Meilleures ennemies Tome 3

Transcription

Michel Lafon - Meilleures ennemies-T3 - 142 x 215 - 18/11/2011 - 11 : 30 - page 3
Alexa Young
Tome 3
Duo-duel au défilé
Traduit de l’anglais (États-Unis) et adapté
par Jean-Noël Chatain
Du même auteur
Meilleures Ennemies, tome I :
Meilleures amies, pires ennemies
Meilleures Ennemies, tome II :
À la vie, à la mode
À paraître
Meilleures Ennemies, tome IV
Titre original
Glamnesia
© Alexa Young et Alloy Entertainment, 2009.
© Michel Lafon Publishing, 2009, pour la traduction française
7-13, boulevard Paul-Émile-Victor - Île de la Jatte
92521 Neuilly-sur-Seine Cedex
www.michel-lafon.com
Pour Jack,
grâce à qui je n’oublie jamais l’essentiel.
Les
Fashion
Blogueuses
TOUJOURS CHIC ET JAMAIS TOC !
Belle et rebelle ? Bonjour, la gamelle !
Posté par Avalon, le dimanche 26 octobre
à 10 h 27
Vous connaissez la nouvelle ? Tragique... je sais ! Après
avoir remporté le championnat régional de La Jolla, la
semaine dernière, les pom-pom girls de la SMS rentrent
aujourd’hui de San Francisco sans le trophée d’État. ;- (
Bon, OK... ça ne veut pas forcément dire qu’on est toutes
des perdantes. La seule fautive ? C’est notre prétendue
« capitaine » qui porte les initiales H.B. (comme « hasbeen ») ou si vous préférez la fille qui se disait antipom-pom depuis le début, celle qui se la jouait belle et
rebelle... et qui se révèle nulle et archinulle.
Sérieux... vous vous demandez encore pourquoi le duo HalValon s’est séparé ? Eh bien, cliquez sur les liens ci-dessous
et vous verrez en images tous les ratages et cafouillages de
Miss Catastrophe... et trois exemples de looks pseudo-chics
et super toc :
Halley – Grand écart ringard !
Halley – Saut carpé raté !
Halley – Culbuto pas rigolo !
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Halley – Look rocktardée mentale
Halley – Look pauvresse qui se la joue déesse
Halley – Look bobo tragicomico
Ça fait peur, hein ? Alors, histoire d’emprunter un slogan
écolo que des « artistes » comme Halley semblent avoir
adopté, sachez toutes qu’il faut penser mondial et agir local.
Autrement dit, si vous n’êtes pas à la hauteur de vos responsabilités et si vous ne trouvez rien de potable à vous
mettre sur le dos... creusez un trou dans votre jardin, cachezvous tout au fond, et ne ressortez pas avant d’être prête à
embellir l’environnement par votre look chic et choc. Vous
sauverez la planète si vous cessez d’entraîner les autres
dans votre chute et de porter des tenues qui nous polluent
la vue !
Bon shopping,
Avalon Greene
COMMENTAIRES (93)
Aaaargh ! Je C pas si j’pourrais larguer ma meilleure copine
à cause de C fringues (ou de C fiascos MDR !), mais j’imagine que ça montre ta passion pr la mode & le sport. Enfin,
j’crois...
Posté par fashion_viktim le 26/10 à 10 h 44.
WOW ! C tellement vrai ! Halley a entraîné ttes les
pom-pom girls ds sa chute & tt le monde le C. 1 raison de
+ pr que l’équipe Avalon reprenne le pouvoir. T la meilleure !
Posté par super_bon_plan le 26/10 à 10 h 47.
D le début j’saVque vous étiez ttes les 2 D perdantes. C
l’équipe de Berkley la + forte ! Z’avez vu ts les modèles de
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Birkenstock qu’ils ont là-bas ? O fait... cliquez ici et vs lirez
la dernière rubrique du blog INFO-SANTÉ : Les mycoses Démystifions leurs causes !
Posté par grenouille_de_labo le 26/10 à 11 h 02.
C sûr qu’il vs faut 1 chef à la hauteur pr gagner... mais qd
on fait partie d’1 équipe, on est cenC être uni/e/s, non ?
