Les stratégies du bailleur pour aborder le renouvellement du bail

Transcription

Les stratégies du bailleur pour aborder le renouvellement du bail
Les stratégies du bailleur pour aborder le renouvellement
du bail commercial
Louisa DAHMANI
Master 2 Pratique du Droit des Affaires sous la Direction de Madame LAUGIER
Promotion 2010-2011
1
Les opinions émises dans le mémoire n'engagent que leur auteur
et non la Faculté Libre de Droit.
2
LES STRATÉGIES DU BAILLEUR POUR ABORDER
LE RENOUVELLEMENT DU BAIL COMMERCIAL
Louisa DAHMANI
Master 2 Pratique du Droit des Affaires sous la Direction de Madame LAUGIER
Promotion 2010-2011
3
REMERCIEMENTS
Je remercie Madame BRUNEAU, intervenante en baux commerciaux et
gestionnaire immobilier, pour m’avoir transmis sa riche expérience des baux commerciaux
et pour avoir dirigé ce mémoire.
Je tiens également à remercier l’équipe du cabinet Triplet et associés pour leur
accueil, leur disponibilité et leur écoute. Je remercie tout particulièrement Maître Bailleul,
avocate spécialisée en droit des baux commerciaux. Elle m’a offert un terrain propice à
l’enrichissement
de
mes
connaissances.
Son
écoute,
sa
disponibilité
et
son
professionnalisme m’ont permis de développer cette étude
J’exprime toute ma gratitude envers Madame Laugier, Directrice du Master 2
Pratique du droit des affaires et Maître de conférences, pour ses conseils et son soutien
permanent.
Je remercie Monsieur Martel et son équipe, Experts immobiliers, d’avoir accepté de
participer à cette réflexion en mettant l’accent sur la pratique des baux commerciaux lillois.
4
SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE
PARTIE.
LES
STRATÉGIES
PRÉCONTRACTUELLES
DU
BAILLEUR COMMERCIAL
CHAPITRE I. La connaissance préalable de l’environnement juridico-économique
du bail commercial
CHAPITRE II. Les stratégies contractuelles de détournement du droit au
renouvellement et du déplafonnement
DEUXIÈME PARTIE. LES STRATÉGIES DU BAILLEUR COMMERCIAL FACE
AU RENOUVELLEMENT
CHAPITRE I. La limitation statutaire des stratégies du bailleur commercial
CHAPITRE II. Repenser le statut
CONCLUSION GÉNÉRALE
5
LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS
Act. Jurispr. : Actualité jurisprudentielle
Adde : Ajouter
Administrer : Revue Administrer
AJ : Actualité jurisprudentielle du Recueil Dalloz
AJDI : Actualité juridique, Droit immobilier (Dalloz, à partir de 1998)
AJPI : Actualité juridique, Propriété immobilière (jusqu’à décembre 1997)
al. : Alinéa
Ann. Loyers : Annales des loyers
art. : Article
Ass. plén. : Assemblée plénière de la Cour de cassation
BICC : Bulletin de la cour de cassation
Bull. civ. : Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation
C. : Code
C. baux : Code des baux
C. civ. : Code civil
Code de commerce : Code de commerce
CA : Cour d'appel
Cass. ch. mixte : Arrêt de la chambre mixte de la Cour de Cassation
Cass. ch. réun. : Arrêt rendu par les chambres réunies de la Cour de Cassation.
CE : Conseil d’État
CEDH : Cour européenne des droits de l’homme
Chron. : Chronique
Civ. : Chambre civile de la Cour de cassation
Com. : Chambre commerciale de la Cour de cassation
Comp. : Comparer
concl. : Conclusions
Contra : Solution contraire
Conv. EDH : Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales
C. pr. civ. : Code de procédure civile
6
Crim. : Chambre criminelle de la Cour de cassation
D. : Dalloz
Décr. : Décret
Defrénois : Répertoire du notariat Defrénois
Doctr. : Doctrine
Esp. : Espèce
et a. : et autre(s)
et s. : et suivantes
fasc. : fascicule
Gaz. Pal. : Gazette du Palais
ibid. : Au même endroit
ICC : Indice Insee du coût de la construction
ILC : Indice des loyers commerciaux
Infra : Ci-dessous
IR : Informations rapides (du Recueil Dalloz)
J : Jurisprudence
JCP : Juris-classeur périodique (Semaine juridique), édition générale
JCP E : Juris-classeur périodique, édition Entreprise
JCP N : Juris-classeur périodique, édition Notariale
JO : Journal officiel
L. : Loi
LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence
Loyers et copr. : Loyers et copropriété
LPA : Les Petites Affiches
Mod. : Modifié
n° : Numéro
not. : Notamment
Nouv. : Nouveau
obs. : Observations
Ord. : Ordonnance
p. : Page
Pan. : Panorama
7
R. : Rapport annuel de la Cour de cassation
rappr. : Rapprocher
RCS : Registre du commerce et des sociétés
RDI : Revue de droit immobilier (Dalloz)
Rect. : Rectificatif
Rép. civ. : Répertoire de droit civil Dalloz
Rép. com. : Répertoire de droit commercial Dalloz
Rép. min. : Réponse ministérielle
Rép. pr. civ. : Répertoire de procédure civile Dalloz
Req. : Requête
Rev. bleue : Revue bleue
Rev. Loyers : Revue des loyers et des fermages
RTD civ. : Revue trimestrielle de droit civil (Dalloz)
RTD com. : Revue trimestrielle de droit commercial
Somm. : Sommaires
Spéc. : Spécialement
ss. : Sous
Supra : Ci-dessus
t. : Tome
TGI : Tribunal de grande instance
TI : Tribunal d’instance
V. : Voir
8
INTRODUCTION GÉNÉRALE
« Il a quelques fois accommodé à ses propres dépens de procès, même
considérables ; et un trait rare, en fait de finances, c'est d'avoir refusé, à un
renouvellement de bail, cent mille écus qui lui étaient dus par un usage établi : il les fit
porter au Trésor Royal pour être employés au paiement de pensions les plus pressées des
Officiers de Guerre ». Cet extrait de l’ouvrage de Bernard le Bouyer de Fontenelle intitulé
« Eloge des membres de l’Académie Royale des Sciences » publié au XVIIIème siècle fait la
louange de la grande générosité de Monsieur d’Argenson, propriétaire et ancien
académicien, qui offrit l’indemnité reçue du renouvellement d’un bail au Trésor public.1
Pourtant, les auteurs du siècle suivant évoquaient plutôt « l’abus de puissance du
bailleur2 » et relataient leur comportement déloyal à l’égard des preneurs, avec la
complicité parfois des grandes firmes de l’époque. En effet, deux siècles plus tard, la loi du
17 mars 1909 relative au fonds de commerce avait eu pour conséquence d’augmenter leur
valeur. Avec l’apparition des grandes entreprises, celles-ci proposaient aux propriétaires
bailleurs des offres de relocation « à des prix défiant toute concurrence 3» se substituant
aux locataires en place. Les auteurs rapportent que les bailleurs les expulsaient « sans
bourse délier4 » pour profiter de la clientèle développée et des éventuels profits générés
tout en s’assurant pour l’avenir de la solvabilité des nouveaux preneurs : « La morale
n’avait pas gagné à la réforme de 1909 et les commerçants y avaient quelque peu perdu de
leur sécurité 5».
Face à ce rapport de force, la construction du statut des baux commerciaux s’est réalisée
dans le sens d’une protection du preneur présumé être la partie économiquement faible du
contrat de bail commercial6. En effet, au XIXème siècle et au début du XXème siècle, la
1
DE FONTENELLE (1657-1757), Éloge des membres de l’Académie royale des Sciences, « Éloge
de Monsieur d’Argenson », Académie française des belles lettres de Londres, Nancy, Berlin et Rome, tome
sixie, 1694-1727.
2
RTD Com. 2005 p. 256 « Bail commercial, accord sur les modalités ou le montant du loyer à
payer en cas de renouvellement du bail », J. DERRUPPÉ.
3
Mbotaingar A., Statut des baux commerciaux et concurrence, Litec, décembre 2007.
4
ANZEMA, MUTELET, PRIGENT, Les baux commerciaux, Revue des loyers, octobre 2010,
Lamy, p. 1.
5
Marion, Gaz. Pal. 1960, 2, doctr. p.65
6
Thèse de J. AUBERT, « La fixation des loyers commerciaux : la pratique judiciaire dans les
ressorts de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence et du Tribunal de Grande Instance de Marseille », Université
d’Aix-en-Provence, 1976, p. 13. Il nuance ce propos en soutenant que la règlementation sur le fonds de
9
valeur économique et patrimoniale du fonds de commerce est mise en valeur et reconnue
par la loi7. C’est ainsi qu’après la Grande Guerre, la loi du 30 juin 19268 accordait au
preneur le droit de demander le renouvellement, de réclamer le paiement d’une indemnité
en cas de refus de renouvellement abusif ou d’enrichissement sans cause et de proposer
une conciliation pour conclure un nouveau bail à l’expiration de la première. L’ensemble
du dispositif était déjà frappé d’ordre public. Le décret du 30 septembre 19539 a scellé ce
régime : « En instituant au profit du titulaire d’un bail commercial un droit de principe au
renouvellement de celui-ci le décret vise à assurer aux commerçants la stabilité matérielle
nécessaire à la pérennité du fonds qu’ils exploitent 10 ».
C’est ainsi que ce bref aperçu historique révèle que le contrat de bail commercial a pour
dessein depuis 1909 de compenser la perte du droit de propriété du bailleur, tout en
préservant les intérêts économiques des preneurs.
Dans ce contexte, l’évolution des rapports entre bailleurs et preneurs révèle une
ambivalence. En effet, s’ils sont apparemment associés au développement prospère du
local, il existe également un « conflit d’intérêt »11.
D’une part, ils sont associés dans la mise en valeur du fonds de commerce exploité et a
fortiori du local par le contrat de bail. Toutefois, cette association trouve ses limites au
niveau du calcul du loyer. En effet, le bailleur souhaite rentabiliser le prix d’acquisition du
local et optimiser sa valeur en augmentant les loyers ; le preneur souhaite a contrario
limiter les frais liés à l’occupation du local et acquitter un faible loyer et assumer un
minimum de charges et d’obligations.
D’autre part, le statut est le lieu de confrontation permanente entre les droits respectifs des
parties. Tout d’abord, le bailleur a un droit de propriété sur son immeuble. Le droit de
propriété est un droit inviolable et sacré reconnu par les articles 2 et 17 de la Déclaration
commerce et la propriété commerciale est le « résultat de l’action d’un groupe de pression, représentant une
corporation riche, puissant, et dont la richesse était en pleine expansion ».
7
La loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement des fonds de commerce a consacré
cette évolution.
8
Loi du 30 juin 1926 qui règle les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le
renouvellement des baux à loyers d’immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel.
9
Décret n° 53-960 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne les baux à
loyers d’immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal.
S’agissant d’un décret-loi, les dispositions législatives ont été insérées dans le nouveau C. Com. par
l’ordonnance du 18 septembre 2000 et les dispositions règlementaires dans un décret du 27 mars 2007.
10
Sol. Minist. JO déb. A.N 15 août 1994, p. 417, RL. 1994 p. 476.
11
Ibidem p. 2.
10
des Droits de l’Homme et du Citoyen12. Il est également un principe à valeur
constitutionnelle13. A l’inverse, le preneur s’est vu accordé un « droit à la propriété
commerciale » par le législateur. Cette notion génère de nombreux débats doctrinaux. Sans
remettre en cause sa prégnance dans le statut des baux commerciaux, des auteurs regrettent
cette expression puisqu’il ne s’agit pas de transférer le droit de propriété du bailleur sur la
tête du preneur14. L’expression est toutefois largement reprise dans les manuels, les
enseignements et en doctrine. Elle signifierait en substance que le preneur disposant d’un
contrat de bail de neuf ans15 et d’un droit au renouvellement16, protège son fonds de
commerce, le développe dans de très bonnes conditions et bénéficie en définitive du « droit
à la propriété commerciale » ou du droit à l’exploitation commerciale de ces locaux pour
son industrie de façon pérenne. De plus, cette protection est justifiée par le fait que son
exploitation étant liée intimement à l’emplacement de son local, sa perte aurait des
conséquences économiques graves. D’ailleurs, le Rapporteur de la loi à l’Assemblée
Nationale a confirmé cette approche en 1964 : « Il est aujourd’hui reconnu que, pour
assurer l’amortissement de ses investissements, le commerçant locataire doit être assuré
d’une durée suffisante de son bail. […] C’est pourquoi la commission a jugé nécessaire de
fixer à neuf ans la durée minimale du bail commercial 17».
En conséquence, le noyau dur du bail commercial est l’ajustement entre ces deux
prérogatives et entre les desseins économiques ambivalents des cocontractants. Dans cette
perspective, le moment du renouvellement est au cœur de la réflexion puisque c’est à cette
occasion qu’il peut heurter le droit de propriété absolu et perpétuel du bailleur et/ou
consumer voire anéantir les efforts d’exploitation du preneur : « Le moment du
renouvellement du bail est un temps où s’affrontent des intérêts contradictoires. Ceux du
preneur souhaitant une augmentation modérée du loyer afin de préserver la santé
financière de son activité et ceux du bailleur voulant conserver la rentabilité de son
12
Art. 2 de la DDHC : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels
et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à
l’oppression. »
Art. 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est
lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et
préalable indemnité. »
13
Conseil constitutionnel, décision n° 81-132 du 16 janvier 1982.
14
Certains auteurs nuancent la portée de cette expression : voir supra note 3, p. 1.
15
Art. L. 145-34 du C. Com.
16
Décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 (JO du 1er octobre 1953, p. 8618 et s.).
17
JO déb. AN 1964, p. 2194.
11
immeuble18 ». En effet, les ambitions économiques de chacune des parties au moment du
renouvellement sont différentes. Ainsi, la loi a encadré leurs relations et il est intéressant
d’analyser l’ensemble des dispositions et de déceler la marge de manœuvre dont dispose le
bailleur pour optimiser le renouvellement éventuel de son bail commercial. De même, le
preneur pourra prendre connaissance de cette étude pour contrecarrer ou anticiper la
position du bailleur. C’est ainsi que le sujet de ce mémoire s’intitule : « Les stratégies du
bailleur pour aborder le renouvellement du bail commercial ».
À cet égard, il convient de délimiter ainsi l’objet de notre étude en définissant les
termes du sujet.
Tout d’abord, il s’agit de définir l’expression « les stratégies ». Selon le sens
commun19, la stratégie est « l’art de coordonner l’action des forces militaires, politiques,
et morales impliquées dans la conduite d’une guerre ou la préparation de la défense d’une
nation ». Le second sens, que nous choisirons, définit la stratégie comme « l’art de
coordonner des actions, de manœuvrer habilement pour atteindre un but ». La
caractéristique de la stratégie est « l’habileté », soit l’adresse, l’ingéniosité, la ruse.
L’adresse est l’habileté physique ou intellectuelle. L’ingéniosité se dit d’une personne
pleine d’esprit d’invention, de subtilité. La ruse a une connotation péjorative puisqu’elle
fait référence aux procédés habiles et déloyaux dont une personne se sert pour parvenir à
ses fins. La stratégie peut donc être soumise aux activités les plus diverses dont la matière
juridique fait partie. En effet, les dispositifs juridiques sont un réservoir de contraintes et de
possibilités et ce d’autant plus dans une matière éminemment technique qu’est le droit des
baux commerciaux. De nombreux outils juridiques sont donc mis à la disposition des
parties pour envisager le renouvellement (dispositions législatives et réglementaires,
stipulations contractuelles, jurisprudence, doctrine). Néanmoins, à côté de cette hiérarchie
des normes classique, il y a des espaces libres de toute action ou de toute abstention qu’il
faut aussi exploiter. Or, le contentieux relatif au renouvellement est important étant donné
que la pratique révèle qu’il s’agit d’une matière non maîtrisée ou très peu maîtrisée par les
18
AJDI 2009, p. 289 « Les relations financières entre bailleur et preneur à bail commercial »,
DEJOIE ET PHAN THANH.
19
Encyclopédie Larousse, éd. 2011
12
professionnels du droit20 voire inconnue par certains preneurs. Ainsi, choisir une vision
stratégique dans l’optique du renouvellement permet de déterminer les outils juridiques
mobilisables et non mobilisables en fonction des objectifs économiques du bailleur en vue
du renouvellement.
En effet, le point de vue choisi est celui du « bailleur ». On rencontre le terme
« balleour » dès le XIVème siècle pour désigner celui qui donne à bail. Toutefois, un tout
autre sens familier était répandu pour l’associer au caractère trompeur d’une personne, à
celui qui a l’habitude de dire des choses fausses21. Dans le contrat de bail, le bailleur est
celui qui s’engage à procurer au cocontractant la jouissance d’une chose mobilière ou
immobilière, contre une rémunération22. Il peut s’agir d’une personne physique ou morale.
En outre, la loi n’exige pas qu’il ait la qualité de commerçant, contrairement au preneur
titulaire d’un fonds de commerce23. La pratique distingue les bailleurs privés et les
bailleurs institutionnels, ces derniers étant notamment des banques ou des compagnies
d’assurance. L’autre partie au contrat de bail est le locataire ou preneur qui est celui qui
obtient le droit d’utiliser la chose louée contre le versement d’une somme d’argent appelée
loyer24.
De plus, il faut se garder de confondre systématiquement le bailleur et le propriétaire de
l’immeuble. Si dans la majorité des cas le propriétaire a la qualité de bailleur, il peut
également déléguer sa prérogative de mise à disposition de la jouissance des locaux à un
tiers. En effet, le propriétaire est celui qui dispose du droit réel sur la chose et de toutes les
prérogatives qui s’y rattachent : le droit d’user et de détenir la chose sans en percevoir les
fruits, le droit d’en percevoir les fruits et le droit d’en disposer. En revanche, le bailleur,
s’il n’est pas le propriétaire, ne peut que mettre à disposition la jouissance des locaux sans
outrepasser ces prérogatives. Le propriétaire dans ce cas n’interviendra pas au contrat de
bail dans le cadre du renouvellement par exemple puisqu’il a délégué le fructus à une tierce
personne, bien que les actes de disposition soient soumis à son agrément. De même, il y a
des cas de démembrement de propriété qui ont pour conséquence cette même distinction et
20
Voir supra note 2 p. 21, par exemple, sur la délégation de la rédaction de la partie technique par
des experts : « Les avocats sont rarement suffisamment spécialistes des problèmes d’évaluation des loyers
commerciaux pour rédiger eux-mêmes des mémoires sur des locaux qu’ils ne connaissent parfois que par
ouï-dire ».
21
Centre National de Ressources Textuelles et Lexicale : http://www.cnrtl.fr/definition/bailleur
22
Lexique des termes juridiques, 16e édition, Dalloz.
23
Art. L. 145-1 du C. Com.
24
Supra note 12.
13
que l’on n’étudiera pas. C’est le cas de l’usufruit qui est un droit réel principal qui confère
à son titulaire le droit d’utiliser la chose et d’en percevoir les fruits mais non celui d’en
disposer lequel appartient au propriétaire25. Ainsi, dans le cadre d’un bail commercial, le
propriétaire a la qualité de nu-propriétaire et le bailleur celle d’usufruitier. Toutefois, pour
des raisons de commodité, ces options ne seront pas envisagées et l’on retiendra que les
qualités de bailleur et de propriétaire se confondent dans une même personne.
Par ailleurs, la perception du bailleur au sein de l’opinion publique est plutôt négative. À
Lille, par exemple, un journaliste rapporte : « Depuis qu'il est propriétaire de
57 commerces, VastNed Retail passe pour le grand méchant loup de l'immobilier à
Lille. 26» En défense, les bailleurs rappellent qu’ils détiennent un droit de propriété sur
leurs biens et qu’à ce titre le législateur leur a offert des droits dont celui d’augmenter son
loyer conformément à la valeur locative lors du renouvellement.
C’est ainsi qu’il ne faut pas perdre de vue ce dessein économique du bailleur qui agit dans
le but de générer un profit en mettant à disposition la jouissance de son bien. C’est
pourquoi le terme de stratégie est approprié.
En outre, le fil rouge de ce mémoire est l’expression « pour aborder ». Ce terme est
polysémique. Dans le langage marin, il signifie arriver au rivage, atteindre la terre. Dans le
langage commun, il s’agit soit de s’approcher d’une personne, soit d’arriver à un lieu, à un
passage que l’on doit emprunter. Les expressions « aborder un problème, une question, un
sujet » signifient « en venir à les traiter ». C’est ce dernier sens qui est privilégié dans cette
étude. De plus, l’adjonction de la préposition « pour » dénote la destination, le but. Il
s’agira donc d’envisager les stratégies du bailleur en vue du renouvellement, soit dès le
début de la signature du contrat de bail jusqu’à la date du renouvellement.
D’ailleurs, qu’est-ce que le « renouvellement » ?
Dans le langage courant, renouveler signifie remplacer une personne ou une chose
par une nouvelle. Dans un contrat de bail, le renouvellement intervient à l’échéance du
terme contractuel du premier bail de neuf années ou au-delà27 pour procéder à la signature
d’un nouveau bail. Il ne faut pas confondre le renouvellement du bail commercial et le cas
spécifique de la tacite reconduction des baux de plus de 12 ans. En effet, ces derniers font
25
Voir note supra 12.
« Qu’y a-t-il derrière les loyers de VastNed Retail ? », Nord Eclair, édition du 7 janvier 2011.
http://www.nordeclair.fr/Locales/Lille/2011/01/07/qui-y-a-t-il-derriere-les-loyers-de-vast.shtml
27
Art. L. 145-4 du C. Com.
26
14
l’objet de ce qui est improprement qualifié de « tacite reconduction »28
29
, à savoir que le
bail se poursuit tacitement, se proroge, se prolonge sous les conditions du bail expiré. Or,
en cas de renouvellement, c’est un nouveau contrat de bail qui remplace le bail initial,
conformément au sens du verbe. Juridiquement, le statut offre un « droit » au
renouvellement au preneur et cette disposition est d’ordre public30. Toutefois, la
jurisprudence a interprété restrictivement ces dispositions et considère qu’aucune des
règles de fixation du loyer renouvelé n'est d'ordre public, et sont ainsi notamment exclues
les dispositions de l'article L. 145-34 en matière de plafonnement31.
S’agissant du mécanisme de renouvellement, le preneur ou le bailleur peut être à
l’initiative de celui-ci :
-
Le bailleur peut notifier au preneur soit un congé avec offre de renouvellement, soit
son refus exprès avec ou sans indemnité d’éviction ;
-
Le preneur peut prendre l’initiative de le demander ou de délivrer un congé pur et
simple32.
Cette présentation succincte du mécanisme du renouvellement montre qu'il ne faut
pas considérer cet événement comme ponctuel et certain. En effet, le renouvellement est un
processus qui s'anticipe avant la signature du contrat de bail, dont la période de neuf ans
commence à s'écouler à sa signature et dont l'avenir définitif est incertain un an avant la fin
du contrat de bail voire deux trois mois après. C'est ainsi que le renouvellement intègre
parfaitement l'idée de stratégie et les parties ne doivent pas le négliger bien que la durée de
neuf ans puisse paraître lointaine le jour de la signature du contrat.
D'autres évènements sont à distinguer du renouvellement. C'est le cas de la révision dite «
triennale » organisée par l'article L. 145-38 du Code de commerce. Elle consiste à ouvrir la
possibilité au bailleur ou au preneur de demander, au moins trois ans après l'entrée en
jouissance ou après le bail renouvelé, la révision légale du loyer à la hausse ou à la baisse
28
Art. L. 145-9 du C. Com.
AJDI, 20011, p. 359, J-P BLATTER : « Aussi longtemps que le texte de l'art. L. 145-9 n'aura pas
été modifié pour remplacer définitivement la tacite reconduction par la tacite prolongation, la confusion
restera possible. »
30
Art. L. 145-15 du C. Com.
e
e
31
Civ. 3e. 4 mars 1998, AJDI 1998, p. 620 ; CA Versailles, 12 ch., 2 sect., 16 octobre 1997, Dalloz
Affaires 1998, p. 100, obs. Y. R. ; 26 novembre 1998, RD imm. 1999, p. 162, obs. J. Derruppé ; CA Paris,
e
16 ch. B, 12 février 1999, Gaz. Pal. 1999, 2, somm. p. 211, obs. J.-D. Barbier.
32
Art. L. 145-9 du C. Com.
29
15
pour atteindre la valeur locative dans la limite du respect d’un plafond sauf dérogation33.
Toutefois, la révision du loyer ne sera pas le cœur de notre sujet bien qu'il sera parfois
évoqué en soutien aux développements liés au renouvellement.
De même, il convient de définir d'autres notions juridiques qui cohabitent avec le
domaine du renouvellement et dont la compréhension préalable est nécessaire pour
envisager le sujet de mémoire.
Tout d'abord, le renouvellement suppose souvent l’octroi d’indemnités. Elles
peuvent avoir plusieurs destinations. On appelle « indemnité d'éviction » l'indemnité due
par le bailleur qui refuse le renouvellement pour compenser le « préjudice causé par le
défaut de renouvellement34». L'originalité de cette indemnité est qu'elle est l'expression du
droit de propriété du bailleur qui, en principe, ne doit pas justifier d’un motif de refus de
renouvellement. À l'inverse, elle permet au preneur de réparer cette atteinte au droit au
renouvellement accordé par le législateur. Ce concept illustre l'idée évoquée précédemment
selon laquelle le droit des baux commerciaux est la confrontation permanente entre le droit
de propriété du bailleur et le droit à la propriété commerciale du preneur. De plus, la loi a
prévu des cas où le bailleur pourra se soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction bien
qu’il l’ait refusé35. Le législateur a également prévu une indemnité d'occupation.
Chronologiquement, lorsque le locataire prétend à l'indemnité d'éviction, une instance
judiciaire est en cours pour statuer sur son octroi ou pour en fixer le montant. Si la
prétention est sérieuse, le locataire a un droit au maintien dans les lieux36 dans les
conditions du bail expiré jusqu'à son paiement intégral. Mais, si le preneur est en définitive
débouté de sa demande ou s'il se désiste, il doit payer au bailleur une indemnité
d'occupation puisqu'il a occupé les locaux sans droit ni titre37.
Ces indemnités ne doivent pas être confondues avec le pas-de-porte. Également appelé
droit d’entrée, il s’agit de « la somme en capital versée par le locataire au bailleur lors de
son entrée dans les lieux. Il est également appelé droit d’entrée ou denier d’entrée. Il peut
être réglé en une ou plusieurs échéances38 ». Le pas-de-porte est né de la pratique et est
33
Pour plus de détails sur les règles de plafonnement et de déplafonnement, voir les art. L. 145-33 à
L. 145-40 et R. 145-2 à R. 145-10 du C. Com.
34
Art. L. 145-14 du C. Com.
35
Voir le cas de l’art. L. 145-18 du C. Com. par exemple.
36
Art. L. 145-28 du C. Com.
37
Comm. 20 décembre 1962, Civ. 3e, 17 juillet 1997, Civ. 3e, 21 janvier 1998.
38
Voir supra note 2, note 210-10, sous l’entrée « pas-de-porte ».
16
souvent proportionnel à la qualité de l’emplacement. Il s'agit également d'un élément à
envisager en vue du renouvellement. C'est pourquoi cette notion sera traitée dans ce
mémoire.
Enfin, l’étude s’inscrit dans le domaine spécifique des « baux commerciaux ». Il
s’agit du contrat par lequel une partie, le bailleur, met à la disposition d’une autre partie, le
preneur, la jouissance de locaux pendant une certaine durée en vue de son exploitation
commerciale, artisanale ou industrielle moyennant le paiement de loyers. C’est un contrat
synallagmatique : « le bailleur doit fournir la chose convenue et maintenir en possession,
le preneur doit payer le prix et servir la chose comme le veut l’esprit de la convention39 ».
L’article 1709 du Code civil définit plus généralement le louage de choses 40 et requiert un
prix41 (les loyers), une durée et l’obligation du bailleur de faire jouir le preneur de la chose
louée42. L’article L. 145-1 du Code de commerce exige quant à lui la réunion cumulative
de quatre conditions pour conclure un bail de nature commerciale : l’existence d’un bail,
l’existence d’un local, la nécessité d’un fonds en exploitation ou de l’exercice effectif
d’une profession artisanale et la nécessité d’une immatriculation au registre du commerce
et des sociétés ou au répertoire des métiers.
Par ailleurs, une assimilation trompeuse peut être faite entre le droit au bail
commercial et le fonds de commerce. Or, il s’agit de deux concepts juridiques de nature
absolument différente puisque pour bénéficier du statut des baux commerciaux, le preneur
doit justifier de l’existence d’un fonds en exploitation. En d’autres termes, le droit au bail
est une des composantes du fonds de commerce, parmi d’autres éléments. Les
professionnels du droit regrettent l’absence de définition légale du fonds de commerce.
Nous retiendrons la définition proposée par le Professeur Cohen dans son ouvrage intitulé
Traité des fonds de commerce : « universalité mobilière, composée principalement
d’éléments incorporels, accessoirement d’éléments corporels et servant à l’exercice d’une
profession commerciale ou artisanale »43 . C’est ainsi que le droit au bail n’est pas le fonds
de commerce ; le fonds de commerce se compose notamment du droit au bail.
39
Encyclopédie nouvelle ou dictionnaire scientifique nouveau, volume 2, P. LEROUX et J.
REYNAUD, p. 363.
40
Voir supra note 5 p. 2.
41
CA Lyon, 8e ch. 6 septembre 2005 : Il peut s’agir de loyers mais aussi de la prise en charge par le
preneur d’obligations incombant au propriétaire (taxes, primes d’assurance, charges) à conditions qu’elles
soient suffisamment importantes pour valoir loyers
42
Voir supra note 2, étude 101-03.
43
COHEN A., Traité des fonds de commerce, 2e édition, n° 15.
17
C’est ainsi que se clôt la délimitation du sujet de mémoire et la définition des
termes du sujet et que s’ouvre la question des intérêts théoriques et pratiques que présente
ce sujet de mémoire.
D’une part, ce sujet présente un intérêt théorique. En effet, il faut partir du postulat
que le renouvellement des baux commerciaux est un enjeu économique très important pour
le bailleur. Or, il est peu voire mal maîtrisé par une partie des acteurs juridiques et
économiques. S’ils sont présumés être la partie forte au contrat et sont de facto limités dans
leur stratégie par le statut, la méconnaissance d’une règle subtile de procédure peut leur
être économiquement grave. De plus, l’aborder comme un processus est intéressant : en
mettant l’accent sur la période précontractuelle, le champ de la réflexion s’étend aux
périodes de négociation et de rédaction d’actes ; en abordant les périodes contractuelle et
post contractuelle, une réflexion contemporaine est proposée à partir de la loi et de la
jurisprudence. De plus, aborder une matière éminemment juridique dans une optique
stratégique permet de concilier les aspects juridiques et économiques. Enfin, ce sujet
permet de développer la recherche universitaire à travers une optique Droit des affaires. En
effet la plupart des mémoires sur le sujet dans la région sont rédigés par des praticiens
civilistes (notamment dans le cadre du Master 2 Droit notarial dirigé par Monsieur le
Professeur Kherkove à l’université Lille 2).
D’autre part, ce sujet présente des intérêts pratiques. En effet, cette étude pourrait
être à la base de la création d’un outil à destination des bailleurs et des preneurs. Les
bailleurs pourraient l’employer comme un outil de gestion des risques ou de résolution des
litiges alors que le preneur pourra prendre connaissance des stratégies du bailleur et
anticiper éventuellement ses actions. De plus, les développements ont un ancrage local
étant donné les difficultés rencontrées par la ville de Lille suite à l’augmentation
exponentielle des loyers depuis quelques années44. A cet égard, une plate-forme juridique
va bientôt être mise en place pour absorber une partie des litiges et favoriser l’information
des acteurs des baux commerciaux lillois45.
Cette étude pluridisciplinaire est en lien avec le stage effectué auprès d’un avocat
spécialisé en droit des baux commerciaux en exercice depuis plus de vingt ans à Lille. De
44
Plus de vingt articles ont été recensés uniquement dans les archives des sites internet des
quotidiens La Voix du Nord et Nord Éclair entre 2009 et 2011.
45
Proposition de Jacques Mutez, adjoint au commerce de la ville de Lille, Première conférence
annuelle des loyers commerciaux, septembre 2011.
18
plus, il correspond au Master 2 Pratique du Droit des affaires et aux cours de gestion des
risques suivis en partenariat avec l’EDHEC Business School. L’approche juridicoéconomique permet de faire d’une matière juridique un outil au service de la stratégie du
bailleur lors du renouvellement.
Dans ce contexte, la démarche consiste à se fonder sur les socles théoriques du
statut des baux commerciaux pour révéler les opportunités et les risques pratiques pour le
bailleur. Ses objectifs sont facilement identifiables au renouvellement : déplafonner le
loyer, ne pas payer d’indemnité d’éviction, ne pas être piégé par un vice de procédure,
trouver un preneur plus rentable et/ou solvable, augmenter la valeur de son local, transférer
les charges sur le preneur etc. Toutefois, comme il a été évoqué précédemment, ils ne sont
pas visés par l’ordre public de protection qui saupoudre le statut. Sa marge de manœuvre a
été limitée, conditionnée et au-delà de la connaissance de ses droits, il sera pertinent de
trouver les failles du statut ou de la jurisprudence pour en tirer profit, tant au sens courant
qu’économique. À cet égard, on peut se demander si la marge de manœuvre du bailleur est
d’un degré différent en présence de prévisions contractuelles et l’absence de telles
prévisions ? Comment le bailleur peut-il anticiper les conséquences du renouvellement qui
aura lieu en principe neuf ans plus tard ? Dans quelle mesure peut-il l’organiser
contractuellement ? Comment peut-il s’assurer un déplafonnement du loyer de
renouvellement ? Quelles sont les subtilités procédurales piégeuses ? Comment anticiper
les augmentations de loyer ? Quel est le poids de l’intervention judiciaire ?
Pour y répondre, la réflexion sera subdivisée en deux parties qui correspondent
respectivement aux stratégies du bailleur à la signature du contrat de bail (PARTIE I) et
aux stratégies du bailleur après la signature du contrat de bail (PARTIE II)
19
20
PREMIÈRE PARTIE. LA GESTION PRÉCONTRACTUELLE DES RISQUES
LIES AU RENOUVELLEMENT
21
INTRODUCTION
« Qui veut voyager loin ménage sa monture46».
Cet adage reflète le comportement de certains bailleurs qui, loin d’être troublés par
la perspective lointaine des neuf ans sonnant l’heure du renouvellement du bail, anticipent
cette date clef. Après avoir interrogé un expert immobilier, un propriétaire bailleur et un
agent immobilier, la distorsion entre la théorie du droit des baux commerciaux et la
pratique des bailleurs est remarquable.
Tout d’abord, les trois professionnels s’accordent à dire qu’il existe plusieurs
profils de bailleurs. Globalement, ils en distinguent trois :
-
le bailleur dit « lymphatique » : il ne cherche pas à tirer profit du renouvellement
par ignorance des dispositions légales ;
-
le bailleur dit « juste et dynamique » : il cherche à tirer un gain du renouvellement
de manière raisonnable, en respectant une certaine éthique ;
-
le bailleur dit « fou » ou « gourmand » : fin stratège, rusé voire de mauvaise foi, il
attend impatiemment tout évènement qui lui permettra de faire pression sur le
locataire ou de multiplier son loyer par dix.
Il ne s’agit pas de dénoncer l’approche stratégique d’un acteur économique
fondamental qu’est le bailleur. Il s’agit uniquement de démontrer jusqu’où il peut monter
une stratégie en amont grâce au statut pour obtenir un renouvellement à son avantage.
Quoi qu’il en soit, les bailleurs, hormis les « lymphatiques », attendent le
renouvellement pour « prendre une louche » et faire en sorte que leur loyer de
renouvellement soit rehaussé et corresponde à la valeur locative. La valeur locative
correspond au montant du loyer au mètre carré. Elle est calculée en fonction du loyer du
bail et du montant du droit d’entrée ou du droit au bail divisé par la surface du bien loué.
En d’autres termes, l’objectif est de faire en sorte que les locaux équivalents dans un même
secteur génèrent un montant de loyer plus ou moins identique. Et, pour juguler les hausses
trop importantes, le juge intervient en cas de désaccord lors du renouvellement pour
corriger ces tendances.
À Lille, on assiste à une explosion des loyers en centre-ville. Loin de dénoncer le
fonctionnement du statut, les interrogés nous enseignent que les loyers ne correspondent
46
Racine, Les Plaideurs, 1, 1, 1669.
22
plus à la valeur locative mais sont uniquement fonction de la notoriété de la rue ou du
quartier. La pratique du pas-de-porte entraîne le déclenchement d’un cercle vicieux
puisqu’il est la base d’une surenchère dont seules les grandes enseignes sont capables de
suivre. Dans ce contexte, la disparition du petit commerce de centre-ville est inévitable.
La première partie de la réflexion sera centrée sur les stratégies mises en place par
le bailleur lors de la phase de la négociation précontractuelle en vue du renouvellement :
avant d’entamer une réflexion sur les stratégies de rédaction des clauses du bail
commercial (CHAPITRE II), le bailleur doit prendre connaissance de l’environnement
juridico-économique du contrat de bail commercial (CHAPITRE I).
23
CHAPITRE I.
LA CONNAISSANCE PREALABLE DE L’ENVIRONNEMENT
JURIDICO-ÉCONOMIQUE DU RENOUVELLEMENT
INTRODUCTION
Négocier, c’est « discuter avec quelqu’un de quelque chose en vue de l’obtenir »47.
