Les mouvements anormaux (322)

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Les mouvements anormaux (322)
Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble
Les mouvements anormaux (322)
Professeur Paul KRACK
Mai 2004 (Mise à jour juillet 2005)
Objectifs :
Savoir décrire et reconnaître les mouvements anormaux les plus fréquents:
tremblements, chorée, myoclonies, tics, dystonie (crampe de l'écrivain, torticolis
spasmodique, blépharospasme).
Connaître les principaux médicaments susceptibles d'induire des mouvements
involontaires
Démarche diagnostique et thérapeutique devant les mouvements anormaux fréquents
(dystonie, tremblement) ainsi que devant les formes rares mais pour lesquelles on
dispose d’un traitement d’une efficacité spectaculaire (p.ex. dystonie dopa-sensitive) ou
celles pour lesquels la précocité du diagnostic est primordial (dystonie tardive, Maladie de
Wilson). En raison des implications du conseil génétique la chorée de Huntington doit être
distinguée des autres causes de chorées.
Pré-requis :
Pharmacologie anticholinergiques, tétrabénazine, neuroleptiques, clozapine, toxine
botulique, levodopa, baclofène, barbituriques (primidone).
Mots-clés :
Tremblement, chorée, myoclonie, tic, dystonie, blépharospasme, torticolis, dysphonie,
crampe de l’écrivain, chorée de Huntington, maladie de Wilson, dystonie tardive.
Références :
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Site de We Move, site internet didactique, grand publique et professionnel sur
les mouvements anormaux (en anglais) : http://www.wemove.org/
Site d’enseignement en Neurologie du Collège des enseignants en Neurologie
« Campus de Neurologie » : http://www.uvp5.univ-paris5.fr/campusneurologie/
Liens :
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Site de We Move, site internet didactique, grand publique et professionnel sur
les mouvements anormaux (en anglais) : http://www.wemove.org/
Site d’enseignement en Neurologie du Collège des enseignants en Neurologie
« Campus de Neurologie » : http://www.uvp5.univ-paris5.fr/campusneurologie/
Exercices :
1. Introduction
Les mouvements involontaires ou mouvements anormaux ou dyskinésies correspondent à un
trouble de la programmation et/ou de l'exécution du mouvement. Ils ne sont peu ou pas
contrôlés par la volonté et surviennent en l'absence de paralysie. Les différents types de
mouvements involontaires correspondent aux définitions suivantes.
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Tremblement : C'est le plus commun des mouvements anormaux involontaires. Les
mouvements du tremblement sont de nature oscillatoire et résultent d'une série de contractions
alternatives rythmiques de muscles antagonistes.
Chorée : Mouvement anormal arythmique, brusque, rapide (plus rapide que le mouvement
dystonique et plus lent que la myoclonie), aléatoire, touchant des territoires variés, survenant
sur un fond d'hypotonie. Quand elle touche les racines des membres et présente une grande
amplitude on parle de ballisme. La chorée est habituellement augmentée par l'action
Dystonie : Contractions musculaires involontaires prolongée, à l’origine de mouvements
répétitifs de torsion (plus lents que dans la chorée), et/ou de prise de postures anormales. On
distingue les formes focales (crampe de l’écrivain, torticolis spasmodique, blépharospasme,
dysphonie spasmodique), segmentaires (crânio-cervicales ou cervico-brachiales) ou
généralisées.
Les myoclonies : Sont des secousses musculaires très brèves (« en éclair »), focales,
segmentaires ou généralisées, rythmiques ou non. Elles peuvent être de nature épileptique.
L'astérixis est défini par une relaxation musculaire brève suivie par un mouvement passif
contre la pesanteur (myoclonie négative), p.ex. chutes brèves irrégulières des doigts ou du
poignet, lors du maintien de la position main tendue pouvant ressembler à un tremblement
irrégulier. L’astérixis est observé au cours des encéphalopathies hépatiques ou autres
(intoxication au lithium).
