IRD - Pharmacopées traditionnelles en Guyane
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9-Pharma. (213-302) 3/02/05 16:30 Page 263 famille Bur seraceae Les espèces de cette famille se caractérisent par leur sève résineuse et balsamique. Ce caractère a été remarqué par les Amérindiens puis par les populations néo-coloniales. Les noms vulgaires employés par les Créoles anglais ou français (incense wood, bois-encens, baume cochon) sont de ce point de vue très clairs. La distinction entre les espèces est en revanche plus délicate, sans doute en raison de la relative similitude des gommes utilisées. Le problème est compliqué par la circulation et l’utilisation, dans des langues amérindiennes pourtant de familles linguistiques différentes, d’un nombre de termes de base très limité. En l’absence d’herbier, il est donc souvent risqué de vouloir appliquer ces noms à des espèces précises… En présence d’herbiers abondants, en revanche, comme c’est le cas chez les Palikur et les Wayãpi, on constate malgré tout un certain flottement dans l’attribution des noms. En tenant compte de ces difficultés à dégager une image ethnobotanique claire de cette famille, il est tout de même possible d’exposer quelques éléments relativement constants la concernant, ainsi que de présenter les principales espèces. Les Burséracées sécrètent par les blessures de l’écorce une gomme résine plus ou moins épaisse et plus ou moins parfumée. À l’air, cette résine jaune-orangé se transforme en une matière grise ou blanche, légère, poreuse, friable, qui représente l’encens proprement dit. Ces produits ont, aussi loin que nous possédons des témoignages, trois grandes utilisations : • La résine fraîche est employée comme remède externe et interne utilisé, entre autres, comme cicatrisant. Cet usage est connu des Créoles, des Palikur et des Kali’na. • La résine, et plus rarement l’encens, souvent associés à des colorants sont utilisés comme parfum ou comme produit de maquillage. Ce dernier est une sorte de laque odoriférante obtenue en malaxant la résine avec un colorant (fréquemment le roucou) associé à une graisse dissolvante (Carapa guianensis, Méliacées par exemple). • L’encens est un combustible utilisé soit sous forme de flambeau, soit pour allumer le feu, soit comme insectifuge (fumée). Les pharmacopées créoles, wayãpi, palikur 263 9-Pharma. (213-302) 3/02/05 16:30 Page 264 En dehors des espèces présentées infra, nous pouvons citer parmi les espèces les plus connues de Guyane pour ces différents usages : • Protium aracouchini (Aubl.) Marchand, encens tite feuille [bwalansan-ti-féy] (créole) ; • Protium heptaphyllum (Aubl.) Marchand (De Granville 4437 ; Grenand 1372 ; Oldeman 1884), bois l’encens [bwa-lansan] (créole) ; sipˆ (wayãpi) ; si:po (kali’na) ; haiawa (arawak) ; • Trattinickia rhoifolia Willd. (Grenand 1562, 3144) ; ayawa (wayãpi) ; aya:wa (kali’na) ; ayau (palikur). Les tests chimiques effectués sur quelques-unes des espèces collectées n’ont rien révélé de particulier. C’est une famille à oléorésine constituée par des huiles terpéniques volatiles et des alcools et acides triterpéniques. Après incision de l’écorce, les terpènes volatils s’évaporent, la proportion des sesquiterpènes devenant alors prépondérante dans la résine. Les analyses publiées reflètent une grande diversité de composition des encens, en fonction de l’origine botanique et géographique. Protium heptaphyllum É cor ce avec résine abondante (encens) se solidifiant Pharmacopées 264 traditionnelles en Guyane 9-Pharma. (213-302) 3/02/05 16:30 Page 265 Protium heptaphyllum Fr uits d’un bois l’encens Les pharmacopées créoles, wayãpi, palikur 265 9-Pharma. (213-302) 3/02/05 16:30 Page 266 D acr yodes nitens Cuatr ec . Burseraceae Noms ver ver naculaires naculaires Créole : — Wayãpi : ayawa sili. Palikur : sedri puvemna, sedri seine. Écolog ie, mor pholog ie Arbre peu commun de la forêt primaire. Collections de référence référence Grenand 1067 ; Prévost et Grenand 4308. Dacryodes nitens Fruits Fruits d’un bois l’encens Emplois Pour