Bulletin des séances du Grand Conseil du Canton de Vaud N 67

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Bulletin des séances du Grand Conseil du Canton de Vaud N 67
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Bulletin des séances du Grand Conseil
du Canton de Vaud
No 67
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
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Présidence de M. Raymond GUYAZ, président
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TABLE DES MATIERES
REPONSE DU CONSEIL D'ETAT .............................................................. 6683
– à l’interpellation urgente Micheline Félix, du 27 octobre 1997, à
propos de l’érosion « d’Objectif grandir » ............................................. 6683
– à la pétition pour l’arrêt définitif de la méthode « Objectif grandir »
déposée au Grand Conseil le 2 février 1998 ........................................... 6683
– à l’interpellation Charles-Pascal Ghiringhelli du 5 mai 1998
« Objectif grandir » flux financiers douteux et noyautage de type
sectaire ................................................................................................... 6683
– à la question écrite Charles-Pascal Ghiringhelli du 3 novembre 1998 :
expertise du contrôle cantonal des finances auprès de la raison
individuelle « Mandat Plus Prévention, Daniel Pellaux », (« Objectif
grandir » ................................................................................................ 6683
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PROJET DE DECRET accordant un crédit d'ouvrage pour la première
étape de la construction d'un centre d'enseignement professionnel et
gymnase au lieu dit «Marcelin» à Morges (70) (2e débat) ........................... 6718
La séance est ouverte à 14 heures.
Sont absents : Mmes et MM. Brigitte Beaud, Victor Béguelin, Alain Bourqui,
Edna Chevalley, Jean-Luc Chollet, Yvan De Rham, Jacques Delacrétaz,
Dominique Fasel, Michel Glardon, Frédéric Grognuz, Jacques-André Haury,
Jean Heim, Christiane Jaquet-Berger, Jean-François Kurz, Etienne Lasserre,
Pierre-Yves Maillard, Gilbert Musy, Anne Papilloud, Maryse Perret, Jacques
Perrin, Pascal Petter, Fabienne Richard, Pierre Rochat, Armand Rod, JeanMarc Thibaud, Michel Tille, Paul-Arthur Treyvaud, Philippe Vuillemin. (28)
Dont excusés : Mmes et MM. Brigitte Beaud, Victor Béguelin, Alain Bourqui,
Edna Chevalley, Yvan De Rham, Jacques Delacrétaz, Dominique Fasel,
Frédéric Grognuz, Jacques-André Haury, Gilbert Musy, Anne Papilloud,
Jacques Perrin, Pascal Petter, Fabienne Richard, Pierre Rochat, Armand Rod,
Michel Tille, Paul-Arthur Treyvaud, Philippe Vuillemin. (19)
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REPONSE DU CONSEIL D'ETAT
– à l’interpellation urgente Micheline Félix, du 27 octobre 1997, à propos
de l’érosion « d’Objectif grandir »
– à la pétition pour l’arrêt définitif de la méthode « Objectif grandir »
déposée au Grand Conseil le 2 février 1998
– à l’interpellation Charles-Pascal Ghiringhelli du 5 mai 1998 « Objectif
grandir » flux financiers douteux et noyautage de type sectaire
– à la question écrite Charles-Pascal Ghiringhelli du 3 novembre 1998 :
expertise du contrôle cantonal des finances auprès de la raison
individuelle « Mandat Plus Prévention, Daniel Pellaux », (« Objectif
grandir »
Rappel de l’interpellation urgente Micheline FELIX
« L’examen attentif des sites Internet a donc permis d’établir la filiation entre
la méthode “Objectif grandir” et l’Eglise de scientologie comme un grand
nombre de parents, d’enseignants et de politiciens le supposaient.
A la suite de l’intervention très opportune de M. le député Daniel Bovet, j’ai
déposé, en date du 17 juin, une interpellation portant sur la manière dont les
nouveautés sont introduites dans l’enseignement. Une des questions que je
posais était : A quel type d’évaluation scientifique, médicale ou pédagogique le
Conseil d’Etat a-t-il soumis la méthode « Objectif grandir » ?
N’ayant reçu, à ce jour, aucune réponse de la part du DIPC et considérant que
ce type de question est plus que jamais d’actualité, je dépose une nouvelle
interpellation, urgente celle-ci, car la population attend des réponses et non
pas des rejets successifs de la responsabilité d’une instance à l’autre.
Dans mon interpellation, je demandais une évaluation scientifique, médicale et
pédagogique de cette méthode. Pour le médical c’est chose faite, puisque en
date du 21 octobre 1997, la Société Vaudoise de Médecine, par la bouche de
son président, le docteur Daniel Laufer, vient de condamner fermement la
méthode « Objectif grandir ». Je cite :
La technique d’OG est utilisée pour susciter le partage de vécus parfois
extrêmement personnels et traumatisants. Cette méthode est très proche, pour
ne pas dire identique de celle utilisée par certains groupements religieux ou
sectes. En outre, elle sort nettement, à notre avis, d’un cadre purement
pédagogique.
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Ce mode de « partage d’informations » au sein d’un groupe fermé ne prévoit
pas de mesures de précautions du type de celles exigées lors d’une thérapie à
but médical. L’utilisation du « cercle magique », associé à des directives de
confidentialité, peut provoquer une relation maître-élève complexe avec de la
part du second des conflits de loyauté qui peuvent s’exacerber. La gestion de
ces problématiques est délicate et leur maniement nécessite de véritables
compétences, une formation poussée et une possibilité permanente de
supervision par des professionnels avertis.
Dans ma précédente interpellation, je signalais l’importance excessive que
prenaient les méthodes psychopédagogiques à l’école et je dénonçais à cette
tribune l’amateurisme qui règne en matière de psychologie appliquée par des
néophytes. Je suis heureuse de voir que la Société Vaudoise de Médecine
confirme qu’il est nécessaire d’avoir une formation poussée et de véritables
compétences pour se livrer à des analyses psychologiques dans les classes.
S’agissant du domaine pédagogique, j’entends que le DIP a confié une analyse
— après avoir introduit la méthode, il faut le souligner — au Centre vaudois
de recherches pédagogiques. Or, cet organisme, très peu indépendant, jouit
dans le corps enseignant d’une confiance limitée. Cet institut a toujours dit ce
qu’on voulait qu’il dise et a toujours développé et distillé les consignes de
l’autorité en place. J’en veux pour preuve le cas du nouveau français. Le rôle
du CVRP s’il était vraiment un Centre de recherches pédagogiques était
d’avertir le DIP que cette méthode était aléatoire et ne reposait pas sur des
fondements solides. Or, le CVRP n’a fait que diffuser la méthode en la
bénissant.
Que pourra-t-il bien faire ou dire au sujet « d’Objectif grandir » ?
Si je reprends la réponse que M. le chef du DIP a faite à l’interpellation de
M. le Député Daniel Bovet qui est la dernière prise de position sur ce sujet que
le Grand Conseil connaisse, quelques remarques s’imposent. Tout d’abord, je
doute que le DIP puisse assumer cette réponse en l’état actuel des choses.
Le fait que le chef du DIP y déclare « qu’Objectif grandir » se situe tout à fait
dans la ligne d’EVM n’est pas fait pour me rassurer.
Quant au soutien des Parents d’Elèves dont il est fait mention dans cette
réponse, il faut bien préciser que la présidente de l’APE qui déclarait son plein
soutien à « Objectif grandir » n’était plus présidente à l’heure de sa
déclaration dans 24 H, et qu’elle collabore elle-même à une secte nommée
Shri-Ram-Chamdra, de type oriental. Elle ne pouvait donc pas condamner des
pratiques qui lui sont familières.
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Enfin dans sa réponse, M. le chef du DIP énonce les règles de base
« d’Objectif grandir » tout en les approuvant et en les prenant à son compte.
Or, l’enseignante expérimentée que je suis ne peut pas tolérer les points 7, 8 et
10 :
7. Je ne serai pas questionné, donc je ne questionnerai pas.
8. Je ne serai ni critiqué, ni jugé, donc je ne critiquerai pas, je ne jugerai pas.
10. Après la séance, je ne reviendrai pas sur ce qui aura été dit, évoqué ou
raconté par les autres participants.
Il s’agit rien moins que de priver l’élève de sens critique, d’esprit d’analyse et
de raisonnement. En l’empêchant de questionner et de réfléchir, on le prive du
meilleur outil que l’école peut forger pour conduire un élève vers l’autonomie :
c’est la capacité d’analyser, de comprendre en questionnant et de remettre en
question ce qui est proposé par le raisonnement. A travers les comportements
induits par cette méthode on perçoit bien l’usage que les sectes pourront faire
de cette absence de sens critique qui leur permettra de rendre leurs adeptes
soumis et dépendants.
A la suite des découvertes faites sur Internet, les responsables d’OG jouent sur
les mots en opposant et en distinguant les différentes méthodes, toutes issues de
l’Eglise de scientologie et toutes diffusées par les mêmes personnes. A savoir :
« Objectif grandir » « Clés pour l’adolescence », « Skills for Life » « Skills for
Growing ».
Pour moi, comme pour n’importe quel enseignant, il est évident que cette
méthode doit être évaluée sur son contenu et sur ses objectifs et non sur ses
appellations et son marketing.
En conclusion, je juge utile de poser à l’autorité les questions suivantes :
a) Le Conseil d’Etat assume-t-il, à ce jour, la réponse faite par le chef du DIP
à M. le Député Daniel Bovet lors de la session de juin ?
b) Le Conseil d’Etat assume-t-il les différents dépôts de plaintes qui ne vont
pas manquer de survenir à une époque où les parents n’hésitent guère à
porter leurs différends avec l’école devant les tribunaux et cela jusqu’au
Tribunal Fédéral ?
c) M. le chef du DIP qui est de religion catholique savait-il que l’Evêché de
Sion en date du 22.1.94 avait fermement invité le DIP valaisan au
discernement et demandé une étude approfondie avant la diffusion de ces
programmes ?
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d) M. le chef du DIP savait-il qu’en date du 17 juillet 90, le Ministère de
l’Education Nationale de France dont le ministre (devenu premier ministre
depuis lors) partage l’identité politique de M. Schwaab, avait formellement
ordonné l’arrêt des méthodes précitées ?
e) Quelle attitude le DIP va-t-il adopter en regard des quelques
3'500 recyclages accomplis et projetés pour la diffusion de la méthode
« Objectif grandir » ?
L’esprit critique étant exclu de ces méthodes, comment va-t-on dissuader les
adeptes de les utiliser, alors qu’on les a encouragé à s’y former ?
Rappel de la pétition déposée au Grand Conseil le 2 février 1998
Monsieur le Président du Grand Conseil,
Nous remettons aujourd’hui au Grand Conseil par votre intermédiaire une
pétition munie de 2055 signatures pour demander l’arrêt définitif de la
méthode « Objectif grandir ».
Depuis de nombreux mois maintenant, la controverse autour de l’introduction
de cette méthode dite « d’éducation générale et sociale » ne cesse de
s’amplifier. Après des questions dans la presse, plusieurs interpellations à la
tribune du Grand Conseil, des rebondissements dans de nombreux conseils
communaux, force est de constater que, loin de calmer les esprits,
l’information sur le contenu de cette méthode ne fait que renforcer les
oppositions.
Aujourd’hui, le DIPC, à la suite d’un premier rapport d’analyse très critique,
a décidé de suspendre momentanément les nouvelles formations, tout en
autorisant les enseignants formés à poursuivre l’application de la méthode
sous supervision. Il a par ailleurs chargé un chercheur d’une étude scientifique
de la méthode, et mis sur pied une commission intercantonale de relecture.
Pourquoi dès lors demander l’arrêt complet « d’Objectif grandir » ?
Parce que parents, les signataires rejettent une méthode qui les dévalorise
systématiquement, qui invite leurs enfants à des confidences dans un cercle
dont les règles de discrétion les exclut, qui, enfin, leur demande, en séance de
parents et sous la conduite de l’enseignant, de s’expliquer sur la manière dont
ils s’occupent de leurs enfants.
Parce qu’enseignants, les signataires, bien que conscients de leur manque de
moyens pour affronter les conflits et les difficultés nouvelles qu’ils rencontrent
quotidiennement dans leurs classes, rejettent l’ambiguïté d’une méthode qui, à
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côté d’activités « innocentes » d’animation de groupe, les appelle explicitement à travailler sur les sentiments et les émotions, à susciter les confidences
des enfants sur leur « vécu » et ne peut que conduire à des dérives dont ils
risquent d’être les victimes après leurs élèves.
Parce que spécialistes de la santé, les signataires s’insurgent contre une
méthode qui fait bon marché des effets psychologiques de confidences suscitées
auprès des enfants, de la réception par leurs pairs de vécus traumatisants, et
de l’utilisation de techniques telles que le jeu de rôles dont la pratique dans ce
cadre s’assimile à une thérapie.
Parce que de plus, les nombreuses zones d’ombre qui ont entouré l’introduction de cette méthode (pas d’évaluation scientifique préalable, matériel
soumis à embargo donc indiscutable, manque voire absence d’information aux
parents sur la mise en pratique dans la classe de leur enfant) ont gravement
ébranlé la confiance nécessaire entre les partenaires de l’école. Sur ce plan,
les signataires, soucieux de la réussite de la mise en place de la réforme Ecole
Vaudoise en Mutation votée par le peuple il y a un an, estiment fondamental
d’éviter l’amalgame entre « Objectif grandir » et EVM et attendent des
Autorités un geste qui rétablisse confiance et clarté dans les relations entre
l’école et les parents.
Dès lors, les signataires demandent que soit lancée une réflexion sur les
valeurs que veut transmettre l’école à travers sa tâche éducative et font leurs
les premières conclusions du rapport du CVRP quant aux questions que
devrait traiter une commission qui voudrait aborder le débat de fond :
1) Que l’école contribue à diminuer les risques de déviances est certes
important, mais quelles déviances l’école doit-elle contribuer à prévenir ?
Où est la frontière entre la prévention et la dérive de la normalisation
sociale ? Quels sont les moyens d’intervention spécifiques à l’école et
quelle collaboration peut-elle instituer avec d’autres intervenants ?
2) Une méthode spécifique est-elle nécessaire afin de viser les objectifs
explicites aussi généraux que ceux « d’OG », ou n’est-ce pas plutôt à la
formation de base de permettre à l’enseignant de travailler au travers des
situations scolaires habituelles, par exemple sur la prise de confiance de
l’enfant, le développement d’une bonne estime de soi, et ceci afin de
réduire le risque de certaines déviances à moyen et long termes ? (rapport
d’expertise de P.-A. DOUDIN, pages 4-5).
Dans l’attente que le Grand Conseil se saisisse une dernière fois de cet objet,
nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos
salutations les plus respectueuses.
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Rappel de l’interpellation Charles-Pascal Ghiringhelli
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, chers collègues,
Il semble bon que certains enseignants puissent disposer de moyens leur
permettant de diminuer les tensions personnelles et scolaires qui touchent leurs
élèves. Ces moyens éventuels viennent en sus des qualités personnelles
(attitude, conduite de la classe, etc) qui sont habituellement déployées par
l’enseignant lui-même.
Si la méthode « Objectif Grandir » a pu donner l’impression d’être l’un de ces
moyens complémentaires, elle offre en tous les cas trois défauts majeurs :
1. Le sentiment de malaise provoqué chez des parents, exclus du dialogue, qui
découvrent effarés que l’école prône et incite aux secrets leurs enfants sur
leurs sentiments notamment à leurs endroits. Abondamment déjà, le Grand
Conseil a pu discuter de cet aspect négatif de la méthode.
2. Les liens avérés, et que l’on cherche sciemment à occulter, entre le
« détenteur » de la méthode et le groupement « Quest ». Les bases
« philosophiques » que prône ce mouvement ne peuvent être transposées
dans une école qui se veut publique, laïque et républicaine !
3. Des flux financiers entre le Département, les enseignants, les formateurs,
un club-service, qui laissent supposer que nous finançons indirectement un
mouvement dont les vues ne sont pas partagées, et de loin, par la
population vaudoise.
Les Conseillers d’Etat ont reçu un dossier établissant :
– La dangerosité de nature sectaire, des buts « philosophiques » que veut
propager « Quest ».
– Les liens entre le « détenteur » de la méthode, les formateurs, et le mouvement « Quest ».
– Les flux financiers pour le moins inhabituels impliquant les divers
« partenaires » afin de permettre la propagation de la méthode « Objectif
Grandir ».
Aussi est-il demandé au Conseil d’Etat de suspendre l’application de la
méthode “Objectif Grandir” jusqu’à ce qu’un rapport soit fait au Grand
Conseil sur ces divers éléments et sur le schéma d’agrégation des méthodes
utilisées par le Département.
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Rappel de la question Charles-Pascal Ghiringhelli
Nous avons déjà eu l’occasion de dire la nécessité d’outils de prévention (mais
pas n’importe quoi) au sein de l’école. Nous avons également eu l’occasion
d’exposer le cheminement financier pour le moins curieux du programme de
prévention d’Objectif grandir (OG).
Or, encore une fois l’attitude de l’intéressé prête à discussion, savoir ce n’est
que lorsque la problématique de ce programme a été rendue publique et l’étau
se resserrer autour des prétendues compétences “scientifique” et financières
de l’intéressé que celui-ci a jugé utile d’inscrire son activité commerciale au
registre du commerce, soit en novembre 1997.
Comment donc l’Etat a-t-il pu contrôler l’utilisation des deniers publics par
Mandat Plus Prévention, avant même que cette activité commerciale ne soit
inscrite au registre du commerce ?
Dans le doute l’Etat, le cas échéant la Commission des finances, ne devrait-il
pas demander une expertise au Contrôle cantonal des finances, avec pour
mission :
– de déterminer les montants alloués,
– leur utilisation,
– la vérification que ces fonds n’ont pas servi à alimenter la Fondation Lions
Quest, voire Quest,
– la durée, voire le renouvellement, de l’allocation,
– le nombre de personnes (poste de travail généré) qui en ont bénéficié.
L’Etat de Vaud ne devrait-il pas s’inspirer de l’audit « Bellanger » faite à
Genève précisant la manière de diminuer le risque de récupération de dérives
sectaires par des sociétés écrans ?
Je remercie le Conseil d’Etat de sa prompte réponse.
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Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
Réponse du Conseil d’Etat
Quelques étapes
Depuis plusieurs mois, le moyen « Objectif grandir » (OG) a été l’objet
d’interventions politiques et publiques, relayées par les médias. A relever :
– En 1997, le Conseil d’Etat répond à l’interpellation de M. le Député Daniel
BOVET, déposée le 11 mars de la même année.
– Par la suite, une réponse orale à la « petite » question du 1er décembre 1997
de Mme la Députée Micheline FELIX à propos du rapport d’expertise
demandé au Centre vaudois de recherche pédagogiques (CVRP) est
apportée en séance du Grand Conseil par M. le Conseiller d’Etat Jean
Jacques SCHWAAB, chef du DIPC.
– En décembre 1997, le DIPC suspend provisoirement la formation de
nouveaux maîtres à OG en l’attente d’éléments complémentaires lui
permettant une analyse plus élaborée.
– En janvier et février 1998, le DIPC donne deux nouveaux mandats, l’un à
une Commission intercantonale et interdisciplinaire d’étude du matériel
OG, l’autre au CVRP chargé d’analyser dans les classes, auprès des
enseignants et des directeurs formés ainsi qu’auprès de certains parents
concernés, les pratiques liées à OG.
– En septembre et octobre de cette année, le Département de la formation et
de la jeunesse (DFJ), comme s’y était engagé le DIPC, rend public, dès leur
réception, les rapports demandés, en les mettant notamment à disposition
sur Internet.
– Enfin, en date du 6 novembre 1998, le DFJ, sur la base des rapports reçus,
diffuse un communiqué de presse dans lequel il fait part de son intention de
renoncer définitivement à de nouvelles formations OG, d’autoriser la
poursuite de l’utilisation, sous conditions, de certains éléments d’OG auprès
des enseignants déjà formés et de redéfinir une nouvelle politique de
prévention et d’éducation pour la santé en milieu scolaire.
