revue des opinions1 février 2013.pub
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DDP R E V U E S D E S O P I N I O N S "Toute opinion est assez forte pour se faire épouser au prix de la vie." Montaigne VENDREDI 1 FÉVRIER 2013 MAGHREB / MOYEN ORIENT SOMMAIRE : Quelle Coalition pour israel? Le Monde diplomatique? Par Dominique Vidal Quelle Coalition pour israel? Encore une défaite cinglante pour les sondages : les résultats des élections Deux ans après le Printemps législatives du 22 janvier en Israël ne arabe, l'intégration économique ressemblent guère à leurs pronostics. Une responsabilité partagée du Maghreb est indispensable Avec 31 députés, la coalition du Likoud et du parti russophone Israël Beitenou (« Israël, notre maison ») perd 11 sièges, compensés Al Qaîda, un «produit» made par la poussée de Habayit Hayehoudi (« La in USA, selon Hillary Clinton Maison juive ») du très nationaliste Naftali Bennet (12 sièges) et la progression des partis Grande-Bretagne: l'Europe, ultra-orthodoxes (18 sièges au lieu de 16). Le version Groucho parti centriste Yesh Atid (« Il y a un avenir »), créé il y a moins d’un an par le Coup de froid présentateur de télévision Aïr Lapid., rafle Cameron à Alger : une visite, un 19 sièges, au détriment de Kadima (« En message avant », 2 sièges au lieu de 28) et de la nouvelle formation de Tzipi Livni (Hatnouah La France, d'une guerre à – « Le Mouvement » – 6 sièges). La gauche l'autre sioniste reprend quelques couleurs, avec Immigration : les non-dits du 15 sièges pour le Parti travailliste et 6 sièges pour le Me Retz. Quant aux partis arabes et discours d'Obama communistes, ils stagnent, avec 11 députés. Mali John Kerry, le nouveau diplomate de l’Amérique La Constitution, un thème sensible C’est dire combien la formation du gouvernement sera malaisée pour M. Benyamin Netannyahou, avec une seule voix de majorité. Mais une ouverture au centre, notamment avec Aïr Lapid, impliquerait de rompre avec une partie des religieux. D’autant que les principaux clivages portent sur la place de la religion dans la société israélienne, à commencer par l’extension du service militaire aux Juifs ultra orthodoxes. La question palestinienne, elle, a été quasiment absente de la campagne électorale. Face à une extrême droite prônant l’annexion de la zone C (60 % de la Cisjordanie), les rares ouvertures ont porté sur la reprise des négociations avec l’Autorité palestinienne, seuls les partis arabes et communiste ainsi que le Me Retz acceptant l’établissement d’un véritable État palestinien. Une responsabilité partagée Al Ahram L’irruption de la violence meurtrière lors du deuxième anniversaire du soulèvement du 25 janvier démontre, une fois de plus, les graves difficultés que traverse la chaotique transition démocratique en Égypte. Elle souligne clairement que les vertus du dialogue, de la négociation, du compromis et de la décision collective sont encore loin de faire leur chemin dans la vie politique post-révolution, qui sera sans doute marquée, et pendant une bonne période, par des flambées de violence et par une polarisation politique entre les principaux acteurs. Ce qui rend presque impossible toute entente sur le minimum nécessaire de principes permettant d’aller de l’avant et l’enracinement de la démocratie. La responsabilité de la violence incombe aux deux principaux protagonistes de la vie politique : l’opposition et le pouvoir. La première n’arrive ni à contrôler ses troupes, AVERTISSEMENT : LES OPINIONS EXPRIMEES N’ENGAGENT EN AUCUN C A S ni à condamner fermement tout acte de violence, satisfaite de voir le pouvoir mis sur la défensive pour son incapacité à prévenir les violences et à protéger les citoyens et les biens publics. De son côté, le pouvoir se trouve incapable et/ou ne désire pas faire les concessions nécessaires permettant un rapprochement avec l’opposition. Des concessions pourtant indispensables et qui se justifient par la période exceptionnelle que traverse le pays et qui nécessite de part et d’autre un sens aigu de la responsabilité permettant de traverser au moindre coût la période transitoire. Nul doute que l’Égypte court un vrai danger en cas de poursuite de ce même état d’esprit qui prévaut aussi bien chez le pouvoir que chez l’opposition et qui se focalise sur les intérêts politiciens