Pauvreté urbaine : la promotion de communautés viables
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Pauvreté urbaine : la promotion de communautés viables
Pauvreté urbaine : la promotion de communautés viables Anne-Marie Séguin Gérard Divay Résumé Décembre 2002 Document de recherche F|27 – Réseau de la famille Disponible à partir du site http://www.rcrpp.org ou disponible sur demande au (613) 567-7500. Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques inc. 600-250, rue Albert Ottawa (Ontario) K1P 6M1 § (613) 567-7500 ¨ (613) 567-7640 www.rcrpp.org Résumé Ce document traite de la distribution spatiale de la pauvreté urbaine et de ses effets, et dans une perspective d’élaboration de politiques, des défis que soulève la création de communautés socialement viables dans les grandes métropoles canadiennes et notamment dans les quartiers pauvres. La première section du texte présente un portrait général de la « géographie de la pauvreté » dans les métropoles canadiennes. Les recherches révèlent qu’on observe, en 1996, une pauvreté croissante qui s’accompagnerait d’une certaine augmentation de la concentration spatiale de la pauvreté au sein de plusieurs grandes métropoles canadiennes. Mais au-delà de ce constat, il ne faut pas conclure à l’existence d’univers extrêmement contrastés avec, d’un côté, des quartiers de déprivation multiple et de l’autre des quartiers exempts de pauvreté et de problèmes sociaux. Des recherches montrent en effet qu’il existe encore une certaine mixité sociale au sein des espaces de pauvreté et que la pauvreté n’est pas toute concentrée dans les villes-centres des grandes métropoles. La question des effets de milieu est ensuite abordée. Le fait de vivre dans un quartier de forte concentration de la pauvreté, grève-t-il les potentialités de l’existence d’un enfant ou d’un adulte ? Un survol des recherches réalisées dans d’autres contextes géographiques révèle que les effets de milieu influencent les trajectoires des enfants et des adultes qui résident dans les quartiers pauvres, mais d’une manière moindre que les caractéristiques individuelles ou familiales de ces personnes. Enfin, deux autres éléments importants dans l’analyse des espaces de pauvreté sont soulevés, celui de la capacité différenciée de prise en charge locale par les communautés et celui de l’existence de handicaps urbains (comme le redlining commercial) qui agissent comme facteurs d’accentuation de la pauvreté, et qui restent encore peu explorés par les chercheurs. L’augmentation de la pauvreté et de sa concentration, reconnue d’ailleurs comme un enjeu social dans le rapport Sgro (2002), exige une intervention gouvernementale soutenue afin d’une part de freiner ce processus d’appauvrissement et d’autre part de réduire les impacts négatifs de la relative concentration de la pauvreté au sein des grandes villes canadiennes. Quelles formes devrait prendre cette intervention, notamment aux plans du partage des responsabilités entre niveaux (ou « responsability mix » entre gouvernements, municipalités et organismes communautaires) et des secteurs d’intervention à prioriser, afin de produire des quartiers viables socialement quel que soit le niveau de richesse de leurs habitants ? L’examen du cas de Montréal permet d’avancer des éléments de réponse à ces questions. Dans le choix des domaines d’intervention, les mesures relatives aux personnes (dans leur contexte familial) sont primordiales. Montréal qui possède de nombreuses caractéristiques qui la rendent particulièrement vulnérable (forte pauvreté, relative concentration des populations pauvres) témoigne de l’importance des interventions des gouvernements centraux (fédéral et provincial) dans des domaines clés comme l’éducation, la santé et la protection sociale. Ces politiques « aspatiales » ont des effets territorialisés notamment sur les quartiers pauvres en assurant aux populations pauvres une bonne qualité de services quel que soit leur lieu de résidence, et en maintenant une certaine mixité sociale dans les quartiers défavorisés et en facilitant la mixité sociale dans les autres quartiers. Les effets spatiaux à long terme des politiques générales ou universelles ne doivent donc pas être sous-estimés par rapport aux impacts plus visibles à court terme (y compris au plan politique) des interventions spatialement concentrées. 2 Cela dit, la deuxième leçon à tirer de ce survol est qu’il existe aussi des conséquences positives d’interventions ciblées sur les quartiers de pauvreté réalisées tant par les gouvernements centraux (souvent en partenariat avec des organismes locaux) que par d’autres types d’institutions comme les municipalités ou les organismes du secteur associatif (souvent avec l’appui financier des gouvernements supérieurs). La dynamique de détérioration du cadre physique et du tissu social observée dans certains quartiers sensibles à Montréal a appelé des interventions plus ciblées qui viennent en appui aux politiques plus générales afin de contrer des situations particulièrement détériorées; les auteurs décrivent certaines de ces initiatives. Il se peut d’ailleurs que les effets positifs de politiques générales destinées aux personnes et aux familles soient avantageusement renforcés si elles sont appuyées par des actions plus ciblées, surtout si elles s’insèrent dans une perspective d’intégration, de complémentarité des interventions au niveau de l’agglomération. Le texte pose les questions de l’intersectorialité des interventions et des modalités de l’organisation de l’action d’ensemble, plus particulièrement les modalités des relations interorganisationnelles (notamment interniveaux). En ce qui concerne les interventions ciblées, on observe en effet quelques expérimentations qui font une place à des interventions intersectorielles faisant appel à des partenariats. Un arrimage des actions est alors nécessaire et il peut prendre plusieurs formes : de la simple concertation sur les stratégies à l’établissement d’ententes contractuelles où chaque partie s’engage sur une contribution et où toutes les parties s’obligent à certains résultats, voire même à l’intégration des ressources sous un même intervenant. Des évaluations combinées sur les choix stratégiques et les modalités opérationnelles seraient nécessaires pour définir les stratégies les plus appropriées de lutte à la pauvreté urbaine. Enfin, par rapport aux zones de concentration de la pauvreté, une dernière question se pose. Chaque politique générale doit-elle être éventuellement modulée localement, non dans ses objectifs de résultats mais dans ses modalités de mise en oeuvre et comment les différentes politiques doivent-elles être articulées localement pour maximiser l’effet de chacune, compte tenu des différents types de pauvres et des caractéristiques du milieu ? La réponse n’est pas simple si on prend en compte le nombre de programmes, la diversité des milieux et le nombre restreint des évaluations portant sur ces interventions et leur combinaison. Mots-clés: Villes, pauvreté, quartiers, viabilité sociale, collaboration multi-niveaux, exclusion sociale, politiques sociales. 3