SAVANNAH BAY

Transcription

SAVANNAH BAY
SAVANNAH
BAY
DE MARGUERITE DURAS MISE EN SCÈNE D’ÉRIC VIGNER
AVEC FRANÇOISE FAUCHER ET MARIE-FRANCE LAMBERT
DU 4 AU 29 SEPTEMBRE 2007
Théâtre ESPACE GO
BIENVENUE
AU THÉÂTRE ESPACE GO,
NOTRE MAISON À TOUS
ET CHACUN
ESPACE GO tente de rendre compte
des métamorphoses de sa société
et des recherches de son temps.
Le public identifie notre théâtre à un lieu de découvertes et d’étonnements.
ESPACE GO est un lieu de paroles. L'auteur y est considéré comme le premier artisan du renouveau de notre Art.
L'endroit provoque la recherche de formes nouvelles inspirées par les textes, imaginées par des metteurs en scène
chevronnés et des créateurs en vue. Notre salle de spectacle se transforme. La rencontre comédien/spectateur
s'invente d'individu à individu, même à plusieurs, et doit pouvoir continuer de se risquer de création en création.
Vivant d'une vie imaginaire le temps de la représentation, de retour dans la « vraie vie », nos regards gardent cette
ouverture d'esprit acquise dans la rencontre. La scène s'étend au monde.
Le projet d'ESPACE GO, c'est tout cela ensemble : le désir de nous élancer vers des positions imprévisibles,
bousculer nos certitudes, prendre de la hauteur pour être plus proche de soi, plus humain, plus attentif à l'Autre.
TU NE SAIS PLUS QUI TU ES,
QUI TU AS ÉTÉ,
TU SAIS QUE TU AS JOUÉ,
TU NE SAIS PLUS CE QUE TU AS JOUÉ,
CE QUE TU JOUES,
TU JOUES,
TU SAIS QUE TU DOIS JOUER,
TU NE SAIS PLUS QUOI,
TU JOUES.
NI QUELS SONT TES RÔLES,
NI QUELS SONT TES ENFANTS VIVANTS OU MORTS.
NI QUELS SONT LES LIEUX,
LES SCÈNES,
LES CAPITALES,
LES CONTINENTS OÙ TU AS CRIÉ LA PASSION DES
SAVANNAH BAY
AMANTS.
SAUF QUE LA SALLE A PAYÉ ET QU’ON LUI DOIT LE
SPECTACLE. de MARGUERITE DURAS
TU ES LA COMÉDIENNE DE THÉÂTRE, Mise en scène d’ÉRIC VIGNER
Savannah Bay, petite ville du Siam, fut le théâtre d'une passion amoureuse entre une jeune
fille de seize ans et un jeune homme inconnu. Ils se sont rencontrés au milieu de la mer,
sur la pierre blanche léchée par les vagues d'où s'élançait la fille.
La fable est simple. Il s’agit de la mort de la jeune fille, de l’enfant qu’elle venait de
mettre au monde et qu’elle a abandonné, son désir de la mort étant le plus fort.
LA SPLENDEUR DE L’ÂGE DU MONDE,
SON ACCOMPLISSEMENT, Avec
L’IMMENSITÉ DE SA DERNIÈRE DÉLIVRANCE. FRANÇOISE FAUCHER
TU AS TOUT OUBLIÉ SAUF SAVANNAH, MARIE-FRANCE LAMBERT
SAVANNAH BAY.
ÉQUIPE DE LA CRÉATION
SAVANNAH BAY C’EST TOI.
Décor : Éric Vigner – CDDB – Théâtre de Lorient,
Centre Dramatique National
Costumes : Ginette Noiseux
Lumières : Marc Parent
Bande sonore : Xavier Jacquot
Photographies : Alain Fonteray
Maquillages : Jacques-Lee Pelletier
Trente ans plus tard, une femme, qui pourrait être l’enfant de la jeune fille noyée dans la
mer chaude de Savannah Bay tente de remettre sur le métier de la mémoire celle qui fut
autrefois une comédienne sublime.
Assistance à la mise en scène et régie :
Emanuelle Kirouac
Les images du passé resurgissent alors. Des signaux, des bribes, accrochés à une chanson de
Piaf qui crie la passion des amants, suggèrent avec pudeur l’histoire du suicide de son
enfant. Mensonge et vérité se mêlent dans les paroles de la vieille comédienne qui se
souvient que le théâtre est un « mentir-vrai ».
3
« Ainsi avait-il compris que la lecture c'était une espèce de déroulement continu
dans son propre corps d'une histoire par soi, inventée. »
Marguerite Duras
LA PLUIE D’ÉTÉ
ÉRIC VIGNER
ÉRIC VIGNER naît pendant la guerre d'Algérie, en Bretagne, en
1960, au moment où Marguerite Duras publie à Paris, chez
Gallimard, HIROSHIMA MON AMOUR.
Plasticien de formation et scénographe, Éric Vigner étudie l'art
dramatique successivement au Conservatoire de Rennes puis à
l'École de la Rue Blanche et au Conservatoire National Supérieur
d'Art Dramatique de Paris.
Comme acteur, il joue sous la direction de Jean-Pierre Miquel,
Christian Colin, Brigitte Jaques avec laquelle il partagera
l'aventure d'ELVIRE JOUVET 40. Au cinéma, il tourne avec Philippe
de Broca, Benoît Jacquot, Maria de Medeiros.
Il fonde en 1990 sa propre compagnie – SUZANNE M, du nom de
sa grand-mère maternelle – où il concrétise son désir de pratiquer
un théâtre d'Art et de recherche.
Vigner revendique le fait théâtral contre le discours théâtral.
« Le moteur de mon travail n'a jamais été idéologique, ni
analytique : il est poétique. Il fait appel à l'inexplicable et se nourrit du sentiment, de sensations secrètes, profondément enfouies.
Dans mon travail, j'essaie de faire en sorte que le spectateur vive
une expérience sensible, sensorielle, sensuelle qui le place dans le
corps même de l'écriture et pas seulement en face des idées
qu'elle véhicule, pour encore mieux y accéder. »
En 1991, il signe sa première réalisation : LA MAISON D'OS de
Roland Dubillard (création dans une usine désaffectée d'Issy les
Moulineaux puis, dans le cadre du Festival d'Automne à Paris, dans
les fondations de l'Arche de la Défense). Dès lors, il s'inscrit
dans la lignée des metteurs en scène les plus novateurs de
sa génération.
Dans ses spectacles, l'écriture est une matière vivante, dansante,
imprévisible dans le corps des acteurs qui en sont le vecteur.
« C'est la métaphore du fil de cuivre. » dit-il.
Chez lui, les mots ne chassent pas les images et les images ne
chassent pas les mots. Ses scénographies, d'une puissance
évocatrice indéniable, portent à son maximum d'intensité l'univers
des poètes qu'il porte à la scène.
© F. Poletti
« Ce qu'il nous faut, c'est transmettre. Mais quoi? Moins une
histoire, le récit d'une expérience que, peut-être, la force et le geste
par lesquels cette histoire est inventée. »
4
Dans le cadre de l'Académie Expérimentale des Théâtres, il
travaille avec Anatoli Vassiliev à Moscou. À l'invitation de Peter
Brook, il participe à un atelier de recherche sur la mise en scène
en 1993.
« SAVANNAH BAY est probablement la pièce de Marguerite Duras
qui rend le plus explicitement hommage au théâtre : elle y met en
scène une femme, une actrice, qui serait comme dépositaire de la
mémoire du monde, de son accomplissement. »
Cette même année, Éric Vigner crée LA PLUIE D'ÉTÉ, découvert
dans la bibliothèque de sa soeur Bénédicte ouvert sur la page où
l'enfant Ernesto avoue à sa mère : « Je ne retournerai pas à l'école
parce que, à l'école, on m'apprend des choses que je ne sais pas. »
Et c'est la rencontre avec Duras. L'œuvre et l'écrivain. Elle est
devant lui, dame âgée et telle qu'en elle-même, en jupe écossaise
et pull rouge. « Lui, je le reconnais. » dit-elle.
Ce dernier spectacle constitue un diptyque avec LA BÊTE DANS LA
JUNGLE, adaptation française de Marguerite Duras d'après Henry
James – créée en 2001 et présentée en 2002 à l'ESPACE GO à
Montréal et au Kennedy Center à Washington en 2004.
Pour l'ouverture du Grand Théâtre de Lorient le 6 octobre 2003,
Éric Vigner met en scène la pièce de Roland Dubillard ...OÙ
BOIVENT LES VACHES, puis au Théâtre du Rond-Point à Paris.
