un simple sourire peut aider

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un simple sourire peut aider
WWW.MACADAMJOURNAL.COM
n°89
SEPTEMBRE 2011
MACADAM, LE MAGAZINE COUP DE POUCE
2 EUROS > 1 EURO MINIMUM AU VENDEUR
EMMANUEL
PETIT
LA VIE BASCULE
TRES RAPIDEMENT
À QUOI SERT
L’ÉCONOMIE
SOCIALE
ET SOLIDAIRE
SI ELLE NE
DÉRANGE
PERSONNE ?
AVESNOIS,
TERRE
DE LÉGENDES
ÉCOLO
L'OREILLER ?
MOTS CROISÉS,
SUDOKU, BD
BONUS
LECTE
GAGNEZ UR
L’AUTO
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Macadam mensuel [édition septembre 2011]
www.macadamjournal.com
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distribution nationale
Les Artisans du Macadam, association loi 1901,
reconnue d’intérêt général
Président : Gabriel Gaudillat,
siège : 84 quai de Jemmapes, 75010 Paris.
Renseignements : 04 78 97 26 73.
agences
Paris : le Secours Populaire,
13 rue Froissard, 75003 Paris,
lundi, mercredi et vendredi de 10h à 12h
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directeur de la publication
François Fillon
rédactrice en chef adjointe
Caroline Charron
rédaction
Sophie Baqué, Marie-Pierre Charneau, Caroline Charron,
Gabriel Gaudillat, Michel Hannequart, Raymonde Prades,
Thierry Quintry-Lamothe, Saïd Mahrane, Frédéric Ravenne,
Mélanie Rembert, Danièle Rudel-Tessier, Hélène Seingier,
Catherine Selden, Anne-Marie Thomazeau,
Bruno Usannaz-Joris
révision Marie Dominique Bergouignan
partenariats Micheline Perrin
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couverture © Mehmet Turgut
illustrations
Dominique Goubelle, Philippe Tastet, Le Cil Vert
photographie
Mohamed Khalfi
graphisme
beau fixe, manufacture d’images
site web Véronique Guérin
édition
sarl Media Compagnie
impression
Imprimerie Chirat,
Saint-Just-la-Pendue
Dépôt légal à parution /
ISSN : 1954-166X
CPPAP : 1209 I 89259
partenaires
Courrier International, Fondation Macif, Fondation Carla
Bruni-Sarkozy, Fondation Nicolas Hulot, Fondation Seb,
Fondation Crédit Coopératif, France infos, Habitat et
Humanisme, Price Minister, Secours Catholique, Secours
Populaire, Tour de France Humanitaire...
L’ É D I T O
Donner un sens
Plages et loisirs estivaux ne sont déjà que souvenirs. L’heure de la
rentrée sonne et la vie active reprend ses droits. À Macadam, aussi on
s’active. Après un numéro spécial détente, vous retrouverez vos
rubriques habituelles avec des invités prestigieux : Patricia Kaas,
Barbara Morovich, Emmanuel Petit.
Mais Macadam ce n’est pas seulement un magazine, c’est beaucoup plus. Nous
travaillons aujourd'hui à la mise en place de « chantiers d'insertion ». Vendre un
journal pour améliorer les conditions de vie des plus démunis c’est bien, donner un
sens à nos actions c’est mieux. Et ceci ne peut se faire que grâce à votre fidélité et
votre soutien.
Fin juin, les vendeurs ont été chaleureusement reçus au sein de l’entreprise Seb à Lyon.
Ainsi ils ont pu présenter le magazine, expliquer le métier de vendeur de presse de
rue mais aussi dialoguer avec des personnes dites « insérées ».
Merci à tous et bonne rentrée !
par Gabriel Gaudillat, président de l'association « les Artisans du Macadam »
DES VENDEURS COLPORTEURS DE PRESSE
Les vendeurs de Macadam ne tendent pas la main. Ils sont vendeurs colporteurs de presse
(statut VDI), fiers de leur métier et de leur journal. Acheter « leur » Macadam dont ils participent
au choix des sujets et des textes est la plus belle des récompenses et leur donne les moyens de
s’insérer socialement et économiquement.
COMMENT ÇA MARCHE ?
Sur les 2 euros du prix de vente
> 1 euro minimum, en fonction des villes et du coût
de transport, va directement au vendeur.
Cela représente son bénéfice sur la vente du journal.
