La Polynésie dans l`œil du cyclone

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La Polynésie dans l`œil du cyclone
26 MARS 10
Hebdomadaire Paris
OJD : 4821
Surface approx. (cm²) : 1139
N° de page : 18-20
1 RUE EUGENE ET ARMAND PEUGEOT
92500 RUEIL MALMAISON - 01 76 73 30 00
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Pacifique
La Polynésie
dans l'œil du cyclone
•~FRÉQUENTATION EN BERNE, HÔTELS EN DIFFICULTÉ... LE TERRITOIRE FRANÇAIS DU PACIFIQUE
BOIT LA TASSE DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES. POUR RELANCER LA DEMANDE, PROMOTIONS,
MAIS AUSSI DIVERSIFICATION DE L'OFFRE ET FORMATION DES VENDEURS SONT À L'ORDRE DU JOUR.
D
epuis quèlques semaines, Thérapie de
couples ensoleille les
écrans de dnéma. La
comédie américaine,
tournée à Bora Bora, met en valeur
les beautés de l'île. Un coup de
projecteur bienvenu pour la Polynésie qui aurait bien besoin, elle
aussi, d'une thérapie. Car l'an dernier, le territoire français a accueilli 160500 touristes, soit une
chute de 18,3% par rapport à
2008, qui affichait déjà un recul de
10%. Les plus optimistes se rassurent en rappelant que le creux
de la vague - lorsque la dégringolade atteignait 26% en mai est passé. Malgré tout, il s'agit de
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la plus mauvaise performance depuis des lustres, bien loin de celle
des années 1990, lorsque Corsairfly, AGM et Air France volaient
vers les îles du Pacifique. La fréquentation dépassait alors Les
250000 visiteurs annuels. Une
barre qui fait désormais figure
d'objectif inatteignable.
Cumul de handicaps
Comme un malheur n'arrive jamais seul, l'archipel a dû faire
face au passage du cyclone Oli
fin février. Pontons arrachés, toits
éventrés, plages balayées par Les
vents... l'image de la destination
a souffert un peu plus. «Fm mars,
tout sera revenu dans ['ordre, avec
la réouverture du Bora Bora Lagoon Resort, l'un des établissements les plus touchés. L'hôtellene
sera alors opérationnelle à 100%»,
rassure Bernard Bousquet, directeur de Tahiti Tourisme à Paris.
Dans le détail, le marché français semble mieux se porter que
les autres, avec un recul de «seulement» 7,4% l'an dernier. De
telle sorte qu'il taquine désormais le marché américain, touche de plein fouet par la crise
(voir infographie ci-contre). Mais
cette résistance de l'Hexagone
est à considérer avec précaution,
car les chiffres incluent le tourisme affinitaire. Certes, ces
clients consomment eux aussi des
prestations sur place, mais dans
des proportions moindres que les
«vrais» touristes français, environ 25000, et notamment Les
couples en voyages de noces, qui
constituent de 35% à 40% des
Les Français talonnent
lesAmérkains en 2009
(farts (k marché en pourcentage)
Eléments de recherche : POLYNESIE FRANÇAISE : archipel de l'Océan Pacifique, uniquement le tourisme, loisirs, bien être, culture, sport et
développement durable, passages significatifs
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La fréquentation s'écroule
Les TO résistent
Catriona Dempster, chef de produits Polynésie chez Kuoni
«Un panachage entre hôtels de luxe et pensions de famille»
Visiteurs monde
visiteurs. Chez les TO, les résultats sont d'ailleurs nuancés (voir
témoignages ci-contre). «Nous
cumulons les handicaps, à contrecourant des tendances de consommation en période de crise, lorsque
les clients voyagent moins loin et
moins longtemps. Or, la Polynésie est par nature un voyage long
et cher, et s'adapte peu aux ventes
de dernières minutes », rappelle
Bernard Bousquet.
Le risque? Que cet accident
conjoncturel se transforme en
Lame de fond structurelle. Avec
à la clé de graves difficultés
pour les professionnels locaux
du tourisme, la première ressource des îles devant La culture des perles. D'autant qu'à
Papeete, tous pointent du doigt
d'autres réalités. À commencer
par l'incessant ballet des gouvernements. «Nous en sommes à
six depuis mai 2007. C'est forcément pénalisant pour mettre
en place une politique sur le long
terme», regrette le directeur
d'un hôtel, qui préfère garder
l'anonymat. Dernière décision
en date : le remerciement de
Dany Panero, la directrice générale de Tahiti Tourisme, qui
œuvrait depuis huit ans et symbolisait la stabilité face aux incessants changements politiques. Elle fait les frais des
mauvais résultats, mais aussi
sans doute de la dernière campagne d'image «Invest in your
love», vivement critiquée sur
place quand beaucoup auraient
préféré mettre en avant les prix.