Plus tard, appuyant sur le bouton de l'ascenseur à l'heure
d'aller déjeuner, Éric lui demande avec innocence : « Sous-sol? »
« Tu aurais peur... » répond Duras.
Invité par le Théâtre national de Corée à Séoul en 2004, Éric Vigner
réalise une adaptation de la comédie-ballet de Molière et Lully LE
JEU DU KWI-JOK OU LE BOURGEOIS GENTILHOMME. Ce spectacle
ouvre la saison 2004-2005 du CDDB et obtient le prix culturel
France/Corée 2004. Le spectacle est repris à Séoul et à Paris, en
septembre 2006, avant de partir en tournée en France.
Amitiés, reconnaissances et renaissances. En signe de gratitude,
Duras demande au jeune metteur en scène débutant « ce qu'il
veut ». La réponse est prête : « HIROSHIMA MON AMOUR. »
Mais le scénario d'HIROSHIMA MON AMOUR ne se donne pas
d'avoir été simplement donné. Il ne se laisse même pas approcher.
Pas encore.
Metteur en scène d'opéra, Éric Vigner a réalisé avec le chef
d'orchestre Christophe Rousset LA DIDONE de Cavalli (2000),
L'EMPIO PUNITO de Melani (2003) et ANTIGONA de Traetta
(2004).
Suivront pour Éric Vigner de nombreuses réalisations d'auteurs
contemporains – Harms, Sarraute, Audureau, Motton notamment
au Théâtre National de l'Odéon. Sa rencontre avec l'écrivain Rémi
de Vos est déterminante : il met en scène en 2006 JUSQU’À CE
QUE LA MORT NOUS SÉPARE au CDDB – Théâtre de Lorient,
Centre Dramatique National, puis au Théâtre du Rond-Point à
Paris, ainsi que DEBRAYAGE en 2007 qui fera l'ouverture de la
nouvelle saison du CDDB.
Il est lauréat de la Villa Médicis hors les murs, chevalier dans
l’ordre des Arts et des Lettres, et enseigne régulièrement en France
et à l'étranger.
À l’été 2006, Éric Vigner crée PLUIE D'ÉTÉ À HIROSHIMA à
Avignon, au Cloître des Carmes, d'après deux textes de Duras –
LA PLUIE D'ÉTÉ et HIROSHIMA MON AMOUR – dans un dispositif
scénographique qui intègre les spectateurs et qui occupe pour
la première fois la totalité de l'espace du cloître.
En 1996, l'année de la mort de Marguerite Duras, Éric Vigner prend
la direction du Centre Dramatique National de Bretagne qu'il
inaugure avec L'ILLUSION COMIQUE de Pierre Corneille (nommé
comme meilleur spectacle dramatique). Il crée BRANCUSI CONTRE
ÉTATS-UNIS pour le cinquantième anniversaire du Festival
d'Avignon puis pour le Centre Georges Pompidou. En 1998, il
présente MARION DE LORME de Victor Hugo au Théâtre de la
Ville à Paris.
Il vient de réaliser, en 2007, une adaptation du BARBIER DE
SÉVILLE de Beaumarchais à Tirana pour la troupe du Théâtre
National Albanais.
Avec les Comédiens-Français, Éric Vigner met en scène BAJAZET de
Racine en 1995, L'ÉCOLE DES FEMMES de Molière en 1999. En
2002 – promesse tenue – il fait entrer Duras au répertoire de la
Comédie-Française, avec SAVANNAH BAY.
5
MON MERLE BLANC À MOI
FRANÇOISE FAUCHER est née en France en 1929.
On identifie Françoise Faucher à une grande Dame et, de surcroît,
« très comme il faut ». Ce qu’elle est. Mais ma Françoise à moi,
c’est aussi cette femme qui, pour expliquer son rapport au
Monde, dit « Je me suis toujours sentie différente », « Je suis
toujours déplacée », «Je suis un merle blanc ».
Au sens figuré, « merle blanc » désigne quelque chose d’impossible...
Cela m’émeut beaucoup chez elle et me la rend infiniment
attachante.
Si Françoise s’exprime avec une musicalité impeccable, elle a
grandi avec ses grands-parents qui parlaient avec un fort accent
étranger. Du côté maternel, coule dans ses veines le sang slave
des Tchèques.
L’enfance est heureuse à Eaubonne, au cœur de la banlieue
parisienne. La guerre n’est plus une rumeur, en 1939, sa famille
la met à l’abri en Bretagne. La Bretagne, c’est aussi le pays
d’Éric Vigner.
Quand, en répétition, la comédienne s’engage à son corps
défendant dans l’utopie de son metteur en scène, qu’elle cherche,
fatigue, ne trouve pas, qu’elle « n’aime pas » cette répétition
mais qu’il faut bien se quitter amoureux, alors elle lui parle de
leur Bretagne.
Françoise est arrivée à Montréal en 1951 en compagnie de son
mari, Jean Faucher, et amorce dès la même année une carrière où
elle tiendra, en 56 ans, au-delà de 200 rôles, tant à la radio, à la
télévision qu'au théâtre. Son parcours est bardé de récompenses
et de distinctions.
Dans les autres domaines d'activités professionnelles, Françoise
Faucher est lectrice, recherchiste, journaliste – voire auteure – et
animatrice.
La première fois que nous nous sommes rencontrées, elle n’en a
aucun souvenir. Et c’est tant mieux. C’était en 1970-71. Françoise
coanimait avec Aline Desjardins l’émission d’affaires publiques
FEMMES D’AUJOURD’HUI. La Société québécoise était en pleine
transformation. Ma sœur aînée avait été invitée à l’émission à
titre, je crois, de représentante typique de sa génération. Et je ne
me souviens plus très bien pourquoi j’y étais aussi.
© Dominique Malaterre
6
C’est pendant cette émission que j’apprendrai que ma sœur
consomme des drogues, qu’elle a eu des relations sexuelles
« complètes » avant le mariage et qu’elle accompagne en
autobus des jeunes femmes qui se font avorter à New York!
Mais plus encore. Pendant 10 ans, Françoise Faucher a été
membre du conseil d’administration de ce théâtre, veillant sur la
préservation de sa mission artistique. Elle a été du passage du
TEF à ESPACE GO, de la petite manufacture de la rue Clark à la
réalisation du rêve que nous avions de dessiner et de construire
notre propre théâtre, inauguré le 10 janvier 1995. Cela ne s’était
pas vu, soit dit-en passant, depuis la construction de la Place
des Arts en 1960.
Lorsque Aline Desjardins me demande ce que je pense de la
pilule anticonceptionnelle, je crois qu’elle me demande mon avis
sur les débats en cours sur la Constitution du Canada. Et quand
Françoise me demande comment je vois la répartition des tâches
ménagères entre les hommes et les femmes à la maison, j’affirme
avec conviction que jamais je ne n’admettrai voir mon époux
faire la vaisselle. Ce qui me vaut, en direct, une main d’applaudissements spontanés des caméramans sur le plateau. J’ai 13 ans.
Dans ce lieu et sous la direction d’Alice toujours, elle est la vieille
putain, la « mère » dans QUAI OUEST de Bernard-Marie Koltès.
Elle est celle qui plonge dans les eaux immondes de la condition
humaine d’où, par son talent, elle a su en ramener à la surface
des tessons d’humanité intacte. Elle y était magnifique.
J’étais loin d’imaginer que 15 ans plus tard, jeune directrice du
Théâtre Expérimental des Femmes, après avoir vu Françoise
Faucher dans le rôle de Omou dans LES PARAVENTS de Jean
Genet, mis en scène par André Brassard au Théâtre du Nouveau
Monde, j’allais lui proposer de jouer Prospéro, un rôle d’homme
et une des figures emblématiques du Père dans l’œuvre de
Shakespeare, sous la direction de la metteure en scène
débutante, Alice Ronfard. Elle a dit oui. Et puis elle a dit non. Et
puis elle a dit oui. La réussite artistique et le succès public seront
au rendez-vous au-delà de toutes nos aspirations.
Ici, c’est la maison de Françoise Faucher qu’elle a, par son
engagement d’artiste, contribué à bâtir et à en faire un lieu
« incarné ». Et quand je lui ai proposé le rôle de La Comédienne
dans SAVANNAH BAY de Duras, sous la direction d’Éric Vigner,
elle a dit oui. Et puis elle a dit non. Puis, elle a dit oui.