les Palikur, la sève qui s’écoule de l’écorce entaillée est un fortifiant ou un coupe-faim lorsque l’on est privé de nourriture (en cas de perte en forêt par exemple). Étymolog ie Palikur : sedri, du créole cèdre, désignant Cedrela odorata L. (Méliacées) et puvemna, « à petite feuille » ou seine, « blanc » (couleur du tronc). P r otium gallicum Daly Burseraceae Noms ver ver naculaires naculaires Créole : bois l’encens [bwa-lansan] (terme générique). Wayãpi : walakuseli, tuliˆ. Palikur : araksim. Collections de référence référence Grenand 2130 ; Lescure 734, 739. • lorsqu’un chasseur revenait de forêt, il utilisait l’encens de la même manière pour que les esprits se détachent de lui ; • après un enterrement, on brûlait l’encens devant les cases du village et l’on s’en parfumait pour éviter que l’esprit du mort ne vous suive ; ces pratiques étaient accompagnées d’un interdit de consommation sur le piment2. Emplois Chez les Palikur, cet encens était utilisé pour chasser les esprits : • lorsqu’une personne avait un étourdissement, on lui répandait dans la chevelure de l’encens pilé ; 1. Cette espèce récemment décrite par DALY (New York Botanical Garden) est présente dans les forêts côtières mais semble rare dans l’intérieur. Elle est très proche de Protium aracouchini (Aubl.) Marchand. Écolog ie, mor pholog ie Arbre moyen au feuillage fin croissant en forêt primaire1. 266 Pharmacopées traditionnelles en Guyane Notes compara tives tives 9-Pharma. (213-302) 3/02/05 16:30 Page 267 2. L’usage ancien de la résine de Protium aracouchini (créole, encens tite feuille, kali’na, ala:kuse:li), associée ou non à l’huile de carapa comme vulnéraire, n’a pas été retrouvé lors de nos enquêtes. Chez les Kali’na, la même résine était utilisée comme laxatif (AHLBRINCK, (1956 [1931]). Récemment VAN ANDEL (2000) a observé, chez les Amérindiens du nord-ouest de la Guyana, l’usage de l’écorce réduite en poudre de Protium decandrum (Aubl.) March., pour soigner les plaies, les coupures et les brûlures. T etragastris altissima (Aubl.)Swar t Burseraceae Synonymies Synonymies Icica altissima Aubl. ; Tetragastris phanerocephala Sandw. Noms ver ver naculaires naculaires Créole : encens rose [lansan-roz], bois yaya [bwa-yaya] (St-Georges). Wayãpi : yaya’ˆ. Palikur : ayay. Portugais : breu-manga. Écolog ie, mor pholog ie Grand arbre de la forêt primaire et des vieilles forêts secondaires. Collections de référence référence Berton 100 ; Grenand 441, 1801 ; Lescure, 427 ; Prévost et Sabatier 2754. Emplois Chez les Palikur, la décoction de l’écorce utilisée en bain soigne l’érysipèle en traitement de longue durée1. Selon BERTON (1997), la décoction bue de la même écorce associée à celle de Parkia pendula (Mimosacées) est un contraceptif à raison de deux cuillerées chaque matin. Elle est aussi considérée comme abortive en doses plus fortes. Note compara tive tive 1. L’écorce râpée de cette espèce est utilisée par les Surui de Rondônia en application locale pour soulager les démangeaisons (COIMBRA Jr., 1985). T rattinnickia r hoifolia W illd. Burseraceae Noms ver ver naculaires naculaires Créole : bois l’encens [bwa-lansan] (terme générique) Wayãpi : ayawa. Palikur : ayau. Arawak : haiawa balli. Portugais : breu-sucuruba. Écolog ie, mor pholog ie Grand arbre commun en forêt primaire et dans les vieilles forêts secondaires. Collections de référence référence Grenand 241, 1562, 3144 ; Prévost et Sabatier 2800. Emplois Chez les Wayãpi, l’encens provenant de cette espèce est introduit à serre dans des fentes pratiquées au bout de longs bâtons qui constitueront autant de flambeaux (tuli) fichés en terre, alignés et espacés tous les mètres. Ce dispositif est utilisé en cas d’épidémie occasionnée par les esprits des morts qui s’attachent à leurs victimes. À la nuit tombée, les flambeaux odoriférants sont allumés et la population du village défile en serpentant entre eux. Les esprits, incommodés, prennent la fuite. L’opération est en général répétée trois soirs de suite. Les pharmacopées créoles, wayãpi, palikur 267