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Autre difficulté : une certaine
«nonchalance» du territoire,
agréable vue de l'extérieur mais
qui constitue un frein sur place.
« Les hôtels ne suffisent pas à satisfaire les visiteurs. ll faudrait
une vie plus active à Papeete, des
animations. Les commerçants sont
fermés le samedi à partir de
14 heures», regrette Laurent Garrido, directeur général de l'hôtel
Hilton de Papeete. Son établissement est dans l'œil du cyclone.
Propriété de Louis Wane, qui possède également les deux autres
Hilton de Polynésie et des hypermarchés Carrefour, il fermera ses
portes le 31 mars. Pour sauver
ses établissements de Moorea et
Bora Bora, Louis Wane abandonne
celui de Papeete, dont le taux de
remplissage a chuté de 15 points
en deux ans, aux environs de
40%. D'autres ont déjà mis la clé
sous La porte l'an dernier, comme
Le Club Med de Bora Bora. Et ce,
alors même que l'offre continuait
à se développer, notamment à
Bora Bora où Intercontinental,
le St. Régis et le Four Seasons ont
ouvert il y a trois ans.
Des recettes hôtelières en
baisse de 25% en moyenne
Pour autant, avec 48 hôtels classes en Polynésie, soit 3 380
chambres, auxquelles il faut
ajouter 156 structures familiales
et pensions, Bernard Bousquet,
directeur de Tahiti Tourisme en
France, refuse de parler de surcapacité. Lin nouvel établissement est même annonce en
« Nous avons fait voyager 400 personnes l'an dernier en Polynésie,
comme en 2008, avec un panier moyen d'environ 54oo€ Les couples
en voyages de noces représentent 20% de nos clients Nous avons
ajoute des pensions de famille a notre offre afin d afficher des prix
d'appel plus intéressants Cela correspond aussi a une demande des
clients, dè plus en plus nombreux à vouloir séjourner dans un palace
a Bora Bora et qui font des economies sur les autres îles C'est aussi
une bonne solution pour decouvrir la culture polynésienne Concernant
les premiers mois de 2010, nous sommes en croissance de 20%
Les promotions se poursuivent, ce qui devrait doper le marché »
Didier Sylvestre, directeur commercial d'Exotismes
« Une forte réactivité aux promotions »
« Lannee 2009 a ete bonne, avec 2 840 clients, contre 2 374 en 2008
La croissance en chiffre d'affaires est encore plus conséquente, environ
30%, avec un panier moyen a 2 & 5 o € Cette performance est liee a notre
positionnement clair qui permet une bonne lisibilité de notre offre
Nous avons par ailleurs développe depuis deux ans une technologie
qui permet aux agences de vendre facilement des packages Autre
initiative payante la fin du cahier des prix en brochure, remplace
par des tarifs sur Internet et de nombreux flyers, ce qui nous a permis
d'être tres réactifs pour mettre en marche les promotions Nous avons
des objectifs raisonnables de croissance en 2010 »
Christian Roberts, chef de produits de Jet tours by Austral Lagons
« L'arrivée d'une clientèle opportuniste »
« Nous ne communiquons pas de chiffres précis maîs nous avons
enregistre une petite baisse l'an dernier, autour de 3000 pax Les
couples en voyages de noces constituent 70% de notre clientele,
maîs l'on constate une hausse sensible des clients opportunistes, qui
profitent des forfaits a petits prix que nous développons depuis 2009,
dans l'esprit Thomas Cook La Polynesie reste compliquée a vendre, il
nous faut aller chercher les clients en développant ces packages Et ce,
tout en conservant notre profil d'ultraspecialiste, a travers une offre de
voyages a la carte et des thématiques autour du golf ou de la plongee »
2012 à Tetiaroa, L'ancienne île
de Marion Brando.