Alors tu dois soutenir Halley... com meilleure amie et com
coéquipière, moajdis !
Posté par primadonna le 26/10 à 11 h 15.
Fashion Ronchonnes
A
ssise dans la BMW gris métallisé de sa mère,
Avalon Greene regardait par la vitre et maudissait en silence toutes ces voitures qui roulaient au
pas, pare-chocs contre pare-chocs. Chaque fois que
Constance donnait un coup de frein, Avalon sentait la
tension monter en elle. Elle imaginait déjà la scène...
On va avoir un accident, et notre retour de l’aéroport
de San Diego va carrément se transformer en film
d’horreur !
– Attention ! s’écria Abigail Brandon sur le siège
passager.
Constance donna un coup de volant juste à temps pour
éviter un Hummer jaune vif qui déboulait pour se placer
juste devant elle.
– Ooooh, je déteste ces gros co... euh... grosses
brutes ! grogna Constance en agitant son carré platine
avec colère. Désolée, les filles...
– Tu n’y es pour rien, Connie. Cet abruti devrait déjà
regarder où il va et commencer par allumer ses feux,
observa Abigail.
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Elle montra alors au Hummer son majeur à l’ongle
laqué de rouge vif, en braillant comme une mégère :
– Ça fait vingt minutes que le soleil est couché, pauv’
cloche !
Aussi agaçant que pût être le brouhaha des crissements des pneus, des coups de klaxon et de la fureur
maternelle au volant, rien de tout cela ne rivalisait avec
l’horripilante mastication et l’odeur de raisin artificielle
qui empestait sur la banquette arrière.
– T’as besoin de ruminer comme une vache ? finit
par lâcher Avalon dans une grimace écœurée.
– Et toi, t’as besoin de pleurnicher comme une
gamine ? rétorqua Halley en la foudroyant de son regard
bleu pâle.
Elle ramena en arrière sa queue-de-cheval brune et se
tourna de nouveau vers la vitre... puis observa les quatre
voies de l’autoroute comme pour y puiser l’inspiration
d’un prochain devoir d’arts plastiques.
– Du calme, toutes les deux, intervint Abigail d’un
ton plus tolérant que dépité, tout en regardant les filles
dans le rétroviseur pendant qu’elle retouchait son
maquillage. Nous savons que vous êtes déçues d’avoir
perdu la coupe, mais inutile de vous en prendre l’une à
l’autre. Vous vous êtes bien débrouillées. L’équipe des
Lions aurait dû gagner.
Mouais... on aurait gagné si moi j’avais été capitaine
au lieu de ta faux-jetonne de fille, songea Avalon,
amère. Mais il a fallu que Halley me pique la place !
Toute cette histoire frisait la folie. Quelques semaines
plus tôt, Halley était censée aider Avalon à prendre la
direction de l’équipe qui regroupait les gymnastes et les
pom-pom girls. Mais à la dernière minute Halley avait
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totalement bouleversé leur plan et s’était débrouillée
pour se faire élire capitaine. OK, leur équipe avait gagné
le concours régional à La Jolla... mais ensuite, Halley
perdit les pédales, et l’équipe de la SMS décrocha péniblement une quatrième place au championnat de Californie. Bref, c’était minable ! Et humiliant... Avalon
déployait d’ores et déjà tous ses efforts pour limiter les
dégâts, afin qu’elle-même et les vraies pom-pom girls
puissent affronter leurs camarades la tête haute, demain,
au collège... Autrement dit, elle agissait comme une
capitaine digne de ce nom, censée remonter le moral de
ses troupes ! Mais c’était loin d’être gagné... et Avalon
espérait une sérieuse intervention divine pour renverser
la situation.
– Eh bien... peut-être qu’on aurait gagné si ces collèges de L.A. et d’Oakland n’avaient pas soudoyé les
juges, reprit Halley. (À son tour de jouer les pleurnichardes.) Toute la compète était truquée dès le départ,
j’en mets ma main au feu...