étroits de chaque camp, au détriment de ceux du pays à long terme . LA DIRECTION. ELLES REFLETENT LA POSITION DE LEURS AUTEURS. Deux ans après le Printemps arabe, l'intégration économique du Maghreb est indispensable Page 2 Le Monde , Par Nizar Babaka De nombreux pays arabes connaissent depuis deux ans une vague de bouleversements profonds initiés par le " printemps Arabe " dont les effets perdurent et dont il est prématuré de dresser un bilan politique . Néanmoins, l'élan démocratique que connaît le Sud de la Méditerranée combiné aux urgences dictées par la conjoncture fait qu'il est pertinent de s’interroger sur la réponse à apporter aux défis économiques que doit relever la région dans son ensemble. Au premier chef, la stabilité s'impose à tous comme l'élément central, un préalable indispensable pour l'ensemble des acteurs économiques d’Afrique du Nord et leurs partenaires internationaux. Ainsi, il est clair que les pays de la région doivent se mettre en situation d ‘assurer une stabilité pérenne afin de mobiliser les investissements étrangers et les financements internationaux nécessaires à la relance de leurs machines économiques et au rétablissement de leurs équilibres fondamentaux. Ceci est d'autant plus crucial que les pays ne sont pas tant appréciés de manière statique - selon une photographie du moment - mais bien selon la dynamique qu'ils présentent, tant au niveau politique que financier. L'enjeu pour la région est en réalité de générer de la croissance, de lutter contre le chômage, notamment celui des jeunes, et de répondre aux fortes attentes sociales afin de produire une dynamique de confiance permettant aux différents pays de s’engager à nouveau sur les chemins de l'émergence, qu'ils ambitionnaient d’emprunter avant même le déclenchement de la crise financière internationale de 2007.Cette crise a contribué à dégrader sensiblement les comptes publics de plusieurs pays de la Région et à mettre sous tension les instruments de pilotage de l'économie qui sont à la disposition des pouvoirs publics. L'installation de la crise dans la durée, notamment en Europe , pèse aujourd'hui de manière " mécanique " sur la dynamique de relance économique dans les pays du Maghreb, faisant apparaître l'impérieuse nécessité d’imaginer des moyens complémentaires de renouer avec une croissance soutenue. CROISSANCE ENDOGÈNE Parmi ceux ci, le premier d'entre eux est sans conteste le potentiel de croissance endogène d'une Région mieux intégrée, dans lequel il conviendrait de puiser au plus vite tant il paraît substantiel. Le choix de l'intégration économique – qui nécessite une décision politique pourrait ainsi se matérialiser autour d'un " pacte de croissance transmaghrébin " qui transcenderait aussi bien les agendas particuliers que les rivalités de voisinage, au nom d'une ambition commune et d'un projet fédérateur : une prospérité partagée par tous et l'instauration d'une société de confiance au Sud de la Méditerranée. Selon les estimations les plus pessimistes, la complémentarité des économies du Maroc , de l’Algérie, de la Mauritanie , de la Tunisie , de la Libye mais également de l’Egypte pourrait en effet générer près de deux points de PIB supplémentaires par an et par pays, permettant ainsi à chacun de mieux répondre aux aspirations des populations. Les bénéfices de cette " union sacrée économique ", dictée par les exigences du contexte actuel, seraient en effet déterminants pour conforter les différents processus de transition des pays du Maghreb et garantir davantage de sérénité à leur ancrage démocratique. Le modèle économique alternatif ainsi mis en œuvre - plus intégré et par conséquent plus performant - qui résulterait de cette exigence forte de solidarité régionale, consoliderait ainsi cette nécessaire stabilité. Par extension et selon un effet ricochet immédiat, ce modèle permettrait de poser les jalons d'une zone de prospérité partagée pour l'ensemble de la Région euro méditerranéenne. Les atouts compétitifs des pays du Maghreb, leur intégration économique ainsi que la dynamique nouvelle de co-localisation d'ailleurs soutenue par Paris, seraient autant de leviers permettant d’attendre une meilleure compétitivité globale en zone Euromed. Une initiative commune euro méditerranéenne, porteuse d'espoir pour les deux rives de la