Analyse des rapports et position du DFJ
Les membres de la Commission intercantonale et interdisciplinaire d’étude du
matériel OG n’ont pas réussi à s’entendre et à fournir un seul document
répondant au mandat confié, à savoir
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– OG peut-il continuer à être appliqué dans les classes du Canton de Vaud par
les enseignants qui le souhaitent, avec ou sans correctifs ? Le cas échéant,
quels sont les motifs qui demandent une réécriture et quelles doivent être
les mesures d’accompagnement ?
Deux rapports sont remis au DFJ, l’un plutôt favorable à OG, l’autre
défavorable.
Quant à l’évaluation du CVRP, elle relève tout à la fois les forces et les
faiblesses d’OG, les satisfactions et les insatisfactions des personnes
interrogées, en se consacrant à l’application pratique dans les classes. Aucun
dérapage n’a été constaté dans ce cadre.
Le DFJ conclut que les positions des personnes impliquées n’évolueront pas.
Dans l’impossibilité de trancher et de concilier les différents points de vue
exprimés, relevant qu’OG présente tout à la fois des qualités et des défauts et
prenant en compte la polémique installée dans le canton, le DFJ décide de
sortir de l’impasse et renonce à de nouvelles formations OG (annexe 1 :
communiqué du 6 novembre 1998) espérant par là repartir sur de nouvelles
bases, dans un climat redevenu serein, permettant notamment de rétablir le
partenariat avec l’ensemble des parents d’élèves.
Le Conseil d’Etat, à la lecture des rapports susmentionnés, constate que,
malgré les divergences irréductibles, partisans et adversaires d’OG se
rejoignent sur un certain nombre de points, à savoir
– la reconnaissance à l’école de sa responsabilité subsidiaire dans le domaine
éducatif tel que prévu à l’article 3 de la loi scolaire,
– l’association des parents à toute action d’éducation pour la santé en milieu
scolaire,
– l’importance d’une prévention et d’une promotion de la santé efficaces,
– l’approbation des objectifs explicites
compétences personnelles et sociales),
d’OG
(développement
des
– la nécessité de passer à une deuxième génération de moyens visant les
objectifs explicites mentionnés ci-dessus,
– l’amélioration de la formation initiale et continue des enseignants, non
seulement en prévention, mais également en matière d’animation de groupe
et de gestion de conflits.
Tout ce qui précède ne peut que conforter le DFJ dans sa volonté de redéfinir
sa politique de prévention à l’école.
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Mesures à court terme
L’ensemble des directrices et directeurs des établissements d’enseignement
concernés ainsi que les présidentes et présidents des commissions scolaires
sans direction, reçoivent de Mme la cheffe du DFJ, en date du 6 novembre
1998, une lettre les priant d’informer les enseignants des décisions prises et de
superviser, en collaboration avec l’équipe de santé locale, l’éventuelle reprise
ou la poursuite des activités OG, à l’exclusion du cercle magique (dit aussi de
conversation) et des règles de fonctionnement qui y sont rattachées. De même,
la poursuite ou la reprise des activités liées à OG devront être précédées d’une
information aux parents. Enfin, les enseignants continueront à se montrer
particulièrement prudents avec toute activité qui pourrait être considérée
comme une ingérence dans les relations familiales.
Le DFJ a d’ores et déjà entamé des démarches afin de renforcer prochainement
en formation initiale et continue des enseignants les modules traitant de
l’animation de la classe, de la gestion des relations et des conflits dans les
classes. De même, il va procéder à un examen du matériel OG afin de recenser
les techniques et les activités qui pourraient être poursuivies dans l’attente d’un
nouveau support pédagogique.
Le Conseil d’Etat souhaite toutefois ne pas agir dans la précipitation et se
donner le temps d’une réflexion suffisante lui permettant d’agir au mieux des
intérêts des élèves.
Pour des écoles en santé
En un siècle, les problématiques de la santé dans les écoles ont évolué et se
sont étendues du champ médico-sanitaire à celui du psychosocial.
Ces dernières années, plusieurs cantons (Jura, Genève, Valais, Fribourg,
Tessin) ont entrepris et réalisé, à des degrés divers, à une refonte de la santé
scolaire en termes de contenu et d’organisation.
Dans le Canton de Vaud, un bilan des activités en santé scolaire a été réalisé en
1997 par l’Organisme médico-social vaudois (OMSV) et le Service de la santé
publique, en collaboration avec le DFJ, en vue de fournir les données
nécessaires à la redéfinition de la prévention en milieu scolaire. Ce bilan établit
que l’essentiel des activités développées à ce jour doivent être maintenues mais
conclut également à la nécessité de structurer les activités en santé scolaire,
actuellement trop disparates, insuffisamment coordonnées et peu intégrées
localement. Le projet général consiste à établir un programme de santé pour les
élèves, conçu globalement, intégré dans la dynamique propre aux établissements scolaires et dans la communauté locale. La construction de ce
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programme et l’adaptation des pratiques de promotion de la santé et de
prévention en milieu scolaire passe par la création d’une structure centrale
opérationnelle. Un groupe de conduite de la santé scolaire est chargé de
conduire la réflexion sur l’avenir des activités de prévention. Les chefs du DFJ
et du DSAS se sont déjà mis d’accord, par un protocole, sur un certain nombre
de points.
Le DFJ rappelle que la surveillance de la santé des élèves des écoles publiques
est régie par la législation sanitaire (art. 44 ss de la Loi de 1985 sur la santé
publique [LSP]) et le règlement de 1987 sur l’activité des médecins, médecinsdentistes et infirmières scolaires dans les établissements d’enseignement
primaire et secondaire (RSV). Il se réfère également à un des buts de l’école
qui est de seconder les parents dans leur tâche éducative (art. 3 de la Loi
scolaire de 1984).
Face aux nouveaux problèmes de société, et notamment tous ceux qui ont trait
à la violence, et à leur répercussion sur l’école, le Conseil d’Etat entend
réaffirmer sa volonté d’offrir une prévention en milieu scolaire de qualité. Si
l’éducation pour la santé prend racine au sein de la famille, elle se prolonge par
la collaboration entre la famille et l’école. L’école ne s’est jamais limitée à
enseigner; elle constitue un lieu de socialisation et de vie dont l’organisation et
le fonctionnement visent au développement harmonieux de l’enfant.
Réponses à quelques points particuliers
En ce qui concerne l’arrivée « d’Objectif grandir »dans les écoles vaudoises, la
période test-évaluation et la question Lions Club - Quest, le Conseil d’Etat
rappelle les réponses qu’il a déjà apportées dans sa réponse à M. le Député
Daniel BOVET en 1997 (voir annexe 2).
Au travers des différents éléments traités ci-dessus, le Conseil d’Etat estime
avoir répondu à une bonne partie des questions qui lui ont été posées.
En outre, le Conseil d’Etat n’a toujours reçu aucune preuve attestant une
filiation entre OG et la scientologie. De même le Conseil d’Etat n’a recueilli
aucune information lui permettant d’établir formellement l’appartenance du
promoteur d’OG à la scientologie, ni à aucune autre secte.
Il convient néanmoins de répondre aux questions précises des interventions
parlementaires :
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Interpellation urgente Micheline FELIX du 27 octobre 1997 à propos de
l’érosion « d’Objectif grandir »
A quel type d’évaluation scientifique, médicale ou pédagogique le Conseil
d’Etat a-t-il soumis la méthode « Objectif grandir »?
Le Conseil d’Etat a déjà répondu en grande partie à cette question dans sa
réponse à l’interpellation de M. le Député Daniel BOVET, en résumant au
point f) de ladite réponse la démarche entreprise. Les membres de la
Commission cantonale d’éducation pour la santé, dans laquelle figure des
médecins et des infirmières, des responsables de prévention et des enseignants,
comme le médecin cantonal et le délégué cantonal à l’éducation pour la santé,
ont été régulièrement consultés et ont donné un préavis positif à la
généralisation de la méthode.
Il est à noter qu’à propos d’OG, les avis des médecins, puisque Mme la
Députée cite l’avis personnel du président de la Société vaudoise de médecine,
sont loin d’être unanimes.
a)
Le Conseil d’Etat assume-t-il, à ce jour, la réponse faite par le chef du
DIP à M. le Député Daniel Bovet lors de la session de juin ?
Dans sa réponse apportée à M. le Député Daniel BOVET (interpellation
du 11 mars 1997), le Conseil d’Etat écartait les rumeurs faisant état de
liens entre les auteurs d’OG et la scientologie. Depuis et dans l’état de ses
connaissances, le Conseil d’Etat n’a recueilli aucune information
permettant d’établir l’appartenance du promoteur d’OG à la scientologie.
Les différentes rumeurs, après vérification, n’ont pu être confirmées.
Depuis cette date, le DFJ a pris une série de décisions (moratoire sur les
nouvelles formations OG, mandats de recherches au CVRP et à une
Commission intercantonale et interdisciplinaire d’étude du matériel OG,
suspension définitive des nouvelles formations OG) dont le détail a été
précisé plus haut.
b)
Le Conseil d’Etat assume-t-il les différents dépôts de plaintes qui ne vont
pas manquer de survenir à une époque où les parents n’hésitent guère à
porter leurs différends avec l’école devant les tribunaux et cela jusqu’au
Tribunal Fédéral ?
Depuis le dépôt de l’interpellation de Mme la Députée Micheline FELIX
en octobre 1997, le Conseil d’Etat constate qu’à ce jour aucune plainte
concernant OG n’a été déposée devant un tribunal.
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c)
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M. le chef du DIP qui est de religion catholique savait-il que l’Evêché de
Sion en date du 22.1.94 avait fermement invité le DIP valaisan au
discernement et demandé une étude approfondie avant la diffusion de ces
programmes ?
Le fait que l’ancien chef du Département de l’instruction publique et des
cultes (ci-après DIPC) soit de confession catholique relève de sa vie
privée et constitue un élément peu pertinent ici. Quoi qu’il en soit, celui-ci
n’était pas au courant de l’invitation de l’Evêché de Sion dont il est
question dans l’interpellation de Mme la Députée Micheline FELIX. En
revanche, il est intéressant de constater que le “cercle magique” tant
décrié a fait partie d’un programme de cathéchèse à l’intention des classes
primaires du Valais, et ce avant l’introduction du programme valaisan
d’Education générale et promotion de la santé (EGPS) dont OG était un
des éléments.
d)
M. le chef du DIP savait-il qu’en date du 17 juillet 90, le Ministère de
l’Education Nationale de France dont le ministre (devenu premier
ministre depuis lors) partage l’identité politique de M. Schwaab, avait
formellement ordonné l’arrêt des méthodes précitées ?
Le Conseil d’Etat précise que l’interdiction du Ministère de l’Education
Nationale de France, en 1990, portait sur la méthode Clefs pour
l’adolescence, méthode dont l’utilisation n’a pas été autorisée dans le
Canton de Vaud.
e)
Quelle attitude le DIP va-t-il adopter en regard des quelques
3'500 recyclages accomplis et projetés pour la diffusion de la méthode
« Objectif grandir »?
Le Conseil d’Etat ne comprend pas d’où Mme la Députée Micheline
FELIX tire ce nombre de 3’500 recyclages accomplis et projetés. Il
rappelle qu’avant la décision de renoncer à de nouvelles formations OG,
ce sont un peu plus de mille enseignants qui ont été formés. Comme le
confirme l’enquête du CVRP, la grande majorité de ces maîtresses et
maîtres estiment que cette démarche leur a été profitable et a accru leurs
compétences pédagogiques. En attendant la mise à disposition de
nouveaux moyens pour l’éducation pour la santé, ils pourront continuer à
s’inspirer d’une partie des propositions d’activités d’OG, à l’exclusion du
“cercle magique” et de tout ce qui pourrait faire ingérence soit dans la
personnalité profonde des élèves, soit dans l’intimité des familles.
6696
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
Pétition pour l’arrêt définitif de la méthode « Objectif grandir » déposée au
Grand Conseil le 2 février 1998
1)
Que l’école contribue à diminuer les risques de déviances est certes
important, mais quelles déviances l’école doit-elle contribuer à prévenir ?
Où est la frontière entre la prévention et la dérive de la normalisation
sociale ? Quels sont les moyens d’intervention spécifiques à l’école et
quelle collaboration peut-elle instituer avec d’autres intervenants ?
Les signataires demandent que soit lancée une réflexion sur les valeurs
que veut transmettre l’école à travers sa tâche éducative. Cette réflexion
dépasse largement la problématique OG; certes, la polémique autour
d’OG a relancé la question importante du partage des compétences entre
l’institution scolaire et la famille. Cette préoccupation n’est pas
spécifiquement vaudoise mais intéresse l’ensemble des cantons et une
démarche romande a été lancée par Mme la cheffe du DFJ au sein de la
Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande
et du Tessin (CIIP/SR/TI).
C’est ainsi qu’une réflexion concernant le mandat éducatif de l’école est
actuellement menée par la Conférence des secrétaires généraux de la
Suisse romande et du Tessin (CSG/SR-TI).
2)
Une méthode spécifique est-elle nécessaire afin de viser les objectifs
explicites aussi généraux que ceux d’“OG”, ou n’est-ce pas plutôt à la
formation de base de permettre à l’enseignant de travailler au travers des
situations scolaires habituelles, par exemple sur la prise de confiance de
l’enfant, le développement d’une bonne estime de soi, et ceci afin de
réduire le risque de certaines déviances à moyen et long termes ? (rapport
d’expertise de P.-A. DOUDIN, pages 4-5).
3)
Le Conseil d’Etat relève que le débat autour d’OG a montré l’importance
de la formation des maîtres dans le domaine de l’animation, de la gestion
des relations et des conflits dans la classe, des techniques d’entretien et de
la maîtrise de ce type d’activités pédagogiques. La redéfinition de la
formation initiale et continue des enseignants dans le cadre de la loi sur la
Haute Ecole Pédagogique (HEP) permettra de donner sa juste place à
cette dimension de la formation. Dans sa lettre du 6 novembre 1998
adressée à l’ensemble des directrices et directeurs des établissements
d’enseignement de la scolarité obligatoire et aux présidentes et présidents
des commissions scolaires sans direction, Mme la cheffe du DFJ signalait
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
6697
qu’elle mandatait des responsables de formation et de prévention pour
mettre sur pied des modèles de formation permettant de renforcer les
compétences des enseignants dans les domaines relevés ci-dessus. Une
telle réflexion est actuellement en cours.
Interpellation Charles-Pascal Ghiringhelli du 5 mai 1998 : « Objectif
grandir » : flux financiers douteux et noyautage de type sectaire.
Question écrite Charles-Pascal Ghiringhelli du 3 novembre 1998 : expertise du contrôle cantonal des finances auprès de la raison individuelle
« Mandat Plus Prévention, Daniel Pellaux », (« Objectif grandir »)
M. le député Charles-Pascal Ghiringhelli écrit avoir remis aux conseillers
d’Etat un dossier établissant plusieurs preuves. Mme la cheffe du DFJ signale
qu’elle n’a jamais reçu un tel dossier et que, de plus, elle a écrit à M. CharlesPascal Ghiringhelli pour lui demander ledit dossier. Elle est toujours à ce jour
sans dossier ni réponse.
Enfin, en ce qui concerne « les flux financiers pour le moins inhabituels » ou le
contrôle demandé à l’Etat de l’utilisation des deniers publics par Mandat Plus
Prévention, le Conseil d’Etat précise qu’il n’a aucune raison particulière
d’effectuer des vérifications. Le DFJ signale également que les contrats
concernant les formations OG ont été signés entre les établissements scolaires
intéressés et Mandat Plus Prévention. Le DFJ, sur présentation des factures
acquittées, a remboursé 50 % aux établissements qui avaient préalablement
présenté une demande de subside conformément à la circulaire d’information
envoyée à l’ensemble des directeurs en date du 21 décembre 1995. La liberté
était laissée aux communes et établissements pour se procurer, selon le génie et
les coutumes propres à chaque région, le complément du financement.
Il n’appartient pas au Conseil d’Etat de se prononcer sur l’attitude commerciale
d’un privé. Il n’appartenait pas plus à l’Etat, étant donné la procédure décrite
ci-dessus, de contrôler Mandat Plus Prévention. En revanche, le Conseil d’Etat
peut indiquer que l’ancien DIPC a bénéficié de fr. 150’000.-- versés par le
Fonds de la protection de la jeunesse et en faveur de l’enfance malheureuse et
abandonnée et fr. 78’000.-- par l’Office fédéral de la santé publique à Berne, ce
qui porte la part totale de l’investissement de l’Etat à fr. 228’000.--. Ces
sommes, rappelons-le, ont été remboursées aux communes et non versées
directement à Mandat Plus Prévention. Il n’appartient pas à l’Etat de vérifier
quelle affectation est faite par Mandat Plus Prévention à cet argent. Le Conseil
d’Etat rappelle encore une fois que les enquêtes demandées à son
6698
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
administration n’ont rien révélé, à ce stade et dans le cadre de recherches
demandées, concernant OG.
Le Conseil d’Etat répète également que l’Etat n’est pas concerné par la
Fondation Lions-Quest. Plus de mille maîtres ont été formés à OG et se fondant
sur l’enquête précitée du CVRP, on peut estimer à environ un tiers des maîtres
formés ceux qui utilisent toute ou partie de leur formation en classe.
Quant à la dernière intervention de M. le député Charles-Pascal Ghiringhelli
par rapport à l’audit « Bellanger », le Conseil d’Etat signale que M. le Député
Charles-Pascal Ghiringhelli fait allusion à des propositions genevoises, pour
limiter les risques des dérives sectaires, à travers un projet de loi sur la
référence à des pratiques religieuses ou au terme « église »
– à des fins commerciales,
– à un projet de loi modifiant le code de procédure pénale,
– à une proposition de résolution du Grand Conseil genevois à l’Assemblée
fédérale exerçant le droit d’initiative cantonale à propos de la modification
du code civile (publicité des associations).
A propos des travaux du groupe intercantonal sur les dérives sectaires, présidé
justement par Me Bellanger, le projet est effectivement de mettre sur pied un
centre intercantonal d’informations sur les croyances, éventuellement doté d’un
futur observatoire des religions. Des études sont également menées sur une
structure d’aide aux victimes des dérives sectaires (par exemple par l’octroi
d’un mandat supplémentaire au Centre LAVI, afin de les autoriser à s’occuper
des victimes) et de la mise en place de structures d’échanges et de coordination
entre les différentes autorités cantonales, jouant le rôle de courroie de
transmission à l’intérieur de son canton et vis-à-vis des autres cantons. Enfin,
une extension du groupe des cantons romands vers les cantons alémaniques est
envisagée et, dans le cadre de l’intervention de M. le Député Charles-Pascal
Ghiringhelli, le Conseil d’Etat ne peut que faire état de ces travaux en cours. Il
renseignera ultérieurement le Grand Conseil sur le développement de ces
démarches.
La discussion est ouverte.
Mme Ursula Däppen : — En tant que membre du bureau de l’Union des
commissions scolaires du Canton de Vaud dont la présidente a participé au
groupe d’étude du matériel « Objectif grandir », mère de famille, parent
d’élève et syndique d’une commune, je souhaite apporter quelques réflexions
concernant la réponse du Conseil d’Etat aux différentes interventions portant
sur « Objectif grandir ».
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
6699
Au jour d’aujourd’hui, le Département de la formation et de la jeunesse est en
possession de cinq évaluations de la méthode en question. Le rapport Doudin,
psychologue au Centre vaudois de recherches pédagogiques, est défavorable à
la méthode ; des deux rapports de la commission intercantonale et
interdisciplinaire d’étude du matériel « Objectif grandir » l’un, favorable, est
signé par 8 membres dont la majorité est impliquée dans le choix et
l’introduction de la méthode, l’autre, défavorable, est signé par 6 membres non
impliqués dans ledit choix, parmi lesquels on trouve 2 psychologues, une
pédopsychiatre et 2 formateurs de maîtres. Le rapport du CVRP dont l’analyse
porte sur l’utilisation en classe est un rapport nuancé qui met en évidence la
nécessité pour les enseignants d’être aidés dans leur pratique en classe. Je vous
cite les conclusions du rapport demandé par l’Etat du Valais à l’Institut de
pédagogie curative de l’Université de Fribourg au professeur Lambert et à
MM. Diesse et Moulin :
« Pour atteindre son objectif ultime, la prévention primaire, c’est-à-dire
développer chez l’enfant de manière harmonieuse l’ensemble de sa
personnalité et les relations qu’il entretient avec son univers social et physique,
toute méthode utilisable en milieu scolaire doit satisfaire au moins 5 critères :
1. Etre intégrée dans l’organisation quotidienne de la classe afin d’assurer le
transfert des acquisitions réalisées par les élèves.