Ces Oui et ce Non, ne sont pas des lubies d’actrice qui se laisse
désirer. Ils sont le Oui et le Non descendus dans le corps d’une
comédienne qui a 56 ans de métier dans les jambes. Qui sait que
ce Oui, va engager sa personne physique toute entière jusqu’au
vertige, à la transcendance, à l’épuisement, soir après soir. Qui
célèbrera ses 78 ans le soir de la première de SAVANNAH BAY.
Qui sait que la salle a payé et qu’elle lui devra le spectacle
jusqu’à la lie.
L’année suivante, rebelote pour l’aventure impossible. Françoise
me propose que nous montions L’ANNONCE FAITE À MARIE de
Paul Claudel. J’ai dit non. J’ai dit non deux fois je crois. Et puis
j’ai dit oui. Nous jouerons la pièce au Grand Séminaire de
Montréal, toujours dans une mise en scène d’Alice. Ce spectacle
marque d’une pierre blanche l’histoire de notre compagnie et,
pour plusieurs, celle du théâtre au Québec.
Tu es la comédienne de théâtre,
la splendeur de l’âge du monde,
son accomplissement,
l’immensité de sa dernière délivrance.
Et quand Françoise signe au Théâtre de Quat’Sous sa première
mise en scène, ELVIRE JOUVET 40 de Brigitte Jaques, elle me
demande de signer la conception des costumes. Elle signera
aussi, dans l’ancien ESPACE GO, la mise en scène d’ÉMILIE NE
SERA PLUS JAMAIS CUEILLIE PAR L’ANÉMONE de Michel
Garneau. Il y a donc entre nous une relation de directrice
artistique à une actrice, et aussi une relation de conceptrice à sa
metteure en scène.
Écoutez bien comment elle dit : Oui. Comment elle dit : Non!
C’est le chant du merle blanc.
7
MARIE-FRANCE LAMBERT
Cette œuvre ne cessera de me hanter. J’en parle au metteur en scène
Claude Poissant à qui je propose la création en 1998. Peu de
comédiennes peuvent jouer ça. Roxane, c’est Christiane Pasquier. Et
c’est d’ailleurs pour elle que la passion l’emporte sur mon hésitation
à présenter à GO une œuvre du répertoire classique. Mais qui
peut jouer, ici, en 1998, Atalide? Atalide qui se tue sur scène, en
alexandrins.
La réponse de Claude Poissant est sans hésitation : la jeune
Marie-France Lambert.
La muse des deux directeurs artistiques du PàP à l’époque, Claude et
René Richard Cyr, qui l’ont dirigée tour à tour dans de nombreuses
productions qui lui vaudront, à juste titre, la reconnaissance de ses
pairs au travers des nominations qui lui ont été décernées par
l’Académie québécoise du théâtre pour ses interprétations.
Les rôles de premier plan se succèdent et s’accumulent. Elle travaille
aussi avec les Serge Denoncourt, Brigitte Haentjens, Martine
Beaulne, Paul Buissonneau, Denise Filiatrault. Marie-France fait ses
classes avec un professionnalisme qui la range parmi les actrices
garantes du haut niveau de qualité d’une création. Elle est de
l’affiche de toutes les grandes institutions théâtrales montréalaises,
comme au rendez-vous de la création québécoise et de la
dramaturgie contemporaine.
Au Théâtre ESPACE GO, elle sera encore de la distribution de
LES ENFANTS D’IRÈNE de Claude Poissant (2000), LOUISIANE NORD
de François Godin (2004), TOP GIRLS de Caryl Churchill (2005),
et SWIMMING IN THE SHALLOWS d’Adam Bock (2007).
La feuille de route de Marie-France Lambert affiche une consistance
impressionnante dans les rôles qu’on lui propose. Ils ont en commun
de commander une grande maîtrise dans le jeu, une sensibilité de large
étendue, une intelligence aiguë du texte et une capacité de jouer
sur plusieurs registres dans une même tirade. Il faut voir
comment du dedans d’elle, elle est capable, d’un serrement de
mâchoire, de transformer toute la physionomie de son corps et
d’être lourde et redoutable. L’instant d’après, elle est la vulnérabilité de
l’enfant trahie, elle est un clown, elle est dans ses hanches la chanteuse
de cabaret. Ce don qui est le sien, le don de la « présence », fait de
Marie-France Lambert une des grandes comédiennes de sa génération.
© Dominique Malaterre
MARIE FRANCE LAMBERT est entrée dans ma vie de directrice
artistique à ESPACE GO par la même voie, en quelque sorte,
qu’Éric Vigner.
En 1994, tout à fait par hasard, je me rends un soir à la ComédieFrançaise, au Théâtre du Vieux-Colombier. On y joue BAJAZET de
Racine. Je ne connais pas ce texte mis en scène par Éric Vigner. Je ne
connais pas ce nom. Et j’assiste à un moment d’imagination pure où
le théâtre tient toutes ses promesses de bonheur immédiat. On me
donnait à toucher et à ressentir l’inaccessible dans la chute de la
sixième syllabe te transperçant comme une lame, les entrailles
et l’âme.
Marie-France marche dans le métier, dans la rue, dans sa vie de
femme, dans sa maternité – elle a prénommé sa fille Aimée! – sans
jamais faire l’économie de son investissement personnel pour ce qui
l’engage, sans jamais ne rien laisser pour compte… Elle est drôle,
elle est légère, elle est belle.
Elle est là.
8
« Je vais faire du théâtre cet hiver et je l’espère sortir de
chez moi, faire du théâtre lu, pas joué. Le jeu enlève au
texte, il ne lui apporte rien, c’est le contraire, il enlève de la
présence au texte, de la profondeur, des muscles, du sang.
Aujourd’hui je pense comme ça. Mais c’est souvent
que je pense comme ça. Au fond de moi c’est comme ça
que je pense au théâtre »
Marguerite Duras
LA VIE MATÉRIELLE
DU THÉÂTRE DE
MARGUERITE DURAS
On connaît l'œuvre romanesque de Marguerite Duras; on se souvient des polémiques autour de ses films. On a tendance à oublier la
relation paradoxale qui unit l'écrivain au théâtre. Et pour cause… Le
théâtre ne semblait pas, pour elle, une aventure nécessaire.
© Jean Mascolo
Des rencontres vont marquer de façon décisive le cours de cette
recherche : dès 1965, lorsque trois jeunes auteurs, Claire Deluca,
René Erouk et Hélène Surgère, décident de jouer ses premiers textes,
elle en réécrit au fil des répétitions des scènes entières. Entre 1963
et 1979, elle travaille plus particulièrement avec le metteur en scène
Claude Régy qui signera des mises en scène historiques. Parfois, les
figures qui hantent l'œuvre deviennent indissociables de ceux qui en
ont proféré les paroles : Madeleine Renaud, Michael Lonsdale,
Delphine Seyrig, Bulle Ogier… Avec eux, l'écrivain élabore les fondements d'une pratique personnelle, témoignant de sa volonté d'en
finir avec les conventions dramatiques et de plier la scène, les habitudes de représentation, aux exigences de ce qu'elle appelle l’ÉCRIT.
En effet, l'écrivain reproche à la représentation d'user le texte, de
l'appauvrir, d'altérer la force et le pouvoir suggestif des mots, de
transformer la parole poétique en un acte conversationnel à la solde
des situations psychologiques, d'une tradition naturaliste dont elle
dénonce volontiers les fondements idéologiques mortifères et bourgeois. De plus, elle s'insurge contre les comédiens et les metteurs en
scène qui interprètent le texte, c'est-à-dire qui imposent le résultat
de leur propre lecture, font valoir un sens, un point de vue, un jugement. Ce que la lecture solitaire permet – un effeuillement créatif et
intime du texte, l'accession à une multiplicité de sens – la mise en
scène le rend impossible.
Au théâtre, l'expérience solitaire de l'écrivain et de ses lecteurs
entend être collectivement partagée.. Aussi oblige-t-elle l'acteur à
trouver un rapport inédit au langage : comment transgresser le
cadre d'une identité sociale, de l'anecdote personnelle, pour accéder
à une parole si intime – douloureuse, désirante, passionnée – qu'elle
fait exploser les limites identitaires, et permet de fusionner avec le
monde.
Le parcours théâtral de Marguerite Duras est mu par ce constat :
l'écrivain cherche les moyens d'éviter la dégradation du livre lors de
son passage à la scène.