Méditerranée, et allant dans le sens de cet intérêt partagé, n'en devient ainsi que plus pressante. Plus intégrée, la Région pourrait également faire face aux défis sécuritaires et géostratégiques de son environnement et notamment à la crise malienne qui entre aujourd'hui dans une phase cruciale. En effet, un Maghreb plus prospère et mieux intégré impacterait conséquemment la création de richesses dans les pays subsahariens et en favoriserait donc la stabilité. A cet égard, et partant de sa proximité civilisationnelle et de ses liens historiques avec le Sahel, le Maroc est à même d’apporter sa contribution à l'établissement d'un climat de stabilité dans la région. Fort de ses institutions et de ses acquis démocratiques, déclinés dans sa nouvelle Loi Fondamentale, jouissant de sa stabilité, bénéficiant de la confiance de ses partenaires économiques internationaux et engagé dans un processus de réformes économiques et sociales profondes, le Maroc est à même de participer de façon active à une intégration économique réelle du Maghreb et à faciliter une articulation harmonieuse entre le Moyen-Orient et l'Afrique sub-saharienne, réconciliant la capacité d'investissement des pays du Golfe avec le potentiel de croissance du sud, selon un schéma triangulaire. Une partie de l’avenir du monde se jouera sur cette capacité de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient à endosser ce rôle. REVUES DES OPINIONS AFRIQUE Mali Les Echos La crise ouverte au Mali et la prise d'otages en Algérie nous apportent d'Afrique quelques enseignements sur notre monde comme il va. Ils sont des confirmations. La plus manifeste est naturellement sa stupéfiante fragilité au terrorisme « islamiste » (quel que soit son nom). Les Etats d'Afrique de l'Ouest se révèlent pour la plupart incapables d'y répondre par une capacité politique et militaire crédible. Et la « Communauté internationale » se contente une fois de plus de déclarations de soutien et d'aides ou symboliques, à une France maintenant engagée sur le terrain, décidément enchaînée à son passé africain. Les tribunes certes l'encouragent, mais c'est elle qui affronte le taureau dans l'arène. Face à cette impuissance des puissants, la puissance des débiles impressionne. Leur indigence politique, leur ignorance, leur obscurantisme seraient autant de faiblesses s'ils jouaient dans notre cour. Mais leur atout est que, contrairement à nous, ils ne prétendent aller nulle part et n'ont rien à défendre, y compris leur propre vie. L'Afrique le confirme, après l'Afghanistan : ce nouveau nihilisme barbare tire son efficacité des armes perfectionnées que nous lui vendons, dégât collatéral de l'économie de marché. Il reste heureusement aux Occidentaux, notamment aux Américains, la ressource de pouvoir observer dans le moindre détail, grâce à leurs moyens sophistiqués d'observation, les crimes commis aux détours des chemins. Communication aidant, nous nous piégeons nous-mêmes à cette société de spectateurs que nous avons créée. Tels que nous voilà embarqués, nous peinons à l'évidence à trouver la bonne réplique. Experts en nuances, certains pays reprochent à la France d'être intervenue « précipitamment » au Mali, et aujourd'hui à l'Algérie d'avoir réprimé dans le sang la prise d'otages d'In Amenas. Mais ce pays est encore marqué par sa guerre civile de 1990-2000, avec ses 100.000 morts et plus. D'où la brutalité de sa réponse en forme de règlement de comptes, peut- être l'« ultima ratio » face à ces actes barbares… On allait oublier l'Europe, menacée au premier rang. Mais quelle Europe ? L'Afrique nous confirme qu'on peut l'oublier, en effet. Al Qaîda, un «produit» made in USA, selon Hillary Clinton The new york times Étonnante et même détonante cette révélation faite vendredi dernier par la désormais ex-secrétaire d’État américaine aux Affaires étrangères, Hillary Clinton, devant le Congrès. ce que nous allons le récolter.» Clinton poursuit l’histoire jusque-là secrète de la liaison dangereuse des USA avec «l’embryon» d’Al Qaîda, en précisant : «Nous avons dit aux militaires pakistanais, débrouillez-vous avec les missiles (sol-air) Stringer qu’on a laissés un peu partout dans votre pays et les mines disséminées tout au long de la frontière. Nous avons donc arrêté de traiter avec l’armée pakistanaise En