2. Poursuivre des objectifs cognitifs, affectifs et relationnels propres au
contexte scolaire, à l’exclusion de ceux qui touchent directement au vécu
personnel de l’enfant et à ses relations avec la famille.
3. Impliquer les familles dans une démarche de partenariat.
4. Se fonder sur une formation adéquate des enseignantes et des enseignants.
5. Avoir fait l’objet d’une expérimentation contrôlée selon les critères
scientifiques présidant à l’évaluation des méthodes et de ses effets et, cela,
avant sa généralisation à l’ensemble d’un réseau scolaire.
Au terme de notre analyse, nous constatons que la méthode « Objectif grandir »
ne remplit pas ces critères ». Et, pour terminer, « La poursuite d’« Objectif
grandir » n’est pas possible. » Fin de citation.
Je constate que l’absence de ces critères a entraîné une rupture de confiance
entre l’école et les familles, confiance qu’il est urgent de rétablir ; or, la
poursuite de l’utilisation d’« Objectif grandir » sous condition l’empêche. C’est
pourquoi j’invite le Conseil d’Etat à mettre fin à toute utilisation de la pratique
de cette méthode dans les classes du canton.
6700
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
Mme Micheline Félix : — Encore « Objectif grandir »...Cette fois, il y a du
nouveau, le Conseil d’Etat répond ! Malheureusement, sa réponse ne nous
satisfait pas.
Il y a deux types d’opposants à « Objectif grandir » : les premiers sont les
parents qui n’acceptent pas cette intrusion dans la sphère familiale, les autres
sont les experts et les personnes les mieux formées au niveau universitaire, au
niveau le plus élevé, qui ont protesté à plusieurs reprises, auxquelles on n’a
jamais répondu et dont on a peu publié les rapports. M me Däppen vient de vous
parler des rapports : il y en a eu cinq dont l’un, favorable, émane d’un
promoteur de la méthode. Je vous cite deux de ces rapports qui ont connu un
très grand retentissement. Le premier est le rapport Doudin. Ceux d’entre vous
qui siégeaient ici lors de la dernière législature se souviennent peut-être de
m’avoir entendu demander à M. Schwaab, alors chef du département, s’il allait
nous remettre le rapport Doudin, à quoi il m’a répondu « non, madame, vous
n’aurez pas le rapport Doudin ». Deux jours plus tard, je le recevais de manière
anonyme et je pouvais vous le transmettre ; voilà comment l’information a été
diffusée. J’ai appris, notamment lors de mes contacts au FIR, que ce même
rapport Doudin était estimé dans les autres cantons et servait de base de
réflexion et de référence à toutes les études qui ont été faites. Le second a été
commandé à la chaire de pédagogie curative de l’Université de Fribourg ; c’est
un modèle et si quelqu’un parmi vous s’intéresse à la question, ce rapport est
excellent, rédigé en termes simples, compréhensibles de chacun, même du
Conseil d’Etat ; (rires) mais, visiblement, il n’a été ni lu, ni compris, ni suivi de
réflexions qui auraient pu amener à certains progrès. Alors pourquoi toute cette
polémique ?
Premièrement, la méthode en question est bourrée de critiques contre la
famille. Il est inutile d’extraire le fameux cercle magique, toutes les pages,
toutes les fiches sont pleines de critiques contre la famille et les rapports que je
viens d’évoquer le disent. L’un des deux rapports dit : « La méthode « Objectif
grandir » place la famille à l’origine d’un ensemble de problèmes pouvant
survenir chez les enfants. (...) L’ensemble du programme laisse percevoir une
représentation négative de la famille » et, alors que le département vous dit
qu’il veut un partenariat – un partenariat supposerait le respect de chacune des
deux parties –, eh bien, la méthode critique vivement la famille à chaque page.
Voyons maintenant le besoin de faire parler les enfants ; les enfants qui ont des
problèmes doivent absolument pouvoir les exprimer pour qu’on puisse venir à
leur secours. Comme vous le savez sûrement – vous êtes tous des parents –, les
enfants parlent plus volontiers aux autres enfants. Il y a dès lors une grande
tentation d’utiliser les enfants de familles « normales » et qui n’ont pas de
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
6701
problèmes pour susciter les aveux ou les récits des autres. Ces enfants de
familles que vous direz peut-être privilégiées sont, à mon avis, plus vulnérables
que les autres puisque protégés et risquent beaucoup de souffrir de cette
situation. Les deux rapports dont je vous parle citent nommément ce risque de
dérapage d’autant plus que les enseignants ne sont pas formés. Là, je fais une
parenthèse : les enseignants d’« Objectif grandir » ont suivi trois jours de
formation – actuellement, on vous forme tout le corps enseignant et tout le
monde à coup d’heures ; vous pouvez apprendre l’allemand en 15 jours, la
physique en 10 heures et, en l’occurrence, la psychologie en 3 jours. Eh bien,
non, mesdames et messieurs, aucune matière ne peut être apprise en 3 jours. Et
alors, le paradoxe que je dénonce, c’est que lorsque l’Université qui comprend,
elle, des experts longuement formés, qui ont fait de longues études, qui sont
reconnus souvent sur le plan international, lorsque ceux-ci s’expriment, eh
bien, on ne les écoute pas et on donne constamment la parole à des gens dont
on dit qu’ils sont formés mais qui ont suivi 3 jours de ceci, 2 heures de cela,
etc. De plus, la Société vaudoise de médecine, la Société vaudoise des
psychologues, la Société vaudoise des maîtres secondaires, tous, universitaires,
professionnels, ont pris la peine d’écrire au département pour lui dire à quel
point cette méthode est dangereuse et pour lui donner une argumentation de
fond. On ne leur a pas répondu, on ne les a pas entendus et on a continué en
faisant en outre, dans le rapport, des petites remarques totalement
inacceptables.
Je demandais des évaluations. La réponse du Conseil d’Etat dit qu’il y a eu
évaluation, que l’on a consulté à gauche et à droite, mais personne n’a jamais
reçu de rapport d’évaluation et les rapports, toujours eux, signalent qu’aucune
évaluation de spécialiste n’a été faite, qu’aucun suivi n’a été fait, que
l’adaptation française n’a été supervisée par aucun spécialiste. Pourtant, le
rapport fribourgeois qui est une référence en la matière dit « toute méthode
utilisable en milieu scolaire devrait avoir fait l’objet d’une expérimentation
contrôlée selon les critères d’une méthode et ses effets et, cela, avant sa
généralisation à l’ensemble du réseau ».
Vous avez vu qu’il y a, en même temps que la réponse à mes interpellations, à
celle de M. Ghiringhelli, une réponse aux parents. Or, ces parents n’étant pas
représentés ici j’ai pris la liberté de les contacter. Ils m’ont dit trois choses.
Tout d’abord, qu’ils refusaient cette réponse parce qu’ils ont demandé l’arrêt
complet et définitif d’« Objectif grandir » et qu’on leur propose une suite.
Ensuite, que si nous, les politiques, nous n’arrivons pas à stopper cette méthode
malsaine, ils continueront, eux, qu’ils ne sont pas au bout de leurs peines mais
qu’ils continueront car ils ne veulent pas de cette méthode et qu’ils n’ont pas
les moyens de mettre leurs enfants en école privée. Enfin, que la loi vaudoise
6702
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
stipule clairement que l’école seconde la famille, non pas qu’elle la remplace,
non pas qu’elle lui dit ce qu’elle doit faire. La loi devrait être respectée et ces
parents vous demandent de le faire.
Maintenant, que fait le département ? Le département recycle les déchets
d’EVM – pardon, j’ai une année d’avance – (rires) ...recycle les déchets
d’« Objectif grandir » et cherche dans ses fiches ce qu’il conviendrait d’y
trouver alors que, à nouveau, le rapport dit textuellement : « Au vu de
l’incohérence de la méthode et de ses nombreux effets pervers possibles, la
solution qui consisterait à réunir un groupe de relecture afin d’arriver à une
version expurgée de la méthode « Objectif grandir » n’est pas une solution
acceptable. » Or, c’est ce que nous faisons. Eh bien, madame la cheffe du
département, ce n’est pas un outil que vous préparez pour les enseignants.
Vous nous dites que vous préparez des méthodes de deuxième génération... eh
bien ce ne sont pas des outils, c’est un tourniquet que vous préparez puisque
vous réemployez les épaves d’« Objectif grandir » et les gens qui ont été
compromis dans cette méthode, qui sont tous déjà dans des commissions où ils
vont pouvoir en recycler les restes. C’est la raison pour laquelle je refuse
évidemment la réponse à mes interpellations. Je note en passant qu’il aura fallu
deux ans – j’aurais bien attendu deux ans, volontiers même, si c’était pour
arriver à un progrès ; malheureusement, la réponse qui m’est donnée aurait pu
l’être quinze jours après le dépôt de mes questions. De la part des 2000 parents
auteurs de la pétition et qui ont écrit pour que l’on stoppe, je vous demande
aussi de ne pas accepter la réponse à leur pétition.
Mon collègue Ghiringhelli et moi-même allons vous présenter une résolution à
laquelle nous vous prions de faire bon accueil parce que nous cherchons, par ce
biais, à mettre un peu d’ordre dans toute cette affaire.
Mme Anne-Catherine Menétrey-Savary : — Je suis désolée d’intervenir, en
particulier contre quelqu’un de mon groupe, mais il se trouve que, au cours des
méandres de ma vie professionnelle, j’ai occupé successivement trois des
terrains particulièrement concernés par cette affaire : l’enseignement d’abord,
la psychologie scolaire ensuite et la prévention maintenant. J’aimerais aussi
préciser que je n’ai aucun intérêt dans la méthode « Objectif grandir » ; je
pourrais même dire que, d’une certaine manière, cette méthode, pour moi, c’est
la concurrence ! Mais je suis absolument catastrophée par cette mauvaise
querelle. Quel gâchis, mesdames et messieurs !
J’ai vu personnellement, non pas 5 mais 6 rapports d’évaluation. Quatre d’entre
eux sont cités dans la réponse du Conseil d’Etat, une autre évaluation financée
par la Fondation suisse pour la promotion de la santé était antérieure à l’arrivée
d’« Objectif grandir » dans le Canton de Vaud, mais, comme par hasard,
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
6703
personne n’en parle. Six rapports, mesdames et messieurs, et des flots de
paroles ! J’aurais envie de reprendre un alexandrin de Racine : ce programme
ne mérite « ni cet excès d’honneur ni cette indignité ». Les rapports sont tous
plus ou moins nuancés. Je peux être d’accord avec beaucoup des choses qui
sont dites, aussi bien négativement que positivement. C’est vrai que les parents
n’ont pas été correctement informés dans de nombreux cas ; c’est vrai que les
enseignants n’ont pas bénéficié d’une formation suffisante ; c’est vrai parfois
qu’ils n’ont pas été appuyés dans leur formation continue. OK. Ces critiques
ont été faites et il me paraît que le temps n’est plus aux controverses.
Je voudrais cependant relever que le ton et le contenu de ces rapports n’a
vraiment rien à voir avec le ton des propos qui ont été tenus dans cette salle et
relayés par les médias. Cela, chers collègues, je ne peux pas le comprendre.
Pourquoi tant de haine ? Il y a eu des déformations, des amalgames, des
condamnations hâtives ; vous avez utilisé l’anathème, vous avez parlé,
finalement, comme si vous étiez d’une secte : dénonçant un grand complot
international, appelant à des formes d’exorcisme, dressant déjà les bûchers de
l’Inquisition. Cela m’a fait penser, pour prendre une comparaison personnelle,
à la manière dont j’écrase les araignées ! Elles sont mortes depuis longtemps
que je tape encore dessus... je reconnais mes défauts mais j’essaie de ne pas les
pratiquer en dehors des araignées ! (Quelques rires.) J’aimerais comprendre
comment on a pu en arriver là. Vous voulez tuer à tout jamais ce programme.
Bien ! Le canton s’en remettra, ce n’est probablement pas un drame. Mais quel
incroyable gaspillage ! Ce qui me navre surtout, c’est que derrière ce
programme, il y a des gens, en particulier un homme que vous avez accusé sans
fournir la moindre preuve. Cet homme-là, vous l’avez détruit et je ne suis pas
sûre que lui, il s’en remettra. Je trouve incroyable l’idée que, dans ce canton,
on a une institution de traitement des toxicomanies qui appartient ouvertement
à la scientologie, mais que, apparemment, cela ne dérange personne. Et là, tout
d’un coup, avec Daniel Pellaux, qui va chercher sa méthode à l’étranger,
alors... pensez donc ! Si vous vous étiez renseignés un peu plus exactement,
vous auriez vu que ce programme est une commande faite par le Canton du
Jura à Daniel Pellaux, que son modèle vient d’une organisation non
gouvernementale anglaise et que le cercle magique, dont tout le monde parle
avec combien d’horreur, a été introduit par les enseignants jurassiens. Alors, où
sont les scientologues ?
Cela dit, je comprends bien que l’on ne puisse pas continuer avec ce
programme, mais j’en suis navrée. Il me paraît que la décision d’arrêter est une
prime à la rumeur. Comment pouvez-vous dire, madame la députée, que le
département n’a jamais répondu à vos demandes ? Décider d’arrêter la
6704
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
formation et d’interrompre le programme, c’est tout de même une réponse qui
se pose un peu là !
Si j’ai bien compris, vous allez déposer une résolution qui vise à interdire
complètement aux enseignants qui ont été formés de continuer à utiliser cette
méthode. Je relève que le rapport du CVRP signale que 88% des enseignants
formés souhaitent continuer et que 2% seulement ne le désirent pas. Un seul
chiffre : ils ont aussi été interrogés pour savoir si l’application d’« Objectif
grandir » avait révélé des problèmes relationnels dans la classe. Oui, a répondu
près de la moitié ; 37% ont dit non. A la question « ces problèmes étaient-ils
dus à « Objectif grandir ?» Oui, ont répondu 5% des enseignants ; 65% ont dit
que non, que ces problèmes se seraient posés de toute manière. Alors, tuons
cette vilaine araignée, puisque c’est ce que vous voulez ; encore une fois, je
pense que le canton s’en remettra. Mais vous dites aussi que vous voulez faire
de la prévention ; alors, quelle prévention ? Est-ce qu’on va maintenant
s’acheminer vers des leçons sur le sida, sur la violence, sur les drogues ?
Utiliser des films qui nous montrent l’horreur de toutes les maladies que l’on
peut attraper en se comportant mal ? Des leçons où l’on évite soigneusement de
parler de soi et de ce que l’on ressent ? Une prévention qui ne s’occupera plus
des affaires de la famille – peut-être cela sera-t-il laissé aux ragots des cours de
récréation ?
En conclusion, je voudrais ajouter ceci : il ne faudra pas vous indigner si, un
jour, une enseignante ne fait rien, ne dit rien, n’entreprend rien quand une
fillette de 6 ans dit à plusieurs reprises – comme cela s’est produit récemment –
« maman a tué papa ». Je suis d’accord, c’est un cas extrême, mais enfin c’est
là que l’on aboutit avec ce genre de peur et je suis tout à fait convaincue que ce
n’est pas de cette manière que l’on institue un véritable partenariat entre l’école
et la famille. Je constate maintenant qu’« Objectif grandir » est cliniquement
mort mais je ne pourrai en aucun cas voter une résolution consistant à écraser
encore plus, avec la talon, quelque chose qui est déjà mort. (Applaudissements.)
M. Olivier Français : — Si je me permets d’intervenir, c’est que je suis
malheureusement tombé sur une fiche. En effet, dans la réponse du Conseil
d’Etat, on parle de la santé et que j’ai pris tout bêtement cette fiche santé.
Activité No1 : je vais vous lire le texte parce que je parle plutôt en tant que
parent et que s’il y a un problème relationnel, il est lié à cette information dont
Mme Menétrey a parlé et cela provoque justement une inquiétude chez ces
fameux parents.
Qu’est-ce qu’on demande ? Notre chef de classe, c’est notre président, tout va
bien. Professeur, je prendrai Mme la conseillère d’Etat, elle doit réunir des
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
6705
exemples. Un affreux qui ne prend aucun soin de sa santé – je vous laisse
choisir qui vous voulez désigner dans la salle –, un tout endormi, très fatigué
parce que chaque jour il regarde, etc., et je continue ; vous avez le tout fou – et
vous pouvez dire que c’est moi –, une toute molle, un tout «crado» et une toute
pleine de chips. Voilà l’exemple. Et cela, c’est l’activité No 1. Personnellement,
je trouve cela détestable et je ne peux accepter, en tant que parent, que l’on
prenne les enfants en otage avec de tels termes. Par contre, il est vrai que
certaines choses sont intéressantes. Mais cela, c’est dans les activités
complémentaires ; alors, comment voulez-vous travailler avec ces fiches ? Et
dans ces activités complémentaires, là, cela devient intéressant et de la
prévention active. La classe peut créer un panneau mural ou un collage
illustrant tout ce que les enfants peuvent faire pour prendre soin de leur santé ;
cela, d’accord. Mais si vous commencez avec une activité une et que vous
présentez cela à des parents, ce n’est pas acceptable. Si ce cercle magique,
comme cela a été dit – mais je viens de l’apprendre –, a été inventé par le
Canton du Jura et non par l’auteur de la méthode, le déficit de la méthode qui
date d’un certain temps déjà et les nombreux rapports qui ont été transmis – je
n’en connais que quatre, mais pour la ville dans laquelle je vis, celle de
Lausanne, un fameux rapport de la direction de la sécurité sociale et de
l’environnement – j’ignore s’il est confidentiel ou pas –, la conclusion : au vu
de ce qui précède et par extension nous attirons l’attention de nos autorités sur
le fait que l’inspection communale du travail est souvent sollicitée pour des
demandes de renseignements concernant les entreprises qui se présentent
comme humanistes et philanthropiques et je vous passe ce qu’il y a avant où
justement l’on dit que la personne en question n’a pas la formation ad hoc pour
faire cette prévention. La prévention, aujourd’hui et demain, elle est difficile ;
c’est d’ailleurs pour cela qu’on en débat et qu’elle fait tant parler l’hémicycle et
la presse, parce qu’on ne peut pas laisser cela en main de n’importe qui
(remarque dans la salle) ...oui, les enseignants, parfaitement, ce sont les
enseignants, ce sont des professionnels qui doivent travailler et des
psychologues. Le monde de la santé doit être dans ces fameuses commissions.
Donc, que les parents, que la famille soient associés à la prévention me paraît
fondamental et on doit travailler ensemble pour que, demain, cette prévention
soit faite dans les meilleures conditions.
Mme Raymonde Caffari-Viallon : — On a dit tout et son contraire sur
« Objectif grandir ». On a sans doute placé des attentes largement excessives
dans ce qui n’est qu’une méthode – cela vient d’être rappelé – qui repose sur
une formation brève et sur un matériel, en pensant que cette méthode allait
pouvoir répondre à tous les problèmes de prévention. Mais, en face, on a, de
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manière beaucoup plus excessive encore, « diabolisé » une méthode qui n’en
méritait pas tant.
A mon sens, « Objectif grandir » avait, et a toujours, un grand mérite, celui de
vouloir répondre à un vrai problème, à savoir la prise en compte des difficultés
émotionnelles que vit tout enfant au cours d’un développement normal ; elle
voulait répondre à des besoins globaux de développement alors même que
l’école, par vocation, par tradition aussi, tend à répondre essentiellement et en
priorité à des besoins d’ordre cognitif. Il est important de ne pas négliger ces
besoins globaux liés au développement des enfants. Je ne pense pas que l’on y
parvienne de manière correcte et satisfaisante à travers une méthode, c’est-àdire à travers un concept préétabli d’activité avec les enfants. Il faut bien
davantage tabler sur les compétences des enseignants, donc sur leur formation.
