Vers le bac - Chapitre 19

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Vers le bac - Chapitre 19
VERS LE BAC
Explication d’un document d’histoire
Discussion d’un texte de loi : l’IVG 1975
CONSIGNE
Après avoir présenté le texte, vous montrerez en quoi la loi pour légaliser l’IVG est un pas supplémentaire
vers l’émancipation des femmes
Projet de loi autorisant, dans certaines conditions, l’interruption volontaire de grossesse (26 novembre 1974)
Parce que la situation actuelle est mauvaise. Je dirai même
qu’elle est déplorable et dramatique. Elle est mauvaise
parce que la loi est ouvertement bafouée, pire même ridiculisée. [...] Lorsque les médecins, dans leurs cabinets, enfreignent la loi et le font connaître publiquement, lorsque les
parquets, avant de poursuivre, sont invités à en référer
dans chaque cas au ministère de la Justice, lorsque les
services sociaux d’organismes publics fournissent à des
femmes en détresse les renseignements susceptibles de
faciliter une interruption de grossesse, lorsque, aux mêmes
fins, sont organisés ouvertement et même par charter des
voyages à l’étranger, alors je dis que nous sommes dans
une situation de désordre et d’anarchie qui ne peut plus
continuer. Mais, me direz-vous, pourquoi avoir laissé la
situation se dégrader ainsi et pourquoi la tolérer ? Pourquoi ne pas faire respecter la loi ? Parce que si des médecins, si des personnels sociaux, si même un certain nombre
de citoyens participent à ces actions illégales, c’est bien
qu’ils s’y sentent contraints ; en opposition, parfois, avec
MÉTHODE
1. Comprendre la consigne
2. Identifier le document
3. Analyser le document
en fonction du sujet
4. Répondre à la consigne
leurs convictions personnelles, ils se trouvent confrontés à des situations de fait qu’ils ne peuvent méconnaître.
Parce qu’en face d’une femme décidée à interrompre sa
grossesse, ils savent qu’en refusant leur conseil et leur
soutien, ils la rejettent dans la solitude et l’angoisse d’un
acte perpétré dans les pires conditions, qui risque de la
laisser mutilée à jamais. Ils savent que la même femme,
si elle a de l’argent, si elle sait s’informer, se rendra dans
un pays voisin ou même en France, dans certaines cliniques et pourra, sans encourir aucun risque ni aucune
pénalité, mettre fin à sa grossesse. Et ces femmes, ce ne
sont pas nécessairement les plus immorales ou les plus
inconscientes. Elles sont 300 000 chaque année. Ce sont
celles que nous côtoyons chaque jour et dont nous ignorons la plupart du temps la détresse et les drames. C’est
à ce désordre qu’il faut mettre fin. C’est cette injustice
qu’il convient de faire cesser.
Journal officiel, « Débats parlementaires », 27 novembre 1974
Projet défendu par Simone Veil, ministre de la Santé.
PISTES DE MISE EN ŒUVRE
Il s’agit, à travers un texte de loi, de montrer la poursuite de l’émancipation des femmes,
notamment par la maîtrise de leur fécondité.
Extrait des débats parlementaires lorsque Madame Simone Veil, ministre de la Santé
du gouvernement Chirac, défend le projet de loi pour l’interruption volontaire de grossesse à l’Assemblée nationale. C’est au tout début du mandat du président de la République Valéry Giscard d’Estaing, qui en fait un texte emblématique de sa volonté
de moderniser la France. Il a aussi abaissé la majorité à 18 ans.
Le débat fait état de la situation en France en 1974. L’IVG est interdite mais pratiquée régulièrement dans l’illégalité par des praticiens qui risquent leur poste ou dans
la sphère privée. On note des inégalités. Celles qui en ont les moyens peuvent aller
pratiquer une IVG dans des pays frontaliers comme l’Espagne ou le Royaume-Uni où
celle-ci est légale. Mais son coût exclut toute une partie de la population. C’est la raison pour laquelle une loi doit être faite pour régulariser la situation et rétablir l’égalité.