Hé, réveille-toi, ma vieille ! Los Angeles et Oakland,
ça fait deux collèges, songea Avalon, énervée. Même si
les deux avaient triché, on aurait quand même perdu.
Fais le calcul... On est arrivées quatrièmes. PIGÉ ?
– Tu as sans doute raison, approuva Abigail en souriant, visiblement aussi fâchée avec les maths que sa
fille. Mais bon... il y a des choses plus importantes dans
la vie... pas vrai, les filles ?
– Ouais, mais... quand même... insista Halley, sa voix
montant d’un cran sur l’échelle des jérémiades.
– Secoue-toi un peu, Hal ! s’exclama Abigail, qui se
passa la main dans ses longs cheveux auburn, tout en
se tournant vers Constance, en quête de soutien.
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Mais la mère d’Avalon était trop occupée à coller au
train de la Volvo toute cabossée qui venait de se faufiler
devant elle.
– Qu’elle se secoue ? gloussa Avalon. On a vu ce que
ça a donné avec notre équipe...
– Cessez d’envoyer des ondes négatives, les filles !
lança Constance tandis que devant elle le Volvo diesel
déboîtait pour se ranger sur la bande d’arrêt d’urgence
et allumait ses feux de détresse dans un nuage de fumée.
C’est déjà suffisamment pénible de conduire dans cette
fichue circulation, alors haut les cœurs, OK ?
– Peut-être que ma nouvelle va leur remonter le
moral, reprit Abigail en échangeant un sourire complice
avec Constance, qui hocha la tête d’un air de dire :
« Vas-y... annonce-leur. »
– Oooh, j’ai hâte d’entendre ça, murmura Avalon
dans son coin en faisant mine de s’agiter d’un air tout
émoustillé sur le siège en cuir gris.
Elle savait qu’elle se comportait comme une chipie,
mais une seule nouvelle aurait pu l’égayer : apprendre
que Halley émigrait sur la planète Mars !
– Je n’ai pas voulu en parler plus tôt, au cas où vous
seriez sélectionnées pour le championnat national, car
les dates se seraient chevauchées, expliqua Abigail.
Bref... vous vous rappelez que j’ai travaillé dans le
temps avec Gia Lamberti ?
– Tu veux dire « l’artiste qui se faisait appeler
G-Lam » ? pouffa Halley en minaudant comme une
petite fille.
Ce qui ne manqua pas d’agacer Avalon, même si
d’habitude elle trouvait ça plutôt mignon.
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– Oui, oui, répondit Abigail en se tournant, tandis
que ses yeux bleus étincelaient dans la pénombre de
l’habitacle. Depuis son apparition dans One Hit Wonders sur VH1, elle s’est attiré une foultitude de fans...
si bien qu’elle a décidé de lancer une ligne de vêtements.
– Trop cool ! ironisa Avalon. Encore une pseudo-star
ringarde qui va dessiner des leggings en Lycra.
– Avalon ! rugit Constance en profitant de son changement de file pour lui lancer un regard sévère pardessus l’épaule.
– Tu peux toujours critiquer, ma belle, dit Abigail,
indifférente aux moqueries de la fille de son amie. Mais
je pense que tu changeras d’avis en voyant ça.
À ces mots, la mère de Halley brandit quatre badges
dorés et plastifiés indiquant : L.A. FASHION WEEK
– ACCÈS VIP – TOUS DÉFILÉS & MANIFESTATIONS.
WAOUH ! En un clin d’œil, Avalon retrouva le sourire et en oublia la moindre contrariété. C’était une nouvelle d’enfer... un milliard de fois plus agréable qu’un
éventuel déménagement des Brandon ! Cela lui tournait
tellement la tête qu’elle dut résister à l’envie de sauter
dans les bras de Halley... (euh... une autre fois, peutêtre ?). Après tout, leur rêve devenait soudain réalité.
Cela faisait longtemps que Halley et elle parlaient du
jour où elles pourraient enfin se rendre à la semaine de
la mode, sans doute quand elles seraient rédactrices de
leur propre magazine fashion, ou bien comme créatrices
de leur propre collection... ou les deux ! Bien sûr, elles
envisageaient d’emblée d’aller à la Fashion Week de
New York, mais celle de Los Angeles était presque aussi
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géniale. Ce serait pour elles un excellent début, et ça
redorerait drôlement leur blason après la déconfiture du
championnat d’État.
