La peinture de paysage En Asie orientale, la peinture et le genre
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La peinture de paysage En Asie orientale, la peinture et le genre
La peinture de paysage En Asie orientale, la peinture et le genre des paysages en particulier, se sont développés en étroite corrélation avec la perception de la nature. Les « montagnes et rivières » ne sont pas des représentations littérales. Elles évoquent l’essence de ce qui les entoure et deviennent l’incarnation de la nature en général. Cette vision ne s’applique pas seulement aux paysages, mais participe à la compréhension de l’univers. La pensée asiatique dans son ensemble – le confucianisme, le bouddhisme et le taoïsme, en particulier - considère avec infiniment de respect le cycle des saisons qui se succèdent sans fin et en tire des principes moraux. En fait, la peinture de paysage a été érigée sur une vision animiste de la nature. Bien que des illustrations de cette dernière apparaissent déjà de manière précoce, dès l’époque néolithique, sculptées dans des parois rocheuses, ou gravées sur des bronzes, elles ne se développent vraiment que sous la période des Trois royaumes (57-668). Des représentations de montagnes entourées d’arbres peuvent alors être observées sur les fresques de tombes. Cependant, ce n’est qu’avec l’avènement de la dynastie Goryeo (918-1392) que ce genre particulier est reconnu et commence à être pleinement apprécié. Son importance réside en ce que le paysage retranscrit désormais les états d’âme de l’artiste qui le conçoit. En dépit de l’incontournable influence chinoise, la peinture d’époque Joseon (1392-1550) s’affirme pour offrir des œuvres uniques dont l’esthétique reflète les spécificités coréennes. Au début de la dynastie, sous le règne de Sejong le Grand (r. 1418-1450), les artistes étaient particulièrement soutenus. Parmi les caractéristiques picturales de cette période, on relève notamment des compositions plus étendues, mais qui demeurent harmonieuses, une profondeur de champ qui s’accentue, et une description plus fascinante encore de la majesté des montagnes. Vers le milieu de la dynastie, aux alentours de 15001700, l’homme apparaît enfin dans les paysages et sa présence modifie l’atmosphère des œuvres. Le style de cette époque propose un mélange des écoles chinoises de la dynastie Song (960-1279), agrémenté d’une emphase de la couleur, spécifiquement coréenne. Finalement au terme de l’époque Joseon, du XVIIIe au début du XXe siècle, de premiers « paysages réels » d’invention coréenne, voient le jour. Les précieuses valeurs lettrées s’intègrent lentement à des idées plus modernes. Les Quatre amis du lettré Traditionnellement, les Quatre amis du lettré sont le prunus, l’orchidée, le chrysanthème et le bambou. Ces plantes représentent les idéaux moraux du lettré confucéen et c’est pour cela que cette combinaison possède une aura particulière dans les décors. L’accomplissement du lettré est de partager les mêmes qualités que ces quatre végétaux exemplaires : le prunus qui fleurit de manière précoce malgré la neige, les orchidées qui embaument dans des vallées sauvages et reculées, le chrysanthème qui s’épanouit sous les frimas de l’hiver approchant, et finalement, le bambou persistant qui ploie sous la neige, mais ne rompt pas. Ainsi se trouve couramment illustrée, la vertu lettrée dans sa plus parfaite expression. Le symbolisme des Quatre amis du lettré est connu aussi bien en Chine et au Japon, mais son association avec les saisons – prunus et printemps, orchidée et été, chrysanthème et automne, bambou et hiver - trouve une résonnance particulière en Corée. Les qualités de ces végétaux sont retranscrites par de nombreux artistes qui les déclinent comme des classiques de la peinture traditionnelle. Les Bambous sous la neige de Yu Deok-jang (1675-1756) illustrent l’intégrité. Dans Chrysanthème et bambou du très fameux Gang Se-hwang, qui vécut au XVIIIe siècle, l’artiste s’est inclus lui-même dans la représentation comme étant à la recherche de courage et droiture. Quant à Lee Ha-eung (1820-1898), père du 26ème roi de la dynastie Joseon Gojong, il a résisté aux turbulences de la chute de la dynastie en peignant des orchidées adossées à de mystérieuses pierres, comme pour se rattacher encore au passé. Cette œuvre, montée en paravent, s’intitule simplement Orchidées et rochers. La peinture du genre Fleurs et oiseaux D’une manière très précoce, on relève des fleurs, des oiseaux ou des animaux à la signification souvent symbolique dans le répertoire traditionnel. Ces œuvres, qui figurent l’harmonie de la nature habitée, véhiculent parfois un sentiment poétique ou formulent des souhaits de prospérité, de longévité ou d’intégrité. Les lois de la nature qui régissent les plantes et les animaux sont immuables et exemplaires. Cette catégorie de peinture forme un genre à part en Asie d’Extrême-orient. Toutefois dans un même genre, différentes tendances peuvent être relevées. Sous la dynastie Joseon de nombreux styles de fleurs et d’animaux