N° 271 - Mai 2011 ( - 6434 Ko) - Portail de la Recherche et des

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N° 271 - Mai 2011 ( - 6434 Ko) - Portail de la Recherche et des
Recherche et développement technologique
271
Mai 2011
Le mag’ scientifique
www.athena.wallonie.be · Mensuel ne paraissant pas en juillet et août · Bureau de dépôt Bruxelles X
...
Faites de beaux
rêves......
...
Miroir...,
mon beau miroir...
ATHENA 271 · Mai 2011
> ÉDITO
Édito
Entre gris clair et gris foncé
Texte: Géraldine TRAN • Rédac’chef • Photo: BSIP / REPORTERS (titre)
I
l y a quelques mois, Jean-Michel Debry nous parlait de l’épineuse question des cellules souches issues d’embryons
humains (Voir Athena n° 268, p. 33) et de l’interdiction, dans la plupart des pays, de les exploiter pour en faire une source
de cellules et non des enfants. Dans cette saga scientifique mais aussi éthique et religieuse, nouveau rebondissement:
aux États-Unis, l’Administration Obama vient de recevoir le feu vert pour la poursuite du financement public de ce type
de recherches, interdites par G.W. Bush depuis 2001. C’est un grand pas en avant, qui plus est dans un pays ultra puritain
et pointilleux sur les questions morales.
2
En Europe, en mars dernier, un procureur de la Cour européenne de justice a rendu un avis négatif, soumis à l’appréciation de
13 juges de la Cour européenne dont on attend la décision dans les mois à venir. Pour de nombreux chercheurs, une interdiction
de brevetabilité serait une aberration et empêcherait de valoriser les recherches en cours. À ce débat éthique se rajouterait une
question économique: les industries pharmaceutiques intéressées pourraient décider d’investir en dehors de l’Europe. Sans
parler de la question de l’image d’une Europe sans cesse «outsider»…
Que sait-on de ce débat ? Le doute subsiste quant à la nature de ces cellules souches, issues de l’embryon humain dans ses tout premiers jours de développement,
alors qu’elles ne sont que quelques-unes. Doivent-elles être considérées comme des
êtres humains à part entière ? C’est souvent formulée telle quelle que vous lirez ou
verrez la question dans les «mass» médias. Avec pour seule réponse, une réponse
­dichotomique: oui ou non. Sauf que rien n’est ni noir, ni blanc et la science ne livre pas
de réponse implacable à ce sujet. Aux communs des mortels, il manque un bout de
l’histoire, souvent coupé au montage: dans la plupart des pays, les cellules souches
proviennent d’embryons humains congelés et cédés par des parents ayant déjà réussi
leur fécondation in vitro. Aucun nouvel embryon n’est créé pour la recherche. Non
seulement ces embryons sont donc voués au «repos éternel», mais ils sont surtout
le cadeau offert à la science par des parents comblés et certains de ne pas souhaiter
renouveler la démarche. C’est une information dont on se doute mais qui peut changer l’opinion publique. Je vous laisse vous faire un avis sur la question. En attendant,
bonne lecture ! n
Erratum
Une erreur s’est glissée dans le n° 270
du mois d’avril. En p. 43, dans l’article
intitulé Rembrandt, artiste expérimentateur ?, les grains blancs de la photo
n° 3 ne correspondent pas à des grains
d’amidon car ceux-ci, en présence
d’une solution aqueuse d’iodure de
­potassium et d’iode se colorent en
­violet foncé. Toutes nos excuses.
ATHENA 271 · Mai 2011
Tirée à 15 000 exemplaires, Athena est une revue
de vulgarisation scientifique du Service Public de Wallonie
éditée par le Département du Développement technologique
de la Direction générale opérationnelle Économie, Emploi
et Recherche (DGO6).
Place de la Wallonie 1, Bât. III - 5100 JAMBES
Elle est consultable en ligne sur http://athena.wallonie.be
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SOMMAIRE
SOMMAIRE
12
Actualités
04
Actualités
Exp’Osons 2011
10
Le Dossier
Faites de beaux rêves...
12
L’ADN de ...
Charlotte RINGLET • Logopède
20
Technologie
J’y suis, j’y reste !
22
Internet
Le Web pour les Nuls et les Professionnels
Comment les Receveurs reçoivent
26
Biologie
30
22
38
34
Chimie
Miroir, mon beau miroir ...
38
Physique
42
Astronomie
44
Espace
46
Agenda
50
46
Éditeur responsable
Impression
Michel CHARLIER,
Inspecteur général
Ligne directe: 081/33.45.01
[email protected]
Les Éditions européennes
Rue Thiefry, 82 à 1030 Bruxelles
Rédactrice en chef
Collaborateurs
Géraldine TRAN
Ligne directe: 081/33.44.76
[email protected]
Graphiste
Nathalie BODART
Ligne directe: 081/33.44.91
[email protected]
ISSN 0772 - 4683
Dr Valérie Burguière
Christiane De Craecker-Dussart
Alain de Fooz
Jean-Michel Debry
Paul Devuyst
Henri Dupuis
Philippe Lambert
Jean-Luc Léonard
3
Neurologie
Le libre arbitre n’est-il qu’une illusion ?
Yaël Nazé
Théo Pirard
Jean-Claude Quintart
Christian Vanden Berghen
Dessinateurs
Vince
Comité de rédaction
Laurent Antoine
Michel Charlier
Jean-Marie Cordewener
Couverture
Première
Crédit: REPORTERS / Photononstop
Quatrième
Crédit: Science
ATHENA 271 · Mai 2011
> ACTUALITÉS
Un secret
bien gardé
Je suis sur toutes les tables
des terrasses, dans tous les frigos,
tous les distributeurs
de boissons; je suis vendu
partout dans le monde;
je coule dans la gorge des
«7 à 77 ans»; je suis centenaire.
Qui suis-je ? Le coca !
Tout le monde en a déjà bu au
moins une g
­ orgée, certains en
boivent des litres, d’autres le
prennent comme un médicament,
un morceau de sucre booster
d’énergie, mais le mystère reste
entier: que se cache derrière
cet autre «or noir» ?
4
Texte: Jean-Claude QUINTART
[email protected]
D
u pharma au coca ou de la
recherche à la richesse. On
refuse de le croire ou on
l’ignore, mais la boisson
numéro un au monde, le
Coca-Cola a bien été créé aux États-Unis,
à Atlanta, en 1886, par un pharmacien,
John Pemberton, dont l’invention portait
sur un sirop destiné, comme bien souvent
à l’époque, à divers maux tels que maux
de tête, de ventre, etc. La potion reposait
sur un mélange de vin de Bordeaux et de
feuilles de coca. Chaque verre contenait
alors neuf milligrammes de cocaïne !
De l’espoir au flop, le sirop est un échec !
À quelque chose malheur est bon, note
la sagesse populaire. Franck Robinson,
comptable de John Pemberton, a l’idée
de génie de diluer le soda dans de l’eau
gazeuse à la place d’eau plate et d’appeler le tout «Coca-Cola». Mise en vente à la
soda-fountain de la Jacob’s Pharmacy, la
boisson commence à faire parler d’elle au
Photos:MGM Photography, Coca-Cola company, Themysteryman/Flick’r
point qu’en 1887, Asa Griggs Candler flaire
la bonne affaire, rachète tous les droits à
Pemberton et retravaille la composition,
aujourd’hui l’une des mieux gardées au
monde connue sous le nom: «7x».
En 1892, The Coca-Cola Company est
fondée à Atlanta et en 1895, Asa Cand­
ler déclare aux actionnaires: «À partir
de maintenant, Coca-Cola se boira dans
chaque état et territoire des États-Unis».
Ses successeurs feront mieux encore,
aujourd’hui, Coca-Cola est présent dans
plus de 200 pays avec une déclinaison d’environ 500 produits ! En 2009, la
société a produit quelque 41 milliards de
bouteilles et canettes ! Le groupe emploie
près de 140.000 personnes dont 3.000
chez nous, où
la marque à la
célèbre
bouteille est apparue en 1927.
Aujourd’hui, Coca-Cola fête ses 125 ans.
Déjà ! 125 ans durant lesquels la société
n’a cessé d’innover en boissons, embal­
lages, techniques de vente, de production, de distribution, etc. Bref, un plan
d’affaires exemplaire, un exemple à
suivre ! 
http://www.coca-cola.com
Jean-Claude QUINTART · ACTUALITÉS
Actus...
d’ici et d’ailleurs
Texte: Jean-Claude QUINTART • [email protected] • Photos: ULB (p.5), PFIZER (p.6)
R&D
Nez optique…
pour votre chien
G
énérer une onde de seconde
harmonique avec seulement
une centaine de molécules, voilà
l’exploit réalisé par des chercheurs du
Service Optique non linéaire théorique de
la Faculté des Sciences de l’Université
libre de Bruxelles (ULB), associés pour la
circonstance à des confrères de l’Institut
des sciences photoniques de Barcelone.
Une première publiée dans l’édition
du 29 mars de la célèbre revue Nature
Communications (http://www.nature.com/
ncomms/index.html).
Pour appréhender le travail des chercheurs, il faut savoir qu’une onde de
seconde harmonique est un processus
optique non linéaire par lequel une
onde, à une fréquence optique déterminée, donne lieu à une nouvelle onde,
généralement de très faible intensité, à
la fréquence double. Cette génération
de seconde harmonique fut observée
pour la première fois en 1961, année qui
suivit l’invention du laser. Ce phénomène
est maintenant utilisé couramment pour
obtenir de nouvelles fréquences optiques
à partir du nombre limité de fréquences
disponibles avec des lasers. À l’origine
de cet effet, on trouve les charges électriques de molécules qui, sous l’effet du
champ électrique d’une onde optique,
oscillent autour d’une position d’équilibre. Quoi qu’il en soit, cette matière n’est
pas évidente pour les néophytes !
«On peut se représenter une molécule
comme des points reliés par des ressorts
et sur lesquels le champ électrique pousse
et tire périodiquement. Aux faibles intensités lumineuses, les ressorts de la molé-
cule sont suffisamment peu étirés pour
que les charges électriques de la molécule
oscillent fidèlement à la fréquence de
départ», nous éclaire Gregory Kozyreff,
membre du Service Optique non linéaire
théorique. Qui s’empresse de poursuivre: «En revanche, quand l’intensité
lumineuse augmente, les ressorts de la
molécule se déforment tellement que les
forces de rappel ne sont plus uniquement
proportionnelles au déplacement; le
carré de celui-ci intervient aussi. Et quand
on prend le carré d’une onde sinusoïdale,
on obtient une onde qui comporte une
fréquence double de la fréquence initiale. Dès lors, le mouvement oscillant des
charges électriques comporte une petite
composante à la fréquence double et c’est
cela qui donne lieu à un rayonnement de
seconde harmonique».
Dans la réalité, le signal émis par molécule est très faible et un très grand nombre d’entre-elles est nécessaire pour
générer un signal détectable. Obtenir
une onde de seconde harmonique
avec seulement quelques centaines de
molécules comme vient de le faire l’ULB
est donc bel et bien un exploit ! Pour le
signer, les chercheurs et expérimentateurs ont fabriqué une microsphère de
silice, qu’ils ont recouverte d’une couche très fine et très diluée de molécules non linéaires. «Lorsqu’on injecte de
la lumière dans une telle sphère, elle peut
y rester pendant un temps extrêmement
long en tournant un grand nombre de
fois le long de l’équateur», expliquent
les chercheurs. Ajoutant «qu’il s’agit là
d’un mode de galerie, par analogie au
phénomène acoustique dans la coupole
de la cathédrale Saint-Paul de Londres,
les modes de galerie chuchotants, décrits
pour la première fois par Lord Rayleigh en
1910 et qui permettent à deux personnes
diamétralement opposées dans la cou-
pole de se comprendre en chuchotant
près du mur incurvé de la coupole».
Dans le cas des microsphères, le même
phénomène se produit mais avec des
ondes lumineuses ! Une onde piégée
peut interagir un très grand nombre de
fois avec une molécule située près de
l’équateur, ce qui démultiplie les effets
non linéaires. Au total, ceci pourrait être
exploité dans la détection d’un faible
nombre de molécules voulant s’attacher
à la sphère.
«En préparant la sphère pour qu’elle
­n’accepte qu’un type de molécule bien
choisi à sa surface, on pourrait détecter
des concentrations infimes de ces molécules dans un environnement donné par
l’émission de seconde harmonique qu’elles
génèreraient. Ceci pourrait, par exemple,
être utile pour détecter la présence de molécules toxiques, voire compléter l’odorat des
chiens par un nez optique, pour la recherche
­d’explosifs !», termine Gregory Kozyreff. 
http://www.ulb.ac.be et http://www.icfo.es
Grâce au nez des chercheurs de l’ULB,
des molécules chuchotent maintenant
des photons dans des microsphères !
5
ATHENA 271 · Mai 2011
> ACTUALITÉS
Aujourd’hui,
c’est déjà demain
S
6
i tous les jours, nous entendons
cette réflexion, nous ne voyons
pas tous les jours un Gouvernement prendre celle-ci à ma lettre. Le
Gouvernement wallon l’a fait ! Avec
le Centre hospitalier universitaire de
Liège (CHU), l’Université de Liège
(ULg) et Meusinvest, il a porté sur les
fonts baptismaux, le Centre d’innovations médicales (CIM) en lui assignant
pour mission de préparer la Wallonie
aux innovations médicales de demain.
«La Wallonie génère 79% du revenu
total national du secteur des biotechnologies et abrite 74% de la main d’œuvre
belge du secteur», pointe avec un large
sourire Jean-Claude Marcourt, ministre wallon de l’Économie. Et d’enchaîner de suite: «La richesse de ce secteur
est due à un faisceau d’éléments qui se
renforcent mutuellement: entreprises
innovantes, pôles de recherche et développement performants, enseignement
de qualité, incubateurs spécialisés,
mécanismes financiers adaptés, etc.»
Dans la tradition wallonne de cette
dynamique d’équipe, le CIM s’attachera à développer les compétences
wallonnes en médecine translationnelle pour les promouvoir ensuite
auprès des industriels de la pharmacie
et du biotech. La médecine translationnelle est une évolution inéluctable
des processus de recherche médicale.
Pour speeder l’arrivée de traitements
innovants et relever les défis contemporains de la médecine personnalisée,
chercheurs et cliniciens se doivent
d’instaurer entre eux la trame d’un
dialogue permanent. Le but ? Permettre à la recherche fondamentale et
clinique d’aboutir à une application
sécurisée et plus rapide des connaissances médicales (pronostiques, diagnostiques et thérapeutiques) pour le
plus grand bénéfice du patient.
À leur santé !
O
n oublie souvent, mais ils sont comme nous ou nous sommes comme
eux ! Aussi, la santé des animaux fait-elle la Une, notamment à Louvainla-Neuve, où Pfizer investit pour eux quelque 22 millions d’euros ! La nouvelle ne pouvait que combler Rudy Demotte, Ministre-président de Wallonie et
médecin. Une nouvelle pour ses deux casquettes: Pfizer agrandit son usine-pilote
de Louvain-la-Neuve et y installe un laboratoire de recherche et développement
en médecine vétérinaire. Plus concrètement, Pfizer Animal Health transforme son
implantation néo-louvaniste en fer de lance des solutions dédiées aux maladies
infectieuses émergentes. «Nous sommes particulièrement heureux de réaliser cet
investissement en Wallonie, sur notre plate-forme de Louvain-la-Neuve», claironne
fièrement Christian Borgniet, responsable du site. «Cette nouvelle étape nous permettra d’ajuster rapidement la production, d’être proactif et flexible aux changements
et de pouvoir fournir les vaccins à grande échelle lors d’une pandémie. Grâce à cette
flexibilité, nous pouvons être les premiers à lancer sur le marché de nouveaux vaccins
vétérinaires contre les maladies infectieuses émergentes. Un atout unique !» Un grand
jour pour la Wallonie et aussi pour Pfizer qui, avec cet investissement de 22 millions
d’euros, se dote de moyens uniques en termes de santé animale.
Grippe H1N1 ou maladie de la langue bleue sont deux exemples de pandémie
ayant touché récemment l’Europe, et dont chacun se souvient encore de l’impact
économique et de l’importance d’un traitement rapide des foyers d’infections.
Voilà pourquoi Pfizer, géant de la pharmacie humaine et animale, entend pouvoir
produire sans délai et livrer à très court terme de grandes quantités de vaccins.
«La manipulation d’ingrédients biologiques actifs viraux nécessite des mesures de
sécurité particulières. Notre usine-pilote sera donc à la pointe du progrès en la matière.
Sa conception répondra aux plus hauts standards biologiques exigés». D’une superficie de 1.300 m², elle sera une chaîne comprenant recherche, développement et
production de nouveaux antigènes. Avec comme atout majeur, une flexibilité à
­l’extrême ! De son côté, le laboratoire s’attachera à la mise au point de nouveaux
vaccins, à l’étude des résultats des tests cliniques et au développement de procédures de contrôle. «Ces nouvelles installations offriront aussi des opportunités
uniques de collaborations avec les universités de la région, les centres de recherche
spécialisés et les entreprises», précise la direction.
Le groupe Pfizer est la première entreprise biopharmaceutique au monde depuis
le rachat, en 2009, de Wyeth. Tout a commencé en 1849, à New York, avec Charles
Pfizer, chimiste allemand, et son cousin confiseur, Charles Erhart, qui fondèrent à
Brooklyn (New-York) une entreprise chimique spécialisée dans le tartre, le borax et
le camphre raffiné et dont la première substance produite sera la santonine, utilisée alors comme vermifuge. Dès 1945, la société devient le plus grand producteur
de pénicilline au monde; et en 1960, le principal fabricant d’un nouveau vaccin
contre la poliomyélite, etc. Une entreprise remarquable dans sa longévité, qui a
encore un bel avenir devant elle. 
http://www.pfizer.com et http://www.pfizer-vet.be
Le CIM s’installera au sein du CHU de
Liège, dans un nouveau bâtiment de
1.000 m² et occupera à son démarrage quelque 15 emplois hautement
qualifiés. 
http://www.ulg.ac.be
et http://www.chuliege.be
We protect every pig as if it were the last one *
(* Nous protégeons chaque cochon
comme s’il était le dernier)
Jean-Claude QUINTART · ACTUALITÉS
Récurrent mais pas lassant !
C
ar, il est toujours agréable
­d’entendre une entreprise
wallonne annoncer presque
mensuellement de nouveaux succès !
Après Seattle aux États-Unis et Dresde
en Allemagne, IBA empoche sa troisième commande de l’année avec la
vente à la Skandionkliniken d’une instal­
lation de protonthérapie, la première
en Scandinavie ! Montant du contrat:
entre 50 et 60 millions d’euros. Lorsqu’il
sera pleinement opérationnel, en 2015,
environ mille patients seront traités
annuellement par faisceau de protons à
la demande des cliniciens des hôpitaux
de Göteborg, Linköping, Lund, Malmö,
Stockholm, Uumea et Uppsala.
Pour Pierre Mottet, administrateur
délégué d’IBA, «Ce partenariat entre
les comtés et les sept hôpitaux, devant
améliorer le traitement du cancer chez
l’enfant et l’adulte, est extraordinaire !»
Et de préciser, «Les cliniciens de la Skandionkliniken traiteront bien plus de types
de cancer avec les protons, y compris le
cancer du sein et le cancer du poumon,
ainsi que les cancers récurrents déjà traités par rayon X».
Par ce contrat, l’entreprise wallonne
noue des liens avec l’histoire, sachant
que le centre de recherche d’Uppsala
a tenu un rôle crucial dans le développement de la protonthérapie. En 1957,
l’Institut Gustaf Werner de l’Université
d’Uppsala était le deuxième établis­
sement au monde à traiter le cancer
avec des protons sur base d’un protocole utilisé en 1948 par le Lawrence
Berkley Laboratory de Berkeley, en Californie. À ce jour, IBA a vendu 24 centres
de protonthérapie dont 11 sont déjà
au service des patients, et les 9 autres
en construction. 
http://www.uu.se;
http://www.skandionkliniken.se;
http://www.lbl.gov
et http://www.iba-worldwide.com
Le chiffre
7
Q
À peine l’encre
séchée…
u’IBA signait une prise de participation minoritaire dans le capital de
l’allemand PET Net, boostant ainsi son réseau mondial de radio-pharmaceutiques PET. En effet, le wallon est aujourd’hui le seul à posséder
un réseau PET (ou tomographie par émission de positrons) mondial, avec 57 centres de production PET et un site SPECT ultramoderne. Par cette infrastructure,
IBA gère directement la distribution vers les États-Unis, l’Europe et l’Inde et livre
ses produits dans plus de 60 pays. Bref, avec une stratégie de croissance axée
sur l’expansion de son réseau de fabrication et de distribution sur chaque marché majeur de la médecine nucléaire, l’acquisition de cette infrastructure PET
en Allemagne constitue un formidable facteur de développement pour IBA.
«Cette prise de participation, conforte le caractère unique de notre réseau mondial
et confirme le leadership d’IBA sur la niche des nouveaux radio-pharmaceutiques
utilisés dans le cadre d’une médecine personnalisée à l’échelle mondiale», note
Pierre Mottet, administrateur délégué d’IBA. «Nous partageons une mission commune: améliorer les soins médicaux», ajoute de suite le professeur Willi Kalender,
fondateur et propriétaire de PET Net. Pour rappel, la PET est une méthode non
invasive utilisée en imagerie médicale moléculaire pour visualiser des processus biologiques en vue de déceler les maladies à un stade précoce et suivre leur
évolution en temps réel.
http://www.iba-worldwide.com et http://www.petnet-gmbh.de
%
... de déforestation…Tel est l’un
des souhaits du WWF pour les
cinquante prochaines années !
Une organisation qui a célébré
le 29 avril dernier son cinquantième anniversaire ! Parmi ses
autres vœux pour le demi-­siècle à
­venir, on retiendra l’espoir d’une
réduction de 80% des émissions
de gaz à effet de serre et que
nos besoins énergétiques soient
produits à 100% par des sources
renouvelables.
http://www.wwf.org
ATHENA 271 · Mai 2011
L
> ACTUALITÉS
Études et récompenses
a recette du succès ? Mettre et
remettre son travail sur le métier !
Malgré sa position et son histoire,
Baxter n’a pas hésité à rencontrer les professionnels de la santé en milieu hospitalier pour évoquer ensemble et approfondir les connaissances mutuelles lors d’un
symposium
axé sur la nutrition
du patient stressé.
«La maladie provoque un stress qui
s’accompagne d’une
augmentation de
la dépense énergétique et d’une
diminution
des
apports nutritionnels, générant ainsi
une
dénutrition.
Selon une étude
récente, environ
40% des patients
séjournant dans
les hôpitaux bel-
ges souffrent de malnutrition. Or, un déficit
en énergie, protéines et autres nutriments
comme les vitamines et les oligo-éléments
ont une influence néfaste sur le fonctionnement optimal de nombre de nos organes ainsi que sur le pronostic du patient»,
expliquent les responsables de Baxter.
Aussi, la Baxter Nutrition Academy s’estelle plus particulièrement penchée sur
la mesure de la dénutrition, le rôle des
acides aminés et des vitamines lors de
maladies aiguës, le soutien nutritionnel
aux patients vulnérables: patients atteints
d’un cancer, âgés ou souffrant d’obésité,
de patients en postopératoire ou atteints
d’insuffisance rénale chronique.
Sur un registre proche, l’hôpital oncologique de jour du Centre Hospitalier
du Bois de l’Abbaye et de Hesbaye, à
Seraing, s’est vu décerner le Baxter Belgian Clinical Pharmacy Award 2011 pour
la partie francophone. Largement développée chez les anglo-saxons et en plein
boom chez nous, la pharmacie clinique
est une discipline axée sur l’utilisation
appropriée et sécuritaire des médicaments par les patients. Dans ce contexte,
les pharmaciens hospitaliers collaborent
étroitement avec le corps médical et les
infirmières pour conseiller le choix des
médicaments, surveiller leur administration et évaluer la qualité de la thérapie
médicamenteuse, notamment au niveau
d’effets secondaires inattendus.