– Mais qui est invité au juste ? grommela Halley sans
le moindre enthousiasme, tout en croisant les bras sur
sa poitrine toujours aussi peu développée.
J’hallucine ! Avalon décocha un regard assassin à son
ex-meilleure amie, totalement à côté de la plaque ! Elle
ne comprenait pas que les quatre coupe-files étaient destinés aux personnes ici présentes dans la voiture ? Est-ce
qu’elle croyait sérieusement pouvoir priver Avalon de
ce rêve fabuleux qui leur appartenait à toutes les deux ?
Halley ne tombait quand même pas aussi bas ?
– Nous y allons toutes les quatre ! confirma Constance
en chassant le doute qui aurait pu gâcher le plus extraordinaire des moments qu’Avalon eût jamais vécus.
– Exact ! dit Abigail en gratifiant Halley d’un grand
sourire dans le rétroviseur. Le week-end prochain, nous
irons retrouver Gia et assisterons à quelques défilés
privés ; nous resterons un jour de plus, puisque le lundi
est férié et que vous n’avez pas cours. Ensuite, nous y
retournerons le week-end suivant pour d’autres collections et d’autres soirées VIP ! J’ai dit à Gia combien
vous adoriez toutes les deux la mode, et elle a vraiment
hâte de vous rencontrer !
Halley mastiqua son chewing-gum plus fort que
jamais, son visage parsemé de taches de rousseur
n’exprimant rien... si ce n’est de l’indifférence. Avalon
n’en revenait pas. Halley devenait complètement folle
ou quoi ? Avait-elle totalement oublié leur rêve ? Est-ce
que la mode l’intéressait encore ? Oh, et puis peu importait. Avalon se cramponna à la banquette pendant que
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des images de défilés ultra-tendance tourbillonnaient
dans sa tête. Elle s’imaginait déjà au premier rang en
train d’échanger des anecdotes avec Hilary Duff et les
jumelles Olsen, en discutant des modèles qu’elles choisiraient pour le printemps... deux saisons avant que le
commun des mortels puisse les trouver dans les boutiques du monde entier !
Juste au moment où son délire devenait vraiment
sympa (Paris et Nicky Hilton l’invitaient à une soirée
méga-privée après le défilé !), Britney Spears se mit à
chanter Piece of Me dans la poche latérale de son nouveau fourre-tout turquoise Chloé. Avalon en sortit son
iPhone rose fluo et y jeta un œil.
– Oh ! là, là !... C’est... genre la vingtième fois qu’il
m’appelle aujourd’hui, jubila-t-elle avant de tapoter
l’écran pour répondre. Waaaade... Tu me manques teeellement !
– Tu me manques encore plus, répondit le jeune
homme de sa voix chaude qui enveloppa Avalon comme
un châle en cachemire bien douillet.
– Oh, Waaade... roucoula-t-elle de plus belle.
Wade Houston était le chanteur des Dead Romeos,
qui faisait toujours autant craquer Halley. Mais juste au
moment où celle-ci avait ravi la place de capitaine des
pom-pom girls à Avalon, il s’était rendu compte – et
Avalon aussi ! – que Halley était une vraie diablesse
déguisée en ange et bien trop compliquée à fréquenter.
Wade s’était donc tourné vers Avalon... qui n’avait pas
hésité à sortir avec lui. L’occasion était trop tentante de
faire enrager Halley ! Hmm... La vengeance se révélait
si douce à savourer.
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Pendant qu’Avalon bavardait avec son tout premier
petit copain, en ponctuant sans complexe ses phrases de
« Wadie-chou » et de « baby », elle vit le visage hostile
de Halley se décomposer peu à peu.
Du coup, Avalon se sentit plus invincible que jamais...
Pour sa part, il n’y avait qu’une seule et unique perdante
dans toute cette histoire. Et pas question que ça change !
songea-t-elle.
