Enquête sur le processus du développement durable à Nuremberg

Transcription

Enquête sur le processus du développement durable à Nuremberg
Résumé :
A Nuremberg, le processus de développement durable a été stimulé par le lancement d’un agenda 21 local.
Celui-ci fonctionne depuis une dizaine d’années sans que le processus ne se soit essoufflé. Une des raisons
principales en est l’engagement constant de la Ville qui encourage les citoyens à exprimer leurs propres
idées. Malgré des moyens financiers limités, l’Office de l’Agenda 21 local n’a jamais faibli à soutenir les
bénévoles, à faire connaître leurs projets, à accompagner leur réalisation et à lier des contacts avec des
sponsors potentiels. La stratégie de communication de l’office a été particulièrement originale et efficace
dans le difficile domaine des transports. Le projet « mobile de façon intelligente » réussit à inciter un
nombre croissant de citoyens à préférer les transports en commun et le vélo à la voiture.
Enquête sur le processus du développement durable à
Nuremberg/Allemagne
Table des matières :
Introduction
Le lancement d’un Agenda 21 local à Nuremberg,
Structures et méthodes de travail
Le rôle de l’information et de la communication
Questions budgétaires
Les soutiens non financiers
Transversalité et multipartenariat
Développement durable versus développent économique ?
Favoriser les transports durables - une longue tradition à Nuremberg
La situation actuelle des transports
Défis actuels
L’apport de l’AL 21 local au plan d’urbanisme
Des projets de l’AL 21 local dans le cadre de la Table Ronde « Planification Ecologique »
Des projets dans le cadre de la Table Ronde « Environnement et Economie »
Le rôle des associations écologiques : entre critique et coopération
Nürnberg – intelligent mobil“ : une politique de communication inventive et originale
L’évaluation de l’AL 21 local de Nuremberg
Interlocuteurs :
Dr Gsell, 3e maire et directeur du département de l'environnement 1
Carda Seidl : conseillère personnelle du Dr. Gsell, responsable d’ « Intelligent mobil » et dès le lancement
de l’AL 21 local une des chevilles ouvrières du processus
Kerstin Stübs, responsable actuel du bureau de l’Agenda 21 local
Heiko Bandilla, directeur des services de la planification urbaine
Dr. Robert Schmidt, animateur de la table ronde « Environnement et économie »
1
A noter, qu’en Bavière il n'y a jamais plus de trois maires.
1
Tom Ankirchner, Chambre de Commerce et d’Industrie à Nuremberg, responsable des services :
innovation, environnement, protection, énergie et bio-technologies
Monsieur Lang, animateur de la table ronde « durabilité sociale »
Wolfgang Stodieck, animateur du Centre du citoyen actif
Monsieur Dösch, biologiste, association pour la protection de la nature (Bund für Naturschutz, Bund ou
BN)
Madame Uteschili, animatrice du groupe de projet « Grünzug Goldbach »
Ricarda Baier, ancienne responsable du bureau AL 21 (contactée par correspondance. R. Bayer a rempli le
questionnaire)
2
Introduction : Nuremberg, ville-centre d’une métropole technologique
La ville de Nuremberg compte environ 500 000 habitants et elle continue de croître. 800 000
habitants vivent dans les zones périphériques qui s’étendent jusqu’à 30 ou même 40 km autour
(Siedlungsgrossraum), avec les villes voisines de Fürth (110 000 habitants), Erlangen (100 300
habitants et Schwabach (38 000 habitants). Nuremberg envisage aujourd'hui d’élargir encore la
coopération vers les villes qui se trouvent à environ 100 km de distance, en vue de former une
métropole de 1,7 millions d’habitants. Consciente des défis imposés par la concurrence
internationale, la région hautement industrialisée cherche à moderniser ses productions, en
particulier dans les domaines des technologies énergétiques (y compris les énergies renouvelables),
électroniques, de transports et de logistiques, d’information et de communication.
Beaucoup de Nurembergeois, surtout ceux qui peuvent s’offrir une maison individuelle, ont
déménagé dans les environs. La plupart des emplois, par contre, sont restés dans la ville. Le trafic
des « pendulaires » (Pendler) qui a continuellement augmenté présente des problèmes majeurs.
La coopération avec les villes proches est désirée et déjà bien avancée dans le domaine des
transports. La Ville de Nuremberg s’est efforcée de participer au développement d’un bon système
de transports en commun de proximité, en donnant la priorité aux trains de banlieue (S-Bahn) Le
« Verkehrsverbund Grossraum Nürnberg, VGN (l’association des transports pour l’espace élargi de
Nuremberg) relie de nombreuses communes. Toutefois, un pourcentage bien trop élevé des
pendulaires préfèrent la voiture individuelle.
Le conseil municipal de Nuremberg est dominé par une grande coalition entre chrétiens-démocrates
(CDU ou CSU)et sociaux-démocrates.
Le lancement d’un Agenda 21 local à Nuremberg,
Officiellement, la décision de développer un Agenda 21 local à Nuremberg a été prise en mai 1995
par le conseil municipal, après la signature de la Charte d’Aalborg. Entre mai 95 et septembre 96, un
groupe de travail a préparé un rapport sur l’état de l’environnement à Nuremberg, suivant le guide
méthodologique mis à disposition par l’association des villes allemandes (Deutscher Städtetag)2 Ce
rapport traitait de 19 domaines, entre autres des relations entre l’économie et l’environnement, de
l’énergie et du climat, des transports, de la qualité de l’air, de la planification écologique etc. Il
proposait déjà un certain nombre d’objectifs et de mesures.
L’idée centrale, mainte fois répétée, pour l’introduction d’un l’Agenda 21 local : « protéger et
préserver l’environnement naturel, assurer le bien être économique et la justice sociale. Les citoyens
peuvent y et doivent y contribuer activement en coopérant à l’aménagement et à la transformation de
leur propre environnement et en soumettant leurs idées, leurs projets et leurs propositions… »
(Ricarda Baier).
M. Gsell, 3e maire et directeur du département de l'environnement expose les motivations
politiques : « La recherche de plus de participation démocratique était dans l'air du temps. Le
besoin s’en faisait sentir depuis quelques années déjà. L'introduction d'un AL 21 offrait de nouvelles
possibilités. Nous avons réfléchi sur des moyens permettant de rendre les planifications plus
démocratiques et de mieux impliquer les prestataires de service et les citoyens. »
En septembre 1996, les services de l’environnement décidèrent de s’adresser aux citoyens. Pour
susciter et coordonner leur participation, il était nécessaire de créer un emploi à durée indéterminé, à
2
voir le texte sur le rôle des institutions en Allemagne
3
partir de janvier 1997. Le bureau de contact et de coordination, « le bureau de l’AL 21 », fut installé
à la mairie, dans les services de l’environnement.
