Le Crif grogne : le Festival de Cannes déprogramme un

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Le Crif grogne : le Festival de Cannes déprogramme un
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Le Crif grogne : le Festival de Cannes déprogramme un film
palestinien
Date : 18 mai 2016
Hicham Hamza ♦
Scandale. Vendredi 13 mai, Pierre Lescure, président du Festival de Cannes, a rencontré
Roger Cukierman, patron du Crif, pour lui annoncer avoir accédé à sa requête : la censure d'un
documentaire palestinien remettant en cause de la version officielle du "massacre de Munich".
Souvenez-vous : le lundi 9 mai, Panamza révélait une information édifiante qui fut largement
relayée sur les réseaux sociaux et passée sous silence par la presse traditionnelle.
Mardi 3 mai, Roger Cukierman, président du Conseil représentatif des institutions juives de
France, a adressé un courrier à Pierre Lescure, président du Festival de Cannes, et Audrey
Azoulay, ministre de la Culture.
Le motif : faire connaître son indignation à propos de la diffusion, le 16 mai, durant le festival de
Cannes et dans le cadre du Marché du Film de Dubaï, d'un documentaire palestinien qualifié de
"révisionniste" en raison de sa remise en cause de la version officielle relative à la prise
d'otages israéliens lors des Jeux olympiques de Munich
Dans sa lettre, Cukierman "invite" tacitement Lescure à faire annuler la projection du film
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-accusé de "légitimer la violence terroriste"- en lui demandant expressément d'être "vigilant" et
de "prendre les mesures les plus appropriées".
Vendredi 13 mai, Roger Cukierman, président du Crif, a fait savoir -via son compte Twitter- qu'il
s'est entretenu avec Pierre Lescure.
La veille, un site d'information ultra-sioniste dénommé Le Monde juif avait déjà obtenu la
primeur de la nouvelle.
Non pas auprès de Lescure mais d'"un responsable de la communauté juive cannoise".
Selon ce site, David Lisnard, maire LR de Cannes et co-responsable de la décision, a écrit à
Gérard Bavard, président du Consistoire local, pour le rassurer: "La décision de la
déprogrammation a été prise à l’issue d’une réunion avec le ministre de l’Intérieur, Bernard
Cazeneuve, qui a effectué une revue du dispositif sécuritaire du Festival de Cannes".
Mardi 10 mai, Panamza avait évoqué ce personnage qui revendique son "lien à Israël" : il est à
l'origine du recrutement d'un criminel de guerre israélien pour "sécuriser" le Festival.
Aujourd'hui, après Cukierman, c'est au tour de Béatrice Strouf, employée de l'ambassade
d'Israël en France, de fanfaronner en relayant -via son compte Linkedin- l'information du Monde
juif : "Festival de Cannes : pas d'apologie du terrorisme !", écrit-elle.
Rappelons ici que le documentaire "Munich : a palestinian story" de Nasri Hajjaj (né en 1951
dans un camp libanais de réfugiés palestiniens) ne figurait même pas dans la sélection officielle
du Festival : il était simplement programmé lundi 16 mai dans le cadre du Marché du Film
organisé à Cannes en vue du Festival de Dubaï, prévu en décembre.
Quel est le fond de l'affaire?
Le documentaire désormais censuré constitue ce que de nombreux commentateurs français de
la vie culturelle -de sensibilité sioniste comme propalestinienne- n'hésiteraient pas à qualifier,
automatiquement et stupidement, de "complotiste".
D'une durée de 75 mn, le film d'Hajjaj, dont la réalisation a été entamée en 2012 (à l'occasion
des 40 ans de la prise d'otages israéliens survenue aux Jeux Olympiques de 1972), se base sur
les récits croisés de Jamal et Mohammed, les "deux seuls survivants" du commando palestinien
qui fut ultérieurement décimé par le Mossad.
Dans la notice du film, Hajjaj explique avoir abordé ce sujet, non seulement parce que l'un des
"feddayins" était son ami d'enfance mais aussi -et surtout- pour donner un point de vue
palestinien sur cette affaire, jamais traitée par un réalisateur arabe.
Selon sa version des faits, les forces de sécurité allemandes seraient directement responsables
de la mort de 5 des 8 preneurs d'otages palestiniens mais également de celle des 11 athlètes
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israéliens.
L'atout d'Hajjaj, un réalisateur qui précise ne pas s'être privé dans son film -contrairement à ce
que prétend Cukierman- de "critiquer l'opération" de Munich?
Avoir réussi à recueillir des documents et témoignages inédits qui vont à l'encontre de la
version officielle faisant état d'Israéliens sommairement exécutés par des Palestiniens.
Est-ce la raison pour laquelle le Crif et diverses antennes du lobby sioniste ont lancé une
campagne de dénigrement à l'encontre de ce film dit "négationniste"?
Comme l'avait rapporté Panamza, Roger Cukierman avait également exprimé son courroux à
l'encontre de la directrice de l'UNESCO en raison d'une récente résolution relative au
patrimoine culturel palestinien de Jérusalem. Irina Bokova, patronne de cette institution
onusienne basée à Paris, lui avait aussitôt adressé une lettre pour montrer patte blanche.
Aujourd'hui, c'est Lescure, fondateur de la chaîne pseudo-insolente Canal+ et chroniqueur
sourcilleux de l'émission C à vous de France 5, qui affiche sa soumis-sion.
Ironie du sort : un autre film sur le même thème avait déjà subi la bronca de la mouvance
sioniste. Il s'agit de l'excellent "Munich", de Steven Spielberg. Vivement critiqué par Elie
Barnavi, alors ambassadeur d'Israël en France, ce film n'était pas une ode à la gloire des
services secrets israéliens mais plutôt un portrait sombre des hommes et des femmes censés
servir l'Etat hébreu, quoiqu'il en coûte. Son co-scénariste, Tony Kushner, est d'ailleurs toujours
considéré comme un "juif ayant la haine de soi" par plusieurs lobbies pro-israéliens aux EtatsUnis.
Reste dorénavant à savoir si l'information relative à la dernière manœuvre d'intimidation
efficacement opérée par le Crif et ses relais sera commentée sur la place publique ou étouffée,
comme à l'accoutumée.
Source
Illustration : Thierry Frémaux, directeur général du festival de Cannes, Bernard Cazenave et Pierre Lescure, Président du Festival.
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