si un jour margarita…

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si un jour margarita…
450197.GRP.qxp_Mise en page 1 10/04/2016 19:43 Page 27
_Victor Pablo Dana
«SI UN JOUR MARGARITA…»
Le nom de cet homme d’affaires italien a été cité dans l’hypothèse d’une vente
de l’OM. Il s’exprime ici pour la première fois. TEXTE YOANN RIOU
TWITTER @PABLOVDANA
D
problème : je suis assez agoraphobe. Dès que vous me mettez
epuis quelques semaines, le nom de Victor
dans une foule, un stade, je ne me sens pas très bien. Je vais
Pablo Dana revient souvent dans les
le moins possible au stade, je regarde les matches à la télé.
discussions autour de l’OM. Cet Italien de
Quel est votre rapport avec l’OM ? Des amis
quarante-neuf ans, né à Ferrare, a été
marseillais m’ont appelé pour que je regarde le dossier. C’est
présenté comme un représentant
tout. Je l’ai analysé, et ça s’arrête là pour l’instant. Si un jour
d’investisseurs étrangers disposés à reprendre le club.
Margarita Louis-Dreyfus devait me le demander, eh bien, je
Jusque-là, il ne s’était jamais exprimé. Lorsque nous lui avons
serais très honoré si je recevais un mandat de sa part pour
soumis une demande d’interview, il a d’abord dit non, avant
de changer d’avis. « Mais je ne pourrai rien dire sur l’OM, a-t-il l’aider à trouver un partenaire.
Racontez-nous votre rencontre avec Vincent
cependant précisé. Il y a tellement de gens qui ont profité de
Labrune à Marseille, fin mars…
Marseille ou d’autres clubs pour se faire de la publicité. Ce
Je me suis rendu à Marseille pour assister aux obsèques d’un
n’est pas mon cas. La première interview que je donne
ami très proche. C’était une occasion d’aller saluer Vincent
(depuis que son nom est cité par rapport à l’OM), c’est pour
Labrune, afin de prendre un peu le pouls. Nous nous
France Football. Je n’avais pas envie d’en parler à qui que ce
connaissons depuis un an, par des amis communs qui
soit avant. » Pendant plus d’une heure, Dana est revenu sur
habitent Dubaï. Je l’ai invité au Petit Nice, pas dans le
son parcours et ses relations avec le foot, dans un français
restaurant gastronomique (3 étoiles au Michelin), mais dans
parfait. « Je parle italien, anglais, français, allemand,
portugais parce que mon père est brésilien, et espagnol parce la brasserie. C’est moins cher. Je pensais que c’était un
endroit discret, mais on nous a aperçus. Je regrette que cette
que ma femme est argentine. Et j’ai des notions en arabe.
rencontre soit sortie dans la presse parce qu’on ne voulait pas
Mon père est un ancien dirigeant d’Harvard, et j’ai passé mon
faire de pub autour de ça.
enfance et mon adolescence entre l’Italie, les États-Unis et la
Vous a-t-il demandé de l’aider pour une
Suisse. »
éventuelle vente de l’OM ?
« Quel est votre travail aujourd’hui ?
Absolument pas.
Je travaille pour une société, Heritage Partners, dont je suis
Le 14 février, vous vous êtes affiché sur votre
aussi actionnaire. Elle est basée à Dubaï, où je vis avec ma
compte Twitter avec une bouteille de pastis de
famille et mes cinq enfants depuis six ans. Dubaï est une
Marseille et vous écriviez : “Le soir de la Saintplate-forme très importante, pas nécessairement pour
Valentin mon cœur battra pour l’OM.’’ Vous avez
trouver des investisseurs, mais pour voyager entre l’Asie,
fait ça alors que votre nom était déjà sorti
l’Afrique, l’Europe…
dans la presse…
Quelle est l’activité d’Heritage
Comme le Milan AC, en Italie, l’OM est le
Partners ?
seul club en France que j’aime. J’ai toujours
« VENDRE
La société a pour but d’aider des grandes
aimé l’OM, j’ai adoré ce qui avait été fait par
UN CLUB
familles à investir ou à vendre leurs
Bernard Tapie, puis par Robert LouisCOMME L’OM OU
sociétés. Nous sommes des gérants de
Dreyfus. J’aime le club, la ville, ses
LE MILAN AC,
fortune, essentiellement pour une clientèle
supporters.