L’hôpital oncologique de jour du ­Centre
hospitalier du Bois de l’Abbaye et de
Hesbaye a ainsi vu récompensé son projet de détection à temps des éventuelles
interactions médicamenteuses liées à
des traitements différents, associés à un
traitement chronique du patient cancéreux. Cette initiative de Baxter est soutenue par l’Association francophone des
pharmaciens hospitaliers de Belgique. 
http://www.baxter.be;
http://www.baxter.com
et http://www.afphb.be
8
Chaire électrique !
A
vec plus de 75% des réseaux de distributions d’électricité et de gaz naturel de Wallonie, ORES estime qu’il est
temps de passer aux réseaux intelligents (smart grid) et
compteurs intelligents (smart metering). Une tâche complexe
pour laquelle l’entreprise fait appel à la Faculté Polytechnique
de l’Université de Mons (UMONS) et plus particulièrement aux
services de génie électrique, électromagnétisme et télécommunications. Pour mener à bonne fortune ce projet, une convention, d’une durée de trois ans reconductible, a été signée entre
les partenaires en vue d’ouvrir, dès la rentrée prochaine, une
Chaire ORES.
Soutenue par un financement de 100.000 euros par an, les
­thèmes de cette Chaire permettront à l’UMONS de se concentrer sur l’étude de l’impact sur les réseaux de distribution du
développement de la production décentralisée; sur ces mêmes
réseaux du développement du véhicule électrique; la problématique de la sécurité informatique du transfert de données sur les
réseaux de distribution d’électricité; et la gestion de la demande
d’électricité et de son adéquation avec la production de celle-ci.
«Un partenariat gagnant-gagnant grâce auquel notre université
valorise ses savoirs et renforce ses activités de recherche dans un
domaine porteur tout en permettant à ORES d’améliorer la qualité
ses services à clientèle», exprime avec satisfaction Paul Lybaert,
doyen de la Faculté Polytechnique.
Accueil de la production décentralisée, véhicules électriques, etc.
Des défis qui excitent Jacques Lobry, professeur, membre du service Génie électrique de la Faculté Polytechnique. Qui explique
«D’un point de vue technique, disons
qu’il s’agit de superposer au réseau
électrique un réseau informatique et
de télécommunications qui permettra un
meilleur contrôle grâce à des communications entre le gestionnaire de réseaux, les fournisseurs, les clients et aussi le réseau lui-même. Une situation similaire
à celle dont Internet a transformé les télécoms». Un changement
de paradigme estime Jacques Hugé, administrateur délégué
d’ORES, «Si hier, la production d’électricité était centralisée, parfaitement contrôlable et suivant une demande relativement prévisible, dorénavant, c’est la demande qui devra s’adapter à une offre
dont le caractère imprévisible augmentera au fur et à mesure de la
montée en puissance des productions décentralisée, rendant toujours plus complexe la gestion des réseaux». Sur base du «Gouverner, c’est prévoir», ORES entend passer immédiatement à l’action
en matière ­d’intelligence des réseaux afin de mieux surveiller les
flux d’énergie et les comportements de la clientèle.
Un sacré programme qui vaut bien une Chaire dont les thèmes
à développer toucheront à la conception de réseaux de distribution basse tension présentant une pénétration d’énergies renouvelables; la gestion de la tension sur les réseaux de distribution
moyenne tension; l’impact du parc croissant des véhicules électriques sur les réseaux électriques; l’accessibilité aux réseaux; le
développement des réseaux de télécommunications adaptés
pour les smart grids; et les équipements de mesures appliqués
aux réseaux électriques. 
http://www.umons.ac.be
et http://ores.net
Jean-Claude QUINTART · ACTUALITÉS
Illustration : VINCE
Coup d’crayon
Ça fait débat !
CO2 attention au
raccourci !
L
L’avion Solar Impulse, conçu par Solvay, qui a effectué le premier vol sans
carburant durant 26 heures, sera présenté à l’aéroport de Bruxelles du 23 au 29 mai.
À ne surtout pas rater !
Remise des Prix
de l’Odyssée de l’Objet 2011
Ce mercredi 27 avril 2011 avait lieu à l’Institut
Saint-Luc de Liège la remise des Prix de l’édition 2011 du concours
phare du Département du Dévelop­pement technologique de la
DGO6: l’Odyssée de l’Objet. Voici le palmarès en attendant la fin de
l’odyssée dans le prochain numéro ! Félicitations à tous !
n
é d iti o
Les prix
Premier Niveau (1ere - 2e année):
1er prix: Le Crac-ou-Cass (1e G de l’Institut de la Providence de Champion)
2e prix: Le S+che (2e T de l’Institut Don Bosco de Woluwé Saint-Pierre)
3e prix: l’Écofour (2e G de l’Institut des Ursulines - Site du Sacré Cœur de
Koekelberg)
Deuxième Niveau (3 - 4 année):
1er prix: Le Bulb’O (3e G de l’Athénée Royal Prince Baudouin de Marchin)
2e prix: Le Packahuile (4e T de l’Institut Saint-Roch de Marche-en-Famenne)
3e prix: Le Top-Coper (4e T de l’Institut des Arts et Métiers Pierrard de Virton)
e
e
Troisième Niveau (5e - 6e année):
1er prix: La Butter box (5e P de l’Institut Sainte-Julienne de Fléron)
2e prix: La Magictable (5e et 6e P de l’Institut Sainte-Claire de Verviers)
3e prix: Le Support d’œuf (5e G de l’Athénée Royal Jean Absil de Charleroi)
Le Prix du Public
Le Kit-Kot-Kub (5e T de l’Institut Marie-Thérèse de Liège)
Les premiers prix consistent en trois séjours à l’étranger: Paris, Londres et Lisbonne.
Les groupes récompensés par les seconds prix visiteront une exposition et recevront un
chèque de 1.250 euros pour l’achat de matériel didactique.
Les lauréats des troisièmes prix gagnent la visite d’une exposition avec leur classe.
Les élèves ayant reçu le Prix du public visiteront également une exposition et recevront
un chèque de 1.250 euros pour l’achat de matériel didactique.
e CO2 carburant de demain,
­titrions-nous en page 4 du
­numéro 269 de mars dernier.
Un titre «bling-bling», voire ravageur,
estiment Jean-Marie Frère, professeur
émérite à l’Université catholique de
Louvain (UCL) et Edwin De Pauw, professeur ordinaire. «Les lois de la thermodynamique sont implacables. Pour
réduire le CO2 en produits utilisables
comme carburant, l’énergie nécessaire
sera supérieure à celle qu’on pourra
récupérer en brûlant lesdits produits.
Alors, pourquoi passer par le CO2 et
ne pas utiliser directement l’électricité
­obtenue par ces moyens ?», interrogent
les deux professeurs. Et de ­répondre,
«La raison la plus évidente serait la
­nécessité de stocker l’énergie sous forme chimique, l’énergie électrique étant
difficile ou impossible à stocker. Mais
de nouveau, l’énergie dépensée pour
ce stockage sera plus grande que celle
qu’on pourra récupérer… À moins de
réaliser deux transformations infiniment lentement !» Bref, «Le CO2 est certainement transformable en composés
utiles comme ceux qui entrent dans
la fabrication du plastique mais cette
transformation demande et deman­
dera toujours ­l’injection dans le système
d’une quantité énorme d’énergie. Ainsi
et hélas, le CO2 ne sera jamais un carburant, ni demain, ni après-demain».
Jean-Marie Frère et Edwin De Pauw
ajoutent: «Les plantes vertes et les
cyanobactéries exploitent un procédé
efficace, la photosynthèse, pour réduire
le CO2 en utilisant l’énergie lumineuse
fournie gratuitement par le Soleil. La
maîtrise de l’utilisation des produits
de la photosynthèse pour la mise au
point de systèmes qui imitent cette
suite de réactions en utilisant directement l’énergie solaire pour obtenir, par
exemple, de l’hydrogène semblent bien
plus prometteurs. Le développement de
capteurs photovoltaïques plus efficaces
est une autre alternative». Des précisions bien utiles sur un thème dont
on reparlera à n’en pas douter. 
http://www.uclouvain.be
9
ATHENA 271 · Mai 2011
> ACTUALITÉS
Des jeunes
qui osent...
se détacher du clavier
Texte: Jean-Luc LÉONARD • [email protected] • Photos: PhotoAlto / REPORTERS (p.10), J.-L. LÉONARD (p.11)
10
L’initiation scientifique des
jeunes doit les inciter à dépasser le clavier de l’ordinateur
pour concevoir et réaliser
des projets concrets. C’est
l’optique défendue par Marie­Jeanne Matagne, professeur
de science en retraite (très
active) et cheville ouvrière
de l’asbl Ose la Science
L
’asbl proposait les 28 et 29
avril, à Namur, dans le grand
hall du centre administratif
du Service public de Wallonie, au boulevard du Nord,
son événement Exp’Osons 2011. Comme
d’habitude, les organisateurs avaient dû
limiter à 140 le nombre de projets, présentés par quelque 350 candidats à cet
exercice annuel d’émulation scientifique
destiné aux élèves de l’enseignement
primaire et secondaire. À noter que les
contributions pouvaient être individuelles ou collectives. Marie-Jeanne Matagne a un faible pour les participants
individuels, plus motivés, du fait de leur
démarche personnelle, et aussi plus
créatifs et innovants. Mais les groupes de
classes étaient également les bienvenus,
étant entendu qu’Ose la Science ne veut
en aucune façon se substituer à l’école,
souligne-t-elle.
Le président de l’asbl, Frédéric Peters,
abonde dans le même sens en
accueillant les invités à l’inauguration
de l’exposition. Il insiste également
sur la nécessité de «sortir les jeunes du
cocon confortable de l’Internet et du
copier-­coller», observant que, pour eux,
«le grand danger lié à cette passivité est
de croire indistinctement à tout ce qu’on
peut lire sur le Web». Le directeur d’Ose
la Science, Didier Duchêne, souhaite
pour sa part la bienvenue aux représentants de l’ambassade du Maroc et d’une
asbl marocaine partenaire, joliment
nommée Goûte la Science, ainsi qu’à des
délégations venues d’Espagne et de
Slovaquie.
Dernier orateur, le professeur Robert
Sporken, doyen de la faculté des sciences des Facultés universitaires NotreDame de la Paix (FUNDP), souligne que,
sur un total de 6.000 étudiants, l’université namuroise en compte 1.300, dans
les branches scientifiques. Pour dissiper
un éventuel malentendu, il tient à préciser que les chercheurs ne vivent pas
enfermés dans leurs laboratoires. «Au
contraire, nous voyageons beaucoup»,
dit ce physicien qui est aussi professeur adjoint à l’université de l’Illinois,
à Chicago. Il rappelle encore que les
jeunes qui font des études scientifiques
se placent dans la meilleure perspective pour trouver un emploi, tout simplement parce que «la société a besoin
de connaissances pour relever les défis
­d’aujourd’hui et de demain.»
Un inventaire
à la Prévert
La liste de thèmes abordés cette année
sur les stands d’Exp’Osons occuperait pratiquement une page d’Athena. Elle illustre
l’immense variété des sujets qui peuvent
être objets de curiosité scientifique car,
comme le disait le chanoine Lemaître,
l’initiateur de la cosmologie du Big Bang,
«il n’y a pas de limitation naturelle à la puissance de la pensée». En dehors des dix prix
d’excellence (Voir encadré), les jeunes participants au concours se sont donc emparés de questions aussi diverses que «pourquoi y a-t-il des pyramides en Égypte ?»,
«d’où viennent les couleurs du ciel ?»,
«nos émotions provoquent-elles vraiment
un impact irréversible sur notre corps ?»,
«l’évolution de la médicalisation gynécoobstétrique est-elle dangereuse ?»,
«la nourriture a-t-elle une influence sur
­l’intelligence et le comportement ?»,
«6 juin 44, oui mais pourquoi ?»,...
Parmi les thèmes que l’on retrouve assez
systématiquement ici comme dans tous
les concours scientifiques, comment ne
pas citer l’effet de serre, le sida, les OGM,
l’avion Solar Impulse, la couleur de peau,
les énergies renouvelables ou non, la
nocivité du tabac, les effets du Soleil sur la
peau, les nanotechnologies, le nucléaire
ou les aurores polaires ? Plus insolites: le
hoquet, les montagnes russes, le mentalisme, le lait de jument, la stévia (une
Jean-Luc LÉONARD · ACTUALITÉS
plante qui secrète une sorte d’édulcorant
naturel), l’ocytocyne (l’hormone de la
confiance et de l’amour), le vortex (tourbillon de fluide) et les croyances des peuples, vaste sujet s’il en est.
Quelques autres matières abordées par
les «Exp’osants» de Namur ouvrent encore
davantage l’éventail de leurs recherches:
cela va du téléphone à ficelle à la transformation d’excréments en gaz, en passant
par la mémoire, les catastrophes naturelles, les trous noirs, le cerveau, l’abat-
toir, les effets de l’alcool sur l’organisme,
les requins blancs, le squelette, les feux
­d’artifices, le diabète, le sommeil, les glaciers, le train à sustentation magnétique,
la grossesse, les lasers, le Cern, le monde
des tortues, les images 3D, le chewinggum, le basket, les momies, la delphinothérapie, le moustique, l’huile de palme,
le somnambulisme et l’œuf. Pour conclure
cet inventaire très incomplet, comme
l’aurait fait Prévert, il ne manque que le
raton laveur. L’an prochain, peut-être ? 
+
Pour en savoir
plus
http://www.oselascience.be
http://exposons.wordpress.com/
rès
a
Le palm
Les gagnants du concours d’Ose la Science sont, comme toujours, très
nombreux. Nous en extrayons les dix premiers prix d’excellence distingués
dans les trois catégories d’âge (entre parenthèses: le ou les auteurs du projet et
éventuellement leur école), ainsi que les prix remis par l’Agence de stimulation
économique (ASE) et le prix de la créativité.
 Les prix d’excellence
Niveau primaire:
Des volumes, des surfaces... comment les mesurer avec du sable ?
(Luna Gérard)
Les instruments de musique de mon jardin (Héloïse Wilkin)
Le train à sustentation magnétique (Simon Lejoly)
Niveau secondaire inférieur:
Les abeilles, indispensables mais menacées
(Christophe Lacroix - Providence Champion)
De l’assiette à la compet’ (Bastien Libotte - Jean XXIII)
La vie d’un sac en plastique (Valérie Sprockeels, St Guibert)
Niveau secondaire supérieur:
L’hémiplégie (Damien Boclinville, St Hubert)
Arthrose= vieillesse ? pas sûr, pas sûr...
(Manon Lavis et Sophie Noël - Jean XXIII)
Ados Love (Sophie Malburny et Julien Matagne - Félicien Rops)
Le radon (Nicolas Herman et Florent Lamotte - Jean XXIII)
 Prix de l’Agence de stimulation économique (ASE)
Les instruments de musique de mon jardin, d’Héloïse Wilkin,
projet «club-sciences» d’Ose la Science.
Les couleurs du ciel, d’Alexandra Berger et Marie-Alix Mouchet,
projet «club-sciences» d’Ose la Science.
 Prix de la créativité de Ose la Science
L’influence de la nourriture sur le comportement, du Collège Saint-Servais
(secondaire supérieur)
11
ATHENA 271 · Mai 2011
12
> LE DOSSIER
Faites de
beaux rêves...
Texte: Philippe LAMBERT · Photos: L.CLARKE et M.FARMER/Flickr (p.12), Ph.LAMBERT (p.14)
Philippe LAMBERT · LE DOSSIER
Manque chronique de sommeil:
santé en danger !
le même sens et corroboraient les données épidémiologiques.
+
Vous souhaitez
en savoir plus sur le sujet?
Rendez-vous dans la seconde
partie de ce dossier !
Pour diverses raisons, le temps moyen de sommeil des individus s’est
sensiblement réduit dans les pays industrialisés au cours des cinquante
dernières années. Selon toutes les études disponibles, cette tendance
draine dans son sillage des risques pour la santé. Plusieurs voyants
sont à l’orange, si pas au rouge. Des chercheurs de l’ULB se proposent
d’étudier ce que pourrait apporter aux petits dormeurs une extension
de sommeil d’une heure par jour
A
ux États-Unis, par exemple, la durée moyenne
du ­sommeil quotidien
des adultes serait ­passée
de 8 heures 30 minutes
en 1960 à 6 heures 40 minutes de nos
jours. Une chute vertigineuse partagée,
à quelques nuances près, par l’ensemble
des pays industrialisés. Études épidémiologiques et travaux en laboratoire
dessinent une même vérité: l’érosion
du temps de sommeil n’est pas sans
répercussions sur la santé et les perfor­
mances cognitives.
Le professeur Philippe Peigneux,
responsable de l’Unité de recherches
en neuropsychologie et neuroimagerie
fonctionnelle à l’Université libre de
Bruxelles (ULB), et Rachel Leproult, qui
a longtemps travaillé à l’Université de
Chicago avant de rejoindre l’ULB, nous
parlent de cette problématique et des
recherches qu’ils vont entreprendre sur
l’intérêt d’une extension de la durée
de sommeil chez les sujets considérés
comme de petits dormeurs.
INTERVIEW
I
l ressort des données actuel­
lement disponibles dans la littérature scientifique que le manque de
sommeil prédispose notamment au
diabète et à l’obésité ?
Rachel Leproult - C’est ce que révèlent les études épidémiologiques, mais
également les expériences menées
en laboratoire. Ainsi, à l’Université de
Chicago, nous avons montré que si l’on
demandait à des jeunes gens habitués
à dormir en moyenne 8 h par nuit de ne
dormir que 4 h par nuit pendant 6 jours,
certains d’entre eux arrivaient au terme
de l’expérience dans un état prédiabétique. Leurs analyses biologiques étaient
caractérisées par une diminution de la
tolérance au glucose et une résistance
à l’insuline.
Nous nous sommes également intéressées, avec Ève Van Cauter (1) et Karine
Spiegel (2), au risque d’obésité. Il nous
est apparu que les sujets en manque
de sommeil avaient tendance à vouloir
manger davantage et, qui plus est, surtout des aliments riches en graisses et
en sucres. Les dosages hormonaux que
nous avons effectués épousaient cette
réalité. Ainsi, les taux de leptine étaient
diminués chez les participants après 6
jours de déficit en heures de sommeil,
alors que les taux de ghréline étaient
augmentés. Rappelons que la leptine est
l’hormone de la satiété, celle qui nous
indique que nous sommes rassasiés, et
que la ghréline stimule l’appétit.
Vu la réduction de la durée quotidienne
de sommeil dans des pays comme les
États-Unis ou la France, il paraît tout à fait
fondé de penser que le manque chronique de sommeil puisse jouer un rôle non
négligeable dans l’«épidémie» de cas
d’obésité que connaît actuellement le
monde industrialisé. Une extension du
temps de sommeil des petits dormeurs
pourrait peut-être participer à la prévention de la prise de poids et faciliter
l’élimination de l’excès pondéral. Cette
voie mérite d’être explorée, en particulier chez les enfants, où elle est de nature
à réduire les risques d’apparition et de
développement de l’obésité.
C
es résultats ont-ils été reproduits
par des études au «design» un
peu différent ?
R.L. - Absolument. Et dans tous les cas,
les résultats expérimentaux allaient dans
Une courbe
en U
I
l y a des personnes qui sont considérées comme naturellement de
petits dormeurs et d’autres, naturellement de grands dormeurs. Vous
n’avez pas pu inclure ces populations
dans vos travaux expérimentaux ?
R.L. - Un souci d’homogénéité nous
­l’interdisait. Nous avons recruté des personnes qui dormaient habituellement
de 23 h à 7 h ou de minuit à 8 h. Pas plus
que les petits et les grands dormeurs, les
travailleurs postés, par exemple, ne pouvaient entrer dans nos protocoles expérimentaux. Certes, il y a des individus
qui ont besoin de moins de sommeil ou
de plus de sommeil que d’autres, mais
je crois que les «vrais» petits dormeurs
relèvent de l’exception. Parmi les gens
qui dorment très peu, beaucoup se forcent à écourter leur temps de sommeil
pour des raisons familiales, sociales ou
professionnelles. Ils finissent par s’habituer à la situation et à ne plus se rendre
compte de leur état de fatigue. Placezles en pleine journée dans une chambre
obscure, la plupart s’endormiront directement. En fait, ils sont à haut risque
face aux problèmes de santé et aux pro­
blèmes cognitifs favorisés par le manque
de sommeil.
Philippe Peigneux - Il a été montré
que les personnes qui ne dorment que
4 h par nuit ont un risque cardiovas­
culaire nettement accru. Mais là, évidemment, nous avons affaire à des cas
assez extrêmes. On ne peut néanmoins
nier l’existence d’une variabilité d’origine génétique entre les individus quant
à leur besoin de sommeil et à leur résistance à la privation de sommeil. Certains
semblent pouvoir se contenter de façon
habituelle d’une nuit de repos de 6 h. Endeçà, cela paraît incompatible avec une
absence de risque pour la santé.
13
ATHENA 271 · Mai 2011
> LE DOSSIER
Bio express
Nom: LEPROULT
Prénom: Rachel
14
Formation:
Licenciée en sciences mathématiques
et docteur en sciences biomédicales
Profession:
Après 15 ans passés à l’Université de
Chicago, elle travaille actuellement
comme chercheuse à l’ULB sur un
projet de recherche relatif à l’impact
neurophysiologique, cognitif et biologique d’une extension de sommeil.
E-mail: [email protected]
Ê
R.L. - Une courbe en U se dégage des
études épidémiologiques. Dormir trop
ou trop peu accroît les risques d’obésité,
de diabète et de maladies cardiovasculaires, notamment. Pourtant, il s’agit de
deux phénomènes différents. Le fait de
peu dormir a généralement une origine
comportementale. Quant à ceux qui se
déclarent grands dormeurs, dormentils vraiment 10 h par nuit, voire plus, ou
­restent-ils simplement au lit ? En outre,
un sommeil de longue durée peut ­parfois
trouver son origine dans ­l’hypersomnie,
affection dont l’origine reste encore
incertaine, ou dans des pathologies telles que des problèmes cardiovasculaires,
qui fatiguent l’organisme.
V
Nom: PEIGNEUX
Prénom: Philippe
Formation:
Docteur en sciences psychologiques
Profession:
Responsable de l’Unité
de recherches en neuropsychologie
et neuroimagerie fonctionnelle
à l’Université libre de Bruxelles (ULB)
Collaborateur du Centre de
recherches du cyclotron (ULg)
E-mail: [email protected]
Le masque
du visage
tre en dette de sommeil est
­néfaste. Et à l’inverse, dormir
beaucoup ?
ous avez évoqué un risque
cardiovasculaire lié au déficit de
sommeil. Au-delà des études épidémiologiques, sa réalité a-t-elle été
établie en laboratoire ?
R.L. - Oui. À l’Université d’Harvard, par
exemple, Janet Mullington a mis en
évidence - et nous l’avons confirmé
à Chicago - que le taux de la protéine
C-réactive (CRP), un indicateur spécifique du risque cardiovasculaire, était
augmenté à la suite d’une privation de
sommeil. Divers travaux expérimentaux
ont également décelé une élévation de
la tension artérielle chez les sujets en
manque de sommeil.
D
iabète, obésité, maladies cardio­
vasculaires... D’autres pistes
ont-elles été explorées à ce jour ?
R.L. - On pourrait citer la fonction immunitaire, pour laquelle Karine Spiegel a
souligné aussi un impact négatif du déficit en heures de sommeil. Comment estelle arrivée à cette conclusion ? En comparant l’effet d’une vaccination contre la
grippe sur des individus en carence de
sommeil et sur des individus contrôles.
