"Les causes et les conséquences du naufrage du pétrolier L`Erika"
Transcription
"Les causes et les conséquences du naufrage du pétrolier L`Erika"
CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL Note flash Ce document est établi d’après le projet d’avis susceptible d’être modifié par l’Assemblée plénière. Le texte intégral, de l'avis et du rapport, est téléchargeable dès sa publication au Journal Officiel, généralement dans le délai d'une semaine après l'Assemblée plénière Sujet : "Les causes et les conséquences du naufrage du pétrolier L'Erika" La prévention des risques et les conditions de réparation des dommages dus aux pollutions marines 22 ans après l’avis adopté par le Conseil économique et social au nom de la section du Cadre de vie sur l’Amoco Cadiz, le Conseil économique et social propose un nouvel avis à la suite du naufrage de l’Erika le 22 décembre 1999. Si certaines propositions d’alors ont été adoptées tendant à renforcer une surveillance du détroit Manche-Mer du Nord, ce qui a permis d’éviter des accidents, nombre d’autres n’ont pas retenu l’attention des pouvoirs publics. La question des pavillons de complaisance, la légèreté des contrôles, le manque de coordination des services de l’Etat lorsque survient la catastrophe et l’insuffisante indemnisation des dommages écologiques restent d’actualité. La section du Cadre de vie déplore qu’une fois de plus la catastrophe ait pris de court les pouvoirs publics. Aussi bien l'Etat que les collectivités territoriales se sont trouvé dans l’incapacité de gérer une situation de crise. Les informations contradictoires émanant d’autorités diverses sitôt démenties par les événements concernant aussi bien les zones d’atterrissage des nappes, que la nature du fioul, ont laissé se développer dans la population une impression de manque de maîtrise de la situation et d’opacité dans la communication. Afin de répondre à l’exigence citoyenne de plus de transparence dans l’action publique, d’efficacité dans l’intervention des services de l’Etat et d’une meilleure protection du patrimoine naturel, la section du Cadre de vie propose : • • • • o en amont, de façon préventive : de fonder la responsabilité environnementale en développant les principes de précaution, de prévention et de pollueur payeur. Pour ce faire la prochaine présidence française de l’Union européenne devrait favoriser l’adoption d’une directive sur la mise en œuvre de la responsabilité environnementale ; d’instituer une force européenne de sécurité maritime placée sous l’autorité d’une instance intergouvernementale ; d’organiser la traçabilité des produits dangereux grâce au développement de la banque de données Equasis ; de créer un observatoire national scientifique permanent de la mer et du littoral. • • o lorsque survient la catastrophe : mieux coordonner l’intervention des services de l’Etat, des collectivités territoriales et des associations dans le traitement des pollutions et la placer sous l’égide d’une autorité capable d’impulser une véritable politique de la mer ; informer précisément la population sans chercher avant tout à rassurer. " Contribution relative aux dommages subis par les filières alimentaires de la mer " présentée par Monsieur Gilbert CAPP au nom de la section de l’agriculture et de l’alimentation Qualité sanitaire des eaux et des denrées sont au cœur de la réflexion de la section de l’agriculture et de l’alimentation du Conseil économique et social concernant la filière alimentaire. • • • • • • • • • • Le constat - La pollution causée par le navire Erika présente des aspects nouveaux une zone étendue : 400 km de la Côte Atlantique sont polluées par la marée noire ; une réflexion sur la mise sur le marché de denrées alimentaires ; une gestion de la crise sanitaire réactive dans l’urgence et coordonnée grâce à la reconnaissance des blocs de compétence de chaque administration, une habitude de travail en commun et un objectif de santé publique ; un partage des rôles : séparation de l’évaluation et de la gestion du risque ; des professionnels peu touchés en termes de dégâts physiques ; des préjudices économiques des filières quelque soit l’origine géographique des produits ; des indemnisations particulières au secteur de la pêche, des cultures marines et des exploitations salicoles ; des conséquences économiques et sociales préoccupantes à l’avenir. Les recommandations – Un double objectif : la préservation de l’économie des filières alimentaires, la protection de la santé des consommateurs 1. Prendre en compte des attentes des professionnels • raccourcir les délais d’indemnisation ; • restaurer l’image des produits de la mer et des cultures marines en assurant la promotion à des moments pertinents afin de préserver la récolte prochaine. 2. Effectuer un suivi du milieu , de la qualité des eaux et des denrées • établir des normes pour évaluer la toxicité à long terme des hydrocarbures dans la chaîne alimentaire ; • assurer un suivi sanitaire pour permettre l’ouverture des sites et la mise sur le marché des denrées ; • évaluer l’atteinte aux écosystèmes. Normalisation, certification et contrôle effectif des navires de commerce de transport de marchandises dangereuses Le naufrage du pétrolier Erika pose, outre la question de la sûreté des voies de navigation, celle de la sécurité des navires et de leur cargaison. Le transport maritime est régi par une réglementation internationale foisonnante dont l’application est exclusivement à la charge d’Etats qui, pour certains, n’ont ni les moyens ni la volonté de la faire respecter. Cette situation, s’ajoutant à l’opacité de la chaîne logistique, tend à favoriser irresponsabilité et laxisme, alors que l’âge de