Appliquée à notre objet d’étude, la négociation précontractuelle du contrat de bail
commercial suppose en principe un échange et des concessions entre le bailleur et le
preneur en vue d’obtenir un renouvellement à son avantage. Or, la doctrine et les
professionnels du droit enseignent deux choses : soit que le bailleur est la partie forte au
contrat et impose les contrats de baux à ses conditions et ses avantages sans que le preneur
n’ait de pouvoir de négociation ; soit que les preneurs économiquement faibles bénéficient
de la protection juridique par le statut.
Pourtant, ces idées communément reçues doivent être repensées. En effet, une
catégorie de preneurs a acquis un pouvoir de négociation important qui justifie le
comportement stratégique du bailleur. Dans ce nouveau cadre de négociation, l’une des
stratégies du bailleur est de prendre du recul par rapport à ces idées reçues afin de mieux
anticiper la négociation et de s’adapter à son adversaire : « l’anticipation rationnelle des
stipulations conventionnelles suppose une parfaite connaissance des textes et de la réalité
économique 48». Ainsi, il doit repenser le profil juridico-économique des preneurs
(SECTION I) et définir les limites de l’ordre public de protection lié au renouvellement
(SECTION II) pour découvrir dans quel domaine et à quel degré il peut déployer sa
stratégie.
47
48
www.larousse.fr
AJDI 2000, p. 484, « Baux commerciaux : statut ou liberté contractuelle ? », J. MONEGER.
24
SECTION I. REPENSER LE PROFIL DU PRENEUR
Dans la mémoire collective, l’idée selon laquelle le bailleur est par essence la partie
forte au contrat et le preneur la partie faible est encore très prégnante. Pourtant, l’évolution
contemporaine de la sociologie des rapports entre bailleur et preneur démontre une
augmentation de leur pouvoir économique et a fortiori de leur pouvoir de négociation dans
le contrat de bail (Paragraphe 1). De plus, il est enseigné que le statut est conçu dans une
perspective « pro-preneur ». Pourtant, une autre lecture permet de nuancer cette idée reçue
(Paragraphe 2). Il ne s’agit pas de substituer des préjugés à de nouvelles opinions mais de
nuancer la portée de ce qui est présenté comme des acquis du droit des baux commerciaux
et de justifier le comportement stratégique du bailleur.
Paragraphe 1. « Un bailleur puissant, un preneur faible » : un postulat remis en
question
La présentation des rapports locatifs est souvent réduite à la domination du bailleur
perçu comme étant le « grand méchant loup de l’immobilier49». En effet, dans le passé
cette opinion se justifiait pour des raisons législatives et économiques (A). Pourtant, la
pratique contemporaine des baux commerciaux laisse poindre l’augmentation du pouvoir
économique des preneurs (B).
A.
Un rapport de domination avéré dans le passé
L’idée selon laquelle le bailleur était la partie économiquement forte au contrat et
détenait un fort pouvoir de négociation à ce titre se justifiait d’une part au regard des
desseins des différentes lois relatives aux baux commerciaux (1) et d’autre part, au regard
de la configuration économique et sociale des bailleurs et des preneurs à l’époque de ces
lois (2).
49
Voir supra note 26.
25
1.
Le dessein perpétuel de protéger le preneur
La première loi du 17 mars 190950 relative à la vente et au nantissement du fonds de
commerce a permis de reconnaître la valeur économique du fonds de commerce et de
protéger le patrimoine commercial du commerçant. Ainsi, elle n’était pas aboutie étant
donné qu’elle ne protégeait pas les locataires dont la valeur de leur fonds s’amenuisait au
fur et à mesure que courrait le bail. Et, en l’absence de droit au renouvellement sur ce
local, les bailleurs, en situation privilégiée, soit récupéraient le local avec la clientèle, soit
augmentaient les loyers aux motifs de l’augmentation de la valeur qu’avait prise la
clientèle.
Cette pratique a été dénoncée et a incité le législateur à revoir sa copie.
En 1911, un député déposa un projet de loi pour permettre aux preneurs de
compenser la perte de la clientèle en cas de reprise des locaux par le bailleur. Mais, la
guerre ayant commencé en 1914, les débats furent interrompus.
Pendant l’entre-deux guerres, la loi du 30 juin 192651 institua donc le droit au
renouvellement, le paiement d’une indemnité d’éviction en cas de reprise sans motif
légitime du bailleur et la cession du bail commercial entre autres.
Le prolongement de cette loi fut le décret-loi du 30 septembre 1953. Il a fixé la
durée minimale des baux commerciaux à neuf ans et les modalités de la révision triennale.
Le Professeur Jacques Lafond expose en substance que la protection s’est déplacée du
fonds de commerce vers le droit au bail reconnu comme une valeur économique
autonome52.
La volonté constante de protéger le preneur implique nécessairement que le
législateur présume qu’il est la partie faible du contrat de bail. D’ailleurs, la configuration
économique du marché confirmait cette nécessité de protéger le preneur (2).
50
Art. L. 141-1 et suivants du C. Com.
Voir supra note 6.
52
Jacques Lafond, Code des baux, Litec, 2001, p. 438.
51
26
2.
La justification de la protection du preneur par la configuration
économique du marché
À l’époque où ces lois ont été votées, la structure du marché justifiait en partie la
nécessité de protéger le preneur. En effet, après la seconde guerre mondiale, la pénurie des
locaux commerciaux a incité le législateur à favoriser le preneur au sein du contrat de bail.
La loi de 1909 a commencé par protéger son fonds de commerce contre les abus des
bailleurs.
En 1953, les preneurs étaient en grande partie des boutiquiers indépendants très
spécialisés dans leur domaine (chapelier, artisan boulanger, tailleur etc.). La prospérité de
leur commerce dépendait principalement de leur emplacement et de la clientèle rattachée.
Les « grands magasins » apparus à la fin du XIXème siècle sont concernés dans une
moindre mesure étant donné leur faible nombre ou leur localisation ciblée. De plus, rares
sont les petits commerçants qui avaient accès à l’éducation et donc à l’information de leurs
droits et ce d’autant moins dans ce domaine très spécialisé. D’ailleurs, l’exposé des motifs
du décret-loi de 1953 met en avant cette idée : les parties étaient dans « l’ignorance de
leurs droits » et faisaient l’objet « d’intimidations et d’extorsions de fonds »53. A l’inverse,
les bailleurs étaient considérés comme étant de riches propriétaires, la richesse supposant
l’accès à l’éducation et à la connaissance de la loi. Dans ce cadre, sa protection n’a pas été
jugée nécessaire étant donné son poids économique. Aujourd’hui, la tendance va plutôt
vers un équilibre économique des parties en présence (B).
B.
L’évolution contemporaine du pouvoir de négociation de certains
preneurs
Le schéma enseigné « bailleur puissant, preneur faible » doit être nuancé
aujourd’hui. En effet, suite à la mise en place du modèle libéral et aux conséquences de la
crise économique (1), le profil économique du preneur a évolué pour tendre vers un quasiéquilibre des pouvoirs de négociation (2).
53
Voir supra note 47.
27
1.
Les causes économiques du changement de profil des preneurs
Le modèle économique occidental est celui du libéralisme. Il s’agit d’une doctrine
économique fondée sur la liberté du marché dont les corollaires sont la liberté
d’entreprendre, la liberté de circulation des marchandises et des hommes et la libre
concurrence entre autres. Hormis les activités dépendantes de la prérogative étatique, les
autres activités sont laissées à la libre initiative des agents économiques.
Au fur et à mesure de son expansion, mais aussi de l’évolution des progrès
technologiques et du développement du transport mondial, un processus de mondialisation
a débuté au début des années 1950 en parallèle de l’avènement de la société de
consommation. Petit à petit, on assiste dans les centres villes à un phénomène
d’uniformisation : « Les banques, agences immobilières, grandes marques de vêtements
fleurissent au détriment des magasins traditionnels. D'où la tendance à l'uniformisation
des centres villes54 ». L’évolution subséquente étant la disparition du petit commerce, le
profil économique du preneur de centre-ville a changé pour devenir celui d’un preneur
professionnel ayant acquis un véritable pouvoir de négociation des conditions du bail
commercial (2).
2.
Le nouveau profil économique des preneurs
Les effets de la mondialisation sur le commerce des villes françaises sont de
plusieurs ordres. D’une part, on assiste à une disparition du commerce de proximité.
D’autre part, on assiste une standardisation des modes de distribution. En effet, les artères
commerçantes des grandes villes se composent principalement de franchises et de
succursales de grandes enseignes nationales ou internationales : opticiens, banques, prêt-àporter, agences immobilière enseignes de téléphonie mobile entre autres.
Certains auteurs ont mis en cause le mécanisme du renouvellement : à la fin du bail,
les bailleurs préfèrent payer une indemnité d’éviction qu’ils répercutent sur le pas-de-porte
en échange d’un preneur solvable et d’un loyer majoré plutôt que de renouveler le bail du
54 «
Ces loyers qui affolent les commerçants », La Voix du Nord, édition du jeudi 28 mai 2009, N.
Faucon.
http://www.lavoixdunord.fr/Region/actualite/Secteur_Region/2009/05/28/art._ces-loyers-qui-affolent-lescommercants.shtml
28
preneur installé depuis neuf ans. Seules les grandes entreprises sont capables de supporter
ce coût et ce d’autant plus dans une période de crise économique et immobilière ce qui
favorise leur installation et leur expansion.
Dès 2008, des petits commerçants lillois prennent conscience de cette évolution : «
Si les loyers doublent, triplent ou quadruplent comme certains propriétaires le réclament,
on ne peut pas tenir. On ne peut pas équilibrer nos comptes comme les grosses boîtes et on
ne va pas répercuter cette augmentation sur les prix des produits.55 » Sur ce point, le
Professeur Monéger ajoute : « les preneurs sont des commerçants, artisans ou des
industriels normalement attentifs à leurs intérêt et aptes, compte tenu de l’importance de
l’acte, à solliciter l’avis d’un avocat ou d‘un notaire, ou d’un professionnel de
l’immobilier »56. C’est ainsi que les preneurs de centres villes développent de plus en plus
leur capacité de négociation face à des bailleurs contraints par le temps et les revenus
qu’ils perdent en raison de locaux vacants. La connaissance du statut des baux
commerciaux qui n’était jusque là réservé qu’aux bailleurs ayant accès à l’éducation
favorise l’augmentation du pouvoir de négociation des preneurs.
Devant cette nouvelle grille de lecture des baux commerciaux, les stratégies du
bailleur ont évolué. Le rapport de force a lieu en amont de la signature du contrat et non
plus pendant son exécution ou à son terme. Les bailleurs déterminent jusqu’où le preneur a
la capacité ou non de négocier les dispositions relatives au renouvellement. Et, s’il ne faut
plus prendre pour acquis l’idée selon laquelle les preneurs sont la partie faible au contrat, il
faut également discuter le postulat selon lequel il s’agit d’un statut « pro-preneurs »
(Paragraphe 2).
Paragraphe 2. Un statut « pro-preneurs » ?
Le postulat de départ est que le statut aurait été pensé exclusivement en faveur de la
protection des preneurs (A). Pourtant, une autre lecture des dispositions relatives au
55
« Les petits commerçants lillois veulent faire de la résistance », La Voix éco, édition du 21 mai
2008, C. Descampiaux.
http://www.lavoixeco.com/actualite/Secteurs_activites/Commerces_et_Distribution/2008/05/21/art._
les-petits-commercants-lillois-veulent-f.shtml
56
Voir supra note 49.
29
renouvellement laisse entrevoir l’idée de conciliation des intérêts des parties plutôt qu’un
statut rédigé uniquement en faveur des preneurs (B).
A.
Le postulat juridique : un statut exclusivement protecteur du preneur
Le domaine de la protection est tel (1) que des auteurs ont hésité entre le qualificatif
de « protection » ou de « privilège accordé (2).
1.
Le domaine de la protection
Juridiquement, il est indéniable que le statut des baux commerciaux tel qu’il a été
pensé en 1926 et en 1953 a été pensé pour protéger le preneur et le mettre à l’abri de la
puissance du bailleur. Les dispositions qui concernent le renouvellement sont nombreuses.
Ainsi, le statut prévoit que le bail commercial doit être conclu pour une durée minimum de
neuf années (L. 145-4 du Code de commerce), que le preneur bénéficie d’un droit au
renouvellement (L.145-8), du plafonnement des loyers de renouvellement (L.145-34) et
d’une indemnité d’éviction en cas de refus de renouvellement dans certaines conditions (L.
145-14 et s.). L’ensemble de ces dispositions et la mise à disposition de la jouissance des
locaux, essence du contrat de louage, octroient la « propriété commerciale » au preneur.
Des auteurs vont au-delà de cette idée de protection et découvrent un privilège (2).
2.
Protection ou privilège ?
En doctrine, le Professeur Aubert s’interrogeait sur le point de savoir s’il s’agissait
réellement d’une protection ou d’un privilège.
Selon lui, la meilleure manière de protéger un agent économique est la « capitis
diminutio » qui consiste en l’interdiction de conclure certains actes ou de déléguer à un
tiers ses pouvoirs comme en matière de tutelle par exemple. Or, l’amputation de la capacité
juridique du commerçant est inconcevable en la matière. Il déduit que « c’est, en fait, le
propriétaire de l’immeuble qui se voit imposer non pas une incapacité : il a toujours la
possibilité d’accepter les offres de son locataire, mais une double obligation : celle de
30
renouveler le bail […] et de le renouveler au prix fixé par le locataire ou bien par le
juge. ». En définitive, le preneur se verrait attribuer un « privilège » en raison des
obligations qui pèsent sur le bailleur et non une protection.57
Qu’il s’agisse d’un privilège ou d’une protection, ce postulat de départ n’est pas
totalement faux ; il ne l’est qu’en partie puisqu’une autre lecture des dispositions permet de
démontrer que le statut a été rédigé dans l’intérêt commun des parties plutôt que dans le
dessein exclusif de la protection du preneur (B).
B.
Une volonté absolue de protection remise en question
Il faut d’abord s’interroger sur le point de savoir si le dessein profond des
rédacteurs du statut des baux commerciaux était de protéger le preneur (1) avant de
démontrer qu’en réalité la protection des preneurs est relative (2).
1.
Une réelle volonté législative de protéger les preneurs ?
Une étude de l’exposé des motifs du décret de 1953 sème le doute sur la volonté
législative de protéger exclusivement les preneurs. L’un des grands penseurs de ce décret
était André Mignon député qui a œuvré « en faveur d'une meilleure prise en compte des
droits des propriétaires » et qui « défend de manière générale les intérêts de propriétaires
de petits commerces, tout en étant en faveur d’une libéralisation du droit des baux »58.
L’influence de la droite lors des débats a sans nul doute protégé le preneur mais a aussi
concilié les intérêts des parties.
Quoi qu’il en soit, le professeur Aubert critique cette protection, si relative soit elle.
Selon lui, les locataires n’avaient pas besoin de cette protection : en 1923, il rapporte que le
Président de la Commission de la Législation Civile à la Chambre des Députés a dit : « la
propriété du fonds de commerce était celle qui s’était le plus développée, qu’elle
constituait l’une des branches les plus importantes de la richesse nationale, et que dans les
grands centres, et dans certains quartiers, la valeur du fonds de commerce était de
beaucoup supérieurs à la valeur des immeubles ».
57
Voir supra note 6 pages 7 à 8.
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/mignot-andre-19011915.asp
58
31
Et en 1950 l’auteur révèle que l’accroissement de la consommation passait « pour
sa majeure partie dans les réseaux de commerçants détaillants. Ces commerçants
détaillants constituent l’essentiel des bénéficiaires de la réglementation des baux
commerciaux59 ». Ce témoignage du contexte dans lequel le décret-loi a été discuté révèle
que la protection des preneurs est en réalité relative (2).
2.
Une protection relative
La pratique actuelle des baux commerciaux révèle que les preneurs ne bénéficient
pas d’une protection absolue malgré les dispositions protectrices du statut.
À Lille par exemple, les locataires commerciaux du quartier du Vieux Lille ont
protesté contre les hausses des loyers déplafonnés60. Sur cet unique point, cet exemple
local montre que la loi, telle qu’elle a été pensée, peut fragiliser les petits preneurs. En
effet, le bailleur qui prouve une modification notable d’un ou de plusieurs éléments de la
valeur locative fera supporter au preneur le déplafonnement des loyers du bail. Ce dernier,
ayant développé en principe une clientèle stable depuis neuf années, ne peut qu’accepter et
supporter ce nouveau coût pendant neuf ans supplémentaires sous peine de perdre ou
d’amoindrir sa clientèle s’il préfère une nouvelle installation. Cet exemple montre de
quelle manière le statut peut court-circuiter son droit au renouvellement et la protection
sous-jacente.
Quant au droit au renouvellement, il signifie uniquement que le locataire peut
demander le renouvellement de son bail au preneur et qu’en cas de refus il pourra être
indemnisé. Le droit de propriété du bailleur, même s’il suppose une indemnisation du
preneur dans la majorité des cas, retrouve toute sa force.
En définitive, les paradoxes relatifs à la question de la nécessité de la protection des
preneurs ou non sèment le doute sur ce dessein. Sans occulter le poids de cet objectif de
protection, force est de constater que le preneur ne peut pas se sentir en sécurité
uniquement grâce au statut. C’est ainsi que l’ensemble des préconçus économiques et
juridiques sur le droit des baux commerciaux et la position des preneurs doivent être
59
60
Voir note supra 4 pages 10-11.
Voir supra note 55.
32
repensés. Face à cette nouvelle donne, le bailleur renforcera sa position de domination lors
des négociations précontractuelles et ce d’autant plus s’il sait découvrir les espaces libres
de tout ordre public (SECTION II)
SECTION II. LA CONNAISSANCE PRÉALABLE DES CLAUSES ILLICITES
Il ressort des développements précédents que le bailleur n’est plus forcément la
partie forte au contrat. De plus, des auteurs relèvent souvent la force de l’ordre public de
protection qui touche le droit au renouvellement (Paragraphe 1) pour démontrer que le
contrat est ab initio verrouillé par la loi, empêchant le bailleur de retirer la prérogative
principale du preneur. Or, des bailleurs ont tout de même tenté de rédiger des clauses pour
évincer le droit au renouvellement mais ces tentatives ont été vigoureusement balayées par
la jurisprudence (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. La place de l’ordre public frappant le droit au renouvellement
L’ordre public est un outil fondamental de la protection des preneurs. Le Code
civil émet une définition générale de l’ordre public à l’article 6 : « On ne peut déroger, par
des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs ».
Le droit au renouvellement est frappé d’un ordre public de protection limitant les stratégies
précontractuelles du bailleur (A), les sanctions ayant été édictées par la jurisprudence (B).
A.
Un ordre public de protection
Pour qualifier les dispositions du bail commercial, les praticiens font référence à la
notion de « statut » dont l’étymologie signifie « décret ». Selon le Professeur Monéger,
« le statut légal, c'est aussi le palliatif de la convention, c'est l'affirmation des points
fondamentaux assurant la naissance de la convention dans l'équilibre et le juste,
permettant le maintien de l'harmonie entre les intérêts réunis et interdépendants, mais
33
opposés et se répondant les uns les autres ». L’expression « statut des baux commerciaux »
implique l’idée de protection renforcée par le législateur.
Un des outils de création d’un « statut » est l’ordre public qui est l’expression de la
volonté des pouvoirs publics d’imposer une règle pour des raisons d’intérêt général,
économiques (comme en droit de la consommation) ou pour des motifs de protection61. Le
Professeur Labbée résume ainsi l’intérêt de l’ordre public : « la sécurité des contrats peut
céder le pas devant des raisons sociales ou nationales graves62 ». À ce titre, on distingue
classiquement l’ordre public de direction qui protège les intérêts généraux de la
collectivité, de l’ordre public de protection qui protège les intérêts d’un groupe ciblé. Par
exemple, le régime des locations à usage d’habitation principale et à usage mixte
d’habitation principale et professionnelle issu de la loi du 6 juillet 1989 organise en son
article 2 un ordre public de direction : aucune disposition ne peut faire l’objet d’une
dérogation conventionnelle.
Le statut des baux commerciaux se distingue en ce qu’il délivre une liste non
exhaustive des dispositions touchées par l’ordre public à l’article L. 145-15 du Code de
commerce. Cet article dispose : « sont nuls et de nul effet, quelle qu’en soit la forme, les
clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit au
renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles L. 145-4, L.
145-37 à L. 145-41, du premier alinéa et des articles L. 145-47 à L. 145-5 63». Ainsi, le
Professeur Blatter a retenu que « l’ordre public du statut des baux commerciaux n’est que
partiel64 », la Cour de cassation pouvant exercer son pouvoir d’interprétation et de
création. Dans la même veine, la réflexion du Professeur Blatter renforce l’idée selon
laquelle le statut ne verrouille pas totalement mais partiellement les possibilités de
négociation précontractuelle et a fortiori les stratégies du bailleur pour imposer certaines
clauses.
La jurisprudence est intervenue pour définir la nature de l’ordre public touchant le
droit au renouvellement du preneur. L’arrêt rendu le 24 mai 2006 par la Troisième
61
G. Cornu, Vocabulaire juridique, P.U.F, éd. 2011.
X. LABBEE, Les critères de la norme juridique, Presses Universitaires du Septentrion, septembre
2006, p. 33.
63
Art. L. 145-15 du C. Com.
64
AJDI 2003, p. 396, « L'ordre public du statut des baux commerciaux. Portée et limites en matière
de rédaction », J.-P. Blatter.
62
34
Chambre civile de la Cour de cassation penche pour l’ordre public de protection65
s’agissant des dispositions relatives au droit au renouvellement. Elle avait déjà pris une
décision semblable le 24 novembre 198166 sans la publier au Bulletin Civil des arrêts de la
Cour de cassation. Cet ordre public de protection touche donc la communauté des
preneurs. Aussi, la jurisprudence a fixé les règles relatives à la sanction du non-respect de
l’ordre public de protection par le bailleur (2).
B.
Une sanction relative
Que risque le bailleur qui stipulerait une clause anéantissant le droit au
renouvellement du preneur ?
L’article L. 145-15 du Code de commerce prévoit la nullité : « sont nuls et de nul
effet ». Cependant, des auteurs se sont interrogés sur le point de savoir si cette nullité
devait se limiter à la clause contraire aux dispositions d’ordre public ou si elle devait être
plus étendue et affecter l’intégralité du contrat de bail.
Une des solutions plausibles se trouve à l’article L. 145-45 du Code de commerce
qui prévoit que la clause qui envisage la résiliation de plein droit du contrat de bail à
l’ouverture d’une procédure collective est « réputée non écrite ». On considère qu’elle n’a
jamais fait partie du contrat de bail de manière rétroactive et ne produit aucun effet. Mais
cette disposition ne joue qu’en présence d’une procédure collective.
En outre, l’article L. 145-15 du Code de commerce n’offre pas de solution assez
explicite. Ainsi, on pourrait se tourner vers l’article 1172 du Code Civil qui dispose :
« toute condition d'une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par
la loi, est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend ». Mais la nullité absolue serait
une sanction trop sévère dans le cadre d’un contrat de bail qui présente des enjeux
économiques importants. La jurisprudence a donc refusé dès 1972 cette approche, peu
importe le caractère « déterminant » donné à la clause par les parties67.
65
Civ. 3e 4 mai 2006 no 05-15.151, Bull. civ. III, no 110, D. 2006. AJ 1531, obs. Y. Rouquet, AJDI
2006. 736, note J.-P. Blatter, JCP E 2007. 2780, note M.-P. Dumont-Lefrand, RD 2007 p. 1287.
66
Civ. 3e 24 nov. 1981, n° 80-14626, Société Immobilière et Forestière c/ État Français, inédit.
67
Civ. 3e 6 juin 1972 : Bull. civ. III, n° 369 ; DS 1973,151. ; Civ. 3 e 9 juill. 1973 : Bull. civ. III, n°
467 ; DS 1974, p. 24. ; Civ. 3e 14 juin 1983 : Bull. civ. III, n° 136.
35
Face à ce vide juridique, la jurisprudence a tranché en faveur de la nullité de la
clause et non pas de la clause non écrite le 23 janvier 200868 au visa de l’article L. 145-15 :
« Viole l'article L. 145-15 du Code de commerce, une cour d'appel qui déclare réputée non
écrite une clause ayant pour effet de faire échec au droit au renouvellement […] alors que
ce texte prévoit expressément à titre de sanction, la nullité de ladite clause ». Cette
solution permet de préserver la nature du contrat de bail et la pérennité souhaitée dès sa
conclusion : « Il est clair que la nullité totale du bail n'est pas une sanction raisonnable en
matière de baux commerciaux.69».
De plus, le locataire qui souhaite invoquer la nullité peut le faire par voie d’action
ou par voie d’exception. S’il agit par voie d’action, le preneur est enfermé dans le délai de
la prescription biennale qui court à compter de la signature du contrat. La jurisprudence a
confirmé cette position70. Or, si le preneur n’a pas remarqué la nullité de la clause à la
signature du bail, peu d’évènements vont le ramener à la lecture de son bail au cours des
deux ans suivant la signature du bail. La portée de cette action devient très relative et le
bailleur peut se sentir plutôt en sécurité.
Or, le preneur qui aurait été négligent et qui encourrait la prescription, peut agir par
voie d’exception71, conformément à l'adage « Quae temporalia sunt ad agendum, perpetua
sunt ad excipiendum72». Toutefois, le preneur doit être défendeur à l’action : en 1999 la
Cour de cassation a refusé l’action en nullité de la clause par voie d’exception demandée
par le preneur73. Cette solution permet de rassurer le bailleur encore que la jurisprudence
ait précisé que le preneur qui assigne uniquement en paiement de l’indemnité d’éviction (et
non à la fois en nullité de la clause et en paiement de l’indemnité d’éviction) est recevable
à agir74. Quels que soient les risques pour le bailleur de rédiger des clauses illicites,
68
Civ. 3e 23 janvier 2008, n° 06-19.129, Bull. civ.III, 2008, n° 11, RTD Civ. 2008, p. 292, Fages,
Rép. Com. n° 383, Droit et pratique des baux commerciaux, 2011, n° 360-08.
69
J-Cl Bail à loyer, Fasc. 1265, Cote : 02,2002.
70
Civ. 3e 1er févr. 1978 : Bull. civ. III, n° 66. – 1er févr. 1983 : Bull. civ. III, n° 31 ; RD imm. 1984,
p. 361. - 19 juill. 1984 : Bull.
civ. III, n° 145. - 16 janv. 1991 : Rev. Layers 1991, p. 253.
71
CA Reims, 30 nov. 2000 : Juris-Data n° 2000-142786 ; JCP E 2001, p. 1406.
72
L'action est temporaire, l'exception est perpétuelle.
73
Civ. 3e 24 nov. 1999 : Juris-Data n° 1999-004065 ; Bull. civ. III, n° 223 ; D. 2000, AJ, p. 51, note
Y. Rouquet ; AJDI 2000, p. 311, obs. Blatter ; Les Petites Affiches 18 sept. 2000, p. 10, note M. Kéita.
74
Civ. 3e 2 juin 1999 : D. affaires 1999, p. 1067, obs. crit. Y. Rouquet ; Rev. Administrer août-sept.
1999, p. 51, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L. Sainturat ; Rev. Administrer avril 2000, p. 27,
note J.-D. Barbier
36
certains ont rédigé de manière astucieuse des clauses qui évinçaient directement ou
indirectement le droit au renouvellement. Mais la jurisprudence veille (Paragraphe 2).
Paragraphe 2. La traque jurisprudentielle des clauses illicites
Selon le Professeur Blatter, l’ordre public et la liberté contractuelle forment « un
couple qui se disputerait comme si l’un tentait d’absorber l’autre en l’éliminant75». En
effet, l’imagination des bailleurs est sans limite et, loin de méconnaître les dispositions du
statut sur l’ordre publié lié droit au renouvellement, certains ont tenté vainement d’y faire
échec directement (A) ou indirectement (B).
A.
L’échec des clauses tendant directement à éliminer le droit au
renouvellement.
L’une des stratégies du bailleur est de négocier une clause qui fera perdre
directement le droit au renouvellement du preneur. Une étude jurisprudentielle montre
qu’en cas de litige, les tribunaux décèlent ces tentatives de fraude. Plusieurs clauses sont
concernées : la clause limitant le nombre de renouvellements (1), la clause de divisibilité et
d’indivisibilité (2), la clause de résiliation anticipée (3), la clause de renonciation
concomitante à la signature du bail (4), la clause de reprise différée (5). Plus largement,
d’autres clauses ont été déclarées nulles par la jurisprudence (6).
1.
La clause limitant le nombre de renouvellements
Par cette clause, le bailleur avait tenté de limiter l’étendue du droit au
renouvellement en le limitant à une seule fois, interdisant au preneur de l’invoquer une
deuxième fois. Deux très anciens arrêts76 ont retenu la nullité de la clause.
75
76
Supra note 64.
Cass. Req. 4 nov. 1936, Gaz. Pal. 1936.2. p. 741. ; CA Amiens, 2 nov. 1934, Gaz. Pal. 1934, 1, p.
70.
37
2.
La clause de divisibilité et la clause d’indivisibilité
La première ruse du bailleur est de limiter le renouvellement aux locaux
accessoires. Or, le Professeur Derruppé rappelle pertinemment que le renouvellement porte
sur les locaux qui sont inscrits dans l’objet du bail77. Il en est de même de l’éviction des
locaux accessoires du droit au renouvellement quand « leur privation est de nature à
compromettre l’exploitation du fonds78 ».
La seconde ruse du bailleur est de stipuler que la clause illicite, affectant l’ordre
public du droit au renouvellement, et le bail sont indivisibles. Or, le Professeur Auque
révèle que cet « arrangement » de nature à faire échec au droit au renouvellement doit être
frappé de nullité79.
3.
La clause de résiliation anticipée
L’article L. 145-9 alinéa 3 autorise le bailleur à subordonner la durée du bail à un
évènement dont la réalisation l’autoriserait à demander la résiliation. Toutefois, le bailleur
ne peut l’invoquer qu’après l’expiration d’un premier bail de neuf ans et sous réserve que
la condition ne soit pas potestative. Ainsi, les clauses par lesquelles le bailleur se réserve le
droit de résilier le bail pour cause de démolition, de vente de l’immeuble 80 ou d’absence de
levée d’option dans le délai imparti d’une promesse de vente81 sont nulles car elles portent
atteinte au droit au renouvellement.
4.
La clause de renonciation concomitante à la signature du bail
Il est de jurisprudence constante que la clause faisant renoncer expressis verbis le
preneur à son droit au renouvellement au jour de la signature du contrat est nulle82 83.
77
Derruppé, Brière de l'Isle, Maus et Lafarge, Les baux commerciaux : Dalloz 1979, n° 292 ; J-Cl.
Notarial Formulaire V° Bail commercial, Fasc. 10, n° 89.
78
Art. L. 145-1 1° du C. Com.
79
F. Auque, Traité des baux commerciaux, théorie et pratique : LGDJ, 1996, n° 96
80
Civ. 24 juill. 1942 : S. 1943, 1, p. 130 ; Com. 16 mai 1950 : D. 1950. p. 468.
81
Voir supra note 79, n° 294.
82
Com. 5 fév. 1962 : JCP G 1962, IV, 42 ; Bull. Civ. III, n° 77; Civ. 3e 25 fév. 1976 : Bull. Civ. III
n° 90; JCP G 1976, IV, 134 ; Civ. 3e 29 juin 1954 : AJPI 1954 p. 248.
38
Les bailleurs ont tenté de déjouer cette nullité en délivrant un congé postdaté par le
preneur qui le signait le jour de la signature du bail pour le terme contractuel. Or, cette
pratique a été dénoncée par la Haute Cour dès 198884.
5.
La clause de reprise différée
Cette pratique ancienne consistait pour le bailleur à stipuler qu’il consentait au
renouvellement du bail tout en se réservant la faculté par avance d’exercer son droit de
reprise pour reconstruire dans un délai déterminé85.
6. Les autres clauses illicites
La jurisprudence foisonne d’exemples : elle a annulé la clause par laquelle le
bailleur contracter un bail précaire uniquement dans le but d’évincer le droit au
renouvellement86, la stipulation qui prévoyait un renouvellement du bail par période
triennale à défaut de congé notifié par l’une des parties87 et la clause de nivellement88 sauf
si elle prévoit le paiement d’une indemnité.
Si la Haute Cour a annulé des clauses faisant échec directement au droit au
renouvellement, elle a également annulé des clauses qui faisaient indirectement échec au
droit au renouvellement (B).
83
Civ. 25 fév. 1976, Ann. L. 1976-1176 : le bailleur avait demandé à un artisan de renoncer au
bénéfice de la « propriété commerciale ».
84
Civ. 3e 30 nov. 1988 : Loyers et copr. 1989, comm. n° 64 et 183.
85
Civ. 28 juill. 1943 : D 1943, p. 19 ; Civ. 20 mars 1943 : Gaz. Pal. 1943, 1, 239 ; Trib. Marseille,
13 avr. 1959 : cas similaire d’une clause ouvrant droit pour le bailleur de démolir et reconstruire en
réinstallant le locataire dans des conditions plus rigoureuses que l’art. Art. L. 145-18
86
Civ. 9 janv. 1961, Ann. L. 1961-922 ; Com. 15 déc. 1966, Ann. L. 1967-1640.
87
Paris, 1er oct. 1996, Loyers et copr. 1996, n° 475, obs. P. et H. Brault ; Adm. Avril. 1997-37, obs.
Boccara ; TGI Bobigny, 22 nov. 1995, G.P. 1996-1 somm. p. 131..
88
Cass. civ., 3 févr. 1948 : Gaz. Pal. 1948, 1, p. 171 ; Cass. civ., 29 nov. 1961, Gaz. Pal. 1962. 1.
235 ; Paris, 3 oct. 1961, JCP 1962. II. 12759, note Boccara ; Paris, 30 oct. 1962, D. 1963, Somm. 37.
39
B.
L’annulation des clauses tendant à faire échec indirectement au droit au
renouvellement.
Certains bailleurs ont tenté de contourner le droit au renouvellement en insérant des
clauses qui, de manière plus subtile, l’affectaient indirectement. L’étude de la
jurisprudence permet de distinguer les clauses qui concernent les conditions requises pour
exercer le droit au renouvellement (1), des clauses « de déguisement89 » du bail
commercial (2). D’autres types de clauses ayant le même effet ont été annulées (3).
1.
Les clauses relatives aux conditions d’exercice du droit au
renouvellement
Plutôt que d’attaquer de front le droit au renouvellement, des bailleurs ont tenté de
déjouer le statut en faisant en sorte que le preneur ne réponde pas aux conditions requises
pour l’application du statut ou du droit au renouvellement90. Ces clauses concernent les
baux dérogatoires (a), l’interdiction de s’immatriculer au RCS (b) et l’obligation
d’exploiter personnellement le fonds (c).
a.
Les clauses concernant les baux dérogatoires
À ce titre, on peut citer la clause qui interdit la mutation automatique du bail
dérogatoire en bail commercial.
Dans la même veine, un bailleur avait interdit dans une clause de prélocation cette
mutation en réservant au preneur un droit de priorité au preneur qui souhaitait continuer ce
bail dérogatoire91.
De plus, une pratique courante est de réitérer la conclusion de baux dérogatoires
avec le même preneur ou en utilisant un prête-nom. Cette pratique a été vivement dénoncée
par la Cour de cassation ces dernières années92.
89
Voir supra note 71, LPA 2000, Keita.
Sur la distinction, voir B. Boccara, Baux commerciaux : la distinction du champ d’application du
statut et des conditions du droit au droit au renouvellement : JCP N 1979, 2932.
91
Com. 1er fév. 1966 : Bull. Civ. n° 66
90
40
b. Les clauses interdisant l’immatriculation du preneur au
registre du commerce et des sociétés
L’article L. 145-1 du Code de commerce exige que le preneur soit inscrit au R.C.S
pour qu’il bénéficie d’un bail commercial. Il s’agit d’une condition sine qua none pour
bénéficier du statut des baux commerciaux. Un bailleur a, contra legem, subordonné son
inscription à une cause de résiliation du bail. Ladite clause a été annulée dans un arrêt de
199593.
c.
Les
clauses
exigeant
que
le
preneur
exploite
personnellement le fonds
L’article L. 145-8 du Code de commerce exige que le fonds transformé ait fait
l’objet d’une exploitation effective au cours des trois dernières années qui ont précédé la
date d’expiration du bail ou de sa reconduction. Depuis la loi du 16 juillet 1971, il n’est
plus exigé que le preneur ait exploité personnellement le fonds.
Or, des bailleurs ont stipulé que seul le preneur devait exploiter le fonds sous peine de
résiliation du bailleur. La clause a été annulée par la jurisprudence94. En effet, la lecture
littérale du texte ouvra la possibilité à une autre personne d’exploiter le fonds (le
propriétaire, un locataire-gérant etc.).
2.
Les clauses dissimulant un bail commercial
La théorie de la simulation en droit français se présente comme « un accord entre
cocontractants tendant à faire croire à l’existence d’une convention (acte simulé) ne
correspondant pas à leur volonté véritable, exprimée par un autre acte, celui-ci secret. Si
92
Civ. 3e 30 avr. 1997 : Bull. Civ. III, n° 92, note J. Monéger; Civ 3e 4 fév. 1998 : Admn. Avr. 1998,
p. 37 ; Civ. 3e 13 janv. 1999 : Juris Data n° 1999-00189 : AJDI 1999 p. 241 ; Admn. Mai 1999 p. 36 ; Civ. 3e
19 juil. 2000 : Juris Data n° 2000-007680 ; JCP E 2001, p. 465, note M. Keita.