« La première tâche de l’office a été la recherche d’alliés. » (R. Baier) Sous la devise « faire plus
pour l’avenir de Nuremberg », il invita, en février 97, entre 50 à 70 personnes appartenant aux
milieux les plus divers - à l’administration, au milieu politique et économique, aux différentes
associations (entre autres, des représentants de l’office de l’environnement, de l’office d’urbanisme,
de l’office chargé des affaires sociales, la Chambre de Commerce et d’Industrie, l’association pour
la protection de la nature, l’association au service des ouvriers : « Arbeiterwohlfahrt »…)
Peu de temps après, en mars 97, une nouvelle manifestation s’adressa à un public plus large. Elle
était destinée à marquer le lancement de l’Agenda 21 local, à diffuser largement l’information et à
recueillir des idées de projets. 200 personnes participèrent à cette importante réunion. Le débat très
animé permit de recueillir de nombreuses idées de projet et de définir les centres de gravité de l’AL
21 à Nuremberg. Au cours de cette manifestation, on créa quatre tables rondes pour les thèmes
« énergie et climat », « environnement et économie », « éducation à l’environnement et
communication », « aménagement urbain écologique ». Chacun de ces tables aborde d’une façon
spécifique notamment les questions liées aux transports.
Structures et méthodes de travail
Les tables rondes réunissent les représentants des groupes de projets. C’est dans ces groupes que se
fait le travail concret. Il s’agit d’abord de développer les propositions en vue de les présenter au
public. Ce travail est aidé par l’expert (Fachbetreuer) de la Table Ronde, un responsable
administratif. Mais celui-ci n’empiète pas sur la prise de décisions. Il doit s’en tenir au rôle de
conseiller.
Une des préoccupations centrales de ces groupes est aussi de chercher des personnes consentant à
financer les projets ou à les soutenir selon leurs possibilités respectives.
Les structures mises au point dès le début du processus ont fait leur preuve et fonctionnent toujours.
Quelques années plus tard, de nouvelles tables rondes ont été établies : « durabilité sociale », en
1999, « les enfants et les jeunes », fin 2001.
Très vite après les manifestations de lancement du processus, 17 groupes, se sont mis au travail,
« avec enthousiasme », ont souligné nos interlocuteurs. « Les personnes bénévoles... développaient
des stratégies pour présenter leurs projets à l’extérieur en vue de trouver du soutien. De nombreux
autres groupes de projets naissaient par la suite et beaucoup d’entre eux ont pu conclure leur travail
avec succès. Un petit nombre de groupes de projet fusionnaient » résume Ricarda Bayer, et de
souligner : « :Même si l’AL 21 a été décidé, à Nuremberg, par la hiérarchie, son succès a tenu dès le
départ à l’engagement volontaire de personnes particulièrement motivées. Aujourd'hui, plus de 450
personnes provenant de groupes sociaux divers - des associations, de l'économie, de la politique et
de l'administration - travaillent de façon bénévole à plus de 40 projets. »
En septembre 1999, fut créé le Conseil de l’Agenda 21 local, un comité d’information et d’échange
d’expériences qui réunit les porte-parole des groupes de projet et les experts ou conseillers des tables
rondes. C’est au sein de ce conseil que l’on réfléchit continuellement sur le processus en cours et où
l’on décide des actions communes. Le bureau d’AL 21 organise des réunions de travail trois ou
quatre fois par an.
4
Le rôle de l’information et de la communication
Dès le lancement du processus, la communication a été considérée comme essentielle. En 1998,
plusieurs groupes de projets organisèrent une fête d’été, présentant au public, près d’un lieu de
promenade très apprécié, les travaux en cours.
« Mais il fallait aussi gagner l’intérêt et la sympathie de la majorité des élus. », souligne Carda
Seidel. Avec un petit cercle de personnes particulièrement engagées, elle prépara avec soin « une
séance historique » de présentation du processus au conseil municipal. « Il était essentiel d’obtenir
un espace de temps suffisant pour faire comprendre l’importance des actions en cours. »
Le 14 octobre 1998, les députés ont pris place dans une salle décorée d’affiches et de photos. Après
« un discours probant » du maire, (préparé par Carla Seidl) des représentants de groupes de projets
présentaient leur travail pendant deux heures. L’élan qu’ils transmettaient, l’enchaînement réfléchi
des exposés, la décoration – « tout cela créait une ambiance inhabituelle. Huit à dix députés se
déclarèrent prêts à parrainer des projets. La partie était gagnée. Désormais, l’Agenda 21 local dont
les 70 députés municipaux n’avaient eu en général qu’une idée vague, était entré dans les
consciences. »
Ce récit illustre bien que l’enthousiasme et le dévouement de quelques personnes ont été des
facteurs décisifs pour la réussite.
Les longs préparatifs furent donc couronnés de succès. Même si les parrainages des députés n’ont
pas été très conséquents (« les députés ont tant de travail, ils oublient des choses… ») leurs apports
ont été précieux. Le processus Al 21 avait gagné de la crédibilité et de la visibilité. Des services
administratifs se sont intéressés de près à certains projets et ont pu débloquer quelque argent.
Questions budgétaires
Le conseil municipal décida d’accorder un budget annuel de 66 000 €, à partir de 1998. Cet argent
est destiné, en premier lieu, à soutenir le travail des groupes de projet, mais uniquement comme
« aide pour aider soi-même », c’est-à-dire pour professionnaliser la mise au point des projets, pour
les présenter au public et chercher des sponsors. L’office de l’AL 21 gère le fonds, coordonne et
accompagne les projets et se charge de la communication du processus global.
Les soutiens non financiers
R. Bayer : « A une époque de pénurie d’argent, on n’arrive pas toujours à trouver des sponsors pour
la réalisation des projets. Cela fait naître une attitude d’attente envers la Ville, ce qui crée parfois des
frustrations. » L’office de l’Agenda 21 s’efforce d’autant plus à lier des contacts et à améliorer la
communication. Il assure la présence des actions dans la presse et continue de motiver les citoyennes
et les citoyens à participer dans le cadre de l’AL 21. « L’office AL 21 et tous les collaborateurs et
collaboratrices de la Ville tâchent de soutenir les personnes engagées pour l’AL aussi bien que
possible. »
Transversalité et multipartenariat
Qui sont les citoyens acceptant un long travail bénévole avec une issue incertaine ? « En majorité, ce
sont des membres d’associations écologique et sociale » nous dit M. Bandilla, directeur des services
de la planification urbaine et conseiller de la table ronde « aménagement urbain écologique ».