Dès lors, progressivement, l'art dramatique devient un lieu d'expérimentation privilégié des pouvoirs de l'écrit, une gageure nouvelle et
Marguerite Duras se fera volontiers dramaturge, adaptatrice et
metteure en scène. Et c'est parce qu'elle revendique le primat du
texte sur l'ensemble de la représentation, que l'écrivain passe outre
les frontières des catégories génériques.
Comment exposer le verbe sans se l'approprier, pour que cette affirmation, « je parle », se transforme en une question, « qui parle? »,
et trouve sa réponse dans un « on dit » qui convoque la salle entière.
SABINE QUIRICONI
Dramaturge pour la mise en scène et la scénographie d'Éric Vigner
– SAVANNAH BAY de Marguerite Duras, 2002.
Les textes peuvent indifféremment être lus, filmés et proférés sur
scène. Une histoire tour à tour se coule dans le moule du roman,
défie l'écran, est dite au théâtre.
Le « théâtre de Marguerite Duras » ne se réduit donc pas aux seules
œuvres par elle désignées comme pièces. Il est plus un lieu de résonance, une « chambre d'écho » où l'œuvre peut faire entendre ses
possibles, explorer sa vocation théâtrale, qu'un modèle formel.
Propos extraits de THÉÂTRE DE MARGUERITE DURAS de Sabine Quiriconi,
publié dans les Cahiers de l’Herne, novembre 2005.
9
MARGUERITE DURAS
Marguerite Duras est née Marguerite Germaine Marie
Donnadieu le 4 avril 1914 à Gia Dinh, près de Saigon en
Indochine.
« J’ai découvert que le livre c’était moi.
Le seul sujet du livre, c’est l’écriture. L’écriture c’est moi.
Donc moi, c’est le livre ».
Marguerite Duras
LA VIE MATERIELLE
L’ÉCRITURE
À Paris, elle s’inscrit à la faculté de sciences politiques où elle
rencontre le poète Robert Antelme. La guerre déclarée, Marguerite et
Robert se marient le 23 septembre 1939. Le couple s'installe rue
Saint-Benoît, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés.
L’ENFANCE COLONIALE
Ses parents se sont portés volontaires pour travailler dans les colonies
de Cochinchine. Le père, Henri Donnadieu, est directeur de l’école de
Gia Dinh, près de Saigon. La mère, Marie, y est institutrice. Ils ont trois
enfants : Pierre, Paul et Marguerite. Atteint par la dysenterie, son père
part se faire hospitaliser en métropole. Marguerite a 7 ans lorsqu’il
meurt. En 1928, la mère achète une des terres que l’administration
coloniale incite à posséder. Trompée dans son acquisition, elle en sort
ruinée et reprend l’enseignement. Cette expérience marquera
profondément Marguerite et va lui inspirer nombre d'images fortes de
son œuvre (UN BARRAGE CONTRE LE PACIFIQUE, L'AMANT,
L'AMANT DE LA CHINE DU NORD).
Marguerite est enceinte. Elle accouche d'un garçon mort-né. En 1942,
elle trouve un emploi au Comité d’organisation du livre où elle fait la
connaissance de l'intellectuel et écrivain Dionys Mascolo qui devient
son amant.
En 1943, l’appartement du couple devient vite un lieu de rencontres
d’intellectuels où l’on discute littérature et politique. Marguerite se met
à écrire et publie son premier roman LES IMPUDENTS. Elle le signe sous
le nom de Duras, le village où se trouve la maison
paternelle. Elle rejoint la résistance avec Robert et Dionys, dans le
réseau dirigé par François Mitterrand (alias Morland). Le 1er juin 1944,
leur groupe tombe dans un guet-apens. Robert est arrêté par la
Gestapo. Marguerite Duras réussit à s'échapper. En août, Paris se libère.
Son nouveau roman, LA VIE TRANQUILLE, est publié en décembre.
En 1930, Marie Donnadieu trouve une pension et un lycée à Saigon,
pour que sa fille puisse suivre des études secondaires. Son
baccalauréat de philosophie acquis, Marguerite quitte l’Indochine en
1933, pour poursuivre ses études en France.
Marguerite attend le retour de son époux. À la Libération, en 1945,
Dionys, aidé par Mitterand, va le chercher au camp de Dachau.
Antelme est moribond. Avec le secours d'un médecin, Marguerite
Duras le soigne.
Marguerite divorce le 24 avril 1947 pour vivre avec Dionys. Un fils,
nommé Jean, naît le 30 juin de la même année. En 1950, la perte du
Vietnam comme colonie française contraint sa mère à revenir en
France. C’est alors que Duras est révélée par un roman d'inspiration
autobiographique, UN BARRAGE CONTRE LE PACIFIQUE, qui paraît en
juin. Sélectionné pour le Prix Goncourt, il le manque de peu. Nourries
de son enfance, ses œuvres ultérieures ne cesseront de
donner forme à son univers asiatique, où des personnages se
débattront pour échapper à leur solitude. Elle paraîtra ainsi réécrire
sans cesse les mêmes histoires où plusieurs figures obsédantes vont se
rencontrer – Anne-Marie Stretter, le vice-consul, la mendiante,
l’amant chinois…
© Collection Jean Mascolo-D. R.
© Jean Mascolo
10
11
© Jean Mascolo
© Collection Jean Mascolo
L’ALCOOL
Duras vit seule dans sa maison de Neauphle. Depuis 1975, elle a
renoué avec l’alcool. En 1980, elle est transportée à l’hôpital de
Saint-Germain-en-Laye et reste hospitalisée pendant cinq semaines.
À son retour, elle écrit à Yann Lemée, un jeune admirateur rencontré
cinq ans plus tôt à Caen. Ils se retrouvent à Trouville, elle l’héberge,
en fait son compagnon et lui donne le nom de Yann Andréa.
En 1981, elle part au Canada pour une série de conférences de presse
à Montréal et filme L’HOMME ATLANTIQUE en prenant son compagnon comme acteur. Parce que sa main tremble, Yann écrit sous sa
dictée LA MALADIE DE LA MORT. Elle accepte de faire une cure de
désintoxication à l’Hôpital américain de Neuilly en octobre 1982.
L'année suivante, Duras dirige Madeleine Renaud dans la pièce de
théâtre SAVANNAH BAY qu'elle a écrite pour elle.
LE CINÉMA, LE THÉÂTRE ET LE MILITANTISME
Elle se sépare de Dionys Mascolo en 1956. En 1958, elle
travaille pour des cinéastes, notamment en écrivant le scénario de
HIROSHIMA MON AMOUR avec Alain Resnais. En automne 1960, elle
milite activement contre la guerre d'Algérie. Premier succès au
théâtre avec DES JOURNÉES ENTIÈRES DANS LES ARBRES, joué par
Madeleine Renaud en 1965. La multiplication de ses talents la
fait maintenant reconnaître dans trois domaines : littéraire,
cinématographique et théâtral. Elle met en scène des personnages
puisés dans la lecture des faits divers. Elle innove sur le déplacement
des acteurs, sur la musicalité des mots et des silences. Fatiguée par
l’alcool, elle fait une cure et s’arrête de boire. Pendant « les évènements » de mai 1968, elle se trouve en première ligne au côté des
étudiants contestataires, proteste contre les injustices, profère des
phrases définitives sur le prolétariat.
Le dimanche 3 mars 1996, à 8 heures, Marguerite meurt au 3e étage
du numéro 5 de la rue Saint-Benoît. Elle allait avoir 82 ans. Les
obsèques ont lieu le 7 mars, à l’église de Saint-Germain-des-Prés. Elle
est enterrée au cimetière du Montparnasse. Sur sa tombe, son nom
de plume, deux dates et ses initiales : M D.
En 1984, L’AMANT est publié et obtient le prix Goncourt. C'est un
succès mondial. Il fait d'elle l'un des écrivains vivants les plus lus. De
nouveau prisonnière de l’alcool, elle tente en 1987, de donner une
explication à son alcoolisme dans son livre LA VIE MATÉRIELLE.
© Sichov/Sipa Press
LES CRIS ET LE SILENCE
L'AMANT devient un projet de film du producteur Claude Berri. À la
demande de ce dernier, elle s’attelle à l'écriture du scénario, bientôt
interrompu par une nouvelle hospitalisation. Elle reste six mois dans
le coma. Pendant ce temps, le réalisateur Jean-Jacques Annaud est
contacté. Il accepte de réaliser le film et se met à en faire l’adaptation. Se sentant dépossédée de son histoire, elle s'empresse de la
réécrire. L'AMANT DE LA CHINE DU NORD est publié en 1992, juste
avant la sortie du film. Duras a désormais des difficultés physiques
à écrire. Cependant, d’autres livres paraissent; ils sont dictés ou
retranscrits. Yann recueille ses mots pour un ultime livre qui paraît en
1995 sous le titre C’EST TOUT.