Chez les premiers, la bonne qualité de
l’immunisation s’est avérée plus tardive.
Dans une expérience où étaient rassemblés des participants âgés de 35 à 49 ans
appelés à dormir soit 5,5 h, soit 8,5 h, il est
apparu que la prescription d’un régime
alimentaire entraînait une perte de poids
équivalente dans les deux groupes, mais
que les membres du premier perdaient
plus de muscle et moins de graisse que
ceux du second.
P.P. - Récemment, une équipe de chercheurs suédois et néerlandais conduite
par John Axelsson, de l’Institut Karolinska, à Stockholm, a montré, par le biais
de la présentation de photos d’individus ayant passé une nuit normale ou,
au contraire, ayant été privés de sommeil, que les personnes en manque de
sommeil étaient perçues comme moins
Philippe LAMBERT · LE DOSSIER
Ceux qui se déclarent
grands ­dormeurs, dorment-ils
vraiment 10 h par nuit, voire plus,
ou r­ estent-ils simplement au lit ?
En outre, un sommeil de longue
durée peut ­parfois trouver
son origine dans ­l’hypersomnie,
affection dont l’origine reste encore
incertaine, ou dans des pathologies
telles que des problèmes cardio­
vasculaires, qui fatiguent
l’organisme. Quoi qu’il en soit,
dormir trop ou trop peu accroît
les risques d’obésité, de diabète
et de maladies cardiovasculaires,
notamment.
attirantes et en moins bonne santé. Une
expression faciale plus figée - ce qu’on
appelle le «masque du visage» - devait
probablement contribuer grandement à
ces appréciations.
Une heure
supplémentaire
de sommeil
U
ne façon positive d’aborder la
question du manque chronique
de sommeil est d’étudier les effets
bénéfiques éventuels d’une extension
de la durée de sommeil chez les petits
dormeurs. C’est l’objectif du projet
que vous venez d’initier à l’ULB ?
P.P. - Oui. Dans la plupart des études en
laboratoire, les participants sont privés
quotidiennement d’une ou plusieurs
heures de sommeil pendant quelques
jours, puis replacés durant une courte
période expérimentale dans un régime
de sommeil normal. Elle est trop brève
pour juger d’effets à long terme. L’originalité de notre projet est double. D’une
part, nous allons étudier l’impact d’une
extension de sommeil d’1 h par nuit
durant 6 semaines chez 20 adultes (2550 ans) en bonne santé et dormant, en
moyenne, moins de 7 h par nuit en raison
de leur style de vie. D’autre part, nous ne
circonscrirons pas nos recherches à la
sphère physiopathologique, même s’il
n’est pas dans nos intentions de négliger
les mesures du glucose, de l’insuline, de
la protéine C-réactive, du cholestérol,
etc., mais nous étendrons nos travaux
au domaine cognitif et de l’activité cérébrale sous-jacente.
Vu la longueur de l’expérience, elle ne
pourra se dérouler en laboratoire. Aussi
les participants continueront-ils à vivre
dans leur cadre de vie habituel. Toute
la difficulté sera de faire en sorte qu’ils
puissent s’organiser pour majorer d’1 h
leur durée moyenne de sommeil. Outre
un questionnaire axé sur leurs périodes
de veille et de sommeil, nous disposerons d’un moyen de contrôle indirect:
chaque participant portera un moniteur
d’activité motrice au poignet pendant
8 semaines, à savoir les 2 semaines précédant la période expérimentale proprement dite et les 6 semaines que durera
cette dernière.
R.L. - De surcroît, nous enregistrerons
au domicile des participants 2 polysomnographies, l’une avant le début de la
période d’extension de sommeil, l’autre
vers la fin de celle-ci. Chaque sujet participera également à 2 sessions d’enregistrements électroencéphalographiques (EEG)
et magnétoencéphalographiques (MEG),
avant et après l’intervention. L’utilisation
des EEG/MEG a pour objectif de mettre
en évidence les processus neurophysiologiques intervenant dans l’accomplissement de diverses tâches. En effet, durant
les 2 sessions EEG/MEG, les volontaires
compléteront des questionnaires et participeront à des tâches cognitives.
Q
ue rechercherez-vous précisément à travers l’étude de ces
tâches ?
P.P. - Nous essayerons d’abord de déterminer dans quelle mesure l’extension de
sommeil améliore les performances des
sujets. Ensuite, la magnétoencéphalographie, qui est une technique d’imagerie de
l’activité cérébrale dont la résolution temporelle est de l’ordre de la milliseconde,
devrait nous permettre de déceler les
stratégies mises en œuvre pour la réalisation d’une même tâche selon que le sujet
est ou non en manque de sommeil. En
effet, il est tout à fait possible que, même
pour une performance équivalente, le
cerveau se révèle plus efficient et plus
rapide dans le traitement de l’information
lorsque le sujet a bénéficié d’une extension de sommeil.
Évidemment, nous ne pensons pas
qu’1 h supplémentaire de sommeil
puisse engendrer des effets massifs à
ce niveau. Nous attendons plutôt des
effets subtils s’exprimant, par exemple,
en termes de vitesse de traitement de
l’information. C’est pourquoi la magnétoencéphalographie nous semble particulièrement indiquée.
15
ATHENA 271 · Mai 2011
> LE DOSSIER
Architecture
déstructurée ?
D
e quelle nature seront les tâches
cognitives proposées aux volontaires ?
R.L. - Elles seront au nombre de trois.
La première, qui est un grand classique
pour l’étude de la vigilance, aura trait
à l’attention soutenue. Assis pendant
10 min devant un écran sur lequel apparaîtra, toutes les 2 à 10 s, un compteur de
chiffres qui se mettent à défiler, les participants auront pour mission de pousser le plus vite possible sur un bouton
dès l’apparition de la séquence. Nous
mesurerons leur rapidité et leur taux
d’erreurs.
16
Deuxième tâche: un test d’inhibition, le
«Stroop». Ici, on mesure la capacité d’une
personne à résister à l’interférence. Il lui
appartient, par exemple, de dénommer
la couleur dans laquelle sont écrits des
mots désignant eux-mêmes une couleur.
Imaginons le mot «jaune» écrit en
«bleu». La rapidité et le nombre d’erreurs
commises sont à nouveau les paramètres
pris en considération.
Enfin, la troisième épreuve concernera la
mémoire de travail. Une tâche appelée «2back». Le sujet voit des chiffres défiler sur
un écran, à une vitesse prédéterminée, et
doit réagir lorsque le chiffre qui apparaît
est identique à celui qui a été présenté
deux étapes auparavant. Ce test permet
de mesurer la capacité de l’individu à
mobiliser ses ressources attentionnelles
et ses capacités dynamiques de
traitement de l’information.
V
ous réaliserez aussi des enregistrements EEG/EMG en condition
de repos. Pourquoi ?
P.P. - Effectués au début et à la fin de
l’expérience d’extension de sommeil,
ces enregistrements de l’activité cérébrale auront d’abord lieu dans deux
conditions voisines chez le sujet au
repos. Primo, lorsqu’il maintient les yeux
ouverts durant 5 min; secundo, lorsqu’il
les ferme pendant le même laps de
temps. Ces deux situations permettent
d’aborder l’activité spontanée du cerveau selon deux modalités impliquant
des réseaux cérébraux différemment
distribués. En mettant notamment
en lumière l’importance relative de la
production d’ondes delta et d’ondes
alpha, les enregistrements ainsi réalisés
constituent des indicateurs du fonction­
nement cérébral au repos susceptibles
de refléter l’effet d’une accumulation
de fatigue chez le sujet en manque de
sommeil et celui de la restauration d’un
état d’équilibre chez le sujet ayant joui
d’1 h de sommeil supplémentaire pendant 6 semaines.
Toujours en début et en fin d’expérience,
les volontaires auront par ailleurs la possibilité de faire une sieste de 30 min. Au
cours de celle-ci, nous nous interrogerons particulièrement sur l’influence du
manque chronique de sommeil, d’une
part, et de l’extension de sommeil,
d’autre part, sur la pression de sommeil l’envie de dormir - et sur la qualité même
du sommeil. De fait, dans des états de
pression constante de fatigue, l’architecture de ce dernier pourrait être déstructurée. Par exemple, une entrée très
rapide dans le sommeil lent profond et
le sommeil paradoxal pourrait s’opérer
au détriment du sommeil lent léger, qui
représente normalement environ 50%
de notre temps de sommeil total. 
(1) Physicienne d’origine
belge, Ève Van Cauter a
fondé un laboratoire de
référence à l’Université de
Chicago dans le domaine
de l’étude du sommeil et
des hormones.
(2) Karine Spiegel est
actuellement chercheuse à
l’Université de Lyon au sein
d’une unité INSERM.
Dormir pour rester mince:
mythe ou réalité ?
Un bon sommeil est indispensable pour bien récupérer après une journée fatigante et être en forme le lendemain. Le manque de sommeil
aurait toutefois des répercussions bien au-delà de notre forme, sur
­notre santé. Des chercheurs postulent en effet qu’un manque régulier de sommeil pourrait être en cause dans l’épidémie galopante de
­diabète de type 2 et d’obésité à laquelle on assiste actuellement de par
le monde
Texte: Valérie BURGUIÈRE · Photo: Phanie / REPORTERS (p.17)
Valérie BURGUIERE· LE DOSSIER
U
n temps de repos quotidien minimum est
nécessaire à chacun
d’entre-nous pour être
en forme le lendemain.
Qui ne s’est jamais senti mal, vaseux,
après une nuit blanche ou simplement
un lendemain de fête prolongée tardivement dans la nuit ?
Des chercheurs ont réalisé des expériences de privation de sommeil chez
des jeunes gens, des étudiants, choisis
pour être en bonne santé. Ils ont ainsi pû
mettre en évidence que les sensations
désagréables que l’on éprouve après
une nuit éveillée résultent de perturbations métaboliques, notamment dans
l’homéostasie des glucides. Dans la
population générale, le temps moyen
de sommeil est passé en cinquante ans
de 9 h à 6 h, et la tendance actuelle est
à se priver toujours davantage. De là à
soupçonner le manque de sommeil de
jouer un rôle dans les épidémies de diabète de type 2 et d’obésité, deux pathologies qui constituent aujourd’hui de
véritables problèmes de santé publique, il n’y avait qu’un pas. Ce pas a été
franchi par plusieurs équipes de chercheurs américains qui se sont penchées
sur l’hypothèse.
Sommeil et glycémie
Le sommeil réalise des conditions métaboliques particulières, et la balance
énergétique globale est facilement
désta­bilisée si le repos nocturne est
insuffisant. Le manque de sommeil agit à
deux niveaux de régulation de la balance,
celui du métabolisme du glucose et celui
de la régulation de l’appétit.
Dans des conditions physiologiques normales, l’ingestion de glucides provoque
une sécrétion d’insuline, laquelle stimule
l’absorption du glucose par les tissus périphériques insulino-sensibles, ramenant la
glycémie à des valeurs normales. L’insuline
agit également en inhibant la production
hépatique du glucose. Ces deux actions
normalisent la glycémie post-prandiale.
Dans des conditions de prédisposition au
diabète, l’intolérance au glucose reflète
­l’incapacité de l’organisme à métaboliser
une surcharge glucidique (ingestats, injection intra-veineuse lors d’une épreuve
d’hyperglycémie orale provoquée) et à
ramener la glycémie à son niveau basal.
Parallèlement, l’insulino-résistance des
tissus périphériques implique que de plus
grandes quantités d’insuline sont nécessaires pour faire baisser la glycémie.
Le métabolisme glucidique a été étudié
chez des sujets sains au cours du cycle
nycthéméral (jour et nuit). Pour cela, il a
été choisi de pratiquer soit une injection
intra-veineuse à infusion constante, soit
une nutrition entérale continue en glucose. Les résultats de ces analyses montrent que la tolérance au glucose varie
de façon physiologique chez les sujets
sains, minces, au cours du nycthémère.
Elle est maximale le matin et passe par
un minimum en milieu de nuit.
Réponse insulinique
diminuée
Cette intolérance nocturne est physiologique et s’explique par une diminution
de l’insulinémie (taux d’insuline dans
le sang) associée à une réduction de
la sensibilité tissulaire périphérique à
l’insuline pendant la nuit, et les taux de
glucose tendent à rester élevés, de 20%
en moyenne par rapport à la glycémie
basale, malgré la période de jeûne. Une
étude a montré que l’élévation des taux
du glucose sanguin pendant le sommeil
est indépendante de la période pendant
laquelle le repos survient: un sommeil
diurne est également associé à des glycémies élevées.
L’analyse plus poussée de l’homéostasie
glucosée montre que le sommeil de première partie de nuit est associé à des glycémies croissantes, tandis que les taux
de glucose sanguin sont stables pendant
le sommeil paradoxal de fin de nuit. À la
tomographie par émission de positrons
(PET scan), le métabolisme cérébral diminue de 11% pendant le sommeil lent de
première partie de la nuit. Dans le même
temps, l’utilisation périphérique du glucose est nettement ralentie.
Le retour à des valeurs normales basses
le matin en phase d’éveil passe par la
survenue de phases de sommeil paradoxal, consommateur d’énergie, de plus
en plus longues en fin de nuit. La tolérance au glucose redevient maximale
dans la matinée, les glycémies se normalisant progressivement au cours de
l’éveil et lors de la reprise d’une activité.
Des expériences réalisées chez de jeunes adultes sains ont montré qu’après
une privation partielle en sommeil
(<6,5 h), la réponse insulinique - le taux
d’insuline dans le sang - au test d’hyperglycémie orale provoquée diminue de
30% par rapport à celle mesurée après
un repos normal (7,5 à 8,5 h). Ce résultat est comparable aux valeurs enregistrées chez des patients atteints de diabète de type 2. Une baisse de la réponse
insulinique est un marqueur précoce de
développement d’un diabète et des
baisses précoces similaires sont obser-
17
ATHENA 271 · Mai 2011
> LE DOSSIER
vées dans le diabète de type 2 et le
­diabète gestationnel.
Après avoir avalé un petit déjeuner riche
en hydrates de carbone, les jeunes gens
privés de sommeil dans l’expérience pré-
sentaient des glycémies supérieures à
celles mesurées dans un groupe témoin
après un sommeil normal, et ce malgré
une sécrétion d’insuline retrouvant des
valeurs normales. Cette élévation de la
glycémie post-prandiale avec insulinémie
préservée répond à la définition d’une
intolérance au glucose. Toutefois, les glycémies revenaient à des valeurs normales
après récupération sur plusieurs nuits.
Des perturbations
dans la régulation
de l’appétit
La régulation de l’appétit fait intervenir
le noyau arqué hypothalamique. Deux
types d’hormones agissent sur le noyau
arqué, l’une stimule l’appétit, l’autre
exerce un rôle freinateur. La leptine est
sécrétée par le tissu adipeux en réponse
à la prise d’aliments et déclenche des
sensations de satiété par le biais du centre hypothalamique. En conditions normales, les taux de leptine augmentent
en début de nuit jusqu’à un pic physiologique observé en milieu de nuit, pour
redescendre ensuite progressivement.
18
À l’inverse, la ghréline stomacchale stimule l’appétit et réduit l’oxydation des
lipides, cette dernière action déséquilibrant davantage la balance énergétique. La ghréline montre également
une rythmicité circadienne, les concentrations nocturnes étant maximales, de
telle sorte que les deux hormones antagonistes, leptine et ghréline, exercent
leurs effets freinateur ou accélérateur
sur ­l’appétit de façon synchrone, équilibrant ainsi mutuellement leurs actions.
Au cours d’une nuit blanche, la prolongation de la période d’éveil se traduit par une
augmentation des taux de leptine dans le
sang, en relation avec des taux diurnes
élevés. Toutefois les taux tendent à diminuer si l’éveil se prolonge trop. En cas de
privation partielle en sommeil, situation
la plus habituellement retrouvée chez les
petits dormeurs, on a observé une diminution moyenne de 15 à 19% des taux
de leptine sérique. Le rythme circadien
de l’hormone satiétogène est également
perturbé, et son acrophase (phase de
sécrétion maximale) est avancée de 2 h et
diminuée de 26%.
La ghréline montre la tendance inverse.
Les taux moyens augmentent jusqu’à
28% dans une étude en condition de
restriction du sommeil, et son action
stimulante sur l’appétit s’en trouve
accrue. La ghréline, qui a une action
rapide sur la régulation de l’appétit, est
plus volontiers corrélée à une privation
de sommeil à court terme, tandis que la
leptine, un facteur de régulation à long
terme de la balance énergétique, est
préférentiellement associée aux privations chroniques.
De plus, une étude a montré que les
taux de leptine plasmatique des petits
dormeurs (entre 5 et 6 h) étaient significativement plus bas que ce que l’on
attendait au vu de leur masse grasse.
Enfin, les volontaires soumis aux expériences de privation de sommeil décri-
LA CHRONOBIOLOGIE EN QUELQUES EXPLICATIONS
L
a chronobiologie est l’étude des rythmes biologiques d’un individu. Ces
rythmes, génétiquement déterminés,
sont propres à l’espèce et conditionnent
la survie de l’espèce et de l’individu dans
leur environnement. Ils représentent
une adaptation évolutive aux modifications cycliques de cet environnement
(alternance du jour et de la nuit, saisons,
etc…), mais doivent également prendre en compte les variations extrêmes
(froid ­inhabituel, sèche­resse,…). En effet,
la ­survie d’un organisme est conditionnée par la constance de ses paramètres
­internes (température, taux du glucose
sanguin, …), dont les valeurs ne peuvent
varier que dans des limites restreintes et
bien définies. La rythmicité d’un paramètre biologique se caractérise par une
période (le temps), ou une fréquence,
qui est l’inverse de la période du point
de vue mathématique, et par une amplitude, et ­passe donc par une acrophase (le
maximum) et une bathyphase (un minimum). Ainsi par exemple, notre tempé­
rature corporelle présente une rythmicité
­circadienne (période de 24 h), passe par
un maximum vers 17 h et par un minimum
entre 3 et 5 h du matin. Le ­cycle veille sommeil nous est plus familier. Il existe également des périodicités sur une ­semaine
ou sur un mois (cycle menstruel) et des
rythmes circannuels: la graisse brune, qui
brûle des calories, est plus active en hiver,
les températures froides stimulant spécifiquement le tissu adipeux brun. La plupart
des paramètres biologiques évoluent toutefois sur plusieurs périodes, montrant
plusieurs rythmes cycliques ­imbriqués les
uns dans les autres.
Les rythmes biologiques ont une origine
endogène et sont entrainés par l’horloge
biologique interne, constituée d’amas de
neurones occupant notamment le noyau
suprachiasmatique de l’hypothalamus,
cette glande située profondément dans
notre cerveau. Les petits neurones de ces
noyaux sont animés d’une activité électrique et biochimique automatiques, entraînant avec elles nos fonctions vitales. C’est
Valérie BURGUIERE· LE DOSSIER
vaient des sensations de faim et d’appétit accrues respectivement de 24 et 23%
sur des échelles d’analogie visuelle, par
rapport aux sujets contrôles. Ils faisaient
en outre des choix alimentaires inappropriés et montraient une nette préférence pour les aliments carbohydratés.
Des voies de
recherche à suivre
Les conclusions des travaux déjà effectués suggèrent donc que le manque de
sommeil peut entraîner des dysfonctionnements dans le métabolisme du
glucose, associés à une élévation des
taux d’insuline sanguine pouvant être à
l’origine d’un risque accru de développer un diabète. La privation régulière de
sommeil est également corrélée à des
changements dans les concentrations
sériques en hormones régulatrices de
l’appétit - leptine et ghréline - ces modifications allant de pair avec des modifications du comportement alimentaire,
conduisant probablement ceux qui
se privent de sommeil à manger plus
en contrepartie et à prendre du poids.
Dans les expériences réalisées en laboratoire, les sujets testés n’avaient pas un
accès libre aux aliments et ne pouvaient
donc pas manger davantage.
des épidémiologiques ont observé une
association entre des durées de sommeil réduites et un risque accru de développer un diabète ou une obésité. De
nouvelles recherches sont néces­saires
toutefois pour incorporer des mesures
objectives du sommeil et du poids dans
les études épidémio­logiques, et également pour mieux comprendre les mécanismes reliant le manque de ­sommeil
et les altérations du métabolisme. Par
exemple, des études intervention­nelles
pourraient déterminer si, inversément,
le fait de dormir plus longtemps est
en mesure d’améliorer la tolérance au
glucose. D’autres études également
devront examiner si le manque de
­sommeil conduit bien à manger plus,
donc à augmenter ses apports caloriques, à réduire ses activités physiques,
donc à diminuer ses dépenses, et au
final à un déséquilibre important de la
balance énergétique. 
Remerciements au Dr
Kristen L. Knutson, PhD,
Department of Health
Studies, University of
Chicago, Chicago, USA
Il semble que les données épidémiologiques recueillies sur des échantillons
de la population confirment ces découvertes de laboratoire. En effet, les étu-
ainsi que le rythme veille sommeil spontané présente une période comprise ­entre
24 h 30 min et 25 h, parfois plus selon les
individus. Mais alors, nous devrions nous
décaler chaque jour un peu plus, penserez-vous. La réponse est bien évidemment non, et l’explication réside dans
l’existence de synchronisateurs externes.
Les synchronisateurs environnementaux
naturels sont les plus intuitifs. Ainsi l’alternance du jour et de la nuit entraîne notre
rythme veille sommeil sur 24 h, notamment par l’intermédiaire de la lumière,
grâce à un petit faisceau de filets nerveux
issus de la rétine transmettant à notre
hypothalamus des informations sur la
­luminosité ambiante. Des hormones tel-
les que la mélatonine entrent également
en jeu. Il existe également des synchronisateurs sociaux, qui peuvent être très
puissants. La sonnerie d’un réveil à heure
régulière tous les matins entraîne chez certains individus un éveil quelques minutes
avant le ­déclenchement de la sonnerie au
bout d’un certain temps. Autre exemple,
les horaires de travail ­imposés finissent
par entraîner le rythme du retour de la
faim plutôt vers midi ou vers 2 h, en fonction des habitudes de la «boîte» où l’on
bosse. Toutes ces adaptations comportementales passent par un ­entraînement,
ou synchronisation, de ­notre horloge biologique interne au ­niveau de l’hypotha­
lamus.
et étudiants
O
n ne saurait que conseiller aux
étudiants qui révisent leurs
examens de ne pas se priver
de sommeil, ni de façon chronique, ni
même en aigü. En effet, une simple nuit
blanche, en plus des désordres de la
glycémie qu’elle provoque, engendre
des troubles de l’ordre de la vigilance
et de la concentration. Les fonctions
cognitives d’individus en bonne santé
ont été évaluées dans divers protocoles de privation de sommeil. Les sujets
privés montrent un déficit rapide de
leurs performances. Ces diminutions
dans les performances seraient dues
à un déficit d’attention sélective ou à
une augmentation de la distractibilité,
à rapporter à un dysfonctionnement
des lobes frontaux, très sensibles au
manque de sommeil. Les fonctions
exécutives des lobes frontaux, telles
la capacité à planifier, à coordonner
et à mettre à jour des actions, toutes
tâches dont les étudiants reconnaîtront la pertinence dans leur apprentissage, ont été évaluées au moyen
de différentes tâches spécifiques. Les
résultats indiquent une baisse de toutes les capacités spécifiques. Les lobes
frontaux ont également un rôle d’inhibition, processus cognitif qui consiste
à ignorer les informations nombreuses
et parasites que l’on reçoit en permanence, pour se focaliser sur les entrées
sensorielles, cognitives, les représentations, etc… pertinentes. Reconnaissons qu’il serait dommage de se priver
de tels mécanismes, qui facilitent le tri
et l’apprentissage, dans la somme des
données que l’on engrange lors des
heures de cours passées sur les bancs
de l’école.
19
ATHENA 271 · Mai 2011
> PORTRAIT
L’ADN de...
