Dans ces labos germent les vaccins de demain

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Dans ces labos germent les vaccins de demain
14 entreprises & innovation
LA TRIBUNE VENDREDI 26 octobre 2012
Le laboratoire P4 Jean Mérieux-Inserm travaille au développement
de trois produits contre l’hépatite C, dans le cadre du programme
Alpha Vac qui fédère plusieurs entités. [DR]
600
millions d’euros
C’est le total des investissements que le pôle de
compétitivité Lyonbiopôle a permis de lever,
depuis 2005, au bénéfice de ses entreprises adhérentes, engagées dans la R&D des pathologies
infectieuses et du diagnostic, et dont il a labellisé
les projets.
Un « pôle très performant »
Les 119 projets labellisés depuis la naissance de Lyonbiopôle
en 2005 ont donné lieu à la création de 11 start-up et de
70 emplois, au dépôt de 78 brevets et à 285 communications
scientifiques, selon le bilan d’étape que vient d’établir
Philippe Archinard, président de Lyonbiopôle, qui a été
classé « pôle très performant ».
transformer des anticorps
en médicaments Labellisé en 2010
par Lyonbiopôle, le programme OptimAbs
de lutte contre le cancer fédère
un consortium de quatre entreprises
et organismes de recherche des régions
Rhône-Alpes et Alsace. Son objectif :
transformer des anticorps en
médicaments.
Dans ces labos germent
les vaccins de demain
recherche Référence mondiale dans les domaines des pathologies infectieuses
et du diagnostic, le pôle de compétitivité lyonnais Lyonbiopôle soutient une multitude
d’entreprises à l’origine des innovations médicales et scientifiques de demain,
avec des biotechs comme Fab’entech, Transgene ou Promise Advanced Proteomics.
Camille Nagyos, à Lyon,
Acteurs de l’économie
C
’
est ici, dans la
capitale des
Gaules, que se
joue en partie
l’avenir des vaccins et des thérapies en France.
Depuis sa naissance en 2005,
Lyonbiopôle a en effet labellisé
de nombreux projets répondant
aux principaux enjeux de santé
publique. Son rôle : favoriser les
collaborations R&D entre les
centres de recherche publics et
les industriels. Le pôle de compétitivité lyonnais, qui accompagne
les entreprises dans toutes les
phases de leurs projets (depuis
leur conception jusqu’à leur valo-
risation) a déjà permis à ces dernières de lever quelque 600 millions d’euros. À son actif ?
Quelques-unes des avancées
technologiques et médicales
majeures en France dans les
domaines des pathologies infectieuses et du diagnostic : un vaccin contre le virus responsable du
sida chez le chat, des vaccins
­thérapeutiques pour soigner
l’hépatite C, une thérapie à base
de sucres naturels pour lutter
contre les maladies virales ou un
nouveau système d’injection de
vaccin par voie intradermique.
Parmi les 119 programmes
financés depuis 2005 figure
Emer-it, un projet collaboratif
ambitieux porté par Fab’entech.
La société est jeune (2009), mais
son fondateur, Bertrand Lépine,
est l’ancien directeur du développement international de Sanofi
Pasteur – leader mondial des vaccins et filiale du groupe SanofiAventis. Son cheval de bataille ?
Développer et produire rapidement une nouvelle gamme d’anticorps permettant de lutter contre
les maladies infectieuses émergentes et hautement dangereuses. Autrement dit, les maladies sans réelle solution
thérapeutique ni vaccin disponible à ce jour, comme les virus
de la fièvre Ebola et de la Fièvre
de Lassa qui sévissent en Afrique.
Ou bien encore le virus Nipah
que l’on trouve principalement
en Asie du Sud. « Le projet Emerit vise un double objectif sur le
plan thérapeutique, explique Bertrand Lépine. D’une part, traiter
les patients et le personnel exposé
20 millions d’euros sur cinq ans,
dont un tiers au titre des projets
ISI (Innovation stratégique
industrielle) portés
par Lyonbiopôle. À la
clé, la mise en place en
Rhône-Alpes d’une
usine pilote pour la
production de lots
­cliniques et commerciaux, dès 2015.
Depuis sa création,
Fab’entech travaille
également sur le virus H5N1, responsable de la grippe aviaire.