Dans la réponse du Conseil d’Etat aux interpellations dont nous discutons
maintenant, je lis que l’on va définir une nouvelle politique de prévention et
d’éducation pour la santé en milieu scolaire. J’aimerais que M me la conseillère
d’Etat me rassure et m’explique comment on va faire et comment on va
permettre aux enseignants de disposer des outils nécessaires non pas dans une
mallette, mais à travers leur formation professionnelle et personnelle de
manière qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle de prévention et prendre en
compte dans leur activité d’enseignant les besoins globaux liés au
développement des enfants.
M. Georges Glatz : — Tous les députés de cet hémicycle ont reçu une lettre,
datée du 2 mars, du Groupement romand d’étude sur l’alcoolisme et les
toxicomanies. Dans cette lettre, il est affirmé à propos d’« Objectif grandir »
que ce programme correspond, je cite, « à un concept de prévention fondé sur
le développement des compétences sociales, seule garantie d’un apprentissage
à la capacité des choix des individus ». Permettez-moi d’affirmer que cette
phrase me semble assez ambiguë ; en effet, la seule garantie d’un apprentissage
à la capacité des choix des individus est, peut-on croire, du moins on le laisse
supposer, d’adhérer à ce concept de prévention fondé sur le développement des
conséquences sociales qu’est « Objectif grandir ». C’est une vision un peu
manichéenne.
Quelle place fait-on de tout ce qui contribue à la formation du caractère, au
développement de l’individu dans ses liens privilégiés avec la famille ? On a
l’air de nous dire que, savoir choisir serait en fait le résultat d’un apprentissage
donné par des tiers en dehors de la famille plutôt que le résultat de l’intégration
de la personnalité tout au long de son développement dans le cadre des
étayages familiaux. Que fait-on également des communautés d’appartenance
ainsi que des expériences normales de la vie sociale et familiale ? Dans le
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courrier que l’on nous a adressé, on veut presque nous faire croire que
l’homme, sans cette méthode, serait perdu. Personnellement, je suis inquiet de
constater que ceux qui défendent la méthode « Objectif grandir » prônent de
tels arguments inadéquats et si réducteurs. Sans en avoir l’air, cette façon de
procéder s’attaque directement au fondement du socle familial et c’est un
danger que je ne peux passer sous silence. Que la prévention s’exerce dans les
écoles, oui, deux fois oui, mais que cela ne se passe pas au détriment de la
famille dans l’exercice de son rôle premier qui est l’éducation. Que cela se
fasse en collaboration avec les parents, avec leur adhésion et leur concours. Or,
malheureusement, force est de constater qu’avec « Objectif grandir », l’on n’a
pas choisi cette voie. D’où la situation actuelle malsaine parce que les passions
se sont déchaînées et ont empêché l’émergence de la raison. Je dirai donc, en
conclusion : que la prévention s’exerce, mais avec le concours des parents.
M. Charles-Pascal Ghiringhelli : — Désolé, madame Menétrey, je n’écrase
pas les araignées ; c’est le meilleur moyen de ne pas avoir trop de mouches
chez soi. Vous savez qu’il y a toutes sortes de mouches, même certaines qui se
nourrissent de m... Par contre, il peut être parfois convenable de la prendre par
une de ses pattes, d’ouvrir la fenêtre et de l’éloigner de l’espace de vie qui est
le sien ; et c’est finalement assez plaisant de la voir voguer ainsi au vent.
Qu’est-ce qu’une secte ? En général une secte utilise un schéma qui commence
à être de plus en plus connu des gens de la prévention, qui passe par un même
processus et qui est, à peu de choses près, le suivant : on recherche tout d’abord
avec l’adepte ou le futur adepte qu’il ait un sentiment d’appartenance à un
groupe très fort et on banalise la réalité par une compréhension plutôt
émotionnelle et une évacuation des réflexes rationnels. Deuxième stade, une
fois que l’adepte a commencé à mordre à l’hameçon, on passe à une
dévalorisation du cercle familial, des proches, des parents – il n’est pas
nécessaire d’être une tenniswoman de renommée internationale et bâloise de
surcroît pour s’en rendre compte. Ensuite, travail sur des notions consensuelles,
genre lieux communs, avec utilisations de codes ; on commence à mettre en
place des locutions et des termes propres à ce genre de pratique. Et une fois que
l’on a ainsi déstabilisé le futur membre, on lui présente, paf, LA solution aux
maux de la société dont il est la principale, pratiquement l’unique victime.
Parfois, si c’est encore nécessaire – et là, l’épisode des araignées est peut-être
évocateur –, on met en avant les revendications infondées du savoir
scientifique, parce que, évidemment, le malheur ne vient que des gens qui
essaient d’être raisonnables.
Madame la conseillère d’Etat, vous avez reçu – hélas de manière confidentielle
– un document émanant d’un cadre d’une organisation humanitaire reconnue
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de tous, jusqu’à présent a été appréciée, et qui vous donne exactement la
preuve, sur une douzaine de pages environ, que, dans des sectes – certains ont
dit scientologie, cela peut en être d’autres – et dans les termes même
d’« Objectif grandir » repris de « Clés pour l’adolescence » de Quest
international – qui n’est pas en Angleterre, madame Menétrey, mais dans
l’Ohio aux Etats Unis et considéré là-bas comme organisation de type sectaire
– qui reprend ces éléments-là et prouve que le schéma est curieusement
similaire à ce type de pratique. Alors, comprenez, mesdames et messieurs, que
des professionnels s’inquiètent. Comment, nous, cénacle de députés, avons été
finalement approchés par ce problème d’« Objectif grandir » ? Des parents se
sont tout d’abord inquiétés de pratiques dont ils ignoraient l’existence qu’ils
ont peu à peu découverte – déficit d’information. Si cela n’avait été qu’un
déficit d’information, facile à corriger, déficit d’information d’une excellente
méthode, on fait de l’information ; mais ce déficit d’information s’est doublé
d’une recherche de savoir d’où cela venait, qui l’avait fait, comment, quelle
valeur. Et c’est là où, tout à coup, nous nous rendons compte que les opinions
des spécialistes, des gens qui cherchent à faire l’analyse de cet élément, pour le
moins divergent. Si nous voulons avoir une bonne prévention aussi dans le
milieu scolaire, la règle première est le partenariat, donc, le consensus,
l’adhésion des enfants, l’adhésion de leurs parents, les géniteurs, l’adhésion de
la communauté scientifique, en majorité en tout cas, sur un large spectre
scientifique. Et une fois que nous aurons ces adhésions-là pour un programme
de prévention bien charpenté, nous pourrons, ensemble, de concert, aller de
l’avant. Je crois que dans ce pays romand, nous avons les compétences et de
quoi créer cette adhésion. Nous avons notamment une recherche universitaire
de pointe, qu’elle soit à Fribourg, à Neuchâtel ou à Lausanne ; Genève, par
exemple, qui, d’emblée – suite à un rapport genevois je suis d’ailleurs entré en
matière sur « Objectif grandir » –, permettrait effectivement de mettre en place
une prévention qui ne soit pas bricolée par un instituteur, mais qui soit un peu
plus étayée lorsqu’elle est soumise à des professionnels et donne le sentiment
effectivement qu’elle a été charpentée de manière suffisamment solide,
sérieuse, pour pouvoir être utilisée et reconnue de tous, notamment des enfants
bien sûr et des parents, les premiers concernés, comme étant une bonne
méthode.
Anecdote : prenez le rapport du CVRP. Alors qu’« Objectif grandir » a pour
mission de faire de la prévention par rapport à des problèmes de violence –
qu’elle soit intra- ou extrafamiliale –, des problèmes d’environnement
extrêmement néfastes pour les enfants, qu’est-ce que l’on constate chez les
enseignants qui ont utilisé, semble-t-il, non sans trop de « débonheur » cette
méthode, que cela les a aidé à diminuer la tension dans les classes. Vous avez
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une méthode qui vise la prévention de la violence et le résultat de tout cela,
vous avez fini par l’utiliser pour autre chose ; alors, tant mieux si c’est utilisé
pour autre chose. Mais si, finalement, c’est pour diminuer la tension dans la
classe, ce n’est pas le but de la méthode et cela prouve bien que lorsqu’on a
bricolé quelque chose et qu’on a signalé un objectif, mais qu’on ne l’atteint
pas, c’est que l’on n’est pas crédible quant au fil rouge que l’on s’est donné.
La résolution que les deux interpellateurs souhaitent vous faire adopter est la
suivante.
« Le Grand Conseil du Canton de Vaud
demande l’arrêt complet et définitif des pratiques de la méthode « Objectif
grandir » afin de ne pas porter préjudice à un nouveau mode de prévention qui
devrait s’élaborer en coordination avec la recherche universitaire romande. »
Et je pèse ces trois mots : recherche, universitaire, romande. Il semblait qu’en
octobre l’on s’acheminait vers une évaluation romande et tout à coup, parce
qu’un rapport vient de l’Université de Fribourg et déplaît à ceux qui auraient
voulu continuer à bricoler avec les fiches d’« Objectif grandir » et les relire, eh
bien, on oublie que l’on peut faire une réflexion dans ce domaine sur le plan
romand – elle est d’ailleurs déjà amorcée puisque plusieurs rapports existent –
et on en revient à une petite commission bien vaudoise de gens déjà asservis à
une méthode largement critiquée par des professionnels. Ce n’est pas très
sérieux. La prévention est, certes, indispensable dans plusieurs domaines de
notre société ; elle a sa place dans l’école, c’est certain. Elle ne peut se faire
que de concert avec tous les partenaires, parents, enseignants, médico-sociaux,
etc. Elle ne peut se faire que sur une recherche fondée et bien charpentée. Voilà
pourquoi nous vous demandons de voter cette résolution pour donner un signal
clair de ce souhait de prévention, mais de prévention bien faite, afin que nous
puissions enfin bâtir sur des bases moins irrationnelles et que l’on arrête de se
jeter à la figure des choses qui, finalement, sont des anathèmes inutiles. A ma
connaissance, il n’a jamais été dit par les interpellateurs que la méthode
« Objectif grandir » était issue de la scientologie ; non, « Objectif grandir » ne
vient pas de la scientologie, mais s’identifie à un processus sectaire ; voilà ce
qui a été dit. J’aimerais dire aussi à M me la conseillère d’Etat – j’en profite
puisqu’elle prétend que je ne lui ai jamais envoyé le rapport dont je parle dans
ma motion, que je n’ai pas dit que je lui avais envoyé – qu’en date du 26 avril
elle a reçu un courrier d’un des parents signataire de la pétition du contenu total
du dossier qui mettait déjà les difficultés en exergue ; alors, il faudrait peutêtre, madame la conseillère d’Etat, que votre cheffe de l’information soit muée
en une meilleure documentaliste. Et je pense qu’il serait également nécessaire
que, de manière générale, lorsque des éléments aussi sensibles apparaissent,
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lorsque l’on touche la sphère familiale – et c’est peut-être le meilleur
enseignement que nous pouvons tirer de cet épisode un peu triste dans notre
canton d’« Objectif grandir » –, toute méthode de prévention doive
impérativement, au départ, bénéficier d’une très large information aux parents.
Nous savons que les enseignants sont confrontés à une difficulté très
importante qui, à la fois, est celle d’être en face d’enfants bénéficiant d’un
cadre protégé, voire surprotégé par certains parents qui n’admettent même
aucune intervention préventive à l’école et, sur le banc d’à-côté, d’autres élèves
qui, par contre, n’ont aucun encadrement familial. Or, il est difficile, dans une
même classe, de pouvoir répondre à la fois au souci de parents qui souhaitent
un minimum d’intervention scolaire dans le domaine de la prévention et
d’autres parents qui, eux, démissionnent largement de leur rôle. C’est un défi
que nous avons aussi à résoudre sur le plan politique.
Mme Claire Garin : — J’ai été frappée par une partie de l’intervention de mon
collègue Ghiringhelli parlant de la baisse de la violence dans les classes où la
méthode est appliquée – je précise que je n’ai plus d’enfant en âge scolaire et
que j’ai suivi tous ces débats un peu de loin ; je m’en suis rapprochée vu
l’engagement militant de ma collègue Micheline Félix.
On a déjà parlé à plusieurs reprises dans cet hémicycle des problèmes de la
violence à l’école qui préoccupent beaucoup de monde, qui sont très graves,
qui s’aggravent et qui vont aller en s’aggravant. Je pense que c’est un bénéfice
secondaire absolument intéressant que cette méthode diminue la violence dans
les classes, même si ce n’est pas son but premier. Deuxièmement, je voudrais
dire que, appartenant au même groupe politique que les deux personnes qui se
sont longuement exprimées sur ce sujet, j’ai été convaincue par les arguments
de Mme Menétrey et je crois que je ne suis pas la seule. Je vous recommanderai
donc de refuser la résolution déposée, qui, d’ailleurs, ne nous a pas été soumise
par écrit et à laquelle nous n’avons pas eu le temps de beaucoup réfléchir, ce
que je regrette. Je vous engage donc à refuser cette résolution.
M. Alain Gilliéron : — Je vais essayer de conserver le bon ton de cette
discussion. Je déclare mes intérêts : maître de classe terminale 8e et 9e et,
accessoirement, président de la Commission d’enseignement du parti radical.
J’aimerais inviter Mme Félix et M. Ghiringhelli à regarder les objectifs, à
réfléchir et à s’abstenir de rallumer la mèche plutôt que viser à démolir et
assouvir un désir de combat personnel. Réfléchir à la situation actuelle qui
n’est de loin pas simple dans le domaine de la prévention. Si tout allait bien,
madame la marquise, on pourrait imaginer perdre un temps précieux de
recherche en preuves ou toute autre chasse aux sorcières fussent-elles
scientologues. Mais force est de constater que les dérives comportementales
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sont monnaie courante à l’heure actuelle dans nos écoles ; elles couvrent tous
les degrés de la scolarité, de l’enfantine au gymnase et, surtout, deviennent de
plus en plus difficiles à résoudre. On peut citer, par exemple, l’élève de
première année qui casse tout dans la classe et n’a aucune limite ; l’élève de
quatrième qui arrive quotidiennement en classe avec des marques qui ne sont
pas le fait de taches de vin à la naissance ; ou bien l’élève de sixième qui fume
et boit plus que de raison ; ou encore celui de neuvième pour qui l’école est le
seul refuge en matière d’affection et de considération. Et tout cela augmenté de
la problématique du racket, de la violence verbale et de la violence physique.
Les enseignantes et les enseignants n’ont que faire des états d’âme de
Mme Félix et de M. Ghiringhelli ; ils ont déjà bien à faire avec ceux qui sont
réellement les leurs actuellement.
Le Département de la formation et de la jeunesse a interrompu, au vu de la
suspicion régnante, la formation « Objectif grandir », dont acte, décision qui
me paraît tout à fait crédible et judicieuse. Mais, de grâce, laissez maintenant
les praticiennes et les praticiens – excusez-moi, monsieur Ghiringhelli, les
bricoleurs, parce que nous sommes des bricoleurs – travailler à la mise en place
d’un concept qui doit pouvoir répondre aux besoins, lesquels sont immenses.
L’école doit répondre aux exigences de la société en formant des jeunes quels
que soient leur avenir et leurs capacités professionnelles. Elle ne peut mener
cette mission à bien si d’éternelles remise en question lui sont envoyées en
pleine figure, comme c’est le cas à l’heure actuelle : moratoire EVM,
démolition d’« Objectif grandir », le bon scolaire généralisé... autant de
gentillesses qui visent à faire prendre à notre école publique un virage à 180°.
Face à tant d’amour et tant de sollicitude et malgré le fait qu’il me coûte de
renoncer à une résolution qui parle de plus de prévention à l’école – c’est
quand même un comble ! –, vu l’esprit de cette résolution, je ne peux la
cautionner et vous demande de la refuser. (Applaudissements.)
M. Jean-Louis Cornuz : — Deux points pour m’introduire : je ne suis pas très
favorable à « Objectif grandir », en revanche je suis un ferme partisan d’EVM.
Si je prends la parole, c’est que je suis quelque peu étonné d’entendre parler de
violence à l’école ; mais c’est ce que vous désirez, c’est ce que nous désirons
tous, nous faisons tout pour encourager cette violence. Regardez les films
présentés sur les écrans de TV, les bons films, les bonnes émissions sont
généralement relégués après minuit, par contre, vous avez au moins une fois
par semaine, et je suis modeste, des films vous montrant des poursuites
automobiles, des gens qui se tirent les uns sur les autres à la mitraillette, des
bâtiments incendiés, etc., etc. Il en va de même des jeux vidéos ; ce sont des
jeux où, une fois sur deux en tout cas, il s’agit de tuer ; un camp de Romains,
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Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
des Gaulois qui tirent dessus ou vice versa, ou un homme qui tire sur des
personnages au fur et à mesure qu’ils montent à une perche ; j’ai vu cela, ce
sont les jeux que l’on propose à nos jeunes. Et pas seulement cela :
officiellement, je fais faire, je le répète, les devoirs de latin de mon petit-fils –
je prie mes camarades de m’excuser, si j’ai déjà cité ces textes ; je suis tombé
sur un texte qu’il devait traduire du latin au français ; treize phrases. Je me
permets de vous lire non pas les treize phrases mais quelques-unes. La
première phrase à traduire est la suivante : le roi est tué par son serviteur ;
ensuite : l’empereur est tué par le philosophe, l’adolescent est tué par son
camarade, le vieillard courageux est tué par le soldat, (rires) la servante est tuée
par le serviteur du consul, le compagnon de l’adolescent est tué par le roi, la
jeune fille est tuée par le paysan... (rumeurs et rires) Les six autres phrases sont
du même acabit, elles se tiennent toutes par le verbe interficitur qui veut dire
est tué. Pourquoi faire des exercices de ce genre ? Cela m’échappe. C’est un
livre imprimé à Lausanne et mis en usage dans nos classes ; il faut être tombé
sur la tête pour faire faire des exercices de ce genre à des élèves. Du temps de
ma fille, j’avais déjà été frappé, mais c’était au gymnase ; elle était donc déjà
plus âgée ; des textes de la basse latinité étaient choisis où étaient décrits des
martyrs de jeunes chrétiennes qui étaient d’abord violées, ensuite de quoi on
leur coupait les seins, etc. etc. (Rumeur.) Vous parlez d’une valeur éducative
fâcheuse et discutable pour des adolescentes de 17 ans !
Alors, cette violence, vous la voulez puisque vous ne prenez aucune mesure
contre. Chaque fois que, par hasard, on en parle – parce qu’il n’y a pas
seulement la violence, de temps en temps c’est interrompu par des scènes de
viol, de gens qui se sautent mutuellement, etc. etc. –, chaque fois que
quelqu’un a pris la parole, cela a tout de suite été écarté : « mais voyons,
voyons, la liberté d’expression, vous ne songez pas à y toucher, pas de censure,
etc. » Eh bien, continuons comme ça, mais réjouissons-nous que nos jeunes
soient violents, on les y encourage, on le leur demande, on leur montre comme
c’est beau... C’est comme ça. (Brouhaha.)
M. Michel Mouquin : — J’ai envie de commencer par une boutade :
remplaçons le cercle magique par la Table ronde et tout sera réglé. (Rires.)
J’ai l’impression que l’on se perd, aujourd’hui. Qu’est-ce qu’« Objectif
grandir » ? C’est une méthode externe aux structures scolaires que nous gérons
ici, au parlement. Revenons à notre travail : la gestion de l’instruction publique
dans le cadre du département, écartons tout ce qui est externe et arrêtons de
nous perdre dans des discussions absolument ridicules et qui durent depuis des
années dans cet hémicycle. Sortons de ce cercle « Objectif grandir » pour enfin
travailler dans le Département de la formation et de la jeunesse, que celui-ci
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
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fasse ce qu’il doit faire, c’est-à-dire instruire nos jeunes dans un cadre serein et
qui ne soit pas sans arrêt perturbé par des histoire de sectes ou de programme.
Faisons le travail qui est le nôtre. « Objectif grandir » n’a rien à faire dans
l’instruction publique, qu’on l’en sorte. Terminé. (Brouhaha et quelques
bravos.)
Mme Anne-Catherine Menétrey-Savary : — Merci, monsieur Mouquin, pour
ces propos vraiment constructifs ! Je voudrais juste compléter certains points.