93
Civ. 1ère 4 juill. 1995 : Juris Data n° 1995-003362 ; Loyer et copr. 1995. Comm. n° 523.
94 e
3 civ. 23 juill. 1986 : Bull. Civ. III n° 131 p. 102 ; JCP G 1986 IV, p. 293 ; Gaz. Pal. 1986, 2,
pan. jurisp. P. 227, RD imm., 1987, p. 291.
41
la simulation […] sert à en maquiller la nature juridique, il y a un déguisement95 ». C’est
notamment le cas d’une clause justifiant d’un faux motif de précarité pour échapper au
droit au renouvellement du bail commercial96, ou encore le déguisement du bail
commercial par un autre acte97 tel que l’acte de location-gérance. De même, le bailleur ne
peut pas stipuler, pour des locaux à usage mixte, que les locaux à usage commerciaux
seront soumis au statut des baux d’habitation98.
C’est ainsi que le bailleur informé des débats autour des postulats économiques et
juridiques est une partie d’autant plus avisée au contrat. Il peut asseoir sa position lors des
négociations. Or, le bailleur peut aller plus loin dans la stratégie puisqu’il existe en réalité
des espaces de liberté, extérieurs à l’ordre public, qui lui permettront, en toute légalité et
conformément à la jurisprudence, de contourner stratégiquement le droit au
renouvellement du preneur et le principe du déplafonnement du loyer renouvelé
(CHAPITRE II).
95
Voir note supra 20, p. 573-574.
Com. 15 déc. 1966 : Bull. Civ. III, n° 483 ; Civ. 3e, 25 mai 1977 : Bull. Civ. III, n° 220 ; CA Paris,
21 juin 1994 : Gaz. Pal. 1995, A, somm. p. 48.
97
Civ. 3e, 13 févr. 1985, Rev. Loyers 1985. 337
98
CA Versailles, 12e chambre, 10 juin 1993 : Juris-Data n° 1993-043810
96
42
CHAPITRE II. LES STRATÉGIES DE DÉTOURNEMENT DU DROIT AU
RENOUVELLEMENT ET DU DÉPLAFONNEMENT
INTRODUCTION
« Est-il si vrai que cette liberté contractuelle est malmenée par la simple existence
du statut ? 99» L’interrogation du Professeur Monéger est justifiée. En effet, le bailleur
stratège ne perçoit pas le statut comme un obstacle au déploiement de sa stratégie. Ainsi,
après avoir découvert jusqu’où l’ordre public de protection touchait le droit au
renouvellement, il peut entreprendre une démarche inverse et rechercher les espaces
stratégiques de liberté contractuelle toujours dans l’optique d’optimiser le renouvellement
du bail : « le contrat organisateur, c'est le statut convenu, dans les limites que pose celui-ci
avec l'appui de l'ordre public.100 »
Le Droit est un vivier d’outils permettant aux parties d’atteindre l’objet du contrat
qui est la jouissance du local en échange du paiement des loyers. La connaissance
préalable de ces règles permet aux bailleurs de se prémunir d’un échec financier lors du
renouvellement.
« Science et connaissance, art et anticipation – les deux couples qui se cachent bien
des choses, mais quand ils se comprennent rien au monde ne les surpasse. »101. Cette
citation littéraire peut s’appliquer au comportement du bailleur stratège qui détient la
science juridique des baux commerciaux et qui, de surcroît, se prémunit des risques en
anticipant les évènements. Ainsi, fin négociateur, le bailleur aura la garantie de faire échec
au droit au renouvellement du preneur (SECTION I) ainsi qu’aux règles du plafonnement
(SECTION II) en toute légalité.
99
Supra note 48.
Ibidem.
101
Vladimir Nabokov, écrivain américain, Extrait d'une lettre à Kirill Nabokov, 1930.
100
43
SECTION I. LES CLAUSES ELUDANT LE DROIT AU RENOUVELLEMENT DU
PRENEUR
A priori, le législateur a marqué le droit au renouvellement du sceau de l’ordre
public de protection et aucun accord ne peut y suppléer. Or, « ces idées et ces normes ont
distillé leur suc tout au long du siècle jusqu’à faire croire au caractère impératif de
l’ensemble des normes statutaires102 »Pourtant, le droit commun et la jurisprudence
reconnaissent en la matière la validité de la clause de renonciation (Paragraphe 1) et de la
clause résolutoire (Paragraphe 2) qui permettent, dans des conditions optimales, de
supprimer le droit au renouvellement.
Paragraphe 1. La clause de renonciation : un moyen direct et efficace de faire échec
au droit du renouvellement
Le droit au renouvellement du preneur est frappé d’un ordre public de protection.
La sanction est relative : seule la clause est réputée non écrite et le contrat de bail survit.
Toutefois, l’un des moyens direct d’y échapper est la clause de renonciation. Elle est
admise en matière de baux commerciaux à condition de respecter plusieurs conditions
mises en exergue par la jurisprudence (A). Mais la rédaction de la clause peut être
piégeuse : elle doit donc être soignée et suppose de prendre des précautions envers le
cocontractant (B) afin d’éviter les soupçons de fraude.
A.
Les conditions d’admission de la renonciation du preneur
La renonciation est un acte par lequel une personne renonce à un droit. Renoncer
signifie se désister du droit qu’on a sur quelque chose. Selon le Professeur Le Gac-Pech,
c’est un « acte abdicatif d'abandon d'un droit déjà entré dans le patrimoine, il peut s'agir
d'un droit substantiel ou d'une action en justice103 ». Étant donné que le statut met en place
un ordre public de protection, la jurisprudence a admis en 2006 que « le droit au
102
103
Supra note 48
S. Le Gac-Pech, Rompre son contrat, RTD Civ 2005 p. 223.
44
renouvellement est acquis dès la conclusion du bail par le seul effet de la loi et que l'ordre
public de protection, qui s'attache au statut des baux commerciaux, ne faisait pas obstacle
à une renonciation librement consentie104». Pour être valable, plusieurs conditions sont
requises : la renonciation doit être certaine et non équivoque (1), expresse ou tacite (2) et
doit porter sur l’existence d’un droit acquis (3).
1.
Une renonciation certaine et non équivoque
Tout d’abord, le principe directeur de la renonciation est qu’elle ne se présume pas.
Ainsi, les juges du fond doivent révéler ses caractères certain et non équivoque105. Ce
caractère a été retenu dans une espèce où des preneurs avaient consenti six baux
dérogatoires successifs, les juges considérant que ce comportement révélait leur volonté de
renoncer au statut du bail commercial106.
2.
Une renonciation expresse ou tacite
La renonciation peut être expresse et résulter d’une clause écrite ce qui est le cas le
plus fréquent. Elle peut également être tacite. Selon Françoise Dreiffus-Netter, reprenant
les propos de Jean Carbonnier, il s'agit « des actions qui n'ont pas été accomplies
spécialement afin de porter à la connaissance d'autrui la volonté de contracter, mais d'où
l'on peut raisonnablement déduire l'existence d'une telle volonté107 ». Pour Pierre Godé, il
ne faut « retenir comme renonciation que des volontés certaines [...]. Elle [la
jurisprudence] exige, pour qu'il y ait renonciation tacite, des actes qui l'impliquent ou le
supposent108».
Un arrêt rendu par la Cour de cassation en 1972 a retenu un cas de renonciation
tacite en ces termes : « la renonciation à un droit n’est assujettie à aucune forme
particulière de preuve, que si elle ne se présume pas, elle peut résulter de faits impliquant
104
Supra note 65.
Civ. 3e 5 oct. 1999, AJDI 1999. 1161 ; Civ. 3e 25 févr. 2004, AJDI 2004. 552 ; Civ. 3e 24 nov.
2004, Bull. civ. III, no 211.
106
Civ. 5 oct. 1999.
107
F. Dreiffus-Netter, Les manifestations de volonté abdicatives, LGDJ, 1985, n° 56, p. 66.
108
P. Godé, Volonté et manifestations tacites, PUF, 1977, n° 71, p. 80.
105
45
sans aucun doute la volonté de renoncer 109». La renonciation peut donc être implicite si
les juges excipent l’intention de son auteur de renoncer.
3.
L’existence d’un droit acquis
La renonciation à un droit suppose par essence qu’un droit soit acquis
préalablement. Appliqué au droit au renouvellement, la renonciation doit être postérieure à
la signature du bail. Un arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 2006 a retenu dans ce sens :
« Le droit au renouvellement d'un bail commercial est acquis dès la conclusion de ce bail
par le seul effet de la loi et l'ordre public de protection qui s'attache au statut des baux
commerciaux et ne fait pas obstacle à une renonciation librement consentie si celle-ci est
postérieure à la naissance de ce droit, peu important que la prise d'effet du bail ait été
reportée à une date postérieure à la renonciation110 ». Quoi qu’il en soit, la jurisprudence
vérifie cette condition d’antériorité strictement dans les baux renouvelés : on ne peut pas
stipuler pour le futur que le preneur refusera également le droit au renouvellement dans les
éventuels baux renouvelés, les parties devront réitérer la clause de renonciation111.
Il ne suffit pas pour le bailleur de respecter les conditions de fond de la renonciation
pour que celle-ci ait toute sa force. Pour valider la clause, il devra également procéder à la
bonne information du preneur et veiller à rédiger une clause de qualité (B).
A.
Une rédaction doublement prudente
Étant donné qu’il s’agit d’un acte d’une grande portée de la part du preneur, le
bailleur doit prendre des précautions sous peine d’être soupçonné de fraude et de supporter
les conséquences de la nullité. Ainsi, il doit informer le preneur par un congé (1). Un
exemple de clause de renonciation sera ensuite proposé (2).
109
Civ. 3e, 16 mai 1972, n° 71-10.036 : DS 1973, somm. p. 14.
Supra note 65
111
CA Besançon, 15 févr. 1951 : Gaz. Pal. 1951, 1, p. 303 ; D. 1951, p. 244. - T. civ. Lyon, 16 avr.
1951 : JCP G 1951, IV, 139, Civ. 3e, 7 févr. 1996, n° 94-11.909, Bull. civ. III, no 40 ; 21 nov. 2001, AJDI
2002 p. 31, obs. M.-P. Dumont.
110
46
1.
L’information du preneur par un congé
D’une part, le bailleur doit s’assurer que le preneur ait été bien informé des effets
de la clause. Ainsi, le preneur ne pourra pas invoquer un vice du consentement et redonner
sa force au droit au renouvellement.
Ensuite, la jurisprudence autorise le bailleur à ne pas donner congé au locataire à
l’arrivée du terme du contrat de bail. Cette solution a été affirmée expressément par la 3e
Chambre civile de la Cour de cassation le 8 avril 2010 : « Lorsque le locataire commercial
renonce au droit au renouvellement, son bail cesse de plein droit au terme fixé sans que le
bailleur ait à notifier un congé »112
Toutefois, pour s’assurer de la bonne information du preneur et éviter tout litige
potentiel sur la fin du bail et son coût, il est conseillé de délivrer un congé au preneur par
lettre recommandée accusé réception quelques mois avant la fin du bail.
2.
Exemple de clause de renonciation
Voici un exemple de clause de renonciation : « Le preneur affirme avoir pris
connaissance de l’ordre public de protection prévu par l’article L. 145-34 du Code de
commerce. Le preneur renonce fermement à invoquer le droit au renouvellement du
contrat de bail. Le présent contrat prendra fin, sauf manquement à une clause résolutoire,
au terme du contrat, soit le …. Le bailleur s’engage à donner congé trois mois avant la fin
du bail, soit avant le [indiquer la date] ».
Une
autre
méthode
contractuelle
permet
d’échapper
indirectement
au
renouvellement : la clause résolutoire (Paragraphe 2).
112
Civ. 3e, 8 avril 2010, n° 09-10.926.
47
Paragraphe 2. La clause résolutoire : un moyen indirect d’évincer le droit au
renouvellement
La clause résolutoire est un mécanisme qui permet d'obtenir la résiliation de plein
droit du contrat de bail113 en cas de non-paiement du loyer ou d’inexécution de l’une des
obligations du preneur114. La clause résolutoire est un enjeu de la négociation : « Compte
tenu de l’intense développement de ce procédé de résiliation115, les applications de la
clause dépendent de façon étroite de sa rédaction initiale ».
Avant l’heure du renouvellement, elle peut être d’une grande utilité pour le
bailleur : verrouillée, elle permet d’échapper à temps à un renouvellement aux
conséquences incertaines ou de l’utiliser comme moyen de pression avant son arrivée. Elle
peut permettre également d’empêcher au preneur d’invoquer son droit au renouvellement
et de réclamer le paiement d’une indemnité d’éviction116.
Face au foisonnement des hypothèses de fautes testées dans les contrats de baux, il
convient de déterminer les conditions de validité de ces clauses et les pièges de leur mise
en œuvre (A) puis de dresser un inventaire succinct de l’appréciation de ces clauses par la
jurisprudence (B).
A.
Le respect des conditions de validité de la clause résolutoire
Le bailleur doit respecter des conditions de fond (A) et de forme (B) pour que la
clause produise tous ses effets en cas d’infraction du preneur.
1.
Le respect des conditions de fond
Les conditions de fond sont doubles : la commission d’une infraction à une clause
expresse du bail (i) mentionnant expressément la sanction encourue (ii).
113
CA Paris, 5 janv. 1996, Loyers et copr. 1996, no 120, note Ph.-H. Brault : l'article L. 145-41 ne
concerne que les baux commerciaux.
114
H. KENFACK, Actualité de la clause résolutoire, Loyers et copr. 2006, étude 19 ; C. DENIZOT,
Pratique de la clause résolutoire stipulée dans les baux commerciaux, Rev. Bleue nov. 2007, p. 72.
115
Depuis la loi n° 89-1008, modifiant notamment l’ancien art. 25 du décret du 30 septembre 1953
devenu l’art. L. 145-41 du C. Com., d’autres fautes que le défaut de paiement peuvent être prévues.
Voir également Civ. 3e, 27 octobre 1993, AJPI 1994.207.
116
Com. 18 déc. 1963, Bull. III n° 467.
48
a.
Une infraction du locataire à une clause expresse du bail
La clause résolutoire doit être expressément insérée dans le contrat de bail
commercial et ce, de bonne foi117. Dans la même veine, l’infraction reprochée doit être
prévue expressément dans la clause résolutoire118.
Ensuite, les fautes qui peuvent être intégrées à la clause sont largement admises En
effet, les obligations légales et contractuelles peuvent faire l’objet d’une clause résolutoire.
Néanmoins, la jurisprudence exige que le bailleur, qui envisage un manquement à une
obligation légale, la reproduise expressément dans la clause sous peine de ne pas pouvoir
l’invoquer119.
b. Une infraction expressément sanctionnée par la clause
résolutoire
Le bailleur doit stipuler expressément la sanction du manquement à ces obligations
de manière précise120. Jean Debeaurin précise que le libellé « la violation de l’une ou
l’autre des stipulations du présent bail » est trop large121.
Outre le respect des conditions de fond, la clause résolutoire doit également
respecter des conditions de forme (2)
117
R. MARTIN, Annale des loyers, 1989-1050.
Civ. 3e 18 mai 1988, D. 1988. IR 154 ; 12 juin 2001, AJDI 2001. 983, obs. J.-P. Blatter , où la
Cour rappelle que la clause résolutoire ne peut être mise en œuvre que pour une infraction à une stipulation
expresse du bail ; Civ. 3e 19 mai 2004, AJDI 2005. 208, obs. M.-P. Dumont.
119
Pour un défaut d'exploitation v. : Civ. 3e 8 janv. 1985, D. 1985. somm. 236 ; CA Paris, 4 juill.
o
2007, RG n 2006/1427.
Pour une interdiction de sous-louer v. : Civ. 3e 11 juin 1986, Gaz. Pal. 1986, 2, pan. p. 179.
Pour le défaut de paiement des intérêts de retard v. : Civ. 3e 13 déc. 2006, no 06-12.323, Bull. civ.
o
III, n 248 ; D. 2007. AJ 158, obs. Y. Rouquet ; Loyers et copr. 2007, 28, obs. Ph.-H. Brault.
120
Civ. 3e 8 janvier 1985, Civ. 3e, 18 mai 1988, D. 1988. IR. 154 ; 3 avr. 1996 : RJDA 1996. 896,
e
Civ. 3 15 sept. 2010, D. 2010. Actu. 2225, obs. Y. Rouquet.
121
J. DEBEAURIN, Annale des loyers, Guide des baux commerciaux, octobre-novembre 2010, p.
2823.
118
49
2.
Le respect des conditions de forme
Le bailleur doit notifier par acte extrajudiciaire une mise en demeure visant de
façon précise les manquements auxquels le preneur doit remédier122. Elle est nécessaire
même si l’infraction présente un caractère irréversible123.
Aussi, l’ordre public de protection prévu par l’article L. 145-41 du Code de
commerce commande l’effet de la clause : la clause ne peut produire ses effets qu’à
l’expiration du délai d’un mois suite à la notification d’un commandement demeuré
infructueux124
125
. Le bailleur doit mentionner ce délai126, sa volonté d’invoquer un
manquement127 et indiquer précisément les infractions reprochées à peine de nullité. Par
exemple, un arrêt de 2010 a considéré que la clause résolutoire était nulle en raison de la
subordination de ses effets à un délai de quinze jours128.
Après avoir envisagé les conditions de fond et de forme de la clause résolutoire, il
est temps de déterminer l’interprétation de la jurisprudence dans une optique stratégique
(B).
B.
Anticiper l’interprétation stricte de la jurisprudence
La jurisprudence a dégagé une méthode d’interprétation propre aux clauses
résolutoires (1). Son étude permet de déterminer les fautes qui peuvent faire l’objet de cette
clause (2).
1.
Méthodes d’interprétation
En cas de litige, la clause sera soumise au juge. Encore une fois, le législateur a
tenté de protéger le locataire en lui ouvrant la faculté de demander une suspension
122
Civ. 3e 15 mai 1973 ; Civ. 3e, 6 mars 1996, Civ. 3e 30 mai 1996 Bull. civ. III p. 81, Civ. 3e 4
février 1997.
123
Civ. 3e 24 nov. 2004, n° 003-15.807, Bull. Civ. III, n° 208, Rev. Loyers 2005/853, n° 42.
124
Civ. 28 nov. 1990.
125
La forme de cette mise en demeure est nécessairement un acte d'huissier avec commandement de
payer ou sommation d'exécuter (Civ. 3e 30 mai 1996, JCP N 1996. II. 1592).
126
CA Versailles, 6 octobre 1982, Rev. Loyers 1983, p. 321 ; Civ 3e 6 mars 1996, n° 93-17.520,
Bull. civ. III, n° 61, Rev. Loyers 1997, p. 41.
127
CA Paris 16e ch. sect. A, 7 mai 2008, n° RG : 06/01427, AJDI 2008 n° 291.
128
Civ. 3e 9 décembre 2010, D.2011, Actu. 9 obs. Rouquet.
50
judiciaire sur le fondement de l’article L. 145-41 alinéa 2 du Code de commerce lui-même
connexe aux articles 1244-1 et 1244-3 du Code civil relatifs aux délais de grâce.
En outre, la jurisprudence a dégagé plusieurs fils directeurs de son appréciation des
clauses résolutoires ce qui laisse augurer une protection du locataire.
Tout d’abord, les juges doivent observer une interprétation stricte des clauses. En effet, les
clauses résolutoires semblent tomber sous le coup d’une présomption de stipulation en
faveur du preneur. Et, les sanctions étant « dangereuses129» pour les preneurs, la
jurisprudence demande à ce qu’elles soient interprétées strictement130.
De plus, il a été précisé qu’il appartient au bailleur de la faire constater sans que le juge
n’ait à apprécier la gravité du manquement reproché131. Son pouvoir se limite à la
constatation qui dépend de la rédaction minutieuse de la clause en amont.
Au niveau procédural, le bailleur doit délivrer une assignation en constatation de la
clause résolutoire (et non pas en prononciation de la résiliation) qui intervient
postérieurement en vue d’édicter l’éventuelle expulsion du locataire. Toutefois, la
jurisprudence reste protectrice des intérêts du bailleur sur un point : elle considère que la
clause selon laquelle le bailleur poursuivra la constatation de la clause « comme bon lui
semble » n’enlève pas à la clause résolutoire son caractère d’automaticité132. En outre, il est
intéressant d’étudier dorénavant le type de faute susceptible de faire l’objet d’une clause
résolutoire (b).
2.
Les fautes admises par la jurisprudence
Au niveau rédactionnel, la clause résolutoire est en liaison avec l’ensemble des
obligations mises à la charge du preneur. Il peut s’agir d’obligations légales telles que
l’obligation de payer les loyers à échéance contractuelle ou encore de l’obligation
d’exploiter les locaux en bon père de famille et conformément à la destination
contractuelle. Mais il peut s’agir également d’obligations supplémentaires de nature
contractuelles comme le défaut de paiement de charges ou d’intérêts de retard, la nonexécution des travaux et l’interdiction de sous-louer entre autres. De plus, elle peut prévoir
129
Voir supra note 69.
Civ. 3e 11 juill. 1990, n° 88-19.994, Gaz Pal. 1991 , 1, pan. p. 36.
131
Civ. 3e, 9 nov. 2004, AJDI 2005. 382, note C. Denizot.
132
Civ. 3e, 21 fév. 2006 n° 05-15.776, Administrer 2006, n° 388, p. 41 obs. D Lipman-Boccara.
130
51
la faute du preneur qui refuserait de payer l’indemnité d’occupation due en cas de refus de
renouvellement, sans quoi le bailleur ne pourra pas l’invoquer133.
En outre, le bailleur sera attentif lors de la rédaction de la clause de destination du
bail qui emporte résiliation de plein droit du bail en cas de manquement134. En effet, à
l’inverse d’un bail tous commerces, le détail des activités autorisées permet de demander la
résiliation dès la moindre addition d’activité. Il en est de même de la cession irrégulière du
bail. Par exemple, un arrêt de 2006 a décidé que le preneur avait apporté un droit au bail à
une société sans autorisation préalable alors que le contrat requerrait cette autorisation. La
Cour de cassation a considéré que la résiliation était constatée135.
Après avoir vu les moyens de s’assurer de l’éviction du droit au renouvellement du
preneur à travers l’effet absolu de la clause de renonciation et relatif de la clause
résolutoire, il convient d’étudier les clauses permettant d’optimiser le déplafonnement du
loyer renouvelé (SECTION II).
SECTION
II.
LES
CLAUSES
D’OPTIMISATION
DU
LOYER
DE
RENOUVELLEMENT
Les règles relatives au plafonnement et au déplafonnement sont la pomme de
discorde du contrat de bail au renouvellement : le preneur souhaite que le loyer soit
plafonné ; le bailleur souhaite que le loyer de renouvellement soit déplafonné.
L’ordre public de protection ne préserve qu’en partie la pérennité du bail et le droit
au renouvellement puisqu’il ouvre la voie à la négociation concernant la durée maximale
du bail, le loyer du bail initial et la fixation de loyer de renouvellement qui peuvent ainsi
être modulés stratégiquement par le bailleur (Paragraphe 1). De plus, d’autres clauses sont
susceptibles d’avoir une influence positive sur le déplafonnement éventuel du loyer de
renouvellement (Paragraphe 2).
133
Civ. 3e 9 déc. 1980, n° 79-14.235, Rev. Loyers 1981 p. 79, note Viatte, Civ. 3 e, 24 févr. 1999, n°
97-11.554, Rev. Loyers 1999 p. 411, Administrer 1999, n° 315, p. 32, AJDI 1999, p. 655.
134
Civ. 3e 25 janvier 2006, n° 04-20.173, Rev. Loyers 2006/866, n° 335, p. 186. V. Civ. 3 e, 30 mai
2007, n° 06-12.853.
135
CA Paris, 14e ch, sect. A, 4 octobre 2006, n° RG : 06/01923, AJDI 2006, p. 906.
52
Paragraphe 1. La modulation contractuelle de la durée et du loyer du bail
commercial
L’ordre public de protection laisse deux espaces de liberté stratégiques aux
bailleurs. Le premier concerne la fixation de la durée maximale du bail qui aura des
influences sur le loyer de renouvellement (A). Le deuxième espace de liberté concerne la
fixation des loyers du loyer du bail initial et le loyer de renouvellement (B).
A.
De l’opportunité de négocier un bail de plus de neuf ans
Au préalable, il convient de préciser le domaine de la stipulation de la durée du bail
commercial (1). Ensuite, ce sont les effets de la clause qui seront étudiés (2).
1.
Le domaine de la stipulation de la durée du bail
La stipulation de la durée du bail est une condition de validité du contrat de bail136.
Le droit des baux commerciaux fixe un minimum soumis à l’ordre public de protection :
« la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans137 ». Cette définition
négative de la durée du contrat est surprenante et rare en droit français. En tout état de
cause, il est interdit de conclure des baux commerciaux de moins de neuf ans 138. En
revanche, rien n’interdit aux bailleurs de conclure des baux de plus de neuf ans dans la
limite du respect du principe de l’interdiction des baux perpétuels139.
De nouveau, le statut laisse libre cours à la volonté des parties mais surtout à
l’intérêt économique des bailleurs. Il y a une structure commerciale qui profite le plus de
cette liberté : « le recours à une durée supérieure à neuf années est ainsi fort efficace et
fort employé dans les centres commerciaux et les galeries marchandes en raison du
pouvoir de négociation des sociétés foncières propriétaires des lieux et de la forte
demande des preneurs140 ». En effet, on observe deux tendances : d’une part, sont conclus
de plus en plus de baux dérogatoires pour « tester » la viabilité de l’activité et libérer la
136
Civ. 3e 5 déc. 2001, n° 00-14.294.
L145-4 du C. Com.
138
Sauf l’exception des baux de courte durée prévus par l’art. L. 145-5 du C. Com.
139
Civ. 3e 19 fév. 1992, n° 90-16.148, Bull. Civ. III n° 61.
140
RTD Com. 2005 p. 256, note Monéger.
137
53
cellule sans contrainte juridique ; d’autre part, sont conclus des baux de dix ans. Ils
peuvent imposer cette disposition étant donné la qualité de l’emplacement et la garantie
pour le preneur de générer un profit. Au-delà de ces considérations, le principal intérêt
pour tout bailleur est d’échapper à la règle du plafonnement (2).
2.
Les effets des baux de plus de neuf ans sur le renouvellement
La négociation de la durée du bail commercial de plus de neuf ans aura des
conséquences importantes sur les loyers de renouvellement futurs. En effet, l’article L.
145-34 du Code de commerce relatif aux modalités de plafonnement des loyers de
renouvellement écarte in fine de son champ d’application les baux de plus de neuf ans :
« le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa
durée n’est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation de [l’Indice du Coût
de la Construction ou de l’Indice des Loyers Commerciaux] ».
Après quelques hésitations jurisprudentielles et doctrinales sur l’interprétation de
l’expression « du bail à renouveler »141, il est admis qu’elle correspond au bail venu à
expiration et en déduisent que les baux supérieurs à neuf ans sont un motif de
déplafonnement142. Un arrêt de la 3 e Chambre civile de la Cour de cassation rendu le 13
novembre 1997143 retient cette solution et le Professeur Blatter considère qu’il s’agit du
« revirement officiel et silencieux qui était d’ores et déjà acquis »144.
La stratégie du bailleur consistera donc à négocier un bail de plus de neuf ans pour
s’assurer à l’avenir le déplafonnement des loyers de renouvellement. Toutefois, le
rédacteur du bail veillera à réitérer la durée supérieure à neuf ans pour les baux à
renouveler sous peine de voir le contrat de bail renouvelé soumis à la durée d’ordre public
de neuf ans145. Une autre stratégie consiste à négocier par avance le montant des loyers de
renouvellement (B).
141
RDI, 1984.244 et 1985.428, J. Derrupé.
Civ. 3e 7 juin 1989, Bull. civ. III, n° 132 ; Gaz. Pal. 1989.2.887, note BARBIER ; RDI 1989.512,
obs. Derrupé. 30 janv. 1991, Bull. civ. III, n° 44 ; JCP 1991. éd. N.II.265. 20 mars 1991, Bull. civ. III, n° 95 ;
JCP 1991. éd. N.II.334 ; RDI 1991.273, obs. DERRUPE ; D. 1991. Somm. 362, obs. ROZES ; Rev.
Administrer juin 1991.26, note Barbier. 5 avr. 1995, AJPI 1995.587, note Blatter.
143
Civ. 3e 13 nov. 1997, Bull. Civ. III, n° 203, D.1997.IR.254, préc. Civ. 3e 7 juin 1989, Bull. civ.
III, n° 132.
144
AJDI 1998 p. 180. Pour des précédents, voir note 153.
145
Civ. 3e 2 oct. 2002, AJDI 2003 p. 28, RD 2002 p. 3014, RTD Comm. 2003 p. 277.
142
54
B.
Les stratégies relatives à la fixation des loyers du bail commercial
L’expression « loyers » est employée au pluriel puisque le statut ne frappe pas
d’ordre public la fixation du loyer du bail initial (1) et du loyer de renouvellement (2).
1.
La fixation stratégique du loyer du bail initial
La fixation du loyer initial par un pas-de-porte complément de loyer (a) ou par une
clause recettes (b) peut avoir une influence positive au jour du renouvellement pour le
bailleur.
a.
De l’intérêt financier d’insérer un pas-de-porte qualifié de
complément de loyer
Face à la surenchère d’un emplacement n°1, les bailleurs ont développé la pratique
du pas-de-porte qui est « une somme d’argent versée en une ou plusieurs fois par le
locataire au bailleur au moment de la conclusion du bail146 ». Les parties peuvent choisir
de le qualifier de complément de loyer ou de supplément de loyer. Face à cette option, les
bailleurs se tournent plutôt vers la qualification de complément de loyer destinée à
compenser la différence entre le loyer demandé et celui du marché en raison de ses
conséquences sur le renouvellement.
En effet, l’article L. 145-34 du Code de commerce autorise le déplafonnement du loyer
notamment lorsque les éléments qui ont permis de déterminer la valeur locative à l’origine
subissent une modification en cours de bail. Ainsi, il est considéré que ce complément lui
permettait d’obtenir une valeur locative normale pendant le bail expiré mais qui ne se
retrouvera plus au moment du renouvellement : sur le fondement de l’article R. 145-8 du
Code de commerce, est pris en compte «les modalités selon lesquelles le prix
antérieurement applicable a été originairement fixé » et autorise le déplafonnement à ce
titre. Toutefois, le bailleur devra prouver que la modification est notable et qu’elle lui ait
été effectivement versée à lui et non pas au propriétaire cédant du fonds de commerce par
146
Voir supra note 22.
55
exemple147. Une autre technique consistera à donner un caractère mixte, indemnitaire (ou
supplément de loyer) et complément de loyer au pas-de-porte. En effet, en raison de
l’impossibilité de déterminer la part de chaque qualification, le déplafonnement devra être
prononcé sur le même fondement148. Le bailleur peut également négocier la fixation d’une
clause-recettes (b)
b. La fixation du loyer initial par une clause recettes
Une partie de la doctrine critique le fonctionnement du mécanisme du
plafonnement du loyer initial. Selon elle, elle est inadaptée aux évolutions économiques
puisque la valeur locative judiciaire ne correspond pas à la valeur locative de marché.
Ainsi, la pratique a mis en place la clause recettes se composant d’un « loyer
minimal garanti soumis à indexation et fixé contractuellement à l’origine du bail [et d’un]
loyer qui varie en fonction du chiffre d’affaires du preneur au cours de l’année précédente
et liquidé après application du taux conventionnellement prévu, ce loyer absorbant, s’il
vient à le dépasser, le loyer minimal garanti indexé »149. En principe, les parties fixent
discrétionnairement le loyer initial et peuvent insérer une clause recettes, validée par un
arrêt du 2 octobre 1984150. Cette possibilité se fonde sur l’absence d’ordre public frappant
les dispositions des articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce151.
Un arrêt du 10 mars 1993 dit « Théâtre Saint Georges » a fixé le sort de cette clause
lors du renouvellement152. La Cour de cassation retient deux éléments : d’une part, elle
estime que la clause recettes doit s’appliquer au-delà du renouvellement ; d’autre part, elle
147
148
Civ. 3e 5 juin 2002, n° 00-21.733, AJDI 2002.606.
CA Paris 24 fév. 1978, Gaz. Pal. 1978, 1, 321 ; CA Paris, 18 oct. 1979, Gaz. Pal. 1980, somm. P.
77.
149
AJDI 1993 p. 710
Civ. 3e 2 oct. 1984
151
Civ. 3e 24 oct. 1979, Bull. civ. III, n° 189 ; D. 1980, IR p. 106 ; Civ. 3 e 11 févr. 1987, D. 1987, IR
p. 39 ; CA Paris 9 sept. 1994, D. 1994, IR p. 227.
152
Civ. 3e 10 mars 1993, n° 91-13.418, Bull. Civ. III n° 30 p. 19, AJDI 1993 p. 710, RD Imm. 1993,
p. 276, RD imm, 1994 p. 511, RD 1994 p. 47, RTD comm. 1993 p. 638, AJPI 1993.710, obs. B. Boussageon;
JCP 1993. éd. E. II.460, note B. Boccara ; JCP 1993.11.22089, note F. Auque ; Loyers et copr. juin 1993, p.
1, chron. P. H. Brault ; Gaz. Pal. 1993.2.313, note J.-D. Barbier, D. 1994.47, obs. L. Rozès ; JCP 1993. II.
22089, note F. Auque ; Loyers et copr. juin 1993, comm. P. H. Brault ; Gaz. Pal. 3 juillet 1993, comm. J.-D.
Barbier ; Rev. dr. imm. 1993, p. 276, comm. J. Derruppé et G. Brière de L'Isle.
Confirmation : Civ. 3e 15 mars 2000, n° 98-16.771, RDI 2000, p. 402, obs. J. Derruppé, Loyers et
copr. 2000, n° 141, obs. Brault Ph.-H., RD imm. 2000, p. 402, obs. Derruppé J. ; Civ. 3e 7 mars 2001, Bull.
civ. III, n° 29 ; D. 2001, AJ p. 1874, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2001, Somm. p. 3527, obs. L. Rozès.
150
56
retient qu’une telle stipulation contractuelle limite le pouvoir du juge qui, en présence
d’une clause claire et non équivoque, ne peut que la constater et l’appliquer153. C’est ainsi
que la clause recettes permet d’échapper aux dispositions relatives au montant du loyer de
renouvellement qui, en l’absence de stipulation contraire, devrait correspondre à la valeur
locative. Par exemple, un arrêt de la Cour d’appel de Versailles rendu le 9 janvier 1997154
avait ordonné une expertise en vue de la fixation du loyer minimum garanti de
renouvellement à la valeur locative. La Haute Cour a cassé l’arrêt sous le visa de l'article
1134 du Code civil et a réaffirmé le principe posé par l’arrêt « Théâtre Saint Georges » le
27 janvier 1999155 en retenant que : « la fixation du loyer renouvelé d'un tel bail échappe
aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 et n'est régie que par la convention des
parties » La doctrine s’est interrogée sur le sort de cette décision : la stipulation d’un loyer
variable fait elle sortir ce contrat du champ du statut ? Aucun arrêt à ce jour ne penche en
faveur de cette solution. En pareil cas, le preneur perdrait son droit au renouvellement.
La jurisprudence a franchi un nouveau pas dans un arrêt rendu le 10 mars 2004156.
En effet, elle a censuré un arrêt rendu par la Cour d’appel de Rennes qui avait annulé la
clause de fixation du loyer de renouvellement en arguant de la volonté de dissuader le
preneur d’exercer son droit à renouvellement « à des conditions économiques sans rapport
avec la progression des données commerciales ». Or, la Cour de cassation a censuré l’arrêt
d’appel au visa de l’article 1134 du Code civil : « rien ne s'oppose à ce que les parties
choisissent d'un commun accord de déterminer à l'avance par une stipulation du bail les
conditions de fixation du prix du bail renouvelé ».
153
Voir particulièrement l’arrêt « Unibail », Civ. 3e 7 mai 2002 : « que la fixation du nouveau loyer
ne pouvait résulter que de l’accord des parties et que le rôle du juge ne pouvait être que de constater cet
accord, s’il existait, et constater l’absence d’un tel accord quant à la partie fixe du loyer », AJDI 2002.523,
obs. J.-P. Blatter, Gaz. Pal. 2002, 2, p. 972, note Barbier J.-D., Rev. Admin. 2002, n° 346, p. 14, obs. Boccara
B. et Lipman-Boccara; V. également CA Paris 17 mars 2000, Loyers et copr. 2000, n° 141, obs. Ph.-H.
Brault. Gaz. Pal. 2002, 2, p. 972, note Barbier J.-D., Rev. Admin. 2002, n° 346, p. 14, obs. Boccara B. et
Lipman-Boccara.
154
Versailles 12e ch. 1 9 janvier 1997, JCP G 1997.II.22797 Ph.-H. Brault, Loyers et copr. février
1997.
155
Civ. 3e 27 janv. 1999, n° 97-13.366, Bull. civ. III, n° 22, AJDI 1999. 699, obs. D. Cohen-Trumer
; 15 mars 2000, Loyers et copr. 2000, n° 141, obs. Ph.-H. Brault ; 7 mai 2002, AJDI 2002 p. 523 ; 13 nov.
2002, ibd. 2003 p. 36 ; 29 avr. 2002, AJDI 2002. 523, obs. J.-P. Blatter, RTD com. 1999 p. 368, obs. J.
Monéger ; Dans ce sens, Civ. 3e 15 mars 2000, RDI 2000, p. 402, obs. J. Derruppé ; Civ. 3 e 7 mars 2001,
Bull. civ. III, n° 29 ; D. 2001, AJ p. 1874, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2001, Somm. p. 3527, obs. L. Rozès et Civ.