> 1 euro sert à la fabrication et à la diffusion du journal.
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UNE ASSOCIATION SANS BUT LUCRATIF
La diffusion est assurée par l’association sans but lucratif Les Artisans du Macadam dont le
conseil d’administration est composé à la fois de professionnels des médias et de personnes
vendant ou ayant vendu le journal Macadam. L’association a rec
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ment d’association
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ral. Les personnes offrant des dons a Macadam peuvent de
duire 66% des montants
des dons de leurs impo
ts. Renseignez-vous : 04 78 97 26 73.
UNE ÉQUIPE DE PROFESSIONNELS
Ponctuellement ou de façon régulière, ils prêtent leur plume et leur temps pour la réalisation
de Macadam. Ils sont journalistes, dessinateurs, photographes, directeurs de création ou
maquettistes. Ils rivalisent d’enthousiasme et de coeur pour cette belle aventure.
UN RÉSEAU INTERNATIONAL
Macadam est membre — et son unique représentant en France — de l’International Network of
Street Papers (INSP), ou Réseau international des journaux de rue. Une reconnaissance pour sa
qualité rédactionnelle et son travail auprès de ses vendeurs. Le réseau, dont le siège est situé
à Glasgow regroupe 110 journaux de rue, répartis dans 40 pays et sur 5 continents. Ces titres
offrent des opportunités de travail à 200 000 personnes et publient 38 millions de journaux
chaque année. Macadam a reçu le label "Année européenne de lutte contre l’exclusion sociale".
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RENCONTRE
DANS UNE AUTOBIOGRAPHIE
ÉCRITE SANS FAUX-SEMBLANTS,
PATRICIA KAAS REVIENT SUR
SA CARRIÈRE INTERNATIONALE
EXCEPTIONNELLE MAIS AUSSI
SUR LE CORTÈGE DES COUPS
ET BLESSURES QUI ONT
ACCOMPAGNÉ SON ASCENSION
FULGURANTE. FORTE ET
FRAGILE À LA FOIS, PATRICIA
SE CONFIE AVEC GÉNÉROSITÉ
ET HONNÊTETÉ. ELLE ÉVOQUE
LES RELATIONS FAMILIALES,
LA MALADIE ET LA PERTE
DE SES PARENTS, SON ENVIE
DE S’ENGAGER DAVANTAGE,
L’ISOLEMENT ET LE DÉCALAGE
QUE PEUT CRÉER LA RÉUSSITE.
© Mehmet Turgut
PATRICIA
KAAS
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RENCONTRE
Vous venez de sortir votre autobiographie, est-ce que ça a
été difficile de vous livrer ainsi ?
Un peu car on raconte sa vie à une personne qu’on ne
connaît pas vraiment, en l’occurrence la journaliste qui a
été la plume de ce livre. Une fois qu’elle a eu fait
l’ébauche, c’est là qu’a commencé le gros travail pour moi.
Il fallait que cette autobiographie me ressemble. Je ne
voulais pas juste raconter mes voyages et les salles dans
lesquelles j’ai joué. Je voulais donner plus et, jusque-là, je
ne me sentais pas prête à le faire. Ces derniers temps, il
m’est arrivé des choses, dans ma vie, qui m’ont fait
avancer. Dans un travail comme celui-là, on ne sait jamais
au départ ce que l’on va donner. Je ne voulais pas trop
appuyer sur des choses que certains journalistes ont
tendance à dramatiser. Même quand je vivais des moments
difficiles, j’ai toujours été quelqu’un de battant et positif.
Que vous a apporté ce travail autobiographique ?
Ça a été comme une thérapie. Ce n’est pas que j’ai appris
des choses sur moi mais, quand tu vois ta vie déroulée
devant toi, par écrit, tu comprends mieux certaines choses.
Ça m’a permis de mieux m’accepter, de mieux comprendre
certains choix. Et puis 2010 a été une année assez difficile.
J’ai appris que je ne pouvais plus avoir d’enfants… Quand
j’ai eu quarante-trois ans, je me suis dit qu’il fallait vraiment
y penser et c’est là que j’ai appris que je ne pourrais plus
en avoir. Au début j’ai bien sûr pensé que c’était très
injuste. Mais peut-être que je n’en n’aurais jamais eu de
toute façon si je ne m’étais pas posé la question
franchement. C’est arrivé au moment où je travaillais sur
le livre, donc j’en ai parlé.
