 78 Stéphane Theuriau, Président du directoire de Cogedim Parmi les plus emblématiques, il y a le programme Porte d’Auteuil à Paris 16, lancé cette année et dont nous débutons la construction, conçu par l’architecte berlinois Finn Geipel. Et en septembre, nous en lançons un autre, rue Campagne première dans le 14ème avec l’architecte Francis Soler. Au total, nous lançons près de 100 opérations de logement cette année. En vidéo sur Explorimmo.com et dans Le Figaro Immobilier sur Lefigaro.fr OFFRES MEUBLÉS DEMANDES VIDES © Jean-Christophe MARMARA LE CLUB IMMO. 2016 sera-t-elle marquée par le retour Locations 15e locations BIARRITZ A 5 mn d'Anglet (Chambre d'Amour). Villa 200 m2 jard. 1000 m2, sur 2 nivx, 7 P. belles prestations, jacuzzi, sauna, gde verrière, piscine 4* 8m. Barbecue. Dble gar. plage et commerces à pied, 1 km golf. 1.190.000 1 Part. 06.11.08.89.24. DORDOGNE PÉRIGORD VERT 20 KM NORD NONTRON dans petit village. Maison de bourg à rénover avec jardin. 1 étage. 4 chambres, 2 grandes cheminées, grenier, cave et garage ouvert. 85 0001 Part. : 06 61 02 37 85 [email protected] Ventes PROPRIÉTÉS NOGENT (94) LISIÈRE DU BOIS DE VINCENNES Propriété d'exception environ 520 m2, décor haut de gamme, 4 chambres avec dressing, salle à manger, séjour, salon, véranda, terrasse 180 m2, terrasse, chambre parental 60 m2, + 2 maisons indépendantes de 68 m2 et 32 m2. 2.600.000 1. 06.07.94.31.84. Ventes APPARTEMENTS MAISONS Étranger RÉALISATION DE MODÈLES UNIQUES Large choix de styles formes matières textures LAINE, SOIE, LIN, Fabrication française et sans intermédiaire. intérieurs et extérieurs Choix de tringles et de tissus d'éditeurs. Conseils, devis, prises de mesures, réalisations et Poses assurées par nos décorateurs. Etude et Devis gratuits. Manufacture Tapis Design 34 Rue de Bassano, 75008 Paris. - 15% LECTEURS DU FIGARO. 34, Rue de Bassano, 75008 Paris. 01.47.20 78 84. www.lightandmoon.com NETTOIE RENOVE, RAVIVE Musique SURFACE TRANSLUCIDE À IMAGINER GRÈCE, ÉGINE propriété de stand. 280 m2 sur 2000 m2. Situation d'exception entre Dune et Océan. 3.500.000 1 URGENT. Part. : premier contact par mail [email protected] PAYS BASQUE 20 MN BIARRITZ Vue magnifique. Maison de 1750 renovée 190 m2, T6. Dépendance sur 2 ha. Part 490.000 1. 06.22.27.86.01. PIEDS DANSL'EAU Jardin arboré 500m2,puits 2 chbres. climatisation, vendu meublée et équipée. 175 000 1 .Part (00) 30 22 970 31 218 [email protected] L'EDEN S'OFFRE A VOUS ! COSTA RICA Splendide villa 400 m2. Son parc tropical privé. 890.000 1 [email protected] pour recevoir descriptif et photos. ACHETE CHER Vieux VIOLONSvioloncelles en l'état Part. 06.68.86.07.36. influence Figaro Immobilier maison 60m2, terrasse 32m2 PYLA SUR MER 33 01.47.43.11.43. 01.47.20.78.64. Tapis, rideaux Moquettes Stores Tentures Murales, Canapés et Cuirs. CONFECTION RESTAURATION de votre ameublement. Réfection sièges et fauteuils. Excellentes références. Devis Livraison gratuits. M.T.D Paris 8e 34 Rue de Bassano 01.47.20.78.64. PLAN DE CUISINE, TABLE, COMPTOIR PAROI, CLOISON Texture et Couleur de votre choix. DESIGN LUXUEUX en verre et sur mesure adapté à votre intérieur. Étude et devis gratuits. 34 rue de Bassano 75008 Paris. 01.47.20.78.64. 19 € HT* LA LIGNE Annonce diffusée dans Le Figaro Quotidien, Le Figaro Immobilier et Explorimmo 01 56 52 80 00 *Tarif *T arif HT au 8 juin 2015 LE FIGARO TÉLÉVISION jeudi 9 juin 2016 35 BIEN VU Anthony Palou [email protected] Prométhée amoureux « Le 19/20 » Radio Classique | 19 heures | mardi I Secrets, mensonges et héritage Drame familial intense, la série danoise « Les Héritiers » a été couronnée de deux Fipa d’or. CONSTANCE JAMET £@constancejamet D epuis Borgen, Bron et The Killing, la fiction danoise a conquis les fans de séries. Avec Les Héritiers, grande saga que lance ce jeudi Arte, elle démontre qu’elle excelle tout autant dans le mélodrame que le polar ou les arcanes du pouvoir. Diffusé à Noël 2014 par la télévision publique DR, Les Héritiers a scotché devant son écran un Danois sur trois avec une histoire vieille comme le monde : des enfants se déchirent autour de la fortune de leur mère, disparue soudainement. Les maudits héritiers en titre sont les quatre rejetons de Veronika Gronnegaard. Artiste peintre et sculpteur de renommée internationale, elle n’a guère eu la fibre maternelle. Elle houspille son aînée Gro, galeriste zélée. Se montre plei- ne de froideur pour ses fils nés d’une autre union. Elle n’adresse plus la parole à Frederik, avocat bouillonnant de rage, et ne s’inquiète guère du sort d’Emil qui ne cesse de lui demander de l’argent. Surtout, elle a abandonné vingt-cinq ans auparavant une petite fille, Signe, fruit de sa liaison avec John, qui réparait sa toiture. Élevée par ce dernier, Signe, modeste ○○○○ fleuriste, ignore tout de ses origines. Mais condamnée par un cancer, Veronika lui dévoile la vérité et, dans son testament, lui lègue son manoir. Au deuil de leur mère et au choc de voir cette sœur oubliée réapparaître dans leur vie s’ajoute pour Gro, Frederik et Emil la stupéfaction face aux dernières volontés maternelles qui vont à l’encontre de leurs intérêts. Gro souhaite ériger une fondation à la mémoire de sa mère sur le terrain du manoir. Frederik veut emménager dans la bâtisse et Emil compte la vendre pour empocher sa part et rembourser une énorme dette contractée auprès de la mafia thaïlandaise. Dès la veillée, les masques tombent. Signe se retrouve au centre des convoitises. Elle comprend vite qu’elle doit se montrer aussi impitoyable que les autres. Cette boîte de Pandore est jouissive : l’un après l’autre les secrets enfouis depuis trois générations viennent déboulonner les certitudes et réveillent les pulsions les plus égoïstes, colériques et mesquines. 20.55 Jeu de massacre savoureux En dix épisodes se déploie un jeu de massacre aussi savoureux que celui distillé en 1995 par Festen, de Thomas Vinterberg, où une famille s’écharpait à LEHMANN/ARTE l’occasion des soixante ans de son patriarche. La comparaison avec ce classique du Dogme est d’autant plus tentante que la série et le film partagent la même actrice : l’intimidante Trine Dyrholm (Gro). La comédienne de 44 ans s’appuie sur des partenaires irréprochables : Mikkel Boe Folsgaard, roi fou dans Royal Affair, campe un Emil séducteur et paumé, Carsten Bjornlund prête sa carrure de guerrier viking aux humeurs volcaniques de Frederik. Ces performances sont au diapason du scénario subtil de Maya Ilsoe et de la mise en scène épurée de Pernilla August, ex-épouse du réalisateur doublement palmé à Cannes Bille August. Poussé par ces atouts, Les Héritiers lance sa troisième saison et a raflé une pluie de récompenses européennes dont deux Fipa d’or. Signe ultime de consécration, une adaptation américaine est envisagée. ■ Coluche, clown protéiforme Paroles d’humoristes pour rendre hommage au comique mort il y a trente ans. VALÉRIE SASPORTAS [email protected] E « Le documentaire sur Coluche, Le Bouffon devenu roi, vaut son pesant de réflexions. AGENCE BESTIMAGE/FTV st-ce que vous savez pourquoi vous faites marrer les gens, parce que vous savez les observer ? », demande Michel Drucker à Coluche, encore à ses débuts. « Sûrement, oui, oui ! Et puis je connais bien l’esprit de bistrot. Alors j’essaie de faire rire avec », répond le comique. Revoyant la séquence, la comédienne et humoriste Virginie Lemoine observe : « Dans les interviews, on l’entend toujours avec cette espèce de gouaille parisienne… » Chaque extrait du documentaire Le Bouffon devenu roi, diffusé ce jeudi, sur France 3, vaut son pesant de réflexions. Ses réalisateurs, Nicolas Maupied et Didier Varrod, ont eu l’idée de demander à des comiques d’aujourd’hui de parler de l’artiste à l’approche de l’anniversaire de sa mort il y a trente ans déjà, le 19 juin 1986. Ténors du rire Sur les planches d’un ○○○○ théâtre parisien où le grand amuseur a triomphé, des ténors du rire et de jeunes talents lui rendent hommage : Patrick Sébastien, JeanMarie Bigard, Jamel Debbouze, Tho- MOT S C ROI S É S PROBLÈME N° 4122 HORIZONTALEMENT 1. Auspices d’aruspices. - 2. Cause de décès. - 3. L'un des ancêtres littéraires de Cadichon. - 4. Rendions conte. - 5. Espères obtenir un bon classement. Devient luisant avec un ver. - 6. Jamais sans Grichka dans l’espace-temps. Valseuse inexpérimentée. - 7. Pour le joueur ou le buveur. Fée persane. - 8. Faire comme MacMahon. - 9. Un habitué du zinc. Obtins une clarification. - 10. Imposants ou enivrant. - 11. Appartient à la colonne vertébrale. - 12. Piques dans la phalange. Par Louis Morand VERTICALEMENT 1. Ours de savants. - 2. Ont désormais plus d’ampleur. Géniteur à moitié seulement. - 3. Passions au laminoir. Ou encore Moebius. - 4. Effectuer d’importantes coupures. Dégradé. - 5. Qualités en or. Mettais à nu. - 6. Boucle de botte. Dérapages non contrôlés. - 7. Frapper par surprise. Passe des lignes. - 8. Fais prendre conscience. 1 1 VERTICALEMENT 1. Répétitrices. - 2. Oxygène. Tant. - 3. Marie-Galante. - 4. Amon. Oserait. - 5. Nimègue. Cs. - 6. INA. Acra. Rhô. - 7. senèyH. Chien. - 8. Ères. Éléates. 4 5 6 7 8 BR I D G E PROBLÈME N° 2324 : Double indice 6 9 10 11 12 A V 10 9 10 8 7 5 DV85 5 O N S E 32 RDV43 A R 10 A42 4 5 LE BUZZ TV Invité : Thomas Thouroude interviewé par Philippe Larroque, aujourd’hui sur : Jeudi 9 juin Par Philippe Cronier www.lebridgeur.com 3 8 SOLUTION DU PROBLÈME N° 4121 3 20.55 2 7 HORIZONTALEMENT 1. Romanise. - 2. Examiner. - 3. Pyromane. - 4. Égine. Es. - 5. Tee. Gay. - 6. Ingouche. - 7. Teaser. - 8. Lé. Ace. - 9. Itard. Ha. - 10. Cana. Rit. - 11. Entichée. - 12. Stetsons. 2 mas VDB, Vincent Dedienne, Nicole Ferroni, Anne Roumanoff et encore quelques autres. Mais celui qui en parle le mieux, c’est encore Coluche. Sketchs et images d’archives aident à se souvenir des ressorts de son rire. C’est l’histoire d’un mec, en 1974. Le Schmilblick. « Dieu a dit, il y aura des hommes grands, il y aura des hommes noirs (…) et tous seront égaux, mais ça sera pas facile. » Roi de la scène, mais aussi acteur de cinéma et fondateur des Restos du cœur. Un film éclectique fait par et pour ses amateurs. ■ Contrat : Sud joue 6 Coeurs, après une ouverture d’Est de 4 en troisième position. Entame : 8 de pour le 9 d’Est pris de l’As. Vous coupez un (le 3 en Ouest), jouez le 7 de pour le Valet (Ouest défausse un !), coupez un nouveau du 8 (Ouest défausse un second ) et jouez le 10 de qui fait la levée (Ouest écartant cette fois un ). RÉPONSES AU TEST D’ENCHÈRES N° 2323 Votre main en Sud 1 - 87 2-72 3 - A 10 8 4-86 5 - A 10 6 2 RV64 ADV2 V872 AV63 ARV8 A92 R 10 4 R V 10 84 6 RV73 A962 R D 10 A R 10 8 2 V854 Le début de la séquence : Sud Ouest Nord Est 1 passe 1 passe 2 passe 2SA* passe ? * Enchère d’essai généralisé Quelle est votre enchère en Sud avec chacune des cinq mains ci-contre ? Main 1 : 3. Votre main est vraiment minimale. Découragez votre partenaire en revenant à 3. Main 2 : 4. Cette fois, répondez positivement avec 14H. Vous n’avez ni force, ni distribution particulière à mentionner, bondissez tout simplement à 4. Main 3 : 3SA. Votre main archi plate à honneurs dispersés mais maximale doit vous faire penser que 3 Sans-Atout sera le meilleur contrat si Nord a lui aussi une main régulière. Main 4 : 3. Plutôt que de bondir à la manche, montrez en priorité vos cinq beaux en produisant l’enchère descriptive de 3. Main 5 : 4. Dans le même esprit, un Splinter à 4 donnera de précieuses informations à Nord s’il a une main de chelem. A Marie Bach Hansen (Signe), Trine Dyrholm (Gro), Mikkel Boe Folsgaard (Emil) et Carsten Bjornlund (Frederik) se déchirent pour l’héritage de leur mère. l est plutôt agréable ce « 19/20 » de Patrick Poivre d’Arvor. Le journaliste a cette voix suave, confortable comme les amortisseurs d’une DS, une voix qui vous emballe, une belle voix de radio comme on dit. Mardi, il avait eu la bonne idée d’inviter Emmanuelle de Boysson. Elle vient de publier un Balzac amoureux aux éditions Rabelais. Balzac amoureux, vaste programme, il fallait avoir le courage de se jeter à l’eau, de se mettre au café turc. Dès que l’on parle des femmes, PPDA est au garde-à-vous. Un vrai setter pointer. Un avisé. Il connaît bien le dossier. Avec Balzac, la romancière est presque chez elle. Ses trois auteurs de chevet ? Stendhal, Balzac et Proust, un beau tiercé dans l’ordre. Elle nous rappelle que Balzac était raide dingue de Laure de Berny de plus de vingt ans son aînée. Et puis bien sûr, il y a la Polonaise, la Hanska avec qui il se marie avant de passer l’arme à gauche, à 51 ans. Il l’a attendue, lui a écrit des lettres pendant dix-huit ans avant d’aller la chercher. Balzac est une machine de guerre, un entrepreneur endetté, un homme en robe de chambre ou plutôt en robe de bure, un ascète. Le travail ne lui fait pas peur. Dîner à 18 heures, un petit somme, lever à minuit, il écrit debout pendant douze, treize, parfois dix-huit heures. Son génie ? Oh, il est tout simple : il a inventé le retour des personnages, les héros récurrents comme on dit aujourd’hui. Rastignac, Vautrin, etc. S’il nous faut conseiller une porte d’entrée à un jeune lecteur qui aimerait se plonger dans le torrent Balzac, nous lui conseillerons Le Père Goriot. Là se trouve sans doute le nœud de sa comédie humaine. Ensuite, faites votre marché. jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 36 TÉLÉVISION MÉTÉO PAR ÉPHÉMÉRIDE St-Diane Soleil: Lever 05h47 - Coucher 21h52 - Lune croissante 19.00 Money Drop. Jeu. Présentation : Laurence Boccolini. 20.00 Le 20h 20.45 Nos chers voisins. Série 18.45 N’oubliez pas les paroles ! Jeu 20.00 20 heures 20.40 Parents mode d’emploi. Série 20.55 20.55 Concert. Variétés 19.00 19/20 20.00 Tout le sport. Magazine 20.25 Plus belle la vie. Feuilleton. Avec Anne Décis. 20.55 Magazine. Reportage Documentaire. Biographie 18.50 Grey’s Anatomy. Série. AVec Ellen Pompeo. 20.35 VDM. Série MATIN 20.55 Confessions intimes Magazine. Société. Prés. : Christophe Beaugrand. 