1887 affaire des decorations

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1887 affaire des decorations
1887
AFFAIRE DES DECORATIONS
C’est par les journaux du 8 octobre 1887 que le pays apprenait ces
étonnantes nouvelles. Les bruits les plus divers couraient les salles de
rédactions : le trafic de la Légion d’honneur.
Le général comte d’Andlau, allait s’enfuir en Amérique sous la
menace d’un mandat d’amener. Le gendre du président de la République,
Daniel Wilson, député d’Indre et Loire, allait être à son tour compromis,
inculpé, accusé et condamné, entrainant dans sa honte son beau-père,
Jules Grévy, acculé à la démission.
Le préfet de police Gragnon allait être révoqué puis inculpé en
même temps que Goron, chef de la Sûreté. Le juge d’instruction Vigneau
allait être relevé de ses fonctions et déféré devant la Cour de Cassation,
siégeant disciplinairement.
Une dizaine de jours avant l’arrestation du général Caffarel, le 27
septembre, un certain Bouillon, détective privé, demande une audience à
M. Gragnon :
« Je sais de source absolument sûre, qu’une dame Limousin,
trafique de la Légion d’honneur. Je viens vous demander de faire votre
devoir en mettant fin à ce commerce. Je tiens d’ailleurs à vous avertir que
si vous estimiez ne pas pouvoir donner suite à cette dénonciation,…, je
m’adresserais à la presse. »
Le préfet se trouve obligé d’agir, mais au lieu de transmettre au
parquet la dénonciation de Bouillon, il fait jouer l’article 10 du code
d’instruction criminelle ; cet article, permet aux préfets, en cas d’urgence,
d’agir exactement comme un juge d’instruction sans le concours de
l’autorité judiciaire.
Extraits de :- La Revue hebdomadaire : romans, histoire, voyages. 1935-07
- Doré, George. La diminution du blanchissage des caleçons de M. Jules Grévy, président de la
République et de M. Daniel Wilson, député (Indre-et-Loire) / par George Doré. 1887../Gallica-BNF
1887
AFFAIRE DES DECORATIONS
Le préfet convoque donc Goron et lui demandait conseil. Celui-ci
suggérait de faire avec éclat la preuve du trafic reproché à la dame
Limousin et imaginait un plan de campagne.
Il s’agissait de transformer un de ses inspecteurs en candidat à la
Légion d’honneur et de l’envoyer acheter la croix chez la suspecte.
L’inspecteur Lardiesse se présente aussitôt chez Mme Limousin :
« Mon nom est Langlois, je suis négociant en soieries à SaintEtienne. Je sais madame, que vous avez des amis puissants et je viens
vous demander votre protection pour être nommé chevalier de la Légion
d’honneur. Permettez-moi d’ajouter, madame, que j’ai une grande fortune
et que je saurais le service que vous m’aurez rendu…»
« … Je serais très heureuse de vous être utile car vous m’êtes très
sympathique. Voulez-vous m’accompagner cet après-midi au ministère de
la Guerre où je vous présenterai au général Caffarel, un de mes bons
amis. »
Prétextant une journée chargée, il proposa de remettre la visite au
surlendemain ; ce qui fut convenu. Quittant l’avenue Wagram, le « cher
monsieur Langlois » allait rendre compte de sa mission à son chef.
Le 29 septembre, il était fidèle au rendez-vous, mais un fiacre dans
lequel se trouvaient deux policiers suivait de près. Ils furent stupéfaits de
constater
que
Mme
Limousin
et
son
« client »
étaient
reçus
instantanément par le général.
« J’ai été prévenu de votre visite… Je sais pourquoi vous êtes venu
me voir. Faites une demande. Je vous promets de l’appuyer de toute mon
influence. »
Quand Lardiesse et ses camarades rentraient à la préfecture, un
grand conseil de guerre avait lieu dans le cabinet du préfet.
