Le travail avec les bras : nouvelles consignes PDSB

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Le travail avec les bras : nouvelles consignes PDSB
DÉPLACEMENT DE BÉNÉFICIAIRES
Le travail avec les bras :
nouvelles consignes PDSB !
n 2006, l’ASSTSAS a commandé des mesures biomécaniques au Département
de kinanthropologie de l’UQAM pour
vérifier l’impact de différents types de prises
sur les muscles des bras, du haut et du bas du
dos lors du déplacement d’un client au lit à
l’aide d’un piqué. L’étude a été réalisée en
deux parties1 : lors des remontées à la tête du
lit et lors de tests d’effort avec piqués et gants.
Les résultats amènent l’ASSTSAS à modifier certaines informations pour toutes les manœuvres où les cahiers PDSB actuels indiquent des prises avec les « bras tendus ».
Les nouvelles consignes consistent à « plier
un peu les coudes, conserver ou augmenter la
flexion du coude en tirant sur le piqué et, en
même temps, effectuer un transfert de poids
avant/arrière ou un contrepoids ».
E
Rose-Ange Proteau
asstsas
Anne Chalvarat
Étudiante, maîtrise en ergonomie
Université du Québec à Montréal (UQAM)
Denis Marchand
Professeur-chercheur
UQAM
La formation Principes pour le
déplacement sécuritaire des bénéficiaires (PDSB) de l’ASSTSAS
revoit certaines manœuvres. En
effet, à la suite d’une étude biomécanique, les prises avec les
« bras tendus » font place à de
nouvelles consignes. Une capsule
de formation PDSB est disponible
sur le site de l’ASSTSAS.
1. Dispositif pour détecter le déplacement des
omoplates et électrodes de surface pour l’EMG.
28 – OBJECTIF PRÉVENTION – VOL. 30, NO 5, 2007
REMONTÉE À LA TÊTE DU LIT
La première partie de l’étude a évalué, par
électromyographie (EMG), les niveaux de contraction musculaire obtenus lors de la remontée du client à la tête du lit. Ces manœuvres
ont été réalisées à deux soignants-sujets,
deux équipes d’hommes et une équipe de
femmes, dont l’âge moyen était de 23 ans.
Un dispositif électrique, placé au niveau de
l’omoplate gauche des soignants-sujets, permettait de détecter les mouvements des
omoplates (photo 1).
Les méthodes utilisées pour remonter le
patient-sujet étaient :
> bras tendus et transfert de poids avant/
arrière (« bras tendus ») ;
> à bras seulement en position de transfert
avant/arrière (« à bras ») (photos 2A-B) ;
> travail des bras combiné à un transfert de
poids avant/arrière (« combinée »).
Les essais réalisés en
laboratoire visaient à
analyser le travail des
petits muscles situés
entre les omoplates lors
des manœuvres avec
les bras tendus.
Mouvements des omoplates
Les essais réalisés en laboratoire visaient à
analyser, entre autres, le travail des petits
muscles situés entre les omoplates (les rhomboïdes) lors des manœuvres avec les bras
tendus. De grandes variations ont été observées (tableau 1). La plus sécuritaire pour les
rhomboïdes est la méthode « à bras » (97 %
rapprochement) ; la méthode « bras tendus »
est la moins sécuritaire (96 % éloignement).
En effet, quand les omoplates s’éloignent,
cela signifie que les rhomboïdes ne sont pas
suffisamment puissants pour contrer la force
d’étirement des bras, ce qui les rend susceptibles de subir des blessures. Par contre,
quand les omoplates se rapprochent (adduction), le risque de blessure aux rhomboïdes
est pratiquement éliminé. Quand les omoplates s’éloignent et se rapprochent, le risque
est moindre, car l’écartement des omoplates
dure moins longtemps que dans le premier
cas (quand les omoplates s’éloignent).
1. PROPORTION DES ESSAIS
OÙ DES MOUVEMENTS DES OMOPLATES
ONT ÉTÉ OBSERVÉS (108 ESSAIS)
MÉTHODES DE TRAVAIL
MOUVEMENTS
DES OMOPLATES
S’éloignent
Se rapprochent
S’éloignent
puis
se rapprochent
BRAS
TENDUS
À BRAS
COMBINÉE
96 %
4%
3%
97 %
7%
22 %
—
—
71 %
Effets de la contraction des muscles
Les muscles sont composés de fibres qui
se chevauchent. Lorsqu’un muscle se contracte, les fibres raccourcissent et se chevauchent davantage (c’est pourquoi les biceps gonflent lorsqu’on plie le bras). Dans ce
cas, il n’y a pas de danger de microdéchirure
des fibres des muscles et des tendons. Les efforts qui raccourcissent les fibres sont à privilégier quand il n’y a pas de répétition dans
un laps de temps très court, même si cela
représente un plus grand effort et demande
plus d’énergie (essoufflement).