1h25. Inédit. Au sommaire de ce numéro : «Je ne reconnais plus ma femme» - «Arrête de te prendre pour une star». 9 20 9 10 13 Envoyé spécial Prés. : Guilaine Chenu, Françoise Joly. 1h45. Inédit. À travers reportages, portraits et entretiens, «Envoyé spécial» aborde tous les sujets qui font l’actualité. L’auteur de chaque reportage se rend sur le plateau. Prés. : Alessandra Sublet. 2h05. En direct. Au pied de la Tour Eiffel, de nombreuses stars interpréteront leurs titres et formeront des duos inédits. 23.00 Euro 2016 : le grand show de David Guetta Concert. 0.10 22.40 Complément d’enquête Magazine. 23.55 Trisha Brown. Ballet 1.05 Toute une histoire. France/Italie. Football. Euro 2000. 18.45 Le JT du Grand journal (C). 19.15 Le Grand journal (C). 20.10 Le petit journal (C). 20.50 Les Guignols. 19.00 Jago : une vie aquatique. Documentaire 19.45 Arte journal 20.05 28 minutes. Magazine 20.55 Coluche, le bouffon devenu roi Fra. 2016. Réal. : Nicolas Maupied et Didier Varrod. 1h55. Inédit. Trente ans après sa mort, que reste-til vraiment du rire et de l’esprit de Coluche ? 22.50 Tchao pantin Film. Drame. Fra. 1983. Réal. : Claude Berri. 1h30 0.20 Grand Soir/3 0.50 Docs interdits. 18.35 Chasseurs d’appart’. Jeu 19.45 Le 19.45 20.25 Scènes de ménages. Série. Avec Audrey Lamy. 20.55 Série. Drame 21.00 Série. Drame Série. Policière 14 19.00 C à vous. 20.00 C à vous, la suite. Magazine 20.20 Entrée libre. Série documentaire. Société. Fra. Réal. : Phil George. 1h25. Plongée au coeur du Nouvel An Chinois, du Festival des Fiançailles au Maroc et du Jour des Morts au Mexique. 22.10 C dans l’air. 23.15 Entrée libre. 23.35 Fils unique de l’Himalaya. 18.55 Le Mad Mag - La suite. Magazine 19.15 Warehouse 13. Série 15 14 12 18 15 16 14 18 16 19 18 40 19 APRÈS-MIDI 21 30 22 23 25 25 20.55 Le règne du feu 26 21 22 25 23 29 21 24 23 30 24 26 25 28 30 27 22 22 23 24 22.50 Alien IV, la résurrection. Film. Science-fiction. 22 20 23 22 24 Film. Fantastique. GB-Irl. 2002. Réal. : Rob Bowman. 1h42. Avec Christian Bale. Dans un futur proche, des Anglais et des militaires américains entrent en lutte contre les dragons. 12 12 17 20.45 Festivals du monde 13 12 13 30 13 10 10 12 13 13 10 10 11 11 22.20 Confessions intimes. Magazine. Prés : Christophe Beaugrand Euro 2016 : le grand show d’ouverture 8 26 30 23 30 30 19.05 Des cabanes et des hommes. Téléréalité The Catch Les héritiers EU. Saison 1. 2 épisodes. Inédits. Avec Mireille Enos, Peter Krause, Jay Hayden, Elvy Yost, Rose Rollins. Christopher (alias Kieran Booth) cherche à gagner la confiance de la princesse pour mieux l’escroquer. Dan. Saison 1. Inédit. Avec Trine Dyrholm, Carsten Bjørnlund, Mikkel Boe Følsgaard, Marie Bach Hansen. Artiste célèbre ayant mené librement amours et carrière, Veronika est atteinte d’un cancer mortel. 22.25 L’émission d’Antoine Ma- 22.45 Les héritiers Série. Drame. Dan. 2014. Saison 1. Inédit 23.45 Simetierre. Film. Horreur. gazine. Actualité. 23.25 Le sang des Templiers. Film. Action. 20.50 Forces de la nature Scorpion EU. Saison 2. 2 épisodes. Inédits. Avec Elyes Gabel, Katharine McPhee, Jadyn Wong, Eddie Kaye Thomas. L’équipe Scorpion doit retrouver les corps de soldats des Marines décédés au Vietnam en 1971. 22.40 Scorpion Série. Policière. EU. Série doc. Science et technique. 2014. 1h40. Inédit. Déluge biblique. Il y a 8 000 ans, les flots de la Méditerranée auraient submergé le canal du Bosphore jusqu’en Turquie. 22.30 Forces de la nature. Série documentaire. 2015. Saison 2. 1.00 Justified. Série. Le trésor des Bennett 18.00 Le Caméléon. Série. Avec Michael T. Weiss, Andrea Parker 18.50 Arrow. Série. Avec Stephen Amell, Katie Cassidy. 18.55 Moundir et les apprentis aventuriers. Téléréalité 20.40 Soda. Série 19.00 Touche pas à mon poste ! Talk-show. Prés : Cyril Hanouna. 20.55 Sherlock Holmes 2 : jeu d’ombres 20.55 X-Men 3 : l’affrontement final 21.00 Ghost Rider : l’esprit de vengeance Film. Aventures. EU. 2011. Réal. : Guy Ritchie. 2h07. Avec Robert Downey Jr. Sherlock Holmes traque son ennemi juré, Moriarty. Film. Fantastique. EU-Can-GB. 2005. Réal. : Brett Ratner. 1h45. Avec Hugh Jackman. Le professeur Charles Xavier et Magneto s’opposent. Aven- 12:25 23.15 Sherlock Holmes. 22.50 Page1 X-Men 2. Film. 1.10 Moundir et 09_06_16_Sudoku Figaro Film. 10/05/2016 tures. 1.45 90’ enquêtes. Magazine les apprentis aventuriers. Chaquejourunpeuplus difficile GRILLE 1738 CONFIRMÉ 5 2 1 9 8 2 3 6 SOLUTION DU N° 1737 A 2 9 5 4 2 3 8 9 5 2 6 4 2 3 9 8 1 8 4 8 4 3 7 9 2 7 4 2 3 9 6 1 8 5 1 3 6 5 4 8 7 9 2 Film. Action. EU-Emirats Arabes Unis. 2012. Réal. : B. Taylor, M. Neveldine. 1h31. Johnny Blaze part à la recherche d’un jeune garçon. 22.50 Touche pas à mon poste ! Talk-show. Prés : Cyril Hanouna. <-10 à 0 9 1 3 7 6 5 4 2 8 4 6 8 9 2 3 5 7 1 2 5 7 8 1 4 9 3 6 6 7 1 4 8 9 2 5 3 5 8 4 2 3 7 6 1 9 3 2 9 6 5 1 8 4 7 COMPLÈTEMENT EXTÉRIEUR SOIGNÉ IL NE VAUT PAS LE CUIR PARE 0 à 10 16/21 BREF SIFFLEMENT CHEMIN À SUIVRE CARRÉ DE VIGNES PRIX par téléphone : 2,99 €/appel AVOIR TRÈS CHAUD ÉLAGUÉS MAUVAIS PRÊTEUR RADIUM AU LABO TÉMOINS 16/22 20/25 LIVE 24/24 SUR et sur ÉDITION COLLECTOR On a tous JEUNE RONGEUR ARBRE EXOTIQUE PAPIER DISTRIBUÉ DIRIGEA FILM DE MÉMOIRE IL COURT LE PRÉ PEU CHARNU DOTÉ D'ENTAILLES BIEN ASSIMILÉ COMMANDEMENT LE CHLORE BAIN FINNOIS UNE CONJONCTION UNE CARTE À JOUER ! ÇA FAIT TOUJOURS RÊVER ALLÉGÉE CYCLE DE LA LUNE MET EN MOUVEMENT HABILLE THÉÂTRE POPULAIRE BIEN COUPÉ À BOUT SYMBOLE DU CHROME ET TOUTE UNE SUITE PROPHÉTIE COURT ALLERRETOUR ÉTUI DE COUSETTE ANGOISSE 18/25 présente OISEAU À HUPPE CHEMIN POUR PÊCHEURS ID EST 15/19 14/20 lachainemeteo.com Tous les programmes dans TV Magazine et sur tvmag.com ESTOUFFADE 14/18 14/17 16/22 18/26 22.50 Storage Hunters. Téléréalité. 7 ans de malheur 17/25 16/22 13/25 17/27 15/22 18/31 DIMANCHE 15/23 FORCE 2 PHÉNOMÈNES RETENTISSANTS ATHÈNES BERLIN BUDAPEST LISBONNE PRAGUE TUNIS 15/22 13/20 11/22 13/24 15/26 12/18 17/26 10/21 12/18 22/35 19/24 SAMEDI 8/21 15/23 10 à 20 20 à 30 30 à >40 AMSTERDAM BELGRADE BRUXELLES DUBLIN MADRID ROME VENDREDI 20.55 Encore toi ! Film. Comédie. EU. 2010. Réal. : Andy Fickman. 1h41. Avec Kristen Bell, Jamie Lee Curtis. Une jeune femme apprend que son frère va se marier avec celle qui était sa pire ennemie. 22/28 20/27 9/19 14/20 13/22 21/23 ALGER BARCELONE BERNE COPENHAGUE LONDRES RABAT MOTS FLÉCHÉS N°1373 SU DO KU 8 9 5 1 7 2 3 6 4 23 T (en °c) LUTH À TROIS CORDES DOUBLES TRAFIQUE DANS LA RUE CONSÉCRATION SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT P D H V S P I A MO D E R E M E N T L O N G S R E C E L E R E C A R T A I E C R A S E R S P A T I A L E E S T R I C T P E N C E M L F E T A R T R E T R I A I M E R A A I I S E O M I L E S N O T I C E N E T E T H E R E S V E R S E U S E S S T 6 € ,90 EN VENTE ACTUELLEMENT en kiosque et sur www.figarostore.fr LE FIGARO jeudi 9 juin 2016 37 Dominique Dreuil, un « Blanc d’Afrique » au Mali Véronique Guillermard [email protected] D ominique Dreuil n’est pas près d’oublier la soirée du 7 mars 2015. Comme nombre d’expatriés, il dîne au bar-restaurant, La Terrasse, haut lieu de la vie nocturne de Bamako. Petits plats, musique, verres partagés, discussions. C’est un samedi soir comme les autres… jusqu’à l’irruption d’hommes armés qui ouvrent le feu en ciblant les Européens. La capitale du Mali plonge à nouveau dans l’horreur. L’attaque revendiquée par le groupe djihadiste al-Mourabitoune fait cinq morts, dont trois européens. Sous le choc, Dominique Dreuil ne songe pourtant pas un instant à quitter le Mali : « Après avoir survécu à l’attentat, j’ai continué à vivre et travailler au Mali, car j’ai confiance dans l’avenir du pays et de son peuple. Je n’ai pas peur. Je m’y sens bien. » Nommé en juin 2014 directeur d’exploitation, puis, en mai 2015, directeur général d’Asam SA, la société d’assistance aéroportuaire publique malienne, ce père de trois enfants a tissé un lien particulier avec le Mali. Se décrivant comme « un Blanc d’Afrique », Dominique Dreuil a de qui tenir. « L’histoire de ma famille est liée à l’Afrique depuis les années 1950. Mon grand-père maternel a partagé sa vie entre le Gabon et le Congo. Il était parti avec la Coloniale, il a vécu en retrouve à Peyragudes, dans les Pyrénées à la tête immersion avec les Pygmées à la Lévi-Strauss », rad’un bar-lounge. « C’était le premier à ouvrir en conte-t-il avec un zeste d’accent chantant de son plein pays cathare », sourit-il. Sud-Ouest natal. « C’est mon grand-père qui m’a Mais il est rattrapé par sa passion. Il repart en appris l’Afrique et qui m’a transmis sa passion », Afrique, cette fois au Mali. Il trouve un pays encore ajoute-t-il. Claude Pradel et sa Range Rover sont traumatisé par l’occupation d’une partie de son quasiment entrés dans la légende en Afrique de territoire par des groupes djihadistes en 2012, chol’Ouest. Il est le fondateur de la première réserve qué par la destruction du joyau de son patrimoine naturelle africaine de Wanga Wongue, l’une des historique, les mausolées de Tombouctou, horrifié anciennes chasses présidentielles d’Omar Bongo, par la multiplication des attaques terroristes sur qu’il dirigea. Là, il croise d’illustres « accros » à la son territoire. Mais aussi un pays mosaïque avec chasse : Valéry Giscard d’Estaing ou Juan Carlos. ses nombreuses ethnies (Bambaras, Mais, quand il accueille son petit-fils Bobos, Peuls, Dogons, Malinkés, pour les vacances scolaires, c’est en Touaregs…) et d’une grande richesse brousse qu’il l’emmène. Avec ce culturelle. L’art, la musique, les letgrand-père aviateur qui vole en Pitres, la poésie sont partout. Jusque per, Cessna ou Beechcraft 58, Domidans les salons affaires de l’aéroport nique Dreuil découvre « l’Afrique de Bamako depuis que Dominique sous son plus bel aspect, avec sa na1970 Dreuil a pris l’initiative d’y exposer ture brute, intacte et magnifique ». Naissance à L’Union, les œuvres d’artistes locaux. Beaudans la banlieue Chaleureux et direct coup rayonnent à l’international, de Toulouse comme la chanteuse Rokia Traoré, Rien d’étonnant à ce que d’aventure (Haute-Garonne). l’écrivain Ousmane Diarra, auteur en aventure il ait repris le flambeau. 1992 de La Route des clameurs, le peintre Air Littoral, Air Gabon, Congo HanÉtudes en commerce (décédé en avril dernier) Malick Sidling… cet homme chaleureux et international (DESSMI). dibé, surnommé « l’Œil de Bamako » direct fait carrière dans le transport 2004 ou encore le photographe Seydou aérien. Puis, changement de cap. Il Directeur des ventes Keïta (1921-2001), portraitiste de tapart dans les îles pour un voyage d’Air Littoral. lent qui est exposé au Grand Palais à d’un an dans les Caraïbes, avec de 2010 Paris jusque mi-juillet. longues escales à la Barbade et à TriDirecteur d’exploitation Et puis, bien sûr, il y a la lutte nidad. Il accoste finalement à Miade Congo Handling. contre le terrorisme, aux côtés de la mi, où son épouse gabonaise a vécu 2015 dix ans. Là, il est distributeur d’obDirecteur général d’Asam France, intervenue à la demande de ce pays ami en janvier 2013. Depuis jets design « made in France ». L’es(société d’assistance août 2014, ce combat se poursuit dans sai n’est pas concluant. À l’amériaéroportuaire publique), le cadre de l’opération « Barkhane », caine, il tente autre chose. On le à Bamako, au Mali. Bio EXPRESS qui a succédé à « Serval » avec le G5 du Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad et Burkina-Faso). Dominique Dreuil est un observateur averti des défis que doit relever le Mali en matière de sûreté, de concorde nationale, de santé, d’éducation, de services publics, d’enracinement de la démocratie et de restauration de ses forces armées. À son poste, il apporte sa pierre au projet commun. De Gao à Tombouctou, les aéroports militarisés où les troupes françaises et la Minusma ont établi des bases, en passant par Mopti, Bamako et Kayes, le directeur général d’Asam assure la continuité du service public aéroportuaire. Cela malgré les allées et venues des avions militaires étrangers et leurs 2 000 tonnes de matériels par an. À son agenda estival, la réouverture de l’aéroport de Kayes, en travaux. Aigle Azur desservait Paris depuis cette grande ville, située à 500 km du nord-ouest de Bamako, dont sont originaires de nombreux Maliens vivant en France. Autre projet majeur, faire de Bamako le pôle de maintenance aéronautique de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. « Aujourd’hui, il n’existe aucun centre dans cette région gigantesque. Les avions de ligne doivent aller en Europe pour leur check-up et leur grande visite », insiste Dominique Dreuil. Il ambitionne de démarrer l’activité dans deux ans. L’aéroport de Bamako a déjà franchi une étape stratégique. En juillet 2015, Asam a reçu les labels de sûreté (Ra-3) et de qualité (Isago) attribués par l’Union européenne. Pour le Mali, c’est une porte qui s’ouvre vers les marchés extérieurs. L’aéroport va pouvoir rééquilibrer son activité, basée à 90 % sur les importations (9 000 tonnes en 2015), en exportant or, œuvres d’art et produits de l’agro-industrie en Europe et en attirant de nouvelles compagnies aériennes. ■ UN DERNIER MOT U EA [email protected] V Par Étienne de Montety Prud’homme [pru-do-m’] n. m. Intervient en cas de division excessive du travail. L FIGARO-CI ... FIGARO-LÀ Chrétiens d’Orient : Jean-Frédéric Poisson tire la sonnette d’alarme Candidat à la primaire de la droite, le président du Parti chrétien-démocrate publie le 23 juin, aux Éditions du Rocher, un ouvrage dans lequel il dénonce « l’abandon du ProcheOrient par la France ». « C’est l’extermination des chrétiens d’Orient que l’on pleure », écrit Jean-Frédéric Poisson dans ce livre intitulé Notre sang vaut moins cher que leur pétrole. « La soumission de la France aux monarchies pétrolières, l’ignorance, la désinvolture et l’immobilisme de nos responsables publics, nos alliances avec le Qatar et l’Arabie saoudite, tout cela met en danger la France », résume le député des Yvelines qui a été reçu à deux reprises par Bachar el-Assad. Les géants