cohabitent. On y reconnaît surtout les peintures de goût lettré avec force de détails réalistes, monochromes ou colorées. Une fois encore, l’état d’esprit de l’artiste transparaît dans des compositions, souvent lyriques. La véracité avec laquelle les sujets sont traités n’est pas sans rappeler la popularité des représentations contemporaines du genre des « paysages réels ». Parmi les œuvres célèbres du milieu de la dynastie, les Buffles domestiques de Gim Sik (1579-1662) semblent avoir capturé le cœur des Coréens. Plus tardivement, le rouleau peint de Jeong Yak-yong (17621836), unit magnifiquement un oiseau aux branches d’un prunus en fleurs. Puis, les peintures de Sim Saejong (1707-1769) et Lee Gyo-ik (1807- ?), qui présentent respectivement des Plantes et insectes et des Papilllons, constituent des représentations animées, colorées, appartenant à l’école réaliste. Toutes ces œuvres permettent d’appréhender la beauté du monde vue par les Coréens. La dynastie Joseon (1392-1910): un pays et des hommes Les cartes topographiques, dessinées d’après un style remontant au XVe siècle, proposent une vue macroscopique des Corées actuelles du nord et du sud. On peut observer les mers Jaune et de l’Est partagées avec la Chine et le Japon. On distingue également les chaînes de montagnes qui parcourent le pays, tel des vaisseaux irrigants. Ces reliefs représentent plus de soixante-dix pour-cent de la surface du pays et comprennent, naturellement, la majeure partie des hauts lieux touristiques et historiques. C’est au XVIIIe siècle que les paysages de la dynastie Joseon prennent leur véritable essor artistique. La soudaine démocratisation des voyages et la diffusion de journaux les commentant contribuent à la popularisation du genre. Auparavant, les paysages possédaient une aura plus symbolique. Même si le sujet permettait aux artistes d’exprimer leurs aspirations philosophiques ou leurs états d’âme, ce style commençait à souffrir de nombreux poncifs. Ainsi, l’avènement des paysages réalistes, conçus par pur plaisir, amorcent un renouveau du genre. Dans les peintures de la dynastie, on rencontre également les Coréens. Certains rouleaux présentent la vie quotidienne des palais, des membres de la maison royale, des officiers et des courtisans, assistant à d’importants rituels. Il s’agit de véritables descriptions documentées. De cette manière, à une époque où la photographie n’existait pas, on pouvait garder en mémoire comme dans un registre officiel, les différentes cérémonies qui avaient été organisées. Les peintures reproduisent scrupuleusement les événements marquants de la dynastie. Le nombre, le nom et la fonction de tous les participants est minutieusement inscrit, à même le rouleau. Afin d’obtenir un meilleur rendu, le peintre opte pour une vue aérienne de la scène. En outre, contrairement à la peinture lettrée contemporaine, l’artiste adopte un style descriptif, fait de traits de pinceaux délicats, hautement colorés. Les portraits d’époque Joseon Les portraits de cette époque cherchent aussi bien à reproduire l’apparence du sujet, que sa position et son état d’âme. Ces caractéristiques sont tout à fait typiques de la peinture extrême-orientale. La dynastie Joseon est parfois surnommée le « Royaume des portraits » à cause de la très grande popularité de ce style. Les vertus de la piété filiale et du respect des ancêtres dans la pensée confucéenne trouvent un écho particulier au travers de ces représentations. Les peintres, particulièrement sollicités, sont également passés maîtres dans l’art du portrait. Dans cette catégorie de peinture, les artistes s’attachent au moindre détail. Le prestige des portraits de lettrés ou de personnes influentes, devait rejaillir sur leurs descendants. Ces peintures présentent souvent des détails si surprenants qu’elles permettent d’admirer le sujet, comme s’il se trouvait véritablement en face de nous. Le plus important est de réussir à transmettre, aux générations futures, un souvenir parfait des figures représentées, tant physiquement, hiérarchiquement, que spirituellement, afin que perdure l’aura de l’ancêtre. Les sujets sont généralement dépeints de trois-quarts, comme en léger retrait par rapport au spectateur, contrairement à la tradition chinoise qui pratique une vue frontale. Une couche de couleur préalablement apposée au dos du support, transparaît. Puis, le visage et les vêtements sont également peints au revers, rehaussés de détails ajoutés en surface. Les lignes qui délimitent les habits sont fines mais puissantes, au contraire de celles des figures japonaises qui sont couramment représentées à l’aide d’un trait épais, plus souple. Une autre particularité de la peinture coréenne de personnes est l’omission presque complète du décor. Généralement, seule une chaise demeure, de manière à ce que l’attention se porte uniquement sur le sujet. Les portraits en à-plat du milieu de la dynastie, feront progressivement place, au XVIIIe siècle et sous l’influence européenne, à des visages modelés avec des textures et des ombres.