Pauvreté urbaine : la promotion de communautés viables

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Pauvreté urbaine : la promotion de communautés viables
Pauvreté urbaine : la promotion de
communautés viables
Anne-Marie Séguin
Gérard Divay
Résumé
Décembre 2002
Document de recherche F|27 – Réseau de la famille
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Résumé
Ce document traite de la distribution spatiale de la pauvreté urbaine et de ses effets, et dans une
perspective d’élaboration de politiques, des défis que soulève la création de communautés
socialement viables dans les grandes métropoles canadiennes et notamment dans les quartiers
pauvres.
La première section du texte présente un portrait général de la « géographie de la pauvreté » dans
les métropoles canadiennes. Les recherches révèlent qu’on observe, en 1996, une pauvreté
croissante qui s’accompagnerait d’une certaine augmentation de la concentration spatiale de la
pauvreté au sein de plusieurs grandes métropoles canadiennes. Mais au-delà de ce constat, il ne
faut pas conclure à l’existence d’univers extrêmement contrastés avec, d’un côté, des quartiers de
déprivation multiple et de l’autre des quartiers exempts de pauvreté et de problèmes sociaux. Des
recherches montrent en effet qu’il existe encore une certaine mixité sociale au sein des espaces
de pauvreté et que la pauvreté n’est pas toute concentrée dans les villes-centres des grandes
métropoles. La question des effets de milieu est ensuite abordée. Le fait de vivre dans un quartier
de forte concentration de la pauvreté, grève-t-il les potentialités de l’existence d’un enfant ou
d’un adulte ? Un survol des recherches réalisées dans d’autres contextes géographiques révèle
que les effets de milieu influencent les trajectoires des enfants et des adultes qui résident dans les
quartiers pauvres, mais d’une manière moindre que les caractéristiques individuelles ou
familiales de ces personnes. Enfin, deux autres éléments importants dans l’analyse des espaces
de pauvreté sont soulevés, celui de la capacité différenciée de prise en charge locale par les
communautés et celui de l’existence de handicaps urbains (comme le redlining commercial) qui
agissent comme facteurs d’accentuation de la pauvreté, et qui restent encore peu explorés par les
chercheurs.
L’augmentation de la pauvreté et de sa concentration, reconnue d’ailleurs comme un enjeu social
dans le rapport Sgro (2002), exige une intervention gouvernementale soutenue afin d’une part de
freiner ce processus d’appauvrissement et d’autre part de réduire les impacts négatifs de la
relative concentration de la pauvreté au sein des grandes villes canadiennes. Quelles formes
devrait prendre cette intervention, notamment aux plans du partage des responsabilités entre
niveaux (ou « responsability mix » entre gouvernements, municipalités et organismes
communautaires) et des secteurs d’intervention à prioriser, afin de produire des quartiers viables
socialement quel que soit le niveau de richesse de leurs habitants ? L’examen du cas de Montréal
permet d’avancer des éléments de réponse à ces questions. Dans le choix des domaines
d’intervention, les mesures relatives aux personnes (dans leur contexte familial) sont
primordiales. Montréal qui possède de nombreuses caractéristiques qui la rendent
particulièrement vulnérable (forte pauvreté, relative concentration des populations pauvres)
témoigne de l’importance des interventions des gouvernements centraux (fédéral et provincial)
dans des domaines clés comme l’éducation, la santé et la protection sociale. Ces politiques « aspatiales » ont des effets territorialisés notamment sur les quartiers pauvres en assurant aux
populations pauvres une bonne qualité de services quel que soit leur lieu de résidence, et en
maintenant une certaine mixité sociale dans les quartiers défavorisés et en facilitant la mixité
sociale dans les autres quartiers. Les effets spatiaux à long terme des politiques générales ou
universelles ne doivent donc pas être sous-estimés par rapport aux impacts plus visibles à court
terme (y compris au plan politique) des interventions spatialement concentrées.
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Cela dit, la deuxième leçon à tirer de ce survol est qu’il existe aussi des conséquences positives
d’interventions ciblées sur les quartiers de pauvreté réalisées tant par les gouvernements centraux
(souvent en partenariat avec des organismes locaux) que par d’autres types d’institutions comme
les municipalités ou les organismes du secteur associatif (souvent avec l’appui financier des
gouvernements supérieurs). La dynamique de détérioration du cadre physique et du tissu social
observée dans certains quartiers sensibles à Montréal a appelé des interventions plus ciblées qui
viennent en appui aux politiques plus générales afin de contrer des situations particulièrement
détériorées; les auteurs décrivent certaines de ces initiatives. Il se peut d’ailleurs que les effets
positifs de politiques générales destinées aux personnes et aux familles soient avantageusement
renforcés si elles sont appuyées par des actions plus ciblées, surtout si elles s’insèrent dans une
perspective d’intégration, de complémentarité des interventions au niveau de l’agglomération.
Le texte pose les questions de l’intersectorialité des interventions et des modalités de
l’organisation de l’action d’ensemble, plus particulièrement les modalités des relations
interorganisationnelles (notamment interniveaux). En ce qui concerne les interventions ciblées,
on observe en effet quelques expérimentations qui font une place à des interventions
intersectorielles faisant appel à des partenariats. Un arrimage des actions est alors nécessaire et il
peut prendre plusieurs formes : de la simple concertation sur les stratégies à l’établissement
d’ententes contractuelles où chaque partie s’engage sur une contribution et où toutes les parties
s’obligent à certains résultats, voire même à l’intégration des ressources sous un même
intervenant. Des évaluations combinées sur les choix stratégiques et les modalités
opérationnelles seraient nécessaires pour définir les stratégies les plus appropriées de lutte à la
pauvreté urbaine.
Enfin, par rapport aux zones de concentration de la pauvreté, une dernière question se pose.
Chaque politique générale doit-elle être éventuellement modulée localement, non dans ses
objectifs de résultats mais dans ses modalités de mise en oeuvre et comment les différentes
politiques doivent-elles être articulées localement pour maximiser l’effet de chacune, compte
tenu des différents types de pauvres et des caractéristiques du milieu ? La réponse n’est pas
simple si on prend en compte le nombre de programmes, la diversité des milieux et le nombre
restreint des évaluations portant sur ces interventions et leur combinaison.
Mots-clés: Villes, pauvreté, quartiers, viabilité sociale, collaboration multi-niveaux, exclusion
sociale, politiques sociales.
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