La Jolla version cache-ta-joie
H
al ? fit Abigail d’un ton inquiet.
Elle ouvrait la porte en verre dépoli de la
maison des Brandon, les talons de ses bottes Gucci martelant en rythme le sol de l’entrée.
– Ouais ? soupira Halley.
Elle laissa tomber ses sacs Tory Burch de couleurs
vives et regarda autour d’elle d’un air distrait. Même
l’éclairage tamisé des spots encastrés dans le plafond,
et le fumet du poulet à l’ail et au romarin que concoctait
son père à la cuisine ne purent l’apaiser. Bien sûr, Halley
se félicitait d’être enfin débarrassée d’Avalon, devenue
le mal incarné, mais tout son corps lui semblait endolori... comme si son ex-meilleure amie ne l’avait pas
seulement harcelée verbalement et émotionnellement...
mais aussi physiquement depuis deux jours.
– Tu vas bien ? reprit Abigail en penchant la tête, de
sorte que ses longs cheveux auburn tombèrent en cascade sur son épaule.
Elle s’installa sur le canapé en cuir blanc du salon en
contrebas, ses yeux gris-bleu scrutant attentivement le
visage de sa fille.
–
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– Oui, oui, répondit Halley, aussi peu convaincante
qu’une vedette de série B.
– C’est pas la fin du monde, OK ? dit Abigail dans
un froncement de sourcils, avant d’ôter ses bottes en
satin rouge pour se rasseoir en repliant une jambe gainée
de noir sous les fesses. Il y aura d’autres championnats,
tu sais...
– Ouais, bien sûr, admit Halley en grimaçant un
piètre sourire. T’inquiète pas, m’man. Je suis juste un
peu fatiguée.
Elle savait que sa mère pouvait lire dans ses pensées...
mais comment lui expliquer ce qui se passait au juste ?
Quels mots pourraient définir avec précision la chute
vertigineuse qu’elle avait l’impression de vivre depuis
deux semaines ? Tout ça n’avait rien à voir avec un
championnat débile de pom-pom girls. Enfin, pas directement... Il s’agissait de Wade. Ce garçon s’était tourné
vers Avalon sans la moindre explication et semblait bien
décidé à faire comme si Halley n’avait même jamais
existé ! Et voilà que la seule étincelle de bonheur dans
la vie par ailleurs lamentable de Halley – à savoir la
Fashion Week de Los Angeles – ne méritait pas la
moindre parcelle d’enthousiasme parce qu’elle allait
devoir s’y rendre avec son horrible et démoniaque exmeilleure amie, voleuse de petit copain !
– Eh bien, pourquoi ne pas aller te détendre un peu...
et on en reparlera au dîner ? suggéra sa mère d’une voix
douce en se relevant.
Elle lui planta un affectueux bisou sur la joue, puis
s’en alla rejoindre son mari en cuisine.
Halley hocha paresseusement la tête et se dirigea vers
l’escalier. Elle imaginait déjà l’agréable bain moussant
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qu’elle allait prendre dans sa baignoire de la taille d’un
Jacuzzi, quand elle entendit une voix féminine dans la
chambre de son frère. Tyler ? Avec une fille ? Dans sa
chambre ? Impossible... Halley songea qu’il devait
regarder un film... Pourtant elle souhaitait en avoir le
cœur net. Aussi s’approcha-t-elle sur la pointe des pieds
de la porte de son frère, avant de jeter un coup d’œil
dans la pièce.
– Waouh ! T’as le nouveau Guitar Hero ? s’écria
Halley en voyant son frère de quinze ans qui jouait les
rock stars avec sa guitare Wii blanche.
Tyler se mit quasiment à convulser, et son visage vira
au rouge écarlate, tandis qu’il tentait de récupérer. Mais
trop tard... Il avait saboté la chanson et, sur la console,
le public le huait pour qu’il quitte la scène.
– Aaaargh ! Mauvais timing... Hal ! gémit-il en faisant glisser sa guitare en bandoulière sur son torse
osseux, avant de se précipiter vers son bureau pour
avaler une grande gorgée de soda.
