La forêt et la mythologie

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La forêt et la mythologie
La forêt et la
mythologie
L’arbre cosmique
Des liens étroits existent entre l’Homme et les arbres depuis l’Antiquité : ils font partie de la
mythologie. C’est peut-être parce qu’il est né parmi eux et qu’il a habité pendant des siècles
au milieu d’eux. Paradoxalement, ces liens apparaissent surtout quand la forêt est détruite :
défrichements, incendies…
L’arbre cosmique
Trait d’union entre les différents univers, l’arbre en constitue le pilier central. Ses racines
s’enfoncent dans le monde souterrain où il puise sa sève. Sa cime arrête les nuages et fait
tomber la pluie ; elle attire la foudre qui est une manifestation divine. Les rayons du soleil
font naître ses feuilles, ses fleurs et ses fruits. Il nourrit et abrite des milliers d’animaux et de
plantes. Il est même le séjour des dieux.
Cet arbre cosmique est une des premières manifestations du sacré : il relie le visible et
l’invisible. C’est le cas du frêne Yggdrasil dans la mythologie nordique et de Irminsul chez
les Saxons en Germanie. D’autres arbres ont une fonction similaire dans l’Antiquité grecque
et crétoise.
En Scandinavie
Yggdrasil symbolise la permanence dans un arbre de vie, prouvant que les hommes du nord
étaient toujours au contact de la nature, des forêts et des arbres, sans cesse menacé, et où le
monde est un enjeu entre les forces de vie et les puissances de destruction.
Le frêne Yggdrasil était le support de l’univers. Selon la mythologie scandinave, ses branches
soutenaient les neuf mondes, et était soutenu par trois racines. La première voyait le passé ; la
seconde voyait le présent ; la troisième voyait le futur.
Lui seul résiste au crépuscule des dieux. Un homme et une femme, enclos jusqu’alors dans
son bois, prendront possession de la terre. Ils seront les ancêtres d’une humanité nouvelle.
Ce thème de la naissance de l’homme à partir du bois est rappelé par Homère dans
l’expression « Causer du haut d’un chêne ou d’un rocher », ce qui signifie remonter jusqu’aux
fables sur l’origine de l’homme sorti du chêne et du rocher, ce qui en confirme bien son
extension géographique.
La forêt et la mythologie - L’arbre cosmique – 22/02/2011
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Chez les Saxons
Irminsul, signifie « énorme colonne ». Il se rencontre notamment dans les annales franques à
propos de la campagne de Charlemagne contre les saxons en 772, année où l’empereur
s’empara de la forteresse d’Eresburg et la détruisit. « L’ Irminsul avait la forme d’un tronc
d’arbre qui ressemblait à une colonne et représentait sans doute la colonne cosmique qui
soutient la voûte céleste ». C’était probablement un chêne. Le monde est figuré par cet arbre
qui en constitue le centre. Il représente la fécondité, qui a un rôle majeur chez les Germains.
Irminsul sert, au sens figuré, d’expression technique désignant des représentations
arborescentes plus ou moins stylisées, symboles de souveraineté, de fécondité ou plus
généralement symbole du salut ou de l’arbre de vie.
En Egypte
Ce lien entre les différents mondes se retrouve aussi en Égypte. Les dieux trônent au levant
sur le haut sycomore. Le bois les contient et est leur substance. C’est en réalité un figuier,
arbre doublement précieux dans un pays où ils sont rares : il fournit à la fois de la nourriture et
du bois.
Toujours en Égypte, la « dame du sycomore », titre donné à la déesse génisse Hathor, que l'on
représente souvent lorsqu'elle apparaît dans un arbre d'où elle offre à ses adorateurs le fruit de
l'Arbre de Vie, ainsi que l'Eau de Vie, siège à la limite du désert.
Les dieux y trônaient au levant et au couchant la dame du sycomore y siégeait. Cette dernière
qui a créé le monde, émergeait du feuillage de l'arbre pour accueillir ceux qui venaient de
mourir; elle leur offrait l'eau et le pain de bienvenue. Sur les branches du sycomore, les âmes
sous forme d'oiseaux, venaient se percher. Son bois imputrescible servait de dernière demeure
aux corps momifiés. Elle a créé le monde et tout ce qu’il contient, y compris le soleil. Elle
accueille ce qui vient de mourir, et grâce à cela les esprits qui ont quitté le monde sacré le
temps d’une vie peuvent y retourner.