de la Vendée Alors que le Puy du Fou vient d’inaugurer Le Dernier Panache, un nouveau spectacle consacré à Charette, Le Figaro Histoire fait revivre l’épopée héroïque et sanglante des guerres de Vendée. Les meilleurs spécialistes déroulent la chronique d’une guerre longtemps ignorée, qui vit des paysans résister, les armes à la main, aux mesures antireligieuses de la Révolution, et décryptent le processus qui conduisit la Convention à organiser l’extermination méthodique de la population civile. La Rochejaquelein et Charette, Cathelineau et Bonchamps, d’Elbée et Stofflet : à la fois héros et victimes, les grandes 6 € ,90 figures de l’épopée défilent sur les lieux de leurs exploits et de leur martyre, du grandiose Mémorial de la Vendée à leurs mystérieux refuges au fond des bois. Au cœur de l’actualité, Le Figaro Histoire revient sur l’histoire bimillénaire de la Syrie, à l’occasion du centenaire du tracé de ses frontières actuelles par les accords Sykes-Picot. Côté évasion, il vous raconte le terrible naufrage de la Méduse, il y a tout juste deux siècles, et vous emmène à la découverte de la galerie des cartes géographiques du Vatican, dont la restauration vient de s’achever. En vente actuellement en kiosque et sur www.figarostore.fr/histoire Retrouvez Le Figaro Histoire sur Twitter et Facebook Le Figaro Histoire, tout reste à découvrir Rachida Dati enquête sur les Panama Papers Pour tordre le cou aux rumeurs… Les eurodéputés PPE Alain Lamassoure, Constance Le Grip, Alain Cadec, président de la commission de la pêche, et Rachida Dati, maire du VIIe arrondissement de Paris, seront membres de la commission d’enquête constituée, ce mercredi, par le Parlement européen pour travailler sur le scandale dit des « Panama Papers ». Rachida Dati sera plus particulièrement attentive, dit-elle, « au blanchiment de capitaux finançant le terrorisme ». La rumeur voulait que l’ancien patron de l’Agence de participations de l’État, Régis Turrini, soit parti l’an dernier sur fond de désaccord avec l’un de ses ministres de tutelle, Emmanuel Macron. Et pourtant, histoire de tordre le cou aux on-dit, c’est le ministre de l’Économie en personne qui remettra les insignes de chevalier de la Légion d’honneur le 5 juillet à celui qui est devenu secrétaire général du groupe SFR. « On veut toujours voir des ennemis partout… », souligne un proche des deux hommes. STEPHANE CORREA/LE FIGARO e conseil des prud’hommes a donné raison à Jérôme Kerviel dans le différend qui l’oppose à la Société générale. Prud’homme est (avec aujourd’hui) un des derniers mots de la langue à arborer une apostrophe. Cela lui donne un petit charme, et cette coquetterie peut même être vue comme un signe de liaison entre le salarié et l’entreprise. Prud’homme est formé de preux et d’homme. Il fait mention d’un prozdome dans la chanson de Roland. De Roncevaux aux tours de la Défense, quel chemin ! Après avoir désigné un chevalier, le prud’homme est devenu un sage qu’on consulte. Les prud’hommes ont étudié l’affaire Kerviel sous l’angle de l’imprudence dont a fait preuve (ou non) le trader. Hier certains voyaient cet homme comme un preux, du fait de son culot insensé. Il est aujourd’hui tenu pour un lépreux. En rendant cette décision à contre-courant, le juge n’a pas fait preuve de pruderie excessive, et s’est bien gardé de s’inspirer de cette forte pensée plus prudhommesque que prud’homale : « C’est l’ambition qui perd les hommes. Si Napoléon était resté officier d’artillerie, il serait encore sur le trône. » ■ A U NO LEADERCOM/MALI SUCCÈS Ce Français est à la tête de la société d’assistance aéroportuaire malienne. Il parie sur l’avenir d’un pays encore fragile mais en pleine résilience. jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO - N° 22 342 - Cahier N° 4 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr FRÉDÉRIC VITOUX littéraire MICHEL BUSSI PAGE 5 UNE ENQUÊTE DANS LE MAQUIS CORSE PAGE 7 S DOSSIER Le célèbre romancier pour la jeunesse a écrit également d’étonnantes nouvelles pour les adultes. Portrait d’un écrivain qui fut aussi un aventurier. PAGES 2 ET 3 La fabrique d’un best-seller elim Hacopian a écrit un livre. » Quand le narrateur, un grand écrivain, reçoit une lettre lui annonçant cette nouvelle, il n’en revient pas : qui est cet Hacopian ? Peut-on se présenter et vanter son manuscrit avec plus de maladresse ? Il aurait dû se méfier. Peu après, le dénommé Selim Hacopian l’aborde dans la rue. C’est un petit homme parlant un sabir approximatif, « Monsieur l’Ecreuvain pourrait peut-être jeter un coup d’euille », mais attachant dans son genre, à force d’obséquiosité. Il présente un curriculum vitae rocambolesque où passe l’Ouzbékistan de sa naissance, l’Égypte, la valise en carton et de mystérieuses précisions, comme cette « rencontre avec Gerhard Schröder ». L’homme est vite encombrant, il le harcèle de questions, de requêtes, pour son manuscrit. Il est émouvant, irritant, collant. Et pourtant, comme aimanté, le narrateur lui offre quelques conseils, en vient à l’aider à réécrire son livre. Il entre dans son attitude un peu de curiosité et beaucoup de condescendance. Bientôt il y passe ses journées, puis ses nuits ; Selim envahit sa vie tout entière. Contre toute attente, une maison d’édition répond à l’envoi du texte de Hacopian : « Nous en voulons plus. » Et quand le livre, un recueil de nouvelles orientales, paraît, c’est un cataclysme. La communication éditoriale et médiatique transforme le brave Ouzbek en por- « Le centenaire d’un auteur toujours vert te-parole de la modernité, « un passe frontières littéraire entre deux mondes ». C’est gagné. Il est partout, sur les plateaux de télévision, dans les journaux, répondant à des interviews, des enquêtes sur toutes sortes de sujets, du genre « Mondialisation et ironie ». Incroyable, en un livre, le Petit Chose est devenu quelqu’un. LA CHRONIQUE d’Étienne de Montety Faut-il préciser que pendant ce temps le grand écrivain a mis son œuvre entre parenthèses ? Alors que Selim éclôt, lui subit quelques rebuffades de la part de son éditeur. Il s’éteint à mesure que l’astre Hacopian brille de mille feux. Monsieur l’écrivain est un conte cruel sur la littérature et l’écriture. Sur la vérité, la sincérité, le rapport au succès, autant de sujets qui ne cessent de hanter la République des lettres depuis la nuit des temps. D’ailleurs, Selim existe-il, ou est-il un double du narrateur ? Est-il un imposteur, un opportuniste, ou symbolise-t-il la part obscure de tout auteur prêt à se rendre au plus facile, pour conquérir la gloire littéraire ? Quand, devant le succès de Selim, la responsable de la bibliothèque municipale lance au Grand Écrivain : « Pourquoi est-ce que vous n’écririez pas comme ça ? », elle le frappe en plein ventre. Wilde distinguait les auteurs qui placent leur talent dans leur œuvre et ceux qui le placent dans leur vie. Qu’en est-il aujourd’hui ? Quel accueil notre époque réserve-t-elle à ces deux-là ? Dans ce petit récit drôle et grinçant, le Suisse Joachim Zelter met en scène un phénomène contemporain qui s’accomplit sous nos yeux effarés : le triomphe du storytelling. Qu’importe que Selim ne soit pas un écrivain, qu’il manie un langage rudimentaire, qu’importe même qu’il ait écrit ou non ce livre, ce qui compte, c’est qu’il soit là avec son personnage, son histoire, si possible la plus pittoresque possible. C’est elle qui porte le livre, plus que les qualités de sa prose. Il ne vous rappelle pas quelqu’un, cet homme que l’époque a affublé des habits de « citoyen du monde » et qui publie des livres très quelconques accueillis avec une révérence unanime ? Il est dans l’air du temps, il incarne aux yeux du lecteur un rêve. Tout le reste est littérature. ■ MONSIEUR L’ÉCRIVAIN De Joachim Zelter, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, Grasset, 123 p., 13 €. Plongez au coeur de l’Italie ! « Un bonheur de lecture.» Franz-Olivier Giesbert, Le Point « Une déclaration d’amour à l’Italie.» Étienne de Montety, Le Figaro « Le livre d’un voyage hors du temps.» Philippe Vallet, France Info « Une merveilleuse balade printanière.» Franck Ferrand, Europe 1 ÉDITIONSDESÉQUATEURS A CI-CONTRE: ILLUSTRATION QUENTIN BLAKE. EN HAUT, À GAUCHE JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO. EN HAUT, À DROITE HACQUARD ET LOISON/OPALE/LEEMAGE. Roald Dahl LA RÉÉDITION DE SON LIVRE CULTE lefigaro.fr/livres jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 2 LE CONTEXTE L'ÉVÉNEMENT littéraire Il y a cent ans naissait l’écrivain britannique d’origine norvégienne Roald Dahl. Le mois prochain, Steven Spielberg portera à l’écran l’un de ses gros succès pour la jeunesse, Le Bon Gros Géant. Si le romancier a encouragé les jeunes lecteurs à se poser en conquérants dans un monde qui ne leur veut pas que du bien, il a également écrit à l’intention des adultes une savoureuse œuvre caustique. L’occasion de la redécouvrir et de revenir sur le parcours de cet homme audacieux. Roald Dahl : écrivain de grande classe 2 1 4 DOSSIER Le prolifique romancier anglais s’est aventuré sur tous les terrains. FRANÇOISE DARGENT [email protected] A C ELA ressemble à un scoop : il y a beaucoup de sexe dans les romans de Roald Dahl. Les lubriques, les pervers et les obsédés en prennent pour leur grade ainsi que les femmes, souvent lascives et dominatrices. On y assassine à coups de gigot congelé, on empoisonne les bébés à la gelée royale et on empaille ses victimes comme autant de macabres trophées. Que les parents se rassurent. Tout ceci se trouve dans la part moins connue de l’œuvre du romancier anglais qui reste célébré pour ses écrits destinés à la jeunesse. Qui ne connaît pas Charlie et la Chocolaterie ou James et la grosse pêche n’a jamais été enfant. On le lit à l’école et on le savoure en famille lorsqu’il est adapté au cinéma (par Tim Burton, Wes Anderson et bientôt Steven Spielberg), mais on oublie souvent que ce grand auteur gallois d’origine norvégienne a aussi énormément écrit pour les adultes, des nouvelles pour la plupart qui furent publiées dès 1943 et jusqu’à sa mort en 1990. Les textes de Roald Dahl destinés aux adultes sont mordants à souhait. Lorsqu’il commença à les écrire, c’était un homme beau et désespéré. Le monde était en guerre. Lui était à terre. Ce sportif accompli venait d’être démobilisé de la Royal Air Force après avoir subi un terrible accident d’avion dans le désert libyen. À sa mère, qu’il adorait, et avec laquelle il correspondait une fois par semaine, il écrivait de son lit d’hôpital à Alexandrie qu’il recommençait enfin à recouvrer la vue et à marcher comme s’il s’était agi de se remettre d’un simple rhume. Il concluait sa lettre en évoquant les bombardements sur la ville : « Rien à craindre des Italiens, ce sont de très mauvais bombardiers ! » Irrésistible bonhomme. Quentin Blake, son acolyte de plume qui illustra la plupart de ses livres pour enfants, l’assène avec force : « C’était un aventurier » (voir ci-contre). Une fois n’est pas coutume, le mot n’est pas exagéré pour qualifier celui qui postula à l’âge de dix-sept ans à la Shell dans le but de parcourir le monde. On voulut l’affecter en Égypte, il rétorqua à son employeur que c’était « trop poussiéreux ». On l’envoya à Mombasa pour trois ans où il s’échina à manier la décortiqueuse destinée à transformer les feuilles de sisal, devint expert en swahili et attrapa la malaria. « Surtout, j’appris à me débrouiller tout seul comme aucun jeune n’aura jamais la moindre chance de le faire en restant au cœur de la civilisation », explique-t-il à ses jeunes lecteurs dans son livre autobiographique, Moi, boy. Dans cet ouvrage, tendrement désopilant et formidablement raconté, il évoque les grands malheurs de sa vie, la mort de sa sœur aînée d’une appendicite suivie immédiatement de celle de son père d’une pneumonie, puis quarante-deux ans plus tard celle de sa fille de sept ans d’une rougeole. Ces drames sont signalés pudiquement tandis que les petites cruautés de l’enfance, le sadisme des professeurs anglais, l’accident de voiture qui lui arracha presque le nez, les brimades des boazers (les préfets) au lycée sont racontés avec une verve humoristique incroyable, mêlés à des histoires de vengeance, de blagues potaches, de robinsonnades estivales. S’y révèle l’influence d’une éducation originale transmise par sa mère, veuve qui éleva seule six enfants avec des principes plutôt en pointe à l’époque. En bonne Scandinave (elle était norvégienne comme son époux), elle n’hésita pas à aller sermonner le directeur qui avait osé administrer des coups de canne à son fils. Inspiré des Gremlins En 1942, Roald Dahl est aux ÉtatsUnis où l’a envoyé la Royal Air Force après son accident. Il est officiellement rattaché à l’ambassade britannique à Washington. Son biographe révélera après sa mort qu’il était probablement l’agent d’une officine britannique de renseignement. Luimême constate amèrement : « J’arrivais d’un monde en guerre où les hommes se faisaient tuer, j’avais volé d’atrocité en atrocité et je me retrouvais dans une cocktail party américaine d’avant guerre. » Il ne se privera pas d’épingler fréquemment par la suite le beau monde diplomatique et mondain comme dans son unique roman, le désopilant Mon oncle Oswald. En 1943, le Saturday Evening Post publie anonymement ses premières nouvelles et, déjà, Walt Disney édite un ouvrage tiré d’une de ses histoires, parue abrégée dans le magazine Cosmopolitan. Pour écrire ce texte, Roald Dahl s’est inspiré des Gremlins, ces créatures imaginaires accusées de causer des pannes sur les avions de l’armée britannique. Il rencontre même le grand maître du dessin animé pour évoquer une possible adaptation. Las, Les Gremlins ne seront portés au cinéma que quarante ans plus tard, avec le succès que l’on sait. En attendant, Roald Dahl est tout de même reçu par la première dame, Eleanor Roosevelt, qui a lu son histoire à ses petits-en- 3 Bio EXPRESS 16 septembre 1916 Naissance à Llandaff (Pays de Galles). 