effet, accablée de critiques sur la faillite sécuritaire qui et l’ISI. avait provoqué la mort de l’ambassadeur américain à Benghazi, Mme Clinton a d’abord accusé le coup avant de Et nous devons maintenant compenser tout ce temps perdu», lâcher sa «bombe». «Souvenons-nous que les gens contre conclut Hillary Clinton dans ce qui a l’air d’être son baroud qui nous nous battons aujourd’hui, nous les avons créés il y d’honneur face à un Congrès qui lui cherchait noise. Tout a 20 ans.» Et d’ajouter : «nous l’avons fait pour faire face compte fait, et au-delà de cette explication américanoaux Soviétiques qui avaient envahi l’Afghanistan de peur américaine, on retiendra de ce rare moment de vérité au qu’ils ne dominent l’Asie centrale.» Mme Clinton précisera Congrès que les histoires pas très croyables qui circulent aussi que le président Reagan, en accord avec le Congrès sont parfois d’une véracité cinglante. Si tout le monde dominé par les démocrates, avait même ordonné qu’on doutait un peu des origines d’Al Qaîda, on sait désormais «importe» des «extrémistes d’Arabie Saoudite et leur qu’elle est un enfant légitime de la CIA et donc un pur mouvement wahhabite». produit «made in USA». Elle a souligné également que les États-unis ont chargé les C’est bon à savoir et cela vaut beaucoup mieux de services secrets du Pakistan de recruter des moudjahidine l’entendre de la bouche d’un responsable américain. qui luttaient contre le gouvernement communiste de Najibullah à Kaboul. Et la secrétaire d’État de dire la vérité toute crue : «A l’époque, on disait que ce n’était pas un mauvais investissement puisqu’on en avait fini avec l’Union soviétique. Mais soyons prudents avec ce qu’on a semé par REVUES DES OPINIONS Page 4 EUROPE Grande-Bretagne: l'Europe, version Groucho L’Express , Par Jacques Attali En demandant à renégocier le traité de l’UE , avant de soumettre par référendum à ses concitoyens la décision d'y rester ou de la quitter, le Premier ministre britannique, David Cameron , applique la célèbre maxime de Groucho Marx: "Je ne serai jamais membre d'un club qui m'accepterait comme membre." Aussi surréaliste qu'elle soit, cette demande est d'abord une manoeuvre de politique intérieure: la droite anglaise est au bord de l'implosion, le Parti conservateur étant désormais composé de deux courants, fort hostiles l'un à l'autre. Le premier est proeuropéen (Cameron en fait partie), le second est nationaliste (à l'image du Tea Party aux États-unis). Et c'est pour tenter de maintenir une unité de façade entre ces deux factions, et réduire son impopularité personnelle, que Cameron a fait cette proposition. Il espère ainsi fournir un exutoire à tous ceux qui, en Grande-Bretagne, considèrent l'Union européenne comme une sorte de dictature bureaucratique, à la réglementation tatillonne et envahissante. En apparence, cette offre est habile: personne ne peut être contre un référendum, et les travaillistes seront obligés de s'y rallier, pour ne pas paraître se défier des électeurs. Cameron applique la doctrine qui réussit si bien aux Anglais depuis le xviiie siècle : diviser les autres Européens. Et il espère obtenir d'eux une ou deux concessions qui lui permettront de remporter les prochaines élections législatives et le référendum qui les suivra. suivront - en France même, il y en aura. Ce serait la fin de l'Union européenne, qui ne peut être une collection d'accords bilatéraux sur mesure, sans solidarité. La France et l'Allemagne doivent donc répondre au plus vite, d'une même voix. Renégocier les traités, pour faire progresser l'Union, évidemment: on le fait tous les jours et ce sera de toute façon nécessaire pour accomplir l'union monétaire. Mais accorder un statut spécial à la Grande-Bretagne ou à tout autre pays, pas question. Quiconque voudrait obtenir un traitement particulier devra d'abord sortir de l'Union, puis négocier un statut d'association. Cela doit être dit clairement et constituer une ligne infranchissable. Pour imposer cette ligne, la France doit savoir et faire savoir que la sortie de l'UE de la Grande-Bretagne serait fort triste (au regard du rôle de ce pays dans l'histoire de l'Europe, et en particulier dans la victoire contre les forces totalitaires, qui donna naissance au projet européen), mais qu'un tel départ serait beaucoup moins