– Mauvais timing pour toi aussi, apparemment, ironisa son invitée avec un sourire en coin. Un vrai guitar
hero ne se laisserait jamais distraire !
– Sofee ! s’exclama Halley en riant comme si elle
n’avait pas ri depuis des semaines.
Elle rejoignit le lit en forme de vaisseau spatial et
faillit trébucher sur les piles de vêtements sales qui jonchaient le sol. Depuis qu’elles avaient partagé une
chambre au stage d’arts plastiques en été, Sofee Hugues
et Halley se voyaient beaucoup, ce qui ne plaisait pas
trop à Avalon. Sofee était aussi la guitariste des Dead
Romeos... et l’ex de Wade. Mais non, la vie n’était pas
si compliquée, voyons...
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– C’est fou ce que tu m’as manqué, avoua Sofee,
sourire aux lèvres, en lui sautant dans les bras.
– Toi aussi, tu m’as manqué, admit Halley, qui fronça
les sourcils en réalisant combien elle disait vrai.
– Et moi aussiiii ! intervint Tyler en minaudant.
Il retira son bandana rouge de sa tignasse brune et
s’assit entre une boîte de pizza vide et Pucci, avant
d’ajouter :
– Et ce brave toutou a sombré dans la déprime canine
en l’absence de ses môôômans !
Tyler noua son foulard autour du cou de la chienne,
et sa sœur vola aussitôt au secours de Pucci :
– Moi aussi je déprimerais si j’avais ton bandana
trempé de sueur qui m’étranglait !
Elle défit le foulard incriminé en évitant au maximum
de le toucher, puis s’empressa de le lancer à Tyler, avant
d’embrasser la tête blonde et duveteuse de Pucci.
– Mes groupies seraient capables de meurtre pour une
seule goutte de ma transpiration ! s’écria Tyler en reprenant une rasade de soda, dont une partie dégoulina sur
son visage et son tee-shirt Huge in Japan.
– Dommage que ta seule groupie soit une petite
chienne ! répliqua Sofee dans un éclat de rire, tandis
qu’elle s’accroupissait auprès de Halley pour gratter
affectueusement Pucci derrière les oreilles. Pas vrai,
Pucci Pooch ?
– Exact ! renchérit Halley alors que Sofee et elle se
tapaient dans les deux mains. Viens, on a des tas de
trucs à se raconter. À plus tard, Ty !
– Je joue tout seul, alors ? ronchonna son frère en
montrant l’écran plat fixé au mur noir bleuté. C’est à
ton tour.
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– Je te cède ma place, dit Sofee, tout sourire, en rajustant sa tunique blousante anthracite sur son jean Slim
Bleach. T’as plus besoin de t’entraîner que moi.
– Paaaardon ? rétorqua Tyler, ses yeux bleu ciel écarquillés comme des soucoupes et la mine faussement
atterrée. En fait, t’as la trouille de te mesurer à mes
talents de guitariste. C’est si évident... si minable... si...
– OK ! l’interrompit Sofee en échangeant un regard
entendu avec Halley. T’as gagné ! C’est toi le plus fort.
– Bon... Ben, tant qu’on est d’accord là-dessus...
Tyler se tourna vers l’écran TV en disant au revoir
aux filles d’un geste désinvolte de la main, tandis que
la foule en délire l’acclamait sur la console.
Une fois dans la chambre de Halley, Sofee s’installa
sur le siège poire en daim marron glacé et ôta ses bottines bleu cobalt.
– Alors, comment tu te sens après la grosse cata du
championnat d’État ? s’enquit-elle.
– Bof... pas trop mal, j’imagine, répondit son amie
en s’asseyant sur son tapis rond orange préféré. (Pucci
arriva en trottinant dans la pièce et se lova aussitôt à
ses pieds.) Voir des pom-pom hystériques se battre pour
un trophée, ça craint déjà un max... alors ça vaut peutêtre mieux pour moi de ne pas assister à la guerre des
clones au niveau national !
– Absolument ! approuva Sofee, toutes dents dehors.
Hé ! Tu sais quoi ? On devrait se déguiser en pom-pom
pour Halloween... mais lookées zombies, tu vois ?