1920 Perd sa sœur aînée et son père. 1933 Est embauché à la Shell puis envoyé à Mombasa (Kenya). 1939 S’engage dans la RAF, combat au sein de l’Escadrille 80. 1942 Est envoyé aux États-Unis par l’armée, devient espion. 1943 Les Gremlins, livre publié par Walt Disney d’après une de ses nouvelles. 1953 Someone like you, en français Bizarre ! Bizarre ! , premier recueil de nouvelles pour adultes. 1961 James et la grosse pêche, premier roman pour enfants. 1967 Signe le scénario de On ne meurt que deux fois, 5e volet des aventures de James Bond. 1982 Le Bon Gros Géant. 1988 Matilda. 23 novembre 1990 Mort à Oxford des suites de maladie. fants et l’a trouvée formidable. Il est en vue, il a même mis un pied à Hollywood qui recherche des scénaristes de talent. C’est à cette époque que l’écrivain gallois rencontre Ian Fleming pour lequel il réécrira, en modifiant beaucoup le texte original, le scénario d’On ne vit que deux fois. Il fait aussi la connaissance de sa future épouse, l’actrice Patricia Neal, avec laquelle il aura cinq enfants. Et c’est pour ses enfants qu’il commence véritablement à écrire des romans dédiés aux jeunes lecteurs. En 1961, paraît James et la grosse pêche, suivront Charlie et la Chocolaterie, premier succès, et Fantastic Mr. Fox. L’auteur Roald Dahl, Prix Edgar-Allan-Poe pour ses nouvelles corrosives, a trouvé le ton pour les plus petits : « Lorsque l’on écrit à l’intention des enfants, il faut avoir préservé deux caractéristiques fondamentales de son jeune âge : la curiosité et l’imagination… J’essaie d’écrire des histoires qui les saisissent à la gorge, des histoires qu’on ne peut lâcher. » Ce mélange de cocasse et d’insolite qui se rit de tout est relativement nouveau. Aux États-Unis, ses premiers romans sont des bestsellers alors que les éditeurs anglais se montrent plus circonspects. Il faut attendre six ans pour qu’il soit enfin publié dans son pays. Car ses textes sont loin d’être tendres. Ils sont pleins d’enfants orphelins, parfois pauvres, toujours malins, souvent en butte à des adultes méchants mais ils parviennent toujours, grâce à la ruse et à l’imagination, à se sortir de situations difficiles. C’est d’ailleurs ce qui distingue principalement les deux pans de l’œuvre. Pour les enfants, il y a toujours une lumière après la tragédie, pour les adultes, l’issue reste sombre et les personnages sont punis pour leur immoralité. Pas de cela dans ses ouvrages pour la jeunesse qui comportent une morale positive. Mais l’homme prend plaisir à exagérer avec cette faculté propre aux écrivains anglais de ne jamais sombrer dans le ridicule. Pour plaire aux enfants, disait-il, il faut grossir tous les qualités et défauts des personnages, ce qu’il fait pour les gamins horripilants invités dans la chocolaterie de Willie Wonka comme pour les abo- MON ONCLE OSWALD GELÉE ROYALE BIZARRE ! BIZARRE ! Le seul roman pour adultes de Roald Dahl commence fort. Un homme présente son oncle Oswald comme « le plus grand fornicateur de tous les temps ». Une description lapidaire en guise de préliminaires avant que ledit oncle ne livre ses Mémoires ou comment il fit fortune dans le commerce du sexe. Roald Dahl laisse libre cours à son imagination délirante pour brosser le parcours d’un Casanova anglais, séducteur impénitent doublé d’un sacré homme d’affaires lorsqu’il met au point de fameuses petites pilules ravivant la virilité masculine. Son rythme trépidant et son incorrection assumée de bout en bout font la force de ce roman qui révèle un auteur particulièrement libéré. F. D. Surveiller sa femme après sa mort : William Pearl en rêve alors qu’il vit ses derniers jours. Un ami neurologue lui offre l’opportunité de préserver son cerveau intact, dans des conditions certes rocambolesques mais qui devraient lui assurer la survie de toutes ses capacités mentales. Albert Taylor de son côté désespère de voir son bébé dépérir et sa femme sombrer dans la dépression. Cet apiculteur chevronné a alors l’idée de verser un peu de gelée royale dans le biberon. De sa plume acérée comme un scalpel, Roald Dahl dissèque la perversité d’époux particulièrement dérangés dans ces deux nouvelles rééditées comme quatre autres en duo dans la collection Folio 2 €. F. D. Premier recueil de nouvelles initialement parues dans la presse, Bizarre ! Bizarre ! (Someone Like You, en anglais) reçut en 1954 le prix Edgar-Allan-Poe. Un bon début pour le jeune nouvelliste, qui y montre déjà l’étendue de son talent de conteur avec quinze histoires saignantes à souhait. La plupart furent adaptées à la télévision sous forme d’épisodes, dont certaines par Hitchcock lui-même. Par des glissements furtifs, l’étrange s’invite en maître dans le quotidien de personnes a priori respectables et les pousse au crime. Les plus gentils ne sont pas forcément les plus recommandables, comme en témoignent certaines chutes d’anthologie. F. D. MON ONCLE OSWALD De Roald Dahl, traduit de l’anglais par Alain Delahaye, Folio, 314 p., 8,70 €. GELÉE ROYALE, PRÉCÉDÉ DE WILLIAM ET MARY De Roald Dahl, traduit de l’anglais par Élisabeth Gaspar, Folio, 118 p., 2 €. BIZARRE ! BIZARRE ! De Roald Dahl, traduit de l’anglais par Élisabeth Gaspar et Hilda Barbéris, Folio, 384 p., 8,20 €. Imagination débordante Les traductions de l’œuvre de Roald Dahl à travers le monde. 1. Charlie et la Chocolaterie, de Mel Stuart, sorti en 1971. 2. Le Bon Gros Géant par Steven Spielberg, sur les écrans le 20 juillet 2016. 3. Roald Dahl dans Central Park à New York, le 25 mars 1961. 4. Matilda, de Danny DeVito, sorti en 1996. RUE DES ARCHIVES/BCA ; METROPOLITAN FILMEXPORT; CBS PHOTO ARCHIVE/GETTY IMAGES ; DANNYDEVITO minables parents de sa jeune héroïne Matilda. Pour les adultes, il ne se prive pas non plus de forcer les défauts de ses personnages, des hommes et des femmes ordinaires qu’une situation insolite va faire sortir de leur normalité. C’est toujours saignant, souvent graveleux, servi par une imagination débordante : deux hommes échangent leur place dans leur lit conjugal respectif pour réchauffer les ardeurs de leurs femmes, une femme abandonne son mari bloqué dans l’ascenseur avant un long voyage, une épouse enceinte tue son mari avec un gigot congelé avant de le servir en sauce au policier, un père lance un pari œnologique en mettant en jeu la main de sa fille. La plupart du temps, les situations commencent courtoisement dans le salon et finissent par déraper dans le secret des alcôves. Le sens du raccourci et l’art de la chute de Roald Dahl font de ses nouvelles des merveilles d’humour noir. Hitchcock en adapta sept pour sa série « Alfred Hitchcock presents ». Cela vous pose un auteur dans le genre grinçant et un tantinet horrifique. ■ ■ Au cinéma Le 20 juillet prochain sortira sur les écrans Le Bon Gros Géant, film réalisé par Steven Spielberg à partir du roman éponyme. Le réalisateur américain n’est pas le premier à succomber à la magie d’une histoire de Roald Dahl. Mais il n’est pas si facile de se couler dans l’imagination du Britannique. En 1996, Danny DeVito fait un flop avec son adaptation de Matilda, malgré des critiques plutôt positives. Il faut attendre 2005 et les excès en tous genres de Tim Burton qui utilise sur le tournage de Charlie et la Chocolaterie des milliers de litres de chocolat et métamorphose Johnny Depp en Willy Wonka pour faire un succès. En 2010, Wes Anderson (The Grand Budapest Hotel) adopte à son tour Fantastic M. Renard (ci-contre), en livrant une jolie adaptation qui sera favorablement accueillie. jeudi 9 juin 2016 3 CRITIQUE littéraire Quentin Blake : « Le sentiment de lire quelqu’un qui a beaucoup vécu » Les dessins de Quentin Blake sont indissociables des histoires de Roald Dahl. L’artiste anglais évoque sa rencontre déterminante, un jour de 1978, avec le romancier et ce qui s’ensuivit. LE FIGARO LITTÉRAIRE. – Dans quelles circonstances avez-vous fait la connaissance de Roald Dahl ? Quentin BLAKE. – J’ai fait sa connaissance en deux temps. La première, c’était dans le bureau de son éditeur, qui était aussi le mien à l’époque. Il venait d’écrire L’Énorme Crocodile et on me demandait de faire quelques essais pour illustrer cet album. L’échange fut assez formel. Plus tard, l’éditeur m’envoie le manuscrit du Bon Gros Géant en me commandant une douzaine de dessins. Je m’exécute. Le temps passe, le livre doit partir à l’impression et je reçois un coup de téléphone. On me dit que Roald Dahl n’est pas content. Il veut des petits dessins au début de chaque chapitre, ce que je fais en trois jours, stimulé par le challenge. Deux jours passent puis un nouveau coup de téléphone. Il n’est toujours pas content : il n’y avait pas assez de dessins et comme on ne pouvait pas en rajouter dans ce format de livre, nous avons tout repris de zéro. C’est là qu’a eu lieu notre vraie rencontre dans sa propriété de Great Missenden. Quelle était la nature de votre relation ? J’avais déjà une cinquantaine d’années à ce moment. C’était mieux ainsi. Bien sûr, lui était beaucoup plus connu que moi. Il était le patron, mais, de mon côté, je n’étais plus à chercher ma personnalité. Je savais où j’en étais et je n’ai pas eu à modifier mon trait pour le satisfaire. Nos personnalités étaient bien sûr différentes, mais nous avions beaucoup de choses en commun, notamment la capacité d’imaginer des choses surréalistes. Comment pourriez-vous qualifier son style ? C’est difficile tant il est diversifié. Il surprenait toujours. C’était un aventurier, un homme d’action qui se refusait à parler de ses émotions. Il a trouvé le moyen de les exprimer par le biais des fables, d’histoires baroques et émouvantes. Dans ses livres destinés aux adultes, il se révèle très pragmatique pour évoquer la perversité des adultes. Son œuvre pour la jeunesse est plus intime. Elle lui a permis de parler de choses importantes qu’il souhaitait transmettre. On a le sentiment de lire quelqu’un qui a beaucoup vécu, qui peut vous donner des réponses. Mais il était assez controversé de son vivant. Il n’a d’ailleurs jamais reçu de grand prix. MOI, BOY Le Bon Gros Géant est une créature utile à tous les enfants : la nuit venue, il vient leur chuchoter des rêves à l’oreille. Il est aussi végétarien, porte des sandales et vit au pays des ogres mangeurs d’enfants. Aidé de la jeune Sophie et de la reine d’Angleterre, il va contribuer à sécuriser le monde de ses petits protégés en combattant ses féroces comparses. Sophie en profitera pour découvrir des choses merveilleuses, comme la framboisine, boisson dont les bulles descendent au lieu de remonter et qui a le mérite de faire voler plutôt que roter. L’inventivité délicieusement surréaliste de Roald Dahl se cueille à chaque page de ce roman pour enfants bientôt adapté au cinéma par Spielberg. F. D. « Certains furent drôles. Certains douloureux. Certains déplaisants. C’est pour cette raison je suppose, que je me les rappelle tous de façon aussi aiguë. Tous sont véridiques » : ainsi parle Roald Dahl de ses souvenirs qu’il consigna dans un récit destiné aux enfants. Cette manière d’aborder les choses, en toute sincérité, sans circonvolutions, ni coquetterie est la marque de fabrique du grand auteur pour la jeunesse. Place donc aux grands malheurs et aux grandes joies d’un garçon curieux et intrépide, grandi dans l’Angleterre de l’entre-deux-guerres avec des incursions sauvages et bienvenues en Norvège, pays de la famille Dahl. Un récit initiatique plein de saveur que l’on peut lire dès 10 ans, sans prescription ensuite. F. D. Les dessins originaux de Quentin Blake pour Le Bon Gros Géant seront exposés du 24 juin au 2 octobre à la Maison de l’illustration à Londres. Le Comment s’est passée cette première séance de travail ? Nous avons discuté de tout. Il voulait que son personnage soit proche de nous. Tous les détails lui importaient, le costume du géant par exemple. Dans ma première version, il portait un tablier et des bottes en caoutchouc. Roald me fait remarquer que c’est embêtant pour marcher, des bottes. Peu de temps après, je reçois par la poste un paquet avec, dedans, une des sandales norvégiennes de Roald Dahl. Ce sont celles du géant ! Après cette rencontre, nous avons pris l’habitude de nous voir pour discuter de nos livres, chez lui. Je dînais avec sa famille. LE BON GROS GÉANT Quel est votre livre favori ? Le Bon Gros Géant, parce que c’est proche de lui, particulièrement touchant et parce que je l’ai illustré deux fois. Comme la cuisine lente, ça donne plus de saveur. Et j’ai de l’affection pour Un amour de tortue, qui reflète son bonheur en mariage. Mr Hoppy fait des choses très compliquées, incroyables avec ses tortues pour séduire la dame dont il est tombé amoureux. ■ PROPOS RECUEILLIS PAR F. D. Roald Dahl était un aventurier, un homme d’action qui se refusait à parler de ses émotions QUENTIN BLAKE » WRITER PICTURES/LEEMAGE roman de Marie- Antoinette “ Il fallait oser, après Zweig, emprunter la route romanesque pour évoquer Marie-Antoinette. ” “ Ce livre m’a charmé. J’en ai aimé l’audace, l’approche, tout ” Photo auteur : © Carole Bellaiche / H&K. 58 langues À VOIR LE FIGARO “Le charme opère. ” “ LE BON GROS GÉANT De Roald Dahl, traduit de l’anglais par Jean-François Ménard, illustré par Quentin Blake, Folio Junior, 272 p., 8,50 €. MOI, BOY De Roald Dahl, traduit de l’anglais par Janine Hérisson, Folio Junior, 224 p., 7,30 €. ” A Elle s’identifie à la reine flamboyante avec un vrai souffle jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 4 CRITIQUE littéraire FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO EN TOUTES confidences Le Cœur en dehors) et cinéaste (J’ai toujours rêvé d’être un gangster), il publiera un récit lors de la rentrée de septembre. La Nuit avec ma femme (Plon) est un tombeau élevé à Marie. Le temps d’une nuit, le narrateur reçoit la visite de sa femme décédée. Au cours d’une déambulation dans les rues de Paris, ils reviennent sur les lieux de leur amour et de leurs déchirures. Il évoque leurs souvenirs et la difficulté à vivre sans elle. Samuel Benchetrit se souvient de