C’EST TRÈS
établie aux Émirats ainsi qu’en Asie. On
Peut-être, mais il n’y avait rien
DIFFICILE »
accompagne des gens qui voudraient se
développer en Europe et diversifier leur
d’innocent dans vos tweets…
Il y avait un peu de communication, mais de
patrimoine.
Votre société est-elle richissime ?
manière tout à fait innocente. Je ne pensais pas que ça
Pas du tout. C’est une petite structure.
allait avoir autant d’effet. De plus, ce soir-là, j’étais avec mon
Quel est votre rapport au foot ?
ami marseillais décédé tout récemment, imaginez-vous. C’est
Je vais être très franc : mon rapport au foot est vraiment né il
lui qui m’avait dit : “Allez, on se prend un apéritif.’’ Il s’appelait
y a quatre ans quand j’ai été approché par un groupe
Paul-Éric, un grand supporter de l’OM.
d’anciens footballeurs, dont Fabio Cannavaro, pour organiser
Margarita Louis-Dreyfus va-t-elle vendre l’OM ?
des matches pour des légendes du foot. Je les ai aidés à
Déjà, elle a eu une force incroyable et un courage exemplaire
trouver le financement pour monter cette structure, qui
pour continuer après le décès de son mari. Je ne pense pas
s’appelle GLS (Global Legends Series). Le foot me plaît, mais
qu’elle veuille nécessairement vendre, elle est plus à la
je n’ai jamais été un passionné. Je me suis pris au jeu quand
recherche de partenaires. L’idéal aurait été qu’un de ses
enfants reprenne le club. Mais Kyril a dix-huit ans. Il est un
j’ai commencé à fréquenter les joueurs, quand j’ai vu les
besoins des clubs et la possibilité de faire entrer certains de
peu jeune pour ça.
mes amis et investisseurs dans le monde du foot plutôt que
Quel a été votre rôle dans la tentative de rachat
dans des secteurs d’activité traditionnels. Mon rapport au foot ces derniers mois du Milan AC par l’homme
est aujourd’hui encore assez détaché. Et j’ai un gros
d’affaires thaïlandais Bee Taechaubol ?
Les négociations ne sont pas terminées. C’est une opération
qui prend beaucoup de temps. Un jour, à Bangkok, au cours
d’un repas avec Fabio Cannavaro, Bee Taechaubol me fait part
de son intention de racheter un club italien. Je lui dis de
s’orienter vers le Milan AC, à la recherche d’un investisseur. Je
lui ai organisé un dîner avec Silvio Berlusconi dans sa villa
d’Arcore (près de Milan), le 21 décembre 2014. Je l’ai
accompagné dans ses rencontres avec Berlusconi, je facilitais
un peu les choses, notamment comme traducteur.
Intervenez-vous toujours dans ce dossier ?
Non, car je n’étais pas d’accord sur l’attitude et la façon de
faire de certains autour de la table des négociations. Je me
suis retiré. Depuis, monsieur Bee est devenu partenaire d’une
de mes sociétés. On est très proches.
Entre les négociations autour du Milan et cette
possible vente de l’OM, qu’avez-vous retiré
comme enseignements ?
Vu de l’extérieur, ce sont deux clubs très semblables. Avec
une histoire magnifique, une passion, une stature, et des
réactions épidermiques des supporters. Il y a une âme et une
rage chez les fans des deux camps. Et il y a exactement les
mêmes problèmes au niveau des entraîneurs et des
propriétaires.
Est-ce compliqué de racheter un club comme
ceux-là ?
Vendre un club comme l’OM ou le Milan AC, c’est très difficile.
Les propriétaires y sont très attachés. Pour Berlusconi, vendre
le Milan, ce serait comme se séparer d’un de ses fils.
Berlusconi est l’homme qui m’a le plus inspiré. Il m’a
magnétisé. Au début des années 90, j’ai travaillé chez
Publitalia, la régie publicitaire de ses chaînes de télé et
médias.
Que répondez-vous à ceux qui pensent que vous
êtes là uniquement pour vous faire de la pub ?
Je préférerais qu’il n’y ait pas du tout d’article sur moi. La
publicité est méritée quand les négociations aboutissent. Et il
n’y a pas que de la bonne publicité. J’ai reçu des menaces de
mort sur Twitter et des insultes envers ma famille. » n
FF _ MARDI 12 AVRIL 2016 _
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