3e, 7 mai 2002, Bull. civ. III, n° 94 ; D. 2002, AJ p. 1906, obs. crit. Y. Rouquet ; AJDI 2002 p. 523, obs. J.-P.
Blatter.
156
Civ. 3e 10 mars 2004, n° 02-14.998, Loyers et copr. 2004, n° 91, obs. Brault Ph.-H., D. 2004, p.
878, obs. Rouquet Y.
57
Ainsi, en présence d’une clause dépourvue d’ambigüité, la Haute Cour refuse de
contrôler l’éventuelle atteinte indirecte au droit au renouvellement157. Cette décision a été
critiquée par la doctrine158.
C’est ainsi qu’il apparaît que la tendance jurisprudentielle va plutôt dans le sens
d’une ouverture du statut à la volonté des parties dès que la disposition n’est pas frappée
d’ordre public. Un autre moyen stratégique du bailleur pour échapper aux contraintes du
dispositif légal du renouvellement est de fixer par avance le loyer de renouvellement (2).
2.
La fixation stratégique du loyer de renouvellement
Les parties peuvent négocier par avance le loyer du bail renouvelé159 « sans que
l’ordre public ne leur ferme la voie160». La jurisprudence l’a admis tant sous le visa de
l’article 1134 du Code civil concernant l’effet relatif des contrats, que sous le visa des
textes d’ordre public du bail commercial.
Ainsi, le bailleur peut fixer par avance le loyer de renouvellement dans une clause
du bail d’origine161 ou dans un avenant sans faire échec au droit à la révision précédent le
renouvellement162.
Sur la teneur du loyer de renouvellement, il est évident que le bailleur refusera de
convenir du loyer de bail renouvelé aux conditions du plafonnement163. En revanche, il
tentera d’obtenir qu’il corresponde à la valeur locative hors tout plafonnement164.
D’ailleurs, les composantes de cette valeur locative sont laissées à la libre appréciation des
parties, l’intérêt étant d’échapper à la fixation judiciaire qui pourrait être défavorable au
bailleur. En effet, le principal intérêt d’une telle stipulation pour le bailleur est d’éviter
l’aléa judiciaire : les juges du fond peuvent, dans le cadre de leur appréciation souveraine,
157
Revue des Loyers 2004, p. 852.
Ibidem.
159
Civ. 3e 10 oct. 2001, Defrénois 2002. 176, note S. Duplan-Miellet, il n’y a pas de forme précise
requise ; CA Amiens, 8 févr. 2005, JCP 2005. II. 10060, obs. F. Auque ; Civ. 3e 10 mars 2004, Bull. civ. III,
n° 52 ; D. 2004. AJ. 878, obs. Rouquet ; Defrénois 2004. 1325.
160
Voir supra note 103 et Civ. 3e 4 mars 1998, AJDI 1998, p. 620 ; CA Versailles 12e ch. 2e sect., 16
octobre 1997, Dalloz Affaires, 1998, p. 100, obs. Y. R. ; 26 novembre 1998, RD imm. 1999, p. 162, obs.
Derruppé ; CA Paris, 16e ch. B. 12 fév. 1999, Gaz. Pal. 1999, 2, somm. p. 211, obs. J.-D. Barbier.
161
Civ. 3e 10 mars 2004, n° 02-14.998, Defrénois 2004, p. 1325 ; D.2004.878 ; D. 2004, 1090 ; Civ,
e
3 , 27 oct. 2004, D. 2004.3071.
162
Civ. 3e 30 janv. 2002, n° 00-15.202, Bull. Civ. III, n° 21.
163
Civ. 3e 2 juillet 1997, Gaz. Pal. 1997, 2, somm. p. 462, obs. J.-D. Barbier ; CA Paris 16e ch. B, 29
juin 1995, Loyers et copr. 1996, comm. n° 78.
164
Civ. 3e 4 mars 1998, AJDI 1998, p. 620, obs. J.-P. Blatter.
158
58
appliquer un coefficient d’abattement ou de majoration selon les cas. C’est un risque que
ne prendra pas le bailleur averti et ce d’autant plus que les valeurs judiciaires sont « en
retrait par rapport à la valeur locative de marché puisqu’elle tient compte de l’ensemble
des loyers pratiqués, locations nouvelles, renouvellements amiables et fixations
judiciaires165». Ces « distorsions166 » les incitent donc à négocier et stipuler dans les
contrats de baux que le loyer renouvelé sera fixé à la valeur locative de marché.
L’une des ruses du bailleur est de préciser que les loyers pris en compte pour le
calcul de la valeur locative seront limités dans le temps. En effet, alors qu’au niveau
judiciaire sont pris en compte les loyers des neuf années précédentes, en matière
contractuelle on peut les limiter aux valeurs actuelles des locaux et obtenir un loyer
majoré. Par exemple, il peut être stipulé que les loyers pris en compte seront ceux des
douze derniers mois. Aussi, le bailleur peut demander de faire référence uniquement aux
locations nouvelles ce qui permet d’obtenir un véritable prix de marché. Il peut également
la limiter à la prise en compte d’éléments stratégiques : la durée des activités, les
surfaces167, les types de biens loués, la destination des lieux, les loyers des renouvellements
amiables par exemple afin de valoriser au maximum le montant du loyer renouvelé. Pour
aller plus loin et asseoir sa position, le bailleur peut envisager d’écarter expressément les
loyers sous-évalués et de compenser par le montant des travaux ou par les pas-de-porte
éventuels. Toutefois, une clause qui organiserait un loyer trop élevé serait considérée
comme voulant supprimer le droit au renouvellement et sera entachée de nullité. Il en est
de même d’une clause qui ne laisserait aucune échappatoire au preneur lors des deuxième
et troisième renouvellements. Les risques que comporte une telle clause doivent être palliés
par la signature par le preneur d’une reconnaissance de conseils donnés.
De plus, il peut combiner la clause recette à une clause à dire d’expert168 en
stipulant que sa décision sera irrévocable et qu’il devra s’en tenir aux éléments cités pour
le calcul de la valeur locative.
Il peut également la relier à une clause compromissoire qui est une convention par
laquelle les parties à un contrat à soumettre à l'arbitrage les litiges qui pourraient naître
165
AJDI 2003 p. 921, Liberté contractuelle dans la rédaction des baux et modes alternatifs de
règlement des conflits, BLATTER.
166
Le loyer déplafonné : Quelle valeur locative ?, Adm. n° 369, août-septembre 2004, p. 11 et s., par
M.-L. Sainturat.
167
CA Paris 16e ch. B, 12 fév. 1999, Gaz. Pal. 1999 somm. p. 899.
168
Civ. 3e 4 mars 1998, Loyers et copr. 1998, n° 159, obs. Brault et Mutelet.
59
relativement à ce contrat et qui exclut ainsi l’intervention du juge169. Elle est admise par la
jurisprudence170 et depuis la loi du 15 mai 2001171 dans les « contrats conclus à raison
d’une activité professionnelle172».
Les clauses relatives à durée du bail et au loyer du bail renouvelé peuvent avoir des
conséquences très importantes au moment du renouvellement. Il est évident que les
bailleurs s’attardent stratégiquement sur ces deux points pour s’assurer une majoration de
loyer lors du renouvellement. D’autres clauses ont une influence stratégique (Paragraphe 2)
Paragraphe 2. Les autres clauses stratégiques
Les autres clauses qui ont une influence sur le renouvellement sont notamment la
clause de destination (A) et la clause d’accession et de travaux (B)
A.
Clause de destination et déplafonnement
« L’usage ou la destination des lieux est déterminée librement par le bailleur et par
le preneur en vertu de la théorie de l’autonomie de la volonté ; théorie d’inspiration
libérale qui régit les contrats173 » La destination des lieux loués est l’usage par lequel la
chose a été donnée. La particularité du bail commercial est qu’au-delà de la stipulation de
la commercialité des lieux loués, ces clauses dressent aussi la liste des activités
commerciales autorisées. Or, dans une économie concurrentielle, les commerçants ont très
souvent besoin d’adapter leur activité à l’évolution des besoins des consommateurs.
La teneur de la clause de destination est importante étant donné qu’elle peut avoir
un impact sur le loyer renouvelé. En effet, le bailleur qui démontre une modification
notable de la destination des lieux174 pourra obtenir le déplafonnement du loyer à la valeur
locative excluant les règles du plafonnement. Rares sont les bailleurs qui concluent
169
Art. 1442 du Nouveau Code de Procédure Civile.
CA Paris 13 septembre 1994, Loyers et copr. 1994, n° 479, note Ph.-H. Brault ; J.-P. Blatter,
AJDI 1998, p. 173.
171
Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.
172
Art. 2261 du Code civil.
173
La Semaine juridique, édition notariale et immobilière, n° 11, 13 mars 19, p. 19 à 27.
174
Art. L. 145-33 et L. 145-34 du C. Com.
170
60
aujourd’hui des baux dits « tous commerces » puisqu’ils autoriseraient l’exploitation de
toutes les activités et ils ne pourraient donc pas invoquer un changement de destination lors
du renouvellement.
Il ne faut pas confondre la modification de la destination contractuelle et le
changement d’affectation des locaux. Dans le second cas, ils relèvent de la modification
des caractéristiques propres du local définis aux articles R. 145-3 et R. 145-4 du Code de
commerce et plus particulièrement au changement d’affectation des surfaces affectés à la
clientèle175 comme la transformation d’une surface à usage d’habitation en surface
commerciale.
Dans le premier cas, qui est l’objet de ce paragraphe, le bailleur obtiendra le
déplafonnement du loyer s’il démontre une modification notable de la valeur locative et
notamment de la destination des lieux176. L’article R. 145-5 du Code de commerce définit
la destination en ces termes : « celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal
dans les cas prévus aux articles L. 145-47 à L145-55 ». Pour y arriver, la rédaction de la
clause en amont sera stratégique : soit le bailleur ne permettra au preneur qu’une activité
très réduite et très précise (vente d’articles de ski par exemple), soit il permettra d’exercer
plusieurs activités qui seront très différentes (café et prêt-à-porter). En effet, si le bailleur
rédige une clause dans laquelle il autorise de manière très large la modification de la
destination et le montant du loyer subséquent, il ne pourra pas l’invoquer comme motif de
déplafonnement177. De même, le bailleur est tenu par la teneur de cette clause et s’il a
autorisé une activité à l’origine du bail mais que le preneur ne l’a exercé que plusieurs
années après, il ne pourra pas revenir sur sa volonté et demander à ce titre le
déplafonnement178. Dans ce cas d’espèce, le bailleur voulait profiter de l’augmentation de
capacité du restaurateur après qu’il ait exercé l’activité autorisée par le bail.
175
CA Paris, 16e ch. A, 6 oct. 1999 n° 1997/18171 : l’abattage d’une cloison pour réunir une
boutique et une salle à manger est un changement d’affectation relevant de l’art. R. 145-3 et R 145-4 et non
de l’art. R 145-5 (relatif à la destination).
176
Art. L. 145-33 du C. Com.
CA Paris, 14 oct. 1993, Administrer, mars 1994, p. 56 ; 27 mars 1997, Loyers et copr. 1997 n° 264.
177
Com. 4 nov. 1998, RDI 1999.161; Civ. 3e, 7 juill. 2004, Bull. Civ. III, n° 145.
178
Civ. 3e 12 oct. 1988, D.1988, p. 245.
61
Pour obtenir le déplafonnement, le bailleur devra en outre prouver une modification
« notable »179 que les juges du fond apprécient souverainement. Un arrêt a retenu par
exemple que l’adjonction de la vente de livres à un local destiné aux activités
d’imprimerie, éditions, fournitures de bureau, papeterie a été jugé comme constituant une
modification notable entraînant le déplafonnement180. En revanche la Cour d’appel de
Nîmes a considéré en 2008
181
que la destination de librairie, papeterie et articles divers,
pouvait s’étendre à la vente de disques vinyles, des CD, des cassettes vidéo et des photos.
Elle estime qu’il existe « un lien entre diverses ces formes classiques et modernes de
diffusion commerciale de culture populaire, ensuite, qu'il s'agit d'une évolution des usages
du commerce et de la technologie, que la clientèle est identique, et enfin, qu'il s'agit
seulement d'une adaptation mineure et nécessaire de la vente d'articles divers englobant
les nouveaux supports182 ». Un autre arrêt a retenu que le simple développement du
commerce dans le respect de la destination contractuelle ne suffisait pas à démontrer une
modification notable183, tandis qu’un autre a refusé le déplafonnement du loyer d’une
pharmacie qui avait ouvert son activité à la parapharmacie puisque la loi et les règlements
l’y autorisaient184.
L’appréciation de la modification notable est objective : les juges vont vérifier que
les activités sont autorisées dans le bail et ne se réfèrent pas aux activités effectivement
exercées par le preneur. De plus, un arrêt du 4 décembre 1998 rendu par a Cour d’appel de
Paris a retenu que les modifications invoquées doivent être suffisamment notables pour que
l’extension d’activité ait un véritable effet sur l’activité exercée185. Pourtant un arrêt rendu
un mois avant par la Cour suprême retenait qu’il n’était pas nécessaire d’établir l’effet
qu’elle a eu sur l’activité186.
179
Civ. 3e 3 mars 1981, Bull. civ. III, n° 43 ; Civ. 3e 8 janv. 1997, n° 95-11.482, Bull. civ. III, n° 5,
Gaz. Pal. 1997, 1, 211, Loyers et copr. 1997, n° 175 ; Civ. 3e 26 nov. 1997, n° 96-11.191, Administrer, janv.
1998, p. 42 ; Civ. 3e 6 nov. 2001, Administrer, févr. 2002, p. 25 ; Civ. 3e 19 mars 2003, AJDI 2003 p. 348.
180
CA Paris 9 fév. 2001, AJDI 2001.341
181
CA Nîmes, 2e ch. A, 24 janv. 2008, Juris-Data n° 2008-357134.
182
AJDI 2009, p. 683.
183
CA Paris, 31 mars 1998, Loyers et copr. 1999 n° 68
184
Civ. 3e 21 mars 2007, Bull. civ. n° 40, AJDI 2007 p. 836.
185
CA Paris, 4 déc. 1998, Loyers et copr. 1999, n° 95.
186
Civ. 3e, 4 nov. 1998, n° 96-22.251, Priminter c/ Guillot et a.
62
Dans une optique stratégique, le bailleur peut aller plus loin et réclamer une
indemnisation en raison du changement de destination par un supplément de loyer, puisque
la jurisprudence ne lui interdit pas de requérir par la suite à ce titre le déplafonnement187.
Dans la même veine de la clause de destination, les clauses d’accession et les
clauses travaux sont également susceptibles d’influencer le montant du loyer renouvelé
(B).
B.
Clause d’accession, clause travaux et déplafonnement
Le statut des baux commerciaux ne régit pas la répartition des travaux entre les
parties et les contrats compensent cette lacune. Ainsi, les parties prévoient fréquemment
que les grosses réparations de l’article 606 du Code civil188
189
sont mises à la charge du
bailleur et les menues réparations à la charge du preneur. En matière de baux
commerciaux, l’enjeu se situe au niveau de la qualification des travaux et de leur sort lors
du renouvellement. La jurisprudence et la doctrine distinguent les travaux d’aménagement
(1), des travaux de conformité (2).
1.
Le sort des travaux d’aménagement au renouvellement
Les travaux d’aménagement sont ceux qui n’entraînent qu’un agencement intérieur.
La partie règlementaire du Code de commerce permet de distinguer les travaux de
modification des travaux d’amélioration. L’enjeu précontractuel se situe au niveau de
l’absence de rédaction d’une clause transférant les travaux de modification sur la tête du
187
CA Paris, 2 nov. 1993, Gaz. Pal. 1994, A, somm., p. 177 ; Civ. 3e 16 déc. 1997, n°96-16.779,
RDI 1998, 698 ; Administrer, janv. 1998, n°42, Loyers et copr. 1998, n° 126 ; Civ. 3e 24 févr. 1988, Gaz. Pal.
1988. 2. 798 ; V. cependant, pour la possibilité laissée par le bail au locataire de changer la destination au
cours du bail avec prévision de modification du loyer, Civ. 3 e 7 juill. 2004, D. 2004. AJ. 2573.
188
Art. 606 du Code civil : « Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le
rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de
clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien ». Structure de l'immeuble et de ses
accès, gros-œuvre, clos et couvert, balcons et terrasses, équipements indispensables à l'utilisation.
189
Cass. 3e Civ., 27 nov. 2002, n° 01-12.816, Bull. civ. III, n° 235 : la liste de l’art. 606 du Code
civil énumère limitativement les grosses réparations. Toutefois, les juridictions du fond y ajoutent les
réfections totales ou les remplacements des éléments d’équipement : pour la réfection totale de l’installation
électrique mise à la charge du bailleur alors qu’il n’était contractuellement redevable que des réparations
visées à l’art. 606 V. CA Paris, 16e ch. B, 28 sept. 2000, AJDI 2000, p. 1060 ; pour les travaux d’adaptation
de la climatisation : CA Versailles, 2 oct. 2001, RJDA 2002, no 230, p. 196.
63
bailleur (a) et sur l’opportunité financière d’insérer une clause d’accession des travaux
d’amélioration (b).
a.
Accession, travaux de modification et renouvellement
D’une part, le sort des travaux entraînant une modification notable des
caractéristiques des lieux loués est organisé et réglé par l’article R. 145-3 du Code de
commerce. Ce type de travaux implique le plus souvent une augmentation de surface. Le
juge doit s'attacher à examiner la proportion d'augmentation de surface, par rapport à la
superficie initiale, de même que sa commodité d'accès et son influence favorable ou non
pour le commerce considéré.
En principe, la charge de ces travaux incombe au bailleur sauf clause contraire. À
ce titre, le bailleur pourra invoquer une cause de déplafonnement du loyer lors du premier
renouvellement successif à la réalisation des travaux. C’est ainsi que l’opportunité pour le
bailleur est de ne pas prendre en charge contractuellement ces travaux puisqu’ils seront
réalisés par le preneur et seront une cause de déplafonnement dès le premier
renouvellement du bail commercial. Les conséquences des travaux de modification sur le
renouvellement sont différentes des travaux d’amélioration (b).
b. Accession, travaux d’améliorations et déplafonnement
L’article 546 du Code civil détermine l’étendue du droit de propriété : « La
propriété d’une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle
produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement ; ce
droit s’appelle droit d’accession ». L’article 551 dudit Code précise que : « Tout ce qui
s’unit ou s’incorpore à la chose appartient au propriétaire […] ». Or, le droit des baux
commerciaux ne régit que partiellement l’accession.
S’agissant de l’accession des travaux d’amélioration, le bailleur trouvera un intérêt
certain à insérer une clause expresse. Quant à leur sort lors du renouvellement, il est réglé
en partie par l’article R. 145-8 du Code de commerce : « Les améliorations apportées aux
lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si,
64
directement ou indirectement, notamment par l’acceptation d’un loyer réduit, le bailleur
en a assumé la charge. » La jurisprudence a déterminé le régime de ces clauses.
En premier lieu, le bailleur peut écarter le principe de l’indemnisation de l’article 555 du
Code civil versée par le propriétaire au constructeur en instaurant le principe de la gratuité
de la conservation des améliorations. Le risque pour le bailleur est qu’il ne pourra les
invoquer qu’au second renouvellement190. L’objectif est que « le locataire puisse
bénéficier au moins de la durée d’un bail entier pour amortir les travaux […] sans subir
d’augmentation de loyer de ce fait.191 » Le bailleur stratège préfèrera participer aux frais et
invoquer ce motif de déplafonnement dès le premier renouvellement192.
En second lieu, en l’absence de participation financière du bailleur, le bailleur peut
trouver une porte de sortie au regard de la date d’effet de l’accession dans la clause.
-
soit le bail indique que « le bailleur deviendra propriétaire des améliorations à la
fin du présent bail » ou ne prévoit rien, et les travaux seront un argument de
déplafonnement lors du deuxième renouvellement qui suit leur réalisation193. Le
bailleur, même en cas de résiliation deviendra propriétaire des améliorations. En
revanche, il devra attendre le départ effectif du preneur pour demander la remise
des lieux dans leur état d’origine194. Un risque se profile si les aménagements sont
détruits avant la fin du bail puisque le bailleur, ne pouvant invoquer de droit acquis
sur ces améliorations la fin du bail n’étant pas intervenue, ne pourra pas réclamer
d’indemnisation195.
-
soit elle prévoit une prise d’effet de l’accession « au départ des lieux du preneur »
c’est-à-dire en fin de jouissance. Dans ce cas, le bailleur ne disposera de la
propriété des améliorations qu’au jour du départ effectif du preneur. Or, dans ce cas
190
Civ. 3e 21 mars 2001, Bull. Civ. III, n° 35 ; AJDI 2001 p. 698 ; D. 2001, AJ p. 2039.
Revue des loyers, 2004, n° 850, note M.-C. Martinet.
192
CA Paris, 7 juin 1994, Loyers et copr. 1994, n° 295.
193
Civ. 3e 30 mai 1990, n° 89-12.061, Bull. civ. III, n° 131, Loyers et copr. 1990. comm. n° 355. –
27 nov. 1990 : Gaz. Pal. 1991, I, p. 308. -CA Paris 5 sept. 2005, Loyers et copr. 2006.
194
Civ. 3e 26 nov. 1985, Gaz. Pal. 1986, 1, 114 – CA Paris, 11 oct. 2002, n° 2001/15798, AJDI 2003
p. 35.
195
Civ. 3e 2 avr. 2003, n° 01-17.017, Bull. Civ. III, n° 76.
191
65
il y aura « neutralisation du déplafonnement196» puisqu’au jour du renouvellement,
le preneur n’aura pas effectivement quitté les lieux197.
-
Soit la clause prévoit une accession « au fur et à mesure » et cela ne pose pas de
difficultés.198
C’est ainsi que la clause d’accession est très utilisée par les bailleurs pour s’assurer
d’une cause de déplafonnement. La longue durée du bail conforte cette idée étant donné
que l’évolution rapide du commerce amène très souvent les preneurs à réaliser des travaux.
L’inflation règlementaire en matière de travaux de conformité a incité la jurisprudence à
régler son régime (2).
2.
Le sort des travaux de conformité
Les travaux de mise en conformité des locaux à la destination contractuelle sont le
troisième type de travaux rencontrés en pratique. Par exemple, l’ouverture d’un
Établissement Recevant du Public est subordonnée au respect de normes incendies
prescrites par l’autorité administrative qui suppose souvent la réalisation de travaux de
conformité. À qui incombe leur réalisation ?
En vertu de l’article 1714 du Code civil, le bailleur est soumis à une obligation de
délivrance de laquelle on tire une obligation d’entretien et une obligation de garantie. La
Cour d’appel de Paris a retenu en 2004 que les travaux de mise en conformité sont de
l’essence même de l’obligation de délivrance du bailleur199. En principe, il incombe donc
au bailleur de réaliser ces travaux. Mais, l’ordre public ne touche pas cette obligation et la
jurisprudence admet qu’elle puisse faire l’objet d’une stipulation expresse contraire et de
les mettre à la charge du preneur200. La clause, pour être valable, doit être claire, expresse,
non équivoque201 et indiquer précisément quels types de travaux sont mis à la charge du
preneur.
196
Voir supra note 18.
Civ. 3e 21 mars 2001, n° 99-16.640, Bull. Civ. n° 35, D. 2001 p. 2039 ; AJDI 2001, 698 ; JCP E
2001, 1243. - CA Paris, 16e ch. A, 12 déc. 2001, Administrer, mars 2002, p. 23. - Civ. 3e 27 mai 2003, n° 0211.666, AJDI 2003, p. 668.
198
Droit et pratique des baux commerciaux, 2011, n° 260.400, Dalloz.
199
Civ. 3e 12 déc. 2001, Loyers et copr., 2002, n° 90 ; CA Paris, 23 janvier 2004, n° 2003/05683 ;
e
Civ. 3 , 18 mai 2005, n° 04-13.798, NP, AJDI 2005, 661.
200
Civ. 3e 17 avril 1996 ; Civ. 3e 10 mai 1989 ; Civ. 3e 17 octobre 1990.
201
Soc. 11 octobre 1962
197
66
Toutefois, la portée de cette clause doit être nuancée à deux titres. D’une part, la
jurisprudence récente l’interprète de manière très restrictive. Ainsi, depuis une dizaine
d’années, la Cour de cassation n’hésite pas à sanctionner de nullité les clauses
d’acceptation des locaux « en l’état »202. D’autre part, elle refuse que lesdits travaux
réalisés par le locataire, s’ils sont nécessaires à « la mise en conformité des lieux à leur
destination contractuelle » constituent des améliorations au sens de l’article R. 145-8 du
Code de commerce susceptibles d’être invoquées au renouvellement pour obtenir une
augmentation de loyer203. Leur portée est donc très relative au regard du renouvellement
comparé aux travaux d’aménagements.
202
Civ. 3e 7 octobre 1998, n° 96-22.437, Droit et pratique des baux commerciaux – rédaction des
clauses extérieures au statut n° 260.180 ; Civ. 3e, 27 mars 2002, RJDA 6/02 n° 601 ; CA Paris 16e ch. section
B 24 mai 2007, n° RG 06/15036, Administrer 2007 n° 403 p. 77 ; Civ. 3e 9 juill. 2008, n° 07-14.631, Bull.
Civ. III, n° 121, AJDI 2008 p. 841, RD 2009.896 ; Civ. 3e 20 janvier 2009, n° 07-20.854, RTD comm. 2009
p. 694.
203
Civ. 3e, 30 juin 1999, n° 97-19.002, Defrénois 1999, 1199 ; Civ. 3e 31 oct. 1989, Bull. civ. III, n°
203 ; Civ. 3e 19 déc. 2000, n° 99-13.642, Administrer, mars 2001, p. 29 ; CA Paris 13 fév. 2004, Loyers et
copr. 2004, n° 129 ; CA Paris 13 fév. 2004, Loyers et copr. 2004, n° 129 ; CA Poitiers, 17 févr. 2004, JCP E
2005, 649.
67
PARTIE II. LES STRATÉGIES DU BAILLEUR FACE AU RENOUVELLEMENT
68
INTRODUCTION
Après avoir vu que le bailleur peut verrouiller en sa faveur le contrat de bail lors
des négociations précontractuelles, son exécution peut commencer. Pour autant, la stratégie
ne s’arrête pas cette période précontractuelle de libre négociation. Plusieurs évènements
surviennent au cours de son exécution tels que la révision triennale, la réalisation de
travaux par le preneur ou des incidents de paiement entre autres qui peuvent avoir des
effets sur le renouvellement. Quoi qu’il en soit, neuf ans plus tard, l’heure du
renouvellement retentit. Toutefois, les stratégies s’expriment différemment ou ne
s’expriment pas : soit elles sont amputées ou, dans une moindre mesure, fortement
limitées, en raison d’un dispositif légal qui dicte fortement le comportement du bailleur
(CHAPITRE I), soit elles s’expriment mais d’une manière très relative à l’instar de la
période précontractuelle, le tout incitant à proposer une refonte du statut (CHAPITRE II).
69
CHAPITRE I. LA LIMITATION STATUTAIRE DES STRATÉGIES DU
BAILLEUR
Contrairement à la phase précontractuelle où les bailleurs pouvaient asseoir leur
domination, la procédure de renouvellement du bail limite ses possibilités de trouver un
avantage. L’hypothèse étudiée dans ce chapitre suppose, dans la majorité des cas, que le
bailleur n’ait pas prévu de clause contractuelle en sa faveur.
L’article L. 145-8 du Code de commerce est un article cœur du statut puisqu’il
consacre le droit au renouvellement du preneur : « le droit au renouvellement du bail ne
peut être invoqué que par le propriétaire du fonds qui est exploité dans les lieux ». Face à
ce droit consacré, les parties peuvent envisager schématiquement deux issues : renouveler
le bail ou y mettre fin. Cependant, la loi prévoit des nuances, des possibilités de se
rétracter, de se repentir ou de discuter du loyer renouvelé entre autres. Quelles que soient
les hypothèses, la loi est beaucoup plus présente que pendant la période précontractuelle ce
qui limite les ruses du bailleur qui profiterait d’un vide juridique pour asseoir sa position
économique pendant neuf années supplémentaires.
Dans ce contexte, selon que les parties envisagent d’aboutir au renouvellement
(SECTION I) ou de mettre définitivement fin au bail commercial (SECTION II), le
bailleur est soumis à la contrainte légale ou à l’aléa judiciaire ce qui limite
considérablement son potentiel stratégique.
SECTION
I.
ABOUTIR
AU
RENOUVELLEMENT :
LE
POIDS
DES
CONTRAINTES LÉGALES ET JUDICIAIRES
Lorsque le bailleur souhaite renouveler le bail commercial, l’objectif affiché est
d’obtenir le déplafonnement du loyer renouvelé. Au préalable de cette discussion sur le
montant du loyer renouvelé, il faut une demande qui émane de l’une des parties. Que le
bailleur soit actif et demande le renouvellement, ou passif et réponde positivement à la
demande du preneur, il est exposé à des risques procéduraux importants (Paragraphe 1). De
plus, bien qu’il puisse y échapper en respectant scrupuleusement ce dispositif strict, il n’en
70
reste pas moins que la preuve d’un motif de déplafonnement soit difficile à rapporter
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1. Les risques de la procédure de renouvellement du bail commercial
Si le droit au renouvellement appartient au preneur, sa mise en œuvre peut être du
fait du bailleur (A) ou du preneur (B). Dans les deux cas, la procédure est contraignante et
expose le bailleur à des risques concernant le devenir du loyer en cas de négligence de sa
part sur les subtilités de la procédure.
A.
Le strict respect du formalisme du congé
L’article L. 145-9 alinéa 1 du Code de commerce dispose : « Par dérogation aux
articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis aux dispositions du présent
chapitre ne cessent que par l’effet d’un congé donné pour le dernier jour du trimestre et au
moins six mois à l’avance ». À la lecture de cette disposition, il en est déduit que le
principe en la matière est que le renouvellement du bail n’est pas automatique et peut être
issu d’un congé à l’initiative du bailleur. Les risques liés au non-respect de la forme (1) et
au contenu du congé doivent être étudiés (2) avant d’analyser ceux liés au non-respect du
moment de sa délivrance (3).
1.
Le risque lié au non-respect de la forme du congé
Le congé est un acte au cœur de la procédure de renouvellement. La jurisprudence
l’a défini comme un « acte juridique unilatéral qui, régulièrement délivré, met fin au bail
et à l’obligation de payer le loyer par la seule manifestation de volonté de celui qui l’a
délivré 204». Il faut se méfier du sens et de la portée de cette définition et garder à l’esprit
que le congé met uniquement fin au précédent bail commercial et ouvre par la même
occasion une période pendant laquelle les parties vont discuter de l’issue du
204
Civ. 3e 12 juin 1996 n° 1068 P : RJDA 10/96 n° 1164 ; Civ. 3e 4 fév. 2009 n° 07-20.980 FS-PBI :
RJDA 10/09 n° 815.
71
renouvellement et plus particulièrement du loyer renouvelé et de la mise en place
d’éventuelles nouvelles conditions.
En tout état de cause, le bailleur qui ne respecterait pas les règles du congé se
verrait exposé au principal risque que le contrat soit conclu aux conditions du bail
précédent par tacite reconduction sans possibilité de modifier le loyer renouvelé. Aucune
perspective de déplafonnement ne serait donc envisageable.
L’article L. 145-9 alinéa 5 dispose : « le congé doit être donné par acte
extrajudiciaire ». Malgré la force de l’intervention de l’huissier de justice dans cet acte, cet
article n’est pas une disposition d’ordre public visé par l’article L. 145-15 du Code de
commerce. Ainsi, le bailleur pourrait être tenté de délivrer une lettre simple, une lettre
recommandée avec accusé réception, ou de faire une annonce verbale afin de troubler le
preneur en faisant courir le délai de prescription et de l’empêcher indirectement d’engager
une action judiciaire en contestation de loyer croyant que la procédure était régulière.
Toutefois, sa stratégie est amputée par la jurisprudence. En effet, elle est intervenue pour
frapper cette disposition d’ordre public. Ainsi, les parties ne peuvent pas se détourner de
cette forme par voie contractuelle205 même si le contrat de bail conserve sa validité206.
C’est ce que la jurisprudence a appliqué par exemple en 2000 en retenant que le congé
donné par lettre recommandé avec avis réception est nul, nonobstant une clause contraire
insérée au bail207. Plus précisément, la sanction est la nullité relative. Elle ne peut être
soulevée que par le destinataire de l’acte208 (le preneur) même en l’absence de préjudice
puisque qu’il s’agit d’un vice de fond au sens de l’article 119 du Code de procédure
civile209. Le bailleur doit également respecter les règles relatives au contenu du congé (2).
205
Civ. 3e 4 mars 1992 n° 429 ; RJDA 5/92 n° 434 ; Civ. 3e 13 janvier 1999 n° 42 : RJDA 3/99 .269.
Civ. 1ère 7 avril. 1999 n° 97-10.067 : Loyers et copr. 1999 comm. n° 2111 à propos d’une
résiliation triennale.
207
Civ. 3e 13 déc. 2000: Bull. civ. III, n° 187 ; D. 2001. AJ 551, obs. Rouquet; ibid. 2001.Somm.
3521, obs. Rozès.
208
Civ. 3e 20 déc. 1982, n° 81-13.495 : Bull. Civ. III n° 257 ; Civ. 3e 19 mai 1993 n° 91-16.254 ;
e
Civ. 3 18 mai 1994 n° 906 : RJDA 8-9/94 n° 915 ; CA Paris 29 mai 1998, 16e ch. B : D. aff. 1998 p. 1306 ;
Civ. 3e 15 septembre 2010 n° 09-15.192 FS-PB : RJDA 1/11 n° 20.
209
Civ. 3e, 8 juin 1982, n° 1022 : Bull. Civ. III n° 146 ; Civ. 3e 13 décembre 2000 n° 1680 FS-PB ;
CA Versailles 2 février 1995 12e ch. 1e section : RJDA 5/95 n° 552.
206
72
2.
Contenu du congé : la fausse opportunité de proposer le montant
du loyer renouvelé ultérieurement au congé
Outre le fait que le bailleur doit impérativement préciser les motifs du congé
(accepter le renouvellement) et les délais dans lesquels le preneur peut contester ce
montant, il n’en est pas de même de la proposition de loyer.
En effet, en principe le bailleur doit « faire connaître le loyer qu’il propose » selon
les termes de l’article L. 145-11 du Code de commerce. Néanmoins, l’article R. 145-1
dudit Code lui permet de le notifier ultérieurement par acte extrajudiciaire, dans le
mémoire ou par lettre recommandée avec accusé réception.
En revanche, s’il ne propose aucun loyer, la sanction emporte des conséquences
financières importantes au regard de l’article L. 145-11 du Code de commerce puisqu’il
prévoit que « le nouveau prix est dû à compter de la demande qui est faite ultérieurement».
Ainsi, si le bailleur n’a pas tous les éléments en raison du retard de publication de l’indice
de plafonnement par exemple il fixera un loyer provisoire : le nouveau loyer sera
retardé210, les intérêts également et l’ancien loyer sera appliqué jusqu’à la notification
d’une demande chiffrée. Étant donné que la fixation du loyer renouvelé et l’acceptation du
renouvellement du preneur sont deux phases distinctes, le preneur qui accepte le
renouvellement sans proposition de loyer, c’est le loyer de l’ancien bail qui s’appliquera211
et ce en défaveur du bailleur. En outre, le bailleur peut tenter de troubler le preneur en
délivrant un congé précoce mais cette tentative est également vaine (3).
3.
La délivrance précoce d’un congé : la limitation de la seule
véritable stratégie
L’article L. 145-9 du Code de commerce précise que le congé doit être délivré six
mois avant la fin de l’échéance contractuelle avec effet pour le dernier jour du trimestre
civil, soit les 31 mars, 30 juin, 30 septembre et 31 décembre de l’année. Le bailleur doit
donc être prévenant et anticiper ce délai.
210
211
CA Paris, 9 juillet 1975, Ann. L. 1976-1110 ; Poitiers, 15 mars 1992, Ann. L. 1992-1077.
Civ. 3e 17 avr. 1996, no 94-17.181, AJPI 1996, p. 1014, Rev. Huissiers 1997, p. 496.
73
Comme la durée du bail, ce délai de six mois n’est qu’un minimum et le bailleur
peut être tenté de délivrer un congé bien avant l’échéance contractuelle. Ainsi, il pourrait
désorganiser les prévisions d’un preneur profane qui oublierait la prescription par exemple.
De cette façon, il pourrait également augmenter ses possibilités de rétracter son offre212 en
fonction de ses intérêts puisque la jurisprudence retient que tant que le preneur n’a pas
accepté le principe du renouvellement et s’agissant d’un acte unilatéral, le bailleur peut
rétracter son offre.
Quoi qu’il en soit, la jurisprudence ne frappe pas de nullité le congé donné pour une
date prématurée213. Elle limite pourtant ses effets puisqu’elle considère qu’il continue à
produire ses effets à compter de la date à laquelle il aurait dû être donné214.
De plus, la jurisprudence veille aux procédés frauduleux. Ainsi, un congé délivré sept
années avant le terme du contrat sans offre de renouvellement ni indemnité d’éviction par
le bailleur cédant a été annulé car délivré dans le seul but de faire obstacle au droit au
renouvellement du preneur, non immatriculé lors de la signification et par collusion
frauduleuse entre les bailleurs successifs 215.