L’entreprise vient d’ailleurs d’annoncer le lancement des premiers essais chez l’homme. « Cet
essai va se dérouler à Singapour
où le risque de propagation du
virus est l’un des plus élevé au
Lyonbiopôle est à
l’origine de certaines
avancées médicales
et technologiques
majeures en France.
en leur procurant des solutions
nouvelles et efficaces. D’autre
part, permettre le renforcement du
bouclier sanitaire afin de protéger
les pays menacés par l’extension
de ces maladies infectieuses émergentes. » Pour mener à bien ses
recherches, la société a pu lever
entreprises & innovation
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VENDREDI 26 octobre 2012 LA TRIBUNE
Repères
110 ( C’est le nombre d’adhérents
de Lyonbiopôle en 2011, dont
80 PME, 18 centres de compétences,
8 ETI et 4 groupes industriels
fondateurs (BD, bioMérieux, Merial
et Sanofi Pasteur).
119 ( C’est le nombre de projets
de R&D collaboratifs labellisés
depuis la création du pôle en 2005.
588 millions d’euros ( C’est
le montant des investissements
réalisés par le pôle depuis 2005.
40 % proviennent d’aides publiques
(État, collectivités territoriales,
Europe, Oséo).
Philippe Archinard, président
de Lyonbiopôle, s’inquiète
de la pérennité du financement
de l’État (lire encadré
ci-dessous). [Jean Fotso - Lyonbiopôle]
C’est dans ce bâtiment, avenue Jean-Jaurès à Lyon VIIe, que se joue
en partie l’avenir des vaccins et des thérapies en France. [www.b-rob.com]
monde », commente Bertrand
Lépine. Seize adultes volontaires
vont être suivis durant
cinq semaines. Avec une commercialisation du produit prévue
dès l’an prochain, si les résultats
sont concluants.
Traiter un cancer très
répandu chez l’homme
Face aux 170 millions d’individus infectés par le virus de l’hépatite C, une société biopharmaceutique d’origine strasbourgeoise
s’est mis en tête de développer un
vaccin thérapeutique permettant
de guérir tous les patients chroniques atteints par ce virus.
Tr a n sg e n e , q u i e m p l o i e
250 personnes dont une quinzaine dans son centre de
recherche à Lyon, a ainsi initié le
projet Alpha Vac, labellisé par
Lyonbiopôle au titre du Fonds
unique interministériel (FUI, le
carburant des pôles de compétiAu total, depuis la création de
tivité en provenance des caisses Lyonbiopôle, 34 projets de ce type
de l’État). Ce projet partenarial ont été labellisés au titre du FUI,
réunit la société pharmaceutique soit une moyenne de quatre à cinq
Flamel Technologies,
programmes par an.
l’Inserm, les Hospices
Parmi eux, Imaging DiaCivils de Lyon et le CHU
gnotic and Treatment of
de Grenoble. « Pour le
Prostate (Iditop) s’intéprojets de R&D
moment, nous avons réa- ont été
resse au développement
lisé deux essais cliniques labellisés par
d’un tout nouveau dispoavec des résultats très Lyonbiopôle
sitif médical dédié au
traitement localisé de
prometteurs », se réjouit au titre du
Christine Guillen, la Fonds unique
l’un des cancers les plus
interministériel.
responsable des pro- Mais la
répandus chez l’homme :
g r a m m e s ext e r n e s. pérennité des
le cancer de la prostate.
Engagé sur cinq ans, le aides de l’État
Iditop intégrera un sysprogramme évalué à est incertaine.
tème particulièrement
7 millions d’euros a
innovant d’imagerie et
contribué au développement de de traitement par ultrasons. « Ce
trois produits contre l’hépatite C dispositif permettra une approche
ayant un fort potentiel de mise efficace, non invasive et surtout
sur le marché. Deux d’entre eux moins coûteuse du traitement du
sont d’ailleurs en développement cancer localisé de la prostate »,
c l i n i q u e a v e c p l u s d e assure Emmanuel Blanc, le direc200 patients traités.
teur du développement de la
34
FOCUS
« Si l’État réduit ses aides, nous réduirons
le nombre de projets soutenus »
Comme les 70 autres pôles de compétitivité
en France, Lyonbiopôle s’inquiète. Son
­président, Philippe Archinard, redoute une
baisse des financements de l’État, alors que
tous les pôles français viennent de faire l’objet d’une évaluation dans le cadre de la
­deuxième phase de la politique des pôles de
compétitivité. Sans contrat d’objectif pour le
moment, Philippe Archinard prévient :
« Malgré son excellent classement
[Lyonbiopôle a été classé “pôle très performant”, ndlr], Lyonbiopôle, comme tous les
autres pôles, n’a pas la capacité de lever de
l’argent. Si l’État est amené à réduire ses aides,
nous serons contraints de baisser le nombre de
projets soutenus. Il n’existe malheureusement
pas d’alternative », regrette-t-il.