Propos recueillis par Géraldine TRAN • [email protected]
Photos: BSIP/REPORTERS (fond)
Côté pile
Nom: RINGLET
Prénom: Charlotte
Âge: 29 ans
État civil: Mariée
Enfants: une fille, Zoé
20
Profession: Logopède.
Logopède au sein d’une
école fondamentale
spécialisée de type
­
1-3‑8 (1) à Visé, et
indépendante complémentaire.
Formation: Études
secondaires au Lycée
­
Saint-Jacques à Liège.
Diplômée en logopédie à
l’Université catholique
de Louvain.
(1)Type 1: Déficiences
mentales légère;
type 3: troubles
du comportement;
type 8: troubles
instrumentaux.
Logopède, c’est une vocation que vous
avez depuis toute petite ? Comment
l’idée d’exercer ce métier vous est-elle
venue ?
Non, ce n’est pas une vocation que j’ai
depuis l’enfance. J’ai découvert que ce
métier pourrait me convenir en rhéto, au
moment de choisir des études supérieures. J’envisageais un métier social, créatif,
avec des enfants, et j’aimais beaucoup les
branches littéraires. Ce métier regroupait
donc toutes mes attentes...
Comment devient-on logopède ?
Vous travaillez actuellement dans
une école spécialisée, y a-t-il une formation complémentaire pour ce type
d’enseignement ?
J’ai suivi une formation universitaire à
l’UCL (deux candidatures en Psychologie
et trois licences en Logopédie). La dernière année était exclusivement consacrée au mémoire et aux stages, que j’ai
effectués dans un hôpital pédopsychiatrique et dans un centre neurologique
pour enfants. Il y a également moyen de
devenir logopède en faisant un graduat
dans des hautes écoles, en trois ans.
Il n’y a pas de formation spécifique pour
travailler dans l’enseignement spécialisé.
Par contre, il existe de nombreuses formations accessibles en cours de carrière
sur des troubles précis ou des techniques
de rééducation ciblées.
Quels sont vos rapports avec la
science ? Quels sont vos premiers
souvenirs «scientifiques» ?
J’avoue ne jamais avoir adoré les sciences exactes à l’école… Mais dans le cadre
de ma formation universitaire, nous
avions un certain nombre de cours scientifiques (anatomie oro-faciale, neurologie, neuropédiatrie, ORL) qui m’ont plus
intéressés car ils étaient en rapport direct
avec mon métier, en complément, bien
entendu, des nombreux cours de sciences humaines.
Quelle est la plus grande difficulté
rencontrée dans votre métier ?
Ce qui est difficile mais qui fait également la richesse du métier, c’est que nous
sommes face à des enfants qui sont tous
différents, uniques dans leur mode de vie
et dans leur mode de pensée. Ils ont donc
besoin d’un suivi personnalisé. Il n’y a pas
de «recette de cuisine» à appliquer pour
tel ou tel trouble, il faut partir de chaque
enfant et des difficultés qui lui sont propres pour construire la rééducation logopédique. Il faut sans cesse se remettre en
question, partir du mode de pensée de
l’enfant sans lui imposer le nôtre, être
créatif et s’adapter à chacun.
Notre métier est souvent méconnu ou
mal connu, on pense souvent qu’on
réédu­que juste les troubles articula­
toires. Or la logopédie est une discipline
beaucoup plus large et plus complexe.
Quelle est votre plus grande réussite
jusqu’à aujourd’hui ? Je trouve que dans notre métier, la plus
grande réussite est quand on arrive à
l’objectif visé d’une rééducation, quand
les difficultés d’un enfant disparaissent
alors que la tâche s’avérait difficile au
départ. Pour les enfants qui ont des troubles plus profonds, la plus belle récompense est d’observer des progrès qui leur
redonnent confiance en eux et en leurs
capacités, qui les rendent épanouis et
plus sûrs d’eux pour affronter le monde
extérieur.
Quel conseil donneriez-vous à un
quelqu’un qui aurait envie de suivre
vos traces ?
C’est un métier magnifique, mais on peut
parfois se sentir fort seul face à la mul-
Géraldine TRAN · PORTRAIT
Charlotte RINGLET
titude de troubles à rééduquer. Il ne faut
donc pas hésiter à poser des questions à
d’autres logopèdes, à organiser des réunions avec des collègues, et à continuer
à se former. 
Côté face
Je vous offre une seconde vie, quel
métier choisiriez-vous ?
Dessinatrice, si le talent est offert avec
bien sûr ! J’envie beaucoup les gens qui
ont ce don, et qui créent des merveilles
en un coup de crayon...
Je vous offre un super pouvoir, ce
serait lequel et pour quoi faire ?
Le pouvoir de ralentir le temps, car
24 heures dans une journée, c’est beaucoup trop court !
Je vous offre un auditoire, quel
cours donneriez-vous ?
Un cours pratique, parce qu’on n’est
jamais assez bien préparé à la réalité du terrain.
Je vous offre un laboratoire, vous
plancheriez sur quoi ?
Un remède pour guérir le cancer.
Je vous transforme en un objet, ce
serait lequel ?
+
Plus d’infos:
http://www.ucl.ac.be/psp
Un appareil photo, pour garder une trace
des plus beaux souvenirs et pour
être de tous les voyages… 
21
ATHENA 271 · Mai 2011
> TECHNOLOGIE
J’y suis,
j’y reste !
22
643 millions d’utilisateurs Facebook dans le monde.
Et moi ! Et moi ! Et moi ! Exister sur Facebook, c’est très simple.
En revanche, il est plus difficile de se faire oublier. Or, l’oubli est un
droit. Comment le défendre ? Ou, plutôt, comment relever ce défi ?
Quels sont nos moyens et nos droits en tant que consommateurs ou
utilisateurs, face au premier réseau social ? La question fait débat
P
our Facebook, le droit à
l’oubli n’intéresse pas fondamentalement les internautes. Le site communautaire préfère mettre
l’accent sur ses paramètres de confidentialité. Ce n’est pas l’avis de la Commission européenne qui se bat, aujourd’hui,
pour défendre le droit à l’oubli sur les
réseaux sociaux.
Viviane Reding, commissaire européenne à la Justice, plaide pour un renforcement de la protection de la vie privée et souhaite donner aux internautes
un meilleur contrôle sur les informations
privées qui sont collectées, archivées,
exploitées et éventuellement vendues
par des sociétés comme Facebook, Google ou tout autre site Internet communautaire permettant à ses utilisateurs
de poster des photos, des informations
privées ou quoi que ce soit de potentiellement embarrassant.
Cette nouvelle réglementation, dont la
mise en place est prévue dans le courant
de l’année, placera l’Union européenne
à la pointe de la protection de la vie
privée sur Internet et pourrait inspirer
d’autres pays à mesure que le débat sur
la réglementation en ligne devient plus
pressant et polémique. Pour la Commission européenne, nous devrions avoir le
droit - et pas seulement la possibilité - de
retirer notre consentement à la collecte
d’informations. Quant à la charge de la
preuve, elle devrait être du côté de ceux
qui utilisent nos données personnelles.
Entre curiosité, intérêt
ou voyeurisme
Les réseaux sociaux ont toujours existé !
Depuis les origines se sont constitués des
communautés, des guildes, des congrégations, des clubs «d’hommes» autour
Texte : Alain de FOOZ
[email protected]
Photos:CLUBIC.com (p.24),
BSIP / REPORTERS (p.25)
d’intérêts communs. Des Facebook, LinkedIn ou Twitter, pour ne citer qu’eux,
n’en sont que des extensions électroniques, via Internet. L’échelle a changé, pas
la finalité.
Leur force s’inscrit dans un contexte de
modernité marqué à la fois par l’individualisation des rapports sociaux et la
globalisation des espaces d’échange.
Ces réseaux apparaissent comme autant
d’espaces de rencontre et de liberté où
l’on peut non seulement se construire en
tant qu’acteurs sociaux, mais aussi fédérer et rassembler rapidement autour de
causes personnelles ou publiques.
Aujourd’hui, sans acquitter de droit
d’entrée, il est possible de créer un
«profil» et de regarder «qui en est».
La rencontre, la convivialité, la relation professionnelle ont donné lieu à
l’émergence de sites spécifiques qui
ont suscité un engouement rapide.
Entre curiosité, intérêt ou voyeurisme,
tout un chacun peut maintenant établir des contacts en ligne. Pour parler
de ses goûts, de ses convictions, de
ses attentes ou échanger sur des sujets
plus intimes, plus polémiques aussi....
Alain de FOOZ ·TECHNOLOGIE
Par le jeu du référencement, on gagne en
visibilité. Et on pourra être retrouvé aisément à l’aide de quelques données de base
soumises à des moteurs de recherche.
Le réseau social sert à développer notre
notoriété et, par voie de conséquence,
notre influence. Si la génération «Y» y voit
un moyen facile de devenir rapidement
célèbre, les entreprises commencent à
comprendre tout l’intérêt à pénétrer ces
nouveaux réseaux.
Un laboratoire
sur les concepts
fondamentaux
Si les réseaux sociaux présentent de
nombreux avantages, ils ne sont pas
non plus sans risques, prévient le CRIDS,
le Centre Recherche Information Droit et
Société, des Facultés universitaires NotreDame de la Paix à Namur (FUNDP). Ainsi,
les utilisateurs doivent-ils, pour y participer, adhérer à une trame contractuelle
et technique sans toujours ni comprendre, ni maîtriser les termes de celle-ci.
Par ailleurs, les individus s’exposent les
uns aux autres et prennent le risque
d’en subir des conséquences néfastes.
Pour les juristes et les sociologues du
CRIDS, le réseau social est donc un laboratoire intéressant pour tester les limites
de nombreuses réglementations dont
il remet parfois les concepts fondamentaux et champs d’application en question et pour s’interroger sur les nouvelles
normes sociales auxquelles ces réseaux
semblent donner lieu, élevant popularité
d’une part, et voyeurisme de l’autre, au
rang de principes de vie en société.
Le regard sur les réseaux sociaux peut
se faire à différents niveaux. Sur le
L’émulation des réseaux sociaux fonctionne
sur deux principes que l’on peut résumer par :
«Les amis de mes amis sont mes amis»
et par «Les personnes qui partagent les mêmes
centres d’intérêts que moi sont mes amis»...
même si, à l’origine, on ne fait partie du même
groupe d’amis !
plan sociologique et juridique, l’analyse de l’outil, et plus particulièrement
ses hypothèses de conception quant à
­l’organisation des données personnelles et des liens sociaux, est incontournable. Cette organisation peut en effet
avoir des impacts importants non seulement sur la vie privée, mais aussi sur
la maîtrise que chacun peut avoir de
ses données comme de son réseau.
lisé, exploité. Aujourd’hui, si le modèle
d’affaire des réseaux sociaux n’est pas
encore finalisé, il apparaît de plus en
plus clairement que son exploitation
peut constituer un énorme «business».
D’autant que rien n’empêche une personne morale de s’inscrire sur le réseau
et de proposer de nouveaux contenus
susceptibles d’influencer le comportement d’internautes physiques.
De ce point de vue, il est essentiel de
comprendre ce que deviennent toutes
ces «traces» - a priori anodines - que
nous laissons sur les réseaux, analyser
les «trajets» qu’elles opèrent pour se
retrouver agrégées dans des profils à
des fins de contrôle ou de marketing.
En renseignant son état civil, en diffusant une photo, en écrivant un texte
original, en «twittant» un lien, chacun,
sans réellement s’en rendre compte,
délègue une part de sa personnalité
au réseau social où il «existe». Le plus
souvent, d’ailleurs, sans se soucier des
réalités juridiques concernant les droits
et jurisprudence en vigueur. Ainsi, il ne
faut pas confondre confidentialité des
données personnelles (obligation légale
pour toute entreprise) et commerce de
données personnelles (évoqué généralement dans les conditions générales
d’usage de chaque site, que personne
ne lit véritablement dans le détail…).
Le ­commerce de données personnelles
numériques n’en est qu’à ses débuts.
Ne nous leurrons pas: si en mars 2011,
Chacun délègue
une part de sa
personnalité
Car dans chaque réseau social se
constitue un formidable patrimoine de
données confiées par les internautes;
un patrimoine qui sera, à terme, uti-
23
ATHENA 271 · Mai 2011
> TECHNOLOGIE
Bref, il est important de développer et
maîtriser son identité numérique afin
de mieux organiser ses échanges à
travers le réseau social. La maîtrise de ce
changement se jugera dans le temps: le
monde numérique a cette particularité
de conserver longtemps les traces de
ses acteurs. Inconséquent, on devra
assumer sa réputation; anonyme, on
n’existera que par procuration. Sans
oubli numérique, il faudra apprendre à
composer avec l’éternité.
T­ witter a été «valorisé» entre 8 et 10 milliards
de dollars et Facebook à 50 milliards, ce
n’est pas sans arrière-pensée !
C’est aujourd’hui cette face cachée de
ces sites qui inquiète. D’emblée, on
songe aux pratiques commerciales
douteuses. À toutes sortes de menaces
virtuelles, mais bien réelles dans les
24
faits. On oublie que Facebook, en
particulier, est désormais le paradis des
voleurs d’identité et des informations
personnelles (détournement de photos
par exemple) avec des intentions
certainement peu louables. Rien de
plus facile: pour se faire passer pour
une autre personne, il suffit de créer un
profil au nom de cette personne ! Rien
de plus, rien de moins.
Le droit à l’oubli n’est qu’une
modernisation de lois existantes,
rassure la Commission européenne.
Ce droit existe déjà au sens où tous les
résidents européens ont le contrôle de
leurs données personnelles. Ne manque
plus que la déclinaison pour ce qui
concerne les nouveaux usages apparus
sur Internet. 
«Sur Internet, ce que vous ne contrôlez pas
est définitivement hors de votre portée !»
Jean-Philippe Moiny,
Licencié en Droit, Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix, Namur
L
e droit à l’oubli, qui mobilise aujourd’hui l’Union
européenne, pose une question plus large au sujet des
réseaux sociaux: nos législations peuvent-elles répondre
aux différentes problématiques, notamment en termes de
respect de la vie privée ?
Je ne pense pas qu’il y ait des lacunes dans le droit, mais nos
législations ne sont pas forcément adaptées aux nouveaux
usages. Ceci dit, elles sont suffisamment souples pour répondre aux diverses problématiques. Ici, on aura recours au droit
à l’image, là au respect de la vie privée. En revanche, on voit
apparaître de nouvelles notions. Peut-on, par exemple, considérer une adresse IP comme une donnée à caractère personnel
ou est-ce seulement une indication technique ? Jusqu’ici, on
ne sait pas.
Pour moi, la difficulté est ailleurs: il n’y a pas un réseau social,
mais des réseaux sociaux. Chacun avec ses particularités, ses
spécificités. Facebook, le plus populaire, définit techniquement
et contractuellement les finalités et les outils informatiques de
traitement de données qu’il met en place via ses services; il fixe
et modifie les conditions d’utilisations et en particulier, la politique de confidentialité qui peuvent limiter le comportement
de l’utilisateur. On peut émettre des jugements de valeur. Pour
ma part, je me contenterai d’affirmer qu’on reste libre ­d’adhèrer
ou non, et si on le fait, de limiter nos usages...
P
lusieurs raisons, plusieurs conceptions du respect de
la vie privée; on voit aussi que le principe de respect de
la vie privée n’est pas perçu de la même façon d’un pays à
l’autre... Rien n’est simple, non plus, en droit !
De fait, nous avons des conceptions différentes du droit, en
particulier du respect de la vie privée. Selon certains chercheurs, le principe du respect de la vie privée met la culture
anglo-saxonne à part de la plupart des cultures occidentales.
On notera aussi que le concept n’est pas universel. D’ailleurs,
pour certains linguistes, l’expression «vie privée» est parfois
considérée comme intraduisible !
Qui plus est, le concept de vie privée évolue. Si l’on vous voit
sur une séquence vidéo ou une photo en train de boire dans
une fête, ce peut être gênant vis-à-vis de vos collègues ou
votre employeur. Vous aurez le sentiment que votre vie privée
n’a pas été respectée. En même temps, si la fête en question
s’est passée dans un lieu public, on n’est pas dans l’intimité...
La question est sensible. Quand des caméras de vidéo­
surveillance permettent d’apporter les preuves d’un délit,
est-ce là une atteinte à la vie privée ? Autrement dit, peut-on
accepter une preuve obtenue au départ d’une violation du
respect à la vie privée ? La réponse revient aux juges. Certains
exploiteront ces informations, d’autres les rejetteront.
Alain de FOOZ ·TECHNOLOGIE
E
n rendant publiques, à travers nos
statuts, nos informations personnelles et nos conversations, Facebook
élimine le contexte de ces échanges.
Par défaut, le réglage est public...
Gênant, non ?
ne sert que des intérêts commerciaux,
voire fiscaux. Mais ne perdons pas de
vue que sans elle, les mouvements au
Moyen-Orient de ce début d’année n’auraient sans doute pas connu la même
ampleur...
C’est une particularité de Facebook, pas
une généralité. Ce n’était pas le cas avant,
c’est le cas aujourd’hui. Ce qui démontre, encore une fois, que les réseaux évoluent, que leurs conditions évoluent au fil
du temps. On l’a vérifié pour les clauses
d’exonération de responsabilité, également pour les clauses d’archivage... Cette
évolution n’est pas toujours négative, elle
résulte le plus souvent de situations que
le promoteur du réseau n’avait pas envisagées. Il s’adapte. Le droit, aussi, s’adapte.
Nous sommes dans les nouvelles technologies, ne l’oublions pas; on peut imaginer
le futur, pas le prévoir !
P
L
a protection des données relève du
droit commercial aux États-Unis;
du droit fondamental en Europe. Pour
le consommateur, c’est à s’y perdre.
Que faire ? Comment se protéger ?
C’est bien là le nœud du problème ! La
question relative aux flux transfrontaliers de données à caractère privé est
fondamentale. Où cette information estelle traitée ? Aux États-Unis, chez le promoteur du site ? Ou chez un prestataire
indépendant, dans un autre pays ? Pour
ne rien arranger, certains promoteurs de
réseaux sociaux nord-américains opèrent, au sein de leur pays, dans différents
États, profitant de spécificités réglementaires ici ou là... Cette «délocalisation»
est critiquable,
car le plus
souvent
elle
our le consommateur, la première
question, en cas de litige, est de
savoir à qui s’adresser. Et là, force est
de reconnaître qu’il risque de se perdre
dans un véritable labyrinthe. L­ ’affaire
Sony est révélatrice. Des pirates
informatiques ont dérobé les noms,
adresses, dates de naissance, mots de
passe et probablement les numéros de
cartes bancaires de millions de détenteurs de compte de son service de jeux
vidéo en ligne PlayStation Network.
Contre qui se retourner ?
Bonne question ! A priori contre Sony.
Mais où ? Dans quel pays ? Sony peut
avoir externalisé cette activité. Il s’agira,
alors, de se retourner contre le prestataire
qui recueille et traite les informations
pour son compte... Si l’information figure
sans doute dans le contrat, force est de
reconnaître que la question dépasse les
millions de jeunes qui y ont souscrit, et
tout autant leurs parents. C’est le genre
de problème qu’on n’imaginait pas. Or,
aujourd’hui, le problème est posé.
Se retourner contre Sony ? Difficile !
D’autant qu’en Belgique, contrairement
à la plupart des pays anglo-saxons, nous
n’avons pas de «class action» Autrement
dit, la notion de recours collectif n’existe
pas. Or, cette affaire le démontre, c’est
pour les consommateurs le moyen le plus
efficace de faire respecter leurs droits.
Aujourd’hui, ils sont démunis parce que,
pris séparément, aucun des préjudices
dont ils sont victimes n’est suffisamment
important pour couvrir les frais d’une
action en justice...
R
ésumons: nous ne sommes pas
dans le non-droit, mais dans un
certain flou. Quel ultime conseil donneriez-vous ?
Toujours bien garder à l’esprit que ce
qu’on publie devient public et que sur
Internet, tout ce que vous ne contrôlez pas est définitivement hors de
votre portée. Le réseau n’oublie rien ! Il
faut apprendre à maîtriser ce que l’on
publie. Après tout, on peut partager
des photos avec ses amis sans passer
par Facebook... 
Des travaux
de recherche
sans précédent
menés
en Wallonie
L
a problématique des réseaux
sociaux a suscité diverses
recherches au sein du CRIDS
(Centre de Recherche Information Droit
et Société, dépendant des FUNDP
à Namur) que ce soit dans une
perspective juridique, sociologique
ou communicationnelle.
Au niveau juridique, en particulier, les
réseaux sociaux posent de multiples
questions comme l’autonomie des
volontés et du consentement, le droit
d’auteur sur des créations partagées
et mises en lignes dans des espaces
certes publics, mais vécus comme
privés, la transparence et l’information
de l‘utilisateur et sa protection en tant
que consommateur sur ces réseaux, la
détermination du droit applicable et
du juge compétent en cas d’éventuel
litige sur ces espaces globalisés.
25
ATHENA 271 · Mai 2011
> INTERNET
Le Web
pour les Nuls
et les Professionnels
26
Comment les Receveurs reçoivent
Texte : Christian VANDEN BERGHEN • http://www.brainsfeed.com • [email protected]
Illustrations : VINCE
Dans l’article précédent de cette série, nous avons vu comment les
­Receveurs se font envoyer de ­l’information fraîchement ­apparue sur
les pages qui les ­intéressent. En raison de la facilité de sa mise en œuvre
et ­surtout de sa gratuité, nous avons ­décidé d’expliquer une ­méthode
de veille basée sur la technologie des fils RSS. Nous avons également
expliqué comment créer un agrégateur de fils (Google Reader, en
­l’occurrence) afin de les concentrer sur une seule page et de faciliter
ainsi leur suivi. Bien entendu, parce que nous sommes convaincus que
les outils sont toujours plus pratiques lorsqu’ils nous permettent d’être
nomades, nous avons choisi un agrégateur en ligne plutôt qu’un agrégateur qui collecterait les informations sur un disque dur
R
appelons que nous en
sommes au huitième article de cette série consacrée aux quatre profils
identifiés et couramment
rencontrés qui sont les suivants:
• les Chercheurs
• les Trouveurs
• les Receveurs
• les Passeurs
Ces quatre catégories correspondent
aux différentes méthodes de recherche
adoptées par les utilisateurs du Web en
fonction de leur niveau de formation à
l’utilisation du Web:
» les Chercheurs manquent de méthode
et d’une vue d’ensemble de tout ce qui
est disponible sur le Web;
» les Trouveurs ont une bonne connaissance du Web et de ses coins et recoins.
Christian VANDEN BERGHEN · INTERNET
Et surtout, ils ont appris une méthode
non empirique de recherche sur le
Web;
» les Receveurs (et ce sont ceux-là que
nous étudions dans cet article) ne se
contentent plus de trouver l’information, ils se la font envoyer automatiquement par la mise en place d’un
processus de veille;
» quant aux Passeurs que nous étudierons le mois prochain, ils savent comment diffuser l’information de manière
automatique vers leurs différents profils sur les réseaux sociaux, vers des
blogs ou des collaborateurs.
Nous allons apprendre quelques astuces
permettant de manipuler les fils RSS, de
les trier, de les stocker et de les partager.
Ne pas s’endormir
sur ses lauriers !
Avant toute chose, il ne faudrait pas
que, dans l’euphorie induite par la
magie de l’information qui «arrive toute
seule», on oublie une chose essentielle:
le Web est en perpétuelle évolution.
Des sources d’information se tarissent
et de nouvelles apparaissent presque
quotidiennement. Le danger de la veille
est de perdre de vue les changements
qui surviennent dans le paysage de
­l’information sur le Web. Chaque jour,
de nouveaux outils de veille apparaissent également. C’est pour cela qu’un
bon Receveur veille aussi sur de nouvelles sources et réévalue très régulièrement la pertinence de sa collection de
liens et de sa boîte à outils.