Enfin, si le bailleur a gardé le silence dans les six mois précédant la fin du bail et
que le preneur ne réagit pas, le bail est conduit par tacite reconduction aux conditions du
bail antérieur puisqu’à « défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail se
poursuit par tacite reconduction » selon l’article L. 145-9 alinéa 2. Le bailleur a donc tout
intérêt à respecter la procédure relative au congé.
En définitive, ces illustrations montrent que le bailleur ne peut pas tenter de troubler
le preneur en détournant les règles du congé sous peine de voir son congé annulé et le bail
antérieur reconduit au prix antérieur. De même, le cadre légal limite ses possibilités
lorsqu’il doit répondre à la demande du preneur (B).
212
CA Lyon, 25 avril 1967, Ann. L. 1968-1567.
Civ. 3e 9 nov. 1981 : Gaz. Pal. 1981, 1, panor. p. 130 ; CA Paris, 16 e ch., sect. B, 16 déc. 2002 :
Administrer mai 2003, p. 27, obs. Boccara.
214
Civ. 3e 10 janv. 2007: Bull. civ. III, n° 1 ; D. 2007. AJ 298, obs. Rouquet ; AJDI 2007. 480, note
Zalewski ; Rev. loyers 2007. 135, obs. Rémy.
215
Civ. 3e 5 mars 2008, Bull. civ. III, n° 38 ; D. 2008. AJ 848, obs. Rouquet; AJDI 2008. 668, note
Denizot ; à propos de cet arrêt, v. aussi Monéger, Loyers et copr. 2008, Repère n° 4 ; v. aussi Com. 2 mars
1960, Bull. civ. III n° 89 ; Com. 11 fév. 1965 ; Civ. 3e, 5 mars 2008, Loyers et copr. 2008, comm. 131.
213
74
B.
L’adaptation forcée du comportement du bailleur face à la demande de
renouvellement du preneur.
La seconde alternative lors de l’approche du renouvellement est la demande de
renouvellement à l’initiative du preneur. L’hypothèse étudiée est celle dans laquelle le
bailleur répond positivement à cette demande. Toutefois, il doit encore veiller à ce que la
procédure n’entache pas la seconde phase de la fixation du loyer renouvelé. La stratégie
consiste plutôt ici à anticiper les risques du calendrier de la procédure. Ainsi, deux points
sont à approfondir : l’exigence de réponse du bailleur dans les trois mois à compter de la
demande du preneur (1) et l’expression de la réponse du bailleur (2).
1.
La confirmation indirecte de la nécessité de respecter les règles
procédures : le cas des actes croisés.
La demande de renouvellement du preneur semble être un « subsidiaire au
congé216». L’article L. 45-9 du Code de commerce indique de manière très pure que « les
baux ne cessent que par l’effet d’un congé » sans distinguer selon qu’il émane du preneur
ou du bailleur. Néanmoins, l’article suivant semble instaurer une hiérarchie par
l’assertion selon laquelle c’est uniquement « à défaut de congé » que le locataire pourrait
demander le renouvellement. Des auteurs concluent que dans « l’esprit du texte, la
demande du locataire est superflue si le bailleur a pris l’initiative du congé »217.
Quoi qu’il en soit, la pratique révèle l’utilité pour le preneur de demander le
renouvellement malgré un congé du bailleur. En effet, si le congé du bailleur prend effet à
une date postérieure à l’échéance contractuelle prévue pour l’expiration du bail (si le
bailleur délivre un congé le 31 décembre 2010 prenant effet le 30 juin 2010 pour un bail
qui devrait expirer contractuellement le 1er avril 2011), le preneur peut toujours demander
le renouvellement pour que son bail se termine à l’échéance contractuelle et non pas
postérieurement. L’utilité pour le preneur, eu égard à la longueur des procédures, est de
provoquer un renouvellement plus rapide et de ne pas subir d’éventuels faits nouveaux qui
auraient des incidences sur le déplafonnement du loyer. Par exemple, si une station de
216
217
Droit et pratique des baux commerciaux, Dalloz, p. 343.
Ibidem.
75
métro était en construction à proximité du local depuis deux ans et que les travaux ont pris
fin en avril mais que l’affluence de la nouvelle clientèle a eu des effets sur son commerce à
proximité de la fin du bail, le bailleur pourrait l’invoquer en faveur du déplafonnement
alors même que le bail devait être terminé. Or, la Cour de cassation a décidé que le
nouveau bail prenait effet à l’expiration du bail et non pas postérieurement (dernier jour du
trimestre civil) : « en présence d’un congé délivré par le bailleur pour une date postérieure
à celle contractuellement prévue pour l’expiration de la location, le locataire conserve
[…] la faculté de faire échec à la poursuite de son bail au-delà du terme contractuel et
d’en obtenir le renouvellement »218. Pour mémoire, on notera qu’un revirement partiel de
jurisprudence a distingué ce cas de l’hypothèse d’un congé avec refus de renouvellement
pour une date postérieure à l’échéance contractuelle dans laquelle le preneur ne peut pas
délivrer de demande de renouvellement219.
Ainsi, la stratégie du bailleur qui aurait consisté à délivrer un congé prenant effet
postérieurement à l’échéance contractuelle pour se réserver des motifs éventuels de
déplafonnement est freinée par la jurisprudence qui protège le preneur. De même, le
bailleur doit être prudent quant à la forme de sa réponse (2).
2.
La manipulation prudente de la forme de la réponse du bailleur
L’article L. 45-10 alinéa 4 dispose : « Dans les trois mois de la signification de la
demande en renouvellement, le bailleur doit, dans les mêmes formes, faire connaître au
demandeur, s’il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. À défaut
d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le
principe du renouvellement du bail précédent ». À la lecture de cette disposition, on note
que le bailleur dispose de trois mois pour répondre à la demande du bailleur. Le choix
d’imposer la forme du congé s’explique par le fait que l’objet même du congé est
d’exprimer la volonté de l’une des parties.
Le bailleur doit rester prudent dans son comportement pendant ce délai. On
distingue classiquement l’acceptation expresse de l’acceptation tacite.
218
Civ. 3e 13 fév. 1980 n° 78-12.522 : Bull. Civ. III n° 38 ; Civ. 3e 3 nov. 1988, n° 87-15.941 et 21
déc. 1988 n° 87-18.501, JCP 1990, II, 21449 ; Civ. 3e 27 nov. 1990 Loyers et Copr. 1992, n° 76 ; Civ. 3e 18
déc. 1991, n° 90-10.109 Bull. Civ. III n° 323 ; Civ. 3e 1er octobre 1997, AJPI 1998, 108.
219
Civ. 3e 21 février 2007 n° 167 FS-PBR : RJDA 5/07 n° 455.
76
S’agissant de l’acceptation expresse, si elle ne pose pas de difficulté dans sa
manifestation, son contenu doit être connu. En effet, le bailleur qui veut obtenir une
modification du loyer (soit dans la majorité des cas) doit faire connaître dans sa réponse le
montant qu’il propose. S’il ne le fait pas, il s’expose à un risque de taille puisque le
nouveau loyer ne sera dû qu’à compter de la demande ultérieure comme le permet l’article
R. 145-1 du Code de commerce précédemment évoqué. Ce décalage englobe le loyer dû et
ses intérêts.
Concernant l’acceptation tacite, celle-ci présente encore plus de dangers. La
disposition légale précise expressément qu’en l’absence d’acceptation dans les trois mois
le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent. Son
silence équivaut à une « acceptation de principe de cette demande »220
221
. Ainsi, le
bailleur est réputé avoir accepté le renouvellement qui aura lieu aux conditions du bail
antérieur expiré ce qui n’est pas le dessein du bailleur. Si le montant du loyer peut être
discuté et fixé ultérieurement, il n’en reste pas moins que si la prescription biennale est
acquise, c’est le loyer du bail expiré qui s’appliquera en plus de ses conditions.
De plus, la jurisprudence considère que le bailleur qui accepte le renouvellement ne
peut plus alléguer des manquements du preneur antérieurs au renouvellement222. S’il
conserve la faculté de se rétracter et de refuser le renouvellement, il en est de même
puisque la jurisprudence lui interdit d’invoquer des causes de refus qu’il connaissait au
moment de l’expiration du délai de trois mois223.
En définitive, que le bailleur demande le renouvellement en vue d’obtenir le
déplafonnement ou accepte la demande du renouvellement du preneur, son potentiel
stratégique est limité par la loi et la jurisprudence. Une négligence de sa part peut être
lourde de conséquences au regard du montant du futur loyer renouvelé. En cas de réussite
de cette étape procédurale et de désaccord sur le montant du loyer, l’avancée de la
procédure ne penche pas en faveur du bailleur qui doit apporter la preuve d’une cause de
déplafonnement (Paragraphe 2).
220
Mémento Expert Francis Lefebvre, Baux commerciaux, 2011-2012, n° 70360.
Civ. 3e 30 janvier 1991 n° 286 P ; Civ. 3e 17 juillet 1991 n° 90-10.102 : Bull. Civ. III n° 213 ;
e
Civ. 3 30 mai 1996 n° 976 : RJDA 8-9/96 n° 1026.
222
CA Paris 2 juillet 2008 n° 06-6576, 16e ch. A : Loyers et copr. 2008 comm. n° 249.
223
Civ. 3e 4 mai 1982, Gaz. Pal. 1982, 2, pan. p. 281.
221
77
Paragraphe 2. L’encadrement de la preuve d’une modification notable d’un motif de
déplafonnement
L’une des causes de déplafonnement des loyers des baux renouvelés est la preuve
d’une modification notable d’un élément de la valeur locative. Ce domaine recouvre une
large part du contentieux des baux commerciaux puisque le juge contrôle ce montant
donnant à ce domaine un caractère « éminemment judiciaire224 ».
Dans le sens commun, le déplafonnement est la suppression d’un plafond, de la
limite supérieure, d’un seuil de quelque chose. Appliqué aux baux commerciaux, le
déplafonnement consiste à fixer le loyer renouvelé au-delà des plafonds légaux préconisés
par les articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce. L’objectif du bailleur face au
renouvellement est d’augmenter son loyer pour neuf années supplémentaires. Dans cet
optique, la loi ne dénie pas la nécessité de faire corroborer les loyers à la réalité du marché
de par la reconnaissance de la valeur locative. Toutefois, l’interprétation du juge est
déterminante en la matière (B) ce qui oblige le bailleur qui n’a pas organisé
contractuellement ce moment, à se soumettre à la liste légale limitative qui est rigide (A).
Le tout démontre que le champ stratégique probatoire du bailleur est doublement limité
légalement et judiciairement.
A.
L’encadrement légal du contenu de la preuve
Sans entrer dans la discussion sur les motifs que la jurisprudence a admis ou non, il
s’agit de démontrer plus largement que la loi a encadré strictement l’objet de la preuve : le
bailleur doit impérativement prouver qu’il y a eu une modification notable d’une ou de
plusieurs causes de déplafonnement listées limitativement et rigoureusement par les
dispositions légales et règlementaires (1). De plus, il doit respecter les conditions
temporelles fixées par la loi (2).
224
Mémento Expert Baux commerciaux Francis Lefebvre 2011-2012 n° 54000 p. 625
78
1.
Le respect du contenu probatoire
La condition nécessaire à l’intervention judiciaire est l’absence d’accord des parties
(a). Dans ce cas, la loi a mis en place une liste limitative à laquelle doit se soumettre le
bailleur (b).
a.
Un prérequis à l’appréciation légale de la valeur locative :
l’absence d’accord des parties
L’article L. 145-33 du Code de commerce dispose : « Le montant des loyers des
baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. À défaut d’accord cette
valeur est déterminée d’après : 1° les caractéristiques du local considéré ; 2° la
destination des lieux ; 3° les obligations respectives des parties ; 4° les facteurs locaux de
commercialité ; 5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage. » Cette liste n’est
prévue « qu’à défaut d’accord » entre les parties. Or le contentieux en la matière démontre
que la plupart du temps, les parties contestent le montant du loyer renouvelé proposé par le
bailleur. De plus, la Cour de cassation semble favoriser implicitement la multiplication du
contentieux judiciaire. En effet, elle a reconnu le 10 mars 2010 le caractère facultatif de la
saisine de la commission départementale de conciliation prévue à l’article L. 145-35 du
Code de commerce, supprimant ainsi une étape fondamentale qui, si elle était imposée,
inciterait à l’amiable plutôt qu’à la résolution judiciaire du conflit et ce d’autant plus que
ces avis sont souvent repris par les juges du fond malgré leur caractère informatif. En
l’absence d’accord entre les parties, la loi et le juge prennent le relais et le bailleur doit se
référer à la liste légale limitative (b).
b. La référence stricte à la liste légale limitative
La preuve d’une modification notable d’une cause de déplafonnement est encadrée
par une liste limitative légale. C’est une sorte de mémoire à destination des parties et de
leurs avocats mais aussi des juges qui a le mérite de recouvrir tous les éléments
susceptibles d’influer sur la valeur locative d’un local commercial. Il n’en reste pas moins
que le bailleur ne puisse pas invoquer un élément extralégal. À l’inverse, la pratique
79
rapporte qu’il est inutile pour les avocats des preneurs d’invoquer « la veuve et l’orphelin »
ou l’abus de faiblesse par exemple dans cette matière hautement technique.
De plus, les bailleurs peuvent invoquer un ou plusieurs éléments, mais encore fautil que ceux-ci soit expressément énumérés dans la loi. C’est ainsi que la Cour de cassation
adopte une interprétation restrictive et a considéré par exemple que les juges du fond
avaient violé les textes alors qu’ils avaient admis le déplafonnement au motif de la
commission d’une infraction pour non-respect de la destination du bail. Ce motif n’est pas
inscrit dans la liste légale225 et il ne peut pas être invoqué. Le bailleur doit respecter
strictement cette liste mais également la scène temporelle mise en place par la loi (2).
2.
Le respect de la scène temporelle législative
Le droit français a mis en place des baux de longue durée et a accordé de surcroît
un droit au renouvellement au preneur pour les faire perdurer dans le temps et lui permettre
de conserver un élément fondamental de son fonds de commerce. À ce titre, il n’était pas
question pour le législateur d’ouvrir la porte à des motifs de déplafonnement obsolètes
datant d’un voire de deux renouvellement antérieurs.
C’est ainsi que la modification doit être survenue pendant la durée du bail
commercial expiré et avant la prise d’effet du bail. C’est une solution classique retenue
depuis le 19 novembre 1975226. Les juges prennent en compte toute la durée du bail expiré
jusqu’au jour de son échéance contractuelle227. C’est là tout l’intérêt pour le preneur de
demander le renouvellement face à un congé du bailleur prenant effet après la période
précontractuelle comme il a été étudié précédemment. A contrario, les modifications du
nouveau contrat de bail ne sont pas prises en compte, ni les modifications prévisibles ou
futures.
En cas d’incertitude sur la date de la modification d’une cause de déplafonnement,
les juges de la Cour d’appel de Paris ont jugé qu’elle ne peut servir à fonder un
déplafonnement du loyer. Encore une fois, les juges procèdent à une interprétation
225
Civ. 3e 8 janvier 1997, n° 95-11.482, Gaz. Pal. 1997, 1, 211 ; Civ. 3e 26 nov. 1997, n° 96-11.191,
Administrer, janv. 1998, p. 42 ; CA Paris 16e ch. A. 21 février 2005, n° 2004/05531, AJDI 2005, 575.
226
Civ. 3e 19 novembre 1975, n° 74-13.168
227
Civ. 3e 27 juin 2001, n° 99-21.801, Administrer, nov. 2001, p. 32 ; Civ. 3e 26 sept. 2001, n° 0013.924, Administrer, janv. 2002 p. 26.
80
restrictive des conditions temporelles posées par le législateur ce qui ne favorise pas la
condition du bailleur.
Qu’en est-il des hypothèses où plusieurs renouvellements ont eu lieu ?
La Cour de cassation considère que les motifs pris en compte lors d’un
renouvellement ne peuvent plus l’être lors des renouvellements successifs. Par exemple,
dans l’hypothèse où les parties en sont à leur troisième renouvellement consécutif, les
modifications survenues pendant le bail n°1 ont été prises en compte pour le
renouvellement n°2 et elles ne pourront plus être prises en compte lors du renouvellement
n°3. La Cour d’appel de Paris est allée plus loin en considérant que, si le bailleur n’avait
pas invoqué ces modifications lors de l’avant dernier bail (soit le bail n°2 dans l’exemple),
il est présumé y avoir renoncé228.
Deux précisions doivent être évoquées. La première concerne l’exception relative
aux travaux d’amélioration. Le bailleur pourra les invoquer lors du second renouvellement
qui suit les travaux sans considérer qu’il y a renoncé lors du premier renouvellement229sauf
omission230. La seconde précision concerne l’appréciation de la date de modification des
facteurs locaux de commercialité. Par exemple, lorsque les avocats plaident l’augmentation
de la population d’un quartier, à un jour près le déplafonnement peut avoir ou ne pas avoir
lieu. Que doit-on prendre en compte ? L’existence de la modification ou ses effets sur
l’activité exercée par le preneur ? Aucune décision n’est claire mais la Cour de cassation a
censuré une Cour d’appel qui a anticipé l’évolution probable de la population231. En outre,
la casuistique rend d’autant plus aléatoire l’efficacité de la preuve apportée par un bailleur
(B).
B.
La preuve d’un motif de déplafonnement à l’épreuve des tribunaux
La preuve d’une cause de déplafonnement n’est pas en soi difficile à établir puisque
la liste légale couvre une grande partie des cas. De plus, avec l’aide des investigations de
l’avocat et éventuellement d’une expertise privée, la preuve d’une modification notable
d’un élément de la valeur locative n’est pas insurmontable bien qu’elle demeure très
228
CA Paris 16e ch., 2 févr. 2001, AJDI 2001, 339.
Civ. 3e 30 mai 1990 n° 89-12.061.
230
Civ. 3e 12 juillet 1999 n° 97-21.2000, Administrer, oct. 1999, p. 31 – Civ. 3e, 22 mars 1995, n°
93-14.282, Administrer, août-sept. 1995.
231
Civ. 3e 4 février 1997 n° 201 : Administrer juin 1997 p. 27, Loyers et copr. 1997 comm. n° 144.
229
81
technique. En revanche, l’intervention du juge dans la procédure peut être fatale pour un
bailleur qui se verrait refuser le déplafonnement. En effet, les juges du fond disposent d’un
pouvoir souverain dans l’appréciation de la preuve des modifications notables qui leur sont
soumises à plusieurs titres ce qui soumet le bailleur à une incertitude latente quant à
l’efficacité de sa démonstration et aux conséquences sur son loyer.
D’une part, les juges apprécient souverainement le caractère « notable » de la
modification. Un raisonnement a contrario laisse percevoir qu’une simple modification
serait insuffisante à prouver un déplafonnement du loyer. Toutefois, aucune définition
juridique de la notion n’existe laissant l’appréciation souveraine des juges du fond
s’exercer amplement232. En effet, alors qu’il a été prévu en matière de révision un
pourcentage objectif (augmentation de plus de 25 % de la valeur locative), ce sont aux
juges du fond qu’il appartient de reconnaître le caractère notable en matière de
renouvellement. C’est pourquoi des décisions contraires peuvent être rendues233 ou
plusieurs modifications peuvent être retenues comme formant une modification notable234.
La Cour de cassation exerce tout de même un contrôle constant au niveau de l’importance
et de la caractérisation des modifications et retient qu’elles doivent avoir « affecté
l’équilibre de la convention »235. De la même manière, les juges du fond disposent d’un
pouvoir souverain d’appréciation sur l’effet potentiel de l’activité sur le commerce
considéré.
D’autre part, les juges du fond apprécient souverainement le lien de causalité entre
la modification notable et l’intérêt pour le commerce effectivement exploité. La Cour de
cassation contrôle cet élément236. Par exemple, le lien de causalité ne sera pas démontré s’il
y a la démonstration d’une augmentation de la clientèle mais que l’activité exercée par le
preneur n’en dépend pas. La jurisprudence a retenu dans ce sens que l’augmentation de
232
Civ. 3e 25 juin, 1975, n° 74-13.069, Bull. Civ. III n° 219 ; AJPI 1975,898 ; Civ. 3e, 25 janv.
1977 : Gaz. Pal. 1977 I pan. p. 164 ; Civ. 3e 3 juin 1992 n° 996 : RJDA 8-9/2 n° 811, Administrer juin 1993
p. 22 ; Civ. 3e 2 décembre 1998 n° 1753 PB : RJDA 2/99 n° 155 ; Civ. 3e 6 nov. 2001, n° 00-17.220, NP,
AJDI 2002, 215 ; Civ. 3e 24 mars 2004 N° 366 FS-PB : RJDA 6/04 n° 679 ; Civ. 3e 5 mai 2004, n° 0310.477, Bull. civ. III, n° 90 : D. 2004, n° 21, 1526.
233
Déspécialisation : Civ. 3e 3 mars 1981 Gaz. Pal. 1981, 2, somm. p. 226 – Civ. 3e 6 oct. 1981,
Gaz. Pal. 1982, 1, pan. p. 63.
234
Civ. 3e 6 nov. 2001, n° 00-17.967, Administrer, févr. 2002, p. 25 ; AJDI 2002 p. 216 ; Civ. 3e 30
juin 2004, n° 03-10.754, Bull. Civ. III, n° 138 ; D. 2004, AJ 2232 ; AJDI 2005, 131.
235
Civ. 3e 5 mai 2004, n° 03-10.477, Bull. civ. n° 90 ; AJDI 2005, 27.
236
Civ. 3e 30 juin 2004 N° 810 F-PBI : RJDA 10/04 1095.
82
40% de la population est sans influence sur l’activité d’entrepôt et de location de matériel
pour le cinéma et la télévision237 par exemple.
Enfin, d’autres éléments augmentent l’incertitude des bailleurs quant aux chances
de succès de la procédure. C’est le cas de la possibilité offerte aux juges de solliciter un
expert ayant connaissance du marché en vue de fixer le montant du loyer renouvelé. Il est
un auxiliaire occasionnel du juge auprès de qui il doit rendre compte. À l’issue de ses
recherches et des éventuelles discussions avec les parties, il dresse un rapport qui a la
valeur d’un avis et qui ne lie pas le juge qui conserve son appréciation souveraine. À
l’issue de sa mission, le juge peut soit adopter les conclusions de l’expert, soit les rejeter,
soit demander une expertise complémentaire. Quoi qu’il en soit, l’influence du rapport
d’expertise dans la procédure de fixation du loyer renouvelé est considérable puisque
l’expert, grâce à sa position objective d’arbitre, apporte des éléments objectifs au juge.
Un autre élément de caractère sociologique et économique augmente l’incertitude
des bailleurs. Il s’agit de la tendance générale des décisions des juges du fond qui va plutôt
vers un refus du déplafonnement des loyers ou, du moins, au contrôle de son augmentation.
Par exemple, la ville de Lille assiste depuis quelques années à une augmentation
considérable des loyers de renouvellement suite aux profondes mutations de la ville et aux
déplafonnements accordés légalement par les juges tenus par la lettre du texte. Dans ce
contexte, les praticiens constatent la « tendance baissière238 » des juges du fond. En réalité,
le législateur souhaitait que les juges jouent leur rôle de régulateur économique étant donné
leur ancrage local. La marge accordée à l’appréciation souveraine leur permet ainsi de
juguler les « surloyers » pour plus d’équilibre dans le respect du cadre législatif et
réglementaire. Ce contexte judiciaire augmente toutefois l’incertitude des bailleurs quant à
leur chance de déplafonner le loyer et entrave toute stratégie.
En définitive, le bailleur qui souhaite proposer le renouvellement ou accepter la
demande de renouvellement du preneur est enfermé dans un cadre législatif et
réglementaire strict. Toute tentative de détournement est anticipée et empêche le bailleur
de ruser ou de troubler le preneur. Le poids de la procédure et de l’intervention du juge
jouent leur rôle de garants de la sécurité juridique et de régulateurs de la vie économique.
237
CA Versailles, 21 oct. 1983, Gaz. Pal. Tables 1984, « Baux commerciaux », n° 63.
« La justice adoucit le Vieux-Lille », 20 minutes, édition de Lille, 7 octobre 2010,
Lien hypertexte : http://www.20minutes.fr/art./605739/lille-la-justice-adoucit-vieux-lille
238
83
De même, lorsque le bailleur souhaite refuser le renouvellement au preneur, son
comportement est encadré strictement par la loi (SECTION II).
SECTION II. REFUSER LE RENOUVELLEMENT : LES RISQUES PESANT SUR
LE BAILLEUR
La seconde option qui appartient au bailleur à la fin du bail commercial est de
refuser le renouvellement et de mettre fin à sa relation juridique avec le preneur. Cette
faculté se justifie au regard du droit de propriété du bailleur qui n’a donc pas besoin de
motiver son refus. Toutefois, la concurrence avec la propriété commerciale du preneur a
entraîné un aménagement du régime. Dans l’hypothèse où il refuse, le problème se déplace
de la fixation du loyer renouvelé au paiement ou non d’une indemnité d’éviction. Ainsi, le
bailleur a une option : il peut refuser le renouvellement de manière discrétionnaire et payer
une indemnité d’éviction (Paragraphe 1) ou, pour échapper au paiement d’une indemnité
d’éviction, invoquer notamment un motif grave et légitime (Paragraphe 2). Dans les deux
situations, la stratégie du bailleur est contrecarrée par des dispositions législatives et
réglementaires strictes qui encadrent la procédure et, surtout, la charge financière des
parties.
Paragraphe 1. Le refus de renouvellement et le paiement d’une indemnité d’éviction
Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail commercial au preneur sans motif
à condition de lui verser une indemnité d’éviction. Encore une fois, l’aspect procédural
joue un rôle important même s’il est d’une vigueur moins forte que dans les cas où il
accepte le renouvellement (A). De plus, l’enjeu financier est important puisque l’assiette de
l’indemnité d’éviction peut dissuader le bailleur de refuser le renouvellement (B).
84
A.
L’atténuation des risques liés à la procédure
La faculté de refuser de renouvellement est organisée par l’article L. 145-14 du
Code de commerce : « le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. ». La loi
subordonne l’exercice discrétionnaire de cette faculté à une obligation : « Toutefois, le
bailleur doit, sauf exceptions […] payer au locataire évincé une indemnité d’éviction égale
au préjudice causé par le défaut de renouvellement ». A cet égard, il convient d’étudier le
fondement de l’indemnité d’éviction (1) et le contenu atténué du congé portant refus de
renouvellement (2).
1.
Le fondement de l’indemnité d’éviction
La rédaction de l’article L. 145-14 du Code de commerce a soulevé deux
interprétations possibles. D’une part, certains auteurs ont expliqué l’indemnité d’éviction
par la théorie de l’abus de droit. Selon eux, le bailleur, en refusant sans motif le
renouvellement, abusait de l’exercice de son droit de propriété et devait indemniser le
cocontractant du préjudice de l’éviction discrétionnaire. Or, l’abus de droit suppose
l’intention de nuire et l’absence d’intérêt personnel qui ne sont pas présents dans
l’hypothèse de l’article L. 145-14 du Code de commerce. De plus, l’abus de droit suppose
en règle général un fait fautif et non pas une abstention. Une autre interprétation est plus
plausible.
Les fondements de l’article L. 145-14 du Code de commerce résident dans la
volonté du législateur de concilier deux droits concurrents sur le local : le droit de propriété
à valeur constitutionnelle du bailleur, et le droit à la propriété commerciale du preneur.
Ainsi, le refus de renouvellement n’est qu’une faculté ouverte au bailleur ce qui
implicitement revient à admettre qu’il peut recouvrer la disposition de son droit de
propriété. En effet, le législateur ne pouvait pas porter atteinte au droit de propriété à
valeur constitutionnelle du bailleur en exigeant qu’il accorde le renouvellement de manière
automatique sous peine de violer ce droit mais également le principe absolu de
l’interdiction des contrats perpétuels. De plus, il devait trouver un aménagement afin que la
propriété commerciale du preneur exprime toute sa force au moment le plus opportun, soit
à la fin du contrat de bail étant donné que le local commercial est un élément déterminant
85
de son fonds de commerce. C’est ainsi que la contrepartie par le paiement d’une indemnité
d’éviction permet de concilier ces deux intérêts.
Dans ce contexte, le droit de propriété du bailleur, en principe absolu, subit une
atteinte frontale par l’exigence de payer une telle indemnité au locataire évincé justifié par
le préjudice causé par l’éviction. Aucune contrepartie à l’atteinte au droit de propriété n’est
envisagée ; pire, l’assiette de l’indemnité d’éviction peut être très importante.
Ainsi, toute stratégie du bailleur est réduite à néant s’il n’a pas été prévu de clause
réglant le montant de l’indemnité ou s’il ne trouve pas d’accord amiable puisqu’il sera le
débiteur d’une indemnité d’éviction à compter du jour du refus de renouvellement239.
S’agissant d’une dette personnelle au bailleur (et non au propriétaire de l’immeuble), en
cas de vente, il ne sera pas déchargé de son obligation. Qu’en est-il des règles entourant la
communication de l’exercice de cette faculté au preneur ? (2)
2.
Le contenu léger du congé portant refus de renouvellement
S’agissant de l’acte par lequel le bailleur manifeste sa volonté de refuser le bail
avec offre d’indemnité d’éviction, il s’agit comme en matière d’acceptation d’un congé
mettant fin au bail. Ce congé doit être donné dans les formes et les délais prévus par
l’article L. 145-9 du Code de commerce à savoir, par acte extrajudiciaire et au moins six
mois à l’avance pour le dernier jour du trimestre civil. Cette disposition est d’ordre public.
S’agissant du motif du refus de renouvellement, il fait l’objet d’une interprétation
jurisprudentielle différente de la lettre de la loi. Alors que l’article L. 145-9 dernier alinéa
du Code de commerce exige à peine de nullité que le bailleur motive le congé, la
jurisprudence estime que cette motivation n’est pas requise pour la validité du congé. Elle
fonde sa décision sur le caractère discrétionnaire du refus et de l’option ouverte au
bailleur240.
Concernant le contenu du congé, le bailleur doit toutefois impérativement
communiquer son offre d’indemnité d’éviction. Dans le cas contraire, si le bailleur
n’indique ni l’offre d’indemnité d’éviction ni le motif de refus de payer une indemnité
d’éviction, le congé sera frappé de nullité en l’absence de motif. C’est ce qu’a retenu la
239
240
Civ. 3e 14 novembre 1968, Bull. Civ. III, n° 462.
CA Versailles, 28 avr. 1983, Rev. Loyers 1983, p. 434 – CA Paris 16e ch. B. 28 avr. 2000, AJDI
2000, 736.
86
Cour d’appel de Paris le 29 septembre 2004241. Mais la jurisprudence fait encore preuve de
souplesse à l’égard du bailleur puisqu’elle admet que la reproduction de l’article L. 145-14
du Code de commerce suffise à combler l’exigence d’une offre d’indemnité d’éviction
puisque ces articles organisent le calcul de l’indemnité d’éviction242.
Il ressort de ce développement que le bailleur ne peut déployer aucune stratégie
puisque la loi subordonne la validité de ce refus au strict respect de règles procédurales.
Bien que celles-ci soient allégées, il n’en reste pas moins que leur existence suffise à
encadrer rigoureusement le comportement du bailleur. De même, la loi encadre l’assiette
de l’indemnité d’éviction due par le bailleur (B)
B.
L’importance de l’assiette légale de l’indemnité d’éviction
L’indemnité d’éviction se compose d’une indemnité principale et d’indemnités
accessoires (1) qui sont compensés par l’éventuelle indemnité d’occupation due par le
preneur qui continue à occuper les lieux (2). Malgré cette compensation, les indemnités
alourdissent la charge financière du bailleur due en réparation du préjudice lié à l’éviction
du preneur.
1.
Composition de l’indemnité principale : la valeur marchande du
fonds de commerce
L’indemnité principale se compose toujours de la valeur du droit au bail qui est un
élément fondamental du fonds de commerce (a). Pour compléter le calcul de l’assiette de
l’indemnité, une distinction est à opérer selon les possibilités de réinstallation du preneur
(b).
a.
La valeur du droit au bail
En vertu de l’article L. 145-14 du Code de commerce, l’indemnité d’éviction
comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce. L’un des éléments les
plus importants du fonds de commerce est le droit au bail. Des auteurs le définissent
241
CA Paris, 29 sept. 2004, AJDI 2005, 33.
Civ. 3e 29 avr. 2002, n° 01-01.497, Loyers et copr. 2002, n° 204 ; AJDI 2002, 522 ; Civ. 3e, 29
sept. 1999, n° 97-21.171, Loyers et copr. 1999, n° 291.
242
87
comme étant « l’élément qui mesure l’intérêt pour un exploitant d’être situé à un
emplacement donné pour exploiter un commerce donné moyennant un loyer donné243 ».
Dans le cadre de l’indemnité d’éviction, il s’agit de calculer la perte du droit au bail par le
preneur évincé qui représente le préjudice à indemniser. Pour ce faire, les experts passent
par le calcul de la valeur du droit au bail, c’est-à-dire, sa valeur sur le marché des baux
commerciaux. Si celle-ci est plus importante que le fonds de commerce, la jurisprudence
considère, à la faveur du preneur, que c’est la valeur la plus haute qui doit être retenue244.
Plusieurs méthodes sont utilisées et le juge apprécie souverainement la méthode la
plus cohérente à appliquer245. Toutefois, la pratique choisit fréquemment la méthode dite
de « différentiel de loyer » ou de « capitalisation de l’économie de loyer » les expressions
étant synonymes. Elle consiste à multiplier la différence entre la valeur locative de marché
et le loyer du local concerné. La valeur locative de marché est le loyer maximal hors
charges hors taxes pour un loyer libre de location dans l’environnement voisin du local
considéré. Des coefficients de pondération seront appliqués afin de prendre en compte à la
hausse ou à la baisse les différences entre les locaux. Ensuite, il faut calculer la différence
avec le loyer payé s’il avait été renouvelé. Le bail étant expiré, les motifs de
déplafonnement sont pris en compte comme si le bail était renouvelé ce qui conduit à
rechercher l’impact d’un éventuel déplafonnement sur le loyer. Celui-ci pèsera en revanche
sur le bailleur puisqu’en présence d’un motif de déplafonnement, il s’imputera sur
l’indemnité d’éviction qu’il doit payer. À côté de ce calcul de la valeur du droit au bail
présent dans tout calcul de l’indemnité d’éviction on rencontre le calcul de l’indemnité de
déplacement ou de remplacement selon les cas (b).
b. Indemnité de remplacement ou indemnité de déplacement
Au-delà de la valeur du droit au bail, l’indemnité d’éviction se compose également
d’une indemnité de déplacement ou de remplacement. Si le fonds de commerce est amené
à disparaître dans sa totalité il s’agit d’une indemnité de remplacement (i) et, a contrario,
243
Droit et pratique des baux commerciaux, Dalloz, n° 550-130, p. 565.
Civ. 3e 20 mai 1980, Gaz. Pal. 1982, pan. p. 516 ; - 3e Civ, 16 déc. 1997, n° 96-16.779, RDI
1998, 698 ; Administrer, avr. 1998, p. 39 ; - CA Paris, 12 oct. 1995, Gaz. Pal. 1996, 2, somm. 576.
245
Civ. 3e 15 octobre 2008, n° 07-17.727, Bull. Civ. III, n° 151 ; D. 2008, 1J 2667 ; Rev. Loyers
2008, 542 ; Administrer déc. 2008 ; Loyers et copr., 2008, n° 281 ; RJDA 2008 n° 1232 ; Civ. 3e 25 nov.
2008, Ann. Loyers 2009, 44.
244
88
s’il est susceptible d’être transféré dans un autre local on la qualifiera d’indemnité de
déplacement (ii). À ces deux indemnités s’ajoutent des indemnités accessoires qui
alourdissent la charge du bailleur.
i.
Indemnité de remplacement et indemnités accessoires
L’indemnité d’éviction sera qualifiée « indemnité de remplacement » lorsque
l’éviction fera perdre au preneur son fonds de commerce et, in extenso, son activité. Elle a
pour fonction d’indemniser cette perte. Par exemple, la jurisprudence l’a qualifiée ainsi
lorsque la clientèle locale du preneur était importante et qu’il rencontrera des difficultés
pour trouver un local de remplacement246.
S’agissant de l’assiette de l’indemnité de remplacement, elle se compose de la
valeur marchande du fonds de commerce. Pour atteindre sa valeur, la loi fait référence aux
« usages de la profession »247. Plusieurs méthodes de calcul existent. Certaines d’entre
elles font la moyenne du chiffre d’affaires sur les trois dernières années248, d’autres sur la
rentabilité du fonds sur la base de l’excédent brut d’exploitation249 ou sur une moyenne des
deux. Il appartient au juge de retenir la méthode qu’il juge la plus cohérente 250. Enfin, le
juge (ou l’expert) peut également se référer à plusieurs autres éléments comme les
bénéfices normaux issus de l’activité commerciale, le chiffre d’affaires moyen hors t.v.a.
ou, plus simplement, le prix d’achat d’un fonds de commerce équivalent 251 bien que cette
dernière soit ancienne.
En outre, l’indemnité de remplacement peut s’accompagner d’indemnités
accessoires. Tout d’abord, l’indemnité de remploi peut s’ajouter à la dette du bailleur. Elle
est destinée à indemniser le preneur des frais engagés pour le rachat d’un fonds de
commerce et, notamment, de couvrir les droits fiscaux (dont les droits de mutation) pour
acheter un nouveau fonds, les frais d’agence, de négociation et de conseil. Les tribunaux
246
CA Paris, 12 sept. 1996 Gaz. Pal. 30 mars 1997, p. 26.
Civ. 3e 31 mars 1978, n° 75-15.046, Bull. Civ. III, n° 143, Gaz. Pal. 1978, 2, somm. 267 ; CA
e
Paris, 16 ch. A., 20 mai 2009, Administrer oct. 2009, somm. 60.
