Suzy Solidor
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Suzy Solidor
SUZY SOLIDOR La Garçonne Saphique Egérie des cabarets féminins dans les années 50 et 60, Chez Moune ou au Monocle, de Pigalle à Montparnasse, telle est Suzy Solidor qui a su transgresser les tabous des années d’avant-guerre. Chanteuse, actrice, romancière et animatrice de cabarets lesbiens, elle est réputée pour sa beauté troublante et sculpturale, sa vie et ses aventures amoureuses, son côté non-conventionnel. Les nombreux peintres, parmi lesquels Tamara de Lempicka, Raoul Dufy, Maurice de Vlaminck, Francis Picabia, Man Ray, Didier Van Caulaert, Foujita, Francis Bacon, Jean Cocteau, etc., qui dessinent et peignent son visage et son corps, rendent hommage à l’énigmatique personnalité qui se dégage d’elle. Son regard ensorceleur, ses cheveux dorés, son buste et ses hanches amples, tout captive chez Suzy Solidor. Sa grande présence et prestance sur scène sont dignes des enregistrements, photos et peintures que l’on peut admirer d’elle. P hénomène ambigu, Suzy Solidor cultive le snobisme de son accent et provoque par sa façon de renvoyer ceux qui veulent l’interviewer, contribuant à faire de sa manière de vivre un sujet sulfureux. Mais, sous une certaine froideur, palpite le cœur d’une femme qui n’a pas toujours pu exprimer sa douleur au grand jour. Adolescente, sa voix fait dire au curé de la chorale dont elle fait partie : Il y a un garçon dans le chœur de ces jeunes filles ! En effet, les sonorités gutturales qui illustrent ses chansons sont fameuses, particulièrement quand elle célèbre les bars et les marins. Sa version de « Lily Marlène » est inoubliable, même si elle a été enregistrée sous l’Occupation. Son répertoire est souvent composé de valses, tangos ou rumbas qu’elle transcende, comme dans le subtil « Sous Tes Doigts ». OBSESSION Dans le film « La Garçonne » en 1936. 16 Suzanne Louise Rocher naît le 18 décembre 1900 à Saint-Servan-sur-Mer (une commune depuis rattachée à Saint-Malo) dans le quartier de la Pie. Née de père inconnu, sa mère, Louise Marie Adeline Marion, âgée de 29 ans, est la domestique de Robert Henri Surcouf, avocat, député de SaintMalo et armateur, descendant de la famille du corsaire légendaire (selon Suzy Solidor, celui-ci serait son père). Le 10 septembre 1907, pour échapper à sa condition de fille-mère, Louise Marion épouse Eugène Prudent Rocher qui reconnaît Suzanne, âgée de sept ans, qui prend le nom de Suzanne Rocher. La famille s’installe dans le quartier de Solidor à Saint-Servan, qui lui inspirera son nom d’artiste. En 1916 elle apprend à conduire et, en 1917, passe son permis, ce qui est alors exceptionnel pour une femme. Peu avant l’armistice du 11 novembre 1918, elle est promue chauffeur des états-majors et conduit des ambulances sur le front de l’Oise, puis de l’Aisne. Après la guerre, elle s’installe à Paris et fait la connaissance d’Yvonne de Bremond d’Ars, qui devient sa maîtresse. En sa compagnie, elle s’initie au métier d’antiquaire. En 1929, elle prend le pseudonyme de Suzy Solidor et fait carrière comme chanteuse. Sa voix grave, presque masculine, fait dire à Jean Cocteau : Suzy Solidor a une voix qui part du sexe ! Grâce à son beau physique androgyne, ses cheveux très blonds et sa frange au carré, son allure marque les esprits. En 1930, après sa séparation d’avec Yvonne de Bremond d’Ars, l’aviateur Jean Mermoz fait une cour assidue à Suzy Solidor. Celle-ci, qui a plusieurs liaisons, ouvre sa boutique d’antiquités, La Grande Mademoiselle, 29 quai Voltaire. En 1931 elle crée un répertoire dédié à la mer et aux bordels et filles à matelot avec « Dans Un Port » (de sa composition), « La Fille Des Bars » (deux titres enregistrés), « C’Est A Hambourg », « Je T’Espère », « Ohé Capitaine », « La Brume Sur Le Quai », « Le Matelot De Bordeaux », « Une Fille Dans Chaque Port », « Le Bateau Espagnol », « Tout Comme Un Homme » ou « Comme Une Feuille Au Vent ». Ce qui est logique quand on est originaire de Saint-Malo. Au printemps 1932, parrainée par son ami Jean Cocteau, elle confirme cette orientation en créant La Vie Parisienne, un cabaret chic et cher, 12 rue SainteAnne, qui devient vite le lieu privilégié de toutes les rencontres homosexuelles à Paris, et où chantent Charles (Trenet) & Johnny (Hess). Elle s’y affiche fièrement en fourreau de satin moulant ses hanches d’éphèbe. En 1933, Suzy Solidor se produit avec succès à L’Européen puis à l’Alhambra. Le 10 mai, chez Columbia, elle enregistre un titre fort explicite, « Obsession (Chaque Femme, Je La Veux) », ainsi qu’une première version de « Tu Me Plais » et surtout « Ouvre ». OUVRE Dans cette première interprétation de « Ouvre » les derniers couplets saphiques, chez Odéon, seront censurés : Ouvre les jambes à mes flancs/ Dans ces rondeurs blanches et lisses/ Ouvre tes