 Veiller sur d’autres sources
La technologie des fils RSS est tellement
pratique qu’on se demande - une fois
qu’on y a goûté - comment on a pu vivre
sans. Car ils nous donnent accès, pratiquement en temps réel, à tout ce dont
nous pouvons rêver en matière d’information: actualité, mises à jours de blogs,
de journaux ou de magazines, articles
parus sur des sites n’importe où dans le
monde, nouvelles thèses mises en ligne,
évolution des cours de la Bourse, alertes
météorologiques, bonnes affaires sur
des sites de ventes en ligne, etc.
Dans son article présentant le Web 2.0,
Tim O’Reilly dénote les possibilités qu’offrent les flux RSS: «RSS n’est désormais
plus seulement utilisé pour afficher les
actualités des blogs, mais aussi pour toute
sorte de données régulièrement mises à
jour: cours de la bourse, météo, disponibilité de photos». Même si O’Reilly ne parle
pas encore de vidéo, cela se présente
comme l’évolution logique de la syndication des contenus.
Mais les fils RSS permettent bien
d’autres choses !
1
Créer votre revue de presse
personnalisée
Chacun connaît Google Actualité. Mais
savez-vous que vous pouvez très facilement vréer une revue de presse personnalisée, sur les sources et les sujets qui
vous intéressent ?
 Comment procéder ?
• Allez sur Google Actualité (http://news.
google.com/) et choisissez la langue
dans le menu déroulant en haut à
droite (cliquez sur US Edition)
• Tapez un sujet dans le champ de
recherche
• Quand la page de résultats s’affiche,
copiez l’adresse de la page. Si vous
regardez attentivement cette (longue)
adresse, vous verrez qu’elle contient
une série d’informations relative à
votre requête, dont la langue choisie
et les mots-clés recherchés
• Ouvrez votre agrégateur, cliquez sur
«Ajouter un abonnement» et collez
l’adresse de la page.
C’est tout ! Et les informations arriveront
dès qu’elles sont publiées. 2
Podcast
Le podcast est un mot-valise composé
de iPod (le lecteur de mp3 de Apple) et
de broadcasting (diffusion en anglais).
Ce terme a donné «podcasting» pour
désigner la pratique de mettre à
disposition ou d’écouter des podcasts. En
France, on parle de baladodiffusion et au
Québéc, de balados.
27
ATHENA 271 · Mai 2011
> INTERNET
Ils sont émis par différents types de
­diffuseurs (par exemple des chaînes de
radio) et automatiquement reçus dans
un lecteur qui cumule les émissions. Par
la suite, l’auditeur peut les écouter directement sur ce lecteur, les télécharger sur
son ordinateur personnel ou les transmettre sur son lecteur de mp3.
 De quel matériel faut-il disposer
pour écouter des podcasts ?
Pour écouter des podcasts, il faut un
ordinateur connecté à Internet. Et sur
cet ordinateur, il faut un agrégateur de
flux RSS pour collecter les émissions au
fur et à mesure de leur mises à jour. Il
s’agit donc bien d’une forme de veille
puisque l’agrégateur va récupérer
automatiquement les nouveaux épisodes des émissions auxquelles vous
êtes abonné sans que vous ayez à vous
soucier de vérifier si des mises à jour
sont disponibles.
28
Wikipedia (http://fr.wikipedia.org/wiki/
Podcast) définit le podcasting de la
Le podcasting permet aux
utilisateurs l’écoute ou le
téléchargement automatique
d’émissions audio ou vidéo en
vue d’une écoute immédiate
ou ultérieure.» Il abolit ainsi la
contrainte du temps.
manière suivante: «Par l’entremise d’un
abonnement aux flux RSS ou Atom, le podcasting permet aux utilisateurs l’écoute ou
le téléchargement automatique d’émissions audio ou vidéo pour les baladeurs
numériques en vue d’une écoute immédiate ou ultérieure.» Le podcasting est né
avec le Web 2.0. Il abolit la contrainte du
temps. Votre émission favorite est diffusée durant vos heures de travail ? Qu’à
cela ne tienne ! Vérifiez si cette émission
est disponible en podcast, abonnezvous et écoutez-la lorsque vous êtes
disponible.
C’est désormais où vous voulez,
quand vous voulez !
Les podcasts, audio comme vidéo (on
parle alors parfois de vidéocast ou de
vodcast), sont disponibles sur Internet.
Serveur
(« Podspace »)
fusionne
.rss
renvoie
fournit
Baladodiffuseur
(Podcaster)
(au moyen d'un lecteur
de flux RSS)
télécharge
dépose
.mp3
appelle
.mp3
Utilisateur
Lecteur mp3
ou
Ordinateur
Vous pouvez utiliser Google Reader, mais
l’outil idéal pour collecter les podcasts est
probablement iTunes (http://fr.wikipedia.
org/wiki/ITunes), un programme distribué
gratuitement par Apple, mais proposant
une version pour Windows. Il est particulièrement adapté à l’iPod et à l’iPad.
Il suffit de le télécharger et de l’installer,
ce qui prend quelques minutes et ne
requiert aucune compétence technique.
Les émissions téléchargées peuvent
ensuite être écoutées directement sur
l’ordinateur, soit synchronisées avec
votre lecteur de mp3.
 Trouver des podcasts
Il existe des podcasts dans tous les
domaines du savoir et du divertissement. La plupart des grandes chaînes
de radio proposent leurs émissions en
podcast, mais on peut aussi trouver
des cours universitaires, des interviews,
des concerts... Les manipulations sont
extrêmement simples. Lancez-vous si ce
n’est déjà fait !
Cherchons par exemple dans Google
les podcasts de Radio France. On trouve
la page suivante: http://bit.ly/i7pnK2 qui
rassemble les icônes de chacune des
chaînes. Choisissons France Culture.
Nous obtenons une page reprenant la
liste des émissions disponibles, classées par thèmes, par titres et par producteurs. Chaque émission est accompagnée d’une petite note précisant
sa fréquence et sa durée. Cliquez sur
Christian VANDEN BERGHEN · INTERNET
l’icône de chaque émission pour arriver
sur la page qui la présente.
Après un petit résumé du contenu de
l’émission, la page présente des petites
images: iTunes, Google Reader, etc. Il
­suffit de cliquer sur l’image correspondant à votre agrégateur pour y ajouter le
fil. Vous voilà abonné !
souhaitez améliorer votre maîtrise de la
langue anglaise ? Les solutions gratuites
abondent. Testez par exemple:
Les grands magazines scientifiques possèdent également des podcasts:
• ESL - English as a Second Language
(http://bit.ly/elUQvR), une formidable
initiative qui vous permet d’écouter
votre cours d’anglais chaque jour à
l’heure qui vous convient et où vous
voulez (le bouton iTunes se trouve
dans la marge de gauche).
• Le site de l’Académie Aix-Marseille
propose une page de liens (http://
bit.ly/fSYsQ5) vers des sites destinés à enseigner l’anglais aux élèves
francophones.
 Trouver des podcasts avec un
moteur de recherche
Une requête toute simple dans un
moteur de recherche peut être intéressante pour trouver des podcasts.
• Essayez par exemple: science podcast;
• site:edu science podcast pour obtenir
des podcasts scientifiques provenant
d’universités;
• site:be inurl:ac géologie podcast pour
obtenir des podcasts provenant
d’universités belges et traitant de
géologie;
• podcast directory / annuaire de podcast pour trouver des annuaires de
podcasts en anglais ou en français;
• site:www.nasa.gov podcast pour chercher des podcasts sur un site dont on
connaît l’adresse. Dans cet exemple,
la recherche est limitée au site de la
Nasa.
Ceci dit, les grands moteurs de recherche n’indexent malheureusement pas
les podcasts dans un format qui facilite
leur découverte. Il existe quelques autres
solutions:
• Podscope (http://podscope.com/) est un
moteur de recherche spécialisé dans
les podcasts. Il est même capable
de trouver des mots à l’intérieur du
­discours des podcasts !
• NPR Podcast Directory (http://n.pr/
dYUzPK) est un annuaire regroupant
des centaines de podcasts (en anglais),
classés par titres et par sujets.
• PodcastBunker (http://bit.ly/fXd0aa) a
pris le parti de privilégier la qualité
et non la quantité. En anglais et vraiment excellent.
Les podcasts sont un excellent moyen
d’apprendre une langue étrangère. Vous
Bien entendu, de très nombreux podcasts sont disponibles dans le monde
scientifique:
• FuturaSciences (http://podcasting.
futura-sciences.com/) propose un épisode hebdomadaire (en français);
• Radio France diffuse plusieurs émissions scientifiques, toutes disponibles
en podcast. Quelques exemples: “La
tête au carré” (http://bit.ly/e8PG57),
“Continent Sciences” (http://bit.ly/
gqeh2n), “Science publique” (http://bit.
ly/f2rKDe);
• La Radio Suisse Romande n’est pas
en reste avec des émissions comme
“Impatience” (http://bit.ly/eTgSVo) et
une page de liens RSS “Savoirs” (http://
bit.ly/g1QoNw);
• La RTBF propose “Semences de
Curieux” (http://bit.ly/ezEEiX).
•
•
•
Nature (http://www.nature.com/
nature/podcast/);
Scientific American (http://www.
scientificamerican.com/podcast/);
Science Magazine (http://bit.ly/
hpWEXM).
Les podcasts sont nés avec le Web 2.0
qui permet à chacun, sans compétence
technique, de diffuser de l’information
et de recevoir de l’information avec un
minimum de matériel. Le podcasting
nous libère des contraintes de temps et
d’espace puisque le savoir est désormais
accessible n’importe quand et peut être
acquis n’importe où. Vous avez aimé les
fils RSS, vous adorerez le podcasting.
Le prochain article de la série sera consacré aux Passeurs d’information. 
29
ATHENA 271 · Mai 2011
> BIOLOGIE
Personnalité,
Vous le constatez chaque
mois dans cette rubrique,
la science avance, trouve des
solutions et des remèdes:
le café contre le cancer,
des médicaments contre
l’obésité génétique et même
un remède contre la criminalité ! Mais contre le tabac,
il n’y en a toujours pas...
Heureusement, il en est un
universel: le bonheur!
poumons, café, idées:
tout est
noir !
Texte : Jean-Michel DEBRY • [email protected]
30
Photos : A. IACOB/DeviantArt (p.30), SORDALAB (p.30), IFA-BILDERTEAM/IRP/REPORTERS (p.33), WALLPAPERSWIDE.com (p.33)
Des experts qui devraient l’être de plus en plus ?
P
lus personne n’ignore aujourd’hui
qu’avec quelques traces d’ADN
relevées sur une scène de crime,
on peut confondre un suspect. Encore
faut-il avoir un suspect à confondre, ce
qui n’est malheureusement pas toujours
le cas. Reste aux enquêteurs à relever
le maximum d’indices de toutes natures pour tenter cette identification et
remonter au coupable recherché. Au
besoin, on peut faire appel à un profiler
qui, capable de se glisser virtuellement
dans la peau d’un coupable, peut en
préciser les possibles motivations et pulsions criminelles.
La génétique pourrait toutefois apporter
bientôt des éléments supplémentaires
déterminants en matière d’identification. Pas des certitudes, mais des pistes
qui, on va le voir, permettraient de dresser une sorte de portrait-robot plus vrai
que nature. Condition de base: disposer
d’un peu d’ADN. Quelques cellules suffisent, comme on le sait. Plutôt qu’identifier ensuite quelques portions hautement variables de cet ADN permettant
de cibler un individu en particulier, il
faut établir la séquence aussi complète
que possible de la molécule, ce qui est
rendu possible aujourd’hui grâce à
des séquenceurs à très haut débit. Sur
base du résultat, il reste à tabler sur les
GWAS, ces développements de la biologie moléculaire qui ont permis au cours
des dernières années d’établir des marqueurs génétiques de traits divers ou de
prédispositions à des maladies graves.
Des exemples ? Grâce à l’identification
de quelques petites modifications ponctuelles dorénavant identifiées de l’ADN
(le test est connu sous le nom d’Irisplex),
on peut connaître la couleur des yeux,
en tout cas s’ils sont bleus ou bruns, avec
un coefficient de certitude de 90%. La
couleur des cheveux peut, d’une façon
similaire, être connue avec une précision
de 80 à 90%. Le continent d’origine peut
d’ores et déjà être identifié lui aussi. L’âge
pourrait l’être grâce à l’étude du nombre
de mutations de l’ADN des mitochondries (des organites cellulaires qui ont
leur propre matériel héréditaire) ou à la
longueur des télomères - les extrémités
des chromosomes - dont on sait qu’ils
se raccourcissent à chaque division
cellulaire. Enfin, plusieurs autres traits
morphologiques font aujourd’hui l’objet
d’études circonstanciées d’identification:
structure capillaire, alopécie, préférence
manuelle (gaucher ou droitier), etc. Ils
pourront aussi, à terme, être exploités
dans le contexte criminalistique.
Dans tous les cas, on ne disposera que
d’une probabilité; mais on conviendra
qu’un faisceau complet devrait permettre de dresser le portrait-robot évoqué
et d’identifier des suspects potentiels. Il
restera alors à leur appliquer le désormais classique test ADN pour les confondre, à la lueur additionnelle des autres
indices relevés par les enquêteurs. Bref,
les temps s’annoncent de plus en plus
durs pour les criminels à venir… 
Science 2011; 331: 838-840
Jean-Michel DEBRY · BIOLOGIE
Un (petit ?) commerce qui ne connaît pas la crise
D
epuis deux ans, le spectre d’une crise qui hypothèquerait le panier de la ménagère fait planer, sur la vie économique, un voile de récession que la presse nous rappelle chaque fois qu’il faut. Il existe pourtant quelques domaines
qui résistent étrangement. Celui des armes, notamment. S’eston demandé d’où viennent celles dont sont équipés les insurgés libyens et, au-delà de ceux-ci, tous les contre-pouvoirs du
monde ? Autre secteur - plus transparent, celui-là - qui se porte
plutôt bien: celui du tabac et surtout de la cigarette. Les maîtres
du monde en la matière - Imperial ­Tobacco et Philip Morris - ont
récemment fait connaître leurs bénéfices pour l’année 2010. Le
premier avoue par exemple avoir accru ses rentrées financières
de 2,7 milliards d’euros l’an dernier pour les seules ventes en
Afrique, Moyen Orient, ­Europe de l’est et dans les pays d’Asie en
bordure du Pacifique.
Si ces ventes en hausse doivent beaucoup à la stratégie du
marketing, elles devraient pourtant être pénalisées par toutes
les campagnes de dissuasion orchestrées un peu partout, lesquelles ont notamment des relais sur les paquets eux-­mêmes:
la sinistre indication en gros caractères «fumer tue» et les images peu ragoûtantes qui les accompagnent. On
peut y ajouter les campagnes de
sensibilisation, les émissions
radio et télé qui reviennent
sur le thème, la dissuasion
née des interdits (dans les
avions, sur les lieux de travail, dans les restaurants,...). Or,
­apparemment, rien n’y fait puis-
T
que le tabagisme ne diminue pas dans les pays d’Europe occidentale en tout cas, se stabilisant à une valeur proche de 30%
pour chacun des deux sexes.
Au-delà de l’accoutumance, de l’assuétude et de l’intoxication
demeurent ces clichés qui font de l’homme qui fume un être
viril et de la femme quelqu’un qui fait­­
«ce-qu’il-faut-pour-ne-pas-grossir»;
des a priori - évidemment sans fondement - qui ont la dent dure et qui
font les beaux jours des cigarettiers.
Et puis, au-delà de l’âge ­minimum
­imposé dans certains pays (qui contrôlent peu, il faut bien le reconnaître), la
­cigarette qui, bien qu’en vente libre,
l’est pourtant à un prix voulu dissuasif.
Alors, pourquoi ce commerce planétaire reste-t-il aussi florissant ? Mystère. Il est clair que l’interdit entre en
conflit avec la ­liberté individuelle - en
particulier chez l’adolescent - et que
le spectre de la mort annoncée demeure
bien lointain pour un jeune qui brûle ses premières «clopes». Il reste néanmoins des réalités affirmées incontournables: le ­tabac est responsable d’un cancer sur quatre et
de 10.000 morts chaque année en Belgique. Il raccourcit aussi
en moyenne, la vie de 20 ans. N’est-ce pas suffisant pour, au
moins, songer à arrêter ? 
Lancet 2011377: 528
«Petit noir»... petit risque ?
out excès dont l’humain peut
se rendre coupable est systématiquement passé au crible de ­l’exploration sanitaire et c’est
tant mieux. On sait ensuite s’il existe
un risque réel de poursuivre l’addiction, qu’elle appartienne au domaine
­alimentaire, récréatif ou autre. Depuis
son arrivée au 17e siècle en Europe
occidentale, le café s’est offert une
place de choix dans l’univers gastronomique et dans celui, beaucoup plus
personnel, des petites habitudes du
quotidien. Si certains l’aiment serré,
d’autres le préfèrent long, éventuel­
lement agrémenté de lait, sucre,
chicorée, ou tout autre additif jugé
améliorant. Si nombre d’Européens en
consomment beaucoup, ce sont les
Finlandais qui détiendraient le record
avec une moyenne de 10 tasses par
jour et par individu. C’est dire s’il y en
a qui sont accros ! Tout tenant à un
facteur de dilution, il est préférable
de ramener cette consommation au
poids sec de café: si la moyenne européenne tient à 5 kg par individu et par
an, elle atteint 11,6 kg pour le Finlandais moyen.
Faut-il y voir un risque majoré de
pathologie digestive ? La question a
plusieurs fois été posée et des études
ont été menées sur ce thème. Récemment, une d’entre elles - dont le résultat n’est pas passé inaperçu - a rapporté
qu’il existerait une relation inverse
entre la consom­mation de café et
­l’incidence du cancer colorectal; autrement dit, le café induirait une sorte de
prévention. Mais jusqu’à quelle dose ?
C’est ce qu’il restait à prouver et une
étude finnoise vient d’apporter un élément de réponse. Elle a porté sur plus
de 16.000 adultes pour lesquels on a
recherché les traces du cancer incriminé pendant une période de 18 ans.
L’incidence de la pathologie relevée
à été comparée à celle qui a, dans le
même temps, été notée chez des non
consommateurs. Le résultat est clair:
il n’y a pas ­d’association apparente
entre cette (sur)consommation et le
cancer en question. Voilà de quoi en
rassurer plus d’un(e). Pour rappel, le
cancer colorectal est un des plus fréquents dans le monde puisqu’il atteint
1 ­million d
­ ’individus chaque année.
Est-ce ici un réquisitoire pour renforcer
la consommation du «petit noir» ? En
aucun cas: C’est seulement une affaire
de goût, largement connotée
d’un geste social de partage.
À défaut de se montrer nocif
ou toxique, il semble simplement que jusqu’à un niveau
de consommation élevé,
il ne soit pas associé à
une dérive pathologique
sévère. 
European
Journal
of Clinical Nutrition
2010; 64: 917-923
31
ATHENA 271 · Mai 2011
> BIOLOGIE
Don’t worry, be happy !
La question
du mois
Q
ue peuvent bien manger les poissons rouges
de nos aquariums ?
Réponse: la daphnie !
Daphnia pulex est un tout petit
crustacé des eaux douces donné
entre autres comme base alimentaire
- sous forme desséchée - aux poissons d’aquarium. Elle compte plus de
30.000 gènes (30.907 pour être précis), soit 1,5 fois le nombre connu pour
notre espèce (environ 20.000), pour un
matériel héréditaire (tout de même !)
beaucoup plus petit: 200 millions de
paires de bases pour la daphnie contre
3 milliards pour l’humain, soit 15 fois de
moins. Ouf, notre égo reste sauf !
32
Établir le nombre exact de gènes d’un
animal tel que celui-là signifie aussi que
l’espèce est à la fois connue et «utile». Et
pour cause: non seulement son élevage
en laboratoire est facile, peu coûteux et
d’accroissement rapide, mais c’est également un petit animal de plus en plus
impliqué dans l’évaluation de la qualité
des eaux de surface. Il est par conséquent élevé au rang de bioindicateur,
ce qui, par les temps d’environnement
perturbé qui courent, est tout à notre
avantage. Cela valait bien une étude en
détail du génome, notamment pour en
savoir un peu plus sur les aptitudes à la
détoxification de ce crustacé.
Un dernier mot encore à propos du
génome humain: son nombre de
gènes plutôt réduit dissimule évidemment des systèmes multiples d’expression génique et polygénique. L’homme
dispose donc de proportionnellement
peu de gènes, mais le fonctionnement
de ceux-ci est complexe. C’est évidemment là que l’humain se retrouve ! 
Science 2011; 331: 555-559
D
ans la mesure où on a le
choix, il est vraisemblable
que les contemporains
- émules de Houellebecq à part
(cf. La poursuite du bonheur) - ont en
majorité plutôt envie d’être heureux.
C’est une réalité qui demeure toutefois subjective et qu’il appartient
à chacun d’apprécier en fonction
des critères qui le gouvernent: âge,
sexe, profession, niveau social, etc.
Pourquoi évoquer ce truisme ? Simplement parce qu’il semble démontré sur base scientifique que les gens
heureux vivent plus longuement.
Tant qu’à vivre longtemps, autant
en effet se placer dans cette bonne
disposition. L’inverse est sans doute
potentiellement vrai aussi.
ple montré que la mortalité des
­hommes qui viennent de perdre
leur épouse est deux fois plus élevée
que la normale au cours du premier
mois du deuil. Pour les femmes, cette
proportion atteint même un facteur
trois. Dans un tout autre registre,
des études menées sur des populations de nonnes ont rapporté que
celles qui entrent en communauté,
conscientes de leur bonheur, vivent
7 ans de plus que celles qui le sont
moins. Pour mémoire et pour celles
qui souhaiteraient prolonger réellement leur vie, les âges moyens
au décès rapportés par les études
menées dans ces communautés de
religieuses sont respectivement 86,6
et… 93,5 ans.
L’avantage en terme de longévité n’apparaît pas du tout anodin.
Une méta-analyse (en l’occurrence
l’inventaire des résultats de 24 études sur ce thème) porte à 14% le
gain potentiel. En clair, cela signifie
par exemple que plutôt que vivre
70 ans, un individu heureux peut
espérer vivre 10 ans de plus. Ce n’est
pas négligeable si, de surcroît, on
est en bonne santé (un élément qui
favorise plutôt le bien-être).
Il va de soi que toute évaluation,
même menée dans le respect strict
des contingences scientifiques, ne
permet évidemment pas de superposer les réalités observées dans
une partie du monde à une autre;
dans un contexte social à un autre,
d’une époque à une autre. On a toutefois une indication utile. Utile ?
À voir, tant il est vrai que chacun a
une perception intuitive de son propre bonheur. Mais la confirmation
d’une bonne disposition reste toujours bonne à saisir ! 
Les études menées sur le sujet
revêtent parfois un aspect déroutant voire cocasse. On a par exem-
Science 2011; 331: 542-543
Jean-Michel DEBRY · BIOLOGIE
Obésité réversible ?
I
nutile - une fois de plus - de revenir sur l’incidence croissante de
l’obésité dans les populations de
très nombreux pays, principalement
occidentaux. L’aptitude décroissante
à l’exercice physique et son corollaire
d’alimentation plus abondante et
riche sont évidemment à mettre en
cause dans l’émergence du surpoids
et de l’obésité. Mais on sait aussi Ô injustice ! - qu’il existe des humains
qui bougent peu, mangent beaucoup
et qui conservent néanmoins un profil
mince. C’est donc qu’il existe des «causes» diverses qu’il faut impliquer.