248
CA Paris 26 oct. 1993, Administrer, mai 1994 p. 51.
249
L’excédent brut d’exploitation comprend le résultat d’exploitation, les dotations aux
amortissements et la rémunération du dirigeant.
250
Civ. 3e, 2 févr. 1982, Gaz. Pal. 1982. 2, pan. 195 ; CA Paris, 6 nov. 1992, D. 1993, IR 41 ; CA
Paris 4 fév. 2009, Administrer, mai 2009, 38
251
Com. 27 déc. 1961, D 1962, p. 146 ; 3e Civ. 13 déc. 1968, JCP 1969, IV, 26.
247
89
prévoient en général un forfait à hauteur de 10% de la valeur de l’indemnité principale.
Toutefois, l’indemnité n’est due qu’en cas d’absence de preuve de non-réinstallation252.
Ensuite, il peut s’agir d’indemnités accessoires de nature diverse. Les frais de
déménagement et de réinstallation éventuels sont cités par l’article L. 145-14 du Code de
commerce. Toutefois, cette disposition légale n’est pas limitative et plusieurs postes
existent à ce titre selon le préjudice réel éprouvé par le preneur. Ainsi, le juge pourra
retenir : les frais de déménagement, les frais de réinstallation et plus particulièrement des
aménagements semblables à ceux qu’il perd253, le montant des travaux d’adaptation des
nouveaux locaux254, les frais de double loyer correspondant à l’indemnité d’occupation due
s’il continue à occuper les lieux après le refus de renouvellement et le loyer du nouveau
local, les pertes sur stocks255, le trouble commercial256 ou encore les indemnités de
licenciement du personnel257 et le pas-de-porte du nouveau bail258. À l’inverse, et de
manière alternative, il peut s’agir d’une indemnité de déplacement (ii).
ii. Indemnité de déplacement et indemnités accessoires
Comme son nom l’indique, l’indemnité d’éviction sera qualifiée d’indemnité de
déplacement lorsque le preneur pourra transférer son activité à proximité sans perdre sa
clientèle et sans avoir besoin de créer un nouveau fonds de commerce. La charge de la
252
Pour la preuve que le preneur va se réinstaller dans un nouveau fonds, voir : Civ. 3e 2 déc. 1998,
n° 97-11.791, Bull. Civ. III, n° 228 ; BPIM 1/99, n° 66, p. 26 ; Gaz. Pal. 28-30 mars 1999. Pour la preuve de
la non-réinstallation, voir : Civ. 3e 9 mai 1968, D.1969, somm. 110 ; CA Paris 5 févr. 1981, D. 1981, IR 377 ;
Civ. 3e 9 octobre 1991, n° 90-11.879, Loyers et copr. 1991 n° 474 ; Civ. 3e 16 juin 1993, n° 91-19.996, JCP
1993, IV, n° 2090, Loyers et copr. 1993 comm. 438 ; Civ. 3e 2 déc. 1998, n° 97-11.791, Bull. civ. III, n° 228,
D. 1999 IR 23, JCP 1999 IV, n° 1114.
253
Civ. 3e 6 nov. 1969, D.1970, somm. 105.
254
Civ. 3e 2 févr. 2000, n° 98-13.018, AJDI 2000, 433 ; Rev. Loyers 2000, p. 256, Administrer, mai
2000, p. 28 ; Civ. 3e 15 octobre 2008, n° 07-17.727, Bull. civ. III n° 151, D. 2008, AJ 2667, Rev. Loyers
2008, 542, Administrer déc. 2008, 58, loyers et copr. 2008, n° 281, RJDA 2008, n° 123.
255
CA Paris, 16e ch. B. 27 octobre 1994, Gaz. Pal. 1995, 2, somm. 395 – TGI Paris, 18e ch. 2e sect.,
13 Juillet 1989, Gaz. Pal. 1991, 2, somm. 340 ; TGI Paris, 18e ch. 1re sect., 26 sept. 1995, AJPI 1995, 1104.
256
Il peut résulter du préjudice subi du temps nécessaire passé à l’acquisition d’un nouveau fonds au
détriment de son activité (CA Paris, 20 avril 2005, AJDI 2005, 737) et peut correspondre à plusieurs mois de
bénéfices (TGI Paris, 6 mars 1989, AJPI 1990, 146). Il couvre aussi la perturbation du fonds, sa fragilisation
et l’incertitude de la conservation de la clientèle à compter de la réception du congé.
257
Civ. 15 mars 1977, Gaz. Pal. 1977, 1, somm. 165 ; 3e Civ. 2 févr. 1982, Rev. Loyers 1982, p. 248
; CA Paris 5 févr. 1997, Loyers et copr. 1998, n° 13.
258
Civ. 3e 20 juin 1979, Bull. civ. III, n° 136, Rev. Loyers 1979 p. 478 ; Com. 14 nov. 1962, D.
1963, 305, Gaz. Pal. 1963, 1, p. 44.
90
preuve de la possibilité de transférer son activité dans un local incombe cependant au
bailleur259.
L’indemnité de déplacement se compose de la valeur du droit au bail. La
jurisprudence a précisé qu’elle doit notamment correspondre au local duquel il a été
évincé260 et non pas au local qu’il devra acquérir dans le cadre d’une indemnité de
déplacement.261
Dans le cadre de l’indemnité de déplacement, des indemnités accessoires peuvent
également être ajoutées à l’assiette principale. De manière générale, les postes de préjudice
correspondent à ceux de l’indemnité de remplacement (frais de déménagement, frais
d’actes, adaptation des nouveaux locaux). Elles ont la même fonction de réparer le
préjudice lié au rachat d’un fonds de commerce. Elle peut être calculée sur la base du taux
retenu par les usages de la profession en cas de perte de fonds262 ou uniquement sur les
frais liés à la recherche et de prise à bail des nouveaux locaux voire de la seule commission
d’agence263. Elles comprennent également les indemnités de déménagement évalués par
devis ou sur facture, les frais de réinstallation, le trouble commercial, les frais de double
loyer, la perte sur salaire ou encore les frais de mailing, la modification des en-têtes des
papiers à lettre, les frais de transfert du siège social entre autres. Plus particulièrement, ces
indemnités peuvent couvrir le préjudice subi du fait de la perte partielle de la clientèle.
Enfin, la jurisprudence considère logiquement que l’indemnité de déplacement ne peut pas
être supérieure à l’éventuelle indemnité de remplacement de sorte que le risque financier
est plus important pour le bailleur264. Le statut prévoit également, et à la faveur du bailleur,
que l’indemnité d’éviction sera compensée par une éventuelle indemnité d’occupation due
par le preneur (2).
259
CA Paris, 11 avriL. 1995, Loyers et copr. 1995, p. 279.
CA Paris, 22 févr. 1995, Gaz. Pal. 1995, 2. Somm. 392 ; CA Paris 16e ch. A 8 déc. 2004, Gaz.
Pal. 15-16 avr. 2005.
261
Pour les méthodes de calcul de la valeur du droit au bail, voir infra p. 73-74.
262
CA Paris, 7 oct. 1994, Gaz. Pal. 1995, 2, somm. 347 ; TGI Paris, 13 sept. 1994, Rev. Loyers
1995, p. 367.
263
TGI Nanterre, 10 juin 1994, Gaz. Pal. 1994, 2, somm. 657 ; TGI Paris, 10 janv. 1997, Gaz. Pal.
1997, 1, somm. 181.
264
Civ. 3e 22 févr. 1968, Bull. Civ. III, n° 45 ; Civ. 3e 22 févr. 1968, Bull. Civ. III n° 69; JCP 1968,
II, n° 15604.
260
91
2.
La compensation par l’indemnité d’occupation du preneur
En vertu de l’article L. 145-28 du Code de commerce, « aucun locataire pouvant
prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé à quitter les lieux avant de l’avoir
reçue. Jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, il a droit au maintien dans les lieux
aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. » Ainsi, l’éviction consécutive au refus
de renouvellement discrétionnaire du bailleur ne peut, pour des raisons pratiques, avoir
d’effet automatique et contraindre le preneur à quitter les lieux le jour du congé. Ainsi, si
théoriquement la relation contractuelle a cessé à compter du jour du refus de
renouvellement, il n’en reste pas moins que le preneur dispose du droit de rester dans les
lieux jusqu’au complet paiement de l’indemnité d’éviction.
L’indemnité d’occupation doit correspondre à la valeur locative265 et se calcule par
référence à un loyer déplafonné266. Toutefois, à la défaveur du bailleur, la pratique
judiciaire révèle que les juges appliquent un coefficient d’abattement en raison de la
précarité de l’occupation267 qui peut aller de 10% à 30 % selon la longueur de la procédure
et les inconvénients268.
En définitive, le preneur quittera les lieux après paiement intégral de l’indemnité
d’éviction du bailleur. Pour faciliter le règlement, les parties peuvent convenir que les
créances seront compensées selon les règles de l’article 1289 du Code civil. La
jurisprudence reconnaît que la compensation peut produire ses effets dès lors qu’une
décision juridictionnelle a reconnu la réciprocité des dettes269.
L’étude du refus de renouvellement sans indemnité d’éviction révèle que le bailleur
sort affaibli de la lutte entre droit de propriété et droit à la propriété commerciale. Les
montants définitifs des indemnités d’éviction, qu’elles soient de remplacement ou de
déplacement, peuvent atteindre des montants exorbitants incitant parfois le bailleur à
265
Civ. 3e 21 juin 1972, Bull. civ. III n° 415 ; Civ. 3e 29 mars 2000, n° 98-11.518, AJDI 2000, 554,
Loyers et copr. 2000, n° 200 ; Civ. 3e 29 nov. 2000, n° 99-12.730, JCP E 2001 n° 17, p. 711.
266
Civ. 3e 14 nov. 1978, Gaz. Pal., 1979, 1, pan. p. 113 ; Civ. 3e 13 avr. 1983, JCP 1983, IV, p. 189;
e
3 Civ. 30 juin 1999, n° 96-21.449, D. 1999, p. 31.
267
Civ. 3e 6 oct. 1976, AJPI 1977, 468 ; CA Paris, 6 févr. 1998, Loyers et copr. 1998, n° 68.
268
CA Paris, 1e ch. B. 6 févr. 1998, Loyers et copr. 1998, n° 68 ; CA Paris 27 juin 1997, Loyers et
copr. 1998, comm. 273 ; pour un abattement de 50% voir par exemple TGI Nanterre, 25 juin 1996, AJPI,
1997, 257.
269
Civ. 3e, 1er juill. 1998, n° 96-13.692, Bull. Civ. III, n° 148, D. 1998 IR 205, D. Affaires 1998,
1729, RDI 1998, 698, Loyers et copr. 1999, n° 70.
92
revenir sur sa décision en exerçant un droit de repentir. Quoi qu’il en soit, la stratégie du
bailleur n’a pas de place puisque l’intervention légale et judiciaire occupe toute la place.
De même, pour échapper au paiement total de l’indemnité d’éviction, le bailleur est limité
par le respect strict des cas énumérés par la loi (Paragraphe 2)
Paragraphe 2. Refus de renouvellement et absence de paiement d’une indemnité
d’éviction
De prime abord, il peut paraître surprenant que le bailleur puisse refuser le
renouvellement sans payer d’indemnité d’éviction. Toutefois, étant donné que l’indemnité
d’éviction se justifie par la réparation du préjudice de l’éviction, le bailleur ne sera pas
débiteur de celle-ci s’il argue de motifs légitimes d’éviction du preneur. La loi et la
jurisprudence règlent minutieusement les cas dans lesquels le bailleur peut invoquer des
motifs graves et légitimes (A) ou invoquer un droit de reprise (B) en étant, selon les cas,
plus ou moins déchargé du paiement d’une indemnité réparatrice. Encore une fois, le
comportement du bailleur est très encadré et empêche toute ruse de sa part.
A.
Les cas limités de refus de renouvellement sans indemnité d’éviction
L’article L. 145-17 I du Code de commerce dispose : « Le bailleur peut refuser le
renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité : 1°. S’il justifie
d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant. […] 2°. S’il est établi que
l’immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d’insalubrité
reconnue par l’autorité administrative ou s’il est établi qu’il ne peut plus être occupé sans
danger en raison de son état. » À la lecture de cet article, on en déduit que le critère de
distinction entre le refus de renouvellement avec ou sans paiement d’indemnité d’éviction
est la présence de motifs légitimes qui justifient l’éviction du preneur. Les deux cas légaux
précités emportent absence d’indemnité d’éviction de manière absolue. Pour y accéder, le
bailleur doit respecter le formalisme particulier de la mise en demeure (1) et répondre
strictement à l’un des deux cas légaux (2).
93
1.
Le refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes à
l’épreuve du juge
Le propriétaire du local commercial peut refuser le renouvellement sans payer
d’indemnité d’éviction s’il justifie de motifs graves et légitimes à l’encontre du locataire
sortant. Pour ce faire, il doit délivrer une mise en demeure (a) et soumettre la validité du
motif à l’appréciation souveraine du juge (b).
a.
La force de la mise en demeure préalable
La loi du 30 juillet 1960 a modifié l’article 9 du 30 décembre 1953 codifié à
l’article L. 145-17 du Code de commerce en insérant le mécanisme de la mise en demeure :
« Toutefois, s’il s’agit, soit de l’inexécution d’une obligation, soit de la cessation sans
raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds, […] l’infraction commise par le
preneur ne peut être invoquée que si elle est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois
après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. »270
La mise en demeure doit notamment avoir lieu s’il s’agit de l’inexécution des
obligations du preneur. Il peut s’agir de la violation d’obligations contractuelles ou légales
ou du comportement du preneur qui serait contraire au respect de l’ordre public et des
bonnes mœurs.
La particularité de cette mise en demeure est qu’elle intervient au moment du refus
de renouvellement sans indemnité et non pas en réaction à un manquement à une clause
résolutoire en cours de bail par exemple. Or, des auteurs ont craint que des bailleurs
astucieux tentent de laisser courir la reconduction du bail pour échapper à la formalité
supplémentaire de la mise en demeure et préférer invoquer une clause résolutoire après le
renouvellement. Toutefois, le succès de cette ruse est entravé par le pouvoir du juge qui,
s’il ne peut que constater une clause résolutoire, peut également relever l’abus de droit du
bailleur qui détourne volontairement les prescriptions légales. Le second cas concerne la
cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds qui ne présente pas de
difficultés particulières.
270
CA Paris, 5e ch., 16 sept. 2009, N° RG : 08/10240, AJDI 2010, p. 33.
94
La nécessité d’une mise en demeure préalable est dotée d’une grande portée au
regard de ses effets : « Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par
acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent
alinéa »271. En effet, si le bailleur ne délivre pas une mise en demeure valable, le congé
sera valable mais il devra payer une indemnité d’éviction272. La bonne communication par
le bailleur des motifs de son refus est une condition sine qua none de la validité de la mise
en demeure et, in extenso, de l’absence d’indemnité d’éviction. Ainsi, la mise en demeure
doit impérativement être transmise par acte extrajudiciaire et reproduire l’alinéa 2 de
l’article L. 145-17273. Toutefois, sur la forme de l’acte, la jurisprudence s’est assouplie.
Elle a admis que la mise en demeure puisse être faite dans le congé portant refus de
renouvellement274 ou concomitamment275 voire postérieurement au congé276.
Sur le contenu de la mise en demeure, le bailleur doit mentionner les infractions
reprochées sous peine de devoir payer une indemnité d’éviction277 et de rendre le motif de
refus irrecevable. De plus, elle doit reproduire le premier paragraphe de l’article L. 145-17
du Code de commerce. L’objectif de cette exigence est de prévenir le locataire des risques
qu’il encourt278 s’il ne se conforme pas à ses obligations. L’omission de la mention a une
portée affaiblie puisque l’acte ne sera nul que s’il ne cause un grief au locataire en vertu de
l’article 114 du Code de procédure civile. En revanche, la sommation n’est pas nécessaire
dans plusieurs cas : motifs de dénégation du droit au statut279, motifs irréversibles280 ou
délictuelles281.
271
Art. L. 145-17 I C. Com.
Civ. 3e 15 mai 2008, n° 07-12.669, Bull. Civ. III, n° 82, Loyers et copr. Sept. 2008, p. 371,
Loyers et copr. Juill.-août 2008, comm. 163.
273
CA Paris, 30 nov. 2001, Administrer, mars 2002, 22.
274
CA Bordeaux, 2e ch. 17 oct. 2007, n° 06/03928 ; Civ.3e 7 avril 2002, Administrer, juill. 2002, p.
e
15 ; Civ. 3 24 mars 1999, n° 97-16.708, Sté Brasserie des Arts c/ Cts Colombo inédit, AJDI 2000, 45, RDI
1999, 469.
275
Civ. 3e 16 déc. 1987, Gaz. Pal. 1988, 1, pan., p. 35 ; Civ.3e 5 mai 1999, n° 97-15.484, Bull. Civ.
III, n° 104.
276
CA Paris, 16e ch. A, 12 janv. 2005, Loyers et copr. 2005, 95.
277
Civ. 5 mars 1980, Rev. Loyers 1980 p. 313.
278
CA Paris, 16e ch., 25 janvier 1968, Rev. Loyers, 1968, p. 197.
279
Pour la cessation définitive de l’exploitation voir CA Aix en Provence, 4e ch. Sect. C, 14 déc.
2006, N° RG : 03/15111 ; 3e Civ. 8 janv. 2008, n° 06-14.190.
Pour le changement de destination des lieux voir CA Montpellier, 1ère ch. Sect. B, 9 oct. 2007, n° RG :
0604404.
Pour le défaut d’inscription au RCS voir Civ.3e 5 mars 2008, n° 05-20.200, Bull. Civ. III, n° 41,
AJDI 2008, p. 579 ; Civ.3e 23 févr. 1994, n° 92-15.473, Rev. Loyers 1994, p. 444.
272
95
Enfin, le délai d’un mois doit être impérativement respecté282. Et, si le juge est tenu
par ce délai et ne peut l’aménager, il n’en reste pas moins que s’il constate que l’infraction
a perduré au-delà du délai d’un mois, il apprécie souverainement la persistance de sa
gravité pour en tirer les conséquences sur le refus de renouvellement283. En outre, les
motifs légitimes sont appréciés souverainement par les juges du fond ce qui renforce l’aléa
judiciaire, constant de la résolution judiciaire du renouvellement(b).
b. L’appréciation souveraine des motifs graves et légitimes
Le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation de la gravité et de la
légitimité des motifs de refus284. Il s’agit d’une question de pur fait échappant au contrôle
de la Cour de cassation.
D’une part, le juge peut déclarer recevables les motifs graves et légitimes invoqués
par le bailleur. La jurisprudence est casuistique dans ce domaine mais de grandes
tendances peuvent être dégagées. Il a été jugé que constituent des motifs graves et
légitimes l’abus de jouissance285, la cession irrégulière du bail286, les infractions aux
clauses du bail287, un changement de destination des lieux288, une inexploitation289, des
280
Pour une cession irrégulière ou une sous-location auquel le bailleur n’a pas été appelé voir 3e Civ.
9 juillet 2003, n° 02-11.621, Bull. Civ. III n° 147 ; CA Paris 13 févr. 2004, n° 2003/19749, AJDI 2004, p.
379.
281
Pour les crimes et délits commis par le locataire voir 3 e Civ. 5 mars 1980, n° 78-16.198, Rev.
Loyers 1980, p. 313 ; CA Paris, 16e ch. Sect. A, 16 janv. 2002, n° RG : 1999/15335 ; 3e Civ. 6 mars 1996, n°
94-12.162, AJPI 1996, 582.
282
Civ. 3e 23 fév. 1994, n° 92-13.588, Bull. Civ. III, n° 32, Loyers et copr. 1994, 293.
283
CA Rennes, 1er avr. et 12 juill. 1960, Ann. Loyers, 1961, p. 304.
284
Civ. 3e, 16 déc. 1998, n° 96-22.232, Bull. civ. III, n° 245.
285
CA Paris, 16e ch. Sect. A, 16 janvier 2002 ; 3e Civ. 20 juin 1979, Rev. Loyers 1980, p. 42 ; CA
e
Paris 16 ch. Sect. A, 26 avr. 2006, n° 05/01903.
286
CA Paris 16e ch. Sect. A 14 janvier 1997, n° RG : 95/11149 ; CA Montpellier, 1ere ch. Sect. B,
14 février 2006.
287
Pour un abandon du commerce voir Com. 31 janv. 1949, Bull. Civ. III, n° 51 ; pour un cinéma
classé commerce de luxe et projetant, sans autorisation, des films érotiques voir CA Paris 29 janvier 1987 D.
1987, IR 33.
288
Pour un cinéma classé commerce de luxe et projetant sans autorisation des films érotiques voir
CA Paris 29 janvier 1987 D. 1987, IR 33.Ca Paris 16e ch. Sect. B, 22 nov. 2007, n° RG : 06/17666; 2 mars
2006 RG : 05/08364 ; pour l’utilisation à usage de chenil d’un local destiné à l’usage de débit de boissons
voir Civ. 3e, 3 avril 2001, n° 99-19.768 Gaz. Pal. 2002, somm. p. 162.
289
Com. 6 juill. 1960 D. 1961, somm. 57 ; Com. 8 févr. 1965, D. 1965. 292 ; CA Montpellier 1re ch.
Sect. B., 5 juin 2007, n° RG : 06/03501.
96
loyers impayés après un commandement de payer d’un mois290, des violences sur la
personne du bailleur291.
Plus largement la jurisprudence a retenu que des motifs extracontractuels pouvaient
constituer des motifs graves et légitimes de refus de renouvellement sans indemnité. En
effet, le motif grave et légitime ne doit pas forcément être rattaché à une clause du contrat
mais peut seulement avoir un lien suffisant avec l’exécution du bail commercial.
L’interprétation de la jurisprudence est souple à cet égard. À titre d’illustration, on peut
citer le cas de la production de documents gravement inexacts en cours d’opérations
d’expertises292 ou la production auprès d’un nouveau bailleur d’un bail qui s’avère être
faux sur lequel la signature du précédent bailleur a été limitée293.
D’autre part, étant donné que la preuve du motif grave et suffisant est subordonnée
à l’appréciation souveraine des juges du fond, ces derniers peuvent retenir que les motifs
invoqués sont irrecevables. À titre d’exemples, on peut citer l’exercice d’activités
complémentaires non autorisées294, l’accumulation de retards de loyers et charge expliquée
par un contexte financier difficile, le preneur ayant toujours régularisé sa dette295,
l’exécution de travaux sans les autorisations requises mais rendus nécessaires par
l’obligation d’adapter le fonds à la nouvelle activité connue et acceptée par le bailleur296 ou
encore l’inexécution de réparations nécessaires au bon entretien de l’immeuble lorsque la
vétusté et la négligence du bailleur sont en partie responsables297. De plus, le bailleur peut
échapper au paiement d’une indemnité d’éviction s’il invoque un motif de reprise (2).
2.
La reprise d’un immeuble insalubre ou dangereux
L’article L. 145-17 2° du Code de commerce autorise le refus de renouvellement
sans indemnité d’éviction en cas de reprise d’un immeuble insalubre ou dangereux. Cet
article fait perdre le droit locatif au preneur en cas de perte de l’immeuble vétuste ou
290
Civ. 3e 12 juill. 1989, n° 88-12.539, Loyers et copr. 1989, n° 484 ; Civ. 3e 17 févr. 1993, n° 8912.597, Loyers et copr. 1993, n° 225 ; CA Paris 16e ch. A, 2 mars 2005, Rev. Loyers 2005, p. 261.
291
Civ. 3e 28 mars 1995, n° 93-16.657, Rev. Loyers 1995, p. 414.
292
Civ. 3e 19 déc. 2001, n°00-14.425, Bull. Civ. III n°156 ; BRDA 2/2002, n°10.
293
Civ. 3e 11 juin 2008, n°07-14.551, Bull. Civ. III, n°103.
294
Civ. 3e 1er avril 1998, n°96-14.638, Bull. Civ. III, n°77, Gaz. Pal. 28 août 1998, pan. 228.
295
CA Paris, 21 fév. 2007, Juris-Data n°2007-329400.
296
Civ. 3e 28 sept. 2004, n°03-12.189, NP, AJDI 2005, 213.
297
Civ. 3ème 17 avr. 1985, n°83-12.399, Bull. Civ. III, n°304, J-Cl loyer ZF 10-1, n°1
97
insalubre. Avant d’étudier le cas particulier du droit de priorité du preneur (b), on reviendra
sur les formalités procédurales que le bailleur doit accomplir (a).
a.
Les formalités procédurales
Le droit des baux commerciaux est éminemment procédural. Ainsi, le refus de
renouvellement sans indemnité pour reprise d’un immeuble insalubre ou dangereux doit
être communiqué au preneur par la signification d’un congé.
S’agissant du moment de la délivrance du congé, il ne peut pas intervenir en cours
d’exécution du bail mais uniquement à son échéance ou éventuellement pendant sa période
de tacite reconduction. Toutefois, si un péril imminent a lieu en cours de bail, le bailleur ne
pourra pas faire usage de l’article L. 145-27 du Code de commerce mais uniquement de
l’article 1722 du Code civil qui ouvre la voie à la résiliation sans indemnité sous réserve
que le péril n’est pas issu de la faute du bailleur298.
Concernant la forme du congé, il doit remplir classiquement les conditions de
l’article L. 145-9 dernier alinéa du Code de commerce, à savoir, être signifié par un acte
extrajudiciaire. Enfin, si le refus de renouvellement est validé, le locataire devra quitter les
lieux sans percevoir d’indemnité. En revanche, si l’insalubrité ou l’état de péril a été causé
par le bailleur, il devra l’indemnité d’éviction au preneur. Ensuite, à la différence du congé
portant refus de renouvellement sans indemnité d’éviction, le refus pour ce motif doit être
motivé (b).
b. La motivation spéciale
Il est exigé, comme c’est le cas en matière de refus de renouvellement pour motifs
graves et légitimes, que le congé soit motivé. En revanche, les motivations répondent à des
conditions particulières selon qu’il s’agisse d’un cas de reprise pour insalubrité de
l’immeuble ou en raison de l’état de péril.
D’une part, en cas d’insalubrité, la motivation du congé s’accompagne d’une
décision administrative interdisant définitivement l’occupation. Le bailleur ne peut donc
pas invoquer un élément sans apporter la preuve de cette décision. En effet, dès 1966, la
298
Civ. 3e 21 juin 1995, RJDA 1995, n°951
98
jurisprudence décide que ce refus ne peut être valable que si l’autorité administrative a
reconnu cet état d’insalubrité et que le bien-fondé d’un arrêté d’insalubrité échappe au
contrôle des juridictions judiciaires299. Pour des raisons pratiques, il est admis que le
bailleur invoque dans le congé le refus de renouvellement mais délivre postérieurement la
décision administrative constatant l’insalubrité300.
D’autre part, s’il s’agit d’un état de péril, une décision administrative n’est pas
nécessaire. Ainsi, le bailleur pourra l’établir par tous moyens, la preuve étant soumise à
l’appréciation souveraine des juges du fond. Si les travaux ne nécessitent pas que
l’immeuble soit libéré, le refus ne sera pas validé. De plus, l’état de péril ne doit pas avoir
été causé par un défaut d’entretien du bailleur sous peine de devoir une indemnité
d’éviction. Par ailleurs, le bailleur doit impérativement respecter le droit de priorité du
preneur (c).
c.
Le cas particulier du droit de priorité du locataire en cas
de reconstruction
L’article L. 145-17 II du Code de commerce ouvre un droit de priorité au locataire
uniquement en cas de reconstruction de l’immeuble. Il ne découle pas du congé mais
dépend de l’initiative du preneur qui doit notifier sa demande au propriétaire de
l’immeuble. Il est règlementé aux articles L. 145-19 et L. 145-20 du Code de commerce. Il
ne s’agit pas d’un texte frappé d’ordre public de sorte que le preneur peut y renoncer
contractuellement. La condition principale de l’exercice du droit de priorité est la
reconstruction de l’immeuble. A contrario, s’il n’y a pas de reconstruction ou s’il s’agit de
construire des immeubles d’habitation, le locataire ne pourra pas s’en prévaloir.
Au niveau procédural, le preneur doit notifier son intention d’exercer son droit de
priorité par acte extra-judiciaire dans les trois mois de son départ. Une fois les locaux
reconstruits, le bailleur est tenu de proposer un nouveau bail au preneur par acte extrajudiciaire. S’agissant du contenu de la notification, le bailleur doit mentionner qu’il est
« prêt » à proposer un nouveau bail sans en préciser les contours, conformément aux
prévisions de l’article L. 145-12 du Code de commerce. En outre, il doit mentionner qu’il
299
300
Civ. 9 juill. 1973, Bull. Civ. III n°468
Civ. 17 avr. 1985, Bull. Civ. III n°63
99
dispose d’un délai de trois mois pour exprimer son intention d’accepter ou de refuser ou de
saisir la juridiction compétente à peine de forclusion. En effet, si les parties ne concluent
pas d’accord au sujet de la réintégration, il dispose de nouveau d’un délai de trois mois
pour saisir la juridiction compétente. Il convient de préciser qu’il s’agit d’un nouveau bail
qui est conclu et qu’à ce titre le contenu de l’ancien bail ne s’applique pas.
Enfin, si le bailleur méconnaît le droit de priorité du locataire, il ne sera tenu qu’au
paiement de dommages et intérêts. En effet, il ne devra pas payer une indemnité d’éviction
en vertu de l’article L. 145-19 dernier alinéa du Code de commerce. Cependant, rien
n’interdit au juge de se référer à l’article L. 145-14 du Code de commerce pour calculer le
montant des dommages et intérêts. Les risques financiers pour le bailleur sont donc
importants puisque les dommages et intérêts pourront atteindre le montant d’une indemnité
de déplacement. Dans les deux cas d’ouverture présentés, le bailleur peut être tenté de
détourner la loi pour se soustraire au paiement mais il sera vigoureusement sanctionné (B).
B.
La sanction des tentatives de fraude du bailleur
Face à ces deux opportunités pour le bailleur de ne pas payer d’indemnité
d’éviction, il pourrait être tenté de détourner la loi aux fins de se soustraire à ce paiement.
En premier lieu, il pourrait être tenté de feindre un motif grave et légitime. Son
objectif serait ainsi de faire perdre les droits locatifs du preneur. Or, la loi et la
jurisprudence veillent âprement à sanctionner cette fraude. C’est ainsi que la loi a consacré
une sanction à l’article L. 145-27 du Code de commerce: « Au cas où il viendrait à être
établi à la charge du bailleur qu’il n’a exercé les droits qui lui sont conférés aux articles
L. 145-17 et suivants qu’en vue de faire frauduleusement aux droits du locataire,
notamment par des opérations de location et de revente, que ces opérations aient un
caractère civil ou commercial, le locataire a droit à une indemnité égale au montant du
préjudice subi ». Le bailleur sera tenu d’une indemnité en fonction du préjudice subi.
En second lieu, il pourrait être tenté de méconnaître le droit de priorité du preneur
alors qu’il avait manifesté dans les délais son intention de l’exercer. Par exemple, si le
preneur reloue le local à une autre personne au mépris du droit de priorité, aucune
réintégration n’est envisageable puisque la cause principale du congé est valable. En
revanche, le bailleur sera tenu de verser des dommages et intérêts en vertu de l’article L.
100
145-9 dernier alinéa du Code de commerce. Toutefois, les tribunaux pourront fixer les
dommages et intérêts à partir des références de l’article L. 145-14 du Code de commerce et
et l’assiette des dommages et intérêts peut être très importante. De plus, le locataire dispose
d’une action en responsabilité en vertu de l’article L. 145-27 du Code de commerce
précité.
101
CHAPITRE II.
REPENSER LE RENOUVELLEMENT DES BAUX COMMERCIAUX
INTRODUCTION
Comme le relevait le Professeur Derruppé : « le sentiment de frustration de certains
bailleurs à l'égard de la propriété commerciale les conduit à exploiter avec malice toutes
les failles du statut des baux commerciaux pour retrouver ou conserver les avantages dont
ils s'estiment injustement dépouillés. Le preneur mal informé, mal représenté ou
simplement négligent risque gros, ou, plutôt, purement et simplement son exploitation. Les
droits menacés sont ceux qui constituent l'essence du statut des baux commerciaux et qui,
paradoxalement, selon l'illustre auteur, paraissent les mieux garantis »301.
Si la stratégie du bailleur est fortement limitée à l’heure du renouvellement, il n’en
reste pas moins que certaines d’entre elles perdurent mais sont contrecarrées par la
jurisprudence (SECTION I). En outre, l’ensemble de ces développements confirme l’idée
de déséquilibre entre les parties et révèle les lacunes du statut et les praticiens réclament à
cet égard une refonte du statut et notamment du droit au renouvellement (SECTION II)
SECTION I. LA PERSISTANCE DES STRATEGIES DU BAILLEUR
Le bailleur qui souhaite accepter le renouvellement et faire perdurer la relation qu’il
entretient depuis neuf ans avec son cocontractant ne perd pas de vue la plus-value de loyer
qu’il peut obtenir pour neuf années supplémentaires. Il n’y a pas de distinction à opérer
selon que le congé émane du bailleur ou du preneur. Le bailleur peut dans les deux cas
adopter une stratégie de dissuasion (Paragraphe 1) ou une stratégie passive d’attente du
dépassement du délai de douze ans (Paragraphe 2) mais celles-ci sont relatives et souvent
subordonnées au manque d’information du preneur.
301
Les pièges du bail commercial en 1984, Études de Juglart, LGDJ 1986, p. 111
102
Paragraphe 1. La relativité des stratégies de dissuasion
Malgré le carcan législatif présenté précédemment, certains bailleurs résistent pour
dissuader et affaiblir le preneur en brandissant une clause résolutoire non respectée (A) ou
en ayant recours à une expertise privée (B).
A.
Brandir une clause résolutoire
La clause résolutoire peut être employée comme un moyen de pression pendant la
négociation des conséquences du renouvellement (1) et après un refus de renouvellement
(2).
1.
L’utilisation judicieuse de la clause résolutoire comme moyen de
pression avant l’éventuel renouvellement
La clause résolutoire rédigée en amont peut devenir un outil de négociation lors du
renouvellement. Pour faire jouer la clause résolutoire, le bailleur ne doit pas avoir renoncé
à son bénéfice302. En effet, en cas d’infraction par le preneur, le bailleur peut toujours
renoncer à son utilisation.
Ce mécanisme de la renonciation peut devenir un outil stratégique de domination
lors des négociations des conséquences du renouvellement. En effet, si la clause résolutoire
est verrouillée et envisage de multiples fautes, il pourra invoquer l’une d’entre elles (et ce
d’autant mieux si elle fait l’objet d’une appréciation subjective telle que l’obligation
d’entretien par exemple) afin de faire pression sur le preneur. Ces méthodes informelles
sont importantes à développer pour comprendre l’état d’esprit du bailleur.
D'ailleurs la jurisprudence fait état de nombreux arrêts dans lesquels elle encadre
cette faculté de renoncer par le bailleur. Ainsi, elle a retenu que la renonciation ne pouvait
résulter du renouvellement d’un bail moyennant un certain loyer dès lors qu’il y a un
pourvoi en cours relatif à la clause résolutoire303. Le bailleur qui y renoncerait en échange
d’une renégociation des clauses du bail renouvelé en sa faveur par exemple, ne pourra
302
303
CA Paris, 9 nov. 1995, Administrer févr. 1996, no 275, p. 35, note B. Boccara.
Civ. 3e, 5 juin 2002, BICC, 1er octobre 2002, n° 931, p. 9, Bull. n° 127, AJ 2534, obs. Y. Rouquet.
103
donc plus y renoncer si une instance est pendante. Toutefois, en cas de litige, les juges du
fond veillent : en 1962, les juges ont considéré que la réclamation de nouveaux loyers avec
menace de faire jouer la clause ne valait pas renonciation304. C’est le caractère plus ou
moins équivoque et certain de son intention qui est le critère. Les cas où la renonciation a
été admise sont plus nombreux : délivrance d’un congé avec offre de renouvellement305 et
du prix déplafonné tenant compte de travaux reprochés au locataire306, encaissement des
loyers sans réserve et fixation du loyer de renouvellement307 ou, assignation en exécution
de l’obligation violée par le preneur308.
Ainsi, avant d’engager une procédure judiciaire, le bailleur face à l’arrivée
imminente du renouvellement, peut asseoir sa position et informer le preneur des dangers
que présenteraient la perte totale et définitive du local et son expulsion, par rapport à une
augmentation des loyers pendant au moins trois années suivantes jusqu’à neuf années.
Ainsi, le preneur sera plus enclin à accepter un loyer du bail renouvelé fixé amiablement,
hors toute notion de plafonnement et hors toute contestation judiciaire plutôt que de perdre
son local définitivement pour manquement à une clause résolutoire. C’est ainsi que le
bailleur s’assure de voir le loyer renouvelé à ses conditions. De plus, il peut brandir la
clause résolutoire après un refus de renouvellement (2).
2.
L’utilisation judicieuse de la clause résolutoire après un refus de
renouvellement
La deuxième opportunité de négocier une clause résolutoire en faveur du bailleur
est la durée pendant laquelle elle peut être invoquée. En effet, la jurisprudence retient que
le bailleur peut mettre en œuvre la clause résolutoire pendant la période contractuelle mais
aussi postérieurement au bail qui a pris fin suite à un refus de renouvellement. En effet,
pour la période comprise entre le refus de renouvellement et l’expulsion effective du
locataire, le preneur a le droit au maintien dans les lieux aux conditions du bail expiré, soit
304
Com. 9 octobre 1962, Bull. Civ. III n° 320.