M. Glatz a cité une résolution du GREAT que vous avez tous reçue, qui, selon
lui, laisse entendre que seul ce programme peut éduquer les enfants. Mais il n’a
pas tout cité. Le texte dit ceci : « Cette méthode cherche à développer la
collaboration avec les familles et à construire un partenariat avec le réseau des
intervenants pédagogiques et sanitaires. » – si l’on veut citer, il faut le faire
jusqu’au bout. Autre précision : l’organisme à l’origine de ce programme est
bel bien Tacade, qui se trouve en Angleterre, et non pas aux Etats-Unis ; à ne
pas confondre avec QUEST qui fait d’autres programmes dont nous avons
parlé aussi mais qui n’a rien à voir avec celui-là. Maintenant, M. Ghiringhelli
dit que les opposants n’ont jamais accusé les auteurs de s’être inspirés de la
scientologie ; alors, je ne vois pas pourquoi ils ont fait faire des enquêtes
policières pour savoir si M. Pellaux en est membre, preuve qui n’a jamais pu
être apportée. La résolution du GREAT dit encore ceci : « Le groupe
prévention affirme également que ces méthodes visent à construire l’autonomie
de ceux auxquels elles s’adressent et qu’elles démontrent ainsi une attitude
inverse de l’esprit sectaire. »
Dernière remarque enfin, à propos de la nouvelle prévention qui devrait être
faite par les universités et les universitaires. Je travaille en fait pour un institut
de recherche scientifique, avec de grands esprits de chercheurs. Eh bien, je
peux vous dire qu’aucun de ces grands esprits n’a jamais fait le moindre
programme de prévention et qu’une fois qu’ils ont bien cherché et trouvé des
choses intéressantes, ils viennent voir les praticiens pour leur demander de les
traduire en termes de prévention pour que ce soit applicable sur le terrain.
Mme Doris Cohen-Dumani : — J’aimerais peut-être juste vous rappeler
comment l’on en est arrivé à choisir une méthode telle qu’« Objectif grandir ».
Il y a quelques années, M. le professeur Michaud a fait une enquête sur les
problèmes des adolescents, laquelle avait déterminé qu’un certain nombre
d’entre eux avaient des problèmes qui allaient parfois jusqu'à des envies de
suicide. Il avait réuni autour de lui une cinquantaine de personnes de plusieurs
milieux dont des infirmières, des enseignants, des médecins, des psychiatres,
des policiers même et, à la fin de ce travail multidisciplinaire, comme vous
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Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
pouvez le constater, une des conclusions a été qu’il fallait absolument trouver,
dans ce canton, une méthode basée sur l’enseignement, les compétences
sociales. D’où le choix peu de temps après d’« Objectif grandir ». Ce n’est
donc pas arrivé comme ça, brutalement, mais après mûre réflexion. Cette
méthode correspondait à une attente très grande des enseignants et c’est
pourquoi le département a souhaité la généraliser. Mais, on oublie de dire
qu’elle correspondait aussi à une attente très grande des parents et que
l’Association des parents d’élèves avait pris une position très nette en faveur de
dite méthode. Maintenant, on peut se poser la question : a-t-on pris
suffisamment de précautions au départ sur la méthode elle-même, sur son
contenu, sur la relecture des fiches, a-t-on pris suffisamment de temps pour
former les enseignants ? Là, je crois que le recul a manqué, et l’on constate
aujourd’hui que cette formation a été beaucoup trop brève. Et puis, on en est
arrivé à revoir tout cela et on a nommé une commission d’experts. Cette
commission, malheureusement, n’a pas réussi à fournir un seul rapport et, pour
compliquer notre appréciation, nous a livré deux rapports contradictoires.
Malgré tout, on est arrivé à un consensus et on a éliminé, on a trié, et on a dit
qu’un certain nombre de fiches étaient inadéquates et qu’il fallait les éviter – je
réponds ici à M. Français qui parlait de fiches criticables. On a ensuite établi un
certain nombre de garde-fous et on a souhaité garantir l’information des
parents.
Ce qui me fait souci aujourd’hui, c’est qu’à force de dire que ce programme est
mauvais, qu’une secte est là-derrière, des parents s’inquiètent, que la confiance
vis-à-vis du programme est drôlement rompue et que le contrat que l’on
pouvait avoir entre parents, enseignants, école, en a pris un bon coup. Est-ce à
dire que l’on devrait suivre la résolution de M. Ghiringhelli qui, peut-être, pour
des motifs louables, nous dit qu’il faut prévoir autre chose ? Mais, alors, en
attendant, quid, on laissera pourrir la situation ? Je m’insurge contre ceux qui
disent que l’école n’est pas là pour éduquer les enfants. Regardez un peu ce qui
se passe en France : on constate que les parents, je ne dis pas en général, mais
un certain nombre d’entre eux en tout cas, ont complètement démissionné, de
l’éducation de leurs enfants et que, dans les écoles, des enfants arrivent qui
n’ont absolument aucun élément d’éducation. Cela, c’est un fait, qu’on le
veuille ou pas, que l’on s’insurge ou pas contre cette situation. Or, on ne peut
pas abandonner complètement les enseignants à cette situation-là sans leur
livrer des éléments, des outils, pour leur permettre de gérer cette défection des
parents. Alors, maintenant, qu’allons-nous faire à partir du moment où l’on
abandonnerait complètement « Objectif grandir » ? A l’avenir, on prévoit
effectivement de mettre en place d’autres méthodes – ce ne sera peut-être pas
une seule, évitons de généraliser, à Lausanne, nous offrons le choix entre
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plusieurs méthodes –, essayons d’offrir le choix ; avec le programme « élève
pairs », on constate que l’influence des élèves à l’égard de leurs camarades est
primordiale pour les élèves eux-mêmes. Essayons donc de prévoir autre chose
pour demain, mais ne laissons pas les enseignants complètement démunis car si
on les laisse démunis et avec des promesses, je puis vous assurer qu’ils auront
énormément de mal à gérer les situations d’enfants difficiles ; et il y en a plus
qu’on ne le croit aujourd’hui.
M. Philippe Martinet : — L’intervention de mon collègue Mouquin m’inspire
une réaction : effectivement, recentrons-nous sur notre travail politique. Or, le
travail politique à courte échéance, c’est la résolution proposée et c’est un
travail législatif qui nous attend dans assez peu de mois puisque nous allons
travailler en septembre sur le document de la Haute école pédagogique, que j’ai
vu circuler dans plusieurs travées. Dès lors, nous avons consacré une heure à
quelque chose qui n’est pas la pierre, une construction, une réalisation très
concrète, mais il me paraît que ce temps n’est pas du tout perdu car il s’est dit
nombre de choses intéressantes
En conclusion, pour ce qui est de l’aspect politique, la résolution, malgré les
aspects constructifs qu’elle développe notamment en terme de rebondissement
après « Objectif grandir », pose un problème dans le premier terme de son
texte. Il est dit en effet d’interdire en quelque sorte les pratiques – or, on peut
citer le rapport fribourgeois qui l’a déjà été longuement, pour relever qu’au
contraire, les experts fribourgeois ont dit qu’il y avait tellement de choses
banales dans les fiches d’« Objectif grandir » qu’il était probablement assez
peu utile ; donc, si l’on interdit des pratiques jugées banales, il faut croire que
la marge de manœuvre des enseignants va être extrêmement restreinte, comme
l’a bien dit Mme Cohen-Dumani. Dès lors, vu qu’il n’y a pas un avant ou un
après « Objectif grandir » et que chaque enseignant bricole – cela a été dit, et
c’est vrai que la pédagogie est au carrefour de plusieurs sciences d’où une part
d’improvisation permanente –, interdire les pratiques est une expression tout
simplement impossible à gérer pour les enseignants, ce qui me fera refuser la
résolution.
Quant au travail législatif, j’aimerais qu’à l’aube de ce débat tout à fait
intéressant l’on réfléchisse à la transformation du rôle d’enseignant entre un
exécutant qui applique une méthode, qui suit des manuels, qui va avancer
chaque année au fil des chapitres selon un cadre clairement défini et ce
personnage un peu nouveau qui va organiser les apprentissages à partir
d’enfants extraordinairement différents – cela a été dit par M. Ghiringhelli – ce
professionnel qui doit beaucoup improviser, qui est forcément critiqué par les
spécialistes qui se développent dans toutes les sciences humaines et
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d’éducation et que l’on regarde le projet de Haute école pédagogique avec ces
yeux-là. Il y a un accent à mettre sur la formation des maîtres et au moment où
l’on octroiera ou pas les crédits, j’aimerais que l’on s’en souvienne.
M. Georges Glatz : — J’aimerais répondre à M me Menétrey. Lorsqu’on dit,
dans un autre courrier, que l’on cherche à développer la collaboration avec les
familles, permettez-moi de vous faire part de mon expérience personnelle : j’ai
un fils de 11 ans qui est allé dans une école où la méthode « Objectif grandir »
– le cercle magique avec – était pratiquée. Il est rentré et m’a dit : « je n’ai pas
le droit de t’en parler ». Et vous dites que c’est ainsi que l’on collabore avec les
familles ! Eh bien, moi, j’ai vécu cette expérience et je ne le tolère pas. Je ne
veux pas dire non plus qu’il faille brûler la méthode, il y a peut-être des choses
à en retirer, mais qu’on le fasse en collaboration avec les parents ; c’est ce que
je préconise. Il ne s’agit pas de dresser les parents contre la méthode, mais que
les enfants fassent des confidences devant leurs camarades et n’aient pas le
droit d’en parler à la maison... d’autant qu’il peut être dangereux de faire
certaines confidences à des camarades, vous le savez aussi bien que moi. Cela,
encore une fois, je ne l’admets pas.
Quant aux commissions qui ont traité de ce sujet, on lit dans la presse que
certains commissaires ont des intérêts personnels ; alors, que l’on fasse une
commission indépendante, que l’on demande à des gens comme le Dr. Salem,
qui sont reconnus et qui ont l’autorité et la liberté de parole, de s’exprimer. Que
des systémiciens nous disent ce qu’ils pensent de cette méthode.
Mme Francine Jeanprêtre, conseillère d’Etat : — On peut en convenir, voilà
un débat qui a toujours passionné cet hémicycle, un débat qui a donné
beaucoup d’ambiance dans le Canton de Vaud, ce qui a provoqué chez moi un
sentiment assez mitigé lorsque je côtoyais mes collègues à la Conférence des
directeurs de l’instruction publique romande. Eux-mêmes ne rencontraient pas
cette polémique dans leur canton et je crois que c’est sous la contrainte, comme
cela a été dit, d’un climat que je qualifierai de pourri, que j’ai dû prendre la
décision de mettre un terme à l’expérience, certes à contrecœur parce que
j’estimais aussi que c’était un vaste gaspillage, d’arrêter la méthode « Objectif
grandir ». Mais il n’y avait pas d’autre issue malgré le bien-fondé reconnu de
tous qu’il y a à se préoccuper de nos enfants, des écoliers, le bien-fondé qu’il y
a à se pencher sur les problèmes actuels de la violence et d’exercer au mieux la
prévention.
Je vous rappelle – et c’est au niveau de la loi scolaire que cela se passe – que
l’éducation des enfants se fait en complémentarité entre les parents et l’école et
que, vraisemblablement, c’est quelque chose qui passe encore mal. Ce que je
ne voudrais pas, c’est que cette méthode « Objectif grandir », que l’on a
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« diabolisée » – il faut qualifier ainsi les choses – mais qui a été retirée, ne
débouche sur plus rien ; de la prévention on continuera à en faire. Avec le
recul, – c’est ma seule critique à « Objectif grandir » –, peut-être peut-on dire
que la méthode a été introduite trop vite, pas assez soigneusement. Mais il est
vrai aussi que nous avions là un produit clé en main, pas cher, alors qu’une
demande réelle existait. C’est une constante et cela va l’être de plus en plus :
les enseignants ont besoin de soutien, d’appui dans des domaines nouveaux qui
leur échappent pour l’instant, qui n’ont pas trait à la transmission du savoir et
des connaissances mais plutôt à la gestion de cette problématique nouvelle,
telle, par exemple, la violence qu’ils découvrent à la fois dans leur classe, dans
leur préau et peut-être aussi en amont, la violence exercée dans les familles.
Cette méthode « Objectif grandir » qui avait d’infinies qualités, tout le monde
en a parlé et les fiches les plus sensibles ont été retirées, venait en appui aux
enseignants qui cherchaient à faire de l’animation dans leur classe mais qui
cherchaient aussi à entretenir un dialogue avec les enfants.
Maintenant, j’aimerais que l’on puisse tourner la page. La résolution telle que
lue à cette tribune ne m’a même pas été présentée, je ne sais pas de quoi il
retourne – je n’en suis pas vexée et je crois qu’elle a été publiée aujourd’hui
dans La Presse Riviera ; peu importe – et j’aimerais que l’on se tourne vers
l’avenir. Il y a deux pistes intéressantes ; la prévention on va la continuer, c’est
une mission que l’on doit prendre en compte très sérieusement et nous allons
créer vraisemblablement, en collaboration avec mon collègue M. Charles-Louis
Rochat, un office de la santé scolaire qui sera inclus dans le Département de la
formation et de la jeunesse étant entendu que la santé s’entend dans un
contexte large – selon la définition de l’OMS, il s’agit de la santé physique et
psychique. Je veux dire qu’il s’agit du bien-être ou du mal-être des enfants ; il
ne s’agit pas des déviants, il s’agit du bien-être des enfants et de sa prise en
compte. Nous allons aussi, parce que la problématique est romande – et cela,
c’est une proposition que j’ai faite au sein de la Conférence des directeurs
d’instruction publique et qui est en voie de réalisation –, essayer de trouver une
piste romande pour mettre en place un concept qui, on peut l’espérer, pourrait
donner satisfaction à chacun.
J’aimerais dire, et il faudra que nous en restions là dans ce débat, que j’ai
tourné une page à contrecœur, certainement, mais parce qu’il n’était
politiquement plus possible d’avancer dans ce débat qui se rallume à chaque
occasion ; et j’espère que c’est la dernière fois que nous l’abordons. Il y a, au
niveau vaudois, une voie qui se met en place ; il y a, au niveau romand, une
voie qui se met en place aussi ; on trouvera de la coordination, on réunira les
forces pour réfléchir. Pour l’instant, je vous engage, par rapport aux
informations que je viens de vous donner, à faire confiance à cette démarche
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Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
sachant pertinemment que je suis très attachée, de même que toutes celles et
ceux qui ont travaillé à ce concept de prévention, à ce que nous puissions
garder et garantir à la fois l’appui que nous devons fournir aux maîtres, le
partenariat – et j’insiste là-dessus – que nous devons entretenir avec les
parents, leur collaboration, mais toujours en visant ce but qui est le bien des
enfants – et peut-être y a-t-il eu là un problème au niveau de l’information.
C’est pour cela aussi que je vous invite à ne pas soutenir la résolution qui vous
est proposée.
La discussion est close.
La résolution est refusée par 71 voix contre 57 et 14 abstentions.
____________
PROJET DE DECRET
accordant un crédit d'ouvrage pour la première étape
de la construction d'un centre d'enseignement professionnel et gymnase
au lieu dit «Marcelin» à Morges (70)
Deuxième débat
Il est passé à la discussion du projet de décret, article par article en deuxième
débat.
Article premier. —
M. Daniel Brélaz : — Le groupe des Verts remercie le Conseil d’Etat de la
réponse aux nombreuses questions posées le 2 mars 1999, réponse donnée dans
un délai record. Il se doit toutefois de constater que, vu justement le délai cidessus, cette réponse ne peut lever un certain nombre de doutes fondamentaux
que nous devons absolument maîtriser en cas de débat populaire. En ce sens, le
groupe des Verts tient à préciser qu’il se distancie très clairement des propos
vexatoires tenus par un certain nombre de députés lausannois à l’intention de
nos amis morgiens lors du premier débat. Il doit néanmoins constater que, sur
quelques-unes des questions posées, la réponse manque de solidité,
probablement parce que certains points n’ont jamais été abordées ou par
manque de temps. Je précise ces points.
Si l’on prend les clauses démographiques, l’on s’aperçoit que le système de la
pointe incriminée à hauteur de 2008, 2009, et les renseignements fournis dans
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6719
le document écrit du Conseil d’Etat ne tiennent pas du tout compte des classes
qui devraient s’être libérées à ce moment-là dans le secondaire inférieur.
Celles-ci pouvant être estimée à au moins une vingtaine, il va de soi qu’avant
d’aller trouver le peuple, il serait bon de s’assurer que des solutions de type
réaffectation du gymnase du Belvédère ancien – actuellement des 10e année
scolaire – est possible avec, pour trois, quatre à cinq ans, l’utilisation de locaux
du secondaire inférieur par les actuels élèves de 10 e année. Ce genre de point
doit être clarifié. Il est parfaitement plausible que d’autres éléments fassent
que, après le passage de la pointe démographique et scolaire qui nous a été
mentionnée, on ait des besoins en formation plus importants, par exemple
parce que suivant les vœux de M. le député Gilliéron – qui est le seul à n’avoir
reçu aucune réponse à sa question dans le document en huit points – et suite à
des clarifications sur proposition de M. le député Gilliéron, on s’aperçoit que
l’Etat décide fermement et pas seulement en option de faire un effort
supplémentaire dans le domaine de l’apprentissage et que cela génère des
locaux supplémentaires ; mais seulement si c’est décidé de manière ferme. Il se
peut aussi qu’autour de la formation scolaire et professionnelle, parce que, petit
à petit, nous nous rapprocherions des normes que l’on constate dans le reste de
la Suisse et particulièrement de la Suisse romande, des besoins supérieurs en
formation se révèlent. Mais cela ne peut résulter que de volontés politiques
clairement affirmées et, en l’état des connaissance, si c’est le statu quo qui
l’emporte, on peut craindre que cette argumentation face à une prise en compte
globale des locaux scolaires ne soit pas convaincante pour un peuple auquel on
prêche par ailleurs de très lourdes économies dans les domaines les plus divers.
Un deuxième domaine devrait être fortement valorisé avant d’être présenté au
peuple. C’est l’explication sommaire par laquelle on nous dit que, par effet de
synergie entre le secteur professionnel et le secteur secondaire supérieur, on va
se trouver avec 22 millions d’économies, sans que l’on reçoive aucune
explication claire du pourquoi – on peut éventuellement imaginer des locaux
communs ou d’autres raisons. Ce chapitre doit absolument être étayé dans
l’optique où nous ne nous contentons pas d’un débat parlementaire mais ou
nous avons affaire à un débat contradictoire au niveau du peuple. Dans la
même optique, la comparaison avec la solution autour de Grand-Pré, dans le
quartier de Malley, doit également être solidifiée. Si l’on ne change presque
rien dans les paramètres, par exemple, un coût de location de 50 000 francs
inférieur chaque année au sens des réflexions du rapport du Conseil d’Etat, on
aboutit au résultat – cela vaut ce que cela vaut, mais c’est l’arithmétique,
comme dans le rapport – que le projet Grand-Pré est préférable financièrement
à celui de Marcelin, même en tenant compte des coûts de location ; ce qui
signifie qu’il y a d’autres bons motifs. Mais là aussi, des opposants – il semble
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Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
en exister – relativement décidés peuvent nous amener à ce que ce projet, que
le groupe des Verts ne conteste pas dans son principe ni dans son emplacement,
soit refusé par le peuple par insuffisance d’argumentation convaincante et de
solidité du dossier. Dans ces conditions, prendre le risque supplémentaire, avec
la théorie des dominos qui pourrait s’ensuivre, d’envoyer ce projet devant la
population vaudoise comme premier de la liste des plus de 20 millions doit
également être pris en considération dans une réflexion politique.