Marguerite Duras touche alors au cinéma parce qu’elle est insatisfaite des adaptations que l’on fait de ses romans. Comme dans son
travail pour le théâtre, elle réalise des œuvres expérimentales. Son
premier film, DETRUIRE, DIT-ELLE, est tourné en 1969. Ce titre évocateur définit son cinéma : celui du jeu des images, des voix et de la
musique. Le 5 avril 1971, elle signe le Manifeste des 343 – avec,
entre autres, Simone de Beauvoir et Jeanne Moreau – réclamant
l’abolition de la loi contre l'avortement.
PROPOSITIONS DE LECTURE DE MARGUERITE DURAS PAR ÉRIC VIGNER :
© Collection Max Bergier
12
UN BARRAGE CONTRE LE PACIFIQUE (1950, roman, Gallimard)
LE RAVISSEMENT DE LOL V. STEIN
(1964, roman, Gallimard)
LE MARIN DE GIBRALTAR (1952,
roman, Gallimard)
LE VICE-CONSUL (1965, roman,
Gallimard))
LES PETITS CHEVAUX DE TARQUINIA
(1953, roman, Gallimard)
L'AMANTE ANGLAISE (1967, roman,
Gallimard)
MODERATO CANTABILE (1958,
roman, Éditions de Minuit)
DÉTRUIRE, DIT-ELLE (1969, roman,
Éditions de Minuit)
HIROSHIMA MON AMOUR (1960,
scénario et dialogues, Gallimard)
INDIA SONG (1973, texte, théâtre,
film, Gallimard)
LES LIEUX DE MARGUERITE DURAS
(1977, en collaboration avec
Michelle Porte, Éditions de Minuit)
LA MALADIE DE LA MORT (1982,
récit, Éditions de Minuit)
CÉSARÉE (1979, film, Films du
Losange)
LA DOULEUR (1985, P.O.L.)
L'AMANT (1984, Éditions de Minuit)
LA VIE MATÉRIELLE (1987, P.O.L.)
L'HOMME ASSIS DANS LE COULOIR
(1980, récit, Éditions de Minuit)
SAVANNAH BAY (1 éd. 1982, 2 éd.
augmentée, 1983, Éditions de
Minuit)
re
e
LA PLUIE D'ÉTÉ (1990, P.O.L.)
ÉCRIRE (1993, Gallimard)
LE MONDE EXTÉRIEUR (1993, P.O.L.)
C'EST TOUT (1995, P.O.L.)
© Alain Fonteray
Cette photo a été prise le 8 octobre 1993 par Alain Fonteray, l’ami photographe, à Lambézellec, un village de la banlieue brestoise.
Elle était venue en voiture avec Yann, Bénédicte ma soeur et son ami Richard.
Ils étaient arrivés à 20h59 pour la représentation de la première de LA PLUIE D’ÉTÉ, son livre, dans un ancien cinéma des années 50, Le Stella.
Là, c’est après la représentation. Ce n’est pas l’histoire de cette photo qui importe, seulement ce que l’on voit. C’est une affaire de femme,
comme souvent avec Duras, comme avec SAVANNAH BAY. C’est ce qui se passe dans la photo quand on oublie Marguerite Duras et cette
jeune femme ou les deux. C’est ce qui ne se voit pas, d’une certaine façon ce que l’on sent. Cette éternité de la connaissance commune et
réciproque, cette franchise, ce don.
Cette image témoigne encore aujourd’hui d’un instant de transmission entre ces deux femmes. Il s’agit aussi de cela dans SAVANNAH BAY,
du secret que les femmes portent en elles et qu’elles se transmettent.
J’ai voulu que cette photo apparaisse dans la dernière scène, quand le plateau se dénudait, s’évidait, qu’il n’y avait plus d’illusion, plus de
chatoiements, qu’il n’y avait plus rien. La photo contenait l’essence de l’histoire qui avait été jouée par les actrices et elle gardait la trace d’un
instant de réalité alors que le théâtre, déjà, s’était dissout.
Ce n’est pas une image qui empêche de voir mais une image qui permet d’entendre, à mon sens. Selon moi, elle est SAVANNAH BAY comme
SAVANNAH BAY est toute l’histoire de l’œuvre de Marguerite et de sa vie. Il n’y a pas d’explication raisonnable à ça. Seulement le sentiment
de cela.
Le dernier mot de SAVANNAH BAY c’est la mer.
Au départ, ce spectacle devait être créé au bord de la mer à Lorient en Bretagne sud.
Toutes les images que l’on perçoit aussi dans le spectacle sont des images intimes.
SAVANNAH BAY est une œuvre – la nôtre, la vôtre – qui ne révèle pas le secret mais qui le cache, pour paraphraser Guibert dans
LE MAUSOLÉE DES AMANTS.
Éric Vigner
14
15
Depuis plusieurs années, la directrice artistique Ginette Noiseux suit
attentivement le travail artistique d’Éric Vigner sur les scènes européennes.
De ce travail, on a pu voir à l’ESPACE GO, en 2002, LA BÊTE DANS LA JUNGLE,
adaptation française de Marguerite Duras, d'après Henry James. Cet échange
autour de SAVANNAH BAY a eu cours pendant le processus de sa création à
Montréal. Il est nourri de la longue amitié qui lie ces deux artistes de théâtre,
dédiés à l’avancement des écritures contemporaines et plus intimement à
celles qui échappent à toutes les catégories. Ce texte est allé sous
presse deux semaines avant la première représentation.
Ginette Noiseux : Paris ne serait pas Paris sans la tour Eiffel,
le Louvre ET la Comédie-Française. Ne me l’as-tu pas encore
rappelé récemment? Cher Éric, c’est à toi que l’on doit
d’avoir fait entrer, en 2002, Marguerite Duras au répertoire
de l’Illustre Institution qui compte très peu de femmes
auteures. C’est un acte très fort, à plusieurs égards. Et dont
je suis très fière. Et toi? Tu en es fier?
S’ÉCRIRE
© Julio Donoso/Sygma
GN : Pourquoi avoir choisi SAVANNAH BAY?
Éric Vigner : Je suis fier d'avoir tenu une promesse secrète
faite à Marguerite d'entrer au répertoire de la ComédieFrançaise, c'est-à-dire de faire admettre institutionnellement
que son oeuvre est aussi théâtrale.
Il y a des artistes qui participent à l'invention de l'avenir et
ce formidable potentiel d'auteurs inscrits au répertoire de
la Comédie-Française constitue une mémoire vive, active.
Marguerite Duras s'y est ajoutée avec sa singularité
irréductible. Cette écriture qui échappe à tout classement
dans la production littéraire contemporaine est, d’une
certaine manière, visionnaire et active. Je la crois libre,
engagée, vitale et nécessaire. C’est pour ces raisons
fondamentales que je m’attache à son travail au théâtre.
ÉV : SAVANNAH BAY est probablement la pièce de Marguerite
Duras qui rend le plus explicitement hommage au théâtre : elle y
met en scène une femme, une actrice, qui serait comme
dépositaire de la mémoire du monde, de son accomplissement.
maîtrise et un grand abandon de la part des acteurs. On se place
dans une posture orientale du point de vue de la culture, et plus
seulement du point de vue occidental (celui de Descartes, entre
autres). C'est un endroit de mixité, d'androgynie. Cette écriture
est née de la vie même de Marguerite Duras.
Seulement, on ne doit pas dissocier le théâtre de Marguerite Duras
de l'ensemble de son œuvre. C'est la partie pour le tout. Duras a
écrit toute sa vie sur l'amour. Sa vie et son oeuvre sont attachées
à ce sentiment. Son obsession de l'amour, de la mort, de la
mémoire et de l'oubli passent à un moment par SAVANNAH BAY.
Cette histoire qui est racontée, c'est celle de sa mère et d'elle, de
son enfance, du rêve, du désir d'elle enfant en Cochinchine (le
Vietnam/Laos). La plus grande partie de son oeuvre littéraire
prend sa source dans le Mékong.
GN : Que raconte SAVANNAH BAY ?
Pour revenir un peu sur ces histoires d'histoires… Je crois tout
simplement qu'au théâtre, on ne peut pas s'intéresser, adhérer,
s'identifier, se projeter, s’émouvoir, si on ne comprend pas
l'histoire que les acteurs racontent.
ÉV : SAVANNAH BAY, c'est une histoire simple, la mort de l'enfant.