Vous venez d’une famille modeste ; benjamine de six frères
et sœurs, vous arrivez à garder le lien ?
C’est vrai que nous étions une famille nombreuse, mais il y
a quand même vingt ans d’écart entre mon frère aîné et
moi, donc c’est surtout les trois derniers qui étaient proches.
Ensuite, ma passion puis mon métier ont créé un certain
isolement, car eux sont toujours dans l’Est, alors que je suis
tout le temps à voyager un peu partout… Ça crée une
espèce de solitude. Ils ont aussi chacun leur famille. Quand
je prends ma voiture pour aller les voir à Noël, il faut que
je fasse le tour de chacun et, quand j’essaie d’organiser
un dîner avec tout le monde, ils se disent que, évidemment,
pour moi, c’est plus facile, alors que je veux juste recréer
ces réunions de famille de mon enfance. Au début surtout,
c’était difficile : j’étais gênée de les inviter chez moi, par
exemple, parce que je me disais qu’ils allaient penser :
“
UN SIMPLE
SOURIRE
PEUT AIDER
« Oh, elle a un bel appart’ ! », j’avais peur qu’on me voie
comme différente. Pour l’été 2000, j’ai voulu organiser des
vacances en Corse avec tout le monde, mais ça a été un
vrai casse-tête. J’avais peur. Je me disais : « Est-ce que la
maison n’est pas trop grande ? Est-ce que le fait que j’aie
quelqu’un pour faire les courses et la cuisine, ça ne va pas
les choquer ?… » J’avais besoin de vacances après ça, car
j’avais vraiment peur de ne pas faire les choses comme il
faut ! Mais c’est très con en fait ; il faut arrêter de se poser
des questions, et faire les choses comme on le sent ! Je
pense que, maintenant, ils ont compris mais, chez nous, on
n’exprime pas ses sentiments et c’est très difficile de savoir
ce qu’ils pensent. De la même façon, j’ai du mal à exprimer
les miens, à dire je t’aime. Quand j’ai été dans des
relations, on me l’a souvent reproché…
Le livre a dû changer le regard qu’ils portent sur vous ?
Ils sont étonnés de certaines choses car ils ne se rendent
pas compte. Comme tout le monde, ils ont des clichés dans
la tête. On se dit que les gens qui sont riches n’ont pas de
problèmes, ce qui est faux. Les problèmes sont différents.
On n’a pas celui de comment on va payer son loyer à la
fin du mois, mais on en a d’autres. On est isolé. La solitude
peut être recherchée au début, car on est tellement entouré
qu’on en a besoin, mais on passe d’un extrême à l’autre :
sur scène, on a une foule de gens devant soi qu’on rend
heureux et, le lendemain, vous êtes seule dans la rue avec
votre chien et vous vous demandez ce que vous allez
faire… J’ai souvent essayé de faire venir ma famille vers moi
mais je ne peux pas les forcer. Ma sœur m’a dit, après avoir
lu le livre : « Tu sais, on pense souvent à toi. » Je le sais,
mais il n’empêche que j’aimerais avoir ma frangine près de
moi, comme tout le monde, pour aller prendre un café…
L'argent est
un plus car
il enlève
beaucoup
de soucis
mais ce
n'est pas
le bonheur
M A C A D A M 8 9 - page 7
© Jacques Peg et Alexandre Barthet
RENCONTRE
Patricia Kaas sera
à l’Olympia à partir
du 26 février 2013 avec
un nouveau spectacle :
« Kaas chante Piaf ».
Retrouvez des extraits
filmés de l’interview
de Patricia Kaas
sur La chaîne du cœur
www.lachaineducoeur.fr,
la Web TV de la solidarité.
page 8 - M A C A D A M 8 9
Dans votre livre, vous parlez très honnêtement de l’argent
et comment cela peut monter à la tête au début.
À partir du moment où l’on gagne de l’argent, on croit qu’il
faut certaines marques, car c’est le cliché qu’on a de la
richesse, et peut-être qu’il faut passer par là. Je le vois aussi
avec des amis qui gagnent leur vie normalement et qui
rêvent de s’acheter le sac de telle marque. Mais ce n’est
pas ça la richesse. La richesse, c’est l’amour, c’est être
heureux. Se faire un cadeau, ça rend heureux au moment
où on l’achète, c’est tout. L’argent est un plus, car il enlève
beaucoup de soucis, mais ce n’est pas le bonheur et
l’argent peut créer aussi des distances comme je le disais
avec ma famille. Il n’y a pas de jalousie mais ça crée des
décalages et puis, lors de rencontres, on se pose parfois
des questions : est-ce qu’on est là pour ma notoriété, pour
l’argent ? Beaucoup de choses sont faussées par l’argent
et la notoriété. Cela crée de la méfiance et encore plus
d’isolement. Le livre m’a permis d’en prendre conscience
et de dire « Stop, je ne veux pas m’enfermer là-dedans »,
et de tenter d’éviter ce que d’autres artistes ont vécu.