Audités durant plusieurs mois, les pôles de
compétitivité ont désormais l’obligation d’ob-
tenir davantage de résultats économiques
concrets. Au-delà de la R&D que l’État
finance via le Fonds unique interministériel
(FUI), ces derniers devront accompagner les
PME jusqu’à la mise sur le marché de leur
technologie.
« Il est tout à fait légitime que les pôles aient
pour mission de créer de l’emploi, de favoriser
l’investissement et l’attractivité d’un territoire.
Cependant, comment mesure-t-on précisément
les retombées économiques lorsque le cycle de
développement d’un produit s’étale souvent sur
dix à quinze ans ? », s’interroge Philippe
Archinard. Il vient de dresser le bilan du pôle
qu’il préside : les 119 projets labellisés depuis
la naissance de Lyonbiopôle ont donné lieu à
la création de 11 start-up et de 70 emplois, au
dépôt de 78 brevets et à 285 communications
scientifiques. q
société EDAP TMS France, qui
développe le projet avec deux partenaires, l’entreprise aixoise
Supersonic Imagine et les Hospices civils de Lyon.
En se positionnant comme une
nouvelle option thérapeutique
pour le cancer de la prostate en
stade précoce, ce projet à 4,8 millions d’euros doit permettre de
répondre à un enjeu majeur de
santé publique : faut-il traiter les
cancers de la prostate à faible
risque ou est-il préférable de surveiller leur évolution ? Dans ce
cadre, Iditop entend proposer un
traitement innovant où seules les
zones cancéreuses seront visées.
« Ce qui permettra de réduire drastiquement les effets indésirables »,
précise Emmanuel Blanc.
l’un des enjeux : Garder
la production en France
Le projet OptimAbs s’intéresse
également au traitement du cancer. Labellisé en 2010 par Lyonbiopôle, ce programme fédère un
consortium de quatre entreprises
et organismes de recherche des
régions Rhône-Alpes et Alsace :
le centre d’immunologie Pierre
Fabre, l’entreprise grenobloise
Promise Advanced Proteomics,
le BioPark d’Archamps (HauteSavoie) et le laboratoire strasbourgeois de spectrométrie de
masse bio-organique (LSMBO).
Son objectif : transformer des
anticorps en médicaments. Particulièrement adaptés au traitement des cancers, les anticorps
monoclonaux ont en effet la
­particularité de reconnaître leurs
cibles puis de la neutraliser très
précisément.
Plus qu’un simple projet de
recherche, l’un des enjeux de ce
programme consistera à garder
la production du médicament en
France alors que le développement clinique de ces molécules
biologiques devient de plus en
plus concurrentiel. Mais encore
faut-il réussir à passer du stade
de la recherche à celui du développement clinique. Pour Alain
Beck, directeur du département
physico-chimie des anticorps au
centre d’immunologie Pierre
Fabre, ce défi est en partie relevé.
« Depuis le lancement du projet
fin 2010, un anticorps de deuxième génération avec une structure optimisée a été breveté. Cet
anticorps est plus homogène et
possède des caractéristiques
­physico-chimiques compatibles
avec un procédé de production de
q u a l i té p h a r m a ce u t i q u e   » ,
affirme-t-il. Une fin heureuse qui
est pourtant loin d’être la norme.
Sur les 20 innovations de
­p roduits issues des 27 projets
labellisés et arrivés à terme l’an
dernier, seuls 20 % ont donné
lieu à une mise sur le marché.
Pour faire face à ces nouveaux
enjeux, Lyonbiopôle travaille
depuis plusieurs années sur le
projet de construction d’un
centre d’innovation au service du
développement des sociétés de
biotechnologie. Baptisé Accinov,
cette plate-forme de 6 500 m 2
unique en Europe proposera des
unités de bioproduction, des
salles blanches et des bureaux.
L’objectif : permettre aux entreprises un amorçage rapide de
leur activité en passant de la
recherche au développement clinique dans un temps très court.
Le nouvel équipement, dont
l’ouverture est prévue dans un an,
triplera ainsi la surface dédiée à
l’accueil des projets de recherche
préclinique et clinique en biotech
et biopharma des membres de
Lyonbiopôle. Dans la foulée,
Accinov déposera un dossier
auprès de l’Agence nationale de
sécurité du médicament et des
produits de santé (ANSM) afin
d’obtenir le statut d’établissement pharmaceutique pour la
fabrication de médicaments
expérimentaux. q