CA Douai, 5 juin 1975, Rev. Loyers 1976 p. 19.
306
CA Versailles, 2e ch., 19 février 1996.
307
Ch. Com. 26 nov. 1986.
308
Civ. 14 décembre 1971, Bull. 3-444.
305
104
sous l’empire des stipulations relatives à la clause résolutoire309 négociées neuf ans
auparavant. C’est encore un moyen pour le bailleur qui, selon ses intérêts, voudra expulser
plus tôt le locataire et obtenir des dommages et intérêts qui compenseraient une éventuelle
indemnité d’éviction importante.
Les mêmes effets dissuasifs peuvent se produire par le recours à une expertise
privée (B).
B.
Recourir à une expertise privée
Le bailleur peut également avoir recours à une expertise privée. Il peut y procéder
en sus de la dissuasion par la clause résolutoire ou de façon autonome. Par exemple, il
pourra, avant le renouvellement, faire appel à un expert spécialisé dans la fixation des
loyers de renouvellement pour lui demander de démontrer la réalité de l’augmentation des
loyers du secteur. Présenté au preneur, son rapport lui permettra d’influer sur sa décision et
d’imposer subrepticement une négociation amiable qui le fera échapper au risque d’un
déplafonnement absolu et judiciaire. Le bailleur, préfèrera proposer un loyer renouvelé
compris entre le maximum d’un éventuel loyer déplafonné et le maximum d’un loyer
plafonné, en se protégeant du risque de l’aléa judiciaire.
Toutefois, cette expertise n’a pas la force de celle demandée par un juge en référé.
D’ailleurs, la jurisprudence a refusé de recevoir les demandes d’expertises in futurum. La
pratique révélait que les bailleurs « jou [aient] sur deux tableaux » et demandaient, en
cours de l’instance en fixation du loyer du bail renouvelé, la désignation judiciaire d’un
expert en référé310 pour qu’il fixe le montant éventuel de l’indemnité d’éviction et qu’il
envisage selon ses intérêts d’exercer son droit d’option. La jurisprudence a rejeté en
2008311 la demande du bailleur ayant délivré congé avec offre de renouvellement avant
d’exercer son droit de repentir au motif qu’il n’existait pas de litige potentiel, condition
posée par l’article précité. Toutefois, la Cour de cassation a précisé sa portée en rappelant
309
Civ. 3e 21 nov. 1969, n° 67-14.593, D.1970, somm. p. 135 ; Civ 3e, 9 avr. 1970, n° 68-14.192,
Rev. Loyers 1970, p. 359 Civ. 3e, 9 déc. 1980, n° 79-14.235, Bull. Civ. III n° 191, Gaz. Pal. 1981, 1, jur., p.
410, note Ph.-H. Brault ; Civ. 3e, 1er mars 1995, n° 93-10.172, Bull. civ III n° 66, Administrer 1995, n° 269,
p. 27, note J.-D. Barbier.
310
Art. 145 du Code de Procédure Civile
311
Civ. 3e 16 avril 2008, n° 07-15.486, Bull. civ. III, n° 72; AJDI 2008.843, obs. Blatter; D. 2008.
AJ 1205, obs. Rouquet ; Loyers et copr. 2008, n° 133, obs. Brault.
105
que le motif légitime qui doit exister relève de l’appréciation souveraine des juges du fond
et qu’en l’espèce la demande de désignation d’un expert pour qu’il fixe la valeur
marchande du fonds de commerce était recevable puisqu’il avait un motif légitime : il avait
déjà exercé son droit d’option le jour de la saisine du juge des référés312.
En définitive, le bailleur peut réaliser une expertise privée in limine litis afin de
dissuader le preneur de contester sa proposition de loyer renouvelé. Une autre technique,
passive cette fois, lui permet de s’assurer le déplafonnement du loyer renouvelé mais celleci est très relative (Paragraphe 2).
Paragraphe 2. La stratégie passive du preneur : une opportunité et une incertitude
Une autre ruse des bailleurs, souvent méconnue des preneurs profanes est
d’attendre que le bail ait atteint le délai de douze années. Ce délai dépassé, ses effets sont
ambivalents : il peut s’agir d’une opportunité puisque le bailleur s’assure le
déplafonnement du loyer de renouvellement (A) mais il s’agit surtout d’une ruse incertaine
et relative (B).
A.
L’opportunité d’attendre l’arrivée du délai de douze années
Par le biais du mécanisme de la tacite reconduction (1), le déplafonnement du loyer
est automatique passé le délai de douze ans du bail commercial (2).
1.
Le mécanisme de la tacite reconduction
Le bail commercial est conclu pour une durée minimale de neuf ans. Mais à l’issue
des neuf ans, en l’absence de manifestation de la volonté des parties, il peut se proroger
jusqu’à la douzième année voire au-delà. Contrairement à la stipulation expresse d’un bail
de plus de neuf ans, la stratégie du bailleur dans le cas d’un bail de plus de douze est, à
l’inverse, la passivité. En effet, l’article L. 145-34 du Code de commerce renferme une
disposition qui peut sembler subtile et surprenante : « Les dispositions de l’alinéa ci312
. Civ. 3e, 8 avril 2010, n° 09-0.226, AJDI 2010 p. 720, note Rouquet.
106
dessous ne sont plus applicables lorsque, par l’effet d’une tacite reconduction, la durée du
bail excède douze ans. ». Elle a été conçue pour attirer l’attention des preneurs et de
dissuader la conclusion de baux trop long. Pourtant, des preneurs négligents ou profanes
tombent dans l’un de ces pièges des baux commerciaux. C’est ainsi qu’en l’absence de
résiliation pendant le cours du bail, de congé notifié dans les formes et délais requis ou de
demande de renouvellement, le bail se poursuit par tacite reconduction.
Ce mécanisme se rencontre à l’article L. 145-9 du Code de commerce qui dispose :
« Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux […] ne cessent que par
l’effet d’un congé […]. A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait
par écrit se poursuit par tacite reconduction au-delà du terme fixé par le contrat […] »
Cette disposition a de beaux jours devant elle étant donné que la Cour de cassation a
considéré qu’elle ne violait pas le principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant la
loi et les charges publiques invoqué par un preneur313. La Haute Cour a considéré que la
question n’était pas sérieuse puisque tous les locataires peuvent demander tout au long de
la tacite prolongation le renouvellement et échapper au déplafonnement automatique.
2.
Les effets de la tacite reconduction sur le renouvellement
Trois enseignements peuvent être tirés de la combinaison des articles L. 145-34 et
L. 145-9 du Code de commerce.
D’une part, le contrat de bail initial ne prend pas fin à l’arrivée de son terme. En
effet, le contrat initial se prolonge au-delà de son terme à défaut de congé ou de demande
de renouvellement du bailleur. Il faut impérativement un acte émanant de l’une ou l’autre
partie pour que le contrat prenne fin. Le bailleur a tout intérêt à ne pas agir et à attendre
patiemment l’arrivée de la douzième année.
Le corollaire de cet enseignement est qu’un nouveau contrat de bail n’est pas formé
à l’arrivée du terme du bail initial en l’absence de ces actes 314. À ce titre, une partie de la
313
En effet, depuis le 1er mars 2010, tout justiciable peut, au cours d’une instance judiciaire,
invoquer l’inconstitutionnalité d’une disposition législative, au moyen d’une question prioritaire de
constitutionnalité. La question, si elle est sérieuse, est transmise à la Cour de cassation par le juge du fond.
e
314
Cass. 3 civ. 19 février 1975, Bull. cass. III, n° 70 19 févr. 1975 : Ann. Loyers 1975, p. 904 ;
e
e
Cass. 3 civ. 18 mars 1998, AJDI 1998, p. 358, note J.-P. Blatter ; Cass. 3 civ. 30 juin 1999, D. 1999, inf.
rap. p. 211.
107
doctrine et de la jurisprudence315 regrettent le terme de « reconduction » employée par le
législateur étant donné que la reconduction suppose la formation d’un nouveau contrat. Or,
ce n’est pas le cas dans les contrats de baux de plus de neuf ans dont le déroulement se
poursuit par l’effet d’une « tacite prolongation »316.
Enfin, le contrat de bail initial se prolonge indéfiniment et devient un contrat à
durée indéterminée. Les parties pourront le rompre à tout moment en respectant un délai de
préavis raisonnable évalué à six mois environ317. De plus, le bailleur n’a aucune obligation
d’informer le preneur de l’arrivée fatale de la douzième année.
La stratégie du bailleur consistera en définitive à attendre l’arrivée des douze ans et
à délivrer un congé avec offre de renouvellement avec effet pour la douzième année.
Toutefois, le succès de cette stratégie est très relatif (B).
B.
La relativité de la stratégie passive
La vigilance est de mise pendant la période de tacite reconduction, soit entre la
neuvième et la douzième année.
D’une part, si le bailleur délivre un congé avec offre de renouvellement ayant effet
après la douzième année et que le preneur délivre une demande de renouvellement avant
l’échéance de la douzième année ayant effet pour la douzième année, c’est la demande de
renouvellement du preneur qui prévaut318. En effet, un arrêt rendu le 1er octobre 1997
retient que le congé du bailleur n’interdit pas au preneur de réagir à temps et délivrer une
demande de renouvellement avant l’arrivée fatidique de la douzième année. La sanction
pour le bailleur est de voir le loyer du bail renouvelé fixé selon les règles du
plafonnement319. Par exemple, si le bail initial atteint la douzième année le 1er novembre
2011, le bailleur doit attendre l’arrivée de cette date pour délivrer congé qui prendra effet
le 30 juillet 2012. Si le bailleur délivre le congé avant le 1er novembre, le preneur peut
315
Pour la jurisprudence voir : Civ. 3e, 10 juin 1998, Bull. cass. III, n° 119 ; Civ. 3e, 23 juin 1998,
e
Loyers et copr. 1998, comm. 233, Civ. 3 , 18 mai 2010, n° 09-15.352 ; 18 janv. 2011, n° 09-71.933.
316
AJDI 1999 p. 1218.
e
317
Civ. 3e, 8 avriL. 1992, Gaz. Pal. 1993, 1, pan. jur. p. 4 ; Cass. 3 civ. 14 octobre 1992, Rev.
e
Administrer mai 1993, p. 41 ; Cass. 3 civ. 5 mars 1997.
318
e
Civ. 3 , 3 nov. 1988, Loyers et copr. 1989, comm. 24 ; Cass. 3e, 21 déc. 1988, Loyers et copr.
1989, comm. 131 ; Civ. 3e, 27 nov. 1990, Loyers et copr . 1992, comm. 75 ; Civ. 3e, 18 déc. 1991, JCP éd. G
1992, IV, n° 610 ; Civ. 3e, 21 déc. 1993, AJPI 1994, p. 121, obs. J.-P. Blatter.
319
Civ. 3e, 1er octobre 1997, n° 95-21.806, AJDI 1998 p. 109.
108
demander le renouvellement jusqu’au 30 octobre 2011 pour le 1er novembre. Il ne s’agira
pas d’un bail de plus de douze ans et le bailleur perdra le bénéfice du déplafonnement sauf
s’il apporte la preuve d’une modification notable.
D’autre part, la patience du bailleur n’est pas une garantie de déplafonnement. En
effet, il peut être confronté à un preneur professionnel qui dispose d’un service juridique
aguerri sur ces questions. De plus, à l’heure où l’information des preneurs, même des plus
petits, s’est accrue, les chances de succès des bailleurs stratèges s’amoindrissent.
D’ailleurs, la ville de Lille s’inscrit dans cette tendance. En effet, face à l’augmentation des
loyers du centre-ville et du Vieux Lille, elle a créé un Guide des baux commerciaux à
destination des preneurs afin de les informer de leurs droits et des pièges des baux
commerciaux. De plus, une plate-forme juridique va être mise en place les mois prochains
afin de les accompagner tout au long de leur bail commercial. Quoi qu’il en soit, ces
initiatives politiques démontrent implicitement qu’il existe véritablement un déséquilibre
entre les parties ce qui amène à penser que le renouvellement doit être repensé (SECTION
I).
SECTION
II.
PROPOSITIONS
DE
REFONTE
DU
DROIT
AU
RENOUVELLEMENT
Le statut des baux commerciaux français est qualifié de système sui generis. Ainsi,
à l’heure où on assiste plutôt à une convergence des droits nationaux, il est d’abord
intéressant de sonder le droit comparé du renouvellement des baux commerciaux
(PARAGRAPHE I) puis d’exposer les propositions des auteurs et praticiens français pour
rénover le statut (PARAGRAPHE II).
Paragraphe 1. Droit au renouvellement et droit communautaire
Le juge communautaire est déjà intervenu pour exprimer sa position sur les baux
commerciaux (A). Comparé au droit communautaire et international, le système français se
distingue (B).
109
A.
Les baux commerciaux et le juge communautaire
Le droit communautaire influe de plus en plus sur les droits nationaux. Sans porter
atteinte à la souveraineté des États, l’objectif reste celui d’harmoniser les droits. C’est ainsi
que la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (Conv. EDH ciaprès) et la Cour du même nom prennent position sur l’organisation des rapports locatifs.
À cet égard, la décision rendue le 22 février 2005 a attiré l’attention des praticiens. En
effet, la CEDH a retenu que le principe de proportionnalité inscrit dans la Conv. EDH ne
peut conduire « à priver les propriétaires d’un bénéfice après paiement des charges et
frais liés à la location de leur immeuble, malgré une politique de logement nécessitant de
une limitation de l’augmentation des loyers
320 321
»
. Il semblerait donc que le juge
communautaire n’altèrerait pas le droit de propriété absolu du bailleur. D’un autre côté, le
juge communautaire protège les preneurs en refusant par exemple que les bailleurs les
obligent d’adhérer à une association de commerçants322. La Conv. EDH ne semble pas
remettre en question la pensée française du renouvellement. Les autres droits nationaux
laissent quand à eux une plus grande place à la liberté contractuelle (B).
B.
La pensée du renouvellement en Europe
Les auteurs distinguent classiquement deux catégories de pays européens : les
premiers adoptent un régime ultra libéral ou n’ont pas encadré les baux commerciaux, les
seconds se sont relativement inspiré du droit français323.
La première catégorie de pays se compose globalement de l’Allemagne, l’Italie,
l’Espagne, la Suisse, la Hongrie, la République tchèque. À cette catégorie s’ajoute les pays
membres de l’Organisation pour l’Harmonisation de Droit des Affaires en Afrique (ciaprès OHADA) a été créée par le Traité relatif à l'Harmonisation du Droit des Affaires en
Afrique signé le 17 octobre 1993. Elle regroupe aujourd'hui 16 pays d’expression
française. Le régime des baux commerciaux repose largement sur la liberté contractuelle.
320
Statut des baux commerciaux et concurrence, Abdoulaye Mbotaingar, Litec, déc. 2007
CEDH, 22 févr. 2005, (Ré. n°35014/97, Hutten-Czapoza c/Pologne) : Rev. Europe 2005, p. 31
322
Civ. 3e 12 juin 2003 Bull. Civ. III n°126, p. 113
323
M.-P. Bagneris, Le loyer du bail commercial, droit français comparé et perspectives dans l’Union
Européenne, Rev. internationale de droit comparé, n°49, 1997, p. 720-721
321
110
Par exemple, en Suisse le code des obligations organise une application générale à tous
types de baux.
La seconde catégorie de pays se compose globalement de la Suède, le Danemark, la
Grande-Bretagne, l’Irlande, la Grèce, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas. Le droit des baux
commerciaux y est relativement encadré : loi de 1951 en Belgique, loi de 1994 en Espagne,
arrêté de 1992 au Danemark ou Landlord Tenant Act en 1954 en Grande-Bretagne. À
propos du renouvellement, on ne peut pas parler d’un droit aussi protecteur qu’en France.
En Belgique, le renouvellement est limité à trois fois et le bailleur ne peut le refuser que
dans le cas prévus par une liste limitative324. De plus, le bailleur peut refuser le
renouvellement s’il démontre qu’un tiers lui propose un meilleur prix et que son preneur ne
s’aligne pas sur celui-ci ce qui est interdit en France par l’article L. 145-15 du Code de
commerce. En Grande-Bretagne, si le renouvellement est automatique, ce n’est pas sur le
fondement de la protection du preneur mais sur la liberté contractuelle puisque c’est
seulement en cas de dénonciation par l’une des parties que le bail ne sera pas renouvelé.
D’ailleurs, le Lord Tenant Act permet de se délier très facilement du contrat de bail dont la
durée est fixée librement. Dans le même esprit, l’Espagne organise un droit au
renouvellement uniquement si le preneur se maintient dans les lieux sans réaction contraire
du bailleur, le bail initial se poursuivant dans le cas contraire par tacite reconduction. Par
ailleurs, la durée du bail est libre. Enfin, dans les pays OHADA, le droit au renouvellement
est subordonné à l’exploitation du fonds pendant deux ans325. Sauf clause contraire, le bail
renouvelé durera trois ans et les cas de reprise sont proches de ceux du droit français (faute
du preneur, reconstruction/rénovation, habitation ou exploitation par le bailleur).
Face à ces éléments de droit comparé, les auteurs disent du statut français qu’il
affirme sa particularité. Toutefois, il a été démontré en première partie que la liberté
contractuelle a une grande place pour qui sait découvrir les failles du statut. Il n’en reste
pas moins que la volonté est de réformer le statut pour affirmer non plus la protection du
preneur mais la liberté contractuelle (Paragraphe 2).
324
B. Louveaux, Le droit du bail commercial, Coll. Droit actuel, De Boeck Université 2002, spéc.
n°118 et s.
325
Art. 91 et s. Livre III, Titre I de l’Acte Uniforme du 17 avriL. 1997
111
Paragraphe 2. Propositions de refonte du statut des baux commerciaux
Les auteurs et praticiens qui souhaitent rénover le statut arguent principalement de
l’obsolescence du système qui n’a pas été rénové en profondeur par la LME de 2008 (A).
Ainsi, ils émettent des propositions pour enrayer l’augmentation des loyers et faire
correspondre le contrat de bail aux besoins contemporains des commerçants (B). Si les
propositions ne touchent pas directement le droit au renouvellement, elles auront des
conséquences sur celui-ci indirectement.
Des barrières statutaires anachroniques326
A.
Le titre est emprunté au Professeur Mbotaingar qui a étudié les relations entre le
droit des baux commerciaux et le droit de la concurrence. Il en déduit que le statut des
baux commerciaux est dépassé au regard de l’évolution du marché et de la société : « les
barrières statutaires empêchent les entreprises de se mouvoir facilement sur le marché.
[…] Le cloisonnement statutaire enlise les entreprises locataires en ne facilitant pas leur
adaptation ».
Dans la même veine, la Confédération Générale des Petites et Moyennes
Entreprises (CGPME ci-après) part de ce postulat pour émettre plusieurs propositions de
réformes : « Les nouvelles technologies de l’information et de la communication, avec
l’apparition du e-commerce et l’ouverture internationale du secteur ont obligé les
différents distributeurs existants à faire évoluer leur manière de commercer. Depuis
quelques temps, la tendance n’est plus à l’homogénéisation mais plutôt de répondre à une
demande individuelle et surtout de proximité. »327 Dans ce contexte propice au changement
du statut, plusieurs propositions sont formulées (B).
B.
Les solutions alternatives
La principale proposition est de limiter le nombre de renouvellements (1) à laquelle
s’ajoutent des propositions connexes (2) ayant une influence sur le renouvellement.
326
327
Expression du Professeur Mbotaingar, supra note 320
Les Baux commerciaux, Propositions de l’Union du Commerce et des services, 2011
112
1.
La proposition de limiter le nombre de renouvellements
Il faut d’abord envisager le contenu et le domaine de la proposition (a) avant de
dégager ses limites (b).
a.
Contenu et domaine de la proposition
On a constaté précédemment qu’en droit comparé, notamment en Belgique328 des
législations limitaient le nombre de renouvellements. Cette solution est justifiée par l’idée
que les preneurs ne devraient plus bénéficier d’un loyer réduit après avoir exploité un
fonds pendant dix-huit années pour des baux de neuf ans. Selon le Professeur Kandérian, il
s’agirait donc de « plafonner le plafonnement »329. Toutefois, le Professeur Robine propose
raisonnablement d’exclure cette disposition des baux dits « tous commerces » qui
permettent par essence aux preneurs d’adapter leur activité à tout moment330. Cependant,
cette proposition présente des limites (2).
b. Limites de la proposition
Le Professeur Mbotaingar émet des réserves. Selon lui, cette méthode ne permet
pas de résorber les déséquilibres des loyers. De plus, elle créerait une « injustice » entre les
anciens baux et les nouveaux baux. Dans cette optique, le droit transitoire ne permettrait
certainement pas de suppléer cette carence de la proposition étant donné la disparité des
durées des baux commerciaux (baux n’ayant pas encore fait l’objet d’un renouvellement,
baux ayant connu un ou deux renouvellement, baux en cours d’exécution).
Pour y remédier, le Professeur Boccara331 préconisait de supprimer toute référence
au plafonnement à l’égard de tous les baux. Mais la classe politique ne sont pas prêts à
328
Article 13 de la loi du 27 mars 1990, en ce sens B. Louveaux, Le droit du bail commercial, Droit
actuel, 2002, p. 365, spéc. n°369
329
F. Kandérian, L’évolution contemporaine du statut des baux immobiliers d’exploitation, Litec
2003, n°321, spéc. n° 408.
330
.F. Robine, La valeur locative et les loyers commerciaux, in L’impact économique de la propriété
immobilière, AJPI 1996, p. 29 et s. – Adde : J. Monéger qui parle de « déspécialisation par anticipation »,
Code des baux, 18ème éd. Dalloz 2007
331
B. Boccara, Un statut des baux commerciaux pour quelles raisons ?, AJDI 2000, p.494
113
mettre en œuvre une telle réforme refusée en bloc par les locataires332. La prochaine
élection présidentielle qui aura lieu en mai 2012 confirme l’idée selon laquelle la réforme
n’aura pas lieu en cette période électorale tant le sujet est sensible. C’est ainsi que des
solutions alternatives sont proposées (2).
2.
Les autres propositions
La doctrine (a) et les praticiens (b) ont développé plusieurs séries de propositions.
a.
Les propositions doctrinales
Le problème majeur du renouvellement étant la distorsion des loyers et
subséquemment de la concurrence, des auteurs préconisent un contrôle plus lourd de la
Cour de cassation. On a révélé précédemment que l’intervention des juges du fond avait
créé un domaine largement casuistique. C’est ainsi que les auteurs subordonnent cette
intervention à la consécration de définitions communes par la Cour de cassation. Or, à ce
jour, la Haute Cour tend à préserver l’appréciation souveraine des juges du fond. Le
Premier Président de la Cour de cassation Bellet ouvre toutefois cette perspective lorsqu’il
précise : « Le fait devient le droit si nous le contrôlons ».
Une solution corollaire serait de redéfinir la valeur locative pour qu’elle prenne en
compte la rentabilité de l’activité lors du renouvellement et non pas uniquement à la
conclusion du bail. La Cour de cassation aurait le rôle de définir cette valeur locative
objective. Institutionnaliser la clause-recettes serait une technique efficace. Elle
permettrait, en plus de fixer le loyer initial, de préciser les conditions et les modalités dans
lesquelles sera déterminé le loyer lors du renouvellement : « Qu’il s’agisse d’un bail
assorti de loyer variable ou d’un bail ordinaire, le problème est le même. Écarter le
plafonnement est bien, mais insuffisant. Il faut y ajouter une référence à la valeur locative
réelle déterminée selon des techniques qui auront fait leurs preuves 333 ».
Enfin, une dernière alternative avait été avancée par le Rapport Pelletier. Il
proposait de réévaluer la valeur locative des loyers manifestement « décrochés », c'est-à332
J. Derruppé, Faut-il supprimer le statut des baux commerciaux ? Synthèse, AJDI 2000, P. 511 ;
Rapp. Pelletier, Documentation Française 2004, spéc. n°74
333
J. Derruppé, op. citato
114
dire manifestement surévalués ou sous-évalués, au nom de l’équité. Actuellement, les juges
fixent la valeur locative selon la méthode de calcul « qui leur apparaît le meilleur 334».
Ainsi, sur les méthodes de comparaison des références, il serait plus équitable de faire la
moyenne des différents types de loyers en prenant en compte leur spécificité et de leur
rapport avec le local concerné. Ensuite, ce sont les praticiens impliqués au quotidien par les
problèmes liés au renouvellement qui émettent des propositions de réforme (b).
b. Les propositions des praticiens
L’expert immobilier près la Cour d’appel de Douai et du Tribunal de Grande
Instance de Lille, Jean-Jacques Martel, préconise d’institutionnaliser la valeur de
renouvellement. Celle-ci serait définie par comparaison exclusive des références de
renouvellement et serait affectée d’un coefficient de renouvellement établi sur plusieurs
critères macro ou micro-économiques. En définitive, « L’institutionnalisation du loyer de
renouvellement privilégierait le travail sur le capital, limiterait la spéculation et la
concurrence déloyale, récompenserait la longévité de l’exploitation et respecterait l’intuitu
personae du contrat 335 ».
La CGPME a également pris position en 2011 et a émis plusieurs propositions. Elle
réclame également la modification des critères de détermination de la valeur locative. Plus
précisément, elle demande que le calcul des prix pratiqués dans le voisinage soit modifié.
Pour ce faire, elle propose de faire référence à l’article 19 de la loi du 6 juillet 1989 qui
exige que le bailleur apporte au minium trois références ou de six dans les communes de
plus d’un million d’habitants. La Confédération propose que la moitié des baux pris en
compte pour le calcul du loyer de renouvellement aient la même destination que le bail
faisant l’objet du renouvellement.
Une autre proposition, réclamée depuis plusieurs années, est la suppression du
déplafonnement pour les baux de plus de 9 ans en raison de l’insécurité juridique pour les
preneurs. Curiosité du statut présenté comme protecteur des preneurs, cette disposition
semble en effet inutile à l’heure où l’information accrue des preneurs tend à neutraliser son
application.
334
Civ. 3e 3 juin 2004 Bull. Civ. 2004 n°111 p. 101, Defrénois, 2005-02-15, n°3, article 38097, p.
255-257.
335
AJDI 2010, p. 681.
115
Ces propositions ont toutes pour dessein de pallier les déséquilibres engendrés par
le statut et faire en sorte que le renouvellement ne soit plus un objet litigieux.
116
CONCLUSION GÉNÉRALE
L’étude approfondie des stratégies du bailleur dans la perspective du
renouvellement révèle deux tendances correspondant à la chronologie du contrat de bail.
Le statut des baux commerciaux est présenté comme un statut protecteur du
preneur. Or, l’étude de la période précontractuelle révèle que la matière est propice au
déploiement de la stratégie des bailleurs qui, par l’insertion de clauses, peuvent asseoir leur
position en vue du renouvellement.
En revanche, au jour du renouvellement, et en l’absence de clause, un carcan
législatif oriente le comportement du bailleur. La place du juge est quasi omniprésente de
sorte que la résistance des bailleurs qui tentent de contourner la voie judiciaire est relative.
En définitive, une refonte globale est nécessaire afin d’harmoniser le cadre législatif aux
droits nationaux de la zone européenne.
117
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Loi du 22 avril 1927 tendant à interpréter et à compléter les dispositions de la loi
du 30 juin 1926 sur le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à
usage commercial ou industriel.
-
Loi du 12 juillet 1933 ayant pour objet de permettre aux commerçants, industriels
ou artisans, d'introduire une action en revision du prix de leur loyer en vue d'obtenir
une réduction pour les baux antérieurs au 1er juillet 1932.
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Loi du 13 juillet 1933 modifiant les dispositions de la loi du 30 juin 1926,
modifiée par la loi du 22 avril 1937, réglant les rapports entre locataires et bailleurs
en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à
usage commercial ou industriel.
-
Loi du 2 février 1937 tendant à compléter la loi du 30 juin 1926 modifiée par les
lois des 22 avril 1927 et 13 juillet 1933, réglant les rapports entre locataires et
bailleurs en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de
locaux à usage commercial ou industriel.
-
Décret du 25 août 1937 tendant à compléter la loi du 30 juin 1926 modifiée par les
lois des 22 avril 1927, 13 juillet 1933 et 2 février 1937, réglant les rapports entre
locataires et bailleurs en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer
d'immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel.
-
Décret du 1er juillet 1939 ayant pour objet de permettre aux commerçants,
industriels et artisans d'introduire une action en révision du prix de leur loyer,
121
lorsque, par le jeu d'une clause d'échelle mobile, ce prix se trouve modifié de plus
d'un quart.
-
Loi n° 46-744 du 18 avril 1946 modifiant la loi du 30 juin 1926, modifiée par les
lois des 22 avril 1927, 13 juillet 1933, 2 février 1937 et par le décret du 25 août
1937 réglant les rapports entre locataires et bailleurs en ce qui concerne le
renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial ou
industriel.
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Loi n° 48-1309 du 25 août 1948 permettant la révision du prix de certains baux à
loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial et industriel.
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d'immeubles à usage commercial industriel ou artisanal modifiée et complétée par
les lois des 29 décembre 1949, 31 mars 1950, 24 mai 1951, 31 décembre 1952 et 15
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Loi n° 51-685 du 24 mai 1951 relative à la prorogation de certains baux de locaux
ou d'immeubles à usage commercial, industriel ou artisanal.
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Décret du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en
ce qui concerne le renouvellement des baux à loyers d’immeubles ou de locaux à
usage commercial ou industriel, JO du 1er octobre 1953, p. 8618 et s.
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-
Rapport de la Commission Pelletier, Propositions pour une modernisation du
régime juridique des baux commerciaux et professionnels, avril 2004.
JURISPRUDENCE.
Cour de cassation
1936
-
Cass. Req. 4 nov. 1936, Gaz. Pal. 1936.2. p. 741
1942
-
Civ. 24 juill. 1942 : S. 1943, 1, p. 130 ; Com. 16 mai 1950 : D. 1950. p. 468.
122
1943
-
Civ. 28 juill. 1943 : D 1943, p. 19 ; Civ. 20 mars 1943 : Gaz. Pal. 1943, 1, 239
1948
-
Civ. 3 févr. 1948 : Gaz. Pal. 1948, 1, p. 171
1949
-
Com. 31 janv. 1949, Bull. Civ. III, n° 51
1954
-
Civ. 3e 29 juin 1954 : AJPI 1954 p. 248
1960
-
Com. 2 mars 1960, Bull. civ. III n° 89
-
Com. 6 juill. 1960 D. 1961, somm. 57
1961
-
Civ. 9 janv. 1961, Ann. L. 1961-922
-
Civ. 29 nov. 1961, Gaz. Pal. 1962. 1. 235
-
Com. 27 déc. 1961, D 1962, p. 146
1962
-
Com. 5 fév. 1962 : JCP G 1962, IV, 42 ; Bull. Civ. III, n° 77
-
Com. 9 octobre 1962, Bull. Civ. III n° 320.
-
Com. 14 nov. 1962, D. 1963, 305, Gaz. Pal. 1963, 1, p. 44.
1963
-
Comm. 18 déc. 1963, Bull. III n° 467.1965
1965
-
Com. 8 févr. 1965, D. 1965. 292
-
Com. 11 fév. 1965
1966
-
Com. 15 déc. 1966 : Bull. Civ. III, n° 483
-
Com. 15 déc. 1966, Ann. L. 1967-1640
1968
-
Civ. 3e 22 févr. 1968, Bull. Civ. III, n° 45
-
Civ. 3e 9 mai 1968, D.1969, somm. 110
-
Civ. 3e 14 novembre 1968, Bull. Civ. III, n° 462
-
Civ. 3e 22 févr. 1968, Bull. Civ. III n° 69; JCP 1968, II, n° 15604
123
-
Civ. 3e 13 déc. 1968, JCP 1969, IV, 26
1969
-
Civ. 3e 6 nov. 1969, D.1970, somm. 1
-
Civ. 3e 21 nov. 1969, n° 67-14.593, D.1970, somm. p. 135
1970
-
Civ 3e 9 avr. 1970, n° 68-14.192, Rev. Loyers 1970, p. 359
-
Civ. 3e 14 décembre 1971, Bull. 3-444
1972
-
Civ. 3e 6 juin 1972 : Bull. civ. III, n° 369 ; DS 1973,151.
-
Civ. 3e 21 juin 1972, Bull. civ. III n° 415
1973
-
Civ. 3e 15 mai 1973
-
Civ. 3e 9 juill. 1973, Bull. civ. III, n° 467 ; DS 1974, p. 24
1975
-
Civ. 3e 25 juin, 1975, n° 74-13.069, Bull. Civ. III n° 219 ; AJPI 1975,898
-
Civ. 3e 19 novembre 1975, n° 74-13.168
-
Civ. 3e 19 février 1975, Bull. cass. III, n° 70 19 févr. 1975 : Ann. Loyers 1975, p.
904
1976
-
Civ. 3e 25 fév. 1976 : Bull. Civ. III n° 90; JCP G 1976, IV, 134, Ann. L. 1976-1176
-
Civ. 3e 6 oct. 1976, AJPI 1977, 468
1977
-
Civ. 3e 25 janv. 1977 : Gaz. Pal. 1977 I pan. p. 164
-
Civ. 3e 15 mars 1977, Gaz. Pal. 1977, 1, somm. 165
-
Civ. 3e 25 mai 1977 : Bull. Civ. III, n° 220
1978
-
Civ. 3e 1er févr. 1978 : Bull. civ. III, n° 66.
-
Civ. 3e 31 mars 1978, n° 75-15.046, Bull. Civ. III, n° 143, Gaz. Pal. 1978, 2, somm.
267
-
Civ. 3e 14 nov. 1978, Gaz. Pal., 1979, 1, pan. p. 113
1979
-
Civ. 3e 24 oct. 1979, Bull. civ. III, n° 189 ; D. 1980, IR p. 106
124
-
Civ. 3e 20 juin 1979, Bull. civ. III, n° 136, Rev. Loyers 1979 p. 478
-
Civ. 3e 20 juin 1979, Rev. Loyers 1980, p. 42
1980
-
Civ. 3e 13 fév. 1980 n° 78-12.522 : Bull. Civ. III n° 38
-
Civ. 3e 5 mars 1980, n° 78-16.198Rev. Loyers 1980 p. 313.
-
Civ. 3e 20 mai 1980, Gaz. Pal. 1982, pan. p. 516
-
Civ. 3e 9 déc. 1980, n° 79-14.235, Bull. Civ. III n° 191, Gaz. Pal. 1981, 1, jur., p.
410, note Ph.-H. Brault, Rev. Loyers 1981 p. 79, note Viatte
1981
-
Civ. 3e 3 mars 1981 Gaz. Pal. 1981, 2, somm. p. 226
-
Civ. 3e 3 mars 1981, Bull. civ. III, n° 43
-
Civ. 3e 24 nov. 1981, n° 80-14626, Société Immobilière et Forestière c/ État
Français, inédit
-
Civ. 3e 9 nov. 1981 : Gaz. Pal. 1981, 1, panor. p. 130
-
Civ. 3e 6 oct. 1981, Gaz. Pal. 1982, 1, pan. p. 63
1982
-
Civ. 3e, 2 févr. 1982, Gaz. Pal. 1982. 2, pan. 195, Rev. Loyers 1982, p. 248
-
Civ. 3e 4 mai 1982, Gaz. Pal. 1982, 2, pan. p. 281
-
Civ. 3e, 8 juin 1982, n° 1022 : Bull. Civ. III n° 146
-
Civ. 3e, 20 déc. 1982, n° 81-13.495 : Bull. Civ. III n° 257
1983
-
Civ. 3e 1er févr. 1983 : Bull. civ. III, n° 31 ; RD imm. 1984, p. 361.
-
Civ. 3e 13 avr. 1983, JCP 1983, IV, p. 189.
-
Civ. 3e 14 juin 1983 : Bull. civ. III, n° 136
1984
-
Civ. 3e 19 juill. 1984 : Bull. civ. III, n° 145
1985
-
Civ. 3e 8 janv. 1985, D. 1985. somm. 236
-
Civ. 3e 13 févr. 1985, Rev. Loyers 1985. 337
-
Civ. 17 avr. 1985, Bull. Civ. III n°63, n°83-12.399, Bull. Civ. III, n°304, J-Cl loyer
ZF 10-1, n°14
-
Civ. 3e 26 nov. 1985, Gaz. Pal. 1986, 1, 114
125
1986
-
Civ. 3e 11 juin 1986, Gaz. Pal. 1986, 2, pan. p. 179
-
Civ. 3e 23 juill. 1986 : Bull. Civ. III n° 131 p. 102 ; JCP G 1986 IV, p. 293 ; Gaz.
Pal. 1986, 2, pan. jurisp. p. 227, RD imm., 1987, p. 291
1987
-
Civ. 3e 11 févr. 1987, D. 1987, IR p. 39
-
Civ. 3e 16 déc. 1987, Gaz. Pal. 1988, 1, pan., p. 35
1988
-
Civ. 3e 24 févr. 1988, Gaz. Pal. 1988. 2. 798
-
Civ. 3e 18 mai 1988, D. 1988. IR 154 ; 12 juin 2001, AJDI 2001. 983, obs. J.-P.