Celles-ci sont génétiques: la résorption
et l’élimination sont bien entendu sous
contrôle génique et on sait à quel point
on peut être très différents de ce point
de vue. Mais ce n’est pas tout. Depuis
longtemps déjà, on a remarqué que les
individus qui naissent trop petits à la
naissance présentent un risque étran-
gement accru de devenir trop ronds,
arrivés à l’âge adulte. D’une façon
convergente, ceux qui sont trop bien
nourris dans la petite enfance présentent le même risque. Dans ce dernier
cas, on sait qu’une surnutrition favorise
la multiplication des cellules de stockage graisseux - les adipocytes - dont
le nombre ne change plus ensuite (Voir
Athena n° 270, p. 31). On peut veiller à
ne pas trop les remplir de graisse, au
prix d’un peu de modération dans l’alimentation et d’accroissement de la
dépense physique.
Ce qu’on vient de découvrir vient
s’ajouter à ce tableau: nous sommes
également conditionnés par des facteurs épigénétiques. Sans que l’on en
maîtrise encore bien les liens, une surou sous-alimentation du fœtus ou du
nourrisson induit des changements
dans la régulation subtile (et épigénétique, par conséquent) de quelques
gènes impliqués dans le contrôle des
graisses et des sucres ainsi que dans
celui de l’appétit. S’il faut d’abord élucider les mécanismes responsables, on
sait d’ores et déjà une chose: comme
ce ne sont pas directement les gènes
qui sont principalement impliqués
mais l’un ou l’autre de leurs mécanismes biochimiques de régulation,
on peut espérer pouvoir agir sur ces
derniers par le biais d’un moyen nutritionnel ou pharmacologique encore à
identifier. Cela ne signifie évidemment
pas encore qu’on va y arriver; au moins
dispose-t-on dorénavant d’une voie
d’accès supplémentaire offrant des
possibilités potentielles de lutte contre
une dérive génératrice, entre diabète
et maladies cardio-vasculaires, de bien
des déboires au long terme. 
International Journal of Obesity 2011;
35: 72-83
33
ATHENA 271 · Mai 2011
> MÉDECINE
Le libre arbitre
n’est-il qu’une
illusion ?
Texte: Philippe LAMBERT • [email protected]
34
Photos: REPORTERS / Food & Drink Photos (p.34), Ph. LAMBERT (p.35), Yves Dethier / REPORTERS (p.37)
Longtemps tenue à l’écart
des champs de l’investigation
scientifique, la conscience
est aujourd’hui au cœur
d’un foisonnement
de recherches.
Les techniques d’imagerie
médicale montrent sans
ambiguïté qu’elle est
sous-tendue par des corrélats
neuraux et, partant, que
l’activité cérébrale précède
l’activité mentale.
Dans ces conditions, peut-on
encore sauver la conception
intuitive que nous avons
du libre arbitre ?
L
a conscience est restée un
territoire inexploré par la
science jusqu’à l’avènement
des techniques d’imagerie
médicale qui ont permis
d’ouvrir une fenêtre sur le fonctionnement dynamique du cerveau. Auparavant, la psychologie expérimentale
avait beau donner accès à l’étude du
comportement, elle ne pouvait pénétrer
dans l’univers intime des pensées, des
sensations, de la petite voix intérieure
qui nous habite, bref au cœur d’un phénomène aussi privé et subjectif que la
conscience. Aujourd’hui, malgré des
difficultés méthodologiques résiduelles,
l’imagerie médicale n’a cessé de conforter l’assertion déjà émise en 1980 par le
neurobiologiste Jean-Pierre Changeux,
dans L’homme neuronal: «L’identité entre
états mentaux et états physiologiques et
physicochimiques du cerveau s’impose en
toute légitimité».
En effet, sur la base de l’ensemble des
travaux réalisés à ce jour, tout indique
que l’activité cérébrale est l’unique support de notre vie mentale. À l’heure où,
poursuivant leur marche en avant, les
neurosciences s’attellent à l’identifica-
tion systématique des corrélats neuraux
de la conscience, cette conception des
rapports entre le corps et l’esprit sonne
le glas de la perspective dualiste.
Une tout
autre vérité
Se pose alors la question clé du libre
arbitre. Sommes-nous maîtres de nos
choix ? Ou, au contraire, la conscience
ne serait-elle qu’un épiphénomène nous
permettant d’apprécier la réalité après
coup et le libre arbitre, qu’une illusion ?
Dans la vie quotidienne, nous interprétons nos états mentaux comme
étant la conséquence d’états mentaux
antérieurs qui nous ont habités ou ont
habité d’autres agents. Par exemple,
un individu considérera que s’il est en
colère, c’est parce qu’une autre personne s’est montrée désagréable à son
égard. Le langage courant, mais aussi
le langage de la science, demeurent le
plus souvent imprégnés de dualisme:
nous continuons à raisonner comme
Phillipe LAMBERT · MÉDECINE
si ce qui se passe dans notre tête
n’était pas entièrement produit par
l’activité de notre cerveau. Mais si
l’on adopte la perspective matérialiste des rapports «corps-esprit», à
laquelle aucun argument rationnel
ne semble actuellement en mesure
d’apporter le contredit, l’activité
cérébrale précède forcément
­l’activité mentale qu’elle produit.
«Le scénario selon lequel notre
conscience déciderait d’accomplir
une action, puis en informerait le
cerveau afin qu’il mette en branle
les mécanismes qui aboutiraient
à l’exécution de l’action projetée
est un scénario naïf impliquant le retour à
une forme de dualisme», dit Axel Cleeremans, directeur de recherches au FNRS
et professeur de sciences cognitives
à l’Université libre de Bruxelles (ULB).
La science nous dévoile une tout autre
vérité: ce n’est pas tant que l’état mental
numéro 1 cause l’état mental numéro 2,
mais plutôt que l’état physique numéro 1
cause l’état mental numéro 1 et a pour
conséquence l’état physique numéro 2,
qui est lui-même perçu comme état
mental numéro 2.
Pour l’heure, de nombreux débats portent cependant sur la réalité, mais surtout
sur la forme, de cette causalité descendante où les niveaux les plus organisés
(états mentaux) d’un système complexe
influencent, par effet de feed-back, les
niveaux d’organisation inférieurs (états
physiques). Des recherches très actives
sont menées sur ce thème, notamment à
partir d’un concept appelé «Granger causality», initialement appliqué en économie, mais qui a essaimé aujourd’hui vers
l’étude des relations de causalité dans le
cadre de l’analyse de la connectivité des
circuits cérébraux.
Dans l’existence de tous les jours, nous
nous situons à un autre niveau de description. D’une part, nous nous référons
à notre vécu subjectif et nous ne nous
imaginons pas que l’ordre des choses
puisse être différent de celui que nous
donne à voir notre propre conscience.
D’autre part, évoquer l’activité des
neurones ne nous est pas nécessaire à
la compréhension des événements de
la vie quotidienne, pas plus que ne l’est
l’évocation du mouvement des électrons dans les circuits électroniques de
notre téléviseur pour saisir le sens des
images que nous regardons sur l’écran.
«Il serait tout aussi inconfortable
de se dire que nos décisions
sont le fruit du hasard que de penser
qu’elles sont totalement déterminées.»
Axel Cleeremans,
directeur de recherches au FNRS
et professeur de sciences cognitives
à l’Université libre de Bruxelles (ULB)
Quand nous parlons de neurones, nous
devrions d’ailleurs descendre en cascade à des niveaux d’organisation plus
élémentaires encore, puisque leur activité trouve elle-même son fondement
aux échelons moléculaire, atomique et
des particules élémentaires. «Ce qui, in
fine, nous entraîne dans le monde de la
mécanique quantique», commente Axel
Cleeremans.
S’identifier
à son cerveau
Pour Daniel C. Dennett, de la Tufts University, aux États-Unis, la définition communément donnée du libre arbitre (en
substance, avoir la liberté de faire ce
que l’on veut) est incompatible avec
la causalité physique qui sous-tend la
conscience. «Ainsi, les êtres humains ont
le sentiment qu’ils pourraient changer
d’avis jusqu’au moment ultime précédant
l’accomplissement d’une action projetée,
indique Axel Cleeremans. Cela est impossible, car à partir d’un certain moment,
l’influx nerveux qui va conduire à la réalisation effective de cette action est
en route et ne peut être arrêté.»
De façon cruciale, Dennett
estime qu’un individu qui
a opéré un choix dans
les conditions physiques
particulières où il se trouvait n’aurait pas pu faire un
autre choix. «Imaginons que
quelqu’un prenne la décision de
pousser sur un bouton A plutôt que
sur un bouton B. S’il est replongé exacte-
ment dans la même situation, son choix
sera inévitablement le même, ou alors il
faut invoquer une intervention extérieure,
ce qui est en désaccord avec l’idée que
l’activité cérébrale est à l’origine de l’activité mentale», dit Axel Cleeremans.
Dans son ouvrage Freedom evolves, Dennett, toujours lui, estime en outre que le
libre arbitre n’est compatible qu’avec
un univers déterministe. Voilà a priori
une assertion qui a de quoi surprendre ! Comment l’auteur justifie-t-il sa
position ? Si l’Univers n’était pas déterministe, il serait chaotique, imprévisible,
et aucun agent intelligent ne pourrait
prendre des décisions en pouvant en
prévoir les conséquences.
Justement, certains voient dans la
mécanique quantique, plus particulièrement dans le principe d’indétermination (ou d’incertitude) formulé en 1927
par Werner Heisenberg, un argument
fort en faveur du libre arbitre. Même
si le déterminisme n’est pas absolu,
comme le suggère la mécanique quantique - certains physiciens défendent
néanmoins la thèse d’un déterminisme
sous-jacent -, cela conduit-il pour autant
à la liberté ? Non. S’il existe un
indéterminisme au niveau du
comportement des particules élémentaires, notamment au sein de nos neurones, l’individu n’en est
pas responsable. Ainsi
que le suggère le philosophe Jean-Noël
Missa, professeur à
l’ULB et directeur
de recherches au
FNRS, comment
35
ATHENA 271 · Mai 2011
> MÉDECINE
Loin d’être une machine
qui se contenterait d’exécuter
les instructions de l’âme,
le cerveau est extraordinairement
plastique. Notre trajectoire
individuelle à travers l’existence
s’y inscrit en permanence,
de sorte qu’il possède
une structure tout aussi unique
que notre personnalité.
36
pourrait-on conclure à son libre choix à
partir d’un indéterminisme ayant trait
à des particules microscopiques qui lui
échappent totalement ? Pour Axel
Cleeremans aussi, il ne faut pas
chercher secours dans la mécanique quantique pour sauver
le concept de liberté. «Il serait
tout aussi inconfortable de
se dire que nos décisions sont
le fruit du hasard que de penser
qu’elles sont totalement déterminées», fait-il remarquer.
Pour notre interlocuteur, ces difficultés pourraient être éliminées en
abandonnant l’idée que «je» suis différent de l’activité de mon cerveau. Nous
avons l’impression de perdre quelque
chose en acceptant cette réduction,
mais cette impression disparaît quand
on reconnaît que le cerveau, loin d’être
une machine qui se contenterait d’exécuter les instructions de l’âme,
est en réalité extraordinairement plastique. Notre
trajectoire individuelle
à travers l’existence s’y
inscrit donc en permanence et sa structure est
dès lors tout aussi unique
que notre personnalité.
Faire
comme si...
Pour de nombreux auteurs, le libre arbitre tel que nous le concevons habituellement est une illusion. Selon le psycho-
sociologue américain Daniel Wegner
(Université Harvard), auteur de Illusion
of free will, la conscience serait une fonction ancrée dans la nécessité qu’ont les
espèces sociales de partager leurs états
mentaux. Elle nous aurait été transmise
par l’évolution, au même titre que le
sentiment erroné que nous éprouvons
d’avoir prise sur les événements - sans
ce sentiment, une espèce complexe ne
pourrait survivre.
Dennett est du même avis quand il estime
que nous devons «faire comme si», sans
quoi la vie en société et les progrès de
l’humanité deviendraient impossibles. Il
propose de surcroît une redéfinition de
la notion de libre arbitre, qu’il conçoit
comme la liberté de faire des choix intelligents. «Par choix intelligents, il entend des
choix informés par l’expérience que nous
avons du monde», explique Axel Cleeremans. Grâce à cette expérience, nous
serions en position d’opérer des choix
plus appropriés, plus pertinents qu’à
une époque antérieure de notre vie. Ici
encore, la plasticité cérébrale jouerait à
plein, dans la mesure où, partant du principe que nous serions à chaque instant la
résultante de notre patrimoine génétique
et de notre histoire, intimement «gravée»
dans notre cerveau, la possibilité de réaliser de meilleurs choix émanerait de la
configuration de nos circuits neuraux au
moment de la prise de décision. Ce libre
arbitre auquel se réfère Dennett n’est
concevable, à nouveau, que si nous nous
identifions à notre cerveau.
Mais cette «liberté de choix», compatible avec un Univers totalement déterministe, en est-elle vraiment une ? Elle
Phillipe LAMBERT · MÉDECINE
une horloge le moment où
ils avaient pris la décision
d’appuyer sur le bouton. Parallèlement, leur
activité cérébrale était
enregistrée par électroencéphalographie
(EEG).
suggère en fait celle d’un superordinateur qui effectuerait des «choix» tellement complexes que s’en dégagerait
une impression d’intentionnalité, de
libre arbitre, alors même que toutes les
opérations qu’il réalise sont déterminées en ultime ressort par des procédures prédéfinies. Dennett, qui qualifie
d’illusion la notion commune du libre
arbitre (1), semble se contenter ici d’un
ersatz pour «sauver ce qui peut l’être».
D’un ersatz, du moins d’une liberté qui
n’en est pas une au sens où on l’entend
habituellement.
De toute façon, la conception matérialiste de l’esprit, quelles qu’en soient les
modalités, ne peut lui «rendre son âme».
Et celle-ci se dissout davantage encore
quand, après avoir célébré l’identité
entre l’activité cérébrale et les états
mentaux, les neurosciences mettent
en lumière l’importante implication
de processus inconscients (2) dans les
phénomènes conscients.
Processus
inconscients
En 1983, le neurophysiologiste américain Benjamin Libet, aujourd’hui décédé,
réalisa une expérience dont les résultats,
reproduits ensuite par d’autres, continuent à susciter des débats passionnés.
Les participants avaient pour instruction de pousser sur un bouton quand
ils le souhaitaient, dans un délai de dix
secondes. Ils devaient également repérer sur un indicateur temporel figurant
On sait que l’exécution du mouvement de
flexion du poignet pour
pousser sur un bouton
est précédée de quelque
500 millisecondes par une
variation lente du potentiel
électrique du cerveau, baptisée «potentiel de préparation motrice»
(PPM). Or, dans l’expérience de Libet,
les sujets ne rapportaient avoir éprouvé
l’intention ­d’effectuer ce geste que
250 millisecondes avant son déclenchement, soit après le début du PPM. En
d’autres termes, tout se passait comme
si la conscience des participants était
informée après coup qu’un mouvement
allait être exécuté.
Pour Axel Cleeremans et Lionel Naccache, neurologue à l’hôpital de la PitiéSalpêtrière et chercheur à l’Institut du
cerveau et de la mœlle épinière (ICM Paris), la principale réserve qu’on pourrait émettre à l’égard de ces résultats
tient au fait que, même si on laisse au
sujet le choix du moment où il appuiera
sur le bouton, il connaît la tâche qui lui
incombe. En quelque sorte, il a reçu
une «méta-­instruction». Aux yeux d’Axel
Cleeremans, cela ne remet cependant
pas fondamentalement en cause les
conclusions que Libet a dégagées de
son expérience: l’intervention première
de processus non conscients dans la programmation volontaire du mouvement
et, partant, le caractère illusoire du libre
arbitre.
Pour sa part, Lionel Naccache propose
une lecture, qu’il qualifie de «plausible»,
des résultats expérimentaux susmentionnés. «Il se pourrait que des schémas
moteurs soient préactivés dans notre
cerveau, dit-il. Prendre une décision ne
consisterait pas à produire quelque chose
ex nihilo, mais à procéder à une sélection au sein d’un répertoire préexistant.
Dans ­l’expérience de Libet, les participants
savent que l’action à laquelle ils doivent
penser est d’appuyer sur un bouton. On
pourrait alors imaginer que cette action
est préactivée en permanence, auquel cas
il ne serait plus paradoxal qu’un corrélat
cérébral puisse préexister à la datation
subjective que fait le sujet du moment où il
a eu l’intention de pousser sur le bouton.» Il
ne s’agit toutefois que d’une hypothèse.
En mai 2008, Nature Neuroscience publia
un article de Chun Siong Soon, Marcel
Brass, Hans-Jochen Heinze et John-Dylan
Haynes: Unconscious determinants of free
decisions in the human brain. Les quatre auteurs y présentaient des résultats
expérimentaux qui allaient dans le sens
de ceux de Libet, mais avec plus de force
encore. Des volontaires, dont l’activité
cérébrale était enregistrée au moyen
de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf ), étaient appelés à pousser au choix sur un bouton
gauche ou sur un bouton droit, quand
bon leur semblait. Lorsqu’ils prenaient
conscience de leur intention d’agir, ils
devaient mémoriser une des lettres qui
se succédaient toutes les 500 millisecondes sur un écran.
«En mettant en relation tous les éléments
recueillis, les chercheurs montrèrent, grâce
aux techniques sophistiquées d’analyse
multivoxels, que l’activité des cortex préfrontal et pariétal permettait de prédire,
dans 80% des cas, l’action que le sujet
allait poser (bouton gauche, bouton droit)
jusqu’à dix secondes avant que lui-même
ne soit conscient de sa décision», rapporte Axel Cleeremans. Hallucinant et
interpellant !
Aujourd’hui, le libre arbitre semble
moribond dans son acception courante.
Pourra-t-on encore le sauver ? 
(1) Voir par ailleurs
l’interprétation, différente,
que donne Lionel Naccache
de la notion de libre
arbitre – La conscience a
horreur du non-sens dans
Athena, n° 270, pp. 34-37.
(2) Nous nous référons ici
à l’inconscient cognitif,
théâtre de processus
s’exécutant à notre insu,
et non à l’inconscient
psychanalytique.
37
ATHENA 271 · Mai 2011
> CHIMIE
Miroir,
mon
beau miroir...
38
Dans l’Égypte des pharaons,
tout le monde se maquillait au
moyen de fards parfois toxiques. Aujourd’hui, par contre,
­fleurissent les préparations
­respectueuses des ressources
de la nature, estampillées «bio»
pour coller p
­ arfaitement à l’air
du temps et aux attentes d’une
société soucieuse de l’environ­
nement...
V
ous n’y pensez pas le
matin en vous rasant ou
en vous maquillant, mais
la chimie se cache aussi
dans les tiroirs de votre
salle de bain. Elle a beau s’y faire discrète,
on lui doit d’innombrables propriétés des
produits cosmétiques, depuis la haute
tenue des rouges à lèvres jusqu’aux
teintes irisées des ombres à paupière en
passant par les vertus antirides de certaines crèmes. L’inventaire serait trop long
à faire ici mais c’est au rayon «cosmétiques» que se cache l’un des plus gros
Texte : Paul DEVUYST
défis actuels de la chimie: introduire le
maximum d’ingrédients naturels dans
les recettes de beauté pour répondre à
nos attentes.
Si la cosmétique est devenue aujourd’hui
aussi technique, c’est parce qu’elle s’est
allouée les services de scientifiques pour
consolider son expertise. Mais les textes
anciens nous indiquent que les Égyptiens aimaient déjà se maquiller avec des
produits pas toujours inoffensifs. Hommes, femmes et enfants de toutes classes sociales s’enduisaient la peau de produits colorés et de fards, les yeux étant
particulièrement choyés.
Une cosmétique
millénaire
Les très nombreux objets découverts
dans les tombes égyptiennes sont en
effet une extraordinaire source d’étude
des coutumes de la vie quotidienne
durant l’Antiquité. Les fouilles de certaines sépultures ont ainsi livré de véritables
coffrets de maquillage contenant miroirs,
épingles à cheveux, stylets et autres récipients, parfois encore remplis de mix­
tures. Les Égyptiens se maquillaient avec
des cosmétiques blanc, vert, gris ou noir,
principalement formulés avec des composés de plomb. Des échantillons de
fard ont été prélevés dans des récipients
en pierre (albâtre, hématite, marbre),
céramique, bois ou roseau, provenant de
plusieurs sites datés entre 2.000 et 1.200
avant J.-C.
Comme dans toute analyse concernant
les œuvres d’art ou les objets archéologiques, les prélèvements nécessaires aux
analyses chimiques furent les plus petits
possible (1 mm3 environ). Ces prélèvements ont dans un premier temps été
observés par microscopie électronique
à balayage qui renseigne sur la morphologie et la composition chimique
élémentaire des grains de la poudre. Des
mélanges complexes de composés de
plomb ont ainsi été observés, mais cette
analyse élémentaire restait insuffisante
pour reconnaître les phases minérales.
C’est la diffraction des rayons X réalisée
en laboratoire qui a cependant permis
leur identification minéralogique. Une
quantification précise des phases a alors
été possible pour déterminer les formulations cosmétiques.
Paul DEVUYST · CHIMIE
Des mélanges
complexes
Quatre phases principales ont été identifiées: la galène (PbS), la cérusite (PbCO3),
la laurionite (PbOHCl) et la phosgénite
(Pb2Cl2CO3). La galène est le minéral
principal, bien connu des fards noirs de
l’Égypte ancienne, mais aussi de khôls
encore traditionnellement employés
aujourd’hui dans certains pays d’Orient,
d’Asie et d’Afrique du Nord. La cérusite,
minéral blanc, apparaît comme composant principal pour des fards à teinte
plus claire. L’usage de tels fards peut
surprendre aujourd’hui mais des études
sur la toxicologie du plomb ont montré
qu’aucune corrélation ne pouvait être
établie entre l’usage de khôl et le taux de
plomb dans le sang, s’il n’y a pas d’ingestion accidentelle. Les présences de la laurionite et de la phosgénite étaient inattendues. Ces deux phases sont en effet
très rares, parfois observées dans les produits de corrosion d’objets en plomb ou
dans des scories de plomb rejetées dans
la mer lors d’anciennes opérations minières (par exemple aux mines du Laurion
en Grèce). La phosgénite est cependant
un peu plus fréquente car elle se forme
également naturellement par oxydation
des minéraux de plomb lorsque ceux-ci
viennent en contact avec des eaux carbonatées et chlorées. En supposant que de
tels produits naturels aient été extraits,
leur quantité dans la nature est de toute
façon trop faible pour avoir été intensément utilisés comme base cosmétique
pendant une période d’au moins huit
siècles. D’autre part, l’extraordinaire état
de conservation des objets étudiés exclut
un apport de chlore par des eaux de ruissellement et donc une altération chimique des poudres dans leur récipient originel. Aucune source naturelle et aucun
mécanisme d’altération ne permettent
­d’expliquer la présence de ces deux phases chlorées: les Égyptiens devaient donc
synthétiser ces produits.
Un savoir chimique
surprenant
Certaines recettes de préparation de produits médicaux décrites par Pline ­l’Ancien
et Dioscoride au 1er siècle après J.-C.
expliquent comment l’écume ­d’argent
purifiée (en fait l’oxyde de plomb - PbO)
était broyée et mélangée dans de l’eau
avec du sel gemme et parfois du natron
(des carbonates de sodium principalement) puis filtrée, la procédure étant
répétée chaque jour pendant plusieurs
semaines. Ces réactions chimiques ont
été reconstituées en mélangeant des
poudres de PbO et de NaCl (chlorure de
sodium) dans de l’eau. Une lente réaction
produit une solution alcaline qui peut
être maintenue à un pH neutre pour
simuler les remplacements journaliers
de l’eau. Le précipité obtenu a été identifié comme de la laurionite par diffraction
des rayons X. L’observation des cristaux
au microscope électronique à balayage
a montré qu’ils avaient une morphologie
similaire à celle de la laurionite archéologique. En présence de carbonates, on
obtient aisément de la phosgénite.