Les tics : Sont des mouvements habituellement brefs et soudains mais stéréotypés et
coordonnés, ce qui leur donne un aspect de " caricature de geste naturel ". Ils sont
accompagnés d'une sensation interne de besoin de bouger. Ils peuvent être imités de façon
volontaire (et de ce fait être mimés pour le médecin) et contrôlés par la volonté pendant
quelques minutes au prix d'une tension interne croissante et de phénomènes de rebond. Ils
peuvent ne toucher que quelques muscles (tics simples) ou être plus complexes avec
vocalisations comme dans la maladie de Gilles de la Tourette où existent aussi des troubles
obsessionnels compulsifs.
Le texte suivant sera limité aux mouvements anormaux qui sont les plus fréquents, pour
lesquels on dispose d’un traitement efficace ou pour lesquels un diagnostic précoce est
primordial.
2. Les tremblements
Le tremblement est la résultante de mouvements oscillatoires rythmiques au niveau d'une
articulation. La sémiologie du tremblement est importante pour son interprétation étiologique
(tremblement parkinsonien de repos, tremblement cérébelleux d’action majoré à l’approche
d’une cible…). Le tremblement de repos est défini par sa présence au repos complet (s’assurer
que le patient est bien décontracté et qu’il n’y a aucune contraction musculaire) et sa
disparition lors du mouvement ou du moins une diminution d’amplitude en début de
mouvement. En effet un tremblement de repos sévère peut persister lors de l’action ou
réapparaître lors d’une posture. La présence d’un tremblement de repos fait classer le
tremblement comme tremblement parkinsonien. Le tremblement d’action est examiné lors
de différentes tâches: posture du serment (met en évidence le tremblement distal), posture du
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bretteur (met en évidence le tremblement proximal), à l’approche d’une cible (manœuvres
doigt-nez et talon-genou), lors de l’écriture, le dessin d’une spirale, en versant un verre d’eau.
Un tremblement d’action qui s’aggrave à l’approche d’une cible (tremblement d’intention) est
un signe cérébelleux.
2.1. Le tremblement parkinsonien
Le tremblement de repos est synonyme de tremblement parkinsonien. Il s’accompagne en
général d’une rigidité et d’une akinésie qu’il faut rechercher. La présence d’une roue dentée
traduit le tremblement et n’est pas à interpréter comme signe de rigidité.
La maladie de Parkinson débute très souvent de façon insidieuse par un tremblement de repos
d'une main à type d'émiettement de 4 à 6 Hz. Le tremblement est maximal au repos, diminué
au cours du mouvement et disparaît durant le sommeil. Il est augmenté par les émotions et la
fatigue. Il peut toucher les 4 membres, éventuellement la mâchoire mais il épargne le chef (à
la différence du tremblement essentiel). Le tremblement de repos asymétrique en l’absence de
tout signe d’atypie est un argument fort en faveur d’une maladie de Parkinson idiopathique.
Un tremblement symétrique doit faire évoquer une prise de neuroleptiques ou de
neuroleptiques «cachés» (p.ex. antiémétiques type métoclopramide), d’inhibiteurs calciques
de type flunarizine, de valproate….
Le tremblement parkinsonien répond aux traitements anticholinergiques, dopaminergiques et
à la clozapine. La clozapine est le seul neuroleptique atypique à avoir l’AMM pour une
psychose chez un parkinsonien, car il n’aggrave pas le syndrome parkinsonien. La clozapine a
un effet antitrémorique spécifique et permet en plus d’augmenter le traitement
dopaminergique. La clozapine n’a cependant pas d’AMM pour l’effet antitrémorique seul. La
stimulation cérébrale profonde du Vim (thalamus) et du noyau subthalamique sont très
efficaces sur le tremblement parkinsonien. La stimulation du noyau subthalamique a
l’avantage d’avoir un effet triple antitrémorique, antiakinétique et antirigidité.
2.2. Le tremblement physiologique
Il est physiologique d’avoir un tremblement fin et rapide des doigts. Certains facteurs
favorisent ce tremblement physiologique : l'anxiété, le stress, la fatigue musculaire, le sevrage
alcoolique, certains toxiques (café, nicotine), les corticoïdes, les béta-stimulants, un surdosage
en hormones thyroïdiennes, la thyrotoxicose...
