IRD - Pharmacopées traditionnelles en Guyane

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IRD - Pharmacopées traditionnelles en Guyane
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famille
Bur seraceae
Les espèces de cette famille se caractérisent par leur sève
résineuse et balsamique. Ce caractère a été remarqué par les
Amérindiens puis par les populations néo-coloniales. Les noms
vulgaires employés par les Créoles anglais ou français (incense
wood, bois-encens, baume cochon) sont de ce point de vue très
clairs.
La distinction entre les espèces est en revanche plus délicate,
sans doute en raison de la relative similitude des gommes utilisées. Le problème est compliqué par la circulation et l’utilisation, dans des langues amérindiennes pourtant de familles
linguistiques différentes, d’un nombre de termes de base très
limité. En l’absence d’herbier, il est donc souvent risqué de
vouloir appliquer ces noms à des espèces précises… En présence d’herbiers abondants, en revanche, comme c’est le cas
chez les Palikur et les Wayãpi, on constate malgré tout un certain
flottement dans l’attribution des noms.
En tenant compte de ces difficultés à dégager une image ethnobotanique claire de cette famille, il est tout de même possible d’exposer quelques éléments relativement constants la
concernant, ainsi que de présenter les principales espèces.
Les Burséracées sécrètent par les blessures de l’écorce
une gomme résine plus ou moins épaisse et plus ou moins
parfumée. À l’air, cette résine jaune-orangé se transforme en
une matière grise ou blanche, légère, poreuse, friable, qui
représente l’encens proprement dit. Ces produits ont, aussi
loin que nous possédons des témoignages, trois grandes
utilisations :
• La résine fraîche est employée comme remède externe et
interne utilisé, entre autres, comme cicatrisant. Cet usage est
connu des Créoles, des Palikur et des Kali’na.
• La résine, et plus rarement l’encens, souvent associés à des
colorants sont utilisés comme parfum ou comme produit de
maquillage. Ce dernier est une sorte de laque odoriférante
obtenue en malaxant la résine avec un colorant (fréquemment
le roucou) associé à une graisse dissolvante (Carapa guianensis,
Méliacées par exemple).
• L’encens est un combustible utilisé soit sous forme de flambeau, soit pour allumer le feu, soit comme insectifuge (fumée).
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En dehors des espèces présentées infra, nous pouvons citer
parmi les espèces les plus connues de Guyane pour ces différents usages :
• Protium aracouchini (Aubl.) Marchand, encens tite feuille [bwalansan-ti-féy] (créole) ;
• Protium heptaphyllum (Aubl.) Marchand (De Granville 4437 ;
Grenand 1372 ; Oldeman 1884), bois l’encens [bwa-lansan]
(créole) ; sipˆ (wayãpi) ; si:po (kali’na) ; haiawa (arawak) ;
• Trattinickia rhoifolia Willd. (Grenand 1562, 3144) ; ayawa
(wayãpi) ; aya:wa (kali’na) ; ayau (palikur).
Les tests chimiques effectués sur quelques-unes des espèces
collectées n’ont rien révélé de particulier. C’est une famille à
oléorésine constituée par des huiles terpéniques volatiles et
des alcools et acides triterpéniques. Après incision de l’écorce,
les terpènes volatils s’évaporent, la proportion des sesquiterpènes devenant alors prépondérante dans la résine.
Les analyses publiées reflètent une grande diversité de composition des encens, en fonction de l’origine botanique et géographique.
Protium
heptaphyllum
É cor ce
avec résine
abondante
(encens) se
solidifiant
Pharmacopées
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Protium
heptaphyllum
Fr uits
d’un bois
l’encens
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D acr yodes nitens Cuatr ec .
Burseraceae
Noms ver
ver naculaires
naculaires
Créole : —
Wayãpi : ayawa sili.
Palikur : sedri puvemna, sedri seine.
Écolog ie, mor pholog ie
Arbre peu commun de la forêt primaire.
Collections de référence
référence
Grenand 1067 ; Prévost et Grenand 4308.
Dacryodes
nitens
Fruits
Fruits d’un
bois l’encens
Emplois
Pour les Palikur, la sève qui s’écoule
de l’écorce entaillée est un fortifiant ou
un coupe-faim lorsque l’on est privé de
nourriture (en cas de perte en forêt
par exemple).
Étymolog ie
Palikur : sedri, du créole cèdre, désignant
Cedrela odorata L. (Méliacées) et puvemna,
« à petite feuille » ou seine, « blanc »
(couleur du tronc).