Et la disparition de l'amour dans la mort, sa dissolution.
SAVANNAH BAY, c'est la baie du souvenir.
SAVANNAH BAY c'est aussi une histoire de transmissions entre
femmes, du secret que les femmes portent en elles et qu’elles
se transmettent, devant l’homme qui assiste.
L’héritage de Duras, c’est aussi cette capacité qu’elle avait
de remettre sans cesse en chantier ses propres œuvres et
qu’elle nous lègue comme possibilité. Elle n’est plus là, et
pourtant, l’écriture poursuit son chemin et génère d’autres
écritures.
GN : Donc, ça raconte une histoire…
ÉV : Je ne peux répondre à ça qu'à travers sa voix : « Écrire ce
n’est pas raconter des histoires. C’est le contraire de raconter des
histoires. C’est le tout à la fois. C’est raconter une histoire et
l’absence de cette histoire. C’est raconter une histoire qui en
passe par son absence. »
C'est une femme qui transmet avec force et passion. De
plus, une auteure dont l'œuvre est, tour à tour et à la fois,
romanesque, cinématographique et théâtrale. Elle est sans
doute l'un des écrivains français les plus importants du
XXe siècle.
GN : Au théâtre, tu aimes raconter des histoires?
ÉV : Mon travail au théâtre d’une façon générale, et plus
particulièrement avec Duras, est plus lié à la volonté de faire
entendre une écriture qu’à celle de raconter des histoires.
Ce n'était que justice qu'elle entre au répertoire de la
Comédie-Française.
L'histoire et l'écriture doivent s'inventer dans le présent de la
représentation. C'est à un exercice d'équilibriste, de funambule
chinois que nous devrions assister. Cela demande une grande
16
Ici, la fable est simple : il s'agit de la mort d'une jeune fille dans
la mer, de l'enfant qu'elle venait de mettre au monde et qu'elle a
abandonné, son désir de la mort étant le plus fort. Elle dit :
« Depuis toujours je retiens en moi comme un drôle de désir, celui
de mourir. »
Mais le processus auquel nous font croire les actrices, c'est
qu'elles inventent cette histoire dans l'instant, et ce théâtre
pousse les limites du théâtre qui est toujours un mentir-vrai de
toutes les façons. Rien ne doit sembler préexister à l'exercice
de ce théâtre au présent.
C’est par la voix de l’actrice, par la diction, la prononciation, la
profération, le cri, qu’est donné à éprouver cette écriture en train
de se faire, de s’inventer tout en se défaisant. C'est par le son
chargé de l'histoire que nous parvient : la douleur. Elle dit : « On
ne peut pas écrire sans la force du corps. » L’écriture, ça ne se
nomme pas; c’est comme un souffle qui, à un moment donné,
rencontre le corps de l’acteur et celui de l’auteur dans le moment
même du jaillissement de l’écriture. C’est ce moment que je
recherche dans le travail avec les acteurs.
C’est à cette condition qu’on peut faire entendre à quel point
Duras, ça crie, ça crée des directions dans l’espace, des verticalités
sonores qui touchent la voûte céleste et font éclater la nue.
17
GN : D’où origine l’émotion dans SAVANNAH BAY?
ÉV : Je ne peux pas dissocier la forme du fond. Pour moi, la mise
en scène ne différencie pas la direction d'acteurs de la conception
des espaces. Plusieurs types d'écritures sont mis en mouvement
simultanément : l'écriture visuelle, celle des images qui sont
créées, l'écriture sonore – aussi bien celle faite à partir du travail
d'interprétation que du son enregistré ou de la musique – et puis
l'écriture du corps des acteurs dans l'espace. Cela se rapproche
plus de la démarche d'un artiste au théâtre que d'un metteur en
scène de théâtre au sens où on l'entend habituellement, sans
doute parce que j'ai commencé mon apprentissage artistique par
des études supérieures d'arts plastiques qui me permettent de
penser le théâtre dans sa totalité.
ÉV : Je ne sais pas. Je le sens seulement. SAVANNAH BAY est une
œuvre qui tourne, une valse à trois temps. On aborde l'histoire par
toutes ses faces, sous tous ses aspects, on n'est jamais tranquille.
Cela me fait penser à une phrase de Roland Dubillard que Duras
admirait beaucoup. Dans LA MAISON D'OS de Dubillard – ma
première mise en scène qui était un spectacle manifeste du théâtre
que je veux faire – à un moment donné, un personnage dit :
« N'importe quel endroit est le bon si c'est par lui qu'on est entré. »
Ici, c'est un peu le même processus dans une démarche plus
essentielle où la parole est rare. C'est une parole qui se cherche
dans le présent de la représentation, qui avance par bonds,
par boucles successives, on ne sait pas très bien où ça va mais
on est entraîné et l'émotion se déclenche sans que l'on sache
exactement pourquoi, et c'est différent pour chacun.
L’écriture de Marguerite Duras me permet d’écrire à mon tour une
histoire visuelle et sonore. Tout ce qui naît prend forme
provisoirement, s’invente au moment présent, se déforme puis
retourne immédiatement au vide d’où il est né et peut alors revivre,
à chaque fois d’une façon différente. C’est le processus même de
la vie. C’est son mouvement, son travail, qui appellent toujours
la remise en question et la contradiction. La compréhension de
l’écriture de Duras m’a donc aidé à développer un vocabulaire
visuel et sonore que j’ai appliqué à l’espace du théâtre et de la
représentation.
Les actrices doivent favoriser ce rythme, ce mouvement, les
soutenir et ne rien imposer. C'est un théâtre terriblement exigeant
pour les interprètes car il est réfractaire à toute anticipation. Oui,
un théâtre de la parole au présent qui nécessite d'être là totalement « ici et maintenant », avec quelque chose qui s'invente,
parce que dans l'invention, la mort est comprise. Au moment où
ça se met à naître, ça se met aussi à mourir.
GN : Dans LA BÊTE DANS LA JUNGLE comme dans SAVANNAH
BAY, tu as érigé entre les acteurs et la salle de grands rideaux,
de bambou pour le premier et de perles pour le second.
Superbes. Seulement, pour les uns, c’est là – sacrilège! –
vanité de créateur! Et pour d’autres, la rencontre s’en fait
encore plus intime, très troublante, presque érotique.
D’autant plus que tu réformes le proscenium du théâtre
classique en trottoir, ni plus ni moins, où les corps des acteurs
se posent, se couchent, déambulent et, s’avançant vers toi,
s’offrent à toi. Et, s’offrant à toi, t’invitent à franchir le seuil
du décor pour les suivre. Tu cherches quoi, là?
C'est un phénomène physique qu'il faut ressentir.
Dans la mise en scène de SAVANNAH BAY, j'opère par séquence
comme pour du cinéma, en évitant de rompre ce mouvement
perpétuel, en essayant de ne rien figer dans les images. Et puis il
y a cette phrase dans le prologue : « La salle a payé, on lui doit
le spectacle. »
GN : Que signifie pour toi le fait d’ouvrir la saison d’ESPACE
GO aujourd’hui avec SAVANNAH BAY?
ÉV : Rien de tel que de mettre le spectateur au travail et
encourager en lui son désir de voir et donc d'entendre.
ÉV : On se connaît depuis ma mise en scène de BAJAZET de
Racine à la Comédie-Française en 1994. Ouvrir cette saison avec
SAVANNAH BAY, c’est tout d’abord la réponse à une fidélité, une
filiation, une histoire d’amitié artistique au-delà des continents,
une reconnaissance du même engagement artistique et politique
pour réaliser ce théâtre-là, celui que l’on aime fondé sur l’écriture
et sur le poétique.
© Elizabeth Lennard
Mais comment faire pour résoudre cette question du « dedans »
dans un théâtre où la scène, lieu de représentation du drame, est
séparée de celui de la salle? C’est à cette interrogation que tente
de répondre les scénographies de LA BÊTE DANS LA JUNGLE ou
SAVANNAH BAY.
GN : Duras a écrit : « J’écris sans écrire. Je prends de
l’ombre, je prends de la lumière, je les dispose de sorte
qu’elles ne soient pas dissociables l’une de l’autre et que
leur voisinage ne puisse pas être remis en question. Mais ce
n’est pas assez. La lumière dont je me sers n’est jamais
assez forte, jamais, et j’en meurs. »
En fait, mes spectacles s’élaborent toujours autour des mêmes
questions : quels sont les moyens à mettre en œuvre pour passer
à travers les images et atteindre l’essence? Comment l’écriture
devient-elle architecture? Comment l’écriture devient-elle
théâtre? Comment construit-on le corps vivant du texte et
comment intègre-t-on celui du spectateur entendant dans le
processus du spectacle? Comment aborder toutes les fables,
toutes les situations, toutes les images que provoque l’écriture?