Monsieur Schmidt, responsable de la table ronde « environnement et économie » fait un constat
analogue, mais il ajoute que ce sont surtout les professionnels qui profitent continuellement de
l’échange avec des personnes d’horizons divers, liant travail et engagement.
5
Pourtant, tous les citoyens peuvent s’informer sur la constitution de groupes de projet, par les
médias, par Internet, en lisant les dépliants…et tous sont invités à participer. « En général, au début
du lancement d’un groupe de travail, le pourcentage de citoyens indépendants est plus élevé. Mais
souvent ils ne restent pas longtemps. » - Monsieur Schmidt ajoute : « Nous ne sommes pas un club
de débat, nous voulons faire du concret. » Les membres des associations et les professionnels ont la
patience qu’il faut pour un travail de longue haleine.
R. Bayer souligne à plusieurs reprises qu’un certain nombre de collaborateurs de la Ville s’engagent
pour des projets de l’AL 21, souvent de façon bénévole. « Le fait que l’AL 21 a été placé sous le
patronage du maire principal est essentiel, à cet égard. »
Comme tous les interlocuteurs, M. Bandilla fait transparaître une note de fierté, quand il parle de
l’AL 21. « L’agenda 21 local est un processus qui doit entrer dans les cœurs et dans les têtes. Il a
amené un peu de changement dans les esprits des membres de l’administration. Il y a eu un peu de
succès, à cet égard. Mais cela prend du temps. » Beaucoup de fonctionnaires hésitent encore à
accepter l’expertise des simples citoyens. Néanmoins, l’AL 21 contribue à faire évoluer les
mentalités.
L’AL 21 favorise-il une approche transversale des projets en cours ? C’est le rôle du Conseil : il
réunit les porte-paroles des groupes de projet et les experts des tables rondes non seulement pour
l’échange informations et expériences, mais aussi en vue de favoriser une certaine coordination et la
naissance d’actions communes.
Cependant, il n'existe pas encore de projet de durabilité pour la ville qui intègrerait les différents
secteurs et constituerait un cadre commun. M.Gsell, le maire de l’environnement, le regrette.
Toutefois, dans certains quartiers les habitants ont été invités à participer à des "ateliers de l'avenir"
pour y développer « des visions du devenir de leur environnement proche. »
Comme les autres interlocuteurs, Monsieur Gsell loue l’intégration des citoyens dans un processus
de planification. Ces procédures apportent des avantages pour les deux côtés. Non seulement est-il
ainsi possible de tenir compte des idées et des informations des citoyens ; l’autorité chargée de la
planification peut présenter de façon mieux argumentée, pourquoi elle a pris telle out telle décision.
Elle est tenue à expliquer le cadre légal et administratif qu’elle doit respecter et rendre ainsi le
processus plus transparent, plus compréhensible. Enfin, la coopération oblige, par le concours des
différentes vues et expériences, de prendre conscience des relations entre les effets des décisions
prises.
« Un b mol cependant » ajoute M. Gsell : les coûts des procédures et le temps qu’il faut peuvent
constituer des obstacles. Il est arrivé qu’après une belle expérience de démocratie participative pour
le réaménagement d’une rue, il n’y avait plus d’argent pour réaliser ce qui avait été décidé en
commun !
Sans idéaliser les processus de participation, M. Gsell y tient. Il vante la mission de l’AL 21 de
nouer des relations entre les personnes qui prennent des décisions et celles qui en sont concernées.
Et de citer un député juif des années 20 : "C'est en parlant que les hommes s'approchent les uns des
autres." Même si les échanges ne permettent pas de régler tous les conflits, ils créent généralement
une plus grande compréhension.
Développement durable versus développent économique ?
Malgré ces éloges, le maire avoue qu’actuellement ses préoccupations vont ailleurs. « Le
développement durable était un sujet dominant au cours des années 90… Aujourd'hui, ce sont les
questions liées au développement économique qui lui font souvent de l'ombre... L’AL 21...c'est un
élément moteur et une belle pierre dans la mosaïque. Ce n'est pas l'élément dominant pour l'avenir.
Ce qui domine aujourd’hui, c’est l’économie. »
6
Par cette remarque, M. Gsell mit le doigt sur le problème crucial : quel avenir est donc possible sans
un authentique développement durable ?
Le document qui exprime la vision de l’avenir soutenue par la majorité des élus de la Ville est le
concept directeur pour le développement de la région économique de Nuremberg 3- concept
stratégique dont l’objectif est de garder et de créer les atouts d’un « savoir-faire privilégié » et de
pôle de compétence dans la compétition globale.
Porté par le gouvernement du land, par les villes et les petites communes et appuyé par les
universités et un institut de recherches renommé (Prognos) ce concept stratégique recommande une
série de programmes d'actions régionales, à court et à long terme, visant à susciter des synergies, à
mettre en valeur et à développer les compétences spécifiques. Les domaines des transports et de la
logistique (Antriebstechnik – techniques de propulsion, logistique, télématique...) y jouent un rôle
particulièrement important. Face aux risques de délocalisation, l'ambition est de faire de la région de
Nuremberg un « centre d'excellence notamment pour les transports et la logistique » en favorisant la
recherche et l'innovation.
M. Gsell nous parle avec engagement de ce document qui se réfère, à plusieurs reprises, au concept
de la durabilité : l'économie doit être « durable et adaptée à l'environnement pour préserver les
fondements pour la vie des générations futures. » Parmi les recommandations : la production
durable....mais aussi l’élargissement des activités pour hausser l’importance internationale de la
région, le développement des congrès scientifiques et des foires (Messe) ce qui demande "une
optimisation des réseaux de transports par avion, par train et par autoroute. » Il sera donc nécessaire
de construire de nouvelles routes et autoroutes, d’élargir les capacités de l’aéroport. Voici un sujet
qui suscite de nombreuses controverses, comme nous apprendrons plus tard par les membres d’une
association de protection de l’environnement (BN – Bund für Naturschutz).
A côté des projets liés à la haute technologie qui visent l’insertion dans l’économie mondialisée, le
document souligne la nécessité de promouvoir les circuits économiques régionaux, les circuits
courts. Plusieurs interlocuteurs nous diront que l'Agenda 21 local y joue un rôle moteur.