Il est vraisemblable que si ce projet va devant le peuple et que le district de
Morges l’accepte à une belle majorité mais que le reste du canton contribue à
un résultat négatif ou, pire encore, fortement négatif, l’on ait ensuite des effets
de culture des dominos sur tous les objets suivants – c’est le risque que j’ai
tenté d’éviter à l’époque où je vous proposais la clause des quarante pour le
référendum financier, sans succès malheureusement. La situation ici est qu’il
vaut mieux envoyer devant le peuple un projet dont les chances de passer sont
élevées, comme, notamment, le projet du Département de l’économie sur le
renforcement des structure de promotion économique du canton ; dans un
climat de chômage, on peut penser en effet que ce projet-là a de très bonnes
chances. Ensuite, si tel ou tel projet tombe – il y en aura fatalement sur la liste
des plus de 20 millions qui seront refusés par le peuple –, cela n’a pas du tout
les mêmes conséquences : c’est un accident de parcours. Par contre, si c’est le
premier qui fait gyrophare, il faudra ensuite longtemps pour sortir de la
dynamique.
Pour toutes ces considérations et dans un objectif de renvoi constructif à la fois
pour clarifier le débat face au peuple et pour apporter des réponses essentielles
à nos électeurs auxquels nous devrons expliquer, dans le cadre de notre gestion,
pourquoi ce projet s’impose, le groupe des Verts à une large majorité m’a
chargé de déposer la motion d’ordre suivante :
« Renvoi au Conseil d’Etat avec mission de préciser notamment les points
suivants :
 planification scolaire tenant compte des locaux vides dans le secondaire
inférieur après le passage de la « pointe » démographique et d’éventuelles
augmentations de besoins en formation ;
 explication claire des raisons de l’effet de synergie de 22 millions estimé
pour le projet Marcelin ;
 comparaison Grand-Pré avec une méthode d’amortissement comparable et
une analyse de sensibilité.
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
6721
Face à ce projet et face à ce renvoi, on pourra bien sûr m’objecter que nous
aurons besoin de classes louées pendant une année supplémentaire, et que
pendant une année de plus, une dizaine de locaux scolaires devront être trouvés
compte tenu des perspectives démographiques de ces quatre prochaines années.
Nous estimons, face à la préparation insuffisante du dossier, non pas pour
affronter le Grand Conseil mais pour affronter une votation populaire et les
risques de la dynamique créée par un éventuel échec, que cela ne pèse pas
suffisamment par rapport au reste du développement et, en ce sens, nous
maintenons la motion d’ordre que je viens de déposer.
La discussion sur la motion d’ordre est ouverte.
M. Jean-Jacques Ambresin : — M. le député Brélaz demande une explication
plus complète s’agissant des 22,5 millions que nous économiserions en
construisant un centre d’enseignement professionnel et un gymnase à Marcelin.
Sur ce point-là, je peux le suivre. Quant au besoin de locaux ou à la solution
Grand-Pré, je suis beaucoup plus réservé. Enfin, s’agissant de la théorie des
dominos, M. Brélaz a au moins le mérite de dire les choses clairement. Mais
que pourrait penser l’électeur qui se dit « on nous présente un projet qui a de
fortes de chances de passer pour nous mettre sur la bonne voie et, ensuite, on
viendra nous « refiler » des projets plus discutables, mais qui, après un premier
vote positif, passeront plus facilement. » Selon radio-couloir, j’ai entendu dire
que nombre de députés diraient oui quand même à ce projet. Alors, quels sont
les défauts qui empêchent un oui tout court ?
Déjà lors du premier débat, j’ai essayé de comprendre ce que voulait
précisément M. Brélaz qui vient de le dire un peu mieux aujourd’hui. Mais
enfin, si j’essaie de faire l’inventaire des reproches que j’ai pu entendre – je
passe sans m’y arrêter sur une éventuelle rivalité, querelle de prestige entre
Lausanne et Morges qui n’a rien à faire ici – concernant le
surdimensionnement des locaux à la suite de prévisions démographiques
erronées, on peut discuter puisqu’il est admis qu’un 2% d’erreur est
incompressible, si je puis dire. On nous a bien précisé, dans le document
distribué lundi, qu’à la rentrée 2000, il y aurait 11 locaux vides à Lausanne,
9 l’année suivante – cas échéant, ces locaux pourront toujours servir de marge
de manœuvre et ne sauraient être considérés comme une solution à long terme.
Je constate d’ailleurs que depuis plus de trente ans, nous ne cessons de
construire des locaux scolaires – quand je dis « nous » j’entend aussi bien
l’Etat que les communes – et que, en dépit de cet effort soutenu, il n’y a
toujours pas pléthore, bien au contraire. S’agissant en particulier des locaux
spéciaux, leur insuffisance oblige les directeurs à se livrer à des acrobaties
d’horaire ou à continuer à recourir à des solutions de fortune. Je constate donc
6722
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
qu’en dépit de cet effort, nous avons toujours des besoins en locaux et je ne
vois pas, en tout cas en l’état actuel des renseignements dont nous disposons,
ce qui pourrait provoquer tout à coup un retournement de situation. Quant à
parler de 2008, 2009, voire au-delà, je me tiendrai sur une réserve prudente
laissant à nos successeurs le soin d’examiner la situation d’ici une dizaine
d’années ; aujourd’hui, cela me paraît un peu prématuré. Ces locaux seraient-ils
trop chers ? Evidemment que si nous n’appliquons qu’une seule couche de
peinture là où il en faudrait deux, nous ferons quelques économies, mais je ne
crois pas que ce soit là qu’elles seront sérieuses. Les économies se font en
amont, elles se font au moment où l’on établit le programme qui sera remis aux
architectes chargés d’élaborer le projet ; c’est là que l’on fait les économies, ce
n’est pas par un amendement linéaire et arbitraire de 8, de 4 millions ou je ne
sais trop ce que l’on va nous proposer tout à l’heure, ce n’est pas par ce genre
de bricolage que l’on réussit à diminuer sérieusement les coûts.
J’ajoute enfin que, personnellement, je n’ai aucun intérêt dans cette affaire.
Que ce projet se réalise ou non, et s’il doit se réaliser que ce soit sous cette
forme-ci plutôt que sous cette forme-là, cela ne va rien changer à mon
existence. C’est la raison pour laquelle, si nous sommes en train de nous
tromper comme certains semblent le sous-entendre, alors, qu’ils viennent le
dire ! Comme dit la formule : que celui qui a des objections en fasse part ici et
maintenant ou qu’il se taise à tout jamais. Parce que moi, si l’on me dessille,
d’accord, je dirai que je me suis trompé et que je n’avais rien vu jusqu’à
présent, mais si c’est... « ah, on ne sait pas, la démographie... les locaux... », si
tout reste confus, alors, non, moi, je ne peux pas. Donc, sous réserve de cette
éventuelle révélation fracassante qu’on voudra bien nous faire maintenant, je
voterai ce projet et vous encourage à en faire de même.
Mme Eliane Rey : — J’aimerais revenir sur plusieurs points dans le cadre de la
motion d’ordre déposée par M. Brélaz.
Quelques mots d’abord sur les perspectives démographiques. Selon les
prévisions, le besoin maximal de classes pour les gymnasiens et gymnasiennes,
le sommet de la courbe se situe en 2008/2009, années correspondant à un
nombre record de naissances en 1991. A partir de là, les perspectives montrent
pour le Canton de Vaud qu’une tendance à la baisse se dessine suivant en cela
une diminution du nombre de naissances annoncées dès 1992. On nous dit que
la population des jeunes de 17 ans devrait encore légèrement baisser à partir de
2015, ce qui montre qu’il faut être très attentif au fait de ne pas multiplier les
infrastructures lourdes et fixes pour répondre à des besoins de durée
temporaire. Il paraît évident que dans ce processus de baisse progressive des
besoins, des classes se libéreront au fur et à mesure et que l’on risque de se
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
6723
trouver en situation de surcapacité. Evidemment, les choses seraient plus
simples si l’on savait à quel niveau la courbe se stabilise. Mais une tendance à
la baisse semble bel et bien se dessiner à partir de 2008, 2009, et devoir se
poursuivre au-delà de 2015. Non seulement nous avons besoin de prévisions
scolaires et démographiques, qui d’ailleurs figurent dans cet exposé des motifs,
mais surtout il conviendrait de savoir quelle réponse sera apportée à cette
évolution des besoins dans le cadre des différentes régions, c’est-à-dire quelles
sont clairement les capacités actuelles, le cas échéant, les réserves de classes
disponibles ? Or, il règne un certain flou à ce sujet. Quels sont les projets
d’extension et les capacités futures escomptées, les bassins de recrutement pour
chaque établissement, les possibilités de déplacement des élèves et leurs
limites ? Cela nous permettrait de situer ce projet dans une perspective
d’ensemble, d’y voir plus clair dans le cadre d’une gestion coordonnée.
Par ailleurs, la variante Grand-Pré est évoquée dans le document qui nous a été
remis. L’Administration a fait un gros travail pour nous fournir des
informations supplémentaires. Toutefois, il me paraît que, pour des projets de
cette envergure, il conviendrait de nous indiquer clairement si des solutions
autres qu’une construction nouvelle existent, les inventorier toutes, en indiquer
les coûts, avantages et inconvénients et, ainsi, nous fournir des comparaisons.
Cela devrait être fait dès le crédit d’ouvrage afin de ne pas arriver au moment
du crédit de construction, comme c’est le cas aujourd’hui, avec encore trop
d’interrogations qui touchent des problèmes de fond. Car, de ces informations
peuvent dépendre l’acceptation ou le refus d’une construction nouvelle. A mon
sens, les informations sur les variantes possibles sont indispensables car elles
font partie intégrante du processus décisionnel quant à une nouvelle
construction. On se plaint souvent que l’Administration n’a pas d’idées
nouvelles ; c’est donc méritoire d’avoir proposé un projet novateur.
Malheureusement, les synergies sont floues et insuffisamment développées
dans l’exposé des motifs. Je le rappelle, le Grand Conseil s’est prononcé sur la
base d’un projet d’une nature sensiblement différente puisqu’il était question,
lors de la demande du crédit d’ouvrage, d’intégrer une section commerciale. En
outre, faut-il le rappeler, la formation professionnelle sera gérée selon un
système de contrat de prestations tandis que les gymnases le seront selon la
voie traditionnelle. Cela ne sera-t-il pas de nature à compliquer les choses ?
D’autre part, à quel statut seront affiliés les professeurs venant du gymnase et
enseignant à la formation professionnelle et vice et versa ? (Rumeur.) Nous
avons affaire à un projet complexe et vu les aspects qui lui sont reliés, il
convient de le renvoyer au Conseil d’Etat afin que tous les éléments importants
soient réunis et que le processus décisionnel puisse se fonder sur des
informations complètes et vitales. En conclusion, c’est à l’unanimité que le
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Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
groupe libéral vous invite à accepter la motion d’ordre ainsi que toute autre qui
serait déposée ultérieurement visant à renvoyer le projet au Conseil d’Etat pour
information complémentaire ou nouvelle proposition, conformément à l’article
114, alinéa 2, de notre loi sur le Grand Conseil.
M. Robert Jordan : — La semaine dernière, je me suis opposé à l’entrée en
matière pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que nous avons voté, en
1994, un crédit d’étude qui devait aboutir à un devis général avant une
demande de crédit d’ouvrage programmée pour août 1997 ; à l’époque déjà la
commission était mise sous pression : il fallait faire vite.
Aujourd’hui, on a près de dix-huit mois de retard et l’étude pour laquelle vous
avez voté un crédit de 6 550 000 francs n’est pas terminée ; il manque la mise
en soumissions et, pourtant, c’est de nouveau l’urgence. C’est là que la chatte a
mal au pied ! On travaille avec des devis estimatifs, on annonce des prix au
m3 CFC de la construction proprement dite de 487 francs 30 cts, alors que l’on
sait que bon nombre de communes construisent des collèges pour moins de
400 francs/m3. En 1994, le conseiller d’Etat Jacques Martin acceptait l’idée
d’une comparaison de coût entre un chantier mené traditionnellement et le
système dit de l’entreprise générale. Aujourd’hui, c’est soi-disant trop
compliqué. On vante pourtant les mérites de ce mode de faire dans le rapport
de commission du Centre sportif « Aux Iles » à Yverdon ; je cite : « La baisse
de prix résulte principalement du fait que les architectes ont simplifié la
conception du bâtiment sans pour autant en diminuer les surfaces. La mise en
soumission en entreprises générales a contribué également à offrir des prix bas.
Les chiffres du premier projet étaient, eux, basés sur des estimations. Il en
résulte pour le canton une économie d’environ 300 000 francs. » Soit dit en
passant, à Yverdon, le bâtiment est devisé à 357 francs/m3. Le besoin de voter
le crédit en toute connaissance de cause au niveau financier, c’est-à-dire
soumissions rentrées, le besoin une fois les chiffres en main d’en vérifier les
montants compte tenu des standards de construction actualisés à nos moyens
financiers, font que je vous propose d’accepter la motion d’ordre Brélaz et de
renvoyer cet exposé des motifs au Conseil d’Etat, charge à lui d’ordonner que
l’on termine l’étude dans le sens prévu dans l’exposé des motifs de 1994.
M. Francis Rossier : — Je note une certaine incohérence dans les propos de
M. Brélaz. D’une part, il nous dit qu’il ne remet pas en question le site de
Marcelin et, d’autre part, il demande de chiffrer hypothétiquement un projet à
Grand-Pré. Alors que veut M. Brélaz ? Il se fait simplement l’avocat de la Ville
de Lausanne et se veut simplement l’ardent défenseur de la concentration en
ville de Lausanne. Mesdames et messieurs, je vous invite à refuser cette motion
d’ordre.
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
6725
M. Daniel Brélaz : — Si vous analysez le document du Conseil d’Etat,
monsieur Rossier, vous vous apercevez qu’il situe les deux variantes, y
compris une location forte – décrite d’ailleurs comme mauvaise – dans le cas
de Grand-Pré, à un poil l’une de l’autre au point de vue financier. Et je dis
simplement, monsieur Rossier, que si vous changez un tout petit peu le
montant de la location, cela donne un autre résultat au point de vue financier.
Dans ce sens, je demande effectivement que l’on fasse une comparaison, mais
une comparaison qui inclue les aspects dynamiques puisqu’on nous dit, ici ou
là et dans toutes sortes de milieux, que la variante de Marcelin a un grand
nombre d’avantages, par sa plus grande fonctionnalité, sa plus grande
modernité, et autres. Cependant, ce qui ressort de la réponse du Conseil d’Etat
telle qu’elle est ne pose aucun problème pour une interprétation du type de
celle faite par Mme Rey, notamment, pour démontrer qu’on a écarté là une
variante peut-être bien plus viable.
Je demande donc une simple explication. Tout ce que le groupe des Verts a fait
dans sa réflexion, c’est de dire que ce projet est apte à affronter et à obtenir
peut-être une majorité au Grand Conseil, mais qu’il lui paraît beaucoup plus
douteux, dans le flot verbal d’un combat contradictoire, qu’il l’obtienne du
peuple compte tenu des éléments que j’ai décrits. Ce sera le cas pour tous les
projets à venir ; c’est seulement malheureux que cela tombe sur ce projet et
qu’en plus je sois Lausannois et que vous puissiez faire l’interprétation que
vous faites, monsieur Rossier. Mais, encore une fois, ce n’est pas du tout dans
cet esprit que le groupe des Verts a réfléchi. Maintenant, en ce qui concerne la
proposition de notre collègue Jordan qui voulait aussi faire une motion d’ordre,
je n’ai pas de problème à penser que, dans les trois à six mois, il faudrait, si ma
proposition est acceptée, refaire un rapport et que l’on ait la possibilité de faire
la mise en soumission. Le dossier, en effet, sera encore plus solide s’il arrive
soumissions rentrées. Cela dit, je comprends le point de vue du département
qui avait dix-huit mois de retard et qui s’est dit que, s’il attendait les
soumissions, il perdrait encore une année et qui, pour gagner du temps, ne l’a
pas fait. Personnellement, j’entre dans une autre logique à plus long terme et,
en ce sens-là, je dis clairement que si on a les six mois, on peut faire la mise en
soumission.
M. André Bugnon : — Il est certain que, dans une logique d’acceptation de ce
projet, devant le nombre de doutes exprimés à cette tribune et pour garantir le
maximum de chances à sa réalisation, il vaudrait mieux suivre la motion
d’ordre et avoir un compléments d’informations. Cela dit, je suis étonné de cet
éventail de doutes et cela me fait penser à l’adage qui dit que, lorsqu’on veut
tuer son chien, on trouve qu’il a la rage.
6726
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
S’agissant des prix, bien sûr que l’on doit faire le plus d’économies possibles et
on peut remettre en question systématiquement le coût de réalisation d’une
construction en comparant le prix au m3 ou au m2. Si on prend le tableau des
informations complémentaires qui nous a été remis, on voit que le gymnase du
Nord vaudois à coûté 1 450 000 francs la classe – je précise que lorsqu’on
parle de classe, c’est une division mathématique du coût total de la
construction, par le nombre de classes, les aménagements extérieurs, les salles
de gym, sont compris dans ce calcul. A l’Est vaudois, 1 280 000 francs, au
CESSOUEST à Nyon, 1 546 000 francs et le projet du CES Morges,
1 096 000 francs la classe. C’est donc le projet le meilleur marché plus de dix
ans après la première réalisation, avec une TVA de 7,5% qui n’existait pas
auparavant et une inflation qui s’est tout de même élevée à 10% entre 1989 et
1999. Et on dit encore que c’est trop cher. Alors, je mets en garde les
défenseurs de ce point de vue contre les constructions trop bon marché.
Rappelez-vous, vers les années 70, il y avait ces fameuses constructions sous
l’égide du CROCS, où l’on faisait des choses formidables, très bon marché ; eh
bien, pratiquement tous les collègues système CROCS ont été refaits et si l’on
fait le calcul du coût de l’investissement initial et de toutes les réfections
intervenues, ces classes sont maintenant les plus chères du canton par rapport à
une construction traditionnelle pensée pour durer une quarantaine ou une
cinquantaine d’années. C’est un élément de prudence par rapport au trop bon
marché que je peux évoquer.
Quant à la clause du besoin, c’est vrai qu’il faut faire attention aux fameuses
courbes ascendante et descendante de la population. Si on nous proposait de
construire 70 classes, selon une analyse qui établit un manco de 70 classes, je
serais aussi là pour demander de garder une marge de manœuvre. Mais, en
prévoyant 40 classes pour le gymnase alors que la région en a besoin de
21 actuellement, plus 9 selon la prévision démographique, donc 30 classes
correspondant aux besoins régionaux, on a encore 30 classes de réserve sur
l’ensemble du plan vaudois. Alors, dans la crainte d’une courbe descendante,
ne construisons peut-être pas les 30 autres classes qui nous mèneraient à 70 et
là, faisons peut-être de la location pour assurer un repli éventuel. Mais la
demande qui est faite ici répond à peine à plus de la moitié des besoins
inventoriés puisqu’on demande 40 classes sur 74. Toutes les études
complémentaires que l’on demandera et pour lesquelles on dépensera 1 million
supplémentaire pour obtenir des soumissions rentrées ne régleront pas le
problème. On arrivera peut-être à la conclusion qu’il y a une surévaluation de 4
ou 5 classes pour l’ensemble du canton, mais il restera quand même un besoin
de 65 classes ; construisons donc les 40 demandées à Morges. Je suis étonné de
tous les arguments avancés à cette tribune pour « retoquer » ce projet et je suis
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
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sûr qu’une bonne partie d’entre eux, malgré une étude complémentaire
approfondie du département, réapparaîtront lorsque le débat reviendra devant
cet hémicycle, s’il doit y revenir.
Mme Marlyse Dormond : — Je serai moins longue que prévu, M. Bugnon
ayant donné plusieurs des arguments que je voulais relever.
Concernant les coûts, j’ai l’impression de me retrouver dans le même débat que
nous avons eu concernant la Policlinique médicale universitaire où l’on mettait
en cause tous les calculs qui avaient déjà été faits et refaits. Par contre, n’ayant
pas pu être présente lors du premier débat, je tiens à donner mon point de vue.
En effet, j’ai été assez consternée par les déclarations que j’ai lues dans la
presse concernant la situation de cet établissement et venant de certaines
personnes lausannoises. Je me distance totalement de ce genre de prise de
position. J’estime et je trouve un peu curieux que les Lausannois ne trouvent
pas absolument insupportable que des jeunes des Ormonts se déplacent jusqu’à
Burier pour le gymnase ou jusqu’à Lausanne pour l’université, mais, par
contre, trouvent totalement insupportable que des Lausannois aillent à Morges,
à douze minutes de train ! Cela ne tient pas la route, c’est d’un égoïsme
épouvantable, c’est du « lausanno-centrisme » auquel je ne peux pas adhérer.