tragique que le maintien dans l'Union, avec un statut spécifique l'exonérant de tout contrôle, d'un pays qui devient chaque jour davantage le principal lieu de blanchiment de l'argent du monde entier, et qui s'obstine à freiner tout progrès dans la construction de l'Union, et même de la zone euro, dont elle ne fait pourtant pas partie. Seule une telle fermeté fera comprendre aux Anglais qu'en quittant l'UE ils ont plus à perdre que leurs partenaires : l'essentiel de leurs échanges commerciaux et financiers se font avec le continent et grâce à l'Union. Alors, En réalité, cette proposition est fort dangereuse: d'autres en dignes héritiers de la "nation de boutiquiers", selon la pays pourraient s'engouffrer dans la brèche et demander, eux formule que George Bernard Shaw prêta à Napoléon, les aussi, des statuts spéciaux. D'ores et déjà, des partis Anglais feront leurs calculs, et ils resteront. politiques, en Suède et en Italie, semblent tentés; d'autres Coup de froid Libération, Par ERIC DECOUTY Ils étaient en train de retrouver des couleurs. Salué pour son volontarisme militaire au Mali, François Hollande a gagné en quelques jours une stature présidentielle que six mois de pouvoir avaient à peine esquissée. Au même moment, son Premier ministre a trouvé dans le débat sur le mariage pour tous l’occasion d’afficher une posture de gauche soutenue par une majorité ravie d’en découdre enfin avec une droite caricaturale ou pathétique. Et la victoire annoncée de l’armée française au Mali avant le succès assuré de Christiane Taubira à l’Assemblée devaient souligner la soudaine embellie hivernale pour le couple exécutif. Seulement voilà, le coup de froid lancé par Goodyear a rappelé que la crise sociale demeurait la première réalité politique du pays. Il a surtout renvoyé le Président à ses engagements de campagne et à cette promesse que l’État pouvait agir sur le réel. Car à Amiens, comme à Florange, chez Peugeot, Renault ou ailleurs, c’est ce volontarisme qui est attendu mais que ne perçoivent pas les salariés menacés. Si l’État ne peut pas tout, partout, il y a pour le gouvernement une urgence politique à donner une traduction concrète aux promesses sociales du candidat Hollande. La loi sur les licenciements boursiers, évoquée sur le parking de l’usine d’Amiens en octobre 2011, doit revenir en débat, comme les autres solutions avancées avant les élections. REVUES DES OPINIONS Page 5 EUROPE Cameron à Alger : une visite, un message Quotidien d’Oran, Par Moncef Wafi la visite à Alger de David Cameron, la première du genre pour le Premier ministre britannique, intervient, pour le moins que l'on puisse dire, dans une conjoncture assez particulière. Si elle n'était pas programmée depuis longtemps, on aurait pu aisément faire le lien avec l'attaque terroriste du complexe gazier d'In Amenas géré par Sonatrach en partenariat avec British Petroleum et Statoil. Mais difficile d'y échapper et surtout de l'éluder dans la mesure où aux lendemains de l'assaut des forces spéciales algériennes pour libérer les otages, Londres s'est fendue d'un maladroit communiqué reprochant au gouvernement algérien de ne pas l'avoir informé de la suite des opérations. Si par la suite, et à l'image des autres capitales occidentales, Londres s'est rendue à l'évidence après analyse de la situation, le mal est là puissions-nous dire puisque pour Alger, et au plus fort de la crise des otages, les vieux réflexes européens ont ressurgi comme au plus fort de la guerre contre le terrorisme. réaffirmer le soutien de la GrandeBretagne à l'Algérie et le volet sécuritaire et la coopération dans le domaine de la lutte antiterroriste seront au centre des intérêts communs entre les deux capitales. Mais ce qui reste comme une certitude c'est que les compagnies britanniques continueront à activer en Algérie, mais en proposant l'aide du Royaume-Uni dans la sécurisation des sites pétroliers où BP est présente. Une demande déjà clairement refusée par Alger aux lendemains de l'assaut contre le commando islamiste, le ministre de l'Energie et des Mines déclarant que pour l'Algérie « il n'est pas question d'accepter des forces de sécurité extérieures » pour sécuriser les installations pétrolières et gazières dans le sud du pays. Hormis cette donne, les analystes sont tous d'accord pour confirmer