Par ailleurs, le document n’omet pas de parler des risques qu’implique l'internationalisation des
relations économiques : elle met en danger des entreprises et des emplois, aussi bien que les normes
écologiques et la qualité de vie des habitants ; elle limite les possibilités d'action des communes. Les
auteurs concluent que l'internationalisation des relations économiques rend indispensable
l'instauration de règles au niveau supranational. Sans elles, soulignent-ils, la possibilité d’un
développement vraiment durable pose problème.
L’inquiétude par rapport à l’économie et la préservation des emplois a été palpable chez plusieurs
interlocuteurs. Le jour même de notre arrivée, les manchettes des journaux titraient : « Electrolux
fermera son site de Nuremberg. » Ce groupe suédois électroménager était implanté ici depuis des
décennies.
Favoriser les transports durables - une longue tradition à Nuremberg
Nos interlocuteurs nous rappellent que les valeurs désignées aujourd’hui sous l’étiquette de
durabilité ont toujours eu une grande importance pour les départements de planification stratégique.
R. Bayer l’affirme pour le plan de déplacements urbains (Generalverkehrsplanung) mis sur pied déjà
dans les années 70 et qui a été continuellement prolongé. « Le concept directeur pour les transports »
(Leitbild Verkehr), un catalogue d’objectifs et de mesures, décidé en 1991 par le parlement
municipal, fait une place importante au développement des transports en commun et du réseau de
pistes cyclables, à la gestion des parkings, à l’instauration de zones piétonnes et à la réduction des
3
Wirtschaftsleitbild, IHK Nürnberg für Mittelfranken, 7 nov. 05
7
transports motorisés. » La Ville a déployé des efforts considérables pour réaliser ces objectifs. Elle a
en particulier fortement investi dans le réseau des trains de banlieue (S-Bahn).
Enfin, Nuremberg avait lancé, en 1996, une expérience innovatrice, le projet ISOLDE, un système
logistique d’organisation des transports des marchandises qui a permis de réduire sensiblement le
nombre de camions rentrant et sortant de la Ville, même s’il n’est utilisé aujourd’hui que par une
partie des commerces.
La situation actuelle des transports
Les résultats des efforts ne sont pas encore satisfaisants, concèdent nos interlocuteurs. « On n’a
guère diminué la circulation à l’intérieur de la ville, mais on l’a stabilisé à peu près. » Depuis de
nombreuses années elle stagne autour de 230 000 véhicules/16h. Vu l’augmentation du nombre de
voitures, c’est une réussite. Mais la réduction du trafic motorisé dans la Ville reste une
préoccupation centrale. Le projet « mobilité intelligente à Nuremberg » s’y attaque de façon
originale. Nous y reviendrons.
Quelques chiffres supplémentaires :
Park and Ride : A l’entrée de la ville, il y a environ 8 500 places, à environ 100 endroits. Elles sont
très bien utilisées, parfois même à 100 pour 100, selon les informations de la VAG, surtout par les
« pendulaires ». (www.vag.de)
Transports en commun : Environ 130 000 personnes traversent quotidiennement la frontière de la
ville ; 60 000 arrivent à la station centrale de la U-Bahn au centre ville. Le réseau des transports en
commun à Nuremberg couvre tous les quartiers.
Vélos : Le réseau officiel des pistes cyclables dans la ville mesure actuellement 275 km. Environ 21
000 cyclistes entrent quotidiennement dans la Vieille Ville et en ressortent. Entre 2005 et 2006, le
modal split pour le vélo a grimpé de 9% à 10%.
La section de planification des transports de la Ville coopère avec « l’Association des moyens des
transports » (Verkehrsverbund Nürnberg) pour mettre au point une banque de données permettant
une estimation plus précise des évolutions.
Défis actuels
Il existe donc de très bonnes infrastructures dans le domaine des transports en commun. Mais elles
pourraient être mieux utilisées. Selon M. Bandilla, seulement 30% des pendulaires viennent en ville
par les transports en commun, 70% prennent leur voiture. « Il ne devrait pas être trop difficile
d'arriver à 50 %. Pour cela, il faudra décider des mesures impopulaires, par exemples des parkings
plus chers. » Et d’admettre : « Il y a parfois une différence entre les beaux discours louant l’agenda
21 local et les actions conséquentes. »
A souligner que le nombre de Nurembergeois utilisant régulièrement la voiture privée a diminué de
façon significative, grâce notamment aux initiatives d’ "Intelligent mobil". Mais cette diminution est
contrebalancée par le nombre croissant des pendulaires. « Nous ne pouvons pas les influencer »
regrette M. Gsell. Les communes autour n'investissent pas dans des campagnes pour les transports
doux. Pourtant, l'offre des transports en commun s'est considérablement améliorée pour eux. »
M. Bandilla estime que 50% des trajets faits en voitures ont moins de 3 km et 25% moins de 1 km.
Voilà un potentiel de réduction important ! Comment inciter les gens à prendre plutôt le vélo ? Il
faut encore améliorer les infrastructures pour les cyclistes. Le Club des cyclistes (ADFC) de
Nuremberg ne cesse d’ailleurs de rappeler qu’à Brême, Erlangen, Freiburg où Münster le modal split
pour les vélos est entre 17 à 40%.
8
Les associations et nos interlocutrices du bureau AL 21 regrettent aussi que seul le vieux centre de
Nuremberg soit déclaré zone piétonne. Il y a dix ans, une partie plus grande de la ville était interdite
aux voitures. Mais cette décision a dû être annulée, suite à la pression du parti de la Droite.
Un des grands problèmes actuels concerne les particules fines, rejetées notamment par les moteurs
Diesel. Les directives européennes N° 96/62/CE (directive cadre), N° 1999/30/CE (concernant les
valeurs limites des émissions de S02, de NO2, de NOX, de particules et de plomb), et N°
2000/69/CE (concernant les valeurs limites de benzène et de C0) ont été transposées en droit
national (Luftreinhalteplan 22e BImSchV/5/) et constituent une obligation pour l’administration à
prendre des mesures en vue de réduire la pollution.4
Suite au constat de dépassement trop fréquent des valeurs de poussières fines, à certains endroits
dans la ville de Nuremberg, ainsi qu’à Fürth et à Erlangen, il a été décidé d’intégrer les trois villes
dans le même plan de réduction de la pollution. Le rapport sur l’environnement de 2005 préconise :
« Les efforts des villes en vue de diminuer la pollution générée par le trafic des voitures doivent en
premier lieu être complétés par une politique de transports au niveau régional ; il faut continuer à
élargir le réseau de la S-Bahn et les offres de la Deutsche Bahn. » (Umweltreport 2005)
L’articulation entre des plans et des projets locaux et régionaux est considérée comme essentielle.