Blatter
-
Civ. 3e 12 oct. 1988, D.1988, p. 245
-
Civ. 3e 3 nov. 1988, n° 87-15.941 et 21 déc. 1988 n° 87-18.501, JCP 1990, II,
21449, Loyers et copr. 1989, comm. 24
-
Civ. 3e 30 nov. 1988 : Loyers et copr. 1989, comm. n° 64 et 183
-
Civ. 3e 21 déc. 1988, Loyers et copr. 1989, comm. 131 ; Civ. 3e, 27 nov. 1990,
Loyers et copr. 1992, comm. 75
1989
-
Civ. 3e 10 mai 1989 ; Civ. 3e 17 octobre 1990
-
Civ. 3e 31 oct. 1989, Bull. civ. III, n° 203
-
Civ. 3e 7 juin 1989, Bull. civ. III, n° 132 ; Gaz. Pal. 1989.2.887, note Barbier ; RDI
1989.512, obs. Derruppé. 30 janv. 1991, Bull. civ. III, n° 44 ; JCP 1991. éd.
N.II.265. 20 mars 1991, Bull. civ. III, n° 95 ; JCP 1991. éd. N.II.334 ; RDI
1991.273, obs. Derruppé ; D. 1991. Somm. 362, obs. Rozès ; Rev. Administrer juin
1991.26, note Barbier.
-
Civ. 3e 12 juill. 1989, n° 88-12.539, Loyers et copr. 1989, n° 484
1990
-
Civ. 3e 30 mai 1990, n° 89-12.061, Bull. civ. III, n° 131, Loyers et copr. 1990.
comm. n° 355– 27 nov. 1990 : Gaz. Pal. 1991, I, p. 308
-
Civ. 3e 27 nov. 1990 Loyers et Copr. 1992, n° 76
-
Civ. 3e 11 juill. 1990, n° 88-19.994, Gaz Pal. 1991, 1, pan. p. 36
126
1991
-
Civ. 3e 16 janv. 1991: Rev. Layers 1991, p. 253
-
Civ. 3e 30 janvier 1991, n° 286 P ; Civ. 3e 17 juillet 1991 n° 90-10.102 : Bull. Civ.
III n° 213
-
Civ. 3e 9 octobre 1991, n° 90-11.879, Loyers et copr. 1991 n° 474
-
Civ. 3e 18 déc. 1991, n° 90-10.109 Bull. Civ. III n° 323, JCP éd. G 1992, IV, n°
610
1992
-
Civ. 3e 19 fév. 1992, n° 90-16.148, Bull. Civ. III n° 61
-
Civ. 3e 4 mars 1992 n° 429 ; RJDA 5/92 n° 434
-
Civ. 3e 8 avril 1992, Gaz. Pal. 1993, 1, pan. jur. p. 4
-
Civ. 3e 3 juin 1992 n° 996 : RJDA 8-9/2 n° 811, Administrer juin 1993 p. 22
-
Civ. 3 civ. 14 octobre 1992, Rev. Administrer mai 1993, p. 41
e
1993
-
Civ. 3e 17 févr. 1993, n° 89-12.597, Loyers et copr. 1993, n° 225
-
Civ. 3e 10 mars 1993 dit « Théâtre Saint Georges », n° 91-13.418, Bull. Civ. III n°
30 p. 19, AJDI 1993 p. 710, RD Imm. 1993, p. 276, RD imm, 1994 p. 511, RD
1994 p. 47, RTD comm. 1993 p. 638, AJPI 1993.710, obs. B. Boussageon; JCP
1993. éd. E. II.460, note B. Boccara ; JCP 1993.11.22089, note F. Auque ; Loyers
et copr. juin 1993, p. 1, chron. P. H. Brault ; Gaz. Pal. 1993.2.313, note J.-D.
Barbier, D. 1994.47, obs. L. Rozès ; JCP 1993. II. 22089, note F. Auque ; Loyers et
copr. juin 1993, comm. P. H. Brault ; Gaz. Pal. 3 juillet 1993, comm. J.-D. Barbier
; Rev. dr. imm. 1993, p. 276, comm. J. Derruppé et G. Brière de L'Isle
-
Civ. 3e 19 mai 1993 n° 91-16.254 ;;
-
Civ. 3e 16 juin 1993, n° 91-19.996, JCP 1993, IV, n° 2090, Loyers et copr. 1993
comm. 438
-
Civ. 3e 27 octobre 1993, AJPI 1994.207
-
Civ. 3e 21 déc. 1993, AJPI 1994, p. 121, obs. J.-P. Blatter
1994
-
Civ. 3e 23 fév. 1994, n° 92-13.588, Bull. Civ. III, n° 32, Loyers et copr. 1994, 293,
Rev. Loyers 1994, p. 444
-
Civ. 3e 18 mai 1994 n° 906 : RJDA 8-9/94 n° 915
127
1995
-
Civ. 3e 1er mars 1995, n° 93-10.172, Bull. civ. III n° 66, Administrer 1995, n° 269,
p. 27, note J.-D. Barbier
-
Civ. 3e 22 mars 1995, n° 93-14.282, Administrer, août-sept. 1995
-
Civ. 3e 28 mars 1995, n° 93-16.657, Rev. Loyers 1995, p. 414
-
Civ. 3e 5 avr. 1995, AJPI 1995.587, note Blatter
-
Civ. 3e 21 juin 1995, RJDA 1995 n°51
1996
-
Civ. 3e 7 févr. 1996, n° 94-11.909, Bull. civ. III, no 40
-
Civ 3e 6 mars 1996, n° 93-17.520, Bull. civ. III, n° 61, Rev. Loyers 1997, p. 41
-
Civ. 3e 6 mars 1996, n° 94-12.162, AJPI 1996, 582
-
Civ. 3e 3 avr. 1996 : RJDA 1996. 896
-
Civ. 3e 17 avr. 1996, no 94-17.181, AJPI 1996, p. 1014, Rev. Huissiers 1997, p. 496
-
Civ. 3e 30 mai 1996 Bull. civ. III p. 81, RJDA 8-9/96 n° 1026
-
Civ. 3e 12 juin 1996 n° 1068 P : RJDA 10/96 n° 1164
1997
-
Civ. 3e 8 janv. 1997, n° 95-11.482, Bull. civ. III, n° 5, Gaz. Pal. 1997, 1, 211,
Loyers et copr. 1997, n° 175
-
Civ. 3e 4 février 1997, n° 201 : Administrer juin 1997 p. 27, Loyers et copr. 1997
comm. n° 144.
-
Civ. 3e 5 mars 1997
-
Civ. 3e 2 juillet 1997, Gaz. Pal. 1997, 2, somm. p. 462, obs. J.-D. Barbier
-
Civ. 3e 1er octobre 1997, n° 95-21.806, AJDI 1998 p. 109.
-
Civ. 3e 16 octobre 1997, Dalloz Affaires, 1998, p. 100, obs. Y. R.
-
Civ. 3e 13 nov. 1997, Bull. Civ. III, n° 203, D.1997.IR.254
-
Civ. 3e 26 nov. 1997, n° 96-11.191, Administrer, janv. 1998, p. 42
-
Civ. 3e, 16 déc. 1997, n° 96-16.779, RDI 1998, 698 ; Administrer, avr. 1998, p.
39, Loyers et copr. 1998, n° 126
1998
-
Civ. 3e 4 mars 1998, AJDI 1998, p. 620. J.-P. Blatter, Loyers et copr. 1998, n°
159, obs. Brault et Mutelet
-
e
Civ. 3 18 mars 1998, AJDI 1998, p. 358, note J.-P. Blatter
128
-
Civ. 3e 1er avril 1998, n°96-14.638, Bull. Civ. III, n°77, Gaz. Pal. 28 août 1998,
pan. 228.
-
Civ. 3e, 10 juin 1998, Bull. cass. III, n° 119
-
Civ. 3e 23 juin 1998, Loyers et copr. 1998, comm. 233
-
Civ. 3e 7 octobre 1998, n° 96-22.437, Droit et pratique des baux commerciaux –
rédaction des clauses extérieures au statut, n° 260.180
-
Com. 4 nov. 1998, n° 96-22.251, RDI 1999.161
-
Civ. 3e 26 novembre 1998, RD imm. 1999, p. 162, obs. Derruppé
-
Civ. 3e 2 déc. 1998, n° 97-11.791, Bull. Civ. III, n° 228 ; BPIM 1/99, n° 66, p. 26 ;
Gaz. Pal. 28-30 mars 1999, PB : RJDA 2/99 n° 155, D. 1999 IR 23, JCP 1999 IV,
n° 1114
-
Civ. 3e 16 déc. 1998, n° 96-22.232, Bull. civ. III, n° 245
1999
-
Civ. 3e 13 janvier 1999 n° 42 : RJDA 3/99 .269
-
Civ. 3e 27 janv. 1999, n° 97-13.366, Bull. civ. III, n° 22, AJDI 1999. 699, obs. D.
Cohen-Trumer
-
Civ. 3e 24 févr. 1999, n° 97-11.554, Rev. Loyers 1999 p. 411, Administrer 1999, n°
315, p. 32, AJDI 1999, p. 655
-
Civ. 3e 24 mars 1999, n° 97-16.708, Sté Brasserie des Arts c/ Cts Colombo inédit,
AJDI 2000, 45, RDI 1999, 469
-
Civ. 1ère 7 avril 1999 n° 97-10.067 : Loyers et copr. 1999 comm. n° 2111
-
Civ. 3e 5 mai 1999, n° 97-15.484, Bull. Civ. III, n° 104
-
Civ. 3e 2 juin 1999: D. affaires 1999, p. 1067, obs. crit. Y. Rouquet ; Rev.
Administrer août-sept. 1999, p. 51, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L.
Sainturat ; Rev. Administrer avril 2000, p. 27, note J.-D. Barbier
-
Civ. 3e 30 juin 1999, n° 96-21.449, D. 1999, p. 31
-
Civ. 3e 30 juin 1999, n° 97-19.002, Defrénois 1999, 1199
-
Civ. 3e 12 juillet 1999 n° 97-21.2000, Administrer, oct. 1999, p. 31
-
Civ. 3e, 29 sept. 1999, n° 97-21.171, Loyers et copr. 1999, n° 291
-
Civ. 3e 24 nov. 1999 : Juris-Data n° 1999-004065 ; Bull. civ. III, n° 223 ; D. 2000,
AJ, p. 51, note Y. Rouquet ; AJDI 2000, p. 311, obs. Blatter ; Petites affiches 18
sept. 2000, p. 10, note M. Kéita
129
2000
-
Civ. 3e 2 févr. 2000, n° 98-13.018, AJDI 2000, 433 ; Rev. Loyers 2000, p. 256,
Administrer, mai 2000, p. 28
-
Civ. 3e 15 mars 2000, n° 98-16.771, RDI 2000, p. 402, obs. J. Derruppé, Loyers et
copr. 2000, n° 141, obs. Brault Ph.-H., RD imm. 2000, p. 402, obs. Derruppé J.
-
Civ. 3e 15 mars 2000, RDI 2000, p. 402, obs. J. Derruppé.
-
Civ. 3e 29 mars 2000, n° 98-11.518, AJDI 2000, 554, Loyers et copr. 2000, n° 200
-
Civ. 3e 13 déc. 2000: Bull. civ. III, n° 187 ; D. 2001. AJ 551, obs. Rouquet; ibid.
2001.Somm. 3521, obs. Rozès.
-
Civ. 3e 19 déc. 2000, n° 99-13.642, Administrer, mars 2001, p. 29
-
Civ. 3e 6 nov. 2001, n° 00-17.220, NP, AJDI 2002, 215
-
Civ. 3e 29 nov. 2000, n° 99-12.730, JCP E 2001 n° 17, p. 711
2001
- Civ. 3e 7 mars 2001, Bull. civ. III, n° 29 ; D. 2001, AJ p. 1874, obs. Y. Rouquet ;
ibid. 2001, Somm. p. 3527, obs. L. Rozès
-
Civ. 3e 21 mars 2001, n° 99-16.640, Bull. Civ. III, n° 35 ; AJDI 2001, p. 698 ; D.
2001, AJ, p. 2039, AJDI 2001, 698 ; JCP E 2001, 1243
-
Civ. 3e 3 avril 2001, n° 99-19.768 Gaz. Pal. 2002, somm. p. 162
-
Civ. 3e 27 juin 2001, n° 99-21.801, Administrer, nov. 2001, p. 32
-
Civ. 3e 26 sept. 2001, n° 00-13.924, Administrer, janv. 2002 p. 26
-
Civ. 3e 10 oct. 2001, Defrénois 2002. 176, note S. Duplan-Miellet
-
Civ. 3e 6 nov. 2001, n° 00-17.967, Administrer, févr. 2002, p. 25 ; AJDI 2002 p.
216
-
Civ. 3e 21 nov. 2001, AJDI 2002 p. 31, obs. M.-P. Dumont
-
Civ. 3e 5 déc. 2001, n° 00-14.294
-
Civ. 3e 12 déc. 2001, Loyers et copr., 2002, n° 90
-
Civ. 3e 19 déc. 2001, n° 00-14.425, Bull. Civ. III n°156 ; BRDA 2/2002, n°10
2002
-
Civ. 3e 30 janv. 2002, n° 00-15.202, Bull. Civ. III, n° 21.
-
Civ. 3e 27 mars 2002, RJDA 6/02 n° 601
-
Civ. 3e 7 avril 2002, Administrer, juill. 2002, p. 15
130
-
Civ. 3e 29 avr. 2002, n° 01-01.497, AJDI 2002. 523, obs. J.-P. Blatter, RTD com.
1999, p. 368, obs. J. Monéger, Loyers et copr. 2002, n° 204 ; AJDI 2002, 522
-
Civ. 3e 7 mai 2002 « Unibail » : AJDI 2002. 523, obs. J.-P. Blatter, Gaz. Pal. 2002,
2, p. 972, note Barbier J.-D., Rev. Administrer 2002, n° 346, p. 14, obs. Boccara
B. et Lipman-Boccara. Gaz. Pal. 2002, 2, p. 972, note Barbier J.-D., Rev. Admin.
2002, n°346, p. 14, obs. Boccara B. et Lipman-Boccara
-
Civ. 3e 5 juin 2002, BICC, 1er octobre 2002, n° 931, p. 9, Bull. n° 127, AJ 2534,
obs. Y. Rouquet
-
Civ. 3e 2 oct. 2002, AJDI 2003 p. 28, RD 2002 p. 3014, RTD Comm. 2003 p. 277.
-
Civ. 3e 13 nov. 2002, ibd. 2003 p. 36
-
Civ. 3e 27 nov. 2002, n° 01-12.816, Bull. civ. III, n° 235.
2003
-
Civ. 3e 19 mars 2003, AJDI 2003 p. 348.
-
Civ. 3e 2 avr. 2003, n° 01-17.017, Bull. Civ. III, n° 76
-
Civ. 3e 27 mai 2003, n° 02- 11.666, AJDI 2003, p. 668
-
Civ. 3e 12 juin 2003 Bull. Civ. III n° 126, p. 113
-
Civ. 3e 9 juillet 2003, n° 02-11.621, Bull. Civ. III n° 147
2004
-
Civ. 3e 10 mars 2004, Bull. civ. III, n° 52, n° 02-14.998, Loyers et copr. 2004, no
91, obs. Brault Ph.-H., D. 2004, AJ p. 878, obs. Rouquet Y., Defrénois 2004. 1325
-
Civ. 3e 24 mars 2004 N° 366 FS-PB : RJDA 6/04 n° 679
-
Civ. 3e 5 mai 2004, n° 03-10.477, Bull. civ. n° 90 ; AJDI 2005, 27, D. 2004, n° 21,
1526
-
Civ. 3e 19 mai 2004, no 02-20.243, AJDI 2005.208, obs. M.-P. Dumont
-
Civ. 3e 30 juin 2004, n° 03-10.754, Bull. Civ. III, n° 138 ; D. 2004, AJ 2232 ; AJDI
2005, 131, n° 810 F-PBI : RJDA 10/04 1095.
-
Civ. 3e 7 juill. 2004, Bull. Civ. III, n° 145. D. 2004. AJ. 2573
-
Civ. 3e 28 sept. 2004, n°03-12.189, NP, AJDI 2005, 213.
-
Civ, 3e, 27 oct. 2004, D. 2004.3071
-
Civ. 3e 9 nov. 2004, AJDI 2005. 382, note C. Denizot
-
Civ. 3e, 24 nov. 2004, n° 003-15.807, Bull. Civ. III, n° 208, Rev. Loyers 2005/853,
n° 42
131
2005
-
Civ. 3e, 18 mai 2005, n° 04-13.798, NP, AJDI 2005, 661
2006
-
Civ. 3e, 25 janvier 2006, n° 04-20.173, Rev. Loyers 2006/866, n° 335, p. 186. V. 3e,
30 mai 2007, n° 06-12.853
-
Civ. 3e 21 fév. 2006 n° 05-15.776, Administrer 2006, n° 388, p. 41 obs. D LipmanBoccara
-
Civ. 3e 4 mai 2006 no 05-15.151, Bull. civ. III, no 110, p. 93, D. 2006. AJ 1531,
obs. Y. Rouquet, AJDI 2006. 736, note J.-P. Blatter, JCP E 2007. 2780, note M.P. Dumont-Lefrand ; RD 2007 p. 1827.
-
Civ. 3e 13 déc. 2006, no 06-12.323, Bull. civ. III, no 248 ; D. 2007. AJ 158, obs. Y.
Rouquet ; Loyers et copr. 2007, 28, obs. Ph.-H. Brault
2007
-
Civ. 3e 10 janv. 2007 : Bull. civ. III, n° 1 ; D. 2007. AJ 298, obs. Rouquet ; AJDI
2007. 480, note Zalewski ; Rev. loyers 2007. 135, obs. Rémy
-
Civ. 3e 21 février 2007 n° 167 FS-PBR : RJDA 5/07 n° 455
-
Civ. 3e 21 mars 2007, Bull. civ. n° 40, AJDI 2007 p. 836
2008
-
Civ. 3e 8 janv. 2008, n° 06-14.190 ; 1ère ch. Sect. B, 9 oct. 2007, n° RG : 0604404
-
Civ., 3e 23 janvier 2008, n° 06-19.129, Bull. Civ.III, 2008, n° 11, RTD Civ. 2008,
p. 292, Fages, Rép. Com. n° 383, Droit et pratique des baux commerciaux, 2011,
n° 360-08.J-Cl Bail à loyer, Fasc. 1265, Cote : 02,2002
-
Civ. 3e 5 mars 2008, Bull. civ. III, n° 38 ; D. 2008. AJ 848, obs. Rouquet; AJDI
2008. 668, note Denizot ; Monéger, Loyers et copr. 2008, Repère n° 4
-
Civ. 3e 5 mars 2008, n° 05-20.200, Bull. Civ. III, n° 41, AJDI 2008, p. 579.
-
Civ. 3e 16 avril 2008, n° 07-15.486, Bull. civ. III, n° 72; AJDI 2008.843, obs.
Blatter; D. 2008. AJD1205, obs. Rouquet ; Loyers et copr. 2008, n° 133, obs.
Brault
-
Civ. 3e 11 juin 2008, n°07-14.551, Bull. Civ. III, n°103
-
Civ. 3e 9 juill. 2008, n° 07-14.631, Bull. Civ. III, n° 121, AJDI 2008 p. 841, RD
2009.896
132
-
Civ. 3e 15 octobre 2008, n° 07-17.727, Bull. Civ. III, n° 151 ; D. 2008, 1J 2667 ;
Rev. Loyers 2008, 542 ; Administrer déc. 2008 ; Loyers et copr., 2008, n° 281 ;
RJDA 2008 n° 1232
-
Civ. 3e 25 nov. 2008, Ann. Loyers 2009, 44
2009
-
Civ. 3e 20 janvier 2009, n° 07-20.854, RTD comm. 2009 p. 694
-
Civ. 3e 4 fév. 2009 n° 07-20.980 FS-PBI : RJDA 10/09 n° 815
2010
-
Civ. 3e 8 avril 2010, n° 09-0.226, AJDI 2010 p. 720, note Rouquet
-
Civ. 3 18 mai 2010, n° 09-15.352 ; 18 janv. 2011, n° 09-71.933
-
Civ. 3 15 sept. 2010, n° 09-15.192 FS-PB : RJDA 1/11 n° 20, D. 2010. Actu.
e
e
2225, obs. Y. Rouquet
-
Civ. 3e 9 décembre 2010, D.2011, Actu. 9 obs. Rouquet
Cour d’appel
1934
-
CA Amiens, 2 nov. 1934, Gaz. Pal. 1934, 1, p. 70
1951
-
CA Besançon, 15 févr. 1951 : Gaz. Pal. 1951, 1, p. 303 ; D. 1951, p. 244
1960
-
CA Rennes, 1er avr. et 12 juill. 1960, Ann. Loyers, 1961, p. 304
1962
-
CA Paris, 3 oct. 1961, JCP 1962. II. 12759, note Boccara
1963
-
CA Paris, 30 oct. 1962, D. 1963, Somm. 37
1967
-
CA Lyon, 25 avril 1967, Ann. L. 1968-1567
1968
-
CA Paris, 16e ch., 25 janvier 1968, Rev. Loyers, 1968, p. 19
1975
-
CA Douai, 5 juin 1975, Rev. Loyers 1976 p. 19
133
-
CA Paris, 9 juillet 1975, Ann. L. 1976-1110
1978
-
CA Paris, 24 fév. 1978, Gaz. Pal. 1978, 1, 321
1980
-
CA Paris, 18 oct. 1979, Gaz. Pal. 1980, somm. p. 77
1981
-
CA Paris 5 févr. 1981, D. 1981, IR 377
1982
-
CA Versailles, 6 octobre 1982, Rev. Loyers 1983, p. 321
1983
-
CA Versailles, 28 avr. 1983, Rev. Loyers 1983, p. 434
-
CA Versailles, 21 oct. 1983, Gaz. Pal. Tables 1984, « Baux commerciaux », n° 63
1987
-
CA Paris 29 janvier 1987 D. 1987, IR 33
1992
-
CA Poitiers, 15 mars 1992, Ann. L. 1992-1077
-
CA Paris, 6 nov. 1992, D. 1993, IR 41
1993
-
CA Versailles, 12e chambre, 10 juin 1993 : Juris-Data n° 1993-043810
-
CA Paris, 14 oct. 1993, Administrer, mars 1994, p. 56 ; 27 mars 1997, Loyers et
copr. 1997, n° 264.
-
CA Paris 26 oct. 1993, Administrer, mai 1994 p. 51.
-
CA Paris, 2 nov. 1993, Gaz. Pal. 1994, A, somm., p. 177
1994
-
CA Paris 13 septembre 1994, Loyers et copr. 1994, n° 479, note Ph.-H. Brault ; J.P. Blatter, AJDI 1998, p. 173
-
CA Paris, 7 juin 1994, Loyers et copr. 1994, n° 295
-
CA Paris, 21 juin 1994 : Gaz. Pal. 1995, A, somm. p. 48
-
CA Paris, 9 sept. 1994, D. 1994, IR p. 227
-
CA Paris, 7 oct. 1994, Gaz. Pal. 1995, 2, somm. 347
-
CA Paris, 16e ch. B. 27 octobre 1994, Gaz. Pal. 1995, 2, somm. 395
1995
134
-
CA Versailles 2 février 1995 12ème ch. 1e section : RJDA 5/95 n° 552
-
CA Paris, 22 févr. 1995, Gaz. Pal. 1995, 2. Somm. 392
-
CA Paris, 11 avril, 1995, Loyers et copr. 1995, p. 279.
-
CA Paris 16e ch. B, 29 juin 1995, Loyers et copr. 1996, comm. n° 78
-
CA Paris, 12 oct. 1995, Gaz. Pal. 1996, 2, somm. 576
-
CA Paris, 9 nov. 1995, Administrer févr. 1996, no 275, p. 35, note B. Boccara
1996
-
CA Versailles, 2e ch., 19 février 1996
-
CA Paris, 12 sept. 1996 Gaz. Pal. 30 mars 1997, p. 26
-
CA Paris, 1er oct. 1996, Loyers et copr. 1996, n° 475, obs. P. et H. Brault ; Adm.
Avril 1997-37, obs. Boccara
1997
-
CA Versailles 12e ch. 1, 9 janvier 1997, JCP G 1997.II.22797 ; Ph.-H. Brault,
Loyers et copr. février 1997
-
CA Paris 16e ch. Sect. A 14 janvier 1997, n° RG : 95/11149
-
CA Paris 5 févr. 1997, Loyers et copr. 1998, n° 13
-
CA Paris 27 juin 1997, Loyers et copr. 1998, comm. 273
-
CA Versailles 12e ch. 2e sect. 16 octobre 1997, Dalloz Affaires, 1998, p. 100, obs.
Y. R.
1998
-
CA Paris, 1ère ch. B. 6 févr. 1998, Loyers et copr. 1998, n° 68
-
CA Paris, 31 mars 1998, Loyers et copr. 1999 n° 68
-
CA Paris 29 mai 1998, 16ème ch. B : D. aff. 1998 p. 1306
-
CA Versailles 26 novembre 1998, RD imm. 1999, p. 162, obs. Derruppé
-
CA Paris, 4 déc. 1998, Loyers et copr. 1999, n° 95
1999
-
CA Paris, 16e ch. B. 12 fév. 1999, Gaz. Pal. 1999, 2, somm. p. 211, obs. J.-D.
Barbier
-
CA Paris, 16e ch. A, 6 oct. 1999 n° 1997/18171
2000
-
CA Paris, 17 mars 2000, Loyers et copr. 2000, no 141, obs. Ph.-H. Brault.
-
CA Paris 16e ch. B. 28 avr. 2000, AJDI 2000, 736
135
-
CA Paris, 16e ch. B, 28 sept. 2000, AJDI 2000, p. 1060
-
CA Reims, 30 nov. 2000 : Juris-Data n° 2000-142786 ; JCP E 2001, p. 1406
2001
-
CA Paris 16e ch., 2 févr. 2001, AJDI 2001, 339
-
CA Paris 9 fév. 2001, AJDI 2001.341
-
CA Versailles, 2 oct. 2001, RJDA 2002, n° 230, p. 196.
-
CA Paris, 16e ch. A, 12 déc. 2001, Administrer, mars 2002, p. 23
2002
-
CA Paris, 16e ch. Sect. A, 16 janv. 2002, n° RG : 1999/15335
-
CA Paris, 11 oct. 2002, n° 2001/15798, AJDI 2003 p. 35
-
CA Paris, 16e ch., sect. B, 16 déc. 2002 : Administrer mai 2003, p. 27, obs. Boccara
2004
-
CA Paris, 23 janvier 2004, n° 2003/05683
-
CA Paris 13 fév. 2004, n° 2003/19749, AJDI 2004, p. 379, Loyers et copr. 2004, n°
129
-
CA Poitiers, 17 févr. 2004, JCP E 2005, 649
-
CA Paris, 29 sept. 2004, AJDI 2005, 33
-
CA Paris 16e ch. A 8 déc. 2004, Gaz. Pal. 15-16 avr. 2005
2005
-
CA Paris, 16e ch. A, 12 janv. 2005, Loyers et copr. 2005, 95.
-
CA Amiens, 8 févr. 2005, JCP 2005. II. 10060, obs. F. Auque.
-
CA Paris 16e ch. A. 21 février 2005, n° 2004/05531, AJDI 2005, 575.
-
CA Paris 16e ch. A, 2 mars 2005, Rev. Loyers 2005, p. 261
-
CA Paris 5 sept. 2005, Loyers et copr. 2006.
2006
-
CA Montpellier, 1ere ch. Sect. B, 14 février 2006.
-
CA Paris, 2 mars 2006 RG : 05/08364
-
CA Paris 16e ch. Sect. A, 26 avr. 2006, n° 05/01903
-
CA Paris, 14e ch, sect. A, 4 octobre 2006, n° RG : 06/01923, AJDI 2006, p. 906.
-
CA Aix en Provence, 4e ch. Sect. C, 14 déc. 2006, N° RG : 03/15111
2007
-
CA Paris, 21 fév. 2007, Juris-Data n°2007-329400
136
-
CA Paris 16e ch. section B 24 mai 2007, n° RG 06/15036, Administrer 2007 n° 403
p. 77
-
CA Montpellier 1re ch. Sect. B., 5 juin 2007, n° RG : 06/03501
-
Ca Paris 16e ch. Sect. B, 22 nov. 2007, n° RG : 06/17666
-
CA Paris, 4 juill. 2007, RG no 2006/1427
-
CA Bordeaux, 2e ch. 17 oct. 2007, n° 06/03928
2008
-
CA Nîmes, 2e ch. A, 24 janv. 2008, Juris-Data n° 2008-357134
-
CA Paris 16e ch. sect. A, 7 mai 2008, n° RG : 06/01427, AJDI 2008 n° 291. RTD
-
CA Paris 2 juillet 2008 n° 06-6576, 16e ch. A : Loyers et copr. 2008 comm. n° 249
2009
-
CA Paris 4 fév. 2009, Administrer, mai 2009, 38
-
CA Paris, 16e ch. A., 20 mai 2009, Administrer oct. 2009, somm. 60.
Tribunaux de grande instance
1989
-
TGI Paris, 18e ch. 2e sect., 13 Juillet 1989, Gaz. Pal. 1991, 2, somm. 340
1994
-
TGI Paris, 13 sept. 1994, Rev. Loyers 1995, p. 367.
-
TGI Nanterre, 10 juin 1994, Gaz. Pal. 1994, 2, somm. 657
1995
-
TGI Paris, 18e ch. 1re sect., 26 sept. 1995, AJPI 1995, 1104
1996
-
TGI Nanterre, 25 juin 1996, AJPI, 1997, 257
1997
-
TGI Paris, 10 janv. 1997, Gaz. Pal. 1997, 1, somm. 181.
137
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE.
LA GESTION PRÉCONTRACTUELLE DES RISQUES
LIES AU RENOUVELLEMENT
INTRODUCTION
CHAPITRE I. LA CONNAISSANCE PRÉALABLE DE L’ENVIRONNEMENT
JURIDICO-ÉCONOMIQUE DU RENOUVELLEMENT
INTRODUCTION
SECTION I. REPENSER LE PROFIL DU PRENEUR
Paragraphe 1. « Un bailleur puissant, un preneur faible » : un postulat remis en
question
A. Un rapport de domination avéré dans le passé
1.
Le dessein perpétuel de protéger le preneur
2.
La justification de la protection par la configuration économique
du marché
B. L’évolution contemporaine du pouvoir de négociation de certains
preneurs
1.
Les causes économiques du changement de profil des preneurs
2.
Le nouveau profil économique des preneurs
Paragraphe 2. Un statut « pro-preneurs » ?
A. Le postulat juridique : un statut exclusivement protecteur du preneur
1.
Le domaine de protection
2.
Protection ou privilège ?
B. Une volonté absolue de protection remise en question
138
1.
Une réelle volonté législative de protéger les preneurs ?
2.
Une protection relative
SECTION II. LA CONNAISSANCE PRÉALABLE DES CLAUSES ILLICITES
Paragraphe 1. La place de l’ordre public frappant le droit au renouvellement
A. Un ordre public de protection
B. Une sanction relative
Paragraphe 2. La traque jurisprudentielle des clauses illicites
A. L’échec des clauses tendant directement à éliminer le droit au
renouvellement
1.
La clause limitant le nombre de renouvellements
2.
Les clauses de divisibilité et d’indivisibilité
3.
La clause de résiliation anticipée
4.
La clause de renonciation concomitante à la signature du bail
5.
La clause de reprise différée
6.
Les autres clauses illicites
B. L’annulation des clauses tendant à faire échec indirectement au droit
au renouvellement.
1. Les clauses relatives aux conditions d’exercice du droit au
renouvellement
a.
Les clauses concernant les baux dérogatoires
b. Les clauses interdisant l’immatriculation du preneur au registre
du commerce et des sociétés
c. Les clauses exigeant que le preneur exploite personnellement le
fonds
2.
Les clauses dissimulant un bail commercial
139
CHAPITRE II. LES STRATÉGIES DE DÉTOURNEMENT DU DROIT AU
RENOUVELLEMENT ET DU DÉPLAFONNEMENT
SECTION I. LES CLAUSES ELUDANT LE DROIT AU RENOUVELLEMENT DU
PRENEUR
Paragraphe 1. La clause de renonciation : un moyen direct et efficace de faire échec
au droit du renouvellement
A. Les conditions d’admission de la renonciation du preneur
1.
Une renonciation certaine et non équivoque
2.
Une renonciation expresse ou tacite
3.
L’existence d’un droit acquis
B. Une rédaction doublement prudente
1.
L’information du preneur par un congé
2.
Exemple de clause de renonciation
Paragraphe 2. La clause résolutoire : un moyen indirect d’évincer le droit au
renouvellement
A. Le respect des conditions de validité de la clause résolutoire
1.
Le respect des conditions de fond
a.
Une infraction du locataire à une clause expresse du bail
b. Une infraction expressément sanctionnée par la clause
résolutoire
2.
Le respect des conditions de forme
B. Anticiper l’interprétation stricte de la jurisprudence
1.
Méthodes d’interprétation
2.
Les fautes admises par la jurisprudence
140
SECTION
II.
LES
CLAUSES
D’OPTIMISATION
DU
LOYER
DE
RENOUVELLEMENT
Paragraphe 1. La modulation contractuelle de la durée et du loyer du bail
commercial
A. De l’opportunité de négocier un bail de plus de neuf ans
1.
Données juridiques
2.
Les effets des baux de plus de neuf ans sur le renouvellement
B. Les stratégies relatives à la fixation des loyers du bail commercial
1.
La fixation stratégique du loyer du bail initial
1.
De l’intérêt financier d’insérer un pas-de-porte qualifié de
complément de loyer
2.
2.
La fixation du loyer initial par une clause recettes
La fixation stratégique du loyer de renouvellement
Paragraphe 2. Les autres clauses stratégiques
A. Clause de destination et déplafonnement
B. Le sort des travaux d’aménagement au renouvellement
1.
Accession, travaux de modification et renouvellement
2.
Accession, travaux d’amélioration et renouvellement
C. Le sort des travaux de conformité
DEUXIEME
PARTIE.
LES
STRATÉGIES
DU
BAILLEUR
FACE
AU
RENOUVELLEMENT
CHAPITRE I. LA LIMITATION STATUTAIRE DES STRATÉGIES DU
BAILLEUR
141
SECTION
I.
ABOUTIR
AU
RENOUVELLEMENT :
LE
POIDS
DES
CONTRAINTES LÉGALES ET JUDICIAIRES
Paragraphe 1. Les risques de la procédure de renouvellement du bail commercial
A. Le congé : un acte juridique risqué
1.
Le risque lié au non-respect de la forme du congé
2.
Contenu du congé : la fausse opportunité de proposer le montant
du loyer renouvelé ultérieurement au congé
3.
La délivrance précoce d’un congé : la limitation de la seule
véritable stratégie
B.L’adaptation forcée du comportement du bailleur face à la demande de
renouvellement du preneur.
1.
La confirmation indirecte de la nécessité de respecter les règles
procédures : le cas des actes croisés.
2.
La manipulation prudente de la forme de la réponse du bailleur
Paragraphe 2. L’encadrement de la preuve d’une modification notable d’un motif de
déplafonnement
A. L’encadrement légal du contenu de la preuve
1.
Le respect du contenu probatoire
a.
Un prérequis à l’appréciation légale de la valeur locative :
l’absence d’accord des parties
b. La référence stricte à la liste légale limitative
2.
Le respect de la scène temporelle législative
B. La preuve d’un motif de déplafonnement à l’épreuve des tribunaux
SECTION II. REFUSER LE RENOUVELLEMENT : LES RISQUES PESANT SUR
LE BAILLEUR
Paragraphe 1. Le refus de renouvellement et le paiement d’une indemnité d’éviction
142
A. L’atténuation des risques liés à la procédure
1.
Le fondement de l’indemnité d’éviction
2.
Le contenu léger du congé portant refus de renouvellement
B. L’importance de l’assiette légale de l’indemnité d’éviction
1.
Composition de l’indemnité principale : la valeur marchande du
fonds de commerce
a.
La valeur du droit au bail
b. Indemnité de remplacement ou indemnité de déplacement
2.
i.
Indemnité de remplacement et indemnités accessoires
ii.
Indemnité de déplacement et indemnités accessoires
Compensation éventuelle avec l’indemnité d’occupation
Paragraphe 2. Refus de renouvellement et absence de paiement d’une indemnité
d’éviction
A. Les cas limités de refus de renouvellement sans indemnité d’éviction
1.
Le refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes à
l’épreuve du juge
a.
La force de la mise en demeure préalable
b. L’appréciation souveraine des motifs graves et légitimes
2. La reprise d’un immeuble insalubre ou dangereux
a.
Les formalités procédurales
b. La motivation spéciale
B. La sanction des tentatives de fraude du bailleur
CHAPITRE
II.
REPENSER
LE
RENOUVELLEMENT
DES
BAUX
COMMERCIAUX
SECTION I. LA PERSISTANCE DES STRATEGIES DU BAILLEUR
Paragraphe 1. La relativité des stratégies de dissuasion
A. Brandir une clause résolutoire
B. Le recours à une expertise privée
143
Paragraphe 2. La résistance passive du bailleur : une opportunité et une incertitude
A. L’opportunité d’attendre l’arrivée du délai de douze années
1.
Le mécanisme de la tacite reconduction
2.
Les effets de la tacite reconduction sur le renouvellement
B. La relativité de la stratégie passive
SECTION
II.
PROPOSITIONS
DE
REFONTE
DU
DROIT
AU
RENOUVELLEMENT
Paragraphe 1. Droit au renouvellement et droit communautaire
A. Les baux commerciaux et le juge communautaire
B. La pensée du renouvellement en Europe
Paragraphe 2. Propositions de refonte du statut des baux commerciaux
A. Des barrières statutaires anachroniques
B. Les solutions alternatives
1.
Limiter le nombre de renouvellement
a.
Contenu et domaine de la proposition
b. Limites de la proposition
2.
Les autres propositions
a.
Les propositions doctrinales
b. Les propositions des praticiens
Conclusion générale
Bibliographie
Table des matières
144