Le traitement du tremblement physiologique invalidant dépend de sa cause. Les tremblements
de la thyrotoxicose et du sevrage alcoolique répondent au traitement étiologique. En cas
d'anxiété chronique, les anxiolytiques sont efficaces notamment les benzodiazépines en aigu
mais le risque d'accoutumance doit être prévenu. Les antidépresseurs sont efficaces sans poser
de problème de tolérance ou de dépendance. L’amitiptyline qui peut majorer le tremblement
physiologique est à éviter. Le propranolol est efficace dans le traitement du tremblement
physiologique exagéré.
2.3. Le tremblement essentiel
C’est la cause la plus fréquente de tremblement, son origine est inconnue. Il existe des
antécédents familiaux dans plus de la moitié des cas et la concordance dépasse 90% chez des
jumeaux monozygotes âgés de plus de 70 ans. Il survient en général chez le sujet âgé
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(«tremblement sénile») mais il peut commencer dès l’enfance pour progresser lentement au fil
des décennies.
Le tremblement affecte les membres supérieurs de façon bilatérale mais parfois asymétrique.
Il est présent dans la posture (serment, bretteur) et il est majoré par certaines tâches comme
l’écriture, le dessin d’une spirale, le remplissage d’un verre... Il est majoré par le stress. Il
peut toucher le chef et la voix (chevrotante), plus rarement les membres inférieurs. L'examen
neurologique est, en dehors du tremblement, strictement normal (en particulier aucun signe
akinéto-rigide associé, une roue dentée traduit le tremblement et non pas une rigidité).
Souvent, il est calmé par une prise d'alcool (50%).
Le diagnostic différentiel entre une maladie de Parkinson en début de maladie et un
tremblement essentiel peut être difficile et repose sur les critères suivants:
Maladie de Parkinson
Tremblement au repos, disparaît ou
diminue en amplitude lors de l’action
Ecriture plutôt micrographique que
tremblée
Distribution hémicorporelle ou
asymétrique
Peut toucher la mâchoire, le menton, la
langue, respecte la tête et le chef
Le plus souvent sporadique
Evolution en années
Effet atténuateur de la L-dopa
Tremblement essentiel
Tremblement d’action, absent au repos
Tremblement à l’écriture (absence de
micrographie), lors du dessin d’une spirale, en
buvant
Tremblement relativement symétrique des deux
membres supérieurs
Peut toucher le chef et la voix
Souvent familial
Evolution en décennies
Effet atténuateur de l’alcool
L'évolution est lentement progressive mais, lorsqu'il devient intense, le tremblement essentiel
peut être une source de handicap social et fonctionnel majeur. Les bétabloquants comme le
propanolol (40-320 mg) ou les barbituriques (primidone 250 mg) permettent de le contrôler
lorsqu'il n'est pas trop intense. Devant la persistance d’un handicap important, un traitement
neurochirurgical (stimulation thalamique, noyau Vim) peut être discuté.
2.4. Le tremblement cérébelleux
L'atteinte du cervelet ou du pédoncule cérébelleux supérieur (lésion vasculaire, sclérose en
plaques, maladies neurodégénératives touchant le cervelet, maladie de Wilson, etc.) provoque
un syndrome cérébelleux dont fait partie le tremblement. Il s’agit d’un tremblement d’action
qui s’aggrave à l’approche d’une cible (tremblement intentionnel) et qui peut aussi être
présent lors des postures. La "titubation" est une oscillation de la tête et du corps, elle
représente une forme de tremblement d'attitude apparaissant lors d'un passage en
orthostatisme et disparaissant en décubitus. Le traitement du tremblement cérébelleux est
extrêmement difficile car il répond peu ou pas aux traitements médicamenteux. La stimulation
thalamique peut constituer une solution mais moins efficace que dans le tremblement essentiel
ou parkinsonien.
3. Les dystonies
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La dystonie est définie cliniquement par la survenue de contractions musculaires involontaires
ayant un caractère soutenu, à l’origine de mouvements répétitifs de torsion, et/ou de prise de
postures anormales. L’électromyogramme montre une co-contraction pathologique du couple
agoniste/antagoniste alors que physiologiquement une contraction d’un agoniste entraîne une
inhibition de son antagoniste. Il existe une perte de la sélectivité du mouvement («overflow»).