Extraits de :- La Revue hebdomadaire : romans, histoire, voyages. 1935-07
- Doré, George. La diminution du blanchissage des caleçons de M. Jules Grévy, président de la
République et de M. Daniel Wilson, député (Indre-et-Loire) / par George Doré. 1887../Gallica-BNF
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Le 4 octobre le préfet remettait un rapport détaillé au président du
Conseil. Puis il lui demandait l’autorisation de se rendre à Turin. Avant de
partir, le préfet allait également rendre visite au général Ferron, ministre
de la Guerre, afin de lui faire part de son voyage en Italie :
« Vous ne pensez pas que ma présence soit nécessaire à Paris à
cause de cette affaire Caffarel ? »
« Partez tranquillement l’affaire sera réglée administrativement.. ; »
L’intention du gouvernement était donc de ne pas laisser cette
affaire devenir publique. Mais le 7 octobre, le journal « le XIXe Siècle »
publiait un article intitulé « le scandale du ministère de la Guerre » dans
lequel étaient cités les noms de Caffarel, Mme Limousin et d’Andlau. Il
devenait dès lors impossible d’étouffer le scandale dans l’œuf.
Dès le 8 octobre, les éditions spéciales succédaient aux éditions
spéciales et l’affaire des décorations prenait de plus en plus d’ampleur.
Mme Limousin était arrêtée dans la soirée du 8 et la police devait
effectuer plusieurs charges afin de la soustraire à la fureur populaire.
Avant d’être arrêtée, Mme Limousin eu le temps de confier aux
journalistes qu’elle était en relation avec Daniel Wilson, gendre du
président de la République. Le général Caffarel avait quant à lui, fait des
aveux complets.
Des
manifestants
assiégeaient
l’Elysée
et
la
Chambre
que
défendaient la police et la troupe. Des coups de révolvers éclataient çà et
là. Des charges de cavalerie, sabres au clair, étaient nécessaires pour
dégager la place de la Concorde. Il y avait des blessés.
Il y eut plusieurs condamnations dont le principal acteur de l’affaire
Daniel Wilson ; après plusieurs non lieu, il était condamné à deux ans de
prison, puis acquitté en appel.
Jules Grévy dut démissionner et mourut de chagrin en 1891.
Extraits de :- La Revue hebdomadaire : romans, histoire, voyages. 1935-07
- Doré, George. La diminution du blanchissage des caleçons de M. Jules Grévy, président de la
République et de M. Daniel Wilson, député (Indre-et-Loire) / par George Doré. 1887../Gallica-BNF
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AFFAIRE DES DECORATIONS
L’anecdote serait incomplète si on n’y insérait celle-ci qui met en
scène Mme Grévy. Récit du garçon blanchisseur à George Doré.
Dans la lingerie.
Le garçon blanchisseur apporte un gros paquet de linge lavé.
Mme Grévy arrive dans la salle :
« Monsieur,
veuillez
dire
à
votre
patron
qu’à
l’avenir il
ait
l’obligeance de me faire une diminution sur le blanchissage des caleçons
de Daniel mon gendre. Toutes les semaines, Jules, mon mari met au
blanchissage un seul caleçon, et mon gendre en met deux, par conséquent
ils sont moins sales ; c’est pour cette raison que je prie votre patron de
diminuer sur ces objets. »
On prend vingt centimes pour blanchir un caleçon ; la diminution en
question était d’un sou par caleçon.
« Le Président de la république touche un million deux cent mille
francs par an payés par tous les travailleurs, et cette somme ne suffit
pas ; il faut encore que madame Grévy ait la rapacité de tondre sur le
blanchissage.
Ah ! les pauvres blanchisseurs marchandés pour blanchir au rabais
les caleçons du Président de la République. »
Extraits de :- La Revue hebdomadaire : romans, histoire, voyages. 1935-07
- Doré, George. La diminution du blanchissage des caleçons de M. Jules Grévy, président de la
République et de M. Daniel Wilson, député (Indre-et-Loire) / par George Doré. 1887../Gallica-BNF