Enfin, l’arbre sacré, présent dans tous les chefs lieux, marque symboliquement les buttes
sacrées –représentant les seuls espaces émergeant lors des crues du Nil-. Cet arbre sacré
perpétue le souvenir d’événement mythologiques, chaque espèce d’arbre ayant une fonction
précise ; il constitue aussi un trait d’union avec le monde souterrain. De plus, il pouvait
apparaître, aux yeux des Egyptiens, comme la garantie, en tous lieux, de l’émergence de la
crue, étant susceptible de déclencher, par un processus religieux, au moyen de rites
appropriés, un mécanisme originel au temps où les dieux géraient le pays.
En Orient
Il se retrouve, que ce soit sous la forme d’arbre sacré ou d’arbre de vie, dans différents pays.
C’est le cas du Kiskanu qui constituerait, semble-il, le prototype des arbres de vie.
Ainsi, dans la ville d' Eridu, considérée comme centre du monde les Sumériens du troisième
millénaire avant Jésus-Christ vénéraient Kiskanu, l'arbre cosmique. Il abritait la demeure d'
Ea, dieu de l' agriculteur, de l' écriture et des arts et de sa mère divine, la grande Déesse Bau,
qui était la déesse de la fécondité et de la fertilité. Ses racines étaient profondes et menaient
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aux eaux primordiales de l’Apsu qui représentent " l' Abime chaotique du commencement". Il
reliait les eaux, la terre et le ciel, formant ainsi l' Axe du monde de ces trois étages du cosmos
Dans la bible
Il y a une filiation très nette entre ces arbre de vie et celui qui croît au milieu du jardin dans
l’Éden planté par Yahvé pour Adam et Ève. « Yahvé Dieu fit germer du sol toute sorte
d’arbres désirables à voir et bons à manger, ainsi que l’arbre de vie au milieu du jardin et
l’arbre de la connaissance du bien et du mal » (Gn, 2,9). D’emblée, le second se charge d’un
interdit : « Et Yahvé Dieu fit à l’homme de commandement : Tu peux manger de tous les
arbres du jardin ; mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal tu n’en mangeras pas ;
car le jour où tu en mangeras, de mort, tu mourras » (Gn, 2, 16-17). Ce récit fera par la suite
l’objet d’une abondante iconographie, notamment au Moyen Age.
En Chine et ailleurs
En Chine, le centre de l’univers est marqué par Kien-mou, ou « bois dressé ». Le bois est
important en chine. Il fait partie des cinq éléments, au même titre que la terre, l’eau, l’air et le
feu. Ce rôle de lien est aussi dévolu au mûrier sacré. A la fois mâle et femelle, il symbolise
l’ordre cosmique.
Le figuier sacré est l'arbre de Bouddha, celui dont il reçu la connaissance et la vérité. Il est
vénéré encore aujourd'hui à Urevela, lieu situé à une centaine de kilomètres de Patna dans
l'État du Bihar en Inde, est l'endroit où se trouve un de ses rejetons. C'est en méditant au pied
de cet arbre que les" Quatre nobles Vérités" lui furent révélées. C'est au travers d'une descente
aux enfers que Bouddha a pu atteindre la connaissance et la vérité, à travers le canal de l'arbre
cosmique qui relie les enfers, la terre et le ciel. Bouddha s'identifiant à l'univers, finit par se
confondre avec l'arbre cosmique, si bien que l'on représente plus souvent l'arbre seul sans
Bouddha, car celui-ci est " caché en lui "
Pour les Mexicains anciens, l’arbre cosmique se déployait dans toutes ses diverses couleurs,
du ventre de la terre déesse, dans la cinquième dimension de l’espace, qui unit le plus haut
royaume au plus bas.
Jusqu’à récemment, l’arbre sacré en Afrique était le kilena du Dogon, le balanza du Bambara
et l’ase des Dahomans, l’arbre ancestral, la demeure du dieu et de l’humanité.
Des communautés américaines sont allées jusqu’à faire de l’arbre sacré, le lieu de leur
naissance.
En conclusion…
L’arbre n’a jamais été adoré pour lui-même. Il l’a toujours été comme signe vivant et vital de
l’union du ciel et de la terre.
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Voir aussi :
- Forêt et mythologie : les oracles
- Forêt et mythologie : le mysticisme
- Forêt et mythologie : la forêt
Retour vers les généralités.
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