3.1. Sous l’appellation de dystonie primaire
On regroupe les dystonies qui surviennent de façon isolée et pour lesquelles la recherche
d’une étiologie autre que génétique est négative. Les dystonies primaires peuvent être classées
en deux groupes en fonction de l’âge de début, avec une limite fixée à 26 ans (tableau). Les
formes étendues ou généralisées débutent volontiers dans l’enfance. Les formes focales
(crampe de l’écrivain, torticolis spasmodique, blépharospasme) et segmentaires (crâniocervicales ou cervico-brachiales) intéressent majoritairement l’âge adulte.
Tableau : Classification de la dystonie primaire en fonction de l’âge
Age habituel de début
Topographie de
l’atteinte initiale
Evolution
Histoire familiale
Traitement
Début avant 26 ans
6-12 ans
Membres
Début après 26 ans
Après 40 ans
Craniocervicale
Possible généralisation progressive
de la dystonie
Fréquente
Possible extension aux
segments voisins
Rare
Médicamenteux, stimulation
cérébrale profonde
Toxine botulique
Traitement de la dystonie primaire :
Les anticholinergiques
Le trihexyphenidyle peut être introduit très progressivement, en débutant par 1 mg/jour et en
augmentant progressivement d’ un mg par semaine jusqu’au seuil des effets secondaires
anticholinergiques dose-dépendants. Si à cette dose l’effet est bénéfique, le traitement est
maintenu, sinon il est progressivement arrêté.
La toxine botulique : ce traitement spécifique, ciblant les muscles hyperactifs lors des
mouvements dystoniques, a largement remplacé la dénervation chirurgicale définitive. Son
action repose sur une chémo-dénervation neuromusculaire transitoire (d’une durée de 3 mois
environ). La toxine botulique est un traitement de choix dans les dystonies focales et son
efficacité a été démontrée de façon rigoureuse dans plusieurs indications (dystonie cervicale,
blépharospasme, dystonie oromandibulaire). Son efficacité est moins bonne pour la crampe
des écrivains. La toxine botulique A est largement utilisée. Récemment, la toxine botulique B
a obtenu une AMM pour les cas de résistances primaires ou secondaires à la toxine A.
Taux de réussite dans les différentes formes de Dystonie :
Blépharospasme ………………………. 90 à 95 %
Dystonie cervicale (torticolis) ………… 90 % pour la douleur, 70 % pour la réduction du
mouvement
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Dysphonie spasmodique (corde vocale) 70 à 85 %
Dystonie de la mâchoire (fermeture) ... 60 à 80 %
Dystonie de la mâchoire (ouverture) … 40 à 50 %
Crampe de l’écrivain ………………….. 15 - 20 %
La stimulation cérébrale profonde du globus pallidus interne (GPi) représente un traitement
efficace de la dystonie généralisée idiopathique. Ce traitement chirurgical ne doit pas être trop
retardé, pour éviter l’installation de déformations articulaires secondaires fixes
(cyphoscoliose, pied bot,…).
3.2. Les dystonies secondaires
Sont souvent dues à des lésions des ganglions de la base ou du thalamus. Une hémidystonie
est toujours symptomatique et l’imagerie cérébrale montre en général une lésion. L’étiologie
la plus fréquente de la dystonie secondaire est l’anoxie, souvent périnatale. Le traitement par
anticholinergiques et par toxine botulique suit les mêmes principes que pour les dystonies
primaires. L’indication de stimulation pallidale peut se discuter, mais les résultats sont plus
mitigés que pour la dystonie primaire.
3.3. Dystonies induites par des neuroleptiques
On distingue notamment 4 types de mouvements anormaux (dyskinésies) induits par des
neuroleptiques :
• la dystonie aiguë
• les dyskinésies tardives classiques (dyskinésies choréiformes ou stéréotypées de
localisation surtout périorale)
• la dystonie tardive
• le tremblement tardif.