L’apport de l’AL 21 au plan d’urbanisme
L’AL 21 et le concept de la durabilité ont joué un rôle important dans la préparation du plan
d’urbanisme, préparation qui a duré sept ans au lieu de trois initialement prévus - prolongement qui
s’explique en partie par les procédures de participation, mais aussi par des négociations difficiles
avec les chemins de fer allemands ; disposant de nombreux espaces à vendre et dont ils veulent tirer
le plus grand profit, « ils n’étaient pas vraiment coopératifs pour la mise au point de compromis. »
En Bavière, le plan d’urbanisme (Flächennutzungsplan, FNP) intègre la planification du paysage.
Grâce à une loi de protection des forêts, la ceinture verte de la Ville constitue une limite à son
étalement. C’est pourquoi Nuremberg s’est moins étendue que d’autres villes.
Voici les grandes lignes du FNP :
 rendre la ville plus accessible, par tous les moyens, pour soutenir l’économie,
 - favoriser le rapprochement des lieux de vie, de l’habitat et du travail (modèle de la ville des
chemins courts),
 - rendre plus attractive l’utilisation des transports en commun, à Nuremberg même et dans
les environs,
 - mettre à la disposition des entrepreneurs et des habitants de nouveaux terrains situés aussi
proches que possible des lignes de transports en commun existants ou futurs,
 - faciliter la circulation pour les cyclistes et les piétons.
L’invitation à la participation a été lancée par les médias. Environ 30 réunions publiques ont été
organisées dans tous les quartiers. Monsieur Bandilla souligne le rôle des associations des quartiers
(Bürgervereine) où s’engagent de nombreux citoyens de tous les milieux, parmi eux aussi des
scientifiques. « Ils n’ont pas toujours les mêmes objectifs que l’Agenda 21 local, mais ils
contribuent beaucoup à élargir la démocratie participative. »
Au cours des années de la préparation du le plan d’urbanisme, un groupe de travail spécifique se
donnait la tâche de faire entrer tous les aspects de l’AL 21 dans l’information. Il s’adressait
4
A la mi-février, les valeurs maximales de 50 ug/m3 ont déjà été dépassées 15 fois, à la Jacobsplatz ainsi qu’à
l’aéroport ; les directives exigent que les valeurs limites ne soient pas dépassées plus de 35 fois par an. Les chiffres sont
régulièrement publiés sur Internet.
9
régulièrement aux citoyens s’efforçant de les tenir au courant du processus de planification et les
invitant à s’y impliquer. La première démarche du groupe a été la mise au point d’un catalogue de
questions que tout citoyen pouvait s’approprier.
Des projets AL 21 dans le cadre de la Table Ronde « Planification Ecologique »
La table ronde de la planification écologique réunit régulièrement les représentants d’une douzaine
de groupes de travail. Monsieur Bandilla les conseille pour la mise au point des projets « en
respectant pleinement leur liberté. » Toutefois, connaissant les contraintes budgétaires, il leur
recommande de ne pas choisir des projets trop ambitieux. « Des petits projets ont plus de chances de
réussir. » Il s’occupe aussi des relations avec les services de l’administration concernés. Une fois
conceptualisés, les projets sont présentés au parlement municipal.
Dans le domaine des transports, les groupes les plus efficaces ont été ceux qui s’engagent pour
l’aménagement de préservation d’espaces verts, de corridors verts, et d’aménagement de pistes
cyclables. (« Grünzug-Goldbach », « Südwestgrün » et « Grünzug Eibach »).
Un groupe qui travaillait sur le projet d’un « train de ville » entre Nuremberg et Erlangen a dû « se
mettre en sommeil ». Raison principale : le financement s’avère impossible. M. Bandilla donne une
autre raison : ce train ou ce tram inciterait les paysans qui cultivent encore des champs à côté de la
route à vendre leur terrain au profit des entreprises immobilières. Actuellement, le lien entre les
villes est assuré par un bus.
Un autre groupe avait échoué « parce que les idées des membres étaient trop fondamentalistes »
Leur projet se référait à la conception d’un nouvel ensemble de lotissements à Nuremberg. Les
membres du groupe, en majorité des écologistes, planifiaient la construction de maisons de 5 étages
qui devaient correspondre à l’idéal de la ville dense. M. Bandilla tâchait en vain de leur expliquer
qu’à l’emplacement prévu, des maisons individuelles trouveraient plus facilement des acheteurs ;
ces derniers déménageraient des environs et, installés plus proches du centre, ils renonceraient plus
facilement à leur voiture.
Mais heureusement, souligna M.Bandilla, les exemples ne sont point rares qui témoignent d’une
belle réussite. Il insista en particulier sur trois projets de « trajets verts » pour piétons et cyclistes :
Grünzug Eibach, Grünzug Pegnitztal et Grünzug Goldbach.
Ce dernier projet – celui d’un « axe vert » du Nord au Sud, de Neunhof à Worzeldorf – vient
d’entrer dans une phase positive, après une période de stagnation due à une difficulté de taille : une
section du parcours prévu, située à côté de la rivière Pegnitz, appartenait à la Deutsche Bahn qui
voulait la céder à une entreprise immobilière. « Nous avons mené une lutte dure » raconta Madame
Uteschili, animatrice du groupe de projet. « Il fallait chercher tous les alliés possibles : une
association de sport qui s’intéresse au terrain, une association pour les jardins ouvriers, des pêcheurs
à la ligne… » Les contacts réguliers avec l’administration de la Ville ont été d’un grand soutien.
Quand les membres du groupe ont organisé une importante conférence de presse, même le maire
principal a accepté l’invitation. M. Bandilla a finalement pu déclarer le terrain non constructible, ce
qui a ouvert la voie à une issue heureuse.
A noter que beaucoup de membres du groupe de « Grünzug Goldbach » appartiennent à une
association de protection de la nature (Bund für Naturschutz). Ils ont une certaine habitude d’un
engagement tenace. En dehors des activités au sein du groupe AL 21, ils ont participé à des activités
de « renaturation » d’un pré au bord de la rivière Pegnitz et le long du parcours prévu, avec de
nombreux bénévoles, notamment des élèves. Madame Uteschili nous parle aussi avec entrain des
promenades à pied et à vélo organisées pour tous ceux qui s’intéressent à leur projet.