Rien, me semble-t-il, ne saurait mieux traduire ce travail
d’artiste auquel j’assiste aujourd’hui dans mon théâtre :
ta poursuite du vent dans le prononcé d’un A, du bleu
plus bleu de ton regard dans l’effort des actrices qui doit
s’accomplir jusqu’à la dissolution de l’effort, ton désir
d’embrasement en tant que réponse spontanée à la vie.
Dans LA MAISON D’OS de Dubillard, la représentation n’avait pas
lieu dans un théâtre, mais dans une usine désaffectée sur trois
étages. Le spectateur était dans la « maison » avant d’être devant
la représentation. Travail utopique, qui voulait placer le spectateur
dans le corps même de l’écriture.
18
19
L’HISTOIRE
L'histoire d'une compagnie de théâtre, c'est comme les histoires de famille. On vit ensemble dans des demeures, un temps,
puis on se disperse. Il y a les couples qui se font et se défont, des photos dans les malles, les amis d'hier qu'on a perdu de
vue et les jeunes qui n'ont de regard que pour ce qu'il y a devant. Tout à fait comme dans la vie des gens.
On ne saurait lire l'histoire d'ESPACE GO sans lire aussi les transformations importantes des mentalités dans sa société.
ESPACE GO est ancrée dans le moment du « présent ».
1990-1994 L'ESPACE GO
À partir de 1990, ses spectacles s'affichent sous le label Productions ESPACE GO. La compagnie a le vent dans les voiles. Seulement, elle traverse aussi une
importante crise de croissance. Ses activités en diffusion sont nettement déficitaires. ESPACE GO doit déménager à court terme, sous peine d'asphyxie.
Durant cette période, la directrice artistique commence à dessiner un projet de programmation qui se passionne pour la dramaturgie de langue française.
Dans l'ancien comme dans le nouvel ESPACE GO, elle fait découvrir au public montréalais de nombreuses écritures du répertoire contemporain, des textes
inédits, des chefs-d'œuvre oubliés.
Le 9 mars 1991, le conseil d'administration procède officiellement au changement de nom de la compagnie. Sa charte est actualisée. Le Théâtre Expérimental
des Femmes appartiendra dorénavant à l'histoire d'ESPACE GO, histoire que se partagent de nombreuses femmes qui la portent en elles-mêmes ou sur la
place publique, chacune selon ses aspirations personnelles.
Hier, comme aujourd'hui.
1979-1984 LE THÉÂTRE EXPÉRIMENTAL DES FEMMES
ESPACE GO est issue du Théâtre Expérimental des Femmes, fondé en 1979 par Pol Pelletier, Louise Laprade et Nicole Lecavalier. Son histoire passe par celle
des lieux qu'elle a animés : de la salle de la Maison Beaujeu dans le Vieux-Montréal (1979-1983), à la petite manufacture de la rue Clark (1985-1994), à
l'ouverture de son nouveau théâtre en 1995.
Les premières années sont marquées par des créations collectives, l'émergence d'une dramaturgie de femmes, les festivals de créations de femmes. Les projets sont tous administrés en autogestion. À la fin de l'année 1981, Ginette Noiseux et Lise Vaillancourt sont invitées successivement à se joindre à la cellule de base. Le bail de la rue Beaujeu n'est pas renouvelé pour la saison de 1983.
1985-1986 LA MANUFACTURE
En 1985, après deux ans de nomadisme, la compagnie s'installe dans une petite manufacture de la rue Clark à Montréal. Ce lieu sera appelé ESPACE GO.
La compagnie conjugue une double action de producteur et de diffuseur.
Les « filles du TEF », comme on les appelle, sont maintenant seules à la barre de la direction artistique. Elles poursuivent une recherche qui favorise le métissage de toutes les formes d'art, la contamination des idées, en plus d'y insuffler un souci d'exigence élevé dans le choix des œuvres. ESPACE GO se positionne comme un jeune théâtre d'avant-garde dynamique et prometteur.
1995-1999 UN NOUVEAU LIEU
Le 10 JANVIER 1995, ESPACE GO franchit une étape importante en inaugurant son nouveau théâtre dessiné par l'architecte Éric Gauthier et qui s'est mérité
le prix d'Excellence de l'Ordre des architectes du Québec dans la catégorie institutionnelle.
Dans ce lieu, ESPACE GO a invité la compagnie du Petit à Petit (maintenant Théâtre PàP), dirigée à l'époque par René Richard Cyr et Claude Poissant, à
s'installer à demeure, assurant la présence essentielle dans la programmation de nouveaux textes d'auteurs québécois.
DE NOUVELLES ÉQUIPES POUR DE NOUVEAUX DÉFIS
Yvon Baril, Michel Granger et Stéphane Lavoie formeront avec Ginette Noiseux la première équipe de direction du nouveau théâtre. Les défis que pose le
passage à une salle neuf fois plus volumineuse que l'ancienne sont immenses et elle les relèvera avec brio.
C'est aujourd’hui avec la complicité de Micheline Marois à la direction administrative et Line Noël à la production que la directrice poursuit son projet d'un
modèle nouveau d'institution ancrée dans les recherches de son temps et ouverte sur le monde. Le volet international d’ESPACE GO se développe. Les
partenariats avec d'autres grandes institutions d'ici et de l’étranger et les collaborations avec les artistes, notamment de la France, iront en s’intensifiant.
Au cours des dernières années, les Alice Ronfard, Louise Laprade, Brigitte Haentjens, René Richard Cyr et René-Daniel Dubois ont signé plusieurs mises en
scène de ses productions maison.
1987 LE BEAU SHOW
Les débuts de la jeune ESPACE GO auront été très difficiles. Les caisses sont vides. Hélène Pedneault appelle à la rescousse ses amis du monde de la chanson. Toutes les rentrées d'argent du Beau Show présenté au Spectrum en mai 1987 iront à sauver le TEF de la faillite imminente. À partir de ce moment et
à maintes reprises, les artistes, le public et les mécènes (notamment, au premier chapitre, Transat A.T. inc.) participeront à de nombreux événements pour
assurer la santé et la sécurité financière de la compagnie. Ginette Noiseux assume dorénavant seule la direction artistique de la compagnie.
1988-1989 LE PREMIER HOMME
En 1988, la compagnie invite pour la première fois un homme, Claude Poissant, à signer la mise en scène de LA DÉPOSITION d'Hélène Pedneault. Depuis,
des camarades masculins participent à ses créations et siègent à son conseil d'administration où les femmes demeurent, encore aujourd'hui, majoritaires.
La directrice artistique fait de cette « différence » un moteur d'échanges passionnants, tout autant idéologiques qu'artistiques.
2000 DU PRÉSENT À L'AVENIR
Depuis 2000, ESPACE GO voit son public croître de manière importante. L'affiche propose une moyenne de neuf créations par saison. Des complicités se
confirment avec les compagnies du Théâtre de l’Opsis et de Transthéâtre qui se produisent dans son lieu, et les organisations du Festival TransAmériques, le
Festival International de Littérature, Voix d’Amériques. De nouveaux cycles de créations et de partenariats s’initient, notamment avec les metteurs en scènes
Serge Denoncourt, Martine Beaulne, Denis Marleau et UBU, et, à partir de cette saison, Éric Vigner et le CDDB-Théâtre de Lorient, Centre Dramatique
National. ESPACE GO s’associe aux artistes d’aujourd’hui qui imaginent le théâtre de demain. Elle soutient activement Le Festival du Jamais LU, et
accompagne des démarches de jeunes artistes.
En 2005, le Conseil des Arts de Montréal décernait à ESPACE GO son 20e Grand Prix pour son rôle éminent dans l’évolution de la pratique théâtrale au
Québec, soulignant son engagement absolu envers un théâtre contemporain, ouvert à tous les dialogues.
ESPACE GO franchit en 2008 ses 29 ans d'existence, où chacune des saisons aura écrit un chapitre d'un roman, qui, comme on pouvait le souhaiter, reste
inachevé. Donc à poursuivre...