P r otium gallicum Daly
Burseraceae
Noms ver
ver naculaires
naculaires
Créole : bois l’encens [bwa-lansan]
(terme générique).
Wayãpi : walakuseli, tuliˆ.
Palikur : araksim.
Collections de référence
référence
Grenand 2130 ; Lescure 734, 739.
• lorsqu’un chasseur revenait
de forêt, il utilisait l’encens de la même
manière pour que les esprits se détachent
de lui ;
• après un enterrement, on brûlait
l’encens devant les cases du village
et l’on s’en parfumait pour éviter
que l’esprit du mort ne vous suive ;
ces pratiques étaient accompagnées
d’un interdit de consommation
sur le piment2.
Emplois
Chez les Palikur, cet encens était utilisé
pour chasser les esprits :
• lorsqu’une personne avait
un étourdissement, on lui répandait
dans la chevelure de l’encens pilé ;
1. Cette espèce récemment décrite
par DALY (New York Botanical Garden)
est présente dans les forêts côtières
mais semble rare dans l’intérieur.
Elle est très proche de Protium aracouchini
(Aubl.) Marchand.
Écolog ie, mor pholog ie
Arbre moyen au feuillage fin croissant
en forêt primaire1.
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traditionnelles en Guyane
Notes compara tives
tives
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2. L’usage ancien de la résine de Protium
aracouchini (créole, encens tite feuille, kali’na,
ala:kuse:li), associée ou non à l’huile de carapa
comme vulnéraire, n’a pas été retrouvé lors de
nos enquêtes. Chez les Kali’na, la même résine
était utilisée comme laxatif (AHLBRINCK, (1956
[1931]). Récemment VAN ANDEL (2000) a
observé, chez les Amérindiens du nord-ouest
de la Guyana, l’usage de l’écorce réduite en
poudre de Protium decandrum (Aubl.) March.,
pour soigner les plaies, les coupures
et les brûlures.
T etragastris altissima (Aubl.)Swar t
Burseraceae
Synonymies
Synonymies
Icica altissima Aubl. ; Tetragastris phanerocephala
Sandw.
Noms ver
ver naculaires
naculaires
Créole : encens rose [lansan-roz],
bois yaya [bwa-yaya] (St-Georges).
Wayãpi : yaya’ˆ.
Palikur : ayay.
Portugais : breu-manga.
Écolog ie, mor pholog ie
Grand arbre de la forêt primaire et
des vieilles forêts secondaires.
Collections de référence
référence
Berton 100 ; Grenand 441, 1801 ;
Lescure, 427 ; Prévost et Sabatier 2754.
Emplois
Chez les Palikur, la décoction de l’écorce
utilisée en bain soigne l’érysipèle en
traitement de longue durée1. Selon BERTON
(1997), la décoction bue de la même écorce
associée à celle de Parkia pendula
(Mimosacées) est un contraceptif à raison
de deux cuillerées chaque matin.
Elle est aussi considérée comme abortive
en doses plus fortes.
Note compara tive
tive
1. L’écorce râpée de cette espèce est utilisée
par les Surui de Rondônia en application
locale pour soulager les démangeaisons
(COIMBRA Jr., 1985).
T rattinnickia r hoifolia W illd.
Burseraceae
Noms ver
ver naculaires
naculaires
Créole : bois l’encens [bwa-lansan]
(terme générique)
Wayãpi : ayawa.
Palikur : ayau.
Arawak : haiawa balli.
Portugais : breu-sucuruba.
Écolog ie, mor pholog ie
Grand arbre commun en forêt primaire
et dans les vieilles forêts secondaires.
Collections de référence
référence
Grenand 241, 1562, 3144 ;
Prévost et Sabatier 2800.
Emplois
Chez les Wayãpi, l’encens provenant
de cette espèce est introduit à serre dans
des fentes pratiquées au bout de longs
bâtons qui constitueront autant de
flambeaux (tuli) fichés en terre, alignés
et espacés tous les mètres. Ce dispositif
est utilisé en cas d’épidémie occasionnée
par les esprits des morts qui s’attachent
à leurs victimes. À la nuit tombée,
les flambeaux odoriférants sont allumés
et la population du village défile en
serpentant entre eux. Les esprits,
incommodés, prennent la fuite.
L’opération est en général répétée
trois soirs de suite.
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