Cette étude des produits de maquillage
égyptiens modifie notre regard sur
les connaissances chimiques dans
l’ancienne Égypte: les technologies
utilisant les arts du feu étaient donc
maîtrisées dès 2.500 avant J.-C. pour
synthétiser le pigment bleu égyptien par
exemple. La preuve de la synthèse de la
laurionite et de la phosgénite montre
que la chimie des solutions était également employée dès 2.000 avant J.-C.
pour la fabrication de matériaux entrant
dans la composition des cosmétiques.
Les réactions chimiques mises en jeu
étaient relativement simples mais le
procédé, incluant des opérations répétitives, devait cependant être difficile à
mettre au point.
Des fards…
à l’œil
Les fards sont par tradition les compositions les plus délicates de l’esthétique. Ils
s’appliquent sur la peau (fond de teint),
les cils (mascaras), le pourtour de l’œil
(crayon, khôl, eye liner) ou les lèvres
(rouge à lèvre). Leurs formulations sont
conçues pour obtenir un effet généralement multiple: masquer ou
atténuer les imperfections de
la peau, apporter un velouté
et une couleur nuancés,
donc transformer
subtilement
l’apparence
mais aussi
protéger
contre
l e s
agressions
externes.
La
palette
de couleurs utilisée aujourd’hui
dans les fards s’est
beaucoup
développée. Il n’en reste
pas moins que leur
utilisation répond à
certains codes dépendants de l’image de soi
que l’on désire renvoyer:
femme
fleur, femme précieuse, femme rebelle,
femme fatale ou encore femme actrice
pour ne citer que ceux là.
Les fards sont composés de matières
compactes et non abrasives qui ne doivent pas perdre leur tenue et leur texture
après dépôt. Ce type de composition
­s’obtient par dispersion de pigments colorés, le plus souvent d’origine minérale,
tels que les oxydes de fer, de chrome, de
manganèse ou l’oxychlorure de bismuth
et d’autres compositions mixtes dont
le mica associé à l’oxyde de titane. Des
colorants de synthèse peuvent être aussi
utilisés: composés azoïques, phénols dispersés dans une phase condensée solide
ou semi-solide émulsionnée.
Il y 4.000 ans, les Égyptiens utilisaient le
plomb afin de concevoir des fards dotés
de vertus médicales. Pour mieux comprendre cet usage, des chimistes ont
tenté d’évaluer l’impact de très faibles
quantités de plomb sur une cellule de la
peau. Résultat: à très faibles doses, le
plomb ne tue pas la cellule. Il induit
la production d’une molécule, le
monoxyde d’azote, connue
pour activer le système
immunitaire.
Appli-
39
ATHENA 271 · Mai 2011
> CHIMIE
1
2
quer des fards à base de plomb peut
donc déclencher un mécanisme de
défense qui, en cas d’infection occulaire,
limite la prolifération des bactéries.
40
Voilà donc pourquoi un Égyptien à l’œil
maquillé de fard noir voyait son liquide
lacrymal enrichi en ions Pb2+ suite à
une faible dissolution du produit, ce qui
devait stimuler la production de macrophages. Ceux-ci constituent un environnement redoutable pour toute bactérie
qui y serait projetée accidentellement
et expliquerait les propriétés médicales
des fards conçus par les anciens Égyptiens. On comprend mieux pourquoi ces
derniers les considéraient comme des
émanations des yeux des dieux protecteurs Horus et Ra.
La biodiversité
cosmétique
La cosmétologie a bien évolué depuis
l’Antiquité: au-delà du simple plaisir
associé à l’utilisation des produits, elle
démontre aujourd’hui son rôle psychosocial. C’est ainsi que l’on recommande
aux personnes déprimées ou malades à
l’hôpital de se maquiller parce que l’on
sait que le cortex réagit dans le cerveau
au toucher d’une peau maquillée, prouvant que «se faire beau» procure une
émotion réelle.
Parmi les recherches les plus folles des
chimistes de la beauté, figurent sham-
poing à l’huile de jojoba, crème de jour
à la lécithine de soja, parfum aux extraits
naturels de vanille… des produits qui ne
se privent pas de mettre en avant leur
profil «bio». Pour enrichir la palette des
ingrédients disponibles, les laboratoires
explorent la biodiversité - des plantes
aux champignons en passant par les
micro-organismes - à la recherche des
nouvelles stars de la cosmétique. Parmi
les dernières trouvailles: le resvératrol
(sur lequel Athena reviendra bientôt),
une molécule que l’on trouve notamment dans le raisin et qui augmente
l’espérance de vie des cellules de la peau,
ou encore le pro-xylane, un sucre extrait
du bois de hêtre qui stimule la synthèse
de collagène et rend ainsi les tissus plus
fermes. Les méthodes qui permettent
d’utiliser ces molécules naturelles sont
en pleine évolution actuellement.
nutriments dont la plante a besoin pour
vivre. Rapidement un petit amas de
cellules, appelé «cal primaire», apparaît
sur son pourtour, signe que le processus de dédifférenciation cellulaire est
enclenché. La cellule, placée dans un
environnement différent de celui qu’elle
connaît habituellement, ne se sent plus
obligée de produire une feuille ou un
autre organe de la plante et se met à
proliférer joyeusement.
Les cellules souches, également appelées cellules «natives» ou «germinatives», sont prélevées de façon «discrète»
sur les plantes (quelques cellules suffisent) et capables de se multiplier à
l’infini pour régénérer des champs
entiers, c’est pourquoi elles présentent
de multiples intérêts pour les cosmétologues. Outre garantir la parfaite
reproductibilité des extraits végétaux
d’une année à l’autre (contrairement
aux extraits issus de l’agriculture qui
subissent les aléas climatiques) et donner accès à des plantes rares ou menacées sans perturber la biodiversité, elles
seraient douées de propriétés étonnantes pour la peau.
C’est alors le moment de passer en milieu
de culture liquide dans une fiole puis
dans un fermenteur de 10, 50, 300 litres
et enfin de plusieurs mètres cubes pour
une production à l’échelle industrielle.
Ces cellules fraîches sont ensuite coulées dans les produits cosmétiques. Toutefois, vu les moyens mis en œuvre pour
les cultiver, elles n’ont d’intérêt pour le
cosmétologue qui si leur bénéfice pour
la peau est attesté. Ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas !
Travaux pratiques
Comment procèdent les chercheurs ?
Un minuscule fragment de plante est
posé sur un milieu de culture riche en
Pour optimiser ce processus, il suffit
alors de prélever quelques spécimens
bien choisis sur le cal et de les placer
sur un milieu de culture favorable à la
réplication. Après un certain nombre de
repiquages (ce qui peut prendre entre
six mois et dix ans !), on obtient une
lignée stable et immortelle de cellules
souches végétales.
Des ressources
bien cachées
Cette matière puisée au cœur des
plantes révèle une activité biologique
insoupçonnée. Il faut savoir que, dans
des conditions de vie normale, les
plantes n’expriment que 20% de leur
potentiel. Elles ne mobilisent leurs ressources cachées que pour affronter des
Paul DEVUYST · CHIMIE
1.
L’œil gauche d’Horus symbolisait le triomphe de la lumière sur les ténèbres , c’est
pourquoi on regardait cet œil guéri comme bienfaisant. On le représentait sous la
forme de l’œil Oudjat dans les talismans, les amulettes afin de se protéger contre les
blessures et les maladies.
2.
L’engouement des Egyptiens pour certains fards répondait à certaines préoccupations compte tenu de leurs compositions chimiques.
3.
Les maquillages protègent de la pollution, apportent des vitamines, filtrent le soleil,
soignent l’acné et… effacent les rides pour reculer l’effet du temps.
3
stress importants: fortes irradiations
solaires, pluies diluviennes… C’est ce
qui s’appelle la «plasticité génétique».
La plante, qui n’a pas de mobilité, puise
dans sa réserve génétique pour s’adapter aux conditions de son environ­
nement. Les chercheurs se sont rendus
compte qu’elle fait pareil dans la boîte
de Petri ! Les scientifiques estiment
ainsi à 50% les composés qui peuvent
être synthétisés en plus, dont 20 à 25%
seulement sont identiques à la plante
mère. Les nouvelles molécules produites signalent une redistribution des
gènes, comme si la plante s’était soudainement réveillée.
Ce miracle végétal passionne évidement
tous les chercheurs qui, aussitôt ont eu
l’idée de «taquiner» les végétaux en
modifiant leur environnement afin de
leur faire produire des molécules spécifiques pour rajeunir la peau, ­l’hydrater,
la protéger des UV… Les poils à gratter
utilisés pour ce faire sont appelés des
«éliciteurs». Ce peut être une molécule ou un pH particulier appliqué au
contact de la plante, un stress thermique ou un choc hydrique. Faire mieux
que la plante elle-même, voilà l’idée
de cette nouvelle technologie qui progresse à pas de géant.
Le retour
à la nature
Répondre à la soif de bio des consommateurs, trouver de nouvelles propriétés…
La recherche de molécules naturelles a
aussi un autre but: trouver des remplaçantes inoffensives pour l’homme et
l’environnement à toutes les molécules
dont l’innocuité est actuellement remise
en cause. On pense tout de suite au
parabène, un conservateur de synthèse
dérivé du pétrole, largement utilisé pour
protéger les cosmétiques des moisis­sures
et des bactéries mais aussi accusé d’être
toxique et cancérigène. Pour lui trouver un substitut, les chimistes tentent
d’isoler et d’identifier les principes actifs
de certaines plantes (guyanaises entre
autres) réputées antimicrobiennes.
Mais un certain nombre de molécules
naturelles sont également mises sur la
­sellette. L’huile essentielle de rose contient
par exemple du méthyleugénol, suspecté
LE ROUGE À LÈVRES
C
ette émulsion pâteuse contient
jusqu’à quinze constituants.
Des cires lui donnent sa consistance; des huiles sont responsables
de la brillance, de l’onctuosité et de
l’adhérence.
Quant à la couleur du rouge, elle est
obtenue non plus à partir de ­l’éosine,
colorant allergène, mais avec des
­dérivés de l’érythrosine ou de la
shikonine.
C’est une formulation particulière,
où l’on place le colorant dans la
­phase aqueuse en solution ce qui
confère son caractère indélébile au
rouge.
Quand un rouge à lèvres est brillant,
on parle d’«effet gloss» et par
­extension, on désigne sous le terme
«gloss», les rouges à lèvres brillants.
Ils peuvent aussi être désignés par
l’expression «brillant à lèvres».
d’être cancérigène; et les extraits de
lichens renferment des composés chlorés qui provoquent des réactions cutanées. Seulement voilà, une odeur donnée
contient des dizaines, voire des centaines
de composants et si l’un de ceux-ci est
toxique ou allergène, il peut gêner la mise
sur le marché du produit final: s’il n’est
pas intéressant d’un point de vue olfactif,
les chimistes essayent de l’inactiver. Pour
cela, ils travaillent sur une méthode de
biocatalyse sélective, l’objectif final étant
de transformer sélectivement la structure
et donc la toxicité des molécules réglementées à l’aide de microorganismes, ce
qui permet de conserver un label naturel.
Au final, la molécule gênante est inactivée
et l’odeur de l’extrait reste la même. La
déferlante verte gagne également les tensioactifs, ces molécules qui poussent l’eau
et les corps gras à se mélanger et à former,
par exemple, une crème onctueuse. Des
équipes travaillent aujourd’hui à remplacer la partie hydrophile de ces molécules,
aujourd’hui d’origine pétrochimique, par
des sucres extraits de végétaux.
Sauf que la molécule n’est pas tout, c’est
la réaction chimique qui permet de transmettre dans le cerveau le message répondant à la question «Suis-je belle ?». Mais
ça, c’est encore une autre histoire... 
41
ATHENA 271 · Mai 2011
> PHYSIQUE
limite
Texte : Henri DUPUIS • [email protected] • Photos : S.FORGET (p.42), J.MARTIN/ULg (Schéma p.43)
42
Toute mesure d’une grandeur
physique est entachée d’un bruit.
Aux précisions extrêmes, ce bruit
est de nature quantique: c’est la
limite d’Heisenberg. Des chercheurs viennent d’imaginer un
dispositif qui permet d’atteindre
plus facilement cette limite
L
a physique a besoin de mesures de plus en plus précises,
mais toute mesure physique
est entachée de bruit: une
préparation imparfaite du
système à mesurer, une perturbation
thermique, etc. Aux échelles les plus
extrêmes, cela se joue au niveau des particules comme les photons, et ce bruit
est donc de nature quantique. C’est ce
qu’on appelle la limite d’Heisenberg,
une limite indépassable qui traduit le fait
qu’aucune mesure ne peut être d’une
précision absolue, infinie. Mais il y a des
moyens plus faciles que d’autres d’approcher cette limite. Daniel Braun, de
l’Université de Toulouse, et John Martin,
responsable du Service d’optique quantique de l’Université de Liège, viennent
d’imaginer un dispositif théorique qui
va sans doute favoriser les applications
dans de nombreuses disciplines scien-
tifiques. Leurs travaux viennent de faire
l’objet d’une publication dans Nature
Communications (1).
Bruit
de grenaille
Avant de décrire le dispositif théorique
mis au point par les deux chercheurs et les
avancées que cela représente, il convient
de revenir sur la notion de mesure physique et de ses limites. Considérons une
cavité, c’est-à-dire deux miroirs entre lesquels de la lumière peut être piégée. Il est
possible de mesurer une variation de longueur de cette cavité en envoyant sur elle
un faisceau laser. Comme les miroirs ne
sont pas totalement réfléchissants, une
partie du faisceau va sortir de la cavité.
Lorsqu’on utilise une source classique de
lumière (c’est à dire de la lumière provenant d’un laser par exemple), les variations de longueur de la cavité vont être
déterminées en mesurant les variations
de la lumière transmise. La sensibilité fondamentale avec laquelle on pourra mesurer ces variations de longueur va être
donnée par le bruit qui affecte la mesure
de l’intensité de la lumière de sortie.
Parmi les bruits de diverses origines, il en
existe un lié aux lois quantiques, appelé le
bruit de grenaille. Ce bruit va déterminer
la limite quantique standard, limite fondamentale qu’il ne sera pas possible de
franchir. Il va déterminer une sensibilité
optimale qui ne pourra être dépassée. De
quoi va-t-il dépendre ? De la nature quantique du rayonnement. La lumière est
une collection de photons et la mesure
de l’intensité du faisceau est affectée par
la nature granulaire de la lumière. On ne
détectera pas toujours le même nombre
de photons même si la lumière est dans
le même état et ne varie pas au cours du
temps ! Lorsqu’on mesure une grandeur
physique d’un système (ici le nombre de
photons), on obtient une série de résultats qui vont se disperser autour de la
moyenne. Cette dispersion traduit le bruit
qui affecte la mesure.
Le signal de sortie est proportionnel au
nombre de photons (N) que contient
le faisceau. On a montré que le bruit
est proportionnel à la racine carrée du
­nombre de photons (√N). Autrement dit,
la précision sur la longueur, la sensibilité,
décroît comme l’inverse de la racine carrée du nombre de photons, c’est-à-dire
l’inverse de la racine carrée de l’intensité
du faisceau lumineux. Plus on utilise un
faisceau lumineux intense, meilleure est
la précision avec laquelle on va pouvoir
mesurer les variations de longueur de la
cavité. Notons encore que si N représente
ici des photons, la loi qui détermine la
Henri DUPUIS · PHYSIQUE
John Martin, responsable du Service ­d’optique
quantique de l’Université de Liège
sensibilité a une portée plus large et N
désigne en fait le nombre de ressources
dont on dispose, l’intensité de la lumière
n’étant qu’un exemple.
Atomes dans
un état sombre
Peut-on améliorer ce résultat, c’est-à-dire
dépasser cette limite de sensibilité qui se
comporte comme 1/√N ? Oui, mais pour
cela, il faut utiliser des sources de lumière
non classiques.
Une des méthodes proposées, avant que
Daniel Braun et John Martin n’imaginent
leur dispositif, était d’utiliser de la lumière
dans un état intriqué, état dans lequel les
grains de lumière sont liés par des corrélations. Ces corrélations vont permettre
d’augmenter le rapport signal/bruit, soit
en augmentant le signal, soit en diminuant le bruit. Avec de telles sources non
classiques de lumière, la limite de sensibilité qu’on peut atteindre se comporte
cette fois comme l’inverse du nombre
de photons (1/N), ce qui représente bien
un progrès par rapport à la limite 1/√N
obtenue avec de la lumière classique.
Cette limite est appelée la limite d’Heisenberg. C’est une limite fondamentale
en dessous de laquelle on ne peut descendre avec de la lumière non classique.
La méthode proposée par le chercheur
liégeois et son collègue toulousain est
très différente. «Dans notre cas, explique John Martin, nous avons considéré
­l’interaction d’un ensemble d’atomes piégés à l’intérieur de la cavité avec un mode
de la cavité, une fréquence particulière de
la lumière qui peut exister à l’intérieur de la
cavité. Tous les atomes vont se coupler à ce
même mode et c’est cette interaction collective qui va permettre d’obtenir un signal
qui possède un rapport signal/bruit qui
se comporte comme l’inverse du nombre
d’atomes présents dans la cavité.»
Tout l’intérêt de la méthode est qu’elle
ne repose pas sur l’utilisation d’états
intriqués, ce qu’on pensait impossible
jusqu’à aujourd’hui. En quoi est-ce une
avancée ? Lorsqu’on veut atteindre la
limite d’Heisenberg en utilisant des
états intriqués, un problème surgit rapidement: ces états intriqués sont très
sensibles aux perturbations extérieures. Ils se détruisent très rapidement à
cause de leur couplage avec le monde
extérieur. C’est ce qu’on appelle le phénomène de décohérence, phénomène
fondamental en physique quantique. Et
celui-ci ­s’accroît au fur et à mesure que
le nombre de ressources (N) augmente.
Mais nous avons vu que si on veut une
grande précision dans la limite d’Heisenberg, il faut augmenter N. Or si on augmente N, les états dont on a besoin pour
atteindre cette limite deviennent de plus
en plus difficiles à produire. Au point
que les expériences qui ont été réalisées
jusqu’ici avec des états intriqués l’ont été
avec un «faisceau» de... 4 photons.
Comment Daniel Braun et John Martin
sont-ils parvenus à contourner cette difficulté ? «Nous n’utilisons pas de la lumière
qu’on envoie dans la cavité, explique le
chercheur liégeois, mais plutôt des atomes
excités qu’on place à l’intérieur de la cavité.
Ces atomes vont se désexciter en émettant
des photons (lumière) qui vont s’échapper
hors de la cavité en traversant les miroirs;
c’est ce signal qui va nous permettre de
mesurer les variations de longueur. Notre
idée a été de préparer les atomes dans un
état sombre: lorsqu’on place ces atomes
dans cet état particulier, la probabilité qu’ils
se désexcitent en émettant de la lumière
est nulle. Mais cet état possède cependant
des composantes excitées et c’est l’interférence entre ces différentes composantes
qui maintient les atomes dans cet état
sombre. Cependant, cet état n’est sombre
que pour une longueur précise de la cavité.
Lorsque la longueur de la cavité varie, l’état
qui était initialement sombre cesse de l’être
et donc les atomes émettent de la lumière.
La mesure de cette lumière nous permet de
dire de combien a varié la longueur de la
cavité. Et nous avons montré par calcul que
la sensibilité qu’on peut atteindre se comporte comme la limite d’Heisenberg, donc
comme 1/N.»
Le but était atteint: se débarrasser de
la méthode des états intriqués tout en
atteignant des performances de sensibilité extrêmes: on parle ici d’un ΔL/L
(variation relative de longueur) de l’ordre
de 10-21 à 10-23 ! 
(1) Braun D. and Martin J.,
Heisenberg-limited
sensitivity with
decoherence-enhanced
measurements. Nature
Communications. 2:223
doi: 10.1038/ncomms1220
(2011).
Schéma du dispositif
théorique pour mesurer
la longueur d’une cavité.
43
ATHENA 271 · Mai 2011
> ASTRONOMIE
À la Une
du Cosmos
Texte : Yaël NAZÉ • [email protected] • http://www.astro.ulg.ac.be/news

La sonde Cassini a dévoilé,
grâce à une équipe internationale
comprenant des Liégeois,
le lien électrique unissant
Saturne et Encelade.

Entre les amas de galaxies, l’espace
est quasi vide. Près de nous, un «vide local»
contient ainsi... une seule galaxie,
ESO 461-36, qui accumule les particularités:
très peu lumineuse comparée à la masse,
avec un disque de gaz anormalement grand
et très incliné par rapport
au plan des étoiles...
Photo: UDS/CNRS
Photo: Cassini
44

Après des observations suivies
des anneaux de Jupiter et Saturne,
certaines de leurs structures ont pu être attribuées à des événements précis
(impact des fragments de la comète
Shoemaker-Levy 9 sur Jupiter en 1994,
d’un autre nuage de débris
avec Saturne en 1993).
Photo: Nasa

En analysant les petits tremblements
de la surface de 500 étoiles semblables au Soleil, le télescope spatial
­Kepler a montré qu’elles sont un peu trop légères par rapport
aux modèles: il faudra donc les réviser !
Photo: Science

Tycho Brahe avait observé l’apparition d’une «étoile nouvelle» en 1572.
Le résidu de cette supernova donne aujourd’hui des informations sur
l’origine de l’explosion, et sur le compagnon de l’étoile morte.
Ce compagnon aurait survécu à l’explosion: il se déplace cependant à
grande vitesse, comme s’il avait reçu un énorme «coup de pied». Il y a juste
un peu de matière qui a été arrachée à sa surface - comme en témoigne un
arc brillant en rayons X, qui serait l’onde de choc créée par cette matière.
Photo: Chandra
Yael NAZÉ · ASTRONOMIE

Selon un astronome amateur belge, Charles Messier,
le célèbre chercheur de comètes,
aurait observé le troisième plus gros corps de la ceinture d’astéroïdes
en 1779, 23 ans avant sa découverte par Friedrich Olbers.
D’autre part, l’explosion de la supernova liée à Cas A
- un résidu extrêmement brillant en rayons X, ondes radio,
et IR - aurait pu se produire en 1630, le jour de la naissance
du futur roi anglais Charles II.
Photo: C&E
45

À gauche: En décembre dernier, un nuage de poussières a soudain enveloppé l’astéroïde Scheila. On a alors pensé à une activité de type cométaire, mais cela serait plutôt dû à l’impact d’un petit astéroïde. Photo: HST. À droite: On ne sait pas très bien comment les étoiles massives se
forment, mais de nouvelles observations infrarouges et en rayons X devraient faire progresser ce domaine: elles ont permis de trouver 4 bébésétoiles ayant au moins 25 masses solaires ! Photo: Chandra/Spitzer

Un minéral inconnu découvert dans une pierre venue de l’espace et tombée dans les
régions polaires... Non, ce n’est pas «L’Étoile Mystérieuse» et son calystène, mais bien une
découverte scientifique annoncée ce mois-ci : le minéral inconnu a été baptisé «wassonite» et est composé de soufre et de titane. D’autres minéraux restent à identifier.
Photo: Nasa

Les télescopes infrarouges apportent aussi des infos
sur la formation d’étoiles peu massives.
En effet, l’européen Herschel livre des images inédites
des réseaux de filaments interstellaires au sein desquels
se formerait la majorité des étoiles;
l’américain Spitzer a montré que les jets émis
par l’étoile jeune HH 34 sont parfaitement symétriques,
mis à part un écart temporel de quatre ans et demi entre leur activité...
Tout cela permet d’améliorer notre
connaissance de la formation des étoiles.
Photo: Spitzer
ATHENA 271 · Mai 2011
> ESPACE
C
e 25 mai, il y a 50 ans, le Président John F. Kennedy (1917-1963)
­lançait un défi audacieux dans un discours mémorable au Congrès
des USA. L’Amérique, aux prises avec l’Union Soviétique (dont
­­faisait partie la Russie), était invitée à tenir le pari suivant: avant la fin de la
­décennie, envoyer un homme sur la Lune et le ramener sain et sauf sur ­Terre.