Les mouvements anormaux sont plus fréquents sous neuroleptiques «incisifs »
antipsychotiques (p.ex. halopéridol) que sous neuroleptiques sédatifs (p.ex. thioridazine) et
augmentent avec la durée d’exposition. Cependant la variabilité intra-individuelle est très
grande et certains sujets développent des dyskinésies tardives après une période très brève
d’exposition, même sous neuroleptiques sédatifs, traduisant probablement une susceptibilité
liée à un dysfonctionnement latent des ganglions de la base. Parmi les neuroleptiques
antipsychotiques, certains sont dits « atypiques » (rispéridone, olanzapine) parce qu’ils
induisent moins de dyskinésies tardives, avec une efficacité antipsychotique équivalente. Tout
neuroleptique (neuroleptiques cachés comme la métoclopramide!) peut induire une dystonie
aiguë ou tardive, à l’exception notable de la clozapine (malgré son activité antipsychotique
supérieure à l’halopéridol !!).
La dystonie aiguë est une dystonie focale (crises oculogyres, blépharospasme, dystonie
oromandibulaire, retrocollis, dysphonie), rarement généralisée (surtout chez l’enfant), de
survenue précoce dès les premières doses de neuroleptique, et rapidement réversible à la
baisse du dosage ou à l’arrêt du neuroleptique.
La dystonie tardive est une dystonie apparaissant sous traitement ou pendant les deux
premiers mois suivant l’interruption d’un traitement neuroleptique. Elle peut survenir à tout
âge et s’installe typiquement après plusieurs années de traitement mais la latence varie de 3
jours !!! à plus d’une décennie. En général le début est lentement progressif sur plusieurs
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mois ou plusieurs années. Elle commence par une dystonie focale touchant le plus souvent la
face ou le cou. Une dystonie axiale (face, cou, tronc) se développe dans 85% des cas. Plus les
malades sont jeunes, plus la dystonie a tendance à se généraliser. On peut voir une
amélioration transitoire après augmentation du dosage ou une aggravation transitoire après
réduction du dosage. Cela ne doit pas inciter à augmenter le dosage car la dystonie devient en
général très invalidante et risque de devenir irréversible. Les rémissions sont rares et peuvent
survenir après des années d’arrêt d’exposition à tout neuroleptique. Elles sont plus fréquentes
si l’exposition a été plus brève. Des rémissions transitoires peuvent être suivies d’une
dystonie irréversible à la reprise du traitement. Il est important de retenir que la
reconnaissance précoce d’une dystonie et l’arrêt précoce du neuroleptique peuvent
permettre une rémission. La tétrabénazine (ATU) est bénéfique chez 68% et les
anticholinergiques chez 39% des malades (à la différence des dyskinésies tardives périorales
souvent aggravés par un traitement anticholinergique). Cependant, l’amélioration sous ces
médicaments n’est que partielle et les effets secondaires limitent souvent leur utilisation. Il
n‘y a pas lieu d’associer des anticholinergiques en chronique à un traitement neuroleptique en
prévention de mouvements anormaux tardifs car on risque de masquer l’apparition d’une
dystonie tardive et d’en aggraver le pronostic.
La tétrabénazine est un dépléteur synaptique de la dopamine qui présente l’avantage vis-à vis
des neuroleptiques (antagonistes du récepteur de la dopamine) de ne pas provoquer de
dystonie tardive. Mais son utilisation est néanmoins difficile, car elle peut entraîner un
syndrome parkinsonien et une dépression dose dépendants (rapidement réversibles à l’arrêt du
traitement, mais nécessitant une surveillance étroite).
La clozapine dans la dystonie tardive n’aggrave pas la dystonie et permet grâce à sa bonne
activité antipsychotique de prévenir les risques de récidive en évitant toute exposition
ultérieure à d’autres neuroleptiques. Devant une indication de traitement antipsychotique la
clozapine permet même des rémissions sous traitement.
3.4. La dystonie dopa-sensitive est caractérisée par
•
•
•
Un début dans l’enfance, en général aux membres inférieurs ;
Des fluctuations diurnes (aggravation au fil de la journée, bénéfice du sommeil) ;
Une réponse spectaculaire et prolongée de la dopathérapie à faible dose (en l’absence
de complications motrices).
A un stade avancé l’apparition d’un syndrome parkinsonien est possible.
Il s’agit d’une maladie rare. Deux mutations ont été décrites touchant le métabolisme de la
tyrosine hydroxylase qui intervient dans la synthèse de la dopamine. Un trouble du
métabolisme de cette enzyme entraîne une déplétion striatale de dopamine mais la capacité de
stockage est préservée, d’où une pharmacocinétique de la L-dopa très différente de celle des
parkinsoniens.