l'excellence des relations politiques et économiques bilatérales. Les chiffres sont là pour le souligner puisque la coopération algéro-britannique a Ainsi, et au-delà des discours de circonstance et des enregistré une avancée substantielle en 2012, dans apparences toutes diplomatiques, l'Algérie, pour le reste du l'ensemble des domaines, franchissant un palier supplémenmonde en hibernation économique, est un fabuleux marché taire par rapport aux années précédentes. ouvert. David Cameron, tout comme François Hollande, ne veut pas que des interférences extérieures viennent gâter les bonnes relations, surtout économiques, qui unissent les deux pays. Le Premier ministre british devra certainement La France, d'une guerre à l'autre La Tribune , Par Philippe Mabille L'intervention de la France au Mali, décidée dans l'urgence par François Hollande le 11 janvier, et le carnage de la prise d'otage qui a suivi dans le complexe gazier d'In Amenas, dans le Sahara algérien, ont brutalement révélé au monde stupéfait que les risques géopolitiques sont en train de s'étendre à l'Afrique. Mali s'est de facto mondialisé. Le problème n'est plus seulement le rétablissement de l'intégrité d'un petit pays sans grand enjeu stratégique et dont, à part la France, l'Europe se désintéresse. Ce qui est en jeu avec le Mali va bien au-delà de la stabilité d'une région déshéritée, le Sahel. C'est la paix, dans un continent qui va connaître dans les quarante prochaines années la plus forte poussée démographique (2 milliards d'habitants au sud du Sahara en 2050) et dont l'entrée dans la mondialisation risque d'être bloquée ou retardée par la multiplication de conflits locaux ou régionaux menés par des groupes mafieux s'abritant derrière Avec 37 civils étrangers tués, de huit nationalités le paravent de l'islamisme. La France, pour l'instant encore différentes, la répression sanglante par l'armée algérienne de bien seule, doit se préparer à un long conflit, dont les cette prise d'otages est la pire catastrophe de ce type jamais conséquences à long terme restent difficiles à anticiper. connue en temps de paix par des entreprises privées (BP et Statoil, en joint-venture avec le groupe algérien Sonatrach). On ne peut exclure qu'en faisant monter le risque algérien, notre principal fournisseur en gaz, cette nouvelle guerre Même si on peut comprendre les raisons qui ont conduit le contre le terrorisme ne conduise François Hollande à changouvernement algérien à une riposte aussi violente, cela ger de position sur l'exploitation des gaz et pétrole de aura forcément des conséquences radicales sur les projets schiste situés dans notre sous-sol. La guerre à l'extérieur de d'investissement des entreprises qui ne peuvent pas laisser nos frontières, mais aussi la guerre, économique et sociale, à leurs ingénieurs se faire enlever ou tuer sans réagir, même l'intérieur. s'il s'agit d'une région stratégique pour ses ressources en énergie. Avec la tragédie d'In Amenas, le conflit du Nord Page 6 REVUES DES OPINIONS AMERIQUES Immigration : les non-dits du discours d'Obama NPR, Par Corey Dade Le discours tant attendu que le président Obama a prononcé le 29 janvier sur ses projets de réforme de l'immigration est peut-être plus remarquable par ses non-dits que par son contenu lui-même. Au lieu de s'aventurer sur un terrain délicat et de mettre en péril l'entente entre les deux partis qui règne au Sénat sur la question, le président a adopté le ton optimiste, populiste, de celui qui fixe le cadre. "La bonne nouvelle, c'est que, pour la première fois depuis de nombreuses années, républicains et démocrates semblent prêts à s'attaquer au problème ensemble, a-t-il déclaré. La question est : est-ce que nous avons la détermination en tant que peuple, en tant que pays, en tant que gouvernement de régler enfin cette question ? Je pense que oui." Barack Obama a appelé clairement à naturaliser les plus de 11 millions d'immigrés en situation irrégulière qui vivent aux États-unis. Cette question devrait être l'une des plus problématiques lors de la bataille qui s'annonce au Congrès. Le président a approuvé les propositions faites le 28 janvier par un groupe de sénateurs démocrates et républicains, parmi lesquelles la possibilité de naturaliser les personnes vivant dans le pays en situation irrégulière. Comme