Effets de l’étirement des muscles
Lorsque le muscle n’est pas assez fort pour
se contracter, les fibres s’étirent et se chevauchent moins. Il y a un risque de rupture (microdéchirure) des liens qui constituent les différentes parties du muscle. Les douleurs causées par ce type de lésion sont différées, c’està-dire qu’elles ne sont pas ressenties immédiatement (ex. : point entre les omoplates,
courbature, sensation de brûlure, etc.).
Rôle du grand dorsal
Le rapprochement des omoplates résulte
principalement de l’action du grand dorsal,
puissant muscle du tronc et de l’articulation
de l’épaule qui entre en action lorsqu’on tire
le bras vers l’arrière. Quand il se contracte, le
grand dorsal empêche les rhomboïdes et les
petits muscles de l’épaule de s’étirer, d’où un
risque moindre de blessure.
Efforts des muscles du bas du dos
(érecteurs du rachis)
intégrale de pourcentage d’utilisation musculaire/seconde (PUM.s) qui tient compte de
la durée de la manœuvre (tableau 2). Plus
les valeurs PUM.s sont élevées, plus l’effort
est grand.
La méthode « bras tendus » occasionne des
PUM.s supérieurs. Les méthodes « à bras » et
« combinée » représentent un effort identique. L’effort des muscles du bas du dos est
diminué avec les méthodes qui augmentent
les efforts des bras. Les résultats confirment
que, pour tous les muscles évalués, les efforts
sont moindres lors de l’utilisation de piqués
glissants par rapport aux piqués standards.
Proportion du poids du client
glissée et soulevée
Nous avons vérifié, au moyen de plateformes de force, quelle proportion du poids du
bénéficiaire était glissée ou soulevée selon
les différentes méthodes de travail (tableau
3). Dans les trois cas, les sujets-soignants ont
glissé de 31 à 41 % du poids du bénéficiaire.
Ces proportions sont similaires aux résultats
obtenus par des formateurs PDSB en 20032.
En 19993, des mesures similaires avaient
été réalisées auprès de préposés aux bénéficiaires (PAB) en centres d’hébergement et de
soins de longue durée (CHSLD). Leur méthode de travail consistait alors à se positionner
face au lit et à se donner un élan (swing) du
dos et des bras. Les résultats montraient que
44 % du poids du client était soulevé et 7 %
glissé ! Cette méthode est toujours à éviter.
Les résultats des EMG sont présentés en
Dans le secteur de la
santé et des services
sociaux, plusieurs
soignants sont des
femmes et la moyenne
d’âge se situe à 45 ans.
EFFORTS AVEC LES PIQUÉS ET LES GANTS
La deuxième partie de l’étude sur les remontées à la tête du lit consistait à évaluer
différents tests de force en utilisant un piqué
standard, en portant des gants et en travaillant à mains nues.
L’étude indique également que le coût
musculaire le plus bas correspond à la situation où le soignant a suffisamment de prise
sur le piqué pour former un bon rouleau
(donc un piqué de grand format) et qu’il travaille les mains nues en position de pronation (paumes vers le bas). Selon les sujetssoignants, le port des gants cause une transpiration des mains. La force déployée pour la
manutention augmente, car la main a tendance à glisser dans le gant, et ce, même avec
des gants poudrés et adaptés aux mains des
soignants.
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2A-B. Positions de départ et de fin du mouvement pour remonter un client
à la tête du lit avec la méthode « à bras ».
2. INTÉGRALE DE POURCENTAGE DE
L’UTILISATION MUSCULAIRE (PUM.S) DU BAS DU DOS
(ÉRECTEURS DU RACHIS) (108 ESSAIS)
MÉTHODES DE TRAVAIL
BRAS
TENDUS
À BRAS
COMBINÉE
> Droit
28 %
25 %
25 %
> Gauche
21 %
17 %
18 %
CÔTÉ DU CORPS
La nouvelle affiche de l’ASSTSAS sur les troubles musculosquelettiques.
OBJECTIF PRÉVENTION – VOL. 30, NO 5, 2007 – 29
3. Prise avec les coudes fléchis et position de transfert avant/arrière ou
contrepoids sur une jambe.
RÉVISION DES MÉTHODES
DE TRAVAIL PDSB
Lorsque le soignant tire avec ses bras, il
demande plus d’énergie aux muscles contractés et il peut s’essouffler. Plusieurs soignants n’ont pas la force musculaire requise
pour tirer complètement avec les bras. Lorsque la remontée à la tête du lit est effectuée
par transfert de poids ou par contrepoids, le
soignant transporte son poids sur sa jambe
arrière, d’où une demande moindre d’énergie
musculaire.