10
Des projets dans le cadre de la Table Ronde « Environnement et Economie »
Pour la table ronde « environnement et économie » les transports ne sont qu’un thème parmi
d’autres. Mais il est pris au sérieux, nous assura Robert Schmidt, l’expert administratif. Il nous
accueillit dans les locaux de la Chambre des Commerces et de l’Industrie (IHK Nürnberg et région),
avec Tom Ankirchner, responsable, des services innovation et environnement, et animateur du
groupe de travail AL 21 « Réseaux de Nuremberg » (Nürnberger Netze). Sur la table, de nombreuses
brochures et partout, bien visible, le slogan : pas de durabilité sans économie.
La table ronde avait connu des débuts difficiles : les premières réunions rassemblaient des personnes
privées, des représentants d’entreprises, de groupes d’intérêts et d’ONG, parmi elles Greenpeace et
l’association pour la protection de la nature. « C’était un mélange explosif ». Après de longs débats
houleux, « ceux qui n’avaient voulu que discuter ne revenaient plus. Restaient ceux qui désiraient se
mettre au travail. »
Le groupe des « réseaux de Nuremberg » (Nürnberger Netze) a fait un travail particulièrement
efficace en s’efforçant de faire entrer « une culture de la durabilité » dans les entreprises membres.
Parmi elles, environ 98% sont de petite ou de moyenne taille. Pour elles, les démarches de
certification ou d’Eco-profit sont trop chères ou trop compliquées. Les « réseaux » les conseillent.
Le « compas de compétences environnement » (Umweltkompetenzkompass) développé en adaptant
les savoir-faire aux besoins et aux possibilités des PME leur convient beaucoup mieux.
Grâce au soutien du bureau d’AL 21, les expériences exemplaires dans les entreprises de la région
ont été publiées dans une brochure largement distribuée. Un site web incite également à prendre
connaissance de nouvelles pratiques et à les imiter. « L’Agenda 21 local est bon pour faire naître de
nouvelles idées, de nouvelles initiatives. »
Quelle est la contribution des entreprises pour une mobilité plus douce ? L’entreprise DATEV (4
600 employés à Nuremberg) offre à ses employés une importante subvention pour le « ticket
travail » (job-ticket), afin de les inciter à renoncer à leur voiture et à économiser des espaces de
parkings. Elle favorise également le télétravail.
Le producteur de camions MAN investit dans le développement de moteurs moins polluants,
utilisant des combustibles alternatifs, notamment l’hydrogène et les piles combustibles. Toutes ses
usines ont d’ailleurs introduit un système de gestion selon EMAS et ISO 14001.
Le groupe de travail « marketing de l'économie durable » s’engage « pour une économie de chemins
courts. » Il offre des conseils gratuits aux consommateurs et s'efforce de faire connaître le label
« original regional ». Au cours de ces dernières années, celui-ci a eu de plus en plus de succès.
Aujourd'hui on trouve les produits correspondants non seulement sur de nombreux marchés et dans
des magasins spécialisés, mais même dans beaucoup de supermarchés. Il est évidemment aussi
possible de se faire livrer directement par des paysans des environs.
Quant aux produits biologiques, la Ville a l'ambition de devenir "Ville modèle bio" (Biomodellstadt)
et d'augmenter l'offre de fruits et de légumes de culture biologique à 10%.
Le rôle des associations écologiques : entre critique et coopération
Il a déjà été question de la forte implication des associations dans les groupes de travail de l’AL 21.
Le Bund für Naturschutz - l’association pour la protection de la nature (BUND – signe national, BN,
sigle local) est très présente à Nuremberg. Il y compte environ 4000 membres. Selon notre
interlocuteur, Monsieur Dösch, il devient de plus en plus important et entraîne de nouveaux milieux
sociaux. Dans le domaine des transports, le BN coopère avec d’autres associations, notamment avec
le Club pour un trafic alternatif (Verkehrsclub Deutschland, VCD) et le Club des cyclistes
(Allgemeiner deutscher Fahrradclub, ADFC). Ces trois associations réfléchissent ensemble sur des
11
propositions alternatives, face à la politique des transports de la Ville, avec le soutien de « L’alliance
pour une ville où il fait bien vivre » (Bündnis lebenswerte Stadt) qui réunit une quinzaine de grandes
et de petites associations, parmi elles « les médecins pour l’écologie » (Ökologischer Ärztebund
e.V.).
Cette alliance des associations s’implique très activement dans la politique locale. Elle publie
régulièrement critiques et propositions s’adressant au public, aux délégués et au maire principal.
Notre interlocuteur dans le bureau du BN, Monsieur Dösch, un jeune biologiste, n’est pas tendre
quand il parle de la politique des transports de la Ville. A ses yeux, les mesures en cours sont tout à
fait insuffisantes. Que pense-t-il de l’AL 21 ? Il est utile, mais bien sûr, il ne va pas assez loin.
Parmi les griefs, sans surprise : l’agrandissement de routes existantes et l’aménagement de nouvelles
routes. Au cours des dernières années, la confrontation s’est cristallisée autour du projet du
« Frankenschnellweg » une grande rue à l’Ouest de la Ville qui lie en fait deux autoroutes et dont les
bouchons sont une plaie pour les automobilistes et les habitants des quartiers traversés : la Ville veut
élargir la chaussée, supprimer les croisements et elle étudie les coûts de la mise sous tunnel d’une
partie du trajet. Le „Bündnis lebenswerte Stadt“ argumente que les sommes immenses englouties
dans un projet qui ne ferait que favoriser le trafic motorisé manqueront cruellement pour
l’amélioration des transports en commun et l’aménagement de pistes cyclables. Suivant avec
attention les discussions au conseil municipal, l’association publie régulièrement ses points de vue,
des contre-expertises et des propositions alternatives, moins chères et, selon eux, plus efficaces.
Publiées, entre autres, sur Internet, leurs idées nourrissent les débats.
Le rapport officiel sur l’environnement de 2005 reprend les questions conflictuelles et y répond
de façon plus ou moins directe. L’article qui présente la préparation du « plan anti-pollution »
(Luftreinhalteplan) affirme la priorité des mesures en faveur des transports en commun, souligne la
nécessité de renforcer les infrastructures pour les cyclistes, mais défend aussi d’autres options : « Il
faut toutefois tenir compte du fait que pour les décisions de planification du trafic la réduction des
émissions polluantes ne peut point être toujours le critère le plus important, car d’autres objectifs,
comme par exemple une meilleure accessibilité jouent un rôle important. » (Umweltreport, p.16)
Les arguments des écologistes pèsent moins lourds que les arguments de ceux qui défendent par
exemple une nouvelle route vers l’aéroport, car l’accessibilité par avion et voiture favorise la
compétitivité dans le cadre d’une économie globalisée et Nuremberg veut élargir ses activités de
ville d’expositions industrielles.