Marie Trintignant Nadine Trintignant, la mère de Marie, avait écrit un texte après la mort de sa fille, tuée en 2003 par Bertrand Cantat, de Noir Désir. Samuel Benchetrit (ci-contre) a été l’époux de Marie, avec qui il a eu un enfant. Écrivain (Chroniques de l’asphalte, L’amour pas la guerre Alexis Jenni, Goncourt 2011 pour L’Art français de la guerre, se penche sur les tableaux de maître dans son prochain ouvrage. Sous le charme des toiles de Bonnard, Poussin, Fragonard, Picasso, Bacon, il évoque l’idée de beauté que suscitent en lui certaines œuvres. Dans l’attente de toi (L’iconoclaste) est également présenté par son éditeur comme une « déclaration d’amour à la fois singulière et universelle, à la femme qui partage sa vie ». En librairie le 7 septembre. Dieux du Mexique Il y a mieux à vivre est à la fois une chronique d’époque et une étude sur les fantasmes de l’Amérique et ses ambiguïtés. JOHN VAILLANT L’histoire d’une famille de paysans zapotèques racontée par un jeune clandestin enfermé dans un camion à la frontière avec les États-Unis. sant, alors qu’autour de lui les autres passagers meurent de soif, il raconte les événements qui les ont acculés à essayer de passer la ENUS des confins du frontière et aussi l’histoire de sa Mexique, une dizaine famille. Ce faisant, il échappe à d’hommes et de l’horreur du moment présent, femmes s’apprêtent à évite de basculer dans la folie. passer clandestineIl évoque la figure splendide de ment la frontière avec les Étatsson grand-père, qui toute sa vie a Unis, cachés dans la cuve d’un cultivé avec sa mule Isabel le tercamion-citerne. Ils devaient rerain qu’il avait défriché en lisière joindre le Texas en moins de trois de forêt, et celle de son père dont heures. Mais le véhicule tombe en l’existence fut rongée par le rêve panne au milieu du désert. Les d’une vie meilleure aux Étatspasseurs ouvrent le hublot du toit, Unis. Deux personréclament de l’argent nages emblématiaux clandestins pour ques du dilemme payer la réparation et LES ENFANTS auquel le pays est s’en vont chercher des DU JAGUAR confronté : préserver secours – prétendentDe John Vaillant, traduit de l’anglais ses savoir-faire ou ils. À l’intérieur, un si(Canada) épouser la marche du lence de mort retompar F. Camus-Pichon, progrès au risque de be. La température Buchet-Chastel, détruire sa culture ? grimpe. Chacun s’ac320 p., 21 €. L’histoire de César, croche à sa bouteille qui a découvert d’eau. Des prières à la qu’une société améVierge s’élèvent. ricaine introduit illéL’auteur, John galement des semenVaillant, grand reporces de maïs transter au New Yorker, géniques qui s’autodont les deux premiers détruisent, menalivres, Le Tigre et L’Arçant les dizaines bre d’or, ont été très d’espèces savoureuremarqués, s’est inspises de maïs mexiré d’un fait divers pour cains, pose la même écrire ce roman qui question. John Vailbrosse sans manichéislant, en bon romanme le portrait d’un cier, n’y répond pas. Très docupays et d’un peuple dont l’histoire menté et contemplatif, son récit s’enfonce dans la nuit des temps. esquisse le beau visage d’un pays Le rêve américain déchiré entre les dieux anciens du Mexique, les dieux modernes Son héros, Hector, est un jeune Indes affaires, et le dieu espagnol dien zapotèque originaire de l’État avec ses innombrables Vierges d’Oaxaca, l’un des plus pauvres du que les femmes prient en dansant pays. Il a pris place à bord de ce pendant des nuits entières, le camion clandestin avec l’un de ses corps en feu. ■ compatriotes, de quelques années son aîné. César était l’élève le plus brillant de leur lycée. Grâce à une bourse, il est devenu chercheur en biotechnologies dans un laboratoire à Mexico. Dans la citerne, les deux jeunes gens sont assis à côté d’un tuyau, mince et unique voie d’aération. Un hasard auquel ils devront peut-être leur salut. Mais aussitôt après le départ des passeurs, une bagarre a éclaté. César est tombé, inanimé. Auparavant, il avait confié son téléphone portable à son camarade. Hector essaie désespérément d’entrer en contact avec l’extérieur, espérant que le réseau s’améliore. En attendant de pouvoir envoyer ses mesTrès documenté et contemplatif, sages, il parle à l’enregistreur du le récit de John Vaillant esquisse le téléphone, explique ce qui leur est beau visage d’un pays déchiré. arrivé. Les heures et les jours pasASTRID DE LARMINAT adelarminat @lefigaro.fr Il a fait un rêve BENJAMIN MARKOVITS Un idéaliste tente de réhabiliter certains quartiers de Detroit. Un esprit pionnier qui irrite les Noirs. A CHRISTOPHE MERCIER PRÈS sa trilogie byronienne (Imposture, Un arrangement tranquille, Amours d’enfance), l’Anglo-Américain Benjamin Markovits revient à l’époque contemporaine de ses romans précédents avec une fiction ancrée dans l’Amérique d’aujourd’hui et les tiraillements qu’elle connaît entre l’idéologie sur laquelle elle a été fondée et ses problèmes récurrents – racisme, intolérance, violence – accentués par la crise économique. À Detroit, ville de l’automobile aujourd’hui ravagée par le chômage dû à la fermeture des usines, les anciennes demeures patriciennes dans lesquelles, depuis les années 1930, s’était installée une population essentiellement composée d’ouvriers noirs sont maintenant au bord de la ruine : carreaux cassés remplacés par des planches, toits crevés, jardins en friche. Les rues sont désertes, les magasins, fermés. Mieux vaut être perpétuellement armé. La ville sombre. C’est alors que Robert James, un jeune homme d’affaires qui affiche également son ambition et son idéalisme, ancien élève de Yale et actuellement leveur de fonds au bénéfice des démocrates, entreprend de réhabiliter certains quartiers, en rachetant les maisons pour y loger gratuitement une population importée, qui les restaurera, ouvrira des commerces, travaillera dans les écoles délabrées. La nouvelle communauté ainsi créée ressuscitera la ville. Il s’agit, en quelque sorte, de rééditer l’expérience des Pères pèlerins et de retrouver l’esprit originel des pionniers. Réflexes raciaux La plupart de ces nouveaux colons sont blancs et sont mal à l’aise dans l’Amérique d’aujourd’hui : anciens hippies, rêveurs utopiques, chômeurs, parfois retraités curieux d’un changement d’existence. Parmi eux, le narrateur, Greg Marnier, ancien condisciple à Yale de Robert James, qu’il a toujours admiré et un peu envié pour son aisance et sa fortune. Mais les Noirs habitants du quartier ne voient pas forcément d’un bon œil ce qu’ils considèrent comme une colonisation, et les Blancs nouveaux venus ne sont pas tous dépourvus de réflexes raciaux bien ancrés. Très vite, la tension monte… Il y a mieux à vivre est un roman abondant, un roman efflorescent, aux personnages multiples qui mettent du temps avant de prendre corps et de s’installer dans la mémoire du lecteur. Puis, soudain, miracle : la mayonnaise romanesque prend, les personnages se mettent à exister et le livre devient passionnant. Greg s’aperçoit que les investisseurs du projet ne sont pas aussi désintéressés qu’il y paraît, et que même s’il vit avec Gloria, une belle enseignante noire qui l’a convaincu de prendre du service dans son collège, lui n’est pas pour autant admis par les amis d’enfance de sa compagne, qui continuent à voir en ses semblables des colons qui n’ont pas leur place dans une ville noire. Lorsqu’un jeune Noir est accidentellement renversé par un conducteur blanc qui tentait de lui barrer la route, il n’est plus possible de se voiler la face : la haine éclate au grand jour, et les émeutes ne tardent pas. Il y a mieux à vivre est à la fois une chronique d’époque, une suite d’instantanés et une étude au long cours sur les fantasmes de l’Amérique et ses ambiguïtés. C’est aussi un roman fitzgeraldien, secrètement mélancolique, sur les complicités d’étudiants et le choc du réel, sur ceux qui prennent les rênes du monde et ceux qui refusent de grandir, les éternels rêveurs. ■ IL Y A MIEUX À VIVRE De Benjamin Markovits, traduit de l’anglais par C. Richard-Mas, Christian Bourgois, 450 p., 23 €. AFFAIRES ÉTRANGÈRES Par Éric Neuhoff [email protected] Une éducation sentimentale A G RANDIR, dit-il. Il veut tout, mais pas tout de suite. En 1975, Libero a douze ans. Un jour, il a surpris sa mère à genoux devant un ami de la famille. Cela n’aide pas à avoir des sentiments. Le garçon aime le tennis et les histoires d’Indiens. Son père, qui ne tarde pas à quitter le domicile conjugal, l’emmène à Roland-Garros et lui présente Sartre aux Deux-Magots. McEnroe est l’idole de l’adolescent. Ce genre de détails per- met de situer une époque. Il y a aussi les films. Pour les livres, il faudra attendre la rencontre avec Marie, la bibliothécaire qui lui offre L’Étranger et Buzzati. On connaît pires viatiques. Évidemment, les filles excitent beaucoup le héros. La masturbation est pratiquée à doses non homéopathiques. Il n’oubliera pas ces vacances à Deauville, cette nuit dans un hamac où finalement il ne se passera pas grand-chose. Patatras, il tombe amoureux de la sœur d’un copain. Il sera difficile aux suivan- tes d’effacer le souvenir de Lunette. Missiroli raconte cette éducation sentimentale avec un naturel qui n’exclut pas la drôlerie ni l’émotion. Quand on demande à Libero ce que ça fait d’avoir des parents divorcés, il répond : « Un morceau par-ci, un morceau par-là. On s’y habitue. » Sa mère l’appelle son « petit homme du monde ». Après avoir travaillé dans un café de Saint-Germain-desPrés, il retourne à Milan, la ville de son enfance. Les jours se partagent entre un cabinet « Quand on demande à Libero ce que ça fait d’avoir des parents divorcés, il répond : « Un morceau par-ci, un morceau par-là. On s’y habitue. » » d’avocats et un bistrot tenu par un philosophe en fauteuil roulant. À un moment, Libero a perdu son pucelage. Une bonne chose de faite. Il lit L’Amant (qui lui plaît) et Gadda (qui l’ennuie). Il y a des Vespa, une collègue peu farouche, des soirées sans fin, de mauvaises nouvelles, un voyage raté à New York, des situations qui se répètent alors qu’on aurait tellement voulu les éviter. Ce premier roman touche comme une visite sur une tombe du cimetière de Passy, saute à la gorge comme un chapitre de Tandis que j’agonise. On voit le temps passer, les premiers remords, la maladie des autres, les menues trahisons. Le ton rappelle celui des premiers Patrick Besson ou les meilleurs Truffaut. L’Italie a trouvé son Antoine Doinel. MES IMPUDEURS De Marco Missiroli, traduit de l’italien par Sophie Royère, Rivages, 300 p., 22 €. GERAINT LEWIS/WRITER PICTURES/LEEMAGE TIMOTHY FADEK /POLARIS /STARFACE V ÇA LÀ (Perrin, 25 août) n’est pas une énième biographie mais l’histoire d’un homme d’aujourd’hui qui se demande, Évangiles en main, ce que Jésus lui dit et ce qu’il peut en faire réellement. Le Jésus de Taillandier Dans son prochain livre, François Taillandier prend la figure du Christ à bras-le-corps. Son Jésus Le nouveau Makine Une chasse à l’homme menée par Pavel Gartsev à travers l’infini de la taïga, au crépuscule de l’ère sta- linienne. Les Éditions du Seuil présentent ainsi le prochain roman d’Andreï Makine, fraîchement élu à l’Académie française. L’Archipel d’une autre vie paraîtra le 18 août. Mauvignier et le Kirghizstan Sybille a ce projet fou de partir plusieurs mois avec son fils à cheval dans les montagnes du Kirghi- zstan, afin de sauver ce fils qu’elle perd chaque jour davantage, et pour retrouver le fil de sa propre histoire. Tel est le thème du prochain roman de Laurent Mauvignier, Continuer, à paraître le 1er septembre. La colonisation racontée à un enfant Gauz, auteur ivoirien détonant, L’odyssée au bout du fusil L’histoire de Rosario commence en 1941. Rosario la raconte à son voisin en 1980. Le voisin l’écrit en 2001. Ainsi le livre est-il un pont entre deux époques, celle que connut Rosario, celle du narrateur. Ainsi y at-il deux livres dans le livre : celui d’un Français intellectuel et amoureux de la Sicile – qui écrit sa retraite solitaire -, celui d’un Sicilien qui a fui la guerre en désertant. Le premier séduit et émeut moins que le second, et l’on n’a de cesse de retrouver la vie de Rosario plutôt que L’Odyssée de Rosario rend hommage à ceux qui sont conduits à errer loin de chez eux en espérant le retour. MICHEL VANDEN EECKHOUDT/AGENCE VU les analyses du Français. L’enchâssement des deux histoires a le défaut de rompre l’énergie et le charme de la part la plus narrative du texte. L’abondant commentaire du narrateur brise parfois la force de l’histoire de Rosario. L’Odyssée de Rosario est un livre intéressant à lire pour une raison inhabituelle : on y voit croître le pouvoir des mots au fur et à mesure qu’ils s’assemblent avec plus d’harmonie. Car le commencement déçoit, qui diffère sans cesse le récit en revenant trop sur la première image : un fusil sur une table, Rosario venu tuer le voisin étranger à qui il va finalement se raconter. On comprend la leçon : regarder l’étranger avant de vouloir le tuer. Mais l’écriture alors manque de rectitude. C’est au milieu du livre, pendant la quatrième partie du voyage, que l’inspiration Vies minuscules dans le RER ANNE COLLONGUES Un beau premier roman où sept passagers se croisent en se rendant en banlieue. A MOHAMMED AÏSSAOUI CE QUI NOUS SÉPARE D’Anne Collongues, Actes Sud, 170 p., 18,50 €. TTENTION, vous entrez dans ce livre comme on pénètre une atmosphère. Les personnages d’Anne Collongues, eux, prennent un RER qui se dirige en banlieue. Pas de noms de ville ni de stations. Ça n’a pas d’importance. Ce qui compte est le « transport », dans tous les sens du terme : cette « manière d’aller à un lieu vers un autre » et cette « émotion vive » qui touchera nos sept passagers. Ce qui nous sépare est le premier roman d’Anne Collongues, également photographe – cela se « voit » dans son récit d’une incroyable maîtrise et plein de maturité. Il y a trois femmes : Marie, la jolie et frêle blonde, jeune maman ; Laura, qui tous les mardis après-midi quitte tôt son bureau pour se rendre dans une