Les rapports avec les fans peuvent se révéler dangereux.
Vous en avez fait la cruelle expérience.
C’est difficile car j’aime être proche des gens mais ils ne
se rendent pas compte et, parfois, quand on donne ça, ils
veulent plus et plus et tu te perds là-dedans. Cette histoire
de fan, c’était au début de ma carrière, en 1990. En
écrivant le livre, je me suis rendu compte que les dix
premières années — qui ont été très fortes sur le plan
professionnel car j’ai eu d’énormes succès dans le monde
entier, des récompenses, etc. — ont aussi été celles où j’ai
perdu mon papa, ma maman, j’ai eu cette histoire avec ce
fan, qui a duré deux ans, où il voulait me protéger mais ça
a très mal tourné, une histoire avec un homme avec qui je
RENCONTRE
voulais vivre et au bout de six ans je me suis rendu compte
qu’il n’était qu’intéressé… J’ai réalisé que, alors que je
vivais des choses merveilleuses au niveau de ma carrière,
il se passait tout cela et, du coup, je n’ai pas vraiment
profité de mon succès.
Vous participez au spectacle des Enfoirés depuis dix-neuf
ans. Que vous apporte cet engagement ?
La première fois, c’était en 1992. À l’époque, on était cinq
ou six artistes sur scène ; maintenant on est quarante-cinq !
C’est une cause très importante. C’est aussi un rendez-vous,
et c’est très flatteur de faire partie de cette bande. Je suis
contente qu’ils m’appellent chaque année et que cela
puisse aider même si le problème existe toujours. Je me
sens nécessaire. À travers une chanson, un sourire. Je ne
suis pas quelqu’un qui s’engage en allant taper du poing
sur une table, mais par le biais d’une chanson ou d’un
spectacle, que ce soit pour le Sidaction, le Kosovo,
Tchernobyl, l’association Ela… J’essaie d’amener quelque
chose par ma présence. Mais il n’y a pas que ça non plus,
ça peut m’arriver aussi quand je suis dans la rue. Je me
souviens d’une fois où un SDF m’avait arrêtée et dit « Oh,
Patricia ! Je te regardais à la télé, j’avais acheté ton
premier album… » C’est très troublant et je n’ai jamais
oublié, car on se dit que c’est une personne qui avait une
vie « normale » et qui a tout perdu… C’est dramatique et
ça m’a beaucoup touchée. Quand je croise des gens
comme ça, je donne un petit billet ; moi, ça ne change pas
ma vie mais, pour eux, ça leur apporte quelque chose. Je
ne sais pas si ça change leur vie, mais ça donne de l’espoir
je pense. C’est un encouragement, ils ne se sentent pas
rejetés. Ce n’est pas parce qu’ils vivent dans la rue qu’ils
ne sont rien. Ils sentent la main tendue, des fois juste un
sourire peut aider. C’est ça qui est aussi important : de
savoir que des gens sont là et peuvent vous aider ; que l’on
n’est pas diminué par cette situation.
Vous seriez prête à vous engager davantage auprès d’une
association ?
Oui, sûrement. Tout est une question de temps, de
confiance. Peut-être qu’il faut avoir vécu des choses, en
prendre plein la gueule pour pouvoir aider et comprendre
les autres. Je viens d’une famille modeste, je me suis battue
dans la vie et, aujourd’hui, je suis qui je suis et ça fait rêver
plein de gens. Maintenant, si je m’engage, ce n’est pas
dans dix associations ; il faut choisir. Je ne sais pas ce que
je choisirais car tout est important. Il y a bien sûr le cancer,
qui me touche particulièrement parce que ma maman est
morte d’un cancer et que, pendant trois ans, j’ai vécu
l’évolution de cette maladie. Mais je n’ai pas envie de
m’engager à la légère et je suis souvent en tournée ou en
spectacle. Je fais ce que je peux. Il y a parfois des choses
difficiles. Je me rappelle une visite aux enfants malades du
cancer à l’hôpital Necker, qui m’avait perturbée car cela
me faisait trop penser à la maladie de maman. Les années
suivantes, on avait donné un concert dans la cour de
l’hôpital avec les familles, les enfants, les médecins et les
infirmières, c’était différent. Pour s’investir, il faut aller sur
le terrain. Autrefois, je ne donnais pas de temps à ma vie
personnelle. Aujourd’hui, je veux me donner un peu plus
de temps. Et cela passe aussi par le partage et apprendre
à comprendre les autres.