Après ce travail préparatoire, vous reprenez les points 1. et 2. afin de présenter le document puis vous répondez à la consigne avec les éléments de l’analyse et vos connaissances (Cours) « Montrer en quoi la loi pour légaliser l’IVG est un pas supplémentaire
vers l’émancipation des femmes. »
L’émancipation des femmes concerne deux domaines : la vie politique – combat mené depuis
la fin du xixe siècle et qui a abouti au droit de vote des femmes en 1944 – et la sphère privée.
Dans ce cadre, la maîtrise de la fécondité est un combat majeur pour libérer les femmes.
Les premiers pas sont franchis en 1967 avec la légalisation de la contraception orale. Une loi
sur la légalisation de l’avortement devient nécessaire pour que les femmes puissent réellement choisir leur maternité et donc leur vie, au foyer, avec ou sans travail à l’extérieur.
Le MLF avait commencé à lancer le débat pour la libération sexuelle des femmes. Il faut
attendre 1982 pour que l’IVG soit remboursée.
Chapitre 19
La place des femmes dans la vie politique et sociale en France au XXe siècle
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VERS LE BAC
Composition
SUJET
L’émancipation politique et sociale
des femmes en France au xxe siècle
I. Analyser le sujet
Cette phase du travail permet de préparer et de rédiger l’introduction de la composition.
Définir le terme : action
de se libérer, de devenir
indépendant.
Prendre en compte
la diversité des femmes
(éducation, milieu, etc.).
Caractériser
la spécificité
de la France pour
ce sujet.
L’ÉMANCIPATION POLITIQUE ET SOCIALE DES FEMMES EN FRANCE AU XXe SIECLE
Identifier le champ du sujet
Droits politiques,
accès à la vie et
aux responsabilités
politiques
Libertés individuelles
et collectives dans
le cadre de la famille,
du travail, etc.
Identifier les moments
de rupture : 1944 Æ droit
de vote ; 1974 Æ loi Veil.
II. Élaborer une problématique
Il s’agit de poser les bonnes questions sur le sujet auquel vous répondez au cours du devoir.
L’ÉMANCIPATION POLITIQUE ET SOCIALE DES FEMMES EN FRANCE AU XXe SIECLE
Quels sont les moyens, les réalités et les limites de l’émancipation des femmes
françaises au xxe siècle ?
III. Construire un plan
Quel type de plan ?
Le sujet est à traiter sur une période longue. Il faut donc
dégager une évolution, des changements, des ruptures.
Comment déterminer les ruptures
chronologiques ?
Partez des dates clés pour le sujet.
Caractérisez les périodes entre ces dates.
Choix d’un plan chronologique
1944-1945 : droit de vote des femmes
1955-1965 : lois sur l’émancipation juridique
1967-1974 : loi Neuwirth, loi Veil
2000 : loi sur la parité
1. 1900-1945 : l’émancipation passe par la conquête des droits
politiques
2. 1945-années 1980 : l’émancipation juridique et sociale
3. Fin du xxe siècle : un nouveau combat, la parité
IV. Mobiliser des connaissances et rédiger (cf. page ci-contre)
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MÉTHODE
PISTES POUR TRAITER LE SUJET
Exemple pour la première partie de la composition
I. 1900-1945 : l’émancipation politique
Qui ? Des acteurs individuels et collectifs : mouvements suffragistes et féministes,
Hubertine Auclert, Louise Weiss. Le CNR et le Gouvernement provisoire en 1944.
Quand ? Les mouvements suffragistes sont actifs dès la fin du xixe siècle et se renforcent aux cours des années 1920-1930.
Où ? En France (en retard par rapport aux autres pays européens).
Pourquoi ? Le droit de vote pour des femmes se heurte à l’opposition du Sénat.
Comment ? Par des manifestations, l’occupation des bureaux de vote, des congrès, etc.
1. Pour chaque partie du plan,
se poser des questions clés
Qui ? Quand ? Où ? Pourquoi ? Comment ?
