La jeune femme et la perle

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La jeune femme et la perle
Touamel
La jeune femme et la perle
Publié sur Scribay le 30/06/2016
La jeune femme et la perle
À propos du texte
Il était une fois une jeune femme solitaire, elle n'avait pas d'amis et vivait comme une
sauvageonne dans une petite maison de pêcheurs sur une lande bretonne. Chaque
matin, elle parcourait une crique de sable fin à la rencontre de la mer, sa seule amie.
En retour, l'océan lui fit un jour cadeau d'une perle d'une blancheur et d'une
grosseur inestimable. Mais, la perle avait un secret, elle était un miroir magique,
reflétant les secrets que la jeune femme préférait se cacher à elle même. Ce court
texte est un conte sur le temps qui passe et sur la solitude.
Licence
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La jeune femme et la perle
La jeune femme et la perle
Une jeune femme solitaire vivait au bord de la mer. Elle aimait se promener le matin
sur un chemin côtier qui la menait le long des falaises jusqu'à une petite crique
encerclée de pins maritimes. Elle descendait alors un escalier en pierre pour
rejoindre la plage. En été, elle plongeait dans les eaux froides puis restait longtemps
assise sur le sable à contempler le scintillement des vagues sous le soleil. L'hiver,
elle restait longtemps debout à regarder l'horizon. En toute saison, elle aimait se
mettre pieds nus et sautiller sur les traces d'écume laissées par la mer tout en
cherchant des coquillages.
Un matin, alors qu'elle suivait les sinueux chemins de sel laissés par la mer, ses yeux
furent attirés par quelque chose d'un blanc lumineux qui brillait à ses pieds entre
deux traces d'écume. Elle se pencha et réalisa que c'était une perle, d'une rondeur
parfaite et d'un beau blanc argenté. Très étonnée, elle la pris dans sa main sentant
sous ses doigts la froideur lisse de la nacre. Elle jeta un coup d’œil vers la mer qui
était étrangement calme et se mit à farfouiller entre les rochers et sous les algues à
la recherche de l’huître mère de la perle mais elle ne trouva rien. Elle ferma la main
sur le joyau salé et remonta en courant l'escalier pour rentrer chez elle tout en
serrant la perle fortement au creux de ses doigts. Une fois chez elle, elle ouvrit la
main et la jolie bille nacrée était toujours là au creux de sa paume. Elle la caressa et
eu l'impression que la perle réagissait en se fardant d'une douce couleur rose.
Elle s'assit alors sur une chaise faisant face à la fenêtre du salon et se mit à rêvasser
en examinant la perle dans la lumière du matin. Comme elle était belle et lumineuse.
Mais, d’où venait-elle ? Avait-elle pendu au cou d'une belle princesse tahitienne
avant de s'échapper dans la mer ? Venait-elle juste de s'extraire d'une huître
centenaire ou bien avait-elle passé des siècles à se faire ballotter de vagues en
vagues ?
La jeune femme pensa alors à apporter la perle chez un bijoutier pour la faire
évaluer et la vendre. Vu sa taille et sa couleur elle pourrait rapporter gros. Avec
l'argent, la jeune femme pourrait enfin quitter sa petite crique et découvrir le monde.
Elle saisit alors la perle entre ses deux doigts et l’éleva vers son visage pour mieux la
voir et cette dernière se mit à miroiter dans la lumière. Éblouie, elle baissa les yeux.
La perle semblait lui répondre, elle regarda de nouveau et vit un visage se dessiner
sur la nacre. Fascinée par cette apparition soudaine elle comprit alors que c'était elle
qui se reflétait ainsi avec ses doux yeux noirs de 25 ans, ses cheveux blonds et sa
petite bouche rose. Elle caressa la surface polie et doucement le visage s'estompa.
La jeune femme comprit que la perle lui avait été offerte par la mer et qu'elle ne
devrait jamais s'en séparer.
Elle déposa alors la perle dans une vieille boite à bijoux qui lui restait de son enfance
qu'elle rangea sous son lit et reprit sa vie solitaire avec ses grandes promenades en
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La jeune femme et la perle
bord de mer, les baignades en été dans sa crique préférée et les marches sur le sable
en hiver. Elle continua ses courses pieds nus entre les vagues, les yeux fixés au sol
mais jamais elle ne retrouva un autre cadeau des vagues. Au retour de sa
promenade, elle allait toujours récupérer sa boite à bijoux pour regarder sa
trouvaille. Comme elle l'avait fait la première fois, elle élevait la perle dans la
lumière et infailliblement son jeune visage apparaissait miroitant dans le soleil du
matin. Elle caressait alors la perle et doucement son image disparaissait dans une
douce pâleur ivoire.
Le temps passa lentement comme un voilier naviguant sur une mer d'été et la jeune
femme continua sa vie dans la même solitude ponctuée par ses promenades et ses
courses sur les plages. Chaque matin, elle se mirait dans sa perle sans se rendre
compte que de fines rides commençaient à apparaître autour de ses yeux et un beau
jour ce fut un visage de vieille femme à la bouche dure et pincée et à la peau plissée
comme une vieux parchemin qui se refléta sur la perle. La jeune femme poussa un cri
de terreur puis courut vers le miroir de sa salle de bain et pour plonger dans son
reflet un regard épouvanté. Elle fut soulagée : la femme qui la regardait dans le
miroir n'était pas la vieille femme de la perle mais une version plus jeune, les plis de
la bouche était bien là cependant ainsi que le regard triste. Retournant dans son
salon, elle porta de nouveau la perle à son visage et l'image qui lui fut renvoyée était
encore plus terrible. Deux yeux noirs d'une tristesse infinie la fixaient intensément.
Ce visage vieilli par le temps était à la fois elle et à la fois une autre, quelqu'un de
triste et perdu, quelqu'un qui n'avait ni croyance ni espoir, une vieille femme inutile
au bord de la mort. Les yeux perdus dans ceux du reflet, elle parla à sa perle :
« Perle mon amie, mon cadeau des vagues, toi qui depuis maintenant des années
m'accueille et m'enchante pourquoi me torturer ainsi, pourquoi ce visage si cruel et
amère ? Ce n'est pas moi ce visage. Qui est-ce ? Qui est cette vieille femme ? » La
blancheur de la perle se troubla et l'image de la vieille femme triste réapparut sur la
nacre.
Alors, la jeune femme comprit que la perle l'avertissait de ce qui l’attendait si elle
restait ainsi isolée loin du monde. Cette vieille sorcière, c'était elle. Pendant
longtemps elle avait cru qu'elle était cette belle princesse choisie par la perle pour sa
beauté et son indépendance et maintenant son amie des mers lui prédisait un avenir
affreux . Prise de terreur, elle ne pensa plus qu'à se venger de ce bijou magique qui
la connaissait si bien au point de lui révéler les secrets qu'elle préférait se cacher à
elle même.
Elle courut vers la crique où la perle l'avait choisie autrefois et une fois descendue
sur le sable elle jeta la perle au loin dans la mer. La perle toucha les flots dans un
bruit mat. Une légère brume s'éleva alors de la mer. Plissant les yeux et ressentant
une grande tristesse, elle essaya de distinguer l'endroit où sa perle avait disparu
entre les flots. Elle discerna alors une barque qui se dirigeait vers elle avec à son
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La jeune femme et la perle
bord un marin au cheveux d'ébène et à la peau de nacre. La barque s'échoua à ses
pieds, l'homme en descendit et la prenant par la main, la ramena chez elle.
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