la flotte mondiale ne cesse de croître, que le volume de marchandises transportées augmente et que de plus en plus de produits dangereux transitent par la voie maritime. La section des Activités productives, de la recherche et de la technologie, fondant son analyse sur un certain nombre de principes de sécurité maritime, formule treize propositions visant l’état des navires, préconisant notamment un retrait rapide des navires les plus âgés ; o la certification et la classification, insistant pour qu’un terme soit mis à la confusion de fait entre les deux démarches ; o les contrôles effectifs, engageant à ce qu’une obligation de signalement soit instituée ; o la responsabilité financière de l’ensemble de la chaîne logistique, en suggérant le recours à la notion de responsabilité sans faute. o Ces mesures ne prendront leur véritable dimension que si à chacun des niveaux décisionnels des révisions sont effectuées. La mise en œuvre d’une véritable politique européenne du trafic maritime intégrant des objectifs d’une sécurité renforcée est indispensable, d’autant que le " cabotage " représente 90 % du trafic enregistré dans la ZEE européenne. La sécurité du transport maritime : prévention, réglementation, application et contrôle La section des économies régionales et de l’aménagement du territoire a examiné la sécurité du transport maritime conformément à la saisine adressée par le Bureau du Conseil économique et social : prévention, réglementation, application et contrôle. La section a constaté l’existence d’une abondante réglementation, souvent peu ou pas appliquée, la mise en place de contrôles nombreux mais pas toujours fiables, des conditions de concurrence favorisant les pavillons de complaisance et une organisation du secteur conduisant à une déresponsabilisation des différents acteurs. Elle a relevé un niveau des sinistres encore élevé et une forte corrélation entre le taux des pertes, l’âge des navires et certains pavillons de libre immatriculation. Partant de ce constat et soucieuse de privilégier la prévention et la recherche de l’efficacité des mesures à prendre, elle préconise : o Un renforcement et surtout une plus grande fiabilité des contrôles tant au titre de l’Etat du pavillon que de l’Etat du port. o Une lutte résolue et concertée pour arriver à l’élimination des navires sous-normes et pour favoriser un transport maritime de qualité, grâce notamment à une amélioration de l’organisation de la transparence en ce qui concerne les intervenants du secteur, l’état du navire, la nature des cargaisons et l’extension du système de signalement des navires à l’entrée dans les eaux européennes dans la perspective d’aller vers une autorisation préalable d’accès pour les transports à risques. o Une action forte de responsabilisation de tous les intervenants de la chaîne du transport maritime, avec en particulier l’instauration d’un système de responsabilité financière sans faute impliquant l’ensemble des acteurs du transport maritime, chacun pour ce qui le concerne et permettant, en cas de sinistre, une indemnisation et une réparation rapide et automatique sans attendre la répartition des responsabilités à trancher par les juges. Les premières mesures décidées en France devront être confirmées et prolongées au niveau européen et international pour donner leur pleine efficacité. Les conditions de travail et d'emploi des marins de la marine marchande Le Bureau du Conseil économique et social a souhaité que, dans le cadre des travaux sur les causes et les conséquences du naufrage de l’Erika, soient examinées les conditions de travail et d’emploi des marins de la marine marchande. En effet, si le naufrage de l’Erika n’a, heureusement, fait aucune victime dans l’équipage, il apparaît que, d’une façon générale, les conséquences matérielles (pollution, environnement…) retiennent plus l’attention que les pertes en vies humaines et les conditions de travail et de vie des marins. Or, selon les informations de l’OIT, sur trente ans, 10 000 navires ont sombré et, sur les dix dernières années, 130 000 marins ont disparu. Après avoir constaté que des conditions de travail et d’emploi dégradées étaient au cœur d’un processus de dérégulation dans les transports maritimes et constituaient un avantage concurrentiel incontestable pour des pavillons de complaisance voire pour certains pavillons nationaux, le Conseil économique et social propose de mettre l’accent sur les axes suivants : ratifier les conventions de l’OIT et élaborer une convention internationale unique applicable aux gens de mer ; o accentuer la mise en place d’une réglementation communautaire ; o renforcer les systèmes d’inspection : o - en coordonnant, au niveau européen, les techniques et les méthodes d’inspection ; - en organisant une véritable inspection du travail maritime indépendante ; - en intégrant les normes sanitaires et sociales dans les banques de données publiques sur les navires ; - en se dotant de moyens juridiques d’imposer la compétence des tribunaux de l’Etat du port, de garantir le paiement des salaires au moyen d’un système d’assurance et d’exercer le droit d’immobilisation des navires ; o traiter les situations de crise (marins impayés, navires abandonnés…) en permettant à l’Etat du pavillon ou aux Etats du port de se substituer à l’armateur défaillant pour rapatrier les marins et recouvrer ultérieurement les frais. Sur le point d’exercer la présidence de l’Union européenne, la France se doit de prendre des initiatives propres à favoriser l’amélioration des conditions de travail et de vie des équipages quelle que soit leur nationalité et, par la même, contribuer à faire progresser la sécurité du transport maritime.