(cf. Fiche méthode chap. 3)
II. 1900-1945 : l’émancipation politique
a. Jusqu’en 1944, la lutte des mouvements suffragistes pour le vote des femmes est un échec.
b. En 1944, dans le contexte de la Résistance, le droit de vote devient une réalité.
c. Mais l’accès au vote ne permet pas l’intégration au monde politique.
a. Jusqu’en 1944, la lutte des mouvements suffragistes pour le vote des femmes est un échec.
– Action d’Hubertine Auclert dès la fin du xixe siècle, occupation de bureaux de vote,
manifestations, congrès.
– 1914-1918 : les femmes remplacent les hommes partis au front dans les usines.
– 1920 : rejet par le Sénat d’un débat sur le vote féminin.
– Mouvement suffragiste de Louise Weiss dans les années 1930.
– Renforcement de l’opposition au vote féminin dans les années 1930 et sous le régime de Vichy.
2. Organiser chaque partie en deux
ou trois idées
3. Développer chaque idée en
s’appuyant sur des exemples précis
4. Rédiger en utilisant les notions,
les dates et les acteurs importants
III. Jusqu’en 1945, l’émancipation des femmes en France passe par le combat pour
le droit de vote
a. Celui-ci commence dès la fin du xixe siècle, avec des militantes comme Hubertine
Auclert qui manifestent, organisent des associations, des congrès et actions d’éclat
(occupation de bureaux de vote). Mais leur engagement reste sans succès malgré la
participation importante des femmes à l’effort de guerre en 1914-1918 : le Sénat rejette
tout débat sur le vote féminin en 1920. Dans les années 1930, les mouvements suffragistes se font plus virulents autour de Louise Weiss. Ils se heurtent au contexte défavorable de la crise économique puis à l’idéologie du régime de Vichy.
AUTRES SUJETS POSSIBLES
– Les Françaises et la conquête du monde politique au xxe siècle
– L’émancipation des femmes dans la société française au xxe siècle
VERS LA TERMINALE
Une question en débat
La Grande Guerre a-t-elle fait progresser l’émancipation des femmes ?
La mémoire collective […] retient volontiers l’idée d’une Grande Guerre émancipatrice
pour les femmes. […] En montrant que la guerre n’est pas seulement une entreprise masculine, qu’elle mobilise les femmes à des tâches impliquant compétence et responsabilité, qu’elle les engage dans des combats politiques et qu’elle est souvent suivie dans les
démocraties occidentales d’un accès aux droits politiques, les premiers travaux de l’histoire
des femmes (années 1960 et 1970) […] ont souvent conclu au rôle de ferment de l’émancipation des femmes. Puis des historiennes ont souligné […] le caractère soit provisoire,
soit superficiel, soit relatif des changements induits par les conflits. […] La guerre paraît
plutôt conservatrice, voire régressive, en matière de rapports entre les sexes. À leur tour,
les travaux les plus récents infléchissent les interprétations. Ils opposent de nouveau les
années 1920, où se brouillent les identités sexuelles et s’affirment des images positives de
Garçonnes et de lesbiennes, aux crispations des années 1930 ; ils minorent l’impact des
guerres dans un mouvement continu d’émancipation fondé sur l’amélioration du niveau
de vie et le développement généralisé de l’individualisme […]. Les nuances rapprochent
cependant ces points de vue qui mettent aujourd’hui en avant la difficulté de conclure
de manière univoque, l’importance de l’échelle d’observation (l’individu, le groupe, la
collectivité) et de la chronologie observée (court, moyen ou long terme), l’incidence de
l’angle d’approche (social, culturel, juridique…) et plus encore le poids des différences
entre femmes : différences de classe, d’âge, d’appartenance nationale, de lieu de résidence.
Françoise Thébaud, historienne, www.cheminsdememoire.gouv.fr
Chapitre 19
pour ALLER
plus LOIN
Films : Y aura-t-il de la neige à
Noël ?, Sandrine Veysset, 1996.
Livre : Virginia Woolf, Une chambre
à soi, 1929.
Visite virtuelle : http://musea.
univ-angers.fr/
La place des femmes dans la vie politique et sociale en France au XXe siècle
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