Je trouve très positif que l’on fasse des centres d’enseignements que l’on
décentralise certaines choses ; c’est la meilleure manière d’avoir une cohésion
cantonale, cohésion à laquelle nous tenons beaucoup et que nous avons
évoquée à plusieurs reprises dans d’autres débats. Pour le reste, je crois aussi
que lorsqu’on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Je suis persuadée que
ce projet est bon, je refuserai la motion et voterai le projet et je vous demande
d’en faire de même.
M. Philippe Leuba : — Ma préopinante, Mme Dormond, a cité l’exemple de la
Policlinique pour dire combien il fallait accepter le projet qui nous est soumis.
Je me permets de vous rappeler que lors du débat sur la Policlinique, nous
avons eu une motion d’ordre renvoyant le projet au Conseil d’Etat et que, ô
miracle, ce dernier est revenu avec un projet sensiblement meilleur marché
ayant compris que le Grand Conseil n’accepterait probablement pas sa
première proposition. C’est très exactement ce que nous demandons
aujourd’hui, à savoir de s’inspirer de l’exemple de la Policlinique et de
renvoyer le projet de Marcelin au Conseil d’Etat. Je fais miennes une partie des
questions posées par le groupe des Verts, au travers de la bouche de M. le
député Brélaz ; j’en ajouterai une ou deux.
De l’extrême gauche à la droite de cet hémicycle, chacun s’accorde pour dire
qu’il y a un domaine qui doit permettre de dégager un certain nombre
d’économies : c’est celui des standards dans les constructions publiques de
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Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
l’Etat de Vaud. Quand on vient nous dire qu’il faut se méfier de ne pas
construire trop cher, certes, monsieur Bugnon, vous avez raison, ne
construisons pas trop cher – le bon marché l’est toujours trop ; il n’en demeure
pas moins que lorsqu’on voit les constructions actuelles de l’Etat, on a de la
peine à prendre en compte la réalité de ce danger-là. Et je crois que,
aujourd’hui, d’après les standards en vigueur dans les constructions publiques,
on est loin de la construction trop bon marché. Je constate encore que nulle part
dans l’exposé des motifs il n’est fait allusion à la révision de ces fameux
standards alors que l’on a dit, répété, dans cet hémicycle, en débat public,
chaque fois qu’il y a un débat sur les finances publiques, que les standards des
constructions publiques doivent impérativement être révisés et que l’on
construit trop cher. Et ce ne sont pas seulement des propos de Café du
commerce. Je constate en effet que, dans le projet qui nous est soumis, pour
77 classes, c’est un devis d’un peu plus de 73 millions qui nous est proposé, ce
qui fait à peu près 1 million la classe. Vous ne convaincrez personne que le
coût de construction d’un établissement de ce type-là doit correspondre à
1 million par classe, même s’il y a des locaux attenants. Je constate également
que, pour la partie du gymnase, il y a 40 classes et 33 classes annexes pour des
besoins d’enseignement spécialisé ; il me semble aussi que l’on s’inscrit là
dans le cadre de standards beaucoup trop élevés compte tenu de la situation
financière de la collectivité publique que nous sommes en principe censés
gérer.
Mme Linette Vullioud, rapporteur : — J’aimerais tout d’abord rappeler que
cet exposé des motifs a obtenu l’accord unanime du Conseil d’Etat, que c’est
un projet qui peut et doit aller de l’avant. Vous avez parlé d’urgence ; je vous
rappellerai qu’en 1990 déjà, la Municipalité de Lausanne demandait au canton
de réaliser une école professionnelle le plus rapidement possible.
Concernant la motion d’ordre, je vous invite à la refuser et à ne pas renvoyer ce
projet au Conseil d’Etat car nous ne ferons que reporter les problèmes,
augmenter les dépenses et les frais d’étude, notamment enclassement,
déplacement des élèves, loyers et équipements complémentaires, salles de
gymnastique, mise en conformité pour la sécurité dans les locaux provisoires.
Je vous rappelle que la commission a accepté ce projet par 14 oui contre 3 non.
Pour mémoire, des centres de compétences sont déjà réalisés à Montreux,
Vevey et Yverdon. Où se trouve l’équilibre des régions dans ce canton ?
Lausanne est-elle partenaire avec les régions qui entrent en matière pour le
financement de certains projets ? Pour gérer avenir et promotion économique,
je vous prie d’élever le débat et de refuser la motion d’ordre.
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
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M. Robert Jaggi : — Il y a une discussion relativement large dans cet
hémicycle et il me paraît, comme l’a dit M. Leuba, de l’extrême gauche à
l’extrême droite, qui concerne les coûts des constructions scolaires. Il est
évident que ces coûts sont liés aux standards, ce qui signifie que si l’on
travaille de cette manière, on devrait se poser la question différemment, à
savoir que ce sont les standards que nous devons attaquer et, là-dessus, je suis
entièrement d’accord. Nous avons donc certainement une part de responsabilité
aussi ; peut-être devons-nous venir avec une motion de telle manière que ces
standards soient révisés puisqu’ils sont de toute évidence trop beaux et trop
brillants. Néanmoins, c’est un autre débat que celui que nous avons maintenant.
Le projet qui nous est proposé, tant école professionnelle que gymnase, par sa
mixité, par la cohabitation des élèves, par la souplesse, est un bon projet, bien
étudié et, de toute évidence, nous n’aurons pas beaucoup de précisions
supplémentaires sur la démographie scolaire d’ici six mois ou une année. Ce
qui signifie que cet autre débat des standards ne devrait pas nous pousser à
renvoyer ce projet au Conseil d’Etat puisque, en fait, cela engendrera des
retards, des coûts supplémentaires, et que nous n’aurons de toute manière pas
résolu le coût direct de la construction en question. Je vous propose donc de ne
pas accepter la motion d’ordre.
Mme Francine Jeanprêtre, conseillère d’Etat : — Je vous invite à refuser la
motion d’ordre afin de pouvoir poursuivre maintenant l’étude de ce projet pour
lequel j’avais senti un accord assez général.
Repousser ce projet – et je l’ai déjà dit en premier débat – impliquerait un
report d’une année environ, c’est-à-dire que nous ne pourrons pas ouvrir aux
dates prévues à la fois l’école professionnelle et le gymnase, cela avec un coût
supplémentaire de location de 2 millions. Il me semble qu’à ce stade-là, vous
manifestez, peut-être par le fait que vous êtes un peu tétanisés à l’idée de ce
vote populaire, des exigences que je qualifierais de disproportionnées par
rapport à la connaissance du dossier et à la connaissance parfaite, je pense, que
nous avons pu vous fournir pour la séance de commission, hier. Je crois en
effet que nous avons pu, dans un minimum de temps, vous donner un
maximum d’informations utiles et je ne vois pas, en l’état actuel, ce que nous
pourrions vous apporter de plus par rapport à ce que vous souhaitez. Je tiens à
dire qu’il faut toujours comparer ce qui est comparable. Quand vous comparez
la réalisation d’une école, imaginez le comparatif avec la construction que nous
allons entreprendre. Vous portez aussi un jugement hâtif que je qualifierais de
méfiance par rapport au travail fourni et je tiens à souligner que ce sont deux
conseillers d’Etat, M. Schwaab et M. Martin, il y a cinq ans, qui sont venus
devant cet hémicycle pour demander un crédit d’étude de 6,5 millions, que la
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Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
discussion s’est déjà engagée alors mais que jamais la localisation à Morges
n’a été remise en question, que l’acceptation du projet a été bonne et que cette
approche nouvelle, pédagogique, et surtout économique – parce qu’il y a une
dimension économique dans ce projet – était très présente et qu’elle l’est
encore plus maintenant. Un concours a été lancé, 162 projets sont rentrés, un
projet a été retenu qui est un gage de qualité ; nous avons un bureau
d’ingénieur, le bureau Steiner, qui a serré au maximum à ce stade le projet et
son coût et je pense aussi qu’il y a une certaine méfiance vis-à-vis des
corporation artisanales qui vont s’exprimer à travers ce projet. Il ne faut pas
perdre de vue non plus que, dans des constructions qui ne sont pas forcément
comparables avec celle-ci, il y a des constructions bon marché, qui devaient
être bon marché parce qu’elles n’étaient pas forcément appelées à durer et
d’autres qui ont été tellement serrées du point de vue des exigences financières
imposées, que des entreprises n’ont pas pu s’y retrouver, que l’une ou l’autre
ont été mises en grandes difficultés, voire même ont fait faillite.
La démographie, on en a parlé. Mais la statistique a ses limites. On vous a
montré, graphiques à l’appui, ce que l’on pouvait cerner comme réalité
actuellement ; il y a toujours une marge d’incertitude dans ce domaine que l’on
doit prendre en compte, ce que nous avons fait, en disant très clairement que
c’était plus ou moins à 2 classes près que les calculs ont été établis. J’insiste sur
cet aspect : l’approche financière et économique a été très bien étudiée et
n’oubliez pas que si vous vouliez une autre approche sur un double site,
l’approche financière serait beaucoup plus lourde – nous avons calculé que
réaliser cette double construction sur deux sites différents entraînerait une plusvalue de près de 20 millions. Il faut être bien conscient que, à la fois le projet
pédagogique, à la fois l’aspect financier, à la fois l’aspect des décentralisations
des gymnases et des écoles professionnelles, à la fois les transports – on ne
vous a pas fourni l’horaire des trains mais on vous a donné les temps des trajets
–, tout a été bien étudié et on est allé très loin dans le sens de vos exigences.
J’aimerais encore insister sur le fait qu’il ne s’agit pas non plus d’une guerre
entre Lausannois et la campagne, (murmures) ... Morges bien sûr n’étant pas la
campagne, mais l’esprit lausannois étant très présent dans la discussion, si vous
me permettez... J’aimerais encore souligner que ce projet bien étudié ne vous
apportera pas de renseignements supplémentaires si ce n’est une attente de plus
qui coûtera quelque chose. Je pourrais imaginer entrer en matière sur une
réduction, une restructuration du projet au cas où une telle proposition serait
faite, étant entendu qu’une fois les soumissions rentrées, nous pourrions
effectivement réévaluer certains points. Mais je crois que nous avons tous le
souci, ici et dans l’immédiat et par rapport à un calendrier qui vous a été
clairement présenté, des jeunes gymnasiens, des jeunes apprentis que nous
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
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devons absolument enclasser de façon présentable à des dates qui vous ont été
présentées. Je vous prie donc de ne pas entrer en matière sur la motion d’ordre.
La motion d’ordre Daniel Brélaz est refusée par 88 voix contre 49 et
8 abstentions.
M. Robert Jordan : — Je reviens sans avoir vraiment changé d’idée pour vous
proposer un amendement qui aurait pour effet d’abaisser le crédit accordé au
Conseil d’Etat de 8 millions de francs, soit 100 000 francs par classe.
Les comparaisons au m3 des CFC de construction CESSNOV, CESSEV, ne
semblent pas vous avoir troublés. Elles sont pourtant de taille. En effet, en
construisant sur la base de ces coûts, on abaisserait le prix final de Marcelin
respectivement de 12 500 000 francs ou de 18 millions de francs. J’ai là un
comparatif CFC2 qui, malheureusement, n’a pas été distribué à tous les
députés ; moi, je l’ai, ce comparatif, il est là : on a construit au CESSNOV pour
404 francs le m3, au CESSEV pour 335 francs le m3, et on construit ici pour
487 francs le m3. (Rumeurs.) Si l’on prend la moyenne de 100 francs de
différence, cela nous donne environ 15 millions. Mais permettez une
comparaison plus détaillée, avec le complexe scolaire Ste-Clair à Vevey. Un
coût CFC2 de 383 francs le m3 contre 487 francs à Marcelin, cela donnerait
aussi une différence de 15,5 millions. Je vous fais grâce des prix de classes au
m2 où l’on arrive à des différences énormes mais plus difficiles à comparer.
Vous avez parlé, madame la conseillère d’Etat, d’un collège de province ; soit,
mais les chiffres sont parlants et ne sont pas le fruit de l’imagination du
provincial Jordan mais bien un constat réel. Le complexe scolaire de St-Clair à
Vevey n’est certainement pas un cas isolé. Les communes font un effort, l’Etat
ne devrait-il pas prendre exemple, peut-être revoir ses standards ? Je vous
propose donc l’amendement suivant :
« Article premier. — Un crédit d’ouvrage de 65 540 000 francs est accordé ...
suite inchangée. »
Cette diminution de 8 millions est tout à fait supportable et n’aura aucune
incidence sur le programme de construction pour autant que le Service des
bâtiments fasse un petit effort et y mette de la bonne volonté.
M. René Challande : — J’aimerais revenir sur les derniers propos de M me la
conseillère d’Etat qui se dit prête à admettre une recalculation, un
redimensionnement du projet.
Dès lors, avant d’accepter un amendement linéaire un peu abrupt et qui
consiste à tailler à la hache, ce qui est toujours délicat dans un projet car si, sur
le plan comptable, c’est facile, pratiquement c’est beaucoup plus difficile.
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Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
Aussi, avant de pouvoir m’exprimer sur cet amendement, j’aimerais que M me la
conseillère d’Etat précise ses propos, lorsqu’elle dit qu’elle pourrait
reconsidérer le projet.
M. Michel Berney : — L’investissement prévu pour le projet Marcelin fait
partie du plan d’investissement cantonal. A ce titre, il fait partie également de
l’investissement global limité à ce jour à 200 millions. Dire oui à un tel projet,
qu’il soit d’ailleurs devisé à 73 millions ou à moins, ce n’est pas augmenter la
charge financière globale du canton mais opérer un choix. C’est opérer un
choix de priorité entre ce projet et d’autres et choisir parmi les investissements
celui ou ceux qui sont les plus urgents et les mieux adaptés à la situation
financière critique dans laquelle nous nous trouvons. Choisir un tel
investissement, pour ce qui me concerne, c’est donner une certaine priorité à la
formation quelles que soient les questions encore ouvertes. Dès lors, pour ce
qui me concerne, je choisis cette priorité.
Néanmoins, choisir cette priorité n’est pas le faire à n’importe quel prix. La
sagesse aurait voulu – et cela aurait été mon désir – que le département aille
jusqu’à l’étape des soumissions rentrées. Ce n’est aujourd’hui pas le cas.
Toutefois, après avoir écouté tous les débats, les avis de gauche et de droite de
cet hémicycle, j’ai opté pour la confiance au département qui a étudié ce
dossier et qui, entre autres, déclare dans l’exposé des motifs qu’après
soumissions rentrées le projet devrait probablement se révéler inférieur aux
73 millions annoncés. Fort de cette conclusion et de cette constatation, je
m’oppose à l’amendement proposé et vous invite à en faire de même en optant
pour la confiance.
M. Francis Thévoz : — J’étais volontaire au silence absolu et à plus de
concision cet après-midi, mais il est tout de même intéressant de voir le temps
que nous avons passé aux problèmes fondamentaux de l’enseignement –
qu’enseigner ? comment prévenir ? – et que maintenant, à un autre chapitre du
même domaine, quelle maison, quelle caserne ou quel palace ou encore quelle
chaumière faut-il donner à nos élèves, en amalgamant tout.
J’aimerais dire deux choses. Je hais profondément le langage monocentriste
lausannois ; je le hais profondément. Et puisque vous avez parlé de la
Policlinique médicale, c’était pour moi le plus bel exemple, au cœur de
Lausanne, au cœur de la cité hospitalière du Canton de Vaud, d’un immense
rassemblement pour tirer des malades ambulatoires si possible de Nyon, de
Payerne et d’Yverdon. Voilà un très bel exemple de monocentrisme
lausannois : la Policlinique médicale qui était chère, qui est encore très chère
et, quand ce grand trou aura été là une année, devant des gens qui ne seront
plus assez nombreux pour travailler – il n’y a plus assez d’infirmières, il n’y a
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
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plus assez d’aides infirmières –, et qu’elles seront là, devant ce trou, plus une
seule ne comprendra où sont les priorités du Grand Conseil. Raison pour
laquelle, malgré que j’aie l’air lausannois et monocentriste lausannois, ce que
je ne suis pas, je regrette d’être obligé de dire que c’est désolant de construire
des bâtiments lorsqu’on n’exploite pas à fond ce qui existe et je rejoins
M. Brélaz sur ce point.
Quant à l’amendement Jordan, je vous prie de le soutenir parce que même
amendé et surtout sans amalgame avec les adjudications des travaux – on nous
brasse dans la tête que si les crédits sont limités, des entreprises vont faire
faillite... mais, ça va ! Tous ceux qui adjugent des travaux savent très bien que
ce sont des lots et que l’on propose des lots précis à des entreprises précises
qui, lorsqu’elles sont bien gérées font leur travail, sont en concurrence sur un
lot, savent comment elles font leurs offres ; et il y a quand même une autre
qualité, madame, j’ai un très grand respect pour les artisans, les maçons, ceux
qui font les trous et ceux qui construisent y compris ceux qui vendent les
meubles dans votre école, mais, bon sang, cela n’a rien à voir ! Quand on limite
un crédit au Conseil d’Etat pour une construction, on doit avoir le maximum
d’informations – et je ne les ai pas – pour dire qu’il est suffisant mais pas
excessif ; cela c’est de la politique correcte. Une fois ces crédits votés, les
entreprises de la construction – celui qui va faire les fouilles, celui qui va
construire les murs – connaissent très bien les problèmes et si personne n’arrive
à ces prix, eh bien, il est évident qu’on prend le meilleur marché ou celui qui
est le meilleur et le meilleur marché et que, ensuite, si l’on n’a pas assez
d’argent, madame, et que le bâtiment est adjugé et fait comme il doit l’être, on
vote des crédits complémentaires. Ce ne serait pas la première fois que cela
nous arriverait et il est normal que cela aille comme ça. (Rumeur.) C’est tout
différent que voter un crédit vague, imprécis, mal délimité.
M. Alain Parisod : — Ne faisons effectivement pas prendre plus de retard à ce
projet que l’on peut juger tout à fait nécessaire et important.
Malheureusement, puisque la volonté populaire veut que, dépassant un certain
montant on doive affronter le référendum financier, mon souci, lorsqu’il faudra
présenter un projet de 73 millions, est que le peuple dise non – et je peux vous
le garantir. A l’heure actuelle où l’on parle tellement d’économies, ce sera
refusé. Et je dis que nous devons démontrer que nous avons étudié ce projet qui
est intéressant et dans lequel on doit absolument faire les économies
nécessaires. M. Jordan nous a donné un certain nombre de chiffres que je n’ai
pas vérifiés mais je suis persuadé qu’ils sont relativement justes et valables et
que nous devons absolument démontrer notre volonté d’économie. C’est
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Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
pourquoi je vous invite à voter l’amendement Jordan et à diminuer ce projet de
quelques millions puisqu’on arriverait à 65 540 000 francs.
M. Martial Gottraux : — C’est assez curieux : M. Thévoz est dans
l’incertitude concernant la justification du crédit qui lui est demandé, par contre
il est, semble-t-il, dans une certitude totale concernant l’amendement et la
somme qui sera investie après celui-ci. Allez comprendre... Et surtout, allez
comprendre alors que nous avons précisément l’assurance de la part du Conseil
d’Etat que la somme qui nous est demandée pourra être revue à la baisse à la
suite de la rentrée des soumissions ; cela a été dit précédemment, ce qu’on nous
demande ici est un ordre de grandeur et un ordre de grandeur que le Conseil
d’Etat lui-même s’est engagé à réviser à la baisse de la façon la plus serrée
possible lors de la rentrée des soumissions. Donc, à ce stade-là, ne faisons pas
de procès d’intention même si, lorsqu’on nous demande un crédit aussi élevé,
tout le monde est dans la même position que M. Thévoz, personne ne peut,
nous non plus, le garantir à 1 ou 2 millions près. Ce serait absurde de vouloir le
prétendre.
Mme Francine Jeanprêtre, conseillère d’Etat : — Je vous rappelle que la
proposition de diminuer le crédit en question de 10% environ a déjà été faite
lors du premier débat et que vous avez voté négativement et assez clairement
par 85 voix contre 40 à peu près – je n’ai plus les chiffres exacts en tête.