Par ailleurs, les associations mettent en question la primauté donnée aux investissements dans les SBahn. Ce choix limite en fait un renforcement substantiel des transports en commun, nous explique
Monsieur Dösch, car les coûts pour un km de métro sont à peu près dix fois plus élevés que ceux
pour un km de tram. Pour le BN, l’avenir appartient en premier lieu au tram. Mais le tram dérange
les automobilistes.
M. Dösch trouve aussi que la Ville soutient trop les intérêts des industriels en mettant l’accent sur
les bienfaits des technologies innovantes au service de la fluidité du trafic, comme par exemple les
"floating car data FCD" qui permettent à l'automobiliste d’adapter continuellement les trajets pour
éviter les bouchons. Le Bund pense que le résultat en est clairement un encouragement des
automobilistes et une augmentation des voitures.
Toutefois, le BN s’investit énergiquement dans les groupes de travail de l’Agenda 21local. Et pour
les administrateurs que nous avons vus, c’est un partenaire précieux, compétent et enrichissant,
malgré de nombreuses divergences de vue.
12
„Nürnberg – intelligent mobil“ : une politique de communication inventive et originale
Comme indiqué en haut, le nombre de voitures qui roulent à l’intérieur de la ville de Nuremberg
stagne depuis quelques années. C’est un succès, même s’il reste insuffisant. Carda Seidl,
responsable du projet «mobilité intelligente » (intelligent mobil) et coresponsable de l’AL 21 est
convaincue qu’il faut s’employer à changer l’image du piéton et du cycliste. Les « mesures dures »
ne sont pas à elles-seules suffisantes: restriction des parkings, interdiction de rouler à plus de 30km/
h, création de bonnes infrastructures pour « les transports doux »… tout cela peut rester sans succès
significatifs, car rien n'est plus difficile que de changer ses habitudes.
Comment créer un climat favorable aux alternatives ?
Le projet de mobilité intégrée « Nuernberg – Intelligent Mobil » a été lancé en avril 2000, par le
service de l’environnement, en coopération avec le département municipal pour le développement
économique, l’office d’urbanisme et la société de transport en commun (VAG Nürnberg). Son
objectif est d’inciter les citoyens à changer leur comportement, en leur montrant que les alternatives
à la voiture individuelle sont souvent plus rapides, plus commodes et surtout plus gaies… Il faut le
montrer concrètement et ne cesser de le répéter. Les actions de communication doivent s’inscrire
dans le long terme. Elles sont un élément essentiel du plan d’assainissement de l’air de Nuremberg
(Ballungsraum Nürnberg/Erlangen)
Le projet « mutants pour un an » lança une invitation à des volontaires prêts à s’engager par
contrat à renoncer à leur voiture pendant un an. Il n’était pas difficile de trouver des candidats,
d’autant plus qu’ils devaient recevoir un vélo, des vêtements de pluie, un abonnement pour les
transports en commun, quelques bons de taxis et de car-sharing. Entre mars 2001 et mars 2002, 20
personnes représentatives de différents milieux sociaux et situations familiales démontraient qu’ils
avaient fait un bon choix. Les résultats et les discussions autour de leurs expériences étaient diffusés
dans les média et suscitaient un intérêt considérable. A la fin de l’année, une enquête auprès des
participants au projet montrait qu’environ un tiers continuait à renoncer à la voiture ; la moitié ne
l’utilisait plus que de temps en temps ; une seule personne était revenue à ses vieilles habitudes.
De nombreuses autres actions s'enchaînaient. Conçus de façon à intéresser les médias, ils atteignent
une grande partie de la population :
Le projet « Banker on Bike » (banquiers à vélo) invita avec succès les établissements bancaires.
Représentants typiques d'employés très convenablement habillés, les participants pouvaient
démontrer que le vélo constitue pour eux aussi une bonne alternative à la voiture. Pendant 66 jours,
les banques concurrentes (entre autres Commerzbank, Deutsche Bank, Dresdner Bank, HypoVereinsbank, Sparkasse Nürnberg, UmweltBank) essayaient de motiver autant de leurs
collaborateurs que possible. Tous les jours, il fallait compter le nombre de participants, le
pourcentage du personnel. Le résultat fut honorable pour tous les établissements. Les banques
soulignaient que l'action avait apporté beaucoup de plaisir et ressoudé les équipes. La fin de l'action
fut couronnée par une fête et un nombre non négligeable d’employés ont ensuite continué
l’expérience.
L’action « cycliste du mois », était en grande partie sponsorisée par une entreprise fabriquant des
vélos : à certains endroits de Nuremberg, des journalistes photographiaient des cyclistes et leur
demandaient s’ils acceptaient un entretien. Un grand nombre remplissaient les conditions requises
pour la qualification recherchée : ils habitaient à Nuremberg, ils faisaient au moins deux km pour
aller à leur lieu de travail, ils y allaient en vélo au moins une fois par semaine. Le gagnant du mois
était présenté dans le quotidien de Nuremberg et recevait un bon d'achat de 150 €. Six personnes ont
ainsi démontré pour beaucoup de lecteurs que le vélo constitue une alternative à la voiture pour
toutes les professions, indépendamment de l'âge. Les conseils ou tuyaux transmis étaient aussi
différents que les personnes interviewées : depuis le médecin soulignant les mérites du vélo pour la
santé, jusqu'à la dame très élégante, bien équipée pour affronter toutes sortes de mauvais temps.
13
L'action, médiatisée avec succès, a permis par ailleurs de recueillir des informations pour les
statistiques et de donner des idées aux responsables de planification.
Plusieurs fois, ce fut aussi le tour des députés de se montrer exemplaires : pendant un mois d’été,
ils devaient noter tous les jours le nombre de km qu’ils faisaient en vélo, dans le cadre de leur travail
et de leurs loisirs. Le lendemain, les organisateurs du projet recueillaient les informations et les
publiaient dans la presse et sur Internet, agrémentées de petites histoires. Un sponsor avait promis 50
cents pour chaque km effectué. A la fin du mois, les députés gagnants avaient réuni une belle
somme qu’ils décidèrent à un projet de mobilité écologique bien mis en valeur par les médias. Cette
action a eu tellement de succès qu’elle a motivé d’autres sponsors pour de nouveaux projets
entraînant d’autres députés, et au cours de l’été 2007, les députés de la ville de Dresde sont entrés en
compétition avec leur collègues de Nuremberg, ce qui a encore augmenté l’intérêt du projet et,
espère-t-on, motivé des citoyens à suivre ces bons exemples.