clinique ; et Cigarette, surnommée ainsi parce qu’elle est trop mince, trop grande et sent la cigarette - elle a travaillé dans le bar-tabac de ses parents. Quatre hommes : Chérif, qui rentre dans sa banlieue – il a commis un « crime » en séduisant la femme de son frère ; Liad qui revient d’Israël, Alain qui a échangé sa superbe maison provençale contre un sombre deux- littéraire Un démultiplicateur de bonheur Galuppi, l’opéra napolitain, l’architecture palladienne, les églises de Sienne, Città della Pieve, mais aussi pour le calcio et les cartes postales OMMENT dire la mort, (les cartoline) qu’il a collectionnées retrouver et prolonger la mémoire du défunt, par milliers… Un amour exclusif rendre justice et vie à un et exacerbé, transformé en « pasdestin qui ne fut pas le sion maniaque ». « L’Italie, précise nôtre ? Frédéric Vitoux confie : « Un Vitoux, lui permit de basculer vers ami vous rencontre, vous accompace qui était sans doute, au sens gne, vous quitte, meurt. Il y a le déstendhalien du terme, une sorte de chirement, le chagrin, l’attendrissebonheur fou. » L’extravagante ment, la nostalgie, la peur, l’oubli boulimie cinématographique de peut-être qui ronge et puis plus Roger n’était plus, depuis 1968, rien. » Dans ce récit viqu’un lointain souvebrant paru une prenir. mière fois en 1986 et Taciturne, familier IL ME SEMBLE DÉSORMAIS réédité aux Équateurs, des sautes d’humeur et QUE ROGER le biographe de Céline des coups de tête, mais EST EN ITALIE et de Rossini, entre également « virtuose de De Frédéric Vitoux, autres, rend hommage drôlerie, d’entrain », Équateurs, à son ami et complice l’ami disparu était un 74 p., 9 €. Roger terrassé par une esthète et un solitaire, leucémie galopante non pas par vocation quelques mois auparaou tempérament, mais vant, pour justement par prudence : « Parce conjurer ce « puis plus que la solitude est plus rien » aussi injuste facile à organiser que qu’insupportable. la vie sociale », note Vitoux. Les deux hom« Passion mes se voyaient régumaniaque » lièrement : dîners quai d’Anjou ou chez le criÉcrites dans l’émotion tique Michel Ciment, et à la hâte (« parce que promenades à Portsa mort n’est pas encore Royal, Senlis, la Valléevraie »), ces pages pleiaux-Loups, virées à nes de vie relèvent plus Marseille… Autre témoignage de de l’exercice d’admiration que du cette solide amitié : le personnage tombeau ou du requiem. Roger avait du comte Giuseppe, protagoniste de été critique de cinéma dans les anFin de saison au Palazzo Pedrotti, nées 1950-1960, pour la revue Posidont nombre de traits sont emtif, avant de tomber amoureux fou pruntés à Roger. Le mot de la fin est de l’Italie pour laquelle il avait tout à retenir et à répéter, lentement : quitté. Un autre point commun avec « Un ami, c’est un démultiplicateur Frédéric Vitoux. L’amour pour les de bonheur. » ■ toccatas et les sonates du Vénitien C O Pont entre deux époques CRITIQUE THIERRY CLERMONT [email protected] PAR ALICE FERNEY L’ODYSSÉE DE ROSARIO De Pierre-Yves Leprince, Gallimard, 228 p., 20 €. 5 FRÉDÉRIC VITOUX Réedition d’un éloge de l’amitié à travers le portrait d’un disparu. PIERRE-YVES LEPRINCE Venu tuer son voisin, Rosario le Sicilien lui raconte son périple. N EST TOUCHÉ par le projet qui d’évidence anima Pierre-Yves Leprince en écrivant L’Odyssée de Rosario : rendre hommage à ceux qui sont conduits à errer loin de chez eux en espérant le retour. Nous faire ressentir et admirer leur courage, patience et endurance. Et c’est réussi, nous avons peur avec son héros et nous sommes heureux quand la chance le sauve. Rosario est un paysan sicilien. Afin de gagner l’argent nécessaire à son mariage, il a travaillé pour un mafieux. Pour fuir cette emprise, il s’enrôle dans l’armée italienne qui combat en Grèce. Puis, pour fuir la guerre, il déserte et entreprend le long périple jusqu’à chez lui, où attendent sa femme et un fils qu’il n’a jamais vu. dont le premier roman, Deboutpayé, inspiré de son expérience de vigile chez Sephora, avait connu un grand succès, publie un nouveau livre, Camarade papa, l’histoire d’un enfant d’immigré qui repart pour la Côte d’Ivoire où sa grand-mère lui raconte les débuts de la colonisation. Aux éditions Le Nouvel Attila, en librairie le 25 août. jeudi 9 juin 2016 pièces parisien ; et Frank, le râleur, obligé de prendre le RER parce qu’on lui a retiré son permis – maintenant, ses trajets en voiture lui manquent alors qu’il n’arrêtait pas de se plaindre des bouchons. Ils se retrouvent dans la même rame du RER. Ils sont très différents, voire opposés, mais ils possèdent ce point commun : ils semblent tous cabossés. L’allégorie est puissante : Marie, Laura, Frank et les autres n’ont pas prise sur le mouvement inexorable de la vie, ils n’échappent pas au rythme du RER qui « grince, ralentit, tangue un peu ». Ils se laissent transporter. Seules leurs pensées s’échappent en observant par la fenêtre un cirque sur un parking, un homme et son chien… Est-ce le regard tendre et bienveillant d’Anne Collongues sur ces existences qui nous les rend si attachantes ? Sans doute. On pense, sans comparer, au travail entrepris par Pierre Michon dans Vies minuscules. La romancière a le sens du portrait, de ces infimes détails qui en disent long. En exergue, elle a repris une phrase de Clarice Lispector : « La journée durant, je fais, comme tout un chacun, des gestes qui m’échappent. » Ce sont ces gestes qu’Anne Collongues a su magnifiquement capter. Ce beau premier roman en appelle d’autres. ■ s’insinue dans le texte. Car PierreYves Leprince a plus d’oreille lorsqu’il est dans la tête de Rosario que lorsqu’il reste dans la sienne. Sa sensibilité devient plus puissante dans l’empathie. Il atteint par moments des accents d’un Erri De Luca. Rosario a le même génie de la vie que le grand artiste italien. Il sait comme la bonté suscite la bonté. « J’avais sous-estimé le plus étonnant de la vie : les gens qu’on y croise. » Il chante un hymne aux femmes qui sauvent le Sicilien, elles sont belles, fortes, intelligentes, libres et généreuses. Et le livre le devient avec elles. ■ Jean-Louis Servan-Schreiber Vivre dans l’illusion est le chemin des déceptions. La lucidité est exigeante, mais salutaire. Ce livre nous y prépare en souriant. fayard A & LE FIGARO jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 6 L’inconnue aux 100 000 exemplaires DÉCRYPTAGE d’un SUCCÈS L’ÉDITION DE POCHE DE « LA MÉMOIRE DES EMBRUNS » DE L’AUSTRALIENNE KAREN VIGGERS CONNAÎT UN VIF SUCCÈS, GRÂCE NOTAMMENT AUX SOUTIENS DES LIBRAIRES. HISTOIRE La république des lettres est friande de ces petits miracles. Voici Karen Viggers, vétérinaire à Canberra, spécialiste de la faune sauvage. On ne sait pas grand-chose d’elle. Son roman, La Mémoire des embruns, paraît en 2011, en Australie. La maison d’édition Les Escales, fondée par Véronique Cardi, l’actuelle directrice du Livre de poche, en achète les droits pour la France. Un beau succès : le roman, grâce notamment à l’activisme du libraire Gérard Collard, atteint les 20 000 exemplaires. Pas mal. littéraire Saint Louis : l’étrange victoire LA DERNIÈRE CROISADE De Xavier Hélary, Perrin, 317 pages, 22 €. Mais le miracle ne s’arrête pas là. L’édition en petit format, au Livre de poche, paraît en mars dernier. C’est le triomphe. En deux mois, ce récit s’arrache à 100 000 exemplaires. La Mémoire des embruns conte l’histoire de Mary revenue s’installer dans l’île sauvage Bruny (en Australie, dans le sud-est de la Tasmanie). Elle confie un secret de famille. Ce livre s’inscrit dans le registre classique du roman d’évasion. Sera-t-il le best-seller de l’été ? MOHAMMED AÏSSAOUI ESSAI Le charisme du roi a permis de transformer le fiasco de la VIIIe croisade en victoire politico-spirituelle. E PAUL FRANCOIS PAOLI N TUNISIE, un autre que saint Louis n’aurait peut-être pas fait mieux, mais il était difficile de faire pire », écrit l’historien Xavier Hélary en conclusion de son livre, qui peut se lire comme une enquête très minutieuse sur l’ultime tentative de l’Occident chrétien de libérer Jérusalem de l’emprise de l’Islam. Une entreprise de longue haleine, celle de la VIIIe croisade, qui s’achèvera par la mort de Saint Louis, le 25 août 1270, à Tunis. Âgé de 56 ans, le roi succombera à l’épidémie de « typhus qui a décimé une partie de son armée, celle de ses ennemis musulmans aussi. Un fléau qui fut le seul gagnant d’une guerre sans vainqueurs ni vaincus que Saint Louis désirait à tout prix mener. S’il ne fait pas de doute que celui-ci fut un saint et un héros aux yeux de l’Église, « il faut se résoudre, écrit Hélary, à voir en lui un piètre chef de guerre ». Outre le fait qu’il minimise les distances entre Tunis et Jérusalem, il sous-estime l’importance de la chaleur écrasante à laquelle ses guerriers, même provençaux, ne sont pas habitués. Mais là n’est pas l’essentiel. La force du livre de Xavier Hélary est de démontrer à quel point un échec militaire - les croisés rentreront en Europe avec du butin tout en devant renoncer aux lieux saints - a pu être transformé en une victoire, tant le caractère sacré du personnage s’est encore renforcé après sa mort, perçue comme un sacrifice. Le devoir du chrétien Pour comprendre ce phénomène il nous faut sortir de nos catégories contemporaines. Ni le colonialisme, ni l’impérialisme, ni même un quelconque choc des civilisations ne nous permettent d’appréhender l’initiative du roi franc. Saint Louis connaît mal l’Islam. Ce qu’il sait est que des hérétiques, les Sarrasins, occupent le tombeau du Christ et qu’il est de son devoir de chrétien de le libérer, comme il serait aujourd’hui du devoir d’un musulman de délivrer La Mecque si elle était occupée par des troupes étrangères. Il est soutenu par la papauté, qui voit en lui le héraut de la chrétienté tout entière. Aussitôt après sa mort, le corps de celui qui fut un roi thaumaturge n’hésitant pas à toucher les plaies des lépreux fera l’objet d’un culte inouï. Son cœur et ses entrailles seront entreposés à l’abbaye de Monreale, en Sicile, et ses os transportés jusqu’à la basilique de Saint-Denis, où ils deviendront des objets de vénération. Au passage, rien ne montre mieux à quel point, a contrario du bouddhisme ou de l’hindouisme, le catholicisme est aussi une religion du corps. « Au fond il n’y a guère que la royauté française qui a tiré un certain avantage de l’échec de la croisade, écrit Xavier Hélary. Proclamée en août 1297, la canonisation de Saint Louis fait de son petit-fils Philippe le Bel le rex christiannissimus, le roi très chrétien supérieur à tous les autres souverains d’Occident. À ce titre, comme à beaucoup d’autres, la figure de saint Louis est de celles qui ont fondé la construction du sentiment d’appartenance au royaume de France. » ■ La France coloniale face à l’Islam ESSAI Pierre Vermeren montre comment l’Empire français a abordé la question religieuse au Maghreb. JACQUES DE SAINT VICTOR À LA FRANCE EN TERRE D’ISLAM. EMPIRE COLONIAL ET RELIGIONS XIXE-XXE SIÈCLES De Pierre Vermeren, Belin, 430 p., 23 €. A LE PRIX DU SALUT De Peter Brown, traduit de l’anglais par Christophe J. Goddard, Belin, 276 p., 23 €. LA FIN de sa belle étude sur l’identité de la France, le grand historien des Annales, Fernand Braudel, rappelait fort opportunément que l’Islam n’est pas seulement une religion mais aussi une « civilisation », comme la civilisation chrétienne, et qu’il est hasardeux de traiter ces deux aspects séparément. C’est toute la difficulté qu’affrontent aujourd’hui nos gouvernants. Au nom de la liberté religieuse, ces derniers sont souvent démunis face à certains islamistes parce qu’ils ont perdu l’habitude de traiter aussi l’Islam comme une civilisation, ne voulant pas voir, derrière certaines revendications, une dimension politique et « civilisationnelle ». Leurs homologues du XIXe et du début du XXe siècle ont été moins entravés et ils ont bien compris, eux, qu’en s’affrontant à l’Islam, à partir de l’expédition d’Égypte, mais surtout de la conquête de l’Algérie en 1830, ils affrontaient, non pas seulement une religion (comme le protestantisme), mais une conception du monde. Aussi, comme le souligne l’historien Pierre Vermeren, il peut être utile de revenir sur « l’expérience et la complexité des pratiques et des savoirs acquis par la France coloniale ». C’est le propos de cette utile et audacieuse synthèse qui veut rompre avec la « politique d’amnésie » organisée autant par l’État que par l’historiographie officielle. Certains points ne sont pas des révélations, comme le projet de « royaume arabe » de Napoléon III ou le grand rôle accordé par la Prise de la Smala d’Abd-el-Kader par le duc d’Aumale à Taguin, le 16 mai 1843 (détail), par Horace Vernet. DEAGOSTINI/LEEMAGE République laïque aux ordres missionnaires (anticléricalisme au-deçà de la Méditerranée, religion au-delà) ; d’autres constituent au contraire une mise au point très précieuse. On y mesure mieux l’importance de la religion musulmane qui obligea même les radicaux parisiens à s’accommo- der de la situation confuse qui régnait sur le terrain. Exception à la laïcité La loi de séparation de 1905 ne fut pas appliquée dans les départements algériens. C’est, a-t-on dit, « l’exception musulmane à la laïcité ». Vermeren indique que ce fu- rent les salafistes de l’époque qui demandèrent l’application en terre d’Islam de la loi de séparation, ceux-ci ayant compris (comme le Vatican d’ailleurs à la même époque avec Mgr Merry del Val) que la loi de 1905 offrait une plus grande liberté aux cultes, là où l’espèce de concordat tacite algérien renforçait le contrôle des autorités françaises sur la religion. Il n’en demeure pas moins que la République fut plus « tolérante » au Maghreb, ce qui surprendra plus d’un adepte actuel de la « repentance coloniale » : « La République coloniale, dure envers l’Église en métropole, a su trouver les accommodements nécessaires visà-vis des religions dans les colonies », conclut Vermeren. Le régime dérogatoire de 1907 pour l’Algérie