– Waouh ! Ce serait dément ! gloussa Halley en mordillant le vernis bleu de son pouce droit. Mais peut-être
que c’est pas franchement une idée d’enfer pour... la
capitaine de l’équipe ?
25
– J’en sais rien. J’imagine que ça dépend du message
que tu veux faire passer, observa Sofee dans un sourire
démoniaque, en arrangeant son béret multicolore sur ses
longues boucles noires méchées de turquoise. C’est vraiment important pour toi, toute cette histoire de pom-pom
girls... ?
Elle s’interrompit et planta son regard sombre dans
celui de Halley comme pour la mettre au défi de
répondre.
– Bonne question, soupira Halley.
Elle se massa les tempes, tout en humant le parfum
familier de cèdre citronné de sa chambre, dans l’espoir
de penser à autre chose qu’à l’équipe des pom-pom
girls... sinon le visage d’Avalon lui apparaissait aussitôt,
ce qui ne manquait pas de la crisper.
– Alors... et ton week-end à toi ? s’enquit-elle, impatiente de changer de sujet.
– Pénible, répondit son amie en roulant des yeux.
– Comment ça ?
– Ben... le groupe était censé répéter pour le bal de
Halloween de vendredi, mais – comme je m’y attendais – la Barbie Airbags avait complètement envahi le
cerveau de Wade, expliqua Sofee. À ce stade, je me
demande même s’il lui reste quelques neurones.
Halley se mordit la lèvre en fixant le parquet... et en
priant pour que les larmes cessent de lui picoter les yeux.
Pas question que Sofee voie combien ce genre de nouvelle la blessait. Halley devait se montrer en colère
– inquiète pour le groupe – et pas malade d’amour à en
friser la déprime.
– Qu’est-ce qui s’est passé, alors ? reprit-elle sans
relever la tête.
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– Hormis qu’il était à deux doigts de sauter dans le
premier avion pour San Francisco, tu veux dire ? ricana
Sofee. En fait, je croyais qu’être éloigné de Miss Airbags pour le week-end lui ferait du bien. Tu parles ! Il
était sans arrêt en train de l’appeler ou de lui envoyer
des textos... et si elle ne le rappelait pas illico, il allait
passer la majeure partie de la répète à vérifier s’il n’avait
pas de messages sur son tél... juste au cas où il aurait
loupé un appel.
– Waouh...
Halley tripota les poils orange de son tapis. L’espace
d’un bref instant, elle se demanda si Wade n’avait pas
eu envie de s’envoler pour San Francisco pour la voir,
elle. Mais elle délirait, bien sûr... Leur relation avait fini
avant même d’avoir commencé.
– Il a l’air drôlement atteint, ajouta-t-elle.
– Ouais, c’est fou, hein ? dit Sofee, dépitée. Si bien
qu’Evan, Mason et moi, on a mis au point un stratagème, ce matin.
– Ah bon ? dit Halley en souriant malgré elle à l’idée
que Sofee avait demandé au bassiste et au batteur des
Dead Romeos de tendre une embuscade à Wade. Et vous
avez fait quoi, au juste ?
– On lui a piqué son tél en décrétant qu’on ne lui
rendrait pas tant qu’il n’aura pas écrit une seule chanson
potable, répondit Sofee en souriant jusqu’aux oreilles.
– J’hallucine ! gloussa Halley. Et il a réagi comment ?
– Euh... Il en a écrit une, dit Sofee d’un air dégoûté.
Elle s’intitule Avalon.
Halley sentit la nausée l’envahir et, d’instinct, réprima
un renvoi.
– Carrément à vomir, hein ? gémit Sofee. Ben,
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figure-toi que la chanson est bonne... sans doute la meilleure de notre répertoire. Evan et Mason pensent qu’on
devrait clore notre concert de Halloween avec ce titre.
– Bon sang... comme si elle avait besoin de ça pour
flatter son ego, grimaça Halley, plus déprimée que
jamais à l’idée de se rendre à Los Angeles.