eux, il a également appelé à un renforcement de la sécurité des frontières, à la vérification obligatoire du statut des salariés vis-à-vis de l'immigration et à "faire entrer notre système d'immigration régulière dans le XXIe siècle" en adoptant des processus plus rationnels pour gérer le flux de nouveaux venus. Obama a cependant prévenu les législateurs qu'il présenterait son propre projet et insisterait pour qu'ils se prononcent à son sujet immédiatement si les négociations sur une loi au Congrès se trouvaient bloquées par des considérations partisanes. Des questions laissées de côté Avant ce discours, Marco Rubio, sénateur républicain de Floride et membre du groupe bipartisan, a pris la parole au Sénat et a pressé le président de ne pas aller au-delà du soutien aux principes définis par le groupe de sénateurs. Pour Rubio, qui est fils d'immigrés cubains, le groupe a "du bon sens partagé et un ensemble raisonnable de principes". L'une des questions qu'Obama a évitée, c'est la proposition du groupe stipulant que les immigrés clandestins ne pourraient pas demander la carte verte [permis de travail temporaire] tant que la sécurité des frontières ne serait pas assurée. Cette proposition a les faveurs des républicains du Congrès, mais inquiète beaucoup les associations de défense des immigrés. Obama ne prévoit pas de lier l'éligibilité à la carte verte à la sécurité des frontières, ce que Rubio a dénoncé par la suite dans une déclaration en réaction au discours du président. Patrick Leahy, sénateur démocrate du Vermont et président de la commission des Affaires juridiques, a qualifié dans une déclaration le discours d'Obama de "courageux". Il a fixé le début des débats sur l'immigration au 13 février. John Kerry, le nouveau diplomate de l’Amérique Malgré ses talents politiques, l'ancienne secrétaire d'État d'Obama, Hillary Clinton, n'a pas donné naissance à une doctrine. Kerry peut être un grand secrétaire d’État – si Obama ne l’en empêche pas. Président du comité des Affaires étrangères du Sénat, il s’est rendu un nombre incalculable de fois au Moyen-Orient, en Europe, en Asie dans toutes les régions en crise du monde— il connaît les personnalités qui comptent et le terrain politique aussi bien que quiconque aurait pu prétendre à ce poste, et mieux même que la plupart (dont Susan Rice à mon avis). Comme l’a dit Obama lorsqu’il a annoncé sa nomination:«Il ne va pas avoir besoin d’une formation intensive pour le poste.»On peut donc parier que Kerry obéira avec professionnalisme aux ordres d’Obama, quels qu’ils soient. La question est de savoir s’il décidera au moins d’une partie de ce programme lui-même, que ce soit dans le cadre des sujets qu’il traitera ou dans les politiques qu’il privilégiera –c’est-à-dire de savoir si le talent qu’il a montré et la confiance qu’il a gagnée lui vaudront la liberté de jouer un rôle de leadership dans la politique étrangère américaine. Kerry semble à la hauteur de la tâche. La réponse est entre les mains d’Obama. Kerry, fils de diplomate qui a passé la plus grande partie de sa jeunesse à l’étranger, a déjà fait pendant sa carrière au Sénat ce qu’il est d’usage de faire lorsque l’on est diplomate. Sous la présidence de Bill Clinton, il a passé de longues heures à rétablir les relations avec le Vietnam et s’est rendu plus d’une dizaine de fois sur son ancien champ de bataille, en collaboration avec le sénateur républicain John McCain, autre vétéran de cette guerre dont le point de vue était totalement différent (Kerry a dirigé une grande organisation contre la guerre après avoir quitté la Marine; McCain a croupi cinq ans dans une prison nord-vietnamienne. C’est Kerry qui a tendu la main à McCain; et ils sont restés bons amis à ce jour). Il a aussi contribué à la mise en place d’un tribunal sur le génocide au Cambodge et dirigé les initiatives d’aide au nouveau régime démocratique des Philippines après l’éviction de Marcos. REVUES DES OPINIONS Page 6 ASIE La Constitution, un thème sensible Courrier internationale, par He Sanwei "L'existence et l'autorité de la Constitution dépendent de sa bonne application." Le 4 décembre, Xi Jinping [alors tout nouveau secrétaire général du Parti communiste chinois] a prononcé un discours à l'occasion du trentième anniversaire de l'entrée en vigueur de la présente