Vous écrivez « je chante pour panser les blessures »…
Celles de votre public ou les vôtres ?
La scène, pour moi, existe depuis que j’ai huit ans. Au
début, c’est un jeu car c’est rigolo de chanter pour des
gens. Mais c’est aussi se battre car, quand je chantais dans
les fêtes de la bière, les gens ne venaient pas pour moi. Je
voulais qu’ils me regardent et je me battais jusqu’à ce que
quelqu’un tourne la tête. Là, je me disais : « Tu as réussi. »
Quand je monte sur scène, je sais que je vais amener les
gens dans autre chose que leurs problèmes de la journée
ou du moment. Mais c’est toujours différent car, sur la
même chanson, certains ont un sourire jusque-là, d’autres
pleurent ou me tendent la main et c’est super de pouvoir
amener cela. Pour moi, c’est aussi une façon de sortir des
choses de moi, de gueuler, de m’exprimer. Souvent, les
gens me trouvent assez différente sur scène et dans la vie.
C’est vrai que vous semblez avoir deux personnalités : très
à l’aise sur scène et beaucoup plus réservée, parfois mal à
l’aise, dans la vraie vie. Est-ce que ce livre vous a permis
de réconcilier ces deux facettes ?
Oui, tout à fait, parce que c’est lié à un manque de
confiance dû à mon enfance : l’accent allemand que
j’avais, mon vocabulaire simple, ma culture qui n’était pas
forcément étendue… C’est pas parce qu’on n’a pas une
culture dans plein de domaines qu’on n’est pas intelligent,
sauf qu’on se ferme un peu sur cela. Quand j’étais sur
scène, je me trouvais plus intéressante, plus belle même ;
parce que je savais que je pouvais apporter quelque
chose. Dans la vie, je ne savais pas si je pouvais apporter
autre chose. Comment veux-tu quand tu doutes de toi ? Il faut
déjà s’aimer pour pouvoir aimer et ce n’était pas forcément
le cas. En finissant ce livre, pour la première fois de ma vie,
je me suis dit : « Tu es une belle artiste. » Je ne m’étais jamais
dit cela avant, pourtant j’ai vendu beaucoup de disques, j’ai
eu des foules de personnes qui sont venues me voir, mais
cela ne suffisait pas ; même si on me le disait, ça ne rentrait
pas. Là, j’ai réalisé et je me suis surtout dit : « Maintenant,
tu n’as plus rien à prouver. Fais ce dont tu as envie sans te
préoccuper de si ça va être compris, si ça va plaire, etc. »
Je n’ai plus cette angoisse ; je dis ce que je pense, après
cela on m’aime ou on ne m’aime pas, c’est pas grave, j’ai
fait tellement de choses que je dois être fière de ce que je
fais et ne pas toujours douter. Je pense qu’on a tous en soi
des qualités et c’est cela qu’il faut mettre en avant. Il faut
aimer ce que l’on est. C’est comme cela que l’on peut mieux
se défendre et mieux vivre les choses car, quand on est bien
dans sa peau, on vit tout de manière différente.
Caroline Charron
Je me souviens
d'une fois
où un SDF
m'avait arrêté
et dit "oh,
Patricia ! Je
te regardais
à la télé,
j'avais acheté
ton premier
album...".
C'est très
troublant...
BONUS
LECTEUR
BONUS LECTEUR
Pour gagner
l’autobiographie de Patricia
Kaas, L’ombre de ma voix,
éditée chez Flammarion,
envoyez un e-mail à
[email protected]
en précisant votre adresse,
votre âge, où vous achetez
Macadam, ce que vous en
pensez, etc. Toutes vos
remarques nous
intéressent ! Les gagnants
seront tirés au sort.
M A C A D A M 8 9 - page 9

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