Les sujets-soignants de l’étude étaient
jeunes et en forme. D’autres études4 évaluent
que la moyenne de force musculaire des
femmes représente environ les 2/3 de celle
des hommes pour les muscles du tronc et des
membres supérieurs. Dans le secteur de la
santé et des services sociaux, plusieurs soignants sont des femmes et la moyenne d’âge
se situe à 45 ans. Leur capacité musculaire est
donc moindre que celle des sujets de l’étude.
Pour ces raisons, l’ASSTSAS privilégie
l’utilisation d’une méthode combinée et
modifie les manœuvres de prise avec rallonge
des PDSB lors des déplacements au lit. La
nouvelle méthode, « prise et mouvement
combinés » consiste en une combinaison
d’effort des bras et de transfert de poids
avant/arrière ou contrepoids (photo 3) :
> plier un peu les coudes et tirer avec les
bras pour prévenir les étirements des fibres
4. Nouvelle prise « souque à la corde ».
L’étude amène des
changements dans
l’application des PDSB.
des muscles des épaules et entre les omoplates (rhomboïdes) et protéger les épaules
et le haut du dos ;
> effectuer, en même temps, un transfert de
poids avant/arrière ou un contrepoids pour
économiser l’énergie du soignant et augmenter la puissance de la manœuvre.
Fléchir les coudes modifie un peu la prise.
Pour faciliter l’enlignement des poignets et
des mains, une nouvelle prise « souque à la
corde » a été ajoutée aux PDSB (photo 4).
PRISE ET MOUVEMENT COMBINÉS :
UN BON COMPROMIS !
L’étude amène des changements dans
l’application des PDSB. La consigne « bras
tendus » est remplacée par « plier un peu les
coudes, conserver ou augmenter la flexion du
coude en tirant sur le piqué et, en même
temps, effectuer un transfert de poids avant/
arrière ou un contrepoids ». Les meilleures
conditions de prise comprennent les éléments suivants :
3. PROPORTION DU POIDS DU CLIENT GLISSÉE OU SOULEVÉE
(CLIENT-SUJET : 75,5 KG-160 LB) MESURÉE PAR QUATRE PLATEFORMES DE
FORCE SOUS LE LIT (% SOULEVÉ) ET UNE À LA TÊTE DU LIT (% GLISSÉ)
MÉTHODES DE TRAVAIL
PROPORTION
GLISSÉE
PROPORTION
SOULEVÉE
BRAS
TENDUS
À BRAS
COMBINÉE
FORMATEUR
PDSB (2003)
PAB EN
CHSLD (1999)
41 %
3,8 %
31 %
1,6 %
36 %
2,6 %
39 %
6%
7%
44 %
30 – OBJECTIF PRÉVENTION – VOL. 30, NO 5, 2007
> utiliser un piqué glissant ou, à défaut, une
surface glissante placée sous un piqué standard ;
> utiliser un grand piqué pour former un
bon rouleau et couvrir le client de l’épaule à
la mi-cuisse ;
> placer les mains en position de pronation
ou neutre ;
> travailler à mains nues.
Dans les trois méthodes évaluées, le client
était principalement déplacé par un « glissé »,
ce qui correspond à un des principes importants des PDSB, soit « rouler, glisser, pivoter
le client ; ne pas le soulever ».
POUR EN SAVOIR PLUS
Une capsule de formation « Prise et mouvement combinés » a été préparée à l’intention des formateurs PDSB pour leur permettre de transmettre rapidement ces nouveautés aux autres formateurs de leur établissement et aux travailleurs par la suite.
Elle est disponible sur Internet (www.asstsas.
qc.ca, recherchez « Formateurs PDSB » ou
Déplacements / Manutention »). Pour information, contactez un maître-formateur PDSB
de l’ASSTSAS ([email protected]).
RÉFÉRENCES
•
1. La méthodologie de l’étude est disponible sur Internet
(www.asstsas.qc.ca, voir Objectif prévention, vol. 30, no 5,
« Déplacement de bénéficiaires »).
2. PROTEAU, Rose-Ange. « Méthodes et efforts requis pour
remonter un bénéficiaire à la tête du lit », Objectif
prévention, vol. 28, no 3, 2003, p. 28 à 31.
3. BÉGIN, Danny, Denis MARCHAND, Serge GUERTIN.
D’un retournement et du rehaussement au lit des
bénéficiaires, Actes du 21e Congrès de l’Association
québécoise pour l’hygiène, la santé et la sécurité du travail
(AQHSST), mai 1999, 10 p.
4. LAUBACH, L.L. “The Relationship of Strength to Body
Size and Typology” Med. & Science in Sports, 1, 189-194
(1969).

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