pourrait d’ailleurs inspirer nos politiques, sans passer par une refonte de la loi de 1905. De la même façon, on découvre avec surprise la crainte des autorités républicaines quant au patriotisme des populations musulmanes au moment de la déclaration de guerre de 1914. La Turquie avait choisi en effet le camp des Allemands. Or, le sultan d’Istanbul représentait encore une autorité morale sur les populations du Maghreb, le départ des Turcs, en 1830, n’ayant pas aboli la tutelle morale et religieuse du califat (avant sa disparition en 1924). En novembre 1914, Millerand écrit qu’une « proclamation turque va être répandue parmi les troupes musulmanes pour menacer de damnation ceux qui combattent (…) pour la France ». L’Allemagne en profita pour ordonner le djihad. Il ne semble pas que cette fatwa ait été suivie d’effet à l’époque car, selon Vermeren, « la conscience de la puissance militaire française n’était pas dissipée en Algérie ». Ce sont tous ces petits détails oubliés qui permettent de mieux saisir l’intérêt d’une relecture de deux siècles de cohabitation délicate, à un moment où, comme le souligne Vermeren, la France a rouvert la porte fermée par de Gaulle. ■ L’au-delà à travers les âges ESSAI La vie après la mort a suscité de nombreux débats parmi les premiers chrétiens. P JEAN-MARC BASTIÈRE OUR les chrétiens des premiers siècles, l’immortalité de l’âme n’allait pas de soi. Pour un Tertullien, une telle croyance était à la fois triviale et arrogante. Pour lui, l’âme des défunts, qui faisait simplement une halte rafraîchissante après la mort, attendait une récompense bien supérieure : la résurrection. Dieu régénérerait pour elle l’univers tout entier - et recréerait par des voies mystérieuses chaque corps humain. L’émergence des conceptions chrétiennes de l’au- delà, loin d’être un grand récit uniforme, fut le fruit d’un débat continuel et agité entre les chrétiens, nous montre Peter Brown, grand historien de l’Antiquité tardive, dans un livre passionnant. Il va à l’encontre de bien des idées reçues. Il explique pourquoi des images de l’outre-tombe ont émergé, que certaines parmi elles ont remporté un large succès et d’autres suscité des débats, voire rencontré une franche opposition. Les chrétiens ne passaient pas leur temps à n’être que chrétiens. La promotion du martyre, chez Cyprien de Carthage, visait surtout à réveiller l’indifférence de la communauté dont il avait la charge. Pour les païens ordinaires, le martyre n’était que de l’exhibitionnisme suicidaire. Après plusieurs siècles, la croyance en l’ascension immédiate de l’âme au ciel après la mort – ou sa descente en enfer – a fini par l’emporter parmi les chrétiens de l’Occident latin. Un marathon urbain Au VIIe siècle avec un Julien de Tolède, l’au-delà chrétien était devenu une sorte de marathon urbain. Une longue suite de traînards suivait avec peine un petit groupe d’avant-coureurs, les champions de la foi. Dans cette conception, chaque côté, mort ou vivant, avait en quelque sorte besoin de l’autre, surtout les morts ordinaires, parce qu’ils avaient commis des péchés. Cette inquiétude donna de la force à l’idée d’intercession dans les Églises chrétiennes de l’époque. Se dessine alors le paysage d’une Europe occidentale parsemée d’églises funéraires et de monastères qui s’employaient tous avec ardeur à prier pour l’âme des disparus. La richesse des plus fortunés avait rendu le lien entre les vivants et les morts visible et somptueux. ■ Portrait de saint Cyprien de Carthage, miniature grecque du IXe siècle. LEEMAGE LE FIGARO Le chat est un porteur de silence» ALAIN CORBIN AU MICRO DE FRANCE CULTURE, LE 6 JUIN FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO LE CHIFFRE DE LA SEMAINE Retrouvez sur Internet, chaque mardi, la chronique « Livres pour la jeunesse ». @ 7 Sur dix, c’est ce qu’a obtenu Philippe Forest, lauréat du Goncourt de la biographie pour son monumental Aragon (Gallimard). Il l’a emporté face à Philippe Paquet, trois voix pour son Simon Leys (Gallimard). EN VUE littéraire JEUNESSE Le dernier vol de Saint-Ex DOCUMENT Des tranchées des Flandres à l’Himalaya, le périple tragique et sublime de deux héros. Le sort de Mallory et Irvine devient l’un des grands mystères de l’alpinisme. Il est en partie résolu lorsque en 1999 une expédition reE 6 JUIN 1924, deux trouve un corps momifié sur la alpinistes anglais quitpente nord de l’Everest. Vêtu de tent leur petite tente à lambeaux de vêtements de l’épo8 230 mètres d’altitude que, le torse encore enroulé dans et entreprennent la phaune corde de coton, il est identifié se finale de l’ascension de l’Everest comme celui de George Mallory, par la face nord. George Mallory et ayant probablement été victime Andrew Irvine sont les premiers à d’une chute. s’approcher aussi près du sommet La fin tragique de Mallory et de la montagne, 600 mètres plus Irvine n’est que l’épilogue de haut. Le même jour, Noel Odell, un l’ouvrage de Wade Davis Les Solautre membre de l’expédition, part dats de l’Everest. Plus que le récit avec du ravitaillement vers leur de leur échec, ce livre foisonnant, camp. À la faveur d’une éclaircie, il plein de portraits et de flash-back, aperçoit les deux hommes, deux est celui de la découverte de cette petits points noirs en mouvement région reculée de sur l’arête de la monl’Himalaya par ces tagne immense. La vipremières expéditions sion s’évanouit presLES SOLDATS DE L’EVEREST et de l’époque où la que aussitôt alors que De Wade Davis, haute montagne était les nuages se refertraduit de l’anglais par un monde presque ment sur l’Everest. On Christophe Jaquet, aussi mystérieux que ne reverra jamais MalLes Belles Lettres, la planète Mars, et son lory et Irvine. Ils ont 576 p., 26,50 €. exploration bien diféchoué tout près du férente du sport exbut, après être parvetrême qu’elle est denus à une altitude que venue. personne n’avait enGeorge Mallory et core atteinte en monses compagnons ne tagne. L’Everest reste sont pas des sportifs encore inviolé penordinaires. Élevés dant presque trente dans les public schools ans, avant que le sombritanniques, éduqués met soit finalement à Oxford ou Cambridatteint par Edmund ge, ces jeunes gens Hillary et Tenzing idéalistes et cultivés Norgay en 1953. L Premiers appareils de respiration à oxygène tweed qui les font ressembler sur les photos à « un pique-nique dans le Connemara surpris par une tempête de neige », selon le mot de George Bernard Shaw, leurs cordes de coton, leurs gabardines Burberry et leurs bandes molletières, Mallory et ses compagnons manquent singulièrement d’équipement adapté. D’un courage et d’une endurance superbes, certainement pas. ■ George Mallory avec le major Norton lors de l’expédition britannique au mont Everest, en 1922. MARY EVANS/ RUE DES ARCHIVES LE MYSTÈRE SAINT-EXUPÉRY D’Arthur Ténor, Scrinéo, 126 p., 8,90 € (à partir de 12 ans). L’odeur du maquis et le parfum du mystère MICHEL BUSSI Une femme revient en Corse vingt-sept ans après la mort accidentelle de ses parents. MOHAMMED AÏSSAOUI [email protected] D IRECTION la Corse. Michel Bussi, le natif de Louviers, dans l’Eure, spécialiste de géographie électorale, emmène souvent ses lecteurs sur les routes de France. Après leur avoir fait découvrir à plusieurs reprises sa Normandie natale, après le Jura et l’île de La Réunion, nous voici donc sur l’île de Beauté. Le roman s’ouvre sur une carte détaillée – il est question de la presqu’île de la Revellata, de la bergerie d’Arcanu, de plages REVUE presqu’île de la Revellata, il emprunte un virage surplombant un ravin de vingt mètres, un éboulis appelé Petra Coda… « Faut vivre pour eux » Michel Bussi n’a pas besoin d’en dire plus : le lecteur pressent le drame dès la première ligne. Un accident de voiture. Seule Clotilde survit. « Faut vivre, mademoiselle, avait dit un jeune flic en posant une couverture de survie argentée sur son dos. Faut vivre pour eux. Pour ne pas les oublier. » L’adolescente n’oubliera jamais. La voici transportée vingt-sept ans plus tard, le 12 août 2016. On la CONTES Ailleurs, c’est où ? Chaque semaine, dans Le 1, la littérature rencontre l’actualité, ou peut-être l’éclaire-t-elle. Pour l’été, le journal a proposé à des écrivains un devoir de vacances : raconter leurs ailleurs. Dix auteurs ont offert de magnifiques nouvelles, chacun dans son style et son registre. Ailleurs, c’est quoi ? C’est où ? On s’attend à des contrées exotiques. Erreur fatale. L’ailleurs ne nécessite pas forcément de prendre l’avion ou le bateau. Marie-Hélène Lafon, Goncourt de la nouvelle, ancre, comme souvent, son récit dans le Cantal. Irène Frain, la Bretonne, ou Michel Quint, le roi du Nord, illustrent à merveille que « l’ailleurs » est souvent près de chez magnifiques avec vue sur la montagne, de la mer, du soleil et du camping des Euproctes. Les sept premières pages se déroulent le 23 août 1989. Clotilde a quinze ans. Plutôt rebelle, tout le contraire de Nicolas, son frère de dix-huit ans qui a un tel sens de la diplomatie qu’il aurait pu devenir négociateur au sein du GIGN – « le type qui parlemente avec les braqueurs coincés dans la banque pour faire sortir un par un les otages ». La petite famille, avec le père et la mère, embarque dans la Fuego rouge – le papa roule vite, comme souvent quand il est énervé… Après la « NOUVELLES LE 1 » Ouvrage collectif. Le 1 /La Grande Librairie. 94 p., 5,90 € Il était une fois un médecin de campagne enlisé dans une ornière du temps. Une malédiction lui a fait perdre son passé si bien qu’il est incapable d’envisager l’avenir. Il ne sait plus qui il est, tout lui semble irréel. Deux enfants du village, aidés d’un vieux hibou très savant, entreprennent de réparer cette déchirure temporelle afin qu’il revive et retrouve sa fiancée, retenue prisonnière dans une autre dimension. C’est par cette belle histoire à rebondissements, empreinte de fantaisie, d’intelligence et de poésie que s’ouvre ce recueil de contes de lady Danielle Edwards, scientifique et écrivain, épouse apporte des indices. Le récit fait un va-et-vient entre l’été 1989 et l’été 2016. Le temps est assassin obéit à une mécanique diabolique. Bien sûr, il y a le décor de cette Corse un peu fantasmée, l’odeur du maquis, le parfum du mystère, et ces semaines de vacances où tout est possible, même « entretenir l’illusion du désir ». Mais ce qui emporte, ce sont ces considérations sur l’existence, sur le temps qui passe, l’enfance, les illusions perdues et celles que l’on veut garder à tout prix. Michel Bussi est passé maître dans l’art de trousser un roman policier psychologique. ■ DOCUMENT Une repriseuse du temps soi, voire chez soi. C’est exactement la même chose pour Dany Laferrière, qui se souvient de son village natal Petit-Goâve, à Haïti. Bien sûr, d’autres plumes ont le parfum de l’exotisme. William Boyd, l’écrivain d’origine écossaise, raconte trois nuits de samba à Rio. Pour Tahar Ben Jelloun, c’est juste une nuit dans le désert, à deux cents kilomètres de Ouarzazate. Mais quelle nuit ! C’était avec Ava, inaccessible actrice de Scorsese. Il a décidé de ne le raconter à personne... M. A. retrouve sur le lieu même où ses parents et son frère ont disparu. C’est une mère qui y retourne pour la première fois depuis le drame, elle s’y rend avec sa fille de quinze ans, Valentine, et Franck, son compagnon. C’est fou : son adolescente est aussi rebelle qu’elle, elle n’en a que faire de ce pèlerinage. Grande désillusion pour la femme de quarantedeux ans. Qui est prête à oublier de nouveau, mais reçoit une lettre signée de… sa mère. Est-elle vivante? Commence alors une extraordinaire enquête menée avec maestria par Michel Bussi. Le journal intime de Clotilde replonge dans le passé, de Michael Edwards de l’Académie française. Les paysages empruntent à la France rurale d’autrefois mais sont incrustés de détails de la vie quotidienne d’aujourd’hui. On aime Joseph, le jeune garçon vacher orphelin, ou Jean de la Lune, atteint d’un syndrome aigu d’allergie à l’école : des personnages dont la vie était en suspens jusqu’à ce qu’une main bienveillante les aide à reprendre pied dans le temps pour relancer le cours de leur existence. ASTRID DE LARMINAT LES CONTES DE JOURS, VOLUME I De lady Danielle Edwards, Éditions Tituli, 238 p., 22 €. Une vie en images et en tweets En général, ce sont les greniers qui contiennent les malles mystérieuses. Dans le cas du Madeleine Project, c’est une cave qui va déclencher l’excitation. En 2015, Clara Beaudoux, journaliste de 31 ans, emménage dans un appartement. L’agence immobilière la prévient que la cave n’a pas été vidée, la précédente locataire étant décédée à un âge avancé. Curieuse, Clara s’y rend et y découvre des malles, des valises, des boîtes dans lesquelles sont rangés les souvenirs et objets d’une vie. À part un prénom, Madeleine, Clara ignore tout de cette femme. À mesure qu’elle pénètre dans cette autre vie, elle prend les objets en photo et rédige des tweets qu’elle poste. L’aventure va durer du 2 au 6 novembre 2015, puis du 8 au 12 février 2016. Les internautes vont se prendre au jeu de cette enquête au cœur d’une vie envolée. L’enseignante Madeleine se met à revivre. Ses voyages, ses amours, son goût pour les livres émergent du néant de l’oubli. Pour Clara, cette anonyme devient une amie, une confidente. Ce premier « tweetdocumentaire » est une expérience étrange mais bouleversante. BRUNO CORTY MADELEINE PROJECT De Clara Beaudoux, Éditions du Sous-sol, 286 p., 18 €. A LE TEMPS EST ASSASSIN De Michel Bussi, Presses de la Cité, 534 p., 21,50 €. Le 31 juillet 1944, le pilote Antoine de Saint-Exupéry s’envole de la base aérienne de Borgo, en Corse, pour aller « chasser le paysage ». Il ne rentrera jamais de sa mission photographique et sera abattu au large des calanques de Cassis par un jeune pilote allemand. Celui-ci avait eu la surprise de débusquer sous lui cet avion de reconnaissance qui semblait indifférent aux dangers régnant alors dans le ciel. Le romancier Arthur Ténor revient sur cette journée fatidique