Le Hilton de Papeete sera-t-il la
première victime de La crise? Les
autres établissements sont à
peine mieux lotis, avec une
baisse moyenne des recettes qui
frôlerait 25% en 2009. Car pour
limiter Les dégâts, ils ont cassé
les prix. À l'image du Pearl Beach
de Moorea qui a baissé ses tarifs de 10% et a ajouté La demipension gratuite au prix de la
chambre. Résultat : les promotions fleurissent depuis des mois
chez Les TO. Comme cette offre à
1980€ pour découvrir trois îles
en 10j/7n dans Les hôtels Hilton, commercialisée en début
d'année par Austral Lagons.
« Nous avons pris des engagements fermes sur les sièges
d'avion pour cette promotion. Elle
a séduit plus de 200 clients», se
félicite Christian Roberts, chef
de produits. «Nous avons aussi
développé des offres famille car
certaines chaînes, telles que Le
Méridien, Pearl Resorts ou Intercontinental, proposent désormais
des gratuités pour les moins de
15 ans. Seul point faible : pas
ou peu de miniclubs dans les hôtels», ajoute-t-il. La tendance
devrait se poursuivre cette année, avec pour corollaire de cette
avalanche de promotions une
concentration de la clientèle à
Tahiti, Moorea et Bora Bora, au
détriment notamment des îles
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des Tuamotu. Un phénomène encore accentué par la fermeture
de L'hôtel Kia Ora de Rangiroa
pour rénovation, L'une des
adresses phares des Tuamotu.
Ces tarifs plus accessibles ont
également été rendus possibles
par des combinés mélangeant
hôtel de Luxe et pension de famille, jusqu'à présent chasse gardée de spécialistes comme Fare
Voyages. Sans oublier le développement de combinés incluant
liers. Et certains flirtent dangereusement avec La Ligne rouge.
La croisière s'enfonce
«Les hôtels
ne suffisent pas à
satisfaire les visiteurs.
Il faudrait une vie
plus active à Papeete,
des animations»
Laurent Garrido,
Dg de l'hôtel Hilton de Papeete
la demi-pension ou la pension
complète, d'autant plus apprécies que Les extras sur place sont
chers. «Nous innovons cette année avec une formule en pension
complète, incluant les boissons
pendant les repas», confirme Sophie Bessou, directrice des ventes
et du marketing des trois Hilton
polynésiens. Reste que ces prix
bradés, associés à la baisse de
La fréquentation qui n'a pas été
enrayée, ne sont pas sans conséquence sur les marges des hôte-
De son côté, La croisière boit carrément La tasse. En 2009, Le
nombre de croisienstes en Polynésie a plongé de 30,5%, à 30256
pax. Les compagnies désertent les
unes après les autres L'archipel et
les paquebots n'y font plus que
des escales ponctuelles. À commencer par le Tahitian Princess
de P&O, qui a quitte La Polynesie
en décembre 2008, après cinq ans
de fidélité. La faute à une demande trop faible, mais aussi à
« des taxes portuaires qui découragent nombre d'armateurs»,
considère un professionnel Local. Star Clippers, après un galop d'essai de deux ans avec Le
Star Flyer, a décidé à son tour de
jeter l'éponge, tandis que L'un des
deux bateaux de Bora Bora Cruises
est immobilisé depuis des mois.
Dans ce contexte sinistré, l'éclaircie s'appelle Paul Gauguin. Après
des mois d'incertitudes, Le paquebot emblématique a été racheté
par le groupe Local Pacific Beachcomber, propriétaire des hôtels
Intercontinental. Il reste donc en
Polynésie, au grand soulagement
des hôteliers qui profitent des
post-tours des 332 passagers
chaque semaine. Autres sources
de satisfaction : Le mythique cargo
mixte Aranui qui navigue vers les
Marquises - même si les volumes
sont sans commune mesure -, et
10 ooofpar mois de cadeaux!
Pour inciter les agences a vendre le territoire,
Tahiti Tourisme a casse sa tirelire avec le
\ 280
programme «Challenge Tahiti», lance en juin
dernier Le principe est simple chaque vendeur
(certifieTiare ou non) pe ut s'inscrire sur
wwwchallengetahiticom Ils sont 500 a ce jour et il n'est pas
trop tard puisqu'il est possible d'y enregistrer ses réservations rétroactivement,
le challenge courant jusqu'en mai 2010 Chaque mois les 22 agents ayant
envoyé le plus de touristes en Polynesie se partagent ioooo€ en cheques
cadeaux, ioo€ pour le moins bon, i soo€ pour le meilleur ' Et afin de se
motiver, ils peuvent consulter en permanence sur Internet leur position dans
le classement Lin challenge annuel (avec une voiture et un scooter a gagner)
complète le dispositif et recompense le cumul des meilleures ventes
Ce volet annuel ne sera pas reconduit dans la prochaine edition, maîs
a la place la dotation mensuelle sera encore augmentée!