20
21
ÉQUIPE DE PRODUCTION
ESPACE GO
CONSEIL
D’ADMINISTRATION DE GO
L’ÉQUIPE DE GO
Line Noël
Direction de production
Nicole Dubé*
Directrice du marketing
Fédération des producteurs
de lait du Québec
ARTISTIQUE
Robert Ayotte
Président, opérations loteries
Loto-Québec
Emanuelle Kirouac-Sanche
Directrice artistique adjointe
DONATEURS
10 000 $ ET PLUS
Éric Locas
Direction technique
Joëlle Céré
Habilleuse
Jacques-Lee Pelletier
Maquillages
Henri Huet
Coupe et couture
Gisèle Desrochers
Première vice-présidente, Ressources
humaines et Opérations
Banque Nationale du Canada
Cybèle Perruques
Perruques
Mireille Deyglun
Comédienne
Marc-André Roy
Machiniste de plateau
Jacques Dostie
Associé
Ernst & Young s.r.l.
Philippe Arsenault
Annie Bélanger
Jean Bergeron
Marc-André Bouchard
Jean Duchesneau
Yannick Dufour
Maryline Gagnon
François Martel
Marc-André Roy
Jean-Michel Savignac
Équipe de montage
Communications Papineau-Couture
Relations de presse
Micheline Marois
Directrice administrative
5 000 $ ET PLUS
Ginette Noiseux
Directrice artistique et générale
Geneviève L. Blais
Stagiaire à la mise en scène –
saison 2007-2008
Pascale Chassé
Vice-présidente et directrice
Fusion, Marketing d'alliances (division
du Groupe Cossette)
Lizbeth X
Confection tunique de Marie-France
Lambert :
ADMINISTRATION
Transat A.T. inc.
Hydro-Québec
Banque Nationale
BCE inc. / Bell Canada
Fédération des producteurs de lait du
Québec
Davies Ward Phillips & Vineberg
S.E.N.C.R.L., s.r.l.
McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l. Fondation McCarthy Tétrault
Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., s.r.l.
et
un don anonyme
Mourad Hammami
Adjoint administratif
Christian Laporte
Adjoint aux directions
PRODUCTION
Jean-Marc Eustache
Président-directeur général
Transat A.T. inc.
Line Noël
Directrice de production
Claude Laflamme
Vice-présidente affaires
corporatives et réglementaires
Astral Media Radio et Astral Media
Affichage
Éric Locas
Directeur technique
Me Louise L. Larivière
Avocate
Véronique Rapatel
Responsable des communications
sur SAVANNAH BAY
COMMUNICATIONS
BBDO Montréal
Direction artistique et concept visuel
Micheline Marois
Directrice administrative
ESPACE GO
ENTRETIEN
Stéphane Parent
Conception du programme
Albert Millaire
Comédien
Mario Fackini
Responsable de l’entretien
Christian Laporte
Révision des textes
Ginette Noiseux
Directrice artistique et générale
ESPACE GO
BILLETTERIE
Danièle Panneton
Comédienne
Nicholas Dawson
Maude Levasseur
Responsables de la billetterie
Martine Turcotte
Chef principal du service juridique
BCE inc./Bell Canada
BAR
Marlène Gélineau Payette
Photographe de la production
Transcontinental
Impression
UN MERCI TOUT SPÉCIAL À
Sonia D’Amico
Responsable du bar
BBDO Montréal
Société Radio-Canada
ARTV
Audio Z
Fluorescent Hill
Normand Blais
ACCUEIL
Fabien Fauteux
Mireille Fiset
Alexie Miquelon
Ariane Thibodeau
22
Astral Media Radio et Astral Media
Affichage
BBDO Montréal
Borden Ladner Gervais s.r.l.
BMO Marchés des capitaux
Caisse de dépôt et placement du
Québec
Communications Voir inc.
Ernst & Young
Fasken Martineau DuMoulin s.r.l.
Gowling Lafleur Hendersons s.r.l.
Groupe Cossette Communication inc.
Groupe Pages Jaunes
Heenan Blaikie S.E.N.C.R.L., s.r.l.
IBM Canada
Monsieur Jacques Dostie
Langlois Kronström Desjardins
S.E.N.C.R.L., avocats
Les restaurants, La Pizzaiolle inc.
Loto-Québec
Marsh Canada Limited
Oberthur Jeux et Technologies inc.
Ogilvy Renault LLP / S.E.N.C.R.L.., s.r.l.
Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L.,
s.r.l.
PricewaterhouseCoopers LLP
RBC Marchés des capitaux
Samson Bélair / Deloite & Touche
Scotia Capital inc.
Société Générale (Canada)
Vacances Tours Mont-Royal inc.
500 $ ET PLUS
Aéroports de Montréal
Bélanger Sauvé
Blake Cassels & Graydon s.r.l.
Carat Strategem inc.
Dunton Rainville S.E.N.C.R.L.
Emergis
Fondation Lorraine et Jean Turmel
Fonds de solidarité FTQ
Kruger inc.
La Presse, ltée
Lallemand inc.
Rona inc.
Madame Martine Turcotte
Madame Monique Jérôme-Forget
Monsieur Jean-Marc Eustache
GO a eu 25 ans en 2004 ! Anniversaire auréolé par le prestigieux Grand Prix
du Conseil des arts de Montréal qui soulignait la qualité remarquable de la 25e
saison intitulée Portraits de femmes. Ce fut aussi l’occasion de célébrer le pacte
fondamental et structurant qui unit la communauté des affaires à la destinée
de la maison.
MERCI À VOUS
qui nous permettez
d’INNOVER !
Les premiers appuis du secteur privé à nos projets remontent à 1987. Un an
plus tôt, la compagnie avait été sauvée in extremis d’une faillite imminente. Les
pionniers ont accepté de nous accompagner dans un parcours risqué. Depuis,
l’ESPACE GO compte parmi les chefs de file de la création théâtrale contemporaine au Québec. Nos mécènes ont été de ce remarquable développement.
Plusieurs entreprises du Québec ont non seulement contribué à bâtir la maison
ESPACE GO, mais elles assurent, année après année, la réalisation de ses projets dans le plus grand respect de l’intégrité artistique de la compagnie.
Cette année encore, et depuis 1989, la Société Transat A.T. est aux premières
loges pour nous aider. Et pour cause. Au-delà des contributions financières
importantes de cette entreprise, GO peut compter sur l’engagement personnel
indéfectible de son président, Jean-Marc Eustache, et sur l’appui de son
vice-président exécutif, Philippe Sureau.
Jean-Marc Eustache fait partager au conseil d’administration et à la direction
du théâtre son expérience et met à contribution ses compétences. Il insuffle à
la fois confiance et vision à notre gestion. Il a épousé la notion de risque
inhérente à toute entreprise artistique. Il sait donc nous aiguiller dans les
moments difficiles, comme dans les périodes d’euphorie. Depuis son entrée au
conseil d’administration, il a été de tous les projets majeurs de développement
comme la construction du nouveau théâtre et le lancement des campagnes
annuelles d’abonnement. De plus, Transat rend possible le rayonnement
international de GO, en assurant les déplacements aériens de notre équipe et
des artistes étrangers qui jouent sur nos scènes.
Le partenariat d’Hydro-Québec encourage la recherche et l’innovation à GO.
Depuis 2001, la société d’État finance le Fonds de développement artistique de
GO, créé pour répondre aux besoins particuliers liés à la création d’un spectacle ou à la réflexion artistique de la compagnie. Ce Fonds soutient aussi des rencontres entre artistes, des laboratoires, lectures, etc. Il apporte une aide directe aux artistes.
Bell Canada est un allié fidèle depuis l’an 2000. Principal partenaire de la soirée-bénéfice annuelle au cours de laquelle GO rend hommage
à une grande dame du métier, l’entreprise fournit également gracieusement à la compagnie des ressources humaines et matérielles en
matière de communications.
ESPACE GO peut également compter sur l’appui d’entreprises, telles que Transcontinental, BBDO Montréal, Groupe Image Buzz et
Audio Z, qui mettent gracieusement leurs compétences et leurs ressources au service de la maison.
L’engagement de nos mécènes à nous accompagner dans le parcours audacieux que nous poursuivons depuis plus de 25 ans a fait la
différence. Il a permis de concrétiser le rêve que nous poursuivions de doter Montréal du centre de créations, de l’espace de découvertes
et du lieu de dépassement des artistes qu’est maintenant l’ESPACE GO.
Nous remercions ces partenaires pour leur investissement financier
dans la mission d’ESPACE GO :
La Banque Nationale est fière de soutenir les arts de la scène et les
créateurs d’ici afin qu’ils nous éblouissent encore et encore.
Aider les artistes d’ici et d’ailleurs.
23
Ce soir, nous jouerons
un rôle muet

Documents pareils