A noter que les membres de l’administration municipale participent depuis des années à l’action
« Au travail en vélo ! », action lancée par l’assurance locale de maladie (AOK) en coopération avec
« Intelligent Mobil » La Ville de Nuremberg subventionne d’ailleurs les abonnements aux transports
en commun de ses employés, ses ouvriers et ses fonctionnaires.
L’évaluation de l’AL 21 de Nuremberg
La Ville de Nuremberg participe à un mécanisme de contrôle et de comparaison en tant que membre
du réseau régional de l’Agenda 21. « Il y a là régulièrement des échanges d’expériences et
d’informations. » (R. Bayer)
En outre, l’AL de Nuremberg se soumet à des mécanismes d’évaluation professionnelle, comme par
exemple l’évaluation locale du consortium LASALA, un outil de l’UE au service de l’autoévaluation locale.
Carda Seidl a en outre participé à des réunions au niveau national où ont été élaborés des indicateurs
communs permettant de comparer les résultats obtenus dans différentes communes. 5 R. Baier
souligne l’importance d’un suivi continuel des méthodes de travail et de l’AL dans son ensemble. Ce
suivi critique, assure-t-elle, est assuré par la multitude de personnes différentes qui y sont
impliquées, directement ou indirectement. « Il y a toujours un regard de l’extérieur permettant de
montrer des points faibles et des possibilités de correction…Par ailleurs, il y a régulièrement des
enquêtes auprès des personnes actives ; celles-ci indiquent des problèmes et des désirs de
changement qui ne se sont pas encore manifestés au cours du travail avec les projets. De même, il y
a régulièrement une réflexion au sein du Conseil de l’Agenda 21 : quelle est notre façon d’agir et
comment se développe le processus dans son ensemble ? L’état actuel et le développement de
l’Agenda 21 local est régulièrement rapporté au parlement municipal et au comité de
l’environnement. »’
Enfin, plus ou moins indépendamment de l’AL 21, Monsieur Gsell, le troisième maire, attache
beaucoup d’importance au développement d’un dispositif d’indicateurs pour les domaines de
5
En Allemagne, la mise sur pied d’Agendas 21 locaux a incité beaucoup de communes à élaborer elles-mêmes des
indicateurs qui correspondent à leurs stratégies spécifiques de durabilité. Mais comme elles ressentent aussi le besoin de
développer des outils permettant de mieux comparer leurs expériences et de vivifier les échanges, plusieurs associations
et institutions ont organisé, à partir d’octobre 2002, une série de rencontres en vue de définir un système d’indicateurs de
base. Le résultat de ces recherches a été la publication, en juillet 03, de 20 indicateurs de base se référant aux trois
dimensions de la durabilité. Ils peuvent être utilisés pour soutenir la mise au point d’un agenda 21 tout en invitant à définir
des indicateurs supplémentaires. Ils peuvent aussi servir à compléter des systèmes spécifiques qui existent déjà.
Source : Agenda Transfer, www.agenda-transfer.org
14
l'énergie, de la consommation de l'espace et de la situation sociale. Une personne du département de
l'environnement est chargée de préparer la réalisation de ce projet.
Tous nos interlocuteurs ont exprimé leur confiance dans le processus de l’AL 21, en lui attribuant
toutefois plus ou moins d’importance. Où peut-on arriver en misant sur une politique des petits pas ?
Car c’est de cela qu’il s’agit, non d’un renversement abrupt de la situation existante. Pour les uns,
(les critiques les plus fermes du milieu associatif) l’AL 21 local permet de se faire plaisir… – pour
les autres, c’est en persévérant avec patience dans la réalisation de projet en projet qu’on progresse
dans tous les domaines.
M. Gsell, souligne que l'introduction de l'AL 21 a réellement ouvert de nouvelles portes et a
enclenché un processus qui s'était lentement préparée auparavant. « L’AL 21 a participé à une saine
dynamique et donné des impulsions nouvelles. » Des expériences de participation ont été élargies,
elles ont été lancées dans le cadre de l’AL 21, mais aussi indépendamment.
R. Baier rappelle qu’une des motivations principales de l’AL 21 a été de soutenir la richesse des
idées des citoyens et d’accompagner activement leur réalisation. Le désir de soutenir la créativité
des citoyens est toujours resté au centre. Et malgré des moyens financiers limités, les responsables
du processus n’ont jamais faibli à soutenir les bénévoles, à lier des contacts, à faire connaître leurs
projets, à améliorer la communication, notamment dans les média. « En créant un forum commun de
‘combattants engagés pour l’AL 21’, nous avons créé un réseau permettant de trouver des personnes
ayant les mêmes idées, de soutenir le travail concret, d’agir ensemble et de nous présenter ensemble
à l’extérieur. »
Le résultat est là. L’engagement bénévole s’est élargi. Actuellement, 40 groupes de travail sont
présentes à six tables rondes avec plus de 450 collaborateurs et collaboratrices. Beaucoup ont pu
conclure leur travail avec succès.
Dans le domaine des transports, l’AL 21 a apporté des améliorations pour les piétons et les cyclistes
et le projet « intelligent mobil » a contribué à favoriser les transports doux.
Mais ce n’est pas tout : la participation des citoyens au Plan d’occupation des sols (POS), le soutien
de l’économie régionale, l’encouragement au débat et à l’engagement liés aux problèmes de la
durabilité, tout cela contribue à susciter plus de conscience sur la crise environnementale et sociale.
« L’Agenda 21 local amène beaucoup de gens à vivre et à se comporter plus consciemment. Ce ne
sont pas toujours des changements mesurables. Mais on sent au contact avec les gens qu’ils
réfléchissent et qu’ils vivent au-delà du court terme et de leur vie personnelle. » (R. Bayer)
La Ville de Nuremberg a décidé de poursuivre la voie de l’AL 21, « voie qui a été couronnée de
succès jusqu’à présent. L’accent sera toujours mis sur le travail concret des projets. » (R. Baier)
Ina Ranson
Contacts par:
Stadt Nürnberg
Umweltreferat
Agenda 21 Büro
Hauptmarkt 18
90403 Nürnberg
Telefon 09 11/ 231 - 59 02
Telefax 09 11/231 – 33 91
[email protected]
15