Même s’il s’agit d’une maladie rare, l’efficacité du traitement requiert un essai de traitement
probatoire devant toute dystonie commençant dans l’enfance, débutant aux extrémités ou
présentant des fluctuations diurnes.
4. La maladie de Huntington
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Il s'agit d'une maladie autosomique dominante (10/100 000) à l'origine d'un tableau clinique
associant chorée et démence. Le gène anormal est situé au niveau du chromosome 4
(l'anomalie est une augmentation du nombre de répétitions CAG au sein de ce gène). Il s'agit
d'un gène codant pour une protéine appelée Huntingtin dont la fonction est encore inconnue.
La pénétrance de cette maladie est totale, le risque de transmission chez les enfants d'un
parent atteint est de 50%. Les lésions touchent le striatum mais aussi secondairement
l'ensemble du cortex cérébral.
Le début est généralement insidieux. Les premiers symptômes apparaissent entre l'âge de 30
et 50 ans dans 80% des cas, mais il existe des formes juvéniles (<10%) et tardives (10%). Les
trois signes cardinaux sont les troubles psychiatriques et comportementaux, la chorée et la
démence. Chacun de ces signes peut révéler la maladie. La durée moyenne de la maladie est
d'environ 15 ans en trois étapes d'environ 5 ans: apparition de signes insidieux psychiatriques
et/ou choréiques, handicap moteur et cognitif progressif puis grabatisation avec apparition
d'un syndrome parkinsonien. La variabilité interindividuelle est cependant importante. Plus la
maladie commence tôt plus elle est sévère (nombre élevé de CAG) et peut constituer au
maximum une forme infantile souvent akinéto-rigide. Les signes cognitifs (troubles
attentionnels, dysexécutifs) se présentent initialement par une modification de la personnalité
et du comportement (irritabilité, disinhibition, violence, conduites addictives). Leur analyse
montre qu'ils traduisent un dysfonctionnement frontal débutant. Les signes psychiatriques
peuvent mimer tout type de pathologie psychiatrique, les dépressions (suicides) sont
fréquentes. La chorée peut être un signe de début.
Le diagnostic ne pose généralement pas de difficulté lorsque le tableau clinique est
caractéristique et qu'il existe des antécédents familiaux. Ces derniers sont souvent cachés ou
remplacés par des pathologies plus vagues (dépression, parkinson). Les formes d'allure
sporadique sont en général des formes tardives (dites séniles) ou avec une histoire familiale
non-informative (décès précoce d'un parent, non-paternité).
Le diagnostic génétique est possible. Il doit se faire après consentement éclairé sur les
conséquences personnelles et familiales chez le sujet symptomatique et avec prudence sur les
conséquences psychologiques d'une telle annonce. Le diagnostic chez des patients
asymptomatiques pose de difficiles problèmes éthiques, il doit être effectué dans des centres
spécialisés par une équipe multidisciplinaire selon un protocole bien défini de plusieurs mois.
Le diagnostic prénatal (interruption médicale de grossesse) est envisageable quand le parent
atteint ou à risque connaît son statut génétique et selon les conditions imposées par la loi.
Diagnostic différentiel :
• La chorée de Sydenham. Elle se rencontre dans les suites d'une affection
streptococcique mais des syndromes proches sont observés dans la suite d'autres
affections dont la preuve microbiologique n'est pas toujours faite.
• Les chorées gravidiques et les chorées provoquées par la contraception (souvent
associées au lupus ou aux antiphospholipides).
• Les chorées dans la thyrotoxicose, le lupus érythémateux disséminé et le syndrome
des anticorps anti-phospholipides.
Traitement :
Il n'existe pas de traitement étiologique dans cette affection. La chorée est améliorée de façon
symptomatique par l'utilisation de neuroleptiques (dont l'indication doit être pesée en raison
des effets indésirables en particulier cognitifs). Les troubles comportementaux et
psychiatriques sont corrigés par des traitements spécifiques (benzodiazépines, neuroleptiques,
antidépresseurs, carbamazépine). Les mesures d'accompagnement et la prise en charge
multidisciplinaire sont importantes.