J’ai cependant dit tout à l’heure que j’entrerai en matière ayant entendu qu’une
proposition de diminuer le crédit pouvait arriver. Je tiens tout de même à attirer
votre attention sur le fait que l’étude ayant été bien menée – et je l’ai dit de
façon constante –, j’ai parfaite confiance dans les chiffres qui vous sont
présentés. Cela dit, les soumissions n’étant pas rentrées, il existe encore peutêtre un espoir que l’on arrive à un prix plus bas ; vous en serez informés. Mais
j’aimerais vous dire très clairement que si – et vous en aurez la responsabilité –
vous votez l’amendement qui vous est proposé, il faudra vraisemblablement
vous attendre à une modification du projet dans sa première étape parce qu’on
ne pourra pas trouver les 8 millions, comme ça, si nous sommes dans la
fourchette une fois les soumissions rentrées. J’aimerais vous dire aussi qu’à ce
stade, cela impliquera quelques choix, plus ou moins douloureux, peut-être des
suppressions comme les abris de protection civile (exclamations de toutes
parts) ou des renvois comme une cafétéria (brouhaha) ... ou des surfaces
sportives – je vois que cela fait toujours sont effet, lorsqu’on parle de la
protection civile ! Nous n’avons pas de marge de manœuvre spectaculaire pour
réduire le projet au cas où nous serions dans la fourchette avec les soumissions
rentrées, il faut en être bien conscient et c’est là que je voulais attirer votre
attention. Il faudra donc modifier le projet lors de la première étape et je ne
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
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peux pas vous cacher que l’on devra vraisemblablement différer, en tout cas
reporter dans la deuxième étape, des réalisations comme les salles de
gymnastique éventuellement, des surfaces sportives, la cafétéria et,
éventuellement, réduire certains équipements. Soyons donc clairs, je veux qu’il
y ait transparence à ce stade : si vous souhaitez la voie de la diminution du
crédit, réalisez aussi que nous devrons reporter à une autre étape quelques
réalisations.
M. Philippe Martinet : — Je n’aime pas du tout cette confusion entre cette
approche de « bon élève » que le Grand Conseil essaie de jouer autour de l’idée
de la compression des coûts et un travail sur le redimensionnement du projet. Il
me semble en effet qu’il y a là une véritable confusion. On a déjà le renvoi
d’une salle polyvalente de sport qui permet de douter que l’on respecte
l’ordonnance fédérale sur le sport pour les apprentis et on nous parle
maintenant d’un autre renvoi, hypothétique mais tout de même, d’une autre
salle de sport lié au redimensionnement du projet. Je trouve tout cela assez
inquiétant et, encore une fois, confus.
Je préférerais donc que l’on prenne acte de l’intervention de M. Bugnon tout à
l’heure insistant sur le fait que l’on ne doit pas pousser les entreprises à un
dumping tel que c’est ensuite le respect des conventions collectives de travail
et tout simplement les règles permettant aux ouvriers d’être payés correctement
qui seraient en jeu. Personnellement j’ai été convaincu que nous pouvions
« aller un bout » avec ce projet en espérant qu’un certain nombre de
compléments d’information nous seraient fournis d’ici la votation et je me suis
abstenu sur la motion d’ordre que j’avais souhaitée il y a une semaine, mais de
là à vouloir un amendement qui nous conduit on ne sait où ni quant au
programme ni quant à la réalisation du projet, il y a un pas. Je vous invite donc
à refuser l’amendement Jordan.
L’amendement Robert Jordan est refusé par 83 voix contre 43 et18 abstentions.
M. Eric Golaz : — Nous nous acheminons, tranquillement mais sûrement, vers
le vote final et on peut espérer qu’une certaine majorité se dégage dans ce
Grand Conseil. Sera-t-elle qualifiée, c’est évidemment là toute la question et
vous aurez compris qu’une certaine frange de mon groupe estime que le crédit
demandé est excessif compte tenu des coûts qui ont été calculés.
A partir de là, j’entends déjà Mme la conseillère d’Etat nous dire que, très
probablement, une partie de ce crédit pourrait être « rabotée » mais que le
montant qui a été articulé tout à l’heure est vraiment trop important. Alors,
pour arriver à rassembler le plus grand nombre de votes favorables au projet –
et uniquement en visant ce but-là parce qu’il faut bien dire que ce n’est rien de
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Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
voter ce projet ici, il faudra le défendre et lorsqu’on expliquera, si cela passe,
qu’il y a 92 députés en sa faveur, ce sera évidemment beaucoup plus difficile
de l’expliquer que s’ils sont 120 ou 130 – à partir de là, je dépose un
amendement demandant une réduction de 5%, un montant de 4 millions étant
ainsi retiré du montant global demandé. (Brouhaha.)
« Article premier. — Un crédit d’ouvrage de 69 540 000 francs est accordé ...
suite inchangée. »
M. Pierre Salvi : — Le juste prix, quel est le juste prix ! Quand on arrivera au
nombre de millions exactement correct où l’on a le plus de chances d’avoir des
députés plutôt pour que plutôt contre de manière que le peuple, éventuellement,
soit d’accord, alors on sera bon... Mais c’est une belle déculottée, passez-moi
l’expression ! Notre parlement est là pour se prononcer sur la pertinence de la
proposition qui lui est faite, à savoir faut-il oui ou non un gymnase, le faut-il
dans ces formes ? Les détails d’exécution, passez-moi encore une fois
l’expression : on s’en fiche. Que ce projet coûte 77 millions ou 74, à la fin, on
le verra lorsque les soumissions seront rentrées, lorsque les travaux auront été
menés à chef et en espérant que, le cas échéant, les surprises qui peuvent
toujours intervenir ne seront pas trop funestes. En ce qui me concerne,
j’accepte les 77 millions, je prends acte de l’engagement du gouvernement de
dire que, considérant que les soumissions doivent rentrer et que la concurrence
économique, la concurrence tout court que vont se livrer les entreprises va faire
que, probablement, le montant baissera, c’est bien, mais pour le surplus,
préjuger du résultat, ne me paraît pas souhaitable. Dernier point : en tant que
membre d’un exécutif – je pense qu’il y en a dans la salle –, on n’ose pas
espérer que le conseil communal dise, par exemple, « on va vous le voter à ce
prix-là, s’il vous faut un peu plus, vous reviendrez, il n’y aura pas de
problème ». Il me semble que ce n’est pas très responsable. Je dis donc non à
cet amendement.
M. Philippe Leuba : — Je souscris à ce que vient de dire M. le député Salvi à
la fin de son intervention. Il ne me paraît pas raisonnable de modifier un projet,
que ce soit par un amendement de 10 millions ou de 4,5 millions ; j’attends
l’amendement suivant de 2,3 millions avant le dernier de 110 000 francs sur la
dernière couche de peinture au dernier étage de ce fameux gymnase de
Marcelin.
Toute cela, toute la discussion depuis que nous avons entamé ce débat cet
après-midi démontre que le projet ne résiste pas à une analyse sérieuse. Je
regrette personnellement qu’il n’ait pas été renvoyé au Conseil d’Etat ; c’était
en effet la seule manière de le sauver ainsi que la construction d’un gymnase à
Morges. Aujourd’hui, le débat de ce parlement illustre parfaitement que
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
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personne, ou à peu près, ne croit au bien-fondé de l’ensemble du projet et, dès
lors, nous allons au-devant d’un refus populaire parce que vous n’aurez pas
voulu répondre aux questions de M. Brélaz, parce que vous n’aurez pas voulu
répondre aux questions des autres intervenants qui étaient en faveur de la
fameuse motion d’ordre. Je le regrette mais je prends acte.
M. Nicolas Imhof : — Non, monsieur Salvi, je ne suis pas d’accord avec vous.
Nous ne sommes pas seulement là pour dire si nous voulons un gymnase sous
cette forme-là, parce que, là, je répondrais oui ; c’est aussi de notre
responsabilité de voir si nous le voulons à ce prix-là. Et, personnellement, en
fonction des renseignements apportés par le député Jordan, je réponds non. Je
ne suis pas convaincu du prix, je ne pourrai donc pas voter le crédit.
Mais alors, que va-t-il se passer ? Entre ceux qui ont voté la motion d’ordre,
entre ceux – pas forcément les mêmes – qui ont voté l’amendement Jordan
ensuite, nous avons deux petites minorités qui vont peut-être se retrouver ; on
arrive alors éventuellement avec une faible majorité, éventuellement qualifiée,
à soutenir ce gymnase, mais, quoi qu’il en soit, au terme de ce débat, on peut
déjà trouver le titre pour nos collègues de la presse – comme j’en ai fait partie
il y a quelques années, je le donne maintenant, cela les obligera à en trouver un
autre : ce ne sera qu’une victoire à la Pyrrhus.
M. Jacques Chollet : — Je regrette personnellement la tournure que prennent
les événements dans cet hémicycle. Je considère que ce dossier est bon,
dynamique. J’étais membre de la commission et je peux dire qu’il a été
répondu à toutes les questions et que le dossier, encore une fois, me paraît bon,
même très bon. L’attitude de certains ici et leur marchandage me surprend. On
l’a dit, soit le dossier est mauvais soit il est acceptables, mais marchander à
8 millions, 5%... moi, je n’oserai plus venir à la tribune avec des arguments
pareils ! Je suis venu pour les prisons en proposant un peu le même type
d’argumentation à la baisse, heureusement, un mois après, cela a été accepté.
Les coûts de construction vont être compensés par des suppressions de
prestations. Si nous ne construisons pas Marcelin, ce n’est pas loin de
5 millions qu’il faudra débourser en 2006, 2008, en locations pour des locaux
inadéquats et sans infrastructures d’accompagnement. Toutes les comparaisons
montrent que les solutions en location ne sont pas moins coûteuses en frais de
fonctionnement. Je regrette tout ce temps perdu en marchandages à la tribune
et en propositions légères. Cette construction est justifiée, elle répond à un
besoin incontestable, qui a été chiffré, et je suis convaincu que la rentrée des
soumissions nous apportera des résultats bien meilleurs que les marchandages
que nous venons d’entendre, tout en maintenant le potentiel du projet. Je vous
invite à refuser l’amendement.
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Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
M. Daniel Brélaz : — En préambule sur le vote final, puisqu’on en parle
abondamment, les Verts tiennent à faire par ma bouche une déclaration très
claire : une grande majorité d’entre nous pense que nous sommes un peu les
passagers embarqués sur ce que nous considérons, à tort ou à raison, comme un
potentiel Titanic. Nous avons l’impression que ce que nous proposions – mais
qui maintenant a été refusé – nous donnait une possibilité de rendre le navire
plus apte à traverser d’éventuelles tempêtes référendaires. Il se trouve que nous
préférons, à la fin de l’exercice, nous retrouver dans le rôle du pénitent qui se
serait heureusement trompé et qui arriverait à bon port ; mais nous craignons
bien sûr que l’autre hypothèse ne soit vraie. La majorité très nette – plus de
deux tiers – du groupe des Verts votera donc pour le projet au vote final et je
ferai partie de cette majorité – cela dit pour que ce soit très clair pour tous ceux
qui ont quelque procès d’intention éventuel ou potentiel à mon égard.
Je tiens aussi à dire très clairement que nous sommes maintenant dans une
mauvaise dynamique et que, après le souk, quel que soit le montant finalement
voté par le Grand Conseil, qu’il y ait amendement ou pas, on sera dans une
situation où, si le projet ne passe pas, ceux qui sont contre diront « ils n’ont
même pas voulu faire d’économies » et s’il passe, on dira « ce projet était
tellement mal étudié qu’on pouvait enlever 5 millions sans problème... vous
savez ce qu’il vous reste à faire ! ». Et voilà, on en est là. On va essayer de
sauver les meubles, mais je vous dis très clairement que ces meubles ont déjà
en grande partie pris l’eau !
M. Marcel Glur : — Notre collègue Jordan est venu tout à l’heure avec un
amendement en comparant les prix des classes – je veux bien, on peut
comparer ce qui est comparable – et notre collègue Imhof est venu rallonger en
faisant cette même comparaison. J’aimerais simplement rappeler qu’un exposé
des motifs est toujours pendant, avec 6 millions à la clé pour la toiture du
CESSEV, pour du bon marché, peut-être, mais il faudrait peut-être aussi
comparer ce qui est comparable jusqu’au terminal parce que neuf, c’est
toujours meilleur marché ou bien plus cher, mais à long terme on voit que le
bon marché est toujours trop cher. Par conséquent, je vous demande de refuser
ce qui est proposé.
M. Michel Golay : — Nous avons ici un projet qui est bon. Il est en revanche
farci d’imprécisions et de questions restées ouvertes.
J’aimerais, madame la conseillère d’Etat, vous suggérer de retirer cet objet et
de revenir devant le Grand Conseil à la prochaine session. Car, si l’on veut
sauver un tel projet, c’est en répondant aux questions restées ouvertes, en
obtenant ici une majorité importante et non pas une majorité qualifiée passée à
ras-les-pâquerettes. Parce que si jamais le Grand Conseil, aujourd’hui, vote, il
Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
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y aura très, très peu de différence entre les 91 qui représentent la majorité
qualifiée et le nombre de oui que vous compterez dans la salle. Et le peuple,
lorsqu’il se prononcera, se souviendra de la divergence qui existe au sein du
parlement. J’aimerais donc à nouveau vous suggérer, madame la conseillère
d’Etat, cette éventualité qui ne fait que reporter quelque peu une décision en
utilisant une partie du crédit d’étude qui reste disponible puisque, sur ce créditlà, 1 million est encore à votre disposition pour affiner les problèmes et
clarifier les questions.
M. Michel Renaud : — Je vous propose de refuser l’amendement Golaz. J’ai
l’impression que l’on s’égare de plus en plus au fur et à mesure que la
température monte dans cette salle.
Finalement, quels sont les principaux problèmes que l’on peut essayer de tirer
de cette longue discussion ? D’une part, un petit manco dans un projet par
ailleurs fort bien étudié ; c’est dû au souci du Conseil d’Etat d’essayer de faire
avancer le projet rapidement et, par conséquent, de l’avoir présenté au Grand
Conseil avant de l’avoir mis en soumissions, c’est vrai. On en a débattu au
premier débat, on en débat à nouveau longuement, c’est un des éléments.
Ensuite, peut-on dire a priori que, pour arriver devant notre Grand Conseil, ce
projet a été mal étudié ? Je ne le crois pas. Est-ce que l’un ou l’autre des
amendements qui ont été déposés sont raisonnables ? Est-ce que nous avons les
éléments objectifs qui nous permettrait de dire que l’on pourra diminuer quand
même de 6%, 7% environ le coût final – parce que c’est à peu près les
propositions qui nous sont faites, dans le dernier amendement en discussion ?
Cinq millions sur 70, c’est un peu plus. Moi, je ne le crois pas, je crois surtout
que nous ne pouvons pas, nous, ici et à présent, nous déterminer sur le crédit
total qui nous est demandé. Mais cela nous empêche-t-il de prendre la décision
aujourd’hui ? Finalement, cela doit-il être mis en balance avec la conviction
d’une majorité des députés, conviction qui se dégage tout de même semble-t-il
à la suite des deux débats que nous avons eus, de la nécessité de réaliser ce
projet ? On en arrive là au deuxième élément qui fait que ce projet déclenche
un pareil débat, après son importance bien sûr, à savoir que c’est le premier
objet à devoir passer devant le peuple après le vote de ce Grand Conseil, lequel
n’a pas vraiment envie, une fois de plus, que le peuple, peut-être, ne soit pas
d’accord avec lui. On essaie donc de lui donner des garanties mais, en fait, cela
entraîne un certain nombre d’éléments pervers et, pour les quelques-uns qui
souhaiteraient voir le projet capoter, on dit donner plus de sécurité. Moi, je
crois que nous avons tous les éléments et que les amendements déposés ne
changeront pas grand-chose. Je fais confiance au Conseil d’Etat quant à sa
possibilité d’obtenir un coût un peu moins élevé, si on arrive à le faire pendant
les travaux.
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Séance du mardi après-midi 9 mars 1999
Cela dit, c’est un ouvrage de grande importance qui ne va pas être réalisé en six
mois et rien ne nous permet de dire aujourd’hui que l’on continuera à avoir des
coûts très bas et que l’on pourra à coup sûr arriver tellement au-dessous du
crédit demandé. Je crois que la température est trop montée, que nous devons
assumer nos responsabilités, savoir si l’on veut donner cet outil indispensable à
la formation dans ce canton et que l’on vote maintenant ce projet. C’est ce que
je ferai et je vous incite vivement à en faire de même.
M. Philippe Martinet : — L’amendement est une manière de faire pression,
d’avoir des coûts maîtrisés, d’avoir véritablement un projet économique. A
cette approche un peu de l’ordre de la gesticulation, je préférerais demander
que le Conseil d’Etat prenne quelques engagements quant à sa façon de gérer la
suite du projet et notamment les trois points suivants.
Premièrement, qu’il considère qu’il n’a pas épuisé les réponses aux questions,
que ce soient celles des Verts, celles de M. Leuba ou d’autres, et que l’on ait
donc encore un complément d’information qui nous permettrait, le cas échéant,
de faire campagne pour ce projet. Deuxièmement, qu’il fasse l’effort – et il
semble que ce soit possible dans les trois mois – de faire rentrer les
soumissions et qu’il quittance, devant le Grand Conseil et si possible même
devant le peuple, qu’il a une parfaite maîtrise financière du projet. Enfin,
troisièmement, que la Commission de gestion a posteriori veille et contrôle
peut-être plus spécialement ce projet pour indiquer qu’il a été parfaitement
maîtrisé d’un bout à l’autre. Je préfére ces pistes-là à un marchandage et un
« rabiotage » du projet. C’est pourquoi je refuserai l’amendement Golaz.
Mme Francine Jeanprêtre, conseillère d’Etat : — Au terme de ce débat, on
ne peut pas entrer en matière sur une sorte de marchandage qui serait
uniquement fait pour trouver, ce que je souhaite sincèrement, la plus vaste
acceptation possible. Mais je crois vous avoir dit, et d’autres ici, que ce projet a
été bien étudié et que j’en assume la responsabilité de même que le Conseil
d’Etat. Je crois que nous avons tout en main pour pouvoir partir en campagne,
même si c’est un premier objet, une première, car c’est un bon projet, un projet
pour les jeunes et nous avons toute la dynamique nécessaire pour affronter ce
premier référendum. Il n’est en tout cas pas question pour nous d’être tétanisés
par cette échéance.
Il faut savoir qu’au mois de mai, nous n’aurons pas les soumissions rentrées ; il
faut savoir aussi que nous avons l’espoir de découvrir de bonnes surprises une
fois les soumissions rentrées et il faut savoir encore que vous serez informés
sur ce fait et aussi sur les questions en suspens. En ce qui concerne la politique
de l’apprentissage, monsieur Martinet, la réponse que mon département a
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donnée, les propositions qu’il a faites, sont en ce moment au Département des
finances et devront être soumises au Conseil d’Etat.
J’aimerais encore vous dire que pour affronter ce fameux 13 juin, il eût été bon,
c’est vrai, que nous ayons ici, dans cet hémicycle, la plus large acceptation,
comme je l’ai déjà dit. J’aimerais donc que l’on ne fasse pas état de
mouvements d’humeur, d’orgueil ou que sais-je. Il s’agit de conviction. Nous
aurons besoin, nous, Conseil d’Etat, de députés convaincus pour affronter la
campagne, aussi bien que pour aller dans la campagne, au sens géographique
du terme, défendre le projet. Ce ne sera peut-être pas facile, mais je dirai que
c’est un beau challenge et nous allons le relever ensemble.
L’amendement Eric Golaz est refusé à une majorité évidente.
L’article premier est adopté tel qu’admis en premier débat avec quelques avis
contraires et abstentions.
L’article 2 est adopté tel qu’admis en premier débat.
L’article 3 est adopté.
Le projet de décret est adopté en deuxième débat
La discussion générale n’est pas utilisée
Le projet de décret est adopté définitivement par 104 voix contre 27 et 16
abstentions.
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La séance est levée à 16 h 55.
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