en s’inscrivant dans les blancs de l’histoire. Il met en scène un Saint-Ex fatigué, perclus de douleurs après un précédent accident d’avion, se laissant gagner par la mélancolie. Surtout, il se met dans la tête de l’Allemand Horst Rippert qui déclara des années plus tard avoir abattu sans le savoir l’avion de l’homme dont il avait lu les livres. Une lecture qui complétera utilement celle du Petit Prince. F. D. ont été soudain arrachés de leur monde de blazers à rayures et de poésie en grec ancien pour être projetés dans les tranchées des Flandres ou de la Somme. Les rares survivants reviennent du front hantés par les images des corps pourrissant dans la boue, incapables de se réadapter à la vie civile. Pour certains de ces rescapés, l’alpinisme devient une rédemption, une façon d’échapper à un monde de boue et de sang, de gaz toxiques et de mort, en partant à la recherche d’un autre univers, de pureté et de solitude. Les Alpes ont déjà été gravies, mais l’Himalaya est encore une terre inconnue. Le Tibet n’a été ouvert aux Occidentaux que vingt ans plus tôt, quand l’expédition Younghusband force les portes de ce pays interdit, en 1904. Accompagnés de caravanes de yacks, les premiers explorateurs de l’Everest cartographient des vallées inconnues, découvrent des monastères et des ermites tibétains dont on ignore alors presque tout. Ils inventent aussi les techniques modernes de l’alpinisme, expérimentent les premiers appareils de respiration à oxygène, les crampons, les réchauds à alcool, les tentes portatives et les lunettes de soleil. Pour le reste, avec leurs pantalons de 7 voix SUR WWW.LEFIGARO.FR/ LIVRES Le silence de l’Everest ADRIEN JAULMES [email protected] jeudi 9 juin 2016 jeudi 9 juin 2016 LE FIGARO 8 La princesse, l’amour et la philosophie L’HISTOIRE semaine de la CHARLOTTE CASIRAGHI ORGANISE, CHAQUE MOIS, À MONACO, DES RENCONTRES PHILOSOPHIQUES AVEC SON ANCIEN PROFESSEUR DE TERMINALE. EN MARGE littéraire « Désir, passion, jalousie », « Aimer, mentir, trahir », « Peuton tout pardonner, amour et justice »… Ce ne sont pas les derniers sujets du bac, mais les thèmes abordés chaque mois par les Rencontres philosophiques de Monaco. Ces 8 et 9 juin, au théâtre Princesse Grâce, « La rencontre » est au cœur des débats. Et c’est une princesse qui en est l’initiatrice : Charlotte Casiraghi, vingt-neuf ans, la fille de Caroline de Monaco. La preuve que l’on peut être l’égérie de Gucci, se retrou- ver chaque semaine dans la presse people et aimer les réflexions de fond. Cet amour pour la philosophie est né lorsque la jeune femme était en terminale, au lycée de Fontainebleau. Un coup de foudre intellectuel a eu lieu pour son professeur, Robert Maggiori, connu pour être l’une des meilleures plumes de Libération. La rencontre a été fructueuse, Charlotte Casiraghi a proposé à Maggiori d’être l’organisateur de ces conférences et ateliers philosophiques. MOHAMMED AÏSSAOUI Vies et morts d’Antoine Blondin PORTRAIT L’auteur d’« Un singe en hiver » vaut beaucoup mieux que la légende pittoresque du sympathique ivrogne de Saint-Germain-des-Prés. LE MONDE IMAGINAIRE D’ANTOINE BLONDIN D’Alain Cresciucci, Pierre-Guillaume de Roux, 206 p., 21 €. L’HUMEUR VAGABONDE D’Antoine Blondin, « La Petite Vermillon » (La Table ronde), 196 p., 7,10 €. L’EUROPE BUISSONNIÈRE D’Antoine Blondin, « La Petite Vermillon », La Table Ronde, 410 p., 8,70 €. I Bio EXPRESS SÉBASTIEN LAPAQUE [email protected] L EST MORT il y a un quart de siècle cette année et c’est comme si Antoine Blondin venait de quitter la pièce où nous écrivons son nom dans l’instant. Non que nous l’ayons connu, prétendant aujourd’hui prendre place parmi les raconteurs de Blondin qui se haussent du col à l’occasion de l’anniversaire de sa disparition. Dieu nous en garde. Le blondinisme, oui ; les blondiniens, non. Surtout ceux de la dernière heure. Ils nous feraient presque oublier que l’homme qui s’ivrognait seul dans les bistrots du VIe arrondissement de Paris était un magnifique écrivain de langue française écrasé par le chagrin. À l’époque où nous apercevions son ombre titubante du côté de la rue du Bac, il ne faisait pas bon côtoyer Blondin : il n’avait pas l’alcool consolateur. Roger Nimier mort, Marcel Aymé mort, Guy Boniface mort, Albert Vidalie mort, l’enfant triste n’était plus fait pour le bonheur. Nous n’avons pas connu Blondin, mais nous l’avons beaucoup lu. C’est une politesse que nous lui devons, l’hommage qu’il mérite. Tout n’est pas d’une valeur égale, dans son œuvre finalement moins paresseuse qu’il ne l’a dit, mais tout reste, ou presque. Les cinq romans – L’Europe buissonnière, Les Enfants du bon Dieu, L’Humeur vagabonde, Un singe en hiver et Monsieur Jadis –, les nouvelles – Quat’saisons –, les articles politiques et littéraires – Ma vie entre des lignes et Mes petits papiers –, les essais critiques – Certificats d’études – et les chroniques de L’Équipe notamment rassemblées dans L’Ironie du sport et Tours de France. Antoine Blondin a lui-même regretté tant de « littérature dilapidée dans le journalisme ». Ne forçons pas dans l’épouvante. Au mieux de sa forme, l’écrivain qui donna à L’Équipe sept cents chroniques entre 1954, l’année où Louis Bobet gagna son deuxième Tour de France, et 1982, qui vit Bernard Hinault s’imposer au sprint sur les Champs-Élysées, se révéla un excellent journaliste. Comme en littérature, où il célébra Dumas, Rimbaud et Fitzgerald dans une suite de préfaces étincelantes, il avait bon goût et ne se méprenait pas dans ses attachements. Il chanta les grands combats de Jacques Anquetil, Michel Jazy et Walter Spanghero ; exalta le coup de pédale de Charly Gaul, élut Colette Besson « petite fiancée de la France », magnifia les passes croisées des frères Boni, glorifia la majesté légère de Jean-Claude Killy. Mieux qu’aucun 1922 Naissance à Paris. 1943 Est envoyé au STO. 1949 Premier roman : L’Europe buissonnière (prix des Deux Magots). 1952 Les Enfants du bon Dieu. 1955 L’Humeur vagabonde. 1959 Un singe en hiver (prix Interallié). Librement adapté au cinéma par Henri Verneuil en 1962, avec Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo. 1970 Monsieur Jadis ou L’École du soir. 1975 Quat’saisons (prix Goncourt de la nouvelle). 1979 Sur le Tour de France. 1991 Meurt à Paris, le 7 juin. Antoine Blondin en 1950, l’année où il a reçu le prix des Deux Magots pour son premier roman L’Europe buissonnière. COLLECTION HARLINGUE/ ROGER-VIOLLET volant de son Aston Martin DB4 sur l’autoroute de l’Ouest à l’âge de trente-six ans. À moins qu’il n’ait laissé à Sunsiaré de Larcône, qui l’accompagnait, la responsabilité d’en finir brutalement avec leur belle jeunesse. Dans Monsieur Jadis, son ami le pleurait encore douze ans plus tard : « Je continue d’habiter les ruines d’un palais sur le quai Voltaire où j’ai Je continue d’habiter les ruines connu autrefois d’un palais sur le quai Voltaire où j’ai un bonheur baconnu autrefois un bonheur baroque roque entre mes parents et mes entre mes parents et mes amis amis. L’âge, à ANTOINE BLONDIN sa façon, a eu raison d’eux qui sont morts dans leur meilleur de son œuvre tient presque lit, de vieillesse ou de jeunesse, certout entier dans une longue décentains dans des draps de ferraille nie d’écriture (1949-1962) où l’écriatrocement froissés, si tôt, si vite, vain à la calligraphie d’écolier ne comblés de telles promesses au reremettait que de l’excellent – que ce gard du souvenir, qu’il me semble soit à son éditeur ou à son rédacteur aujourd’hui survivre à des enfants. » en chef. 1949, c’est l’année de son Qui veut se souvenir de Blondin entrée dans la carrière romanesque doit se souvenir de Nimier. Ensemavec L’Europe buissonnière, épopée ble, ils incarnèrent ce qu’il y avait burlesque au milieu de ruines d’un de meilleur dans l’esprit hussard : continent en guerre, l’année de sa une désinvolture souveraine au rencontre avec Roger Nimier. 1962, cœur des années 1950 plombées par c’est celle où ce dernier se tua au autre l’écrivain qui toréait les voitures sut faire entendre aux lecteurs de L’Équipe « les rimes secrètes qui unissent le sport et la littérature ». Comme l’observe Alain Cresciucci, qui s’est attaché à relire Blondin dans un livre inspiré après avoir raconté sa vie dans une biographie définitive parue en 2004, le « » le fanatisme léniniste et la morgue existentialiste, une guérilla difficile et joyeuse contre les savants fous du Nouveau Roman, une manière bien française d’envisager le style, que ce soit en littérature, au rugby ou en amitié. Il faut se remémorer la souveraineté de leur allure et le style en poinçon de leur combat pour comprendre que Blondin, c’est beaucoup plus que Blondin. En quelques années d’écriture fulgurante, ce dernier nous a laissé une poignée de romans irremplaçables où l’on apprend des choses très secrètes : un art de l’absence, une technique du vagabondage, une méthode de l’éclipse. L’ivresse, oui, mais envisagée comme une ligne de fuite, comme un refus poli mais ferme des citations à comparaître envoyées par la réalité. L’ivresse pour s’inventer des royaumes enfantins, pleins de dragons, de périls et de princesses à défendre avec son épée. « Il n’y a plus qu’à mourir ! », s’écriaient les compagnons d’armes du roi portugais Dom Sébastien lors de la débâcle de Ksar El Kébir, en 1578, au cœur des sables marocains. « Mourir, oui, mais lentement », les avait suppliés le roi. Après la mort de Roger Nimier dans la tôle froissée en 1962, après celle de Guy Boniface six ans plus tard, le petit frère tué sur la route lui aussi, Antoine Blondin plongea dans la lumière noire du deuil. « La vie continue ? Laquelle ? Nous sommes plus d’un à éprouver le sentiment qu’on nous a mis au régime. L’existence a perdu le meilleur de ses ornements et le plus clair de son explication. Elle manque complètement de saveur : les incartades y ont un goût saumâtre et le recours à une vie parallèle semble bien dérisoire. » Oubliez la légende du saint buveur acharné à se tuer le plus vite possible. Ne gardez que l’image d’un homme entouré d’ombres aimées qu’il retenait en se faisant violence pour écrire. Mourir, oui, mais lentement. ■ Dans la collection de poche « La Petite Vermillon », La Table Ronde réédite L’Europe buissonnière, Les Enfants du bon Dieu, L’Humeur vagabonde et Sur le Tour de France. « J’ai bu des verres aux mêmes comptoirs, arpenté les mêmes rues » PAR JEAN-CLAUDE LALUMIÈRE J’ A « AI MIS mes pas dans les pas d’Antoine Blondin, sans même le savoir. J’ai bu des verres aux mêmes comptoirs, arpenté les mêmes rues ; je suis allé jusqu’à trouver un refuge pour écrire dans le Limousin, à quelques kilomètres de Linards où l’auteur parisien s’était lui-même retiré. Là encore, je n’en savais rien. Je ne connaissais rien ou pas grand-chose d’Antoine Blondin. Il faut dire que le vieil anar libéral avait peu l’occasion d’être cité par mes parents, militants communistes dans leur jeunesse, fidèles à leurs idéaux jusqu’au bout. Pourtant, à chaque diffusion à la télévision, nous regardions en famille l’adaptation au cinéma par Henri Verneuil d’Un singe en hiver. Par vénération pour Jean Gabin avant tout. Mais aussi parce que ce film, où le monstre déjà vieux du cinéma français (même enfant, Gabin avait l’air vieux) partageait l’affiche avec la star montante qu’était alors Jean-Paul Belmondo, nous faisait sourire. Tristement, certes. Nous sentions bien que cette histoire était un solde de tout compte, une page qu’on tourne, un deuil inévitable. Quand bien même, nous nous divertissions des pitreries des deux acteurs singeant l’état d’ébriété dans une Nuits de Chine tonitruante, dissonante mais pas discordante. La dissonance est peut-être ce qui caractérise le mieux Antoine Blondin. Quand les grosses cloches, fon- (...) « «LaUnphrase jour, nous prendrons des trains qui partent » porte en elle toute la mélancolie qui habite Blondin » JEAN-CLAUDE LALUMIÈRE dues dans le bronze des certitudes, sonnent clairement à l’unisson, il glisse, en s’excusant presque de déranger, son léger tintement de clochette fêlée. Dans le concert des bourdons, c’est le bruit de la fêlure que j’entends de préférence. Elle résonne, cette fêlure, tout au long de son travail, tout au long de sa vie. Car, n’en déplaise à Darwin, je suis depuis descendu de ce singe cinématographique dont l’ombre dense avait occulté tout le reste et j’ai découvert l’œuvre de Blondin, tout en excès, tout en pudeur. Je suis monté à Paris pour m’engager dans une carrière professionnelle dont la perspective m’invitait à pousser la porte du premier PMU afin de tenter ma chance, parier sur un mauvais cheval qui gagnerait peut- être et qui, grâce à sa cote de tocard, me permettrait de changer d’horizon, de mettre les voiles. Ce PMU, non loin de mon bureau, c’était le Bar Bac, situé rue du Bac, bistrot populo ouvert sans interruption dans lequel Monsieur Jadis trouvait refuge quand Odile le chassait de la rue de Courcelles. J’y ai pris mes habitudes par la suite. (…) La dernière phrase de L’Humeur vagabonde, « Un jour, nous prendrons des trains qui partent », porte en elle toute la mélancolie qui habite Blondin. Elle reste cependant teintée d’espoir. J’ai découvert tardivement cet auteur, trop pour que la lecture de ses romans ait eu le temps de percoler entre mes lignes. Mais j’éprouve cette même mélancolie. Elle transparaît de temps à autre dans mon travail. J’es- saye de m’en défaire, me secoue, mais rien n’y fait, elle revient, me tourne autour et finit même par se poser sur mon épaule, comme un papillon de nuit, pour regarder par-dessus celleci ce que je peux bien fabriquer et déposer sur mes écrits quelques écailles colorées de teintes sourdes et rabattues. C’est un insecte joueur qui ne se dompte pas. Il faut faire avec… » ■ Ce texte est extrait du Duetto consacré à Antoine Blondin et publié aux éditions Nouvelles Lectures (www.nouvelleslectures.fr). +@ » Retrouvez l’interview du romancier Jean-Claude Lalumière au sujet d’Antoine Blondin. www.lefigaro.fr/livres