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3 questions à
Jean-Marc Hastings,
directeur France et Europe d'Air Tahiti Nui
Quel est le rôle d'Air Tahiti Nui ?
La compagnies une mission-difficile a remplir-d'animateur du marché
Nous devons ajuster notre offre a la saisonnalité car nous demeurons un outil
de developpement economique au service du territoire, contrairement a
Air France qui vole de maniere uniforme toute lannee Nous organisons
aussi beaucoup d'eductours avec l'office de tourisme et les TO
Quel est le bilan de la compagnie en 2009?
Nos pertes, qui atteignaient 8 % du CA en 2008 en grande partie à cause de la
flambée du petrole,ont ete ramenées a 2 % Nous espérons un retour a l'équilibre
en 2010 La compagnie a ete recapitalisée par ses actionnaires, notamment le
territoire polynésien qui en détient 80% Surtout, elle a taille dans son reseau Les
lignes de Newyork et Sydney, qui avaient ouvert en 2005, ont ferme début 2009
Et en France?
La baisse du chiffre d'affaires a ete limitée a 5 % aux alentours de 35 M€
pour 27000 pax, du fait notamment d'une legere dégradation de la recette liee
aux promotions Un tiers du remplissage est assure par les TO Nous avons ajuste
le programme en affinant la saisonnalité en basse et moyenne saison Nous
proposions auparavant de 5 a 7 vols par semaine depuis Paris Nous n'en
avons désormais plus que trois de novembre afinmars En complement,
nous avons signe un accord de partage de code avec Air France Nous avons
également base un avion a Roissy depuis cet hiver afin de developper une
activite de vols affrètes pour les TO
Le développement des croisières
en catamaran, avec ou sans skipper, et du yachting de luxe.
Dans ce contexte difficile. Tahiti
Tourisme retrousse ses manches.
«Les hôtels ne sont pas plus chers
qu'à Maurice ou aux Seychelles. Ce
gui fait la différence, c'est uniquement le prix du billet d'avion, car
nous sommes bien plus loin, et la
durée de séjour est forcément plus
longue, à 13,7 jours en moyenne
Avec les efforts consentis par les
hôteliers, jamais la destination n'a
été aussi attractive», rappelle Bernard Bousquet. Il pane sur la campagne de publicité actuelle, axée
cette fois ci sur les prix, pour assurer la relance. Il compte également sur les agences de voyages,
à travers des éductours mais aussi
le programme de certification Tiaré
en cours de refonte, avec une nouvelle plate-forme Internet et
l'amélioration du programme de
e-learning. 300 vendeurs sont aujourd'hui certifiés dans toute la
France. Sans oublier l'incentive
baptisé «Challenge Tourisme» (voir
encadré). Lin programme d'autant
plus nécessaire que les TO reconnaissent unanimement que La
Polynésie est une destination difficile à vendre. Et les éductours
- une semaine au minimum - ne
se remplissent pas facilement,
même si l'archipel fait rêver. «Cest
bin et le produit semble technique
vu de métropole, car c'est un
voyage itinérant qui combine différents éléments. hôtels, transferts,
prestations annexes», reconnaît
Didier Sylvestre, directeur commercial d'Exotismes.
Malgré tout, Les voyagistes comme
l'office de tourisme espèrent une
reprise dans les prochains mois.
Depuis novembre, on note
d'ailleurs une inversion de tendance sur le marché français,
même s'il convient d'être prudent.
Parce que le rebond est faible et,
surtout, rapporté à des chiffres
très mauvais fin 2008 et début
2009. Par ailleurs, le cyclone de
février est venu refroidir les espoirs. Tous regardent désormais
vers le ciel en attendant un événement susceptible de doper les
ventes de l'été : une éclipse de
soleil le ll juillet, qui sera totale
dans les Tuamotu. L'éclaircie viendra-t-elle de cette obscurité passagère ? •
Nicolas Langis
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