Elle allait devoir écouter Avalon s’étaler à n’en plus
finir sur la chanson que Wade lui avait écrite... et sur
le fait qu’il était fou d’elle, qu’il ne pouvait pas s’en
passer... bla-bla-bla...
– Comment je vais faire pour supporter un autre
voyage avec elle ?
– Un autre voyage ? répéta Sofee en plissant les yeux
d’un air intrigué.
– Ouais, répondit Halley. Ma mère vient de recevoir
des coupe-files VIP pour la Fashion Week de L.A. Et,
bien sûr, on embarque Avalon et sa mère avec nous.
– Ah bon ? dit Sofee en fronçant le nez comme si
elle reniflait soudain une odeur nauséabonde. Pourquoi
tu dois emmener quelqu’un avec qui tu ne t’entends
pas ?
– Parce que nos deux familles se connaissent depuis
toujours, alors faut qu’on fasse des trucs en commun,
que ça me plaise ou non.
Halley sentit soudain toute l’injustice de la situation
qui lui serrait la gorge, comme si elle venait d’enfiler
un col roulé trop étroit.
– Ben, ça craint, commenta Sofee en ramenant ses
cheveux derrière les oreilles, si bien que ses sept piercings – dont l’anneau au sourcil et le minuscule clou
nasal en diamant – miroitèrent sous l’éclairage encastré
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du plafond. Tes parents sont tellement cool, je veux dire...
Pourquoi ta mère ne te laisserait pas inviter qui tu veux ?
– Hmm...
Halley était sur le point de répondre que les Brandon
n’envisageraient jamais d’entreprendre quoi que ce soit
sans les Greene, mais Sofee n’avait pas tort... Et si Halley
souhaitait emmener quelqu’un d’autre qu’Avalon ? Et si
elle présentait de bons arguments... du genre que sa mère
ne pourrait pas lui refuser ?
– J’en sais trop rien, avoua-t-elle. Mais au cas où...
ça t’intéresserait, toi... ?
– Tu rigoles ou quoi ? répliqua Sofee en agitant les
jambes avec frénésie comme si elle battait des ailes pour
prendre son envol. Je trouverais ça génial !
Halley était un peu étonnée. Même si son amie affichait un style rock alternatif assez branché et original,
on ne l’imaginait pas vraiment traîner dans les défilés
de mode. Sofee dut lire dans ses pensées, car elle reprit :
– En fait, j’essaye de trouver un moyen d’aller avec
le groupe assister au tremplin musical de la Fashion
Week. Ça va déchirer un max. Il y a Coldplay en ouverture ! Tu crois qu’on pourrait y avoir tous accès avec
tes passes VIP ?
– Waouh ! J’en sais rien ! s’écria Halley, prête à
décoller elle aussi. Mais je vais me renseigner, croismoi !
Tandis que Sofee et elle se voyaient déjà bouleverser
la scène rock et fashion de Hollywood... en devenant les
super-copines de Gwyneth Paltrow, par exemple... ou
du moins en gardant ses enfants, Apple et Moses, Halley
se sentit redevenir elle-même. La fille qui scotchait
toutes ces pubs haute couture et ces couvertures de
29
magazines, ainsi que ses propres dessins de modèles,
sur les murs café-au-lait de sa chambre, c’était bel et
bien Halley ! La gamine qui créait et cousait des vêtements pour toutes ses poupées Bratz, pendant qu’Avalon
aboyait des ordres sous prétexte qu’elle était « le cerveau et la femme d’affaires » derrière toute cette créativité purement Brandon. Halley était cette fille passionnée et débordante d’énergie positive... qu’Avalon lui
avait pompée à la vitesse d’un aspirateur Dyson.
Eh bien, Halley reprenait le contrôle, à présent ! Il
s’agissait de sa vie à elle... et non pas de celle d’Avalon.
Il était temps de se réapproprier ce qui lui revenait de
plein droit. Pour commencer, récupérer les passes VIP
d’Avalon et de Constance pour les offrir à ceux qui les
méritaient... comme Sofee et... euh... Wade ? Dès lors
qu’elle reprenait les rênes en main, tout était possible.

Meilleures ennemies Tome 3

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