Conscient de l’importance de ce programme technologique, il précisait:
«Aucun autre projet durant cette période ne sera plus impressionnant pour
l’humanité, ni plus important pour l’exploration de l’espace à long terme.
­Aucun ne sera aussi difficile ni aussi coûteux à réaliser.»
Cette initiative prendra le nom de programme Apollo. Sa réalisation est confiée
à la Nasa (National Aeronautics & Space Administration), mise en place le
1er octobre 1958. Le chef d’orchestre de ce travail d’Hercule est un ­Européen:
Wernher von Braun (1912-1977), qui sera à l’origine des sinistres ­des fusées V2
du IIIe Reich, mais qui avait sauvé l’honneur américain après les deux premiers
Texte: Théo PIRARD · Photo: Nasa
O
46
ser décrocher la Lune en 1961:
le Président Kennedy avait-il
bien mesuré l’ampleur des efforts à
consentir ?
Il fallait une dose d’inconscience pour
entreprendre pareille aventure. Mais les
Américains se sentaient humiliés par
les 108 minutes du vol spatial, le 12 avril
1961, de Youri Gagarine (1934-1968),
jeune officier de l’Armée Rouge. Pour
redorer la bannière étoilée, ils mobilisèrent leurs talents et leur potentiel. Il fallait,
coûte que coûte, être les premiers sur la
Lune. Cette Amérique qui balbutiait alors
en matière de technologie des vols spatiaux habités, avait seulement 104 mois
- jusqu’en décembre 1969 - pour gagner
l’audacieux pari du Président Kennedy.
Elle y est arrivée en 98 mois !
Tout est allé très vite à une époque où
il fallait tout découvrir sans avoir de PC
portables, ni Internet à portée de clic.
Spoutniks autour de la Terre
L­ ’informatique fonctionnait avec d’énormes machines utilisant des milliers de cartes perforées… La mémoire des ordinateurs était ridiculement faible comparée
à ce qu’on trouve dans les smart­phones
d’aujourd’hui. Cette génération des «golden sixties» était animée par la volonté
de se surpasser, donnant libre cours à sa
matière grise.
U
ne véritable course contre la
montre était engagée. La Nasa
n’allait-elle pas faire confiance à un
ingénieur discret qui suggérait un
raccourci pour le chemin vers notre
satellite naturel ?
Elle devait à tout prix gagner du temps.
La principale inconnue, en 1961, fut la trajectoire à privilégier pour aller sur la Lune
avant la fin de la décennie. Il y avait trois
possibilités: le vol direct, l’assemblage
d’un vaisseau en orbite terrestre, la séparation puis le réassemblage de deux vaisseaux autour de la Lune. Cette dernière
option, dite du rendez-vous en orbite
lunaire, était proposée, non sans difficultés, par John Houbolt, ingénieur du Nasa
Langley Research Center. Si elle permettait
de gagner du temps et de l’argent, sa réalisation était fort risquée. La Nasa l’adopta
en juin 1962 lors de la finalisation de sa
feuille de route lunaire.
L
es États-Unis ont mis le paquet
pour réussir les premiers pas
­lunaires. Mais quelques citoyens
américains ont mis en doute que leur
­ ation soit allée sur la Lune. Qu’en
n
est-il ­aujourd’hui ?
Cette thèse dite du «grand complot» fait
partie des fabulations de la conquête
spatiale. Des extrêmistes américains, dès
1971, ont cherché à démontrer que l’Amérique n’était jamais allée sur la Lune. Pour
eux, l’aventure Apollo était impossible à
réussir. On aurait fait de cette affaire d’état
une œuvre de propagande, en filmant,
dans un environnement désertique, la
simulation d’activités d’astronautes «à
la surface lunaire». La «conspiration» a
voulu dénoncer que l’investissement
du programme Apollo, qu’on estime
aujourd’hui à quelque 150 milliards
d’euros, aurait financé secrètement
l’industrie américaine de l’armement.
Mais les faits vont à l’encontre des «conspirateurs». Tout qui a vécu l’impressionnant
décollage de la fusée Saturn V (110 m
de haut, 3.000 t au décollage, 34.000 kN
de poussée), l’œuvre de von Braun, qui
expédiait les astronautes vers la Lune
s’interroge: à quoi pouvait servir cette
débauche de puissance qui faisait vibrer
le sol de Miami à New York ? On dispose
depuis 2009 d’excellentes prises de vues
des sites qui furent explorés par douze
astronautes entre 1969 et 1972: la sonde
Lro (Lunar Reconnaissance Orbiter) de la
Nasa a montré la présence de six modules
lunaires et les traces d’activités humaines
sur notre satellite naturel. Vu l’absence de
vents, ces marques terrestres sont là pour
des siècles. 
Théo PIRARD · ESPACE
La Chine
en route vers
l’espace
L
e 15e Symposium Isu (International Space University) de
Strasbourg, qui était consacré à l’exploitation de la Station spatiale internationale (voir Athena
n° 270, pp. 47-48) a accueilli une importante délégation composée de représentants de l’Astronaut Center of China (Aca)
ainsi que d’académies chinoises des
lanceurs et de technologie spatiale. Ces
institutions sont placées sous l’autorité
du Costind (Commission of Science, Technology and Industry for National Defence),
lié au Parti communiste chinois. L’ingénieur en chef Jiang Guoha, responsable
de ­l’entraînement des candidats taïkonautes près de Beijing - ils sont une vingtaine, parmi lesquels deux femmes -, a
présenté la feuille de route de la Chine
dont l’objectif est d’avoir une station
spatiale permanente à l’horizon 2020. En
octobre 2010, le gouvernement chinois
a donné le feu vert à la réalisation de cet
important programme.
En fait, la «longue marche» vers cette
station spatiale chinoise se fait pas à pas
de manière économique. Chaque mission n’est pas une répétition de la précédente, mais elle est une étape essentielle dans la mise au point de nouveaux
systèmes. Le programme a commencé
dans les années 90 avec la phase Shenzhou (1999-2008) marquée par trois missions habitées, qui ont vu six taïkonautes
autour de la Terre. Cette première étape
a consisté en la mise au point du Shenzhou («Vaisseau divin») avec des vols de
plus en plus longs, plusieurs taïkonautes
sur orbite et une activité extra-véhiculaire (sortie dans l’espace).
Le vaisseau chinois de 7,8 t, lancé de
la base de Jiuquan (Mongolie) par une
La grande absente dans la mise
en œuvre de l’Iss (Interna­tional
Space Station) est la Chine,
troisième nation à maîtriser
la technologie des vols spatiaux
habités. En septembre prochain,
elle d
­ evrait amorcer une nouvelle
étape pour ses taïkonautes
(astronautes chinois) dans
­l’espace. Au sujet de la possibilité
de leur participation à l’Iss,
­l’astronaute canadien Bob Thirsk,
qui a s­ éjourné dans la station
aux côtés de Frank De Winne,
se montre r­ éservé: elle ne sera
guère possible, tant que
le programme spatial chinois
a une coloration militaire
Texte: Théo PIRARD
[email protected]
Photos: AP / REPORTERS (pp.47-48)
fusée Longue Marche 2F spécialement
conçue pour les missions habitées, est
un modèle modernisé, plus spacieux
et performant, du Soyouz russe. Après
que quatre missions automatiques
aient testé le Shenzhou, le taïkonaute
Yang Liweï, pilote de 38 ans, devient le
premier Chinois dans l’espace avec, le
15 octobre 2003, un vol de 21 heures
à bord du vaisseau Shenzhou-5. Il faut
attendre octobre 2005 pour que soit
lancée la mission Shenzhou-6 de près
de 5 jours avec deux taïkonautes. Le vol
Shenzhou-7 (dont on aperçoit ci-dessus le
décollage le 25 septembre 2008) comportait un équipage de trois taïkonautes,
dont deux ont effectué une brève sortie
en scaphandre.
Cette année, la Chine entame la
deuxième phase, appelée Tiangong
(«Palais céleste»). Elle va permettre des
47
ATHENA 271 · Mai 2011
> ESPACE
1
48
2
1.
Les Taïkonautes Jing Haipeng, Zhai Zhigang and Liu Boming dans le vaisseau Shenzhou-7.
2.
Le drapeau de la Chine brandi autour de la Terre par le taïkonaute Zhai Zhigang dans un scaphandre de fabrication chinoise.
3.
Un policier armé monte la garde près d’une maquette du vaisseau Shenzhou-7, exposée au Shanghai Science and Technology Museum.
activités de quelques semaines autour
de la Terre, avec la maîtrise des techniques de rendez-vous et d’arrimage
sur orbite et l’utilisation à bord de
systèmes régénératifs d’eau et d’oxygène. Le Tiangong-1, de 8,5 t (10,5 m
de long, 3,4 m de diamètre maximum),
sera satellisé en août-septembre par
une Longue Marche 2F modifiée. Après
ses essais sur orbite, il sera rejoint en
octobre par le vaisseau Shenzhou-8
inhabité qui démontrera les manœuvres de rendez-vous et ­d’arrimage en
mode automatique. Si cet essai est
concluant, le Shenzhou-9 rejoindra
Tiangong-1 trois mois plus tard, au
début de 2012, avec 2 ou 3 taïko­nautes
à son bord. L’équipage y séjournera
une semaine. Le vol du Shenzhou-10,
avec 3 taïkonautes (dont la première
Chinoise dans ­l’espace), est prévu
pour l’été 2012.
3
Le module-laboratoire Tiangong-2,
dont le lancement est planifié pour
2013, sera un modèle amélioré en fonction des enseignements de son prédécesseur. Il servira à des séjours de 20
jours autour de la Terre. Le Tiangong-3, à
lancer en 2015, ­permettra des missions
de trois taïkonautes pendant quelque
40 jours. On y expérimentera la technologie d’un ­support-vie régénératif avec
production d’oxygène et de propergol.
Cette décennie doit être mise à profit
pour tester toutes les composantes qui
serviront à la phase suivante: la station
spatiale de l­ongue durée d’une masse
totale de quelque 60 t, qui comprendra un module central de contrôle,
deux modules-laboratoires (Tiangong
améliorés), de vaisseaux Shenzhou de
deux modèles (habités par les taïkonautes, cargo pour le ravitaillement).
Il n’est pas exclu que les Tiangong-2 et
Tiangong-3 fassent leur jonction afin de
créer un long ensemble habitable.
Le démarrage de la construction de la
station spatiale chinoise est planifié
pour 2020 avec la mise sur orbite de
l’élément central avec le lanceur lourd
Longue Marche 5 depuis le centre de
Hainan. Cet élément, doté de plusieurs colliers d’arrimage, recevra le
premier module-laboratoire en 2021,
puis le second en 2022. La station
sera alors opérationnelle. Après avoir
décrit quelques résultats d’expériences en microgravité à bord des vaisseaux Shenzhou, Jiang Guoha a invité
les chercheurs de tous les pays à utiliser la station avec leurs instruments et
pour leurs travaux… Message adressé
sans aucun doute à ceux qui préconisent d’arrêter l’Iss après 2020 ! 
Théo PIRARD · ESPACE
Brèves
spatiales...
d’ici et d’ailleurs
Texte: Théo PIRARD • [email protected] • Photos: Nasa, Esa, Euro Space Center
E
uro Space Center Belgium
(Transinne-Libin): 20 ans au
service des jeunes !
Centre de loisirs éducatifs sur le thème
de l’exploration et des applications spatiales, l’Euro Space Center Belgium a été
inauguré le 19 juin 1991. Il a représenté
un investissement de plus de 12,5 millions d’euros (le demi-milliard de francs
belges). On doit cette infrastructure unique en Europe à la volonté d’un homme
du terroir: Léon Magin (1920-1991),
bourgmestre de Redu dans les années
70 puis de Libin, décédé six mois après
son ouverture.
Dès 1972, Léon Magin entend redonner vie à son village en tirant parti de
la proximité de la station Esa (Agence
spatiale européenne). Après avoir organisé des expositions temporaires - elles
connaissent un beau succès de foule sur l’Europe et la Belgique dans l’espace,
il s’entête à mettre sur pied un musée sur
l’astronautique avec, pour vedette, un
exemplaire complet du lanceur Europa
à trois étages. Cet héritage de l’Europe
spatiale a été parqué, sans grande protection, à l’orée d’un bois près de la station. Il a fallu batailler pendant quinze
ans, surtout que la commune de Redu a
entretemps été intégrée dans l’entité de
Libin. Le Feder (Fonds européen de développement régional), Idelux et la société
italienne Ciset ont manifesté un grand
intérêt à ce projet d’un musée européen
de l’espace. Un consultant américain,
qui a réalisé l’étude de marketing, met
la province de Luxembourg en contact
avec l’US Space & Rocket Center de Huntsville (Alabama). Dans les années 80,
dans cette cité, où Wernher von Braun
(1912-1977) et son équipe d’ingénieurs
ont conçu les fusées Redstone et Saturn,
a été lancé le concept du «space camp»
ou camp de l’espace pour les jeunes.
Vingt ans après sa création, l’Euro Space
Center Belgium a pris son autonomie
par rapport au partenaire américain des
débuts. Ayant comme co-propriétaires
(chacun pour 1/3) la Politique scientifique fédérale, la province de Luxembourg et Idelux, il a trouvé son régime de
croisière avec des classes de l’espace et
l’organisation de séjours pédagogiques
d’aventures spatiales, sur les ­thèmes
de l’entraînement d’astronaute, la propulsion par fusée, la découverte du ciel
(astronomie)... Un circuit «visiteurs»,
grâce à un spectacle permanent «son
& lumière», permet à chacun de faire
connaissance avec le nouveau monde
du Cosmos, de découvrir les réalisations
de l’Europe spatiale, de se familiariser
aux défis des systèmes dans l’espace…
Voisin de l’Euro Space Center, désormais
dissimulé par une muraille de panneaux
photovoltaïques, il y a l’ensemble de
bureaux et laboratoires Galaxia, alimenté en énergie solaire. Il abrite WslLux (Wallonia Space Logistics/Idelux),
l’un des six incubateurs technologiques reconnus par l’Esa comme Ebic
(Esa Business Incubation Center). Ce
site en bordure de l’autoroute E411, à
mi-chemin entre Bruxelles et Luxembourg, attire les investisseurs. Idelux, avec des partenaires financiers,
projette d’y construire un hôtel et
centre de conférences, ainsi qu’une
extension à Galaxia. 
U
n Belge, trésorier de l’Esa.
À partir de ce 1er avril, la direction des achats, opérations financières et affaires juridiques à l’Agence
spatiale européenne est confiée à Éric
Morel de Westgaver. Né en septembre 1954, il obtient une maîtrise en
sciences économiques à l’Université
catholique de Louvain en 1977. Dans
les années 80, il gère le budget de
la politique scientifique belge, puis
le programme Airbus et les affaires
spatiales. Depuis 1987 à l’Esa, il devient un fin connaisseur de la stratégie et du potentiel des industries de
­l’Europe dans l’espace.
Il était chef du dépar­tement des approvi­sionnements et
chargé des ­affaires
industrielles au
siège de l’Esa
à ­Paris. 
49
ATHENA 271 · Mai 2011
> AGENDA
À vos AGENDAS !
Plastic Planet de Werner Boote
Actuellement dans les salles
C
50
ommode et bon marché, le plastique semble être devenu incontournable dans notre vie quotidienne. tous
les secteurs de l’industrie mondiale
dépendent aujourd’hui, d’une manière
ou d’une autre, du plastique. Il est présent partout (emballages, matériaux
de construction,
électronique, vêtements...). Pourtant,
le plastique est
devenu un danger
global, tant pour
l’homme
que
pour la planète,
symbole de surconsommation
et de pollution à
grande échelle.
Werner Boote
nous
offre
une réflexion
personnelle,
sarcastique
et critique sur un
matériau à la fois controversé et fascinant qui a désormais toute sa place
dans notre vie quotidienne: le plasti-
que. Sous la forme d’un voyage autour
du monde, il nous fait découvrir son
véritable impact sur notre civilisation,
prouve, à travers de nombreux témoignages d’éminents spécialistes, que
les produits synthétiques rejettent des
produits chimiques qui passent à travers la chaîne alimentaire jusque dans
le corps humain et pose une question
qui nous concerne tous: «Pourquoi ne
changeons-nous pas nos habitudes de
consommation ?».
Complément indispensable du film,
le livre Plastic Planet est une source
d’informations essentielles pour comprendre les enjeux d’une problématique peu abordée et peu connue,
voire occultée. Avec la complicité
du journaliste scientifique Gerhard
Pretting, Werner Boote propose une
véritable réflexion sur le sujet mais
aussi des pistes pour remplacer cette
substance si nuisible pour notre patrimoine génétique.
Werner Boote et Gerhard Pretting,
Plastic Planet. La face cachée des
matières synthétiques, Actes Sud
À Bruxelles, Liège et Gand...
Plastic Planet est un documentaire qui
ne tourne pas autour du pot et montre
sans détour ce que le plastique inflige
à la Terre et ceux qu’elle porte. Bien
documenté, riche en faits bruts et en
interviews, tous les points de vue - économique, social, écologique, culturel,
médical - sont représentés, permettant
ainsi de se faire une idée précise et
complète de l’impact de cette invention
révolutionnaire.
Où ? Dans les cinémas Actor’s studio
de Bruxelles, Sphinx de Gand et Churchill de Liège
Pour qui ? Pour tous !
(Une fiche pédagogique existe pour les
enseignants)
Tarif ? Selon le cinéma
Infos ? Cinéart
Tél.: 02/245.87.00
E-mail: [email protected]
Site: http://www.cineart.be et sur les sites
Internet des cinémas:
http://actorsstudio.cinenews.be;
http://www.lesgrignoux.be
et http:// www.sphinx-cinema.be
Quelle mobilité dans les villes du 21e siècle ?
À Liège...
Le 27 mai 2011
L
e transport des biens et des personnes a pris une importance
capitale dans notre vie. Ses répercussions sur notre mode de vie, nos
emplois, notre santé et nos loisirs ne
peuvent être ignorées. Nous sommes
confrontés aux impacts sur l’environnement de l’utilisation des modes
de transport classiques, dont l’usage
intensif pourrait être freiné suite à la
diminution des réserves en énergies
fossiles. L’aménagement du territoire
et l’organisation de l’habitat sont
influencés par les choix de mobilité
que nous réalisons, sans en être toujours conscients.
Il n’existe pas de solution miracle à
ces problèmes. Toutefois des solutions technologiques sont proposées
(véhicule «propre», traction électrique), et des solutions parfois abandonnées, comme le tramway, sont à
nouveau à l’honneur.
Le colloque organisé par l’AILg (Association des Ingénieurs diplômés de
l’Université de Liège) a pour but de
faire le point sur les développements
récents en matière de transport. La
première partie du colloque présentera l’état de l’art et les perspectives
de développement de plusieurs tech-
nologies de transport qui pourraient
être mises en œuvre dans la région
liégeoise.
Où ? Château de Colonster, Allée
des Érables à 4000 Liège (SartTilman)
Tarif ? Entreprises: 200 euros;
membres AILg, enseignants et administrations publiques: 150 euros;
étudiants, retraités: 60 euros
Infos ?
Tél: 04/254.08.25
E-mail: [email protected]
Site: http://www.ailg.be
Géraldine TRAN · AGENDA
Sorti de PRESSE
I
l importe de revenir sur cet ouvrage
de Yaël Nazé, astrophysicienne FNRS
à l’Université de Liège. Récompensé
du Prix Jean Rostand 2009, il est considéré comme un travail de vulgarisation
scientifique de premier plan et peut
ainsi contribuer à attirer les jeunes vers
les sciences, objectif louable et vital s’il
en est...
Yaël Nazé insiste ici sur la nécessité
de connaître le passé astronomique
pour comprendre notre Univers. Disposer d’une base de temps plus large
que les 50 dernières années s’avère
très utile: les observations anciennes
sont parfois très méticuleuses, précises et pleines d’enseignements. Par
contre, il importe de mettre à mal certaines croyances, basées sur des études incomplètes, erronées et avides de
sensationnalisme. La prédiction de fin
du monde le 23 décembre 2012 est de
celles-là: il suffit d’étudier le calendrier
maya, très élaboré, pour s’en rendre
compte. Il faut aussi éviter d’attribuer
aux esprits anciens nos motivations
scientifiques actuelles: le site de Stonehenge (avec ses alignements circulaires
de mégalithes), par exemple, a donné
lieu à de nombreuses théories parfois
excessives.
Le ciel a de tout temps intéressé ou
même fasciné. Mais toutes les civilisations n’ont pas développé les connaissances astronomiques de la même
manière. La civilisation égyptienne,
pourtant prestigieuse, fait montre de
connaissances relativement limitées
établies dans un but éminemment
pratique: l’établissement du calendrier,
avec le jour de 24 heures et l’année de
365 jours, pour régler les activités autour
des crues du Nil.
De même, les Chinois ne tirent pas de
théorie de leurs observations méticuleuses mais une science appliquée. Les
astronomes visent, outre l’établissement
du calendrier, l’annonce aux empereurs,
et à eux seuls, des événements funestes
Christiane DE CRAECKER-DUSSART
[email protected]
ou heureux: éclipses, comètes, aurores
boréales, météores, etc.
En Mésopotamie et en Inde, par contre,
les astronomes conçoivent des théories
mathématiques abstraites, basées sur
l’observation systématique du ciel et de
longs calculs, pour décrire les phénomènes naturels et prédire des phénomènes astronomiques.
Les Grecs montrent que l’Univers est
mesurable: circonférence de la Terre,
rayon de la Lune, distance Terre-Lune et
Terre-Soleil, catalogue d’étoiles... Leurs
calculs et réflexions les amènent à bâtir
de vrais modèles mathématiques écrits,
qui aboutiront à construire un Univers
purement intellectuel.
Au cours du Moyen Âge, les progrès
scientifiques du monde arabo-musulman sont avérés, notamment sous la
pression des obligations religieuses:
établissement du début du ramadan,
des heures de la prière, de la direction
de La Mecque. Le commerce et les
voyages amènent également la nécessité de s’orienter et d’améliorer des instruments, comme l’astrolabe des Grecs.
Les Amérindiens, surtout les Mayas,
croyaient en des cycles cosmogoniques
(relatifs aux récits mythiques de la formation de l’Univers) successifs: le Soleil
était le cinquième et peut-être pas le
dernier. D’où leur obsession pour le
temps et le développement
de leurs modèles numériques
pour mieux prédire les mouvements célestes.
En conclusion, l’histoire de
­l’Astronomie ancienne a son
importance. Les observations
sont parfois systématiques, au
point de donner lieu à de véritables bases de données. En Chine, on
peut parler de pléthore d’observations précises. Chez les Arabes, elles
concernent surtout les événements
associés à la Lune, au Soleil et aux
planètes. En Europe médiévale, les moines, qui ne sont pas astronomes, mentionnent pourtant, comme les Chinois,
des événements spectaculaires.
Reste aux historiens et archéoastronomes à décrypter ces données et à
distinguer celles qui sont fiables des
mythes. Yaël Nazé rappelle que notre
vie de tous les jours contient encore
les apports fondamentaux de ces héritages: semaine de 7 jours, journée de
24 heures, année de 365 jours, chiffres
dits arabes, navigation à partir du ciel
(satellites et GPS). N’oublions pas de
souligner les très utiles et clairs rappels
d’astronomie, ainsi que le glossaire, la
bibliographie et l’index détaillés, qui
rendent ce livre passionnant, de très
grande qualité et richement illustré,
accessible au plus grand nombre. 
51
© REPORTERS
L’astronomie des Anciens de Yaël NAZÉ
Belin
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http://difst.wallonie.be/
DIRECTION GÉNÉRALE OPÉRATIONNELLE
DE L’ÉCONOMIE, DE L’EMPLOI ET DE LA RECHERCHE

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