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5. La maladie de Wilson (dégénérescence hépatolenticulaire)
La maladie de Wilson est une affection autosomique récessive rare du métabolisme du cuivre,
à l'origine d'une accumulation de ce métal dans l'organisme (foie, système nerveux central et
cornée principalement). La symptomatologie de la maladie de Wilson associe des troubles
neuropsychiatriques, des signes hépatiques, et l'anneau péricornéen (de Kayser-Fleischer).
L’atteinte hépato-splénique peut être isolée, d'intensité variable. Elle est constante dans les
formes neurologiques. Les signes neurologiques sont cognitifs, psychiatriques,
extrapyramidaux (dystonie, syndrome akinéto-rigide, tremblement de repos) et cérébelleux
(tremblement d’intention, dysarthrie, ataxie). Les troubles psychiques peuvent apparaître les
premiers, se présentant sous forme de modifications du caractère, de syndromes dépressifs, ou
d’états psychotiques. L'anneau brun-verdâtre péricornéen de Kayser-Fleischer caractérise
l'atteinte oculaire.
Le diagnostic est évoqué systématiquement chez un enfant, un homme ou une femme jeune
(moins de 40 ans, le début des symptômes neurologiques au delà de 40 ans étant rarissime)
présentant un ou plusieurs des signes précédemment décrits. Le diagnostic est confirmé par :
• la notion d'antécédents familiaux ;
• la démonstration d'une accumulation du cuivre : péri-cornéenne (examen à la lampe de
fente) constamment retrouvée dans les formes neurologiques, ou hépatique (dosages
quantitatifs sur la ponction-biopsie dans les formes pré-cliniques) ;
• la triade biologique qui associe une hypocoeruloplasminémie, une hypocuprémie
(diminution du cuivre total, le cuivre libre non lié à la coeruloplasmine pouvant être
augmenté), une hypercuprurie des 24 heures (qui peut constituer la seule traduction de
la maladie dans les formes pré cliniques) ;
• les données de l'IRM montrant des hyper signaux T2 au niveau des ganglions de la
base ou noyaux lenticulaires (d’où le nom de la maladie) et de la substance blanche
(voies efférentes du cervelet et du cortex cérébral).
Le métabolisme du cuivre est perturbé. Le cuivre alimentaire est normalement absorbé.
L'anomalie de base est congénitale, de siège hépatobiliaire, caractérisée par une diminution de
la synthèse de la coeruloplasmine et de la capacité d'excrétion du cuivre par la voie biliaire
(voie fondamentale de l'élimination cuprique). La conséquence est une accumulation
progressive du cuivre, d'abord exclusivement dans le foie puis dans les autres tissus, une fois
les capacités de rétention hépatiques saturées
Non traitée, la maladie évolue constamment vers le décès. Les signes hépatiques se
manifestent en général plus précocement que les troubles neurologiques et peuvent évoluer
indépendamment. L'aggravation neurologique peut se faire plus ou moins rapidement pour
aboutir à un état grabataire, à côté de formes subaiguës rapidement mortelles. Sous traitement
précoce, les formes neurologiques évoluent en général favorablement, parfois très lentement
avec la possibilité d'une guérison clinique presque totale, la diminution des hypersignaux sur
l’IRM cérébrale, et la disparition de l'anneau péricornéen. Toutefois, une évolution
rapidement fatale, souvent nullement influencée par le traitement, peut s'observer malgré une
bonne réponse biologique. En cas de cirrhose compliquée, le pronostic reste sombre et peut
faire discuter une transplantation hépatique. Le dépistage de tout wilsonien nécessite une
enquête familiale pour rechercher dans la fratrie d'autres membres porteurs de formes
symptomatiques ou encore asymptomatiques, les sujets reconnus porteurs de l'anomalie
génétique pouvant bénéficier d'un traitement préventif très efficace.
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Le traitement repose essentiellement sur la D-pénicillamine, puissant chélateur du cuivre, qui
se combine au cuivre ionique et forme un complexe non toxique éliminé par voie rénale. Il
s’associe à un régime alimentaire pauvre en cuivre. En association ou en cas d'intolérance à la
D-pénicillamine, d'autres chélateurs (triéthylène tétramine,) ou un traitement par sulfate de
zinc (mécanismes compétitifs) sont disponibles.
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