Constitution. L'agence officielle Xinhua en a extrait la phrase ci-dessus pour en faire un titre. Je pense qu'il s'agit bien de la question de fond. En apparence, cette phrase est d'une grande banalité, mais, si l'on observe la réalité, on en comprend mieux le sens profond. A bien y réfléchir, ce titre n'aurait pas de raison d'être si la Constitution veillait en permanence sur le pays et la population, et si son autorité n'était jamais remise en cause. Dans son discours, Xi Jinping a certes "pleinement reconnu les acquis" de la Constitution, mais il a dénoncé certaines "insuffisances" en la matière. "Le système de contrôle et les institutions garantissant la bonne application de la Constitution sont encore imparfaits : il arrive encore qu'en certaines régions et dans certains services, on n'ait pas recours aux lois existantes, que celles-ci ne soient pas appliquées correctement et que ceux qui les violent ne soient pas poursuivis. L'application des lois protégeant les droits des individus pose toujours problème." Dans le monde actuel, tout pays civilisé place la Constitution au-dessus de tout. La Constitution chinoise indique que la Chine populaire ne fait pas exception sur ce point. Dans son discours, Xi Jinping a clairement insisté sur la primauté de la Constitution et sur l'absence de tout autre principe supérieur à elle. Par conséquent, dès aujourd'hui, tout acte juridique ou administratif jugé anticonstitutionnel devrait être immédiatement invalidé. Pourtant, dans notre pays, où "certains citoyens, dont des cadres dirigeants, auraient besoin de mieux prendre conscience de l'importance de la Constitution", on n'a jamais entendu dire que quiconque ait été poursuivi pour avoir violé la Constitution ! Qu'est-ce que cela prouve, si ce n'est que l'existence et l'autorité de ce texte n'ont pas été respectées, et qu'il n'est pas suffisamment appliqué ? En même temps, la Constitution chinoise affirme la position dirigeante du Parti communiste chinois. Comment garantir ce principe constitutionnel ? Le secrétaire général Xi Jinping a précisé que "tout en gardant la maîtrise de l'ensemble de la situation" le Parti doit parvenir à exceller dans trois domaines : il lui faut "faire en sorte que les préconisations du Parti deviennent politique nationale en passant par les processus légaux ; faire élire les candidats proposés par le Parti à la tête des organes gouvernementaux ; enfin, par l'intermédiaire des organes du pouvoir appliquant les principes directeurs du Parti, encourager les différentes instances exécutives, administratives et judiciaires à assumer leurs responsabilités en toute indépendance dans le respect de la Constitution et des lois, et à mener leur action de façon concertée". la Constitution assure que la liberté individuelle des citoyens est inviolable et qu'aucun citoyen ne peut être mis en état d'arrestation sans l'approbation d'un parquet ou d'une cour de justice, mais, en réalité, la procédure d'envoi en camp de rééducation par le travail reste aux mains des services de la Sécurité publique [la fin de ce système de détention administrative très décrié a été annoncée pour 2013]; la Constitution dispose que les citoyens bénéficient de la liberté de parole, de presse, de réunion, d'association, de défilé et de manifestation, mais, cette semaine, plusieurs parents d'élèves et leurs enfants qui revendiquaient pacifiquement l'égalité en matière d'accès à l'université dans toutes les régions ont été placés en détention par la police... Tout citoyen place naturellement de grands espoirs dans le caractère sacré de la Constitution et dans l'impartialité de la justice. Le problème est que les instances exécutives et judiciaires locales, qui détiennent les rênes du pouvoir, ne subissent pas la contrainte de la Constitution et des lois. Selon la Constitution, les organes administratifs et judiciaires sont issus des assemblées populaires, ils sont responsables devant elles et subissent leur contrôle. Mais, dans les faits, les relations qu'entretiennent les assemblées avec ces institutions sont souvent inversées, et il est donc logique que ces dernières ne respectent pas les lois. Aussi, ce n'est qu'en rectifiant cet ordre des choses que l'